Complexation des cations lanthanides trivalents par des...
Transcript of Complexation des cations lanthanides trivalents par des...
THESE
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE LUNIVERSITE JOSEPH FOURIER
Discipline : CHIMIE
Prsente et soutenue publiquement par
Florence BRAVARD
le 8 Octobre 2004
Complexation des cations lanthanides trivalents par des ligands
azots et oxygns : tudes physico - chimiques de lassociation et
de la slectivit en solution
COMPOSITION DU JURY
Mr G. SERRATRICE Prsident
Mme N. MOREL-DESROSIERS Rapporteur
Mme A.-M. ALBRECHT-GARY Rapporteur
Mme M. MAZZANTI Directeur de thse
Mme P. DELANGLE Co-Directeur de thse
Laboratoire de Reconnaissance Ionique
Service de Chimie Inorganique et Biologique
Dpartement de Recherche Fondamentale sur la Matire Condense
CEA - Grenoble
UNIVERSITE JOSEPH FOURIER - GRENOBLE 1
Remerciements
3
REMERCIEMENTS
Les travaux prsents dans ce manuscrit ont t raliss dans le laboratoire de Reconnaissance
Ionique dirig par Pascale Maldivi au sein du Service de Chimie Inorganique et Biologique du
CEA - Grenoble.
Tout dabord, je tiens remercier Mesdames Nicole Morel-Desrosiers, professeur
lUniversit Blaise Pascal de Clermont-Ferrand II et Anne-Marie Albrecht-Gary, directrice de
recherche au laboratoire de Physico - Chimie Bioinorganique de lInstitut de Chimie de
Strasbourg pour mavoir fait lhonneur dexaminer ce mmoire en qualit de rapporteurs.
Je remercie galement Monsieur Guy Serratrice, professeur lUniversit Joseph Fourier de
Grenoble pour lintrt quil a tmoign pour ce travail en acceptant de faire partie du jury de
thse.
Jadresse mes plus vifs remerciements Pascale Delangle, co-directrice de cette thse, pour sa
rigueur scientifique, sa disponibilit, son encadrement assidu pendant lanne de DEA et les
trois annes de thse et pour toute lattention quelle a porte lavance de ce travail ainsi
qu la rdaction de ce mmoire.
Je voudrais remercier Marinella Mazzanti, directrice de cette thse pour ses conseils et sa
disponibilit pendant ces trois ans.
Un grand merci Christelle Gateau pour son encadrement et laide prcieuse quelle ma
apporte pendant la synthse organique et pour ses bons conseils.
Je remercie Colette Lebrun pour avoir ralis les spectres de masse et surtout pour la bonne
humeur quelle apporte au laboratoire.
Je noublie pas Jacques Pcaut qui a rsolu les deux structures cristallographiques prsentes
dans ce manuscrit et pour le temps quil ma accord pour obtenir une bonne vue des
structures dans lespace.
Merci Pierre-Alain Bayle pour avoir pris le temps de maider en RMN.
Jadresse galement mes remerciements Zohra Termache pour sa disponibilit et son
efficacit concernant les tches administratives.
Remerciements
4
Ensuite, je tiens remercier lensemble des membres du laboratoire que je nai pas encore
cits, les thsards, les post-docs : Pascale M, Andre, Pascal F, Valentina, Emilie, David,
Lydia, Jean-Philippe, Batrice, Olivier, Clia, Marie, Louise, Yannick, Jean-Pierre, Nick et
toutes les personnes que jai ctoyes pendant les annes passes au CEA pour leur soutien et
leur bonne humeur qui ont contribu au bon droulement de la thse.
Je dis un grand merci ma famille pour mavoir encourage et soutenue pendant mes tudes.
Je remercie mes amis pour les moments de dtente quils mont apports pendant ces trois
annes avec une attention particulire pour Cline. Enfin, je termine mes remerciements en
madressant Eric qui a partag et vcu ces trois annes de thse avec moi : un grand merci
pour ton soutien.
