Confiance et humilité - Canadian Family Physician · 2007. 12. 18. · 706 Canadian Family...
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706 Canadian Family Physician • Le Médecin de famille canadien Vol 53: april • aVril 2007
Reflections • RéflexionsOpinions des résidents
Confiance et humilitéNotre double défi de croissance personnelle durant la résidence Jonathan Kerr MD
Confiance: assurance attribuable à l’appréciation de ses propres habiletés.Humil i té: une humble opinion de sa propre importance.
Compact Oxford English Dictionary of Current English1 (traduction libre)
Durant notre formation médicale, nous sommes appelés à développer de nombreuses habiletés. Nous sommes souvent contraints de dépasser
les limites de notre zone de confort, de procéder à des interventions et à des tâches que nous sommes loin de maîtriser. Pour transiger avec ces situations stressan-tes, notre culture médicale nous enseigne à développer notre confiance en nous-mêmes et à le faire rapidement. Ce faisant, nous passons outre nos insécurités dans l’es-poir que notre entourage et surtout nos patients seront rassurés de nos compétences. Par ailleurs, cette démar-che représente un danger.
En nous efforçant d’en apprendre et d’en faire plus, nous risquons d’avoir trop confiance en nous et de pousser trop loin les limites de nos capacités. De plus, une trop grande confiance en soi peut influencer néga-tivement notre personnalité et notre façon de transiger avec autrui. Nous avons tous travaillé avec des méde-cins arrogants et été embarrassés par leur rudesse avec des collègues et des patients.
Bien entendu, les patients veulent que leur médecin soit très compétent et qu’il ait confiance en lui-même. Par contre, ils veulent et méritent aussi, un médecin qui fasse une introspection, connaisse ses propres limites, apprenne à combler les lacunes dans son savoir et com-prenne son rôle au sein de l’équipe des soins de santé et de sa communauté. En elles-mêmes, les deux défi-nitions précédemment mentionnées ne sont pas mutuellement exclusives. Avec une bonne connaissance de soi, le sta-giaire en médecine ou le médecin en pratique active alimentera à la fois sa confiance et son humilité. Voici quel-ques suggestions à cette fin.
Faire de l’introspectionUn bon médecin doit être conscient de soi. Avez-vous déjà pris du recul et vous êtes-vous évalué vous-même dans vos rencontres cliniques ou dans les
situations au quotidien? Vos connaissances cliniques sont-elles à jour? Comment transigez-vous avec les situations difficiles? En quoi votre personnalité change-t-elle quand vous êtes fatigué? Traitez-vous les autres avec respect? Vos collègues vous ont-ils déjà trouvé prétentieux? En êtes-vous sûr? En réfléchissant à des questions semblables, vous pouvez mieux vous com-prendre et il importe de prendre le temps de faire une telle introspection. Certains trouvent que de se réser-ver du temps dans son horaire est la meilleure façon de s’assurer de prendre le temps de réfléchir sur soi. Vous pouvez sans doute prendre 5 minutes à la fin de la jour-née pour y réfléchir pendant votre jogging. Essayez de prendre cette habitude une fois la semaine. Appelez ce moment votre «temps de croissance personnelle» ou, si vous êtes un adepte des acronymes, votre TCP.
Connaître ses faiblesses et travailler à les corrigerDurant ces moments de croissance personnelle, réflé-chissez à vos faiblesses. Évitez d’inventer le scénario d’une entrevue où vous transformez vos faiblesses en forces. Soyez plutôt entièrement honnête avec vous-même. Réfléchissez à vos faiblesses dans le contexte de différentes dimensions de votre vie: la médecine, la per-sonnalité, les finances, la santé physique, les relations, la spiritualité, etc. Envisagez en faire une liste et étudiez les façons de vous améliorer. Quand vous vous sentez vraiment brave, parlez-en à une autre personne. Vous en serez d’autant plus motivé et les autres commence-ront à remarquer la différence!
Apprendre continuellementQu’importe où vous en êtes dans votre formation ou
votre carrière, il y en a toujours à apprendre. Pour bon nombre d’entre nous, la façon la plus utile et intéres-sante d’apprendre, c’est de le faire en fonction de nos dossiers. Faites preuve d’assez d’humilité pour prendre le temps d’examiner diverses considéra-tions dans le diagnostic et le plan de prises en charge pour lesquels vous n’êtes pas sûr. Avec les micro-outils et les programmes de médecine sur Internet, les réponses sont au bout de nos doigts. De plus, tout au long de la
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journée, faites-vous une liste de questions dont vous pourrez chercher les réponses durant la soirée. Ainsi, vous étudierez des sujets qui vous intéressent vraiment et, avant tout, vos patients en bénéficieront.
