Compléments de topologie générale...Dans son autobiographie mathématique, le poète Jacques...

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Compléments de topologie générale 1. Espaces topologiques. 2. Voisinages. 3. Systèmes de voisinages, bases d’une topologie. 4. Ensembles fermés, adhérence. 5. Suites, suites généralisées, bases de filtres. 6. Fonctions continues. 7. Exemples d’espaces topologiques. 8. Espaces produits, espaces quotients. 9. Espaces compacts. 10. Espaces connexes. à la mémoire de Jean Dieudonné et de Henri Cartan Pierre-Jean Hormière __________ Dans son autobiographie mathématique, le poète Jacques Roubaud dit que la Topologie générale de Bourbaki est un des chefs d’oeuvre de la langue française. J’ajouterais que c’est aussi un chef d’oeuvre typographique, et ne saurais trop conseiller au lecteur de l’ouvrir. L’étude que voici est une introduction à la topologie générale, complétant le chapitre sur les espaces métriques. L’on suit donc la démarche pédagogique de Jean Dieudonné 1 dans ses Éléments d’Analyse : la pertinence de son point de vue reste entière. Les deux idées essentielles de cette étude sont les différents modes de définition d’une topologie, et la convergence des (bases de) filtres ; pour éclairer cette dernière idée, j’ai introduit la notion, plus ancienne, mais équivalente, de convergence des suites généralisées, qui fait le pont entre les suites usuelles et les filtres. Jean Dieudonné (1906-1992) Henri Cartan (1904-2008) 1 Fin mélomane et bon pianiste, Jean Dieudonné avait, paraît-il, une « phobie » pour les symphonies de Mahler, dixit Pierre Dugac (p. 108). Ah ! Nobody’s perfect…

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Compléments de topologie générale 1. Espaces topologiques.

2. Voisinages.

3. Systèmes de voisinages, bases d’une topologie.

4. Ensembles fermés, adhérence.

5. Suites, suites généralisées, bases de filtres.

6. Fonctions continues.

7. Exemples d’espaces topologiques.

8. Espaces produits, espaces quotients.

9. Espaces compacts.

10. Espaces connexes.

à la mémoire de Jean Dieudonné et de Henri Cartan

Pierre-Jean Hormière __________

Dans son autobiographie mathématique, le poète Jacques Roubaud dit que la Topologie générale de Bourbaki est un des chefs d’œuvre de la langue française. J’ajouterais que c’est aussi un chef d’œuvre typographique, et ne saurais trop conseiller au lecteur de l’ouvrir. L’étude que voici est une introduction à la topologie générale, complétant le chapitre sur les espaces métriques. L’on suit donc la démarche pédagogique de Jean Dieudonné1 dans ses Éléments d’Analyse : la pertinence de son point de vue reste entière. Les deux idées essentielles de cette étude sont les différents modes de définition d’une topologie, et la convergence des (bases de) filtres ; pour éclairer cette dernière idée, j’ai introduit la notion, plus ancienne, mais équivalente, de convergence des suites généralisées, qui fait le pont entre les suites usuelles et les filtres.

Jean Dieudonné (1906-1992) Henri Cartan (1904-2008)

1 Fin mélomane et bon pianiste, Jean Dieudonné avait, paraît-il, une « phobie » pour les symphonies de Mahler, dixit Pierre Dugac (p. 108). Ah ! Nobody’s perfect…

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1. Espaces topologiques. 1.1. Structures topologiques.

Définition 1 : On appelle structure toplogique ou topologie sur un ensemble X la donnée d’un ensemble GGGG de parties de X vérifiant les 3 axiomes : (O I) ∅ ∈ GGGG , X ∈ GGGG ;

(O II ) ∀(U, V) ∈ GGGG2 U ∩ V ∈ GGGG ;

(O III ) Toute réunion d’ensembles de GGGG est un ensemble de GGGG. Les ensembles de GGGG sont appelés ensembles ouverts de la topologie définie par GGGG sur X. On appelle espace topologique un ensemble muni d’une structure topologique, i.e. un couple (X, GGGG).

Il découle de (O II ) par récurrence que toute intersection finie d’ouverts de X est un ouvert de X. On résume les axiomes (O II ) et (O III ) en disant que GGGG est stable par (∩f, ∪q), intersections finies et réunions quelconques. On note par abus X un espace topologique.

Exemples : 1) Topologie chaotique : c’est la topologie GGGG = ∅, X.

2) Topologie discrète : c’est la topologie GGGG = PPPP(X).

3) Soit (E, d) un espace métrique. On dit qu’une partie U de E est ouverte si ∀x ∈ U ∃ r > 0 ∀y ∈ E d(x, y) < r ⇒ y ∈ U . L’ensemble GGGG des ouverts satsifait aux axiomes (O I, O II , O III ). (E, GGGG) est appelé espace topolo-gique sous-jacent à l’espace métrique (E, d). On peut dire, par abus, qu’un espace métrique est un espace topologique. Nous verrons d’autres exemples d’espaces topologiques au § 7. 1.2. Point intérieur, intérieur d’une partie.

Définition 2 : Soient X un espace topologique, A une partie de X. Un point x ∈ X est dit intérieur à A s’il existe un ouvert U de X tel que x ∈ U et U ⊂ A. L’ensemble des points intérieurs à A s’appelle l’intérieur de A et se note Int(A) ou Å.

Proposition 1 : Int(A) est le plus grand ensemble ouvert contenu dans A.

Preuve : a) Soit U un ouvert inclus dans A. Tout point x de U est intérieur à A, donc U ⊂ Å.

b) Å est ouvert. En effet, pour tout x ∈ Å, choisissons un ouvert U(x) tel que x ∈ U(x) ⊂ A.

Alors Å = U°∈Ax

x ⊂ U°∈Ax

xU )( ⊂ Å, donc Å = U°∈Ax

xU )( et Å est ouvert par (O III ).

Conséquences : − Å est la réunion des ouverts contenus dans A. − A est ouvert ssi Å = A.

Proposition 2 : L’application A → Int(A) de PPPP(X) dans PPPP(X) vérifie les axiomes : (ℑ I) Int(X) = X ; (ℑ II ) ∀A ∈ PPPP(X) Int(A) ⊂ A ; (ℑ III ) ∀A ∈ PPPP(X) Int(Int(A)) = Int(A) ; (ℑ IV ) ∀A, B ∈ PPPP(X) Int(A ∩ B) = Int(A) ∩ Int(B) .

Remarque 1 : En général l’intérieur de l’intersection d’une famille infinie de parties de X n’est pas l’intersection des intérieurs. De plus, on n’a pas en général Int(A ∪ B) = Int(A) ∪ Int(B).

Remarque 2 : Réciproquement, si l’on se donne une application A → Int(A) de P(X) dans P(X) vérifiant les 4 axiomes ci-dessus, on peut vérifier que G = A ∈ P(X) ; Int(A) = A vérifie les axiomes (OI), (OII ) et (OIII ), et que Int(A) n’est autre que l’intérieur de A pour la topologie G .

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2. Voisinages. Définition 1 : Soient (X, GGGG) un espace topologique, x un point de X, A une partie de X. On dit que V∈ PPPP(X) est un voisinage de x si x ∈ Int(V), ou encore s’il existe un ouvert U tel que x ∈ U et U ⊂ V. Plus généralement V est appelé voisinage de A s’il contient un ouvert contenant A.

Proposition 1 : Un ensemble est ouvert ss’il est un voisinage de chacun de ses points.

Proposition 2 : Pour tout x, soit VVVV(x) l’ensemble des voisinages de x. Alors : (V I) ∀ x ∈ E ∀ V ∈ VVVV(x) x ∈ V (V II ) ∀U, V ∈ VVVV(x) U ∩ V ∈ VVVV(x) (V III ) ∀U ∈ VVVV(x) U ⊂ V ⇒ V ∈ VVVV(x) (V IV ) ∀U ∈ VVVV(x) ∃V ∈ VVVV(x) y ∈ V ⇒ U ∈ VVVV(y)

Preuve : Si V ∈ VVVV(x) , x ∈ Int(V), donc x ∈ V. Si U et V sont deux voisinages de x, x ∈ Int(U) ∩ Int(V) = Int(U∩V), donc U∩V est voisinage de x. (V III ) est évident. La propriété (V IV ) est compliquée mais fondamentale. Si U est un voisinage de x, soit V = Int(U) ; V est un voisinage de x, et y ∈ V ⇒ y ∈ Int(U) ⇒ U ∈ VVVV(y).

Les axiomes (V I, II, III ) expriment que les voisinages de x forment ce qu’on appellera plus tard un « filtre ». L’axiome (V IV ) exprime les relations entre les voisinages de différents points, et s’énonce ainsi en français : « tout voisinage de x est aussi un voisinage des points suffisamment voisins de x », et en québecois : « tout chum de x est aussi un chum des points suffisamment chums de x » 2.

Théorème : Soit X un ensemble. Donnons-nous, pour chaque x ∈ X, un ensemble non vide VVVV(x) de parties de X vérifiant les axiomes (V I, II, III, IV ). Il existe sur X une topologie et une seule telle que, pour tout x ∈ X, VVVV(x) soit l’ensemble des voisinages de x pour cette topologie.

Preuve : D’après la proposition 3, si cette topologie existe, les ouverts sont les ensembles A tels que (∀x ∈ A) A ∈ VVVV(x). Ceci montre déjà son unicité.… Soit donc GGGG = A ∈ PPPP(X) ; (∀x ∈ A) A ∈ VVVV(x) . GGGG vérifie (O I), (O II ) et (O III ) : laissé au lecteur. Reste à voir que, pour la topologie définie par GGGG sur X, pour tout x, VVVV(x) est l’ensemble des voisinages de x. Soit V un voisinage de x : ∃U ∈ GGGG x ∈ U ⊂ V, donc U ∈ VVVV(x) et, d’après (V III ) V ∈ VVVV(x) ; tout voisinage de x est élément de VVVV(x). Réciproquement, soient V ∈ VVVV(x) et U = y ∈ X ; V ∈ VVVV(y) . Montrons que U ∈ GGGG et x ∈ U ⊂ V. Alors V sera un voisinage de x. Enfin U ∈ GGGG, i.e. (∀y ∈ U) U ∈ VVVV(y). Or soit y ∈ U ; ∃W ∈ VVVV(y) ∀z ∈ W V ∈ VVVV(z) en vertu de (V IV ). V ∈ VVVV(z) ⇔ z ∈ U par défintion ; donc W ⊂ U et U ∈ VVVV(y). CQFD.