Table des matires
5
TABLE DES MATIERES
Introduction Gnrale 13
Chapitre I : Outils bibliographiques I. Les lanthanides et les actinides en solution 19
I.1. Proprits fondamentales.. 19 I.1.1. Configuration lectronique et tats doxydation 19 I.1.2. Proprits des ions Ln3+ et An3+ 21
I.2. Nature de la liaison mtal - ligand.. 23 I.3. Raction avec leau. 24
I.3.1. Hydratation 24 I.3.2. Hydrolyse 27
I.4. Proprits magntiques / spectroscopiques et applications. 28 I.4.1. Proprits magntiques 28 I.4.2. Proprits optiques des ions Ln3+ 32
II. Sparation slective des ions f trivalents actinides (III) / lanthanides (III) 36
II.1. Retraitement du combustible nuclaire en France.. 36 II.2. Extraction liquide - liquide.. 40 II.3. Le Synergisme 43 II.4. Molcules utilises pour lextraction slective des actinides (III). 45
II.4.1. Les ligands phosphors 45 II.4.2. Les ligands soufrs.. 46 II.4.3. Les ligands azots.. 48
III. Approche thermodynamique de la complexation des lanthanides (III). 55
III.1. Comportement dans leau. 55 III.2. comportement dans les solvants organiques anhydres. 63
Chapitre II : Comparaison de deux ligands neutres tripodes tpa et tpaam Introduction 69 I. Ligands tpa et tpaam.. 71
I.1. Synthse des ligands 71 I.1.1. Synthse de la tpa. 71
Table des matires
6
I.1.2. Synthse de la tpaam 73 I.2. Proprits acido-basiques des ligands tpa et tpaam. 78
I.2.1. Ligand tpa.. 78 I.2.2. Ligand tpaam 81 I.2.3. Bilan 84
II. Etudes structurales en solution de Ln(tpa)3+ et Ln(tpaam)3+ par RMN 1H....................................................... 85
II.1. La RMN des complexes de Ln (III) paramagntiques 85 II.2. Les complexes tpa et tpaam / lanthanides (III) dans le mthanol... 86
II.2.1. Caractrisation. 86 II.2.2. Analyse des dplacements chimiques paramagntiques. 89 II.2.3. Temps de relaxation et informations structurales 94
II.3. Les complexes tpa et tpaam / lanthanides (III) dans leau.. 100 II.3.1. Caractrisation.. 100 II.3.2. Sparation des termes de contact et pseudo-contact. 103
III. Thermodynamique de la raction de complexation dans leau 108
III.1. Dtermination des constantes de stabilit des complexes [Ln(L)]3+ dans leau 108
III.1.1. Par tudes potentiomtriques.. 108 III.1.2. Par RMN 1H 110
III.2. Enthalpies et entropies de complexation dtermines par RMN 1H. 112 III.2.1. Mthode.. 112 III.2.2. Rsultats.. 113
III.3. Etats dhydratation des complexes Ln(tpa)3+ et Ln(tpaam)3+... 115 III.4. Discussion.. 116
IV. Conclusion 119
Chapitre III : Affinits dans lactonitrile anhydre Introduction. 123 I. Proprits dabsorption des ligands et des complexes Ln(L). 125
I.1. Le ligand tpaam 125 I.2. Les ligands purement azots tpza, tpa, tpzen et tpen 127 I.3. Bilan.. 129
II. Dtermination des constantes de stabilit des complexes. 130
II.1. Le ligand tpaam. 131 II.2. Le ligand tpza 132 II.3. Le ligand tpa 134 II.4. Le ligand tpzen 137 II.5. Le ligand tpen.. 138
Table des matires
7
III. Mesures du nombre danions coordonns par conductimtrie. 140 IV. Discussion. 142
IV.1. Limitations de la mthode 142 IV.2. Rsultats 145
V. Conclusion 151
Chapitre IV : Comparaison de laffinit des fonctions pyridine et pyrazine pour les Ln (III) dans leau Introduction 155 I. Ligands LpyH2 et L
pzH2 156 I.1. Synthse des ligands. 156
I.1.1. Synthse de LpyH2 156 I.1.2. Synthse de LpzH2.. 157
I.2. Structures en solution.. 158 I.2.1. Le ligand LpyH2 158 I.2.2. Le ligand LpzH2.. 159
I.3. Structures ltat solide 159 I.3.1. Le ligand LpyH2.. 159 I.3.2. Le ligand LpzH2. 160
I.4. Proprits acido-basiques des deux ligands.. 162 I.4.1. Ligand Lpy.. 162 I.4.2. Ligand Lpz...165 I.4.3. Bilan... 166