Éviter son alter ego désagréableNous avons tous le potentiel de nous transformer d’une personne avec de bonnes manières en alter ego rude et impoli. C’est souvent le cas quant nous sommes fati-gués. Comment répondez-vous à une infirmière à la suite d’un appel à 3 h du matin pour une ordonnance d’acétaminophène? Comment traitez-vous votre collè-gue résident qui vous demande une consultation «bidon» quand vous êtes déjà débordé? Êtes-vous poli au télé-phone? Ressentez-vous de la frustration? Comment se manifeste-t-elle?
À l’origine de certains de ces sentiments négatifs, il y a peut-être l’impression que votre temps importe plus que celui d’autrui. Les services de garde et les consulta-tions ont tendance à favoriser cette culture de l’impor-tance de soi. Tout est question de bataille de territoire et de «botter» le patient dans un autre service. Mais l’hu-milité, c’est «une humble opinion de sa propre impor-tance1». Avez-vous plus d’importance dans les soins au patient que l’infirmière sur l’étage? Êtes-vous vraiment plus occupé que le résident à l’urgence? Ou encore, serait-ce que ces personnes s’occupent vraiment de l’intérêt supérieur des patients? Nous jouons tous dans la même équipe, dans nos rôles respectifs. Le fait de vous en rappeler après un appel au téléavertisseur à 3 h du matin pourrait vous aider à comprendre et à rester poli quand vous rappelez. Oh! N’oubliez pas de sourire quand vous faites l’appel téléphonique. La personne à l’autre bout du fil l’entendra dans votre voix.
S’il vous arrive à l’occasion de manquer de jugement et d’humilité et si vous vous rendez compte que vous avez manqué de gentillesse envers quelqu’un, prenez le temps de rappeler la personne et de vous excuser. Le geste atténuera les mauvaises impressions, réduira le risque de critiques à votre égard et améliorera les rela-tions la prochaine fois que vous travaillerez ensemble.
Établir des objectifs relationnelsNous avons tendance à prendre beaucoup de temps à nous fixer des objectifs professionnels et financiers. Par ailleurs, nous oublions souvent de porter atten-tion à nos relations avec autrui. Prenez le temps de vous établir des objectifs en matière de relation avec les autres. Comment voulez-vous communiquer? Donnez-vous trop de conseils et écoutez-vous les autres trop rarement? C’est une erreur que nous commettons trop souvent, nous les médecins, parce que nous essayons toujours de tout régler. Parfois, écouter est la chose la plus importante que nous puissions faire.
Comment vos collègues, vos amis et votre famille décriraient-ils votre personnalité? Si vous ne le savez
pas, demandez-leur! Dites-leur d’être francs! Vous pour-riez être surpris de leur réponse. Donnez-vous l’impres-sion d’être préoccupé, «soupe au lait» ou grognon?
Quand vous aurez la réponse, demandez-vous com-ment vous aimeriez vraiment que les autres vous per-çoivent. Devriez-vous regarder les autres dans les yeux? Devriez-vous être plus poli? Votre ton de voix est-il approprié? Devriez-vous porter plus d’attention à la réaction d’autrui à votre humeur? En vous fixant des objectifs relationnels, même aussi simples que ceux dont je viens de vous parler, vous pourriez être une personne avec qui il est plus plaisant de travailler et de vivre.
ConclusionLe juste équilibre entre la confiance et l’humilité peut aider le stagiaire en médecine à devenir un médecin superbe et un médecin expérimenté à en devenir un meilleur encore. Il faut des efforts et de la patience pour en arriver à cet équilibre. J’espère que certaines de ces stratégies vous seront bénéfiques à vous, à vos collè-gues et, bien sûr, à vos patients.
Dr Kerr est résident de première année en médecine fami-liale à la Queen’s University, à Kingston, en Ontario.
référence1. Soanes C, editor. Compact Oxford English dictionary of current English. 3e éd.
New York, NY: Oxford University Press; 2005.
Opinions des résidents
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