Remarque : On notera le rôle indispensable joué par l’axiome (V IV ). Ce théorème fournit un mode local de définition d’une topologie sur un ensemble.

Définition 2 : L’espace topologique X est dit séparé si deux points distincts peuvent être séparés par des voisinages disjoints, autrement dit :

(H) ∀(x, y) ∈ X×X x ≠ y ⇒ ∃(U, V) ∈ VVVV(x)×VVVV(y) U ∩ V = ∅.

Exemples : − Un espace métrique (E, d) est un espace séparé, car si x et y sont deux points distincts de E, les boules ouvertes de centres x et y et de rayon d(x, y)/2 sont disjointes. − En revanche, si d est une semi-distance sur E ne vérifiant pas d(x, y) = 0 ⇒ x = y, l’espace topologique (E, d) n’est pas séparé.

2 Clin d’œil à Michel Tremblay.

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3. Systèmes fondamentaux de voisinages ; bases d’une topologie.

3.1. Systèmes fondamentaux de voisinages d'un point .

Définition 1 : Soient X un espace topologique, x un point de X. Un système fondamental de voisinages de x est un ensemble SSSS de voisinages de x tel que, pour tout voisinage V de x, il existe W ∈ SSSS tel que W ⊂ V.

Notons que si SSSS est un système fondamental de voisinages de x, toute intersection finie d’ensembles de SSSS contient un ensemble de SSSS.

Exemples : 1) Les voisinages ouverts de x forment un système fondamental de voisinages de x. 2) Si (E, d) est un espace métrique, les boules ouvertes B(x, r), r > 0, mais aussi les boules fermées

B’(x, r), r > 0, les boules ouvertes B(x, n1 ), n ∈ N*, et les boules fermées B(x,

n1 ), n ∈ N*, forment

des systèmes fondamentaux de voisinages de x. 3) Si X est un espace discret, c’est-à-dire GGGG = PPPP(X), l’ensemble x est un système fondamental de voisinages de x.

Théorème 1 : Soient X un espace topologique, x ∈ X. Un système fondamental SSSS(x) de voisinages de x de voisinages de x vérifie : (S I) ∀V ∈ SSSS(x) x ∈ V ; (S II ) ∀U, V ∈ SSSS(x) ∃W ∈ SSSS(x) W ⊂ U ∩ V. (S III ) ∀U ∈ SSSS(x) ∃V ∈ SSSS(x) y ∈ V ⇒ ∃W ∈ SSSS(x) W ⊂ U. Réciproquement si l’on se donne, pour chaque point x de X, un ensemble SSSS(x) de parties de X vérifiant ces axiomes, il existe une et une seule topologie sur X telle que, pour tout x, SSSS(x) soit un système fondamental de voisinages de x.

Preuve : La vérification de (S I), (S II ) et (S III ) est laissée en exercice. Pour la réciproque, si la topologie existe, nécessairement VVVV(x) = V ; ∃U ∈ SSSS(x) U ⊂ V . En vertu

du th. du § 2, il suffit de montrer que la famille (VVVV(x))x∈X vérifie les axiomes (V I) à (V IV ). 3.2. Bases d’une topologie.

Définition 2 : Soit X un espace topologique. On appelle base de la topologie de X tout ensemble BBBB de parties ouvertes tel que tout ensemble ouvert de X soit réunion d’ensembles appartenant à BBBB.

Proposition 1 : Pour qu’un ensemble BBBB de parties ouvertes de X soit une base de la topologie de X, il faut et il suffit que pour tout x ∈ X, l’ensemble V ∈ BBBB ; x ∈V soit un système fondamental de voisinages de x.

Preuve : La condition est nécessaire, car si W est un voisinage de x, W contient un ouvert contenant

x. Cet ouvert s’écrit UIi

iA∈

, où (∀i) Ai ∈ BBBB. Or ∃j ∈ I x ∈ Aj ⊂ W. Donc V ∈ BBBB ; x ∈ V est un

système fondamental de voisinages de x.

La condition est suffisante, car si U est un ouvert de X, ∀x ∈ U ∃Vx ∈ BBBB x ∈ Vx ⊂ U.

Alors U = UUx

x∈

⊂ UUx

xV∈

⊂ U, donc U = UUx

xV∈

, et BBBB est une base de la topologie de X.

Exemples : 1) La topologie discrète a pour base l’ensemble des singletons.

2) Soit (E, d) un espace métrique. B(x, r) ; x ∈ E, r > 0 est une base de la topologie de E, ainsi que B(x,

n1 ) ; x ∈ E, n ∈ N* . Si D est une partie dense de E, B(x,

n1 ) ; x ∈ D, n ∈ N* est

également une base de cette topologie.

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Théorème 2 : Soient X un espace topologique, BBBB une base de sa topologie. BBBB vérifie : (B I) ∀x ∈ X ∃A ∈ BBBB x ∈ A ; (B II ) ∀x ∈ X ∀A, B ∈ BBBB x ∈ A et x ∈ B ⇒ ∃C ∈ BBBB x ∈ C ⊂ A ∩ B. Réciproquement, si BBBB est un ensemble de parties de X vérifiant ces deux axiomes, il existe une et une seule topologie sur X admettant BBBB comme base.

Preuve : Soit BBBB une base de X. X est ouvert, donc réunion d’éléments de BBBB ; BBBB est donc un recouvrement de X d’où (B I). Si x ∈ A ∩ B, avec A et B ∈ BBBB , alors A ∩ B est un ouvert contenant

x. Du coup A ∩ B = UIi

iC∈

, où les Ci appartiennent à BBBB. Donc, ∃i0 x ∈ Ci0 ⊂ A ∩ B ; c’est (B II ).

Réciproquement, soit BBBB un ensemble de parties de X vérifiant (B I) et (B II ). S’il existe une topologie sur X ayant BBBB pour base, les ouverts sont les réunions quelconques d’ensembles de BBBB, y compris ∅. Voilà pour l’unicité. Soit donc GGGG l’ensemble de ces réunions. Les axiomes (O I) et (O III ) sont évidents. Seul reste (O II), qui est laissé au lecteur.

Les deux principaux moyens de définir des topologies sont, l’un global (par les ouverts), l’autre local (par les voisinages). Les deux théorèmes précédents assouplissent ces deux approches. 3.3. Axiomes de dénombrabilité.

Définition 3 : On dit qu’un espace topologique X vérifie : − le premier axiome de dénombrabilité si chaque point de X possède un système fondamental dénombrable de voisinages. − le second axiome de dénombrabilité s’il admet une base dénombrable ; on dit aussi qu’il est à base dénombrable.

Il résulte de ce qui précède que le second axiome implique le premier.

Exemple : Un espace métrisable satisfait toujours au premier axiome de dénombrabilité, puisque

chaque point x admet (B(x, 1/n))n∈N comme système fondamental de voisinages. En revanche, il ne vérifie pas toujours le second axiome.

4. Ensembles fermés, adhérence.

4.1. Ensembles fermés.

Définition 1 : Dans un espace topologique X, un ensemble est dit fermé s’il est le complémentaire d’un ensemble ouvert.

Proposition 1 : L’ensemble FFFF des fermés de (X, GGGG) vérifie les trois axiomes (F I) ∅ et X sont des fermés de X ; (F II ) La réunion de deux fermés de X est un fermé de X ; (F III ) L’intersection d’une famille quelconque de fermés de X est un fermé de X.

Etant donné un ensemble FFFF de parties de X vérifiant (FI, II, III ), il existe une et une seule topologie sur X pour laquelle FFFF est l’ensemble des fermés de X.

Attention ! un ensemble peut être à la fois ouvert et fermé (ainsi ∅ et X), et peut n’être ni ouvert ni fermé (ainsi [0, 1[ dans R). Dans un espace discret, tout ensemble est à la fois ouvert et fermé. 4.2. Points adhérents, adhérence.

Définition 2 : Dans l’espace topologique X, le point x est dit adhérent à l’ensemble A si tout voisinage de x rencontre A. L’ensemble des points adhérents à A s’appelle adhérence de A et se

note Adh(A) ou A .

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En résumé, x est adhérent à A ss’il existe des points de A « aussi voisins qu’on veut » de x. Il faut et il suffit pour cela que tout élément d’un système fondamental de voisinages de x rencontre A.

Dire que x est non adhérent à A signifie qu’il existe un voisinage de x inclus dans X − A, i.e. que x est intérieur au complémentaire de A, ensemble appelé extérieur de A.

Proposition 2 : Pour toute partie A de X, CX Adh(A) = Int(CX A) et CX (Int A) = Adh(CX A).

Proposition 3 : L’application A → Adh(A) de PPPP(X) dans PPPP(X) vérifie les axiomes : (AAAA I) Adh(X) = X ; (AAAA II ) ∀A ∈ PPPP(X) A ⊂ Adh(A) ; (AAAA III ) ∀A ∈ PPPP(X) Adh(Adh(A)) = Adh(A) ; (AAAA IV ) ∀A, B ∈ PPPP(X) Adh(A ∪ B) = Adh(A) ∪ Adh(B) .

Les remarques 1 et 2 de 1.2 se transcrivent par dualité.

Proposition 4 : L’adhérence de A est le plus petit fermé contenant A.

Corollaire : L’ensemble A est fermé ssi A = A.

Les points adhérents à A sont de deux types :

− soit tout voisinage de x contient un point de A différent de x. On dit alors que x est point d’accumulation, ou point limite, de A. C’est automatiquement le cas lorsque x ∉ A. − soit il existe un voisinage de x ne contenant aucun point de A différent de x . On dit que x est un point isolé de A. Nécessairement x ∈ A.

Dire que x est isolé dans X équivaut à dire que x est un ensemble ouvert. Un ensemble est fermé ss’il contient tous ses points d’accumulation (car il contient toujours ses points isolés).

Définition 3 : Un ensemble fermé sans point isolé est dit parfait .