II. Complexation des Ln (III) par le ligand Lpy dans leau. 167
II.1. Caractrisation des complexes dans leau.. 167 II.1.1. RMN 1H.. 167 II.1.2. Etats dhydratation des complexes... 171
II.2. Dtermination des constantes de stabilit des complexes Ln(Lpy)+ 173 II.2.1. Conditions opratoires.. 173 II.2.2. Discussion. 175
III. Complexation des Ln (III) par le ligand Lpz dans leau.. 177
III.1. caractrisation des complexes en solution par RMN 1H... 177 III.2. Dtermination de la constante de stabilit de Gd(Lpz)+ 180
III.2.1. Conditions opratoires. 180 III.2.2. Discussion 180
IV. Conclusion 183
Table des matires
8
Conclusion gnrale et perspectives 187
Bibliographie. 193
Partie exprimentale I. Synthse des ligands 201
I.1. Gnralits 201 I.2. Synthse de la tpa. 202
I.2.1. Synthse en une tape 202 I.2.2. Synthse en deux tapes 203
I.3. Synthse de la tpaam 204 I.4. Synthse de N,N-bpedH2 (LpyH2) 209
II. Synthse des complexes. 212
II.1. Synthse du complexe Tb(Lpy)Cl 212 II.2. Synthse du complexe Eu(Lpy)Cl 213
III. Mesures physico chimiques.. 213
III.1. Gnralits. 213 III.2. Potentio
mtrie 215
III.2.1. Matriel et ractifs. 215 III.2.2. Calibration de llectrode. 215 III.2.3. Mesures des constantes dacidit des ligands dans leau 298 K.. 216 III.2.4. Mesures des constantes de complexation dans leau 298 K 216 III.2.5. traitement par le programme Hyperquad 2000.. 217
III.3. Rsonance Magntique Nuclaire (RMN) 217 III.3.1. RMN 1H en fonction du pH dtermination des sites de protonation. 217 III.3.2. Dtermination des constantes de stabilit des complexes Ln(tpa)3+ et Ln(tpaam)3+ 218 III.3.3. Dtermination des temps de relaxation longitudinale (T1) 220
III.4. Spectrophotomtrie UV-visible. 221 III.4.1. Matriel et paramtres denregistrement 221 III.4.2. Dtermination des coefficients dextinction molaire max des ligands.. 221 III.4.3. Dosages spectrophotomtriques en bote gants 222 III.4.4. Traitement des donnes.. 222
III.5. Luminescence 223 III.5.1. Appareil et acquisition des spectres 223 III.5.2. Mesures des temps de vie de luminescence 223
III.6. Conductimtrie.. 224
Table des matires
9
III.6.1. Matriel et gnralits sur la mesure. 224 III.6.2. Echantillons 224
III.7. Cristallographie 225
Annexe 1 : La RMN des complexes de Ln (III) paramagntiques.... 229 Annexe 2 : Donnes cristallographiques.. 239 Annexe 3 : Constantes dquilibre : formalisme 249
Introduction gnrale
Introduction gnrale
13
La gestion des dchets radioactifs de haute activit et vie longue issus des centrales
nuclaires est un problme crucial et fait lobjet de nombreuses recherches. Les actinides
mineurs (lamricium (III) et le curium (III)) reprsentent aprs le plutonium, linventaire
radiotoxique le plus lev au sein du combustible nuclaire us. Une des tapes cls du tri des
dchets est dextraire slectivement les actinides mineurs du mlange en les sparant des
lanthanides car cette tape conditionne ensuite la transformation des actinides en
radionuclides vie plus courte. La discrimination de ces deux familles, An (III) et Ln (III),
par la voie de lextraction liquide - liquide reprsente un vritable dfi scientifique en raison
de lextrme similitude des proprits physico-chimiques de ces cations en solution. Ces deux
familles dlments f prsentent cependant des proprits lectroniques lgrement diffrentes
qui peuvent tre exploites pour les discriminer. En effet, des ligands polarisables comportant
des atomes donneurs mous (azote aromatique, soufre) ont montr leur potentiel dans
lextraction slective des An (III) mais les proprits de coordination impliques dans le
mcanisme dextraction restent tre lucides.