Définition 4 : On appelle extérieur de A, et on note Ext(A), le complémentaire de son adhérence,

ou encore l’intérieur de son complémentaire, Ext(A) = CX Adh(A) = Int(CX A). On appelle frontière de A, et on note Fr(A), l’ensemble des points adhérents à la fois à A et à son complémentaire dans X. 3

Au fond, toute partie A de X définit une partition de X : Int(A), Ext(A), Fr(A). Mais certains de ces ensembles peuvent être vides.

Exercice : Montrer que A est ouvert si et seulement s’il ne rencontre pas sa frontière. Montrer que A est fermé si et seulement s’il contient sa frontière.

Exercice : axiomes de Kuratowski. Soit A → Adh(A) une application de PPPP(X) dans PPPP(X) vérifiant les axiomes (AAAA I), (AAAA II ), (AAAA III ) et (AAAA IV ). Montrer qu’il existe une unique topologie sur X telle que, pour tout A, Adh(A) soit l’adhérence de A. 4.3. Ensembles partout denses.

Définition 5 : Une partie A d’un espace topologique X est dite dense, ou partout dense, si A = X, autrement dit si tout ouvert non vide rencontre A.

Exemples : 1) Dans la droite numérique R, Q et R−Q sont complémentaires et toutes deux denses. 2) Dans un espace discret X, le seul ensemble dense est X. 3) Dans un espace chaotique non vide, toute partie non vide est dense.

Exercice : Montrer que l’intersection d’un ouvert dense et d’une partie dense est une partie dense.

3 La notion de frontière ici définie est discutée dans l’article de Dugowson (cf. bibliographie).

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Proposition 5 : Si BBBB est une base de l’espace topologique X, il existe dans X un ensemble dense D tel que card(D) ≤ card(BBBB).

Preuve : On peut se limiter au cas où les ensembles de BBBB sont non vides. Alors pour chaque U ∈ BBBB

choisissons xU ∈ U. Tout ouvert non vide contient un U ∈ BBBB donc rencontre D = xU ; U ∈ BBBB . Donc D est dense et card(D) ≤ card(BBBB).

Corollaire : Un espace topologique ayant une base dénombrable admet une partie dénombrable dense.

NB : La réciproque est vraie pour les espaces métrisables, mais non en général. Considérons un ensemble non dénombrable X muni de la topologie dont les ouverts sont l’ensemble vide et les parties contenant l’élément p. Alors p est dense, mais X− p est discret, donc X est sans base dénombrable. 4.4. Ensembles constructibles.

Exercice : Soient X un espace topologique, CCCC la plus petite partie de PPPP(X) vérifiant : i) tout ouvert de X appartient à CCCC ; ii) le complémentaire d’une partie Z ∈ CCCC appartient à CCCC ; iii) toute réunion finie d’ensembles de CCCC appartient à CCCC . Démontrer que CCCC est l’ensemble des réunions finies d’ensembles de la forme U ∩ F, où U est un ouvert, et F un fermé de X. Les ensembles appartenant à CCCC sont dits constructibles.

5. Suites, suites généralisées, bases de filtres.

Nous allons pointer ici une différence essentielle entre les espaces métriques ou métrisables et les espaces topologiques généraux. Alors que, dans un espace métrique, l’adhérence de A est l’ensemble des limites de toutes les suites convergentes d’éléments de A, il n’en est plus de même dans un espace topologique général. Il faut définir et étudier des modes plus abstraits de convergence.

5.1. Suites convergentes.

Définition 1 : On dit qu’une suite (xn)n∈N d’éléments de l’espace topologique X converge si :

∃x ∈ X ∀V ∈ VVVV(x) ∃n0 ∀n ≥ n0 xn ∈ V.

On écrit x ∈ limn→+∞ xn ou, par abus, x = limn→+∞ xn, et on dit que x est une limite de la suite (xn).

Propriétés :

1) Si SSSS(x) est un système fondamental de voisinages de x, la condition précédent équivaut à : ∃x ∈ X ∀V ∈ SSSS(x) ∃n0 ∀n ≥ n0 xn ∈ V.

2) Si (xn) est une suite de limite x, toute suite extraite aura pour limite x.

3) Attention ! Une suite convergente n’a pas de limite unique en général : elle l’est lorsque X est séparé (cf. 5.2. prop 19).

Définition 2 : La suite (xn)n∈N admet x comme valeur d’adhérence si :

∀V ∈ VVVV(x) ∀n0 ∃n ≥ n0 xn ∈ V.

Proposition 1 : i) S’il existe une suite extraite de (xn) convergeant vers x, alors x est une valeur d’adhérence de (xn). ii) Si x admet un système fondamental dénombrables de voisinages, la réciproque est vraie.

Définition 3 : Une partie A de l’espace topologique X est dite séquentiellement fermée si, pour toute suite (xn)n∈N de points de A convergente dans X, x ∈ limn →+∞ xn ⇒ x ∈ A.

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Proposition 2 : a) Toute partie fermée est séquentiellement fermée. b) Si tout point de X possède un système fondamental dénombrable de voisinages (« premier axiome de dénombrabilité »), toute partie séquentiellement fermée est fermée.

Preuve : a) Si A est fermé, soit (xn) une suite de points de A tendant vers x. Si x ∉ A, alors X−A

erait un voisinage ouvert de x, donc ∃n0 ∀n ≥ n0 xn ∈ X−A : impossible !

b) Soient A une partie séquentiellement fermée de X, x un point adhérent à A, (Vn) un système

fondamental dénombrable de voisinages de x. Pour tout n, soient Un = V0 ∩ V1 ∩ … ∩ Vn et

xn ∈ A ∩ Un. Montrons que xn → x. ∀W ∈ VVVVx ∃n0 Vn0 ⊂ W ; a fortiori Un0 ⊂ W, donc ∀n ≥ n0

Un ⊂ W. Donc ∀n ≥ n0 xn ∈ W. Comme A est séquentiellemnt fermée, x ∈ A. cqfd. Proposition 3 : Soit (X, GGGG) un espace topologique. L’ensemble FFFFs des parties séquentiellement fermées de X vérifie les axiomes (FI, II, III ).

La proposition précédente a une première conséquence 4 : les éléments de FFFFs sont les fermés d’une topologie sur X, que l’on appellera topologie séquentielle associée à la topologie de X. Notons GGGGs l’ensemble des ouverts de cette topologie. − Si X vérifie le premier axiome de dénombrabilité, on a GGGG = GGGGs et FFFF = FFFFs . − Dans tous les cas, la topologie séquentielle est plus fine que la topologie originelle. − Lorsqu’elles sont distinctes, X ne vérifie pas le premier axiome de dénombrabilité, et n’est a fortiori pas métrisable.

Si A est une partie de X, on appelle adhérence séquentielle de A, et on note s

A , l’adhérence de A pour la topologie séquentielle, c’est-à-dire la plus petite partie séquentiellement fermée contenant A.

Attention ! Il ne faut pas croire que s

A est l’ensemble des limites des suites d’éléments de A convergentes dans X, car cet ensemble n’est en général pas séquentiellemnt fermé.

En réalité, une construction « explicite » de s

A passe par les ordinaux dénombrables, dont

l’ensemble sera noté Ω. Si B est une partie de X, nous noterons B’ l’ensemble des limites des suites d’éléments de B

convergentes dans X. Définissons par récurrence transfinie la famille (Aα)α∈Ω par :

• A0 = A ;

• Si α ∈ Ω, Aα+1 = (Aα)’ ;

• Si λ est un ordinal limite, Aλ = (Uλα

α<

A )’.

Théorème : L’adhérence séquentielle de A est donnée par s

A = UΩ∈α

αA

Preuve : i) On montre par récurrence transfinie que Aα ⊂ s

A pour tout α ∈ Ω.

ii) On montre que UΩ∈α

αA est séquentiellement fermé. Cela découle de ce que toute suite d’ordinaux

dénombrables est majorée dans Ω. 5.2. Convergence au sens de Moore-Smith des suites généralisées (1922).

Définition 4 : Un ensemble ordonné (I, ≤) est dit filtrant supérieurement si : ∀(a, b) ∈ I × I ∃c ∈ I a ≤ c et b ≤ c Il revient au même de dire que toute partie finie non vide de I est majorée.

4 Je ne l‘ai vue mentionner nulle part, ce qui me laisse perplexe.

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Définition 5 : On appelle suite généralisée d’éléments de X une famille (xa)a∈I d’éléments de X indexée par un ensemble ordonné non vide, filtrant supérieurement.

Exemples :

1) Les suites, finies ou infinies, sont des suites généralisées. 2) L’ensemble des parties finies de N, ordonné par inclusion, est filtrant supérieurement.

3) L’ensemble des complémentaires des parties finies de N, ordonné par A ≤ B ⇔ B ⊂ A, est lui aussi filtrant supérieurement.

4) Si X est un espace topologique, l’ensemble VVVVx des voisinages de x, ordonné par U ≤ V ⇔ V ⊂ U, est filtrant supérieurement.

Définition 6 : Soit X un espace topologique. On dit que la suite généralisée (xa)a∈I d’éléments de X

converge si ∃x ∈ X ∀V ∈ VVVV(x) ∃a ∈ I ∀b ∈ I a ≤ b ⇒ xb ∈ V.

On note x ∈ lima∈I xa , ou x = lima∈I xa (par abus) ou (xa)a∈I → x .

Proposition 4 : Soit A une partie de X. Pour que x soit adhérent à A, il faut et il suffit qu’il existe

une suite généralisée (xa)a∈I d’éléments de A convergeant vers x.

Preuve : Supposons qu’une suite généralisée (xa)a∈I d’éléments de A convergeant vers x. Alors tout

voisinage de x contient au moins un xa, donc rencontre A. Réciproquement, soient x un point adhérent à A, et SSSS(x) un système fondamental de voisinages de x. Ordonné par U ≤ V ⇔ V ⊂ UUUU, SSSS(x) est filtrant supérieurement. Pour chaque U ∈ SSSS(x), choisissons

xU dans U ∩ A. la famille (xU)U∈S(x) est une suite généralisée d’éléments de A qui tend vers x, car

∀V ∈ VVVV(x) ∃U ∈ SSSS(x) U ⊂ V. Alors

∀U’ ∈ SSSS(x) U ≤ U’ ⇒ U’ ⊂ U ⇒ U’ ⊂ V ⇒ xU ∈ U’ ∩ A ⊂ V ∩ A

Corollaire : Une partie A est fermée si et seulement si, pour toute suite généralisée (xa)a∈I d’éléments de A convergeant vers x, x appartient à A.