Les ligands choisis au laboratoire sont base datomes incinrables tels que C, H, O, N
et comportent des htrocycles aromatiques azots qui favorisent la complexation des An (III)
par rapport aux Ln (III). Ces ligands polarisables diffrent par la nature et le nombre datomes
donneurs et galement par leur structure tripode ou ttrapode. Dans le cas des ligands
tripodes, une relation a t tablie entre la polarisabilit des atomes donneurs et la slectivit
des ligands. Plus rcemment, un ligand ttrapode hexadente contenant des bras pyrazines a
montr une slectivit leve et suprieure celle de la molcule de rfrence (tptz : 2,4,6-
tris(pyridin-2-yl)-1,3,5-triazine) dans le domaine de la sparation An (III) / Ln (III). La
slectivit est de loin suprieure celle du ligand analogue tripode. Ces rsultats semblent
indiquer que lorientation des atomes donneurs du ligand par rapport au mtal est un
paramtre trs important pour laugmentation de la slectivit et mettent en vidence
limportance dun design prcis du ligand bas sur ltude des proprits fondamentales
de chimie de coordination.
Afin de proposer terme de nouveaux ligands encore plus slectifs des An (III), un des
objectifs du laboratoire de Reconnaissance Ionique est donc de mieux comprendre la chimie
de coordination de ces ions mtalliques avec les extractants. La slectivit des ligands en
extraction peut tre ainsi corrle leur structure et leurs proprits de coordination
(nombre et nature des atomes donneurs). Ces tudes fondamentales portent en autre sur la
Introduction gnrale
14
caractrisation des complexes ltat solide et en solution et sur la dtermination des
paramtres thermodynamiques des quilibres de complexation (110, rHc et rSc). En effet,
un certain nombre de paramtres permettent de caractriser la sphre de coordination du mtal
dans les complexes en solution et ltat solide savoir, la gomtrie et la conformation
quadopte le ligand pour se lier au mtal, le nombre de contre-ions et de molcules de solvant
lis au mtal. Enfin, les caractristiques thermodynamiques des quilibres de complexation en
solution sont galement dtermines afin dtablir des corrlations entre la nature du ligand et
sa slectivit.
Ce travail de thse sinscrit donc dans le cadre des tudes fondamentales ncessaires la
comprhension des rsultats portant sur la sparation slective actinides (III)/lanthanides (III)
et en particulier sur des tudes approfondies en solution afin de dterminer les paramtres
essentiels lassociation et la slectivit en solution. En effet, de nombreuses donnes
structurales ltat solide ont t obtenues sur les complexes de Ln (III) / ligands azots au
laboratoire mais des tudes approfondies en solution demandent tre ralises dans le but
dacqurir une meilleure comprhension des paramtres dterminant la complexation de ces
cations par des extractants organiques en solution.
Dans le chapitre I, aprs avoir rappel les proprits fondamentales des cations f, nous
aborderons le principe du retraitement par extraction liquide - liquide des dchets radioactifs
et nous prsenterons les ligands slectifs des actinides (III) dcrits dans la littrature. Enfin,
une dernire partie portera sur le comportement thermodynamique des cations Ln (III) avec
diffrents ligands de manire mieux comprendre les paramtres gouvernant la complexation
des Ln (III) en solution.
Le chapitre II portera sur ltude comparative de deux ligands tripodes neutres tpa et tpaam en
solution aqueuse pour lesquels la nature et le nombre datomes donneurs sont diffrents. La
synthse des deux ligands ainsi que leur comportement en solution seront dcrits. Nous
verrons comment lanalyse des dplacements chimiques et des temps de relaxation
paramagntiques des complexes de Ln (III) nous permet daccder des informations
structurales en solution. Ltude thermodynamique des ractions de complexation des Ln (III)
sera galement dtaille de manire comprendre pourquoi ces deux ligands prsentent des
constantes de stabilit similaires.
Le chapitre III sera consacr la dtermination des constantes de stabilit des complexes de
cations f avec diffrents ligands neutres dans lactonitrile anhydre par la spectrophotomtrie
Introduction gnrale
15
UV-visible de manire comparer les affinits de ces ligands vis--vis des lments f dans un
solvant peu coordonnant et les relier aux rsultats dextraction.
Enfin, le chapitre IV portera sur ltude de deux ligands mixtes chargs possdant des
fonctions acides et des htrocycles azots et de leurs complexes de Ln (III) afin de comparer
laffinit des cycles pyridines et pyrazines dans leau.
Chapitre I
Outils bibliographiques
Chap I : Outils bibliographiques
19
Ce chapitre prsente dans une premire partie les proprits des ions lanthanides (III) et
actinides (III) en solution. Nous allons voir que les ions lanthanides (III) ont des proprits
magntiques et spectroscopiques intressantes qui sont entre autre utilises pour la
caractrisation des complexes en solution. Les Ln (III) et les An (III) aux proprits physico-
chimiques trs similaires sont prsents dans le combustible nuclaire us et leur sparation est
ncessaire pour pouvoir rduire la radiotoxicit des dchets nuclaires. La deuxime partie
porte sur lextraction slective des An (III) vis--vis des Ln (III) et prsente les molcules
ayant montr des rsultats intressants en extraction liquide - liquide. Enfin, dans une
troisime partie, nous verrons que les paramtres thermodynamiques gouvernant la
complexation des ions Ln (III) dpendent trs fortement du ligand et du solvant dtude.
I. Les lanthanides et les actinides en solution
I.1. Proprits fondamentales
Les lanthanides et les actinides sont deux sries de quinze lments chacune occupant une
place particulire au sein de la classification priodique de Mendeleev. Les lanthanides ont t
principalement dcouverts au 19me sicle et les actinides au 20me sicle lexception de
luranium et du thorium mis en vidence au dbut du 19me sicle. Ils ont t classs en
famille partir de 1940 grce aux travaux de Seaborg1. Les lanthanides ainsi que les lments Yttrium (Z = 39) et Scandium (Z = 21) sont communment appels terre rares2 mme si
certains lments tels que le lanthane (34 ppm), le crium (60 ppm) et le nodyme (33 ppm)
se trouvent en quantit plus abondante que le plomb (0,0063 ppm) dans la crote terrestre.
I.1.1. Configuration lectronique et tats doxydation
Configuration lectronique
La connaissance de la structure lectronique dun lment et de ses formes ioniques est
fondamentale pour la comprhension de ses proprits chimiques et physiques. Les
lanthanides et les actinides aussi appels lments f prsentent la particularit de remplir
respectivement les sous-couches 4f et 5f avant la couche d3. Pour la srie des lanthanides, le
remplissage commence par le lanthane, form par lajout dun lectron la configuration du
Chap I : Outils bibliographiques
20
baryum. Cet lectron occupe la premire orbitale 5d plus basse en nergie que lorbitale 4f.
Ensuite, le remplissage des orbitales 4f est progressif jusqu lytterbium pour lequel la sous-
couche 4f est pleine. La configuration particulire du gadolinium rsulte de leffet stabilisant
apport par la prsence des orbitales 4f demi remplies. Pour la srie des actinides, le
remplissage est similaire de lactinium au noblium mais le faible cart nergtique entre les
deux sous-couches 5f et 6d par rapport celui pour les lanthanides 4f et 5d, rend le
remplissage moins progressif (tableau I - 1).