Définition 7 : Une suite extraite, ou sous-suite, d’une suite généralisée (xa)a∈I est une suite

généralisée (yb)b∈J telle que ∀a ∈ I ∃b ∈ J ∀b’ ∈ J b ≤ b’ ⇒ ∃a’ ∈ I a ≤ a’ et xa’ = yb’.

Proposition 5 : Si une suite généralisée (xa)a∈I converge vers x, toute suite extraite aussi.

Définition 8 : On dit que la suite généralisée (xa)a∈I admet x comme valeur d’adhérence si :

∀V ∈ VVVV(x) ∀a ∈ I ∃b ∈ I a ≤ b et xb ∈ V.

Proposition 6 : La suite généralisée (xa)a∈I admet x comme valeur d’adhérence ss’il existe une suite

extraite (yb)b∈J convergeant vers x.

Proposition 7 : Pour que X soit séparé, il faut et il suffit que chaque suite généralisée convergente admette une seule limite.

Proposition 8 : Si chaque point de X possède un système fondamental dénombrable de voisinages, alors, dans les propositions précédentes, on peut remplacer les suites généralisées par des suites.

Cela s’applique en particulier aux espaces métriques et semi-métriques.

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5.3. Convergence des bases de filtres (H. Cartan, 1937).

La théorie des filtres5 fut inventée par Henri Cartan lors du congrès Bourbaki de Chançay en 1937. Equivalente au fond à la convergence de Moore-Smith, elle est plus moderne et plus abstraite. Ce qui suit n’est qu’une introduction à cette théorie.

Définition 9 : Soit X un ensemble. On appelle base de filtre sur X un ensemble BBBB de parties de X vérifiant : (BF I) ∀A, B ∈ BBBB ∃C ∈ BBBB C ⊂ A ∩ B (BF II ) BBBB ≠ ∅ et ∅ ∉ BBBB .

Exemples :

1) Soit (I, ≤) un ensemble ordonné non vide, filtrant supérieurement, BBBB l’ensemble des [a, →[, où a décrit I. BBBB est une base de filtre ; c’est la base de filtre des sections de l’ensemble (I, ≤).

2) Soit BBBB une base de filtre sur X. La relation A ≤ B ⇔ B ⊂ A fait de BBBB un ensemble ordonné non vide, filtrant supérieurement, et la base de filtre des sections de BBBB s’identifie à BBBB via A → [A, →[.

3) Soient X un espace topologique, SSSSx un système fondamental de voisinages de x. Sx est une base de filtre sur X. En particulier VVVV(x) est une base de filtre.

4) Soit I = [a, b] un segment de R. On appelle subdivision de I une partie finie de I contenant a et

b. On la note σ = (x0 = a < x1 < … < xn = b) ; |σ| = max |xi+1 − xi| s’appelle pas ou module de σ. Pour tout ε > 0, notons Σ(ε) = σ ; |σ| ≤ ε l’ensemble des subdivisions de pas ≤ ε. C’est une base de filtre sur l’ensemble FFFF(I) des parties finies de I contenant a et b. La convergence des sommes de Riemann peut se présenter à l’aide de cette base de filtre.

Définition 10 : On dit qu’une base de filtre BBBB sur l’espace topologique X converge vers x si tout voisinage de x contient un ensemble de BBBB.

On note x ∈ lim BBBB ou, par abus, x = lim BBBB.

Il suffit pour cela que tout ensemble d’un système fondamental de voisinages de x contienne un ensemble de BBBB. En particulier, tout système fondamental de voisinages de x converge vers x.

Exemple : Dans R, [0, 1/n] ; n ∈ N* est une base de filtre convergeant vers 0.

Proposition 9 : Pour que x soit limite d’une base de filtre sur X, il faut et il suffit que x soit limite d’une suite généralisée.

5 « C’est ici que le mot filtre, et l’image qu’aussitôt il évoque, vient s’interposer entre la topologie telle qu’elle est (…) et le souvenir persistant que j’en ai gardé. Cela veut dire qu’il ne m’était pas possible alors, qu’il ne m’est pas possible encore aujourd’hui de ne pas voir ces filtres, et surtout de ne pas les voir comme liés, et même surimposées à une représentation mentale de ces objets exaspérants qu’étaient les cafés-filtres des cafés. C’étaient des objets dont la matérialité s’imposait d’une manière impérialiste à mon appareil sensoriel, en raison de ma maladresse, alors spécialement manifeste dans le maniement des ustensiles de toute sorte. Je pense tout particulièrement à la lenteur générale de l’écoulement de leur contenu, cette soupe brunâtre qualifiée sans honte de café, qui m’amenait à les saisir, en dépit de toutes mes expériences antérieures, avant l’achèvement du trajet de haut en bas du liquide et par conséquent à me brûler les doigts ; puis à me brûler la langue en essayant de m’en débarrasser trop tôt en les buvant. Je les vois et je vois aussitôt quelque chose comme une icône d’espace topologique, une sorte de grande prairie de « points », chacun placé au-dessous d’une tasse-filtre, son « filtre de voisinages » (dans la terminogloie bourbakiste) et en recevant goutte à goutte sa nature. (…) L’image alors s’amplifiait, se démultipliait, s’éloignant de plus en plus des terrasses possibles de cafés réels pour donner naissance à quelque chose comme un échafaudage, une superposition magique d’une quantité indéterminée (éventuellement infinie) de filtres, en communication deux à deux et laissant passer de plus en plus difficilement une quintessence caféière de plus en plus pure. Les plus parfaits de ces êtres singuliers étaient ceux qui « convergeaient vers une limite », qui « tendaient » (dotés par le discours topologique de quelque chose comme une singulière volition, une force intérieure, un « impetus »), vers un point limite imaginable (imaginé par moi) comme une sorte de grain de café liquide concentré infiniment dans la soucoupe d’un espace. » (J. Roubaud, Mathématique : , p. 164)

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Preuve : 1) Soit x = lim BBBB. Pour tout A ∈ BBBB, choisissons xA∈A Alors (xA)A∈BBBB est une suite généralsiée d’après l’exemple 2 ci-dessus. Et cette suite converge vers x car

∀V ∈ VVVV(x) ∃A ∈ BBBB A ⊂ V. Alors ∀B ∈ BBBB A ≤ B ⇒ B ⊂ A ⇒ B ⊂ V ⇒ xB ∈ V.

2) Réciproquement, soit x = lima∈I xa , BBBB l’ensemble des xb ; b ≥ a lorsque a décrit I. BBBB est une

base de filtre sur X et x = lim BBBB car ∀V ∈ VVVV(x) ∃a ∈ I a ≤ b ⇒ xb ∈ V , i.e. xb ; b ≥ a ⊂ V.

Définition 11 : On dit que x est adhérent à une base de filtre BBBB sur l’espace topologique X s’il est adhérent à tous les ensembles de BBBB.

On en déduit aussitôt que l’ensemble des points adhérents à BBBB est un fermé de X ; c’est IBM

M∈

.

Définition 12 : Une base de filtre BBBB’ sur X est dite plus fine qu’une base de filtre BBBB si tout ensemble de BBBB contient un ensemble de BBBB’.

Exemple : Une base de filtre BBBB converge vers x ssi BBBB est plus fine que VVVV(x).

Proposition 10 : Pour que x soit adhérent à une base de filtre BBBB sur l’espace X, il faut et il suffit qu’il existe une base de filtre BBBB’ plus fine que BBBB et convergeant vers x.

6. Fonctions continues. 6.1. Continuité en un point.

Théorème et définition 1 : Soient X et X’ deux espaces topologiques, f une application de X dans X’. Les propriétés suivantes sont équivalentes :

(CI) Pour tout voisinage V’ de f(x0) dans X’, il existe un voisinage V de x0 dans X tel que

x ∈ V ⇒ f(x) ∈ V’.

(CII) L’image réciproque par f de tout voisinage de f(x0) dans X’ est un voisinage de x0 dans X.

(CIII) Pour toute suite généralisée (xa)a∈I d’éléments de X tendant vers x0, la suite (f(xa))a∈I tend

vers f(x0).

L’application f : X → X’ est dite continue en x0 ∈ X si elle vérifie l’une de ces conditions.

Preuve : L’équivalence de (C I) et (C II) découle de ce que f(V) ⊂ V’ ⇔ V ⊂ f−1

(V’).

(C I) ⇒ (C III). Soient V’ un voisinage de f(x0) dans X’, V un voisinage de x0 dans X tel que f(V) ⊂

V’. Alors ∃a ∈ I a’ ≥ a ⇒ xa’ ∈ V ⇒ f(xa’) ∈ V’. C’est dire que f(xa) → f(x0).

(C III) ⇒ (C I) se montre par absurde. Soit V’ un voisinage de f(x0) dans X’ tel que f−1

(V’) ne soit

pas un voisinage de x0. Tout ouvert U contenant x0 n’est pas contenu dans f−1

(V’) :

∃xU ∈ U xU ∉ f−1

(V’) , i.e. f(x U) ∉ V’.

La famille (xU) indexée par l’ensemble SSSSx0 des voisinages ouverts de x0, est une suite généralisée si

on ordonne SSSSx0 par U ≤ V ⇔ V ⊂ U. Et cette suite tend vers x0. Par hypothèse, (f(xU)) tend vers

f(x0), donc ∃U ∀V U ≤ V ⇔ V ⊂ U ⇒ f(xV) ∈ V’ , contredisant (∀U) f(xU) ∉ V’. cqfd.

Proposition 1 : Soient X, Y et Z trois espaces topologiques, f : X → Y et g : Y → Z. Si f est continue en x et g est continue en y = f(x), alors g o f est continue en x. 6.2. Continuité globale.

Définition 2 : Soient X et X’ deux espaces topologiques. Une application f : X → X’ est dite continue si elle est continue en tout point de X.