Etats doxydation
Lanthanides
(Z)
Configuration
lectronique
Etats
doxydation
Actinides
(Z)
Configuration
lectronique
Etats
doxydation
La (57) {Xe}5d16s2 3 Ac (89) {Rn}6d17s2 3
Ce (58) {Xe}5d16s24f1 3-4 Th (90) {Rn}6d27s25f0 2-3-4
Pr (59) {Xe}5d06s24f3 3-4 Pa (91) {Rn}6d17s25f2 3-4-5
Nd (60) {Xe}5d06s24f4 2-3-4 U (92) {Rn}6d17s25f3 3-4-5-6
Pm (61) {Xe}5d06s24f5 2-3 Np (93) {Rn}6d17s25f4 3-4-5-6-7
Sm (62) {Xe}5d06s24f6 2-3 Pu (94) {Rn}6d07s25f6 3-4-5-6-7
Eu (63) {Xe}5d06s24f7 2-3 Am (95) {Rn}6d07s25f7 2-3-4-5-6
Gd (64) {Xe}5d16s24f7 3 Cm (96) {Rn}6d17s25f7 3-4-5-6
Tb (65) {Xe}5d06s24f9 3-4 Bk (97) {Rn}6d07s25f9 3-4
Dy (66) {Xe}5d06s24f10 2-3-4 Cf (98) {Rn}6d07s25f10 2-3-4
Ho (67) {Xe}5d06s24f11 2-3 Es (99) {Rn}6d07s25f11 2-3-4
Er (68) {Xe}5d06s24f12 3 Fm (100) {Rn}6d07s25f12 2-3
Tm (69) {Xe}5d06s24f13 2-3 Md (101) {Rn}6d07s25f13 2-3
Yb (70) {Xe}5d06s24f14 2-3 No (102) {Rn}6d07s25f14 2-3
Lu (71) {Xe}5d16s24f14 3 Lr (103) {Rn}6d17s25f14 3
Tableau I - 1: Structure lectronique et tats doxydation des lanthanides et actinides (les chiffres en gras reprsentent les tats doxydation les plus probables1)
Le degr doxydation +III prdomine pour toute la srie des lanthanides et partir de
lamricium pour les actinides (except pour le noblium No). En effet, les lectrons 4f des
lanthanides tant des lectrons de cur, ltat doxydation le plus stable +III est homogne
pour toute la srie et rsulte de la perte des lectrons 6s et 5d. En revanche, dans le cas des
Chap I : Outils bibliographiques
21
actinides la situation est plus complexe en raison de la proximit des niveaux lectroniques 7s,
6d et 5f entranant un plus grand nombre de degrs doxydation accessibles pour cette famille.
Ltat doxydation +III pour les actinides rsulte de la perte de deux lectrons externes 7s et
dun lectron 6d.
Certains lanthanides prsentent des tats doxydation autres que +III savoir +II et +IV. Ce
comportement sexplique par lapport des orbitales f inoccupes, demi remplies ou totalement
remplies sur la stabilit de llment considr.
Lextrme similitude des proprits chimiques de ces deux familles est en partie due
lexistence commune de ltat trivalent pour ces ions.
I.1.2. Proprits des ions Ln3+ et An3+
Le nombre de coordination (CN)
Le caractre non directionnel de linteraction mtal-ligand se traduit par des nombres de
coordination et des gomtries associes trs variables. La strochimie des complexes est
donc dicte essentiellement par les rpulsions strique et lectrostatique des ligands4,5. Dun
point de vue lectrostatique, ces ions trs durs vont accommoder un grand nombre de petits
ligands (8-9) de faon satisfaire leur demande lectronique. Dun autre ct, les contraintes
striques vont avoir une grande influence sur la sphre de coordination et un ligand
multidentate donn peut imposer une coordination particulire autour de lion. A ltat solide,
des nombres de coordination de 3 14 sont observs, les plus frquents se situant entre 7 et
126. Les polydres associs sont le plus souvent trs dforms par rapport aux polydres
modles. Pour une coordination de 8, les plus courants sont lantiprisme base carre et le
dodcadre face triangulaire7,8, et pour une coordination de 9, le prisme trigonal trichapeaut
et lantiprisme carr chapeaut. En solution, des nombres de coordination levs sont
gnralement observs mais les coordinations de 8 et 9 sont les plus communes. Les ions Ln3+
vont avoir tendance complter leur sphre de coordination avec des molcules de solvant ou
des anions si le nombre de sites donneurs offerts par le ligand est trop petit, ou leur densit
lectronique sont trop faibles. Le nombre de coordination et le rayon ionique des lanthanides
sont troitement lis9. De nombreuses tudes ont montr que la coordination de lion aquo
passe de 9 pour le dbut de la srie (Ln=La-Nd) 8 pour les ions plus petits (Ln=Tb,Lu)10,11.