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Proposition 2 : La composée de deux fonctions continues est continue.

Théorème de Hausdorff. Soient X et X’ deux espaces topologiques, f une application : X → X’. Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) f est continue ; ii) L’image réciproque par f de tout ouvert de X’ est un ouvert de X ; iii) L’image réciproque par f de tout fermé de X’ est un fermé de X ;

iv) Pour toute partie A de X, f( A ) ⊂ )(Af . 6.3. Comparaison des topologies.

Définition 3 : Soient TTTT et TTTT’ deux topologies sur un même ensemble X. On dit que TTTT est plus fine que TTTT’ si l’application identique (X, TTTT) → (X, TTTT’) est continue, autrement dit si tout ouvert de TTTT’ est un ouvert de TTTT , ou tout fermé de TTTT’ est un fermé de TTTT.

Exemple : La topologie chaotique est la moins fine des topologies sur X, la topologie discrète la plus fine.

Retenons que plus une topologie est fine, plus elle a d’ouverts, de fermés, et plus un point possède de voisinages. 6.4. Fonctions séparées, fonctions étales.

Définition 4 : Soient X et Y deux espaces topologiques. Une application continue f : X → Y est dite séparée si, pour tout couple (x, x’) de points de X tels que x ≠ x’ et f(x) = f(x’), il existe un voisinage V de x et un voisinage V’ de x’ tels que V ∩ V’ = ∅.

Proposition 5 : Soient X, Y, Z des espaces topologiques, f : X → Y et g : Y → Z des applications continues. a) Si f et g sont séparées, alors g o f est séparée. b) Si g o f est séparée, alors f est séparée.

Exemples : 1) Une injection continue est séparée. 2) Si X est séparé, toute application continue f : X → Y est séparée. La notion de fonction séparée n’a d’intérêt que si X n’est pas séparé.

Définition 5 : Soient E et B des espaces topologiques. Une application p : E → B est dite étale si, pour tout point x de E, il existe un voisnage U de x dans E et un voisinage V de p(x) dans B tels que p induise un homéomorphisme de U sur V.

Proposition 6 : Soient X, Y, Z des espaces topologiques, f : X → Y et g : Y → Z des applications continues. a) Si f et g sont étales, alors g o f est étale. b) Si g o f et g sont étales et f est contune, alors f est étale.

Exemples :

1) Une fonction polynomiale P : R → R dont la dérivée ne s’annule pas est étale.

2) La fonction z → exp z est étale de C dans C. 3) Le théorème d’inversion locale fournit de beaux exemples d’applications étales : Rappelons son énoncé : Soient E et F deux R-ev de même dimension n , Ω un ouvert de E, f une

application de classe C1 : Ω → F. On suppose qu’au point a , da f = f’(a) ∈ Isom(E, F).

Alors, il existe un voisinage ouvert U de a dans Ω et un voisinage ouvert V de b = f(a) dans F tels

que f induise un C1-difféomorphisme f|U,V = g : U → V.

Si de plus f est de classe Ck (1 ≤ k ≤ +∞), alors g est un C

k-difféomorphisme.

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En pratique, si E = F = Rn, l’application f s’écrit f(x) = ( f1(x1, … , xn) , … , fn(x1, …, xn) ),

et l’hypothèse à vérifier est : det J f (a) = det

∂∂

∂∂

∂∂

∂∂

n

nn

n

xf

xf

xf

xf

...

.........

...

1

1

1

1

.(a1, …, an) ≠ 0.

Exercice : Quelles sont les fonctions polynomiales P : R → R qui sont étales ?

7. Exemples d’espaces topologiques.

7.1. Espaces topologiques métrisables.

Si (E, d) est un espace métrique, les ouverts de E forment une topologie GGGG sur E. (E, GGGG) est appelé espace topologique sous-jacent à l’espace métrique (E, d).

Réciproquement, si (X, GGGG) est un espace topologique, une distance d sur X est dite compatible avec la topologie de X si GGGG est la collection des ouverts de (X, d). La distance d n’est pas unique : toute distance topologiquement équivalente à d est également compatible avec la topologie de X.

Définition 1 : Un espace topologique (X, GGGG) est dit métrisable s’il existe une distance d sur X compatible avec sa topologie.

La recherche d’une condition nécessaire et suffisante pour qu’un espace topologique soit métrisable a occupé les mathématiciens de la période 1920-1940 (école de Moscou, H. Tietze, J. Dieudonné). Un théorème de Nagata-Smirnov (Bourbaki, Top. Gén. IX, n° 32, p 109) résout le problème. Contentons-nous d’indiquer quelques conditions nécessaires pour qu’un espace topologique soit métrisable. Un espace topologique métrisable vérifie les propriétés suivantes :

1) Axiome de séparation : (H) ∀(x, y) ∈ X×X x ≠ y ⇒ ∃U ∈ V(x) ∃V ∈ V(y) U ∩ V = ∅. 2) L’ensemble des voisinages fermés d’un point est un système fondamental de voisinages de ce point. 3) Deux fermés disjoints peuvent être séparés par deux ouverts disjoints. 4) L’adhérence d’une partie A est l’ensemble des limites des suites d’éléments de A convergentes dans X. 7.2. Convergence des sommes de Riemann.

Rappelons que si f est une fonction de I = [a, b] dans l’espace de Banach E, σ = (x0 = a < x1 < … <

xn = b) une subdivision de I, et ξ = (ξi)0≤i≤n−1 une suite de points de I vérifiant (∀i) xi ≤ ξi ≤ xi+1, on

appelle pas de la subdivision σ le réel |σ| = max | xi+1 − xi | et somme de Riemann de f associée :

S( f, σ, ξ ) = ∑−

=+ −

1

01 )).((

n

iiii xxf ξ .

On démontre dans le cours d’intégration que, si f est continue, ou réglée, de I = [a, b] dans E, ses sommes de Riemann S( f, σ, ξ) tendent vers l’intégrale de f lorsque le pas de la subdivision σ tend vers 0 :

(∀ε > 0) (∃η > 0) ∀(σ, ξ) ∈ Σ• |σ| ≤ η ⇒ || ∫b

adxxf ).( − S( f, σ, ξ) || ≤ ε .

Cette notion de convergence « lorsque le pas de la subdivision tend vers 0 » rentre dans le cadre des bases de filtre. Pour tout ε > 0, notons Σ(ε) = σ ; |σ| ≤ ε l’ensemble des subdivisions de pas ≤ ε. C’est une base de filtre sur l’ensemble FFFF(I) des parties finies de I contenant a et b. Et S( f, σ, ξ) tend

vers ∫b

adxxf ).( selon cette base de flitre.

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Cette notion de convergence rentre-t-elle dans la définition générale des limites donnée dans le chapitre sur les espaces métriques ? La réponse est positive, si l’on munit les parties compactes non vides de I de la distance de Hausdorff δ. On s’aperçoit alors que si σ est une subdivision de I, δ(σ, I) n’est autre que le demi-pas |σ|/2, de sorte que dire que |σ| tend vers 0 signifie que σ tend vers I pour la distance de Hausdorff. 7.3. Topologie grossière ou chaotique.

C’est la topologie GGGG = ∅, X. C’est la moins fine des topologies. Si X a plus d’un élément, elle est non séparée, donc non métrisable. Ses points sont tous « collés », et l’adhérence de toute partie A est X. Toute suite (xn) d’un espace chaotique converge vers tout point de X, idem pour une suite généralisée, un filtre. 7.4. Topologie discrète.

C’est la topologie GGGG = PPPP(X). C’est la plus fine des topologies. Elle est métrisable, compatible avec la distance discrète d(x, y) = 1 si x = y, 0 si x ≠ y, mais aussi avec d’autres.

Les suites convergentes sont les suites stationnaires. La suite généralisée (xa)a∈I converge vers x ssi

∃a ∀b a ≤ b ⇒ xb = x. Une base de filtre BBBB converge vers x ssi x∈BBBB. La seule partie dense est X.

Exercice : Trouver toutes les topologies sur un ensemble à un, deux, trois éléments.

Solution : Sur X = a, il y a une seule topologie, GGGG = ∅, X, à la fois grossière et discrète.

Sur X = a, b, il y a quatre topologies, la topologie grossière, GGGG = ∅, X, la topologie discrète

PPPP(X), ainsi que GGGG1 = ∅, a, X et GGGG2 = ∅, b, X.

Sur X = a, b, c, il y a la topologie grossière, GGGG = ∅, X et la topologie discrète PPPP(X).

Les topologies contenant un seul singleton sont au nombre de 15 :

GGGG1 = ∅, a, X , GGGG2 = ∅, a, a, b, X,

GGGG3 = ∅, a, b, c, X , GGGG4 = ∅, a, a, b, a, c, X

et celles qui s’en déduisent par permutation. Les topologies contenant deux singletons sont au nombre de 6 :

GGGG5 = ∅, a, b, a, b, X , GGGG6 = ∅, a, b, a, b, a, c, X

et celles qui s’en déduisent par permutation. En tout, 23 topologies, dont une seule est séparée, et métrisable, la topologie discrète. 7.5. Espaces uniformisables.

Définition 2 : Un écart sur X est une application d : X×X→ [0, +∞[ vérifiant : (ECI) ∀x ∈ X d(x, x) = 0 ; (ECII) ∀x, y ∈ X d(x, y) = d(y, x) ; (ECIII) ∀x, y, z ∈ X d(x, z) ≤ d(x, y) + d(y, z) .

Soit (dα)α∈A une famille d’écarts sur X. Pour tout x ∈ X, toute famille finie (αj)1≤j≤m d’éléments de

A et toute famille finie (rj)1≤j≤m de réels > 0, notons :

B(x ; (αj)1≤j≤m , (αj)1≤j≤m) = y ∈ X ; (∀j) dαj(x, y) < rj

et SSSS(x) l’ensemble de ces parties.

Théorème : Il existe une topologie sur X pour laquelle SSSS(x) est, pour tout x, un système fonda-

mental de voisinages de x. Cette topologie est dite définie par la famille d’écarts (dα)α∈A.

Preuve : Il suffit de montrer que les SSSS(x) vérifient les hypothèses du théorème 6.

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Définition 3 : Un espace est dit uniformisable si sa topologie peut être définie par une famille d’écarts.

Exemples : 1) Un espace métrisable est uniformisable.

2) La topologie chaotique est uniformisable, associée à l’écart d = 0. 7.6. Topologie de l’ordre.

Soit X un ensemble totalement ordonné non vide. L’ensemble des intervalles ouverts en tous genres ]x, y[, ]x, →[, ]←, y[ et X est une base d’une topologie, dite topologie de l’ordre. (B I) ∀x ∈ X ∃A ∈ BBBB x ∈ A ; prendre A = X. (B II ) ∀x ∈ X ∀A, B ∈ BBBB x ∈ A et x ∈ B ⇒ ∃C ∈ BBBB x ∈ C ⊂ A ∩ B. Si A = ]y, z[ et B = ]u, v[, prendre C = ]max(y, u), min(z, v)[ ; idem si A = ]y, →[, etc. Pour cette topologie, une suite croissante est convergente ssi elle admet une borne supérieure, et cette borne est alors sa limite.

Exemple : Soit Ω l’ensemble des ordinaux dénombrables. Adjoignons-lui un plus grand élément ε,

et munissons l’ensemble Ω = Ω∪ ε de la topologie de l’ordre. Je dis que ε est adhérent à Ω, qu’il est limite de la suite généralisée de tous les ordinaux dénombrables, mais qu’il n’est pas limite d’une suite usuelle d’ordinaux dénombrables. En effet, toute suite d’ordinaux dénombrables est majorée. 7.7. Topologie de la convergence simple.

Dans ce qui suit on se limite à des fonctions à valeurs réelles, mais cela s’étend à des fonctions à

valeurs dans un espace métrique. Soit E un ensemble. On dit qu’une suite (fn) de fonctions de E dans R converge simplement vers f dans E si :

(∀x ∈ E) limn →+∞ fn(x) = f(x). On note fn → f (s).

Existe-t-il une topologie sur FFFF(E, R) telle que fn → f si et seulement si fn → f pour cette topologie?

Nous allons montrer que la réponse est positive.

Appelons voisinage élémentaire de la fonction f ∈ FFFF(E, R) tout ensemble de la forme :

V( f ; x1, ..., xk ; ε) = g ∈ FFFF(X, F) ; (∀i) | f(xi) − g(xi) | < ε ,

où x1, ..., xk sont des points de X en nombre fini, et ε un réel > 0 ; voisinage de f tout ensemble contenant un V( f ; x1, ..., xk ; ε) ; et enfin ouvert de FFFF(E, F) tout ensemble qui est un voisinage de chacun de ses points.

L’ensemble OOOO de ces ouverts vérifie les axiomes (O I), (O II ) et (O III ), et munit FFFF(E, F) d’une structure d’espace topologique. On peut aussi dire que l’ensemble des voisinages élémentaires de f vérifie les axiomes du théorème 1 du § 3.

Cette topologie est uniformisable, car définie par la famille d’écarts dx(f, g) = | f(x) – g(x) | (x ∈ E).

Chacune des applications f → f(x) est par suite continue, et il est facile d’établir que la topologie de la cs est la moins fine des topologies sur FFFF(E, R) rendant continues toutes ces applications : c’est

donc la topologie produit sur FFFF(E, R) = RE : cf. § 8.1.

Soient alors (fn) une suite d’éléments de FFFF(E, R) et f ∈ FFFF(E, R).

• Si (fn) → f pour la topologie de la convergence simple, V( f, x, ε) contient les fn à partir d’un

certain rang, donc ∀x ∀ε > 0 ∃n0 ∀n ≥ n0 | fn(x) − f(x) | < ε ; donc (fn) tend simplement vers f.

• Si (fn) → f simplement, soit V(f ; x1, ..., xk ; ε) un voisinage élémentaire de f. On a

∃n0 ∀n ≥ n0 ∀i | fn(xi) − f(xi) | < ε ; donc fn ∈ V( f ; x1, ..., xk ; ε) pour n assez grand. Cqfd.

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Exercice : Montrer que l’ensemble des fonctions nulles sauf un nombre fini de points est dense dans FFFF(E, R). En déduire que si E est non dénombrable, la topologie de la convergence simple n’est pas métrisable. Montrer qu’elle est métrisable lorsque E est fini, puis dénombrable. 7.8. Topologie forte, topologie faible sur l2(R).

L’ensemble H = l2(R) = u = (un)n∈N ∈ RN ; ∑n≥0 un2 < +∞ des suites de carré sommable est un

espace de Hilbert pour le produit scalaire (u | v) = ∑n≥0 un.vn et la norme associée, notée || u ||.

La topologie associée à cette norme est appelée topologie forte. Les formes linéaires continues pour cette topologie sont les ϕ(a) : u → (a | u), où a décrit H.

Les voisinages de u0 pour la topologie faible sont les ensembles contenant un ensemble défini par

des relations de la forme | (u − u0 | ai) | ≤ 1 (1 ≤ i ≤ n), où a1, a2, … , an sont n éléments de H.

Proposition 1 : La topologie forte est strictement plus fine que la topologie faible.

Preuve : Si b = sup1≤i≤n || ai || , la relation || u − u0 || ≤ 1/b entraîne |(u − u0 | ai)| ≤ || u − u0 ||.||ai|| ≤ 1

pour tout i, donc tout voisinage de u0 pour la topologie faible est un voisinage pour la topologie forte.

D’autre part, soient a1, a2, … , an n éléments de H. Il existe dans H des points u tels que u − u0 = ai

pour 1 ≤ i ≤ n, et que || u − u0 || soit arbitrairement grand. Cela prouve que la topologie forte est strictement plus fine que la toplogie faible.

Proposition 2 : La topologie faible est la moins fine des topologies rendant continues les formes linéaires u → (a | u), lorsque a décrit l2(R).

Remarque : On peut définir des topologies fortes et faibles sur tous les espaces de Hilbert, et plus généralement sur tous les espaces normés, les EVTLC, les EVT, etc. 7.9. Topologie de Zariski.

Il s’agit d’une importante topologie rencontrée en algèbre ; elle est à l’origine des raisonnements par « densité algébrique ». Soit K un corps commutatif infini.

Pour tout polynôme à n indéterminées P ∈ K [X1, X2, …, Xn], on note V(P) l’ensemble de ses

zéros : V(P) = x = (x1, x2, …, xn) ∈ Kn ; P(x1, x2, …, xn) = 0 .

Une partie V de Kn est appelée variété algébrique s’il existe une famille (Pλ)λ∈Λ de polynômes à n

indéterminées telle que V = IΛ∈λ

λP . Son complémentaire s’appelle un ouvert de Zariski.

Exemples : 1) Les droites, ellipses, hyperboles, paraboles, cissoïdes, foliums, strophoïdes, cardi-

oïdes, lemniscates, ovales de Cassini, etc, sont des variétés algébriques de R2.

2) Les matrices de déterminant nul forment une variété algébrique de Mn(K ).

Les variétés algébriques sont les fermés d’une topologie sur Kn, donc les ouverts de Zariski sont les

ouverts d’une topologie, dite topologie de Zariski, qui possède des propriétés fort différentes de celles qu’on rencontre en analyse (cf. notamment Godement, Cours d’algèbre, ex. 28, p. 608-609). 7.10. Topologie spectrale.

Soit A un anneau commutatif. Un idéal P de A est dit premier si

P ≠ A et ∀(x, y) ∈ A×A x.y ∈ P ⇒ x ∈ P ou y ∈ P autrement dit si l’anneau quotient A/P est intègre. Un idéal M de A est dit maximal si M ≠ A et si les seuls idéaux contenant M sont M et A. Il revient au même de dire que l’anneau quotient A/M est un corps.

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Proposition 1 : Tout idéal maximal est premier. La réciproque est fausse en général.

En effet, (0) est un idéal premier, mais n’est un idéal maximal que si A est un corps.

Définition 1 : L’ensemble des idéaux premiers de A est appelé spectre de A et noté Spec(A) ou Spec A. Les idéaux premiers de A sont appelés les points du spectre de A. L’ensemble des idéaux maximaux est appelé spectre maximal de A et noté Specm A.

Proposition 2 (Krull) : Tout anneau commutatif A possède au moins un idéal maximal.

Preuve : cela découle de l’axiome de Zorn.

Corollaire : Spec A est non vide.

Proposition 3 : Si f est un homomorphisme d’anneaux A → B, l’image réciproque par f d’un idéal premier Q de B est un idéal premier de A.

Preuve : Soit Q un idéal de B. f−1

(Q) est un sous-groupe additif de A.

De plus x ∈ f−1

(Q) & y ∈ A ⇒ f(x) ∈ Q ⇒ f(x).f(y) ∈ Q ⇒ f(x.y) ∈ Q ⇒ x.y ∈ f−1

(Q)

Donc f−1

(Q) est un idéal de A .

Si Q est premier, Q ≠ B, donc 1B ∉ Q. Donc 1A ∉ f−1

(Q) et f−1

(Q) ≠ A.

Et ∀(x, y)∈A×A x.y ∈ f−1

(Q) ⇒ f(x.y) ∈ Q ⇒ f(x).f(y) ∈ Q

⇒ f(x) ∈ Q ou f(y) ∈ Q ⇒ x ∈ f−1

(Q) ou y ∈ f−1

(Q). Cqfd.

On définit donc une application *f : Spec B → Spec A par *f (Q) = f−1

(Q), dite associée à f .

A tout idéal I de A associons l’ensemble V(I) des idéaux premiers contenant I.

Proposition 4 : i) L’application I → V(I) est décroissante pour l’inclusion ;

ii) V(A) = ∅ , V(0) = Spec A ; iii) V(UΛ∈λ

λI ) = IΛ∈λ

λ)(IV ;

iv) V(I) ∪ V(J) = V(I.J), où I.J est le produit des idéaux I et J, c’est-à-dire l’ensemble des sommes

finies ∑≤≤ ni

ii yx1

, où les xi appartiennent à I, et les yj appartiennent à J.

Preuve : Les points i) et ii) sont faciles. Reste donc iii).

I.J est un idéal inclus dans I ∩ J. Si un idéal contient I (resp. J), il contient I ∩ J, donc I.J. Par conséquent, V(I) ∪ V(J) ⊂ V(I.J). Soit P un idéal premier appartenant à V(I.J), i.e . tel que I.J ⊂ P. Si P n’appartient pas à V(I), il ne contient pas I et il existe x ∈ I tel que x ∉ P. Soit alors y ∈ J. Ona x.y ∈ I.J, donc x.y ∈ P. Comme x ∉ P, y ∈ P. Ainsi, J ⊂ P et P ∈ V(J). Par conséquent, P ∈ V(I) ∪ V(J). Donc V(I.J) ⊂ V(I) ∪ V(J). cqfd.

Remarques : 1) Plus généralement, si un idéal premier J contient le produit d’idéaux I1.….Ir, alors il contient l’un d’eux. 2) Si, pour toute partie M de A on note V(M) l’ensemble des idéaux premiers contenant M, alors V(M) = V(I), où I est l’idéal engendré par M.

Corollaire et définition 2 : Lorsque I décrit l’ensemble des idéaux de A, les ensembles V(I) sont les fermés d’une topologie, dite topologie spectrale, ou topologie de Zariski, sur l’ensemble Spec A.

Soit x un élément de A, D(x) = P ∈ Spec A ; x ∉ P . Je dis que D(x) est un ouvert, car son complémentaire est le fermé V(x.A).

Proposition 5 : Lorsque x décrit A, les ensembles D(x) forment une base d’ouverts de Spec A.

Preuve : Soit en effet U un ouvert de Spec A. Il est de la forme

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Spec A – V(I) = P ; I ⊄ P = P ; ∃x ∈ I, x ∉ P = UIx

PxP∈

∉; = UIx

xD∈

)( .

Proposition 6 : Si f est un homomorphisme d’anneaux A → B, l’application associée

*f : Spec B → Spec A est continue.

Preuve : Il suffit de montrer que l’image réciproque d’un fermé de Spec B est un fermé de Spec A.

Soient J un idéal de B, V(J) = Q ∈ Spec B ; J ⊂ Q le fermé correspondant de Spec B.

Je dis que *f (V(J)) ≡ f−1

(V(J)) = V( f−1

(J) ).

En effet, si P ∈ Spec A est élément de f−1

(V(J)), alors ∃Q ∈ V(J) P = f−1

(Q)

Alors Q ∈ Spec B , J ⊂ Q et P = f−1

(Q), donc f−1

(J) ⊂ P et P ∈ V( f−1

(J) ).

Réciproquement, si P ∈ V( f−1

(J) ), alors f−1

(J) ⊂ P.

La correspondance A → Spec A est donc un foncteur contravariant de la catégorie des anneaux commutatifs dans la catégorie des espaces topologiques. C’est le foncteur de Zariski.

Exemple 1 : Si A = Z, Spec Z est formé des idéaux (2), (3), (5), … et de l’idéal (0). Il est en bijection naturelle avec l’ensemble 0, 2, 3, 5, 7, 11, … . Les idéaux p ( p premier ) sont maximaux ; 0 est un idéal premier non maximal.

Si I = (n) = nZ est un idéal ≠ 0 de Z, V(I) = p1, …, pr, où les pi sont les diviseurs premiers de n. Si I = (0), V(I) = Spec Z. Les fermés de Spec Z sont les parties finies de 2, 3, 5, … et Spec Z.

Les ouverts non vides de Spec Z contiennent tous 0. Par conséquent, 0 est une partie dense de Spec Z, et Spec Z n’est pas séparé, puisque 0 appartient au voisinage de deux idéaux premiers distincts p et q.

Exemple 2 : Si A = Z[i], anneau des entiers de Gauss, Spec Z[i] est formé des idéaux premiers

(1 + i) , (3) , (2 ± i) , (7) , (11) , (3 ± 2i) , (4 ± i) (19) (23) (5 ± 2i) …

Si f est le plongement Z → Z[i], * f : Spec Z[i] → Spec Z associe à tout idéal premier P de Z[i] l’idéal premier de Z qui le divise.

(1 + i) (3) (2 ± i) (7) (11) (3 ± 2i) (4 ± i) (19) (23) (5 ± 2i) …

↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ ↓ … (2) (3) (5) (7) (11) (13) (17) (19) (23) (29) …

Exercice 1 : Montrer que l’intersection des idéaux premiers de A est l’idéal N formé des éléments nilpotents de A.

Exercice 2 : Montrer que V(I) = V(R(I)) où R(I) est le radical ou la racine de I.

Exercice 3 : Pour toute partie Y de Spec A, notons ℑ(Y) l’intersection des idéaux premiers de A appartenant à Y. Démontrer que les applications I → V(I) et Y → ℑ(Y) sont des bijections décroissantes, réciproques l’une de l’autre, de l’ensemble des idéaux de A égaux à leurs racines sur l’ensemble des fermés de Spec A.

Exercice 4 : Si A et B sont des anneaux commutatifs, tout idéal I de A×B est de la forme I×J , où I est un idéal de A et J un idéal de B. Les idéaux premiers de A×B sont de la forme P×B ou A×Q, où P est un idéal premier de A et Q un idéal premier de B.

Pour des compléments, je renvoie à Bourbaki, Algèbre commutative, chap. 2 (Hermann). Les espaces topologiques rencontrés dans cette branche de l’algèbre ne sont pas séparés, et encore moins métrisables.

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7.11. Topologie de Fürstenberg.

En 1955, un étudiant de 20 ans, Hillel Fürstenberg6, a donné une preuve topologique du théorème d’Euclide sur l’existence d’une infinité de nombres premiers. Voici cette preuve :

Proposition : Dans Z les progressions arithmétiques A(a, r) = a + r.q ; q ∈ Z , a ∈ Z, r ∈ N*, forment base d’une topologie, dite topologie de Fürstenberg.

En effet A(0, 1) = Z, donc (B I) ∀x ∈ X ∃A ∈ BBBB x ∈ A. De plus (B II ) ∀x ∈ X ∀A, B ∈ BBBB x ∈ A et x ∈ B ⇒ ∃C ∈ BBBB x ∈ C ⊂ A ∩ B. En effet A = A(x, r) et B = A(x, r’) ⇒ x ∈ A(x, r ∧∧∧∧ r’).

Cette topologie est séparée car si x et y sont distincts, A(x, r) et A(y, r) sont disjoints pour r > |x − y|. Chaque progression A(a, r) est un ouvert-et-fermé de Z. A(a, r) est ouvert par définition, et fermé car son complémentaire est réunion finie d’ouverts (car réunion finie de progressions arithmétiques).

Considérons alors U = UPp

pA∈

),0( = UPp

Zqqp∈

∈;. , où P est l’ensemble des nombres premiers.

U n’est pas fermé car son complémentaire −1, 1 n’est pas ouvert. Si P était fini, U serait fermé comme réunion finie de fermés. Donc P est infini.

Remarque : Cette topologie est métrisable, selon Fürstenberg. Pour quelle distance, je ne sais.

8. Espaces produits, espaces quotients. 8.1. Espaces produits.

Soit (X i)i∈I une famille d’espaces topologiques indexée par l’ensemble I.

Notons X = ∏∈Ii

iX leur produit, pi : X → Xi les projections associées.

Soit BBBB l’ensemble des intersectons finies d’ensembles de la forme pi−1

(Ui), où Ui est un ouvert de

X i. Ces ensembles ne sont autres que les produits ∏∈Ii

iA , où Ai est un ouvert de Xi et Ai = Xi sauf

pour un nombre fini d’indices. Nous appellerons ces ensembles élémentaires.

Je dis que BBBB est base d’une topologie sur X, dite topologie produit. X, muni de cette topologie, est

dit espace produit de la famille (Xi)i∈I.

Proposition 1 : Chacune des projections pi : X → Xi est continue.

Proposition 2 : Soit Y un espace topologique ; donnons-nous, pour chaque indice i, une fonction fi :

Y → Xi . Alors f = ∏∈Ii

if est continue en b ∈ Y ssi chacune des fi est continue en b.

En d’autres termes, la topologie produit est la moins fine des topologies sur X rendant continues les

projections pi .

Proposition 3 : Pour chaque indice i, soit Ai une partie de Xi . Alors ∏∈Ii

iA = ∏∈Ii

iA .

En particulier, ∏∈Ii

iA est fermée ssi chaque Ai est fermé.

6 Né à Berlin en 1935, le mathématicien israélien Hillel Fürstenberg a reçu le prix Wolf en 2007 et le prix Abel en 2020, pour ses travaux sur l’utilisation de la théorie ergodique et de la théorie des probabilités à la théorie des nombres et aux groupes de Lie.

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8.2. Espaces quotients.

Définition 2 : Soient X un espace topologique, RRRR une relation d’équivalence dans X. On appelle espace quotient de X par RRRR l’ensemble quotient X/RRRR muni de la topologie la plus fine rendant continue la surjection coninque s : X → X/RRRR.

On dit souvent que cet espace topologique est l’espace obtenu en identifiant ou en recollant les points de X appartenant à une même classe d’équivalence suivant RRRR.

Exemples :

1) Tore à une dimension. Considérons sur la droite numétrique R la relation d’équivalence x ≡ y (mod 1). L’espace quotient de R par cette relation est appelé tore à une dimension et noté T = R/Z.

Il est facile de montrer qu’il est homéomorphe au cercle unité U = S1 du plan euclidien.

2) Anneau simple. On considère le carré Q = [0, 1]2 muni de la topologie induite par celle de R,

et l’on identifie les points (u, 0) et (u, 1) pour tout u ∈ [0, 1]. L’espace quotient obtenu n’est autre que T×[0, 1] ; on l’appelle anneau ou ruban simple.

3) Anneau de Möbius. On considère toujours le carré Q = [0, 1]2, et l’on identifie les points (u, 0)

et (1−u, 1) pour tout u ∈ [0, 1]. L’espace topologique obtenu est appelé anneau ou ruban de Möbius.

4) Tore à deux dimensions. Considérons dans le plan R2 le sous-groupe additif Z

2. La relation

d’équivalence x ≡ y ( mod Z2

) définit un espace quotient R2/Z

2, appelé tore à deux dimensions. Il

est à T2, et aussi à l’espace déduit de Q en identifiant, d’une part les points (u, 0) et (u, 1) pour tout

u ∈ [0, 1], d’autre part les points (0, v) et (1, v) pour tout v ∈ [0, 1].

5) Bouteille de Klein. L’espace topologique déduit de Q en identifiant, d’une part les points (u, 0) et (u, 1) pour tout u ∈ [0, 1], d’autre part les points (0, v) et (1, 1−v) pour tout v ∈ [0, 1], est appelé bouteille de Klein.

4) Plan projectif réel. L’espace topologique déduit de Q en identifiant, d’une part les points (u, 0) et (1−u, 1) pour tout u∈[0, 1], d’autre part les points (0, v) et (1, 1−v) pour tout v∈[0, 1], est appelé plan projectif réel. Si l’on considère, dans un espace vectoriel de dimension 3 muni de sa topologie naturelle, les droites vectorielles.

9. Espaces compacts. 9.1. Définitions.

Théorème 1 : Soit X un espace topologique. Les propriétés suivantes sont équivalentes : (BL) De tout recouvrement ouvert de X on peut extraire un sous-recouvrement fini. (IF) Toute famille de fermés de X dont l’intersection est non vide contient une sous-famille finie dont l’intersection est non vide. (IF’) Toute famille de fermés de X telle que toute sous-famille finie a une intersection non vide, a elle-même une intersection non vide. (BW) Toute suite généralisée a au moins une valeur d’adhérence. (BW’) Toute base de filtre sur X possède au moins un point adhérent.

Définition 2 : L’espace X est dit compact s’il est séparé et satisfait l’une des conditions précédentes.

Proposition 2 : Soit X un espace compact. Si une suite généralisée possède une unique valeur d’adhérence, elle converge vers x. Si une base de filtre possède un unique point adhérent, elle converge vers ce point.

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Définition 2 : Une partie de X est dite compacte si elle est compacte pour la topologie induite.

Proposition 3 : Toute partie compacte est fermée. Dans un espace compact, les parties compactes sont les parties fermées.

Proposition 4 : Soit f : X → Y une fonction continue. L’image par f de toute partie compacte de X est une partie compacte de Y.

Corollaire : Si X est compact et Y séparé, toute bijection continue de X sur Y est un homéomorphisme.

Remarque : On sait que, plus une topologie est fine, plus elle possède d’ouverts, de fermés, de voisinages ; mais moins elle possède de compacts, en vertu de la proposition précédente. En particulier, dans l’espace de Hilbert H des suites de carré sommable (§ 7.6.), tout ensemble fortement compact est faiblement compact, la réciproque étant fausse. 9.2. Produits d’espaces compacts.

Proposition 5 : Si X et Y sont deux espaces compacts, leur produit X×Y est un espace compact.

Théorème 6 (Tychonoff) : Tout produit d’espaces compact est compact.

Preuve : elle repose sur l’axiome du choix. Application aux mesures invariantes sur un groupe.

à Marc Bernot

Cherchons une fonction m : PPPP(Z) → [0, 1] telle que (M 1) m(Z) = 1 ; (M 2) ∀A, B ∈ PPPP(Z) A ∩ B = ∅ ⇒ m(A ∪ B) = m(A) + m(B)

(M 3) ∀A ∈ PPPP(Z) ∀x ∈ Z m(A + x) = m(A).

Nous appellerons « mesure sur Z » de telles applications. Il est clair que (M 3) équivaut à ∀A ∈ PPPP(Z) m(A + 1) = m(A). Il est facile de fabriquer des fonctions vérifiant (M 1) et (M 2). Il suffit de se donner une famille

sommable (un)n∈Z à termes positifs telle que ∑∈Zn

nu = 1, et de poser m(A) = ∑∈An

nu pour tout A (par

exemple la suite u0 = 21 , u±n = n2.4

1 pour n ≥ 1). Mais une telle fonction m ne vérifie jamais (M3),

car (M3) impliquerait que la suite (un) est constante. Du reste, une mesure m sur Z vérifie m( a) = 0 pour tout a ∈ Z, donc m(A) = 0 pour toute partie finie A de Z.

Nous allons montrer l’existence d’une mesure sur Z à l’aide du théorème de Tychonov, qui, rappelons-le, repose sur l’axiome du choix. Cette mesure ne sera donc pas explicite.

Soit K = FFFF(PPPP(Z), [0, 1]) l’ensemble des fonctions PPPP(Z) → [0, 1] muni de la topologie de la convergence simple. Cet ensemble est compact en vertu du théorème de Tychonoff.

Notons Fn l’ensemble des fonctions m : PPPP(Z) → [0, 1] telles que : (M1) m(Z) = 1 ; (M2) ∀A, B ∈ PPPP(Z) A ∩ B = ∅ ⇒ m(A ∪ B) = m(A) + m(B)

(M3) ∀A ∈ PPPP(Z) | m(A + 1) − m(A) | ≤ n1 .

Je dis que (Fn) est une suite décroissante pour l’inclusion de fermés non vides de K.

Fn n’est pas vide, car la fonction f définie par f(A) = n1 card(A ∩ 1, 2, …, n) est élément de Fn.

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(M1) et (M2) sont évidents. Et si P = card(A ∩ [1, n−1]), alors f(A) = n1 ( P + 0 ou 1 ), et

f(A + 1) = n1 card(A ∩ 0, 1, …, n−1) =

n1 (P + 0ou1), d’où | f(A + 1) − f(A) | ≤

n1 .

Fn est fermé, comme intersection d’une famille infinie de fermés (images réciproques). L’ensemble Φ = f ∈ K ; f(Z) = 1 est un fermé de K comme image réciproque. Pour tout couple

(A, B) ∈ PPPP(Z)2 tel que A ∩ B = ∅, ΦA,B = f ∈ K ; f(A ∪ B) = f(A) + f(B) est fermé comme

image réciproque… Enfin, pour tout A ∈ PPPP(Z), ΓA = f ∈ K ; | f(A + 1) − f(A) | ≤ n1 est de même

fermé. Fn est l’intersection de Φ, de tous les ΦA,B et de tous les ΓA . Il reste à noter qu’une suite décroissante de compacts non vides a une intersection non vide.

On trouvera des compléments sur ce sujet et ses liens avec les paradoxes de découpage, dans l’ouvrage de Stan Wagon, The Banach-Tarski Paradox (Cambridge University press, 1993).

10. Espaces connexes. Un espace topologique est dit « connexe » s’il est « d’un seul tenant ». Si l’on veut préciser cette notion, on débouche sur toute une nébuleuse de définitions possibles. Les deux principales sont la connexité et la connexité par arcs. 10.1. Connexité.

Définition 1 : On dit qu’un espace topologique X est connexe s’il n’est pas réunion de deux ensembles ouverts non vides disjoints.

Proposition 1 : Les propriétés suivantes sont équivalentes : i) X est connexe ; ii) Les seuls ensembles à la fois ouverts et fermés de X sont ∅ et X ; iii) Toute fonction continue X → 0, 1 est constante.

Définition 2 : On dit qu’une partie A d’un espace topologique X est un ensemble connexe, si le sous-espace A de X est connexe.

Exemple : Si X est discret, ses parties connexes sont les singletons.

Exercice 1 : Montrer que si A est un ensemble connexe, tout ensemble B tel que A ⊂ B ⊂ A est connexe.

Exercice 2 : Soit A une partie de X, B une partie connexe de X rencontrant à la fois A et X−A. Montrer que B rencontre la frontière de A.

Exercice 3 : Montrer que la réunion d’une famille d’ensembles connexes dont l’intersection n’est pas vide est un ensemble connexe.

Proposition 2 : Soient f : X → X’ une application continue, A une partie connexe de X. Alors f(A) est connexe.

Proposition 3 : Les parties connexes de R sont les intervalles en tous genres.

Corollaire (« théorème des valeurs intermédiaires ») : Soient X un espace connexe, f : X → R une application continue ; alors f(X) est un intervalle de R. En particulier, dès que f prend deux valeurs, elle prend toute valeur intermédiaire.

Proposition 4 : Soit x ∈ X ; la réunion de tous les ensembles connexes contenant X est un ensemble connexe, appelé composante connexe de X. Les composantes connexes forment une partition de X ; ce sont les classes d’équivalence de X pour la relation « a RRRR b ⇔ il existe une partie connexe contenant a et b ».

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Exemple : Soit A une partie de R. La composante connexe de x dans A est le plus grand intervalle de R contenant x et inclus dans A.

Définition 3 : Un espace topologique est dit totalement discontinu si ses composantes connexes sont les singletons.

Exemples : 1) Un espace discret est totalement discontinu.

2) Q et R−Q sont totalement discontinus. 10.2. Connexité par arcs.

Définition 4 : Soit X un espace métrique. Un chemin d’origine a et d’extrémité b est une application continue γ : [0, 1] → X telle que γ(0) = a et γ(1) = b. Si a = b on parle de lacet.

Proposition 5 : La relation « a RRRR b ⇔ il existe un chemin d’origine a et d’extrémité b » est une relation d’équivalence dans X.

Définition 5 : Les classes d’équivalence de X pour la relation précédente s’appellent composantes connexes par arcs de X. X est dit connexe par arcs s’il n’admet qu’une seule composante connexe par arcs, autrement dit si l’on peut relier tout point à tout autre par un chemin (continu).

Proposition 6 : Tout ensemble connexe par arcs est connexe. La réciproque est fausse en général, mais elle est vraie pour les ouverts d’espaces vectoriels normés.

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Bibliographie

N. Bourbaki : Topologie générale, chap. I et IX (Hermann) Algèbre commutative, chap. II (Hermann) Topologie algébrique, chap. I à IV (Springer)

J. Dieudonné : Eléments d’analyse, t.2, chap. XII (Gauthier-Villars) Cours de géométrie algébrique (Puf)

L. Kantorovitch, G. Akilov : Analyse fonctionnelle, t.1, chap. 1 (Mir) J. Dugundji : Topology L. A. Steen, J. A. Seebach : Counterexamples in topology (Springer) S. Dugowson : Les mathématiques des frontières floues (Pour la science, décembre 2006) J. Roubaud : Mathématique : (Seuil) P. Dugac : Jean Dieudonné, mathématicien complet (Gabay) ____________