Chap I : Outils bibliographiques
22
Les ions lanthanides ont la possibilit de sadapter diffrents environnements et Bnzli les
surnomme donc les camlons de la chimie de coordination6.
Le rayon ionique
Les deux sries 4f et 5f prsentent une diminution du rayon ionique lorsque le numro
atomique (Z) des lments augmente. Cette contraction monotone12,13 du rayon ionique
sexplique par laugmentation de la charge nuclaire effective lorsquun lectron est ajout
dans les orbitales f profondes. Leffet dcran dun lectron 4f sur un autre lectron de
valence est faible entranant une contraction progressive des orbitales 5s, 5p et 6s, 6p vers le
cur.
Les deux familles Ln (III) et An (III) prsentent des rayons ioniques similaires qui varient
entre 0,9 et 1,1 , pour un nombre de coordination de 6 (tableau I - 2). La taille des ions
nest donc pas un paramtre permettant de discriminer les deux familles dlments f.
Ln (III) CN = 6 CN = 7 CN = 8 CN = 9 CN = 10 CN = 12 An (III) CN = 6 CN = 8
La 1,032 1,100 1,160 1,216 1,270 1,360 Ac 1,120 1,26
Ce 1,010 1,070 1,143 1,196 1,250 1,340 Th
Pr 0,990 1,126 1,179 Pa 1,05 1,20
Nd 0,983 1,109 1,163 1,270 U 1,028 1,160
Pm 0,970 1,093 1,144 Np 1,011 1,141
Sm 0,958 1,020 1,079 1,132 1,240 Pu 0,995 1,123
Eu 0,947 1,010 1,066 1,120 Am 0,980 1,106
Gd 0,938 1,000 1,053 1,107 Cm 0,970 1,094
Tb 0,923 0,980 1,040 1,095 Bk 0,955 1,077
Dy 0,912 0,970 1,027 1,083 Cf 0,945 1,066
Ho 0,901 1,015 1,072 1,120 Es 0,934 1,053
Er 0,890 0,945 1,004 1,062 Fm 0,922 1,040
Tm 0,880 0,994 1,052 Md 0,912 1,028
Yb 0,868 0,925 0,985 1,042 No 0,902 1,017
Lu 0,861 0,977 1,032 Lr 0,896 1,010
Tableau I - 2 : Rayons ioniques (en ) des ions lanthanides (III) et actinides (III)9,14 pour diffrents nombres de coordination
Chap I : Outils bibliographiques
23
I.2. Nature de la liaison mtal - ligand
Le principe HSAB
Le concept de duret chimique a t dfini par Pearson en 196315, en relation avec la raction
acide-base de Lewis suivante :
A + : B A : B
O A est un acide de Lewis, ou accepteur dlectrons, et B est une base, ou donneur
dlectrons. En 1963, Pearson classe les acides et les bases en deux catgories selon leur
polarisabilit (pouvoir rducteur, degr dinsaturation) :
- les acides durs et les bases dures, qui sont difficilement polarisables
- les acides mous et les bases molles, qui sont facilement polarisables.
Il postule alors la prfrence quont les acides de Lewis former des liaisons de coordination
avec des ligands de mme nature, cest le principe HSAB (Hard and Soft Acids and Bases) :
les acides durs interagissent plus fortement avec les bases dures, les acides mous avec les
bases molles .
Les interactions acide dur base dure sont de nature principalement ionique (niveaux
dnergie loigns) et les interactions acide mou base molle sont de nature principalement
covalente (niveaux dnergie proches).
Cas des ions lanthanides et actinides
Les cations lanthanides et actinides au degr doxydation +III possdent une densit de charge
leve et sont peu polarisables du fait de la faible extension spatiale des orbitales f. Ils sont
donc considrs comme des acides durs selon la classification de Pearson. Ils interagissent
prfrentiellement avec des ligands atomes donneurs durs tels que loxygne pour former
des liaisons caractre lectrostatique. Ces cations ont notamment une forte affinit pour les
molcules deau. Les ligands oxygns chargs du type carboxylate sont capables de dplacer
les molcules deau fortement lies au cation trivalent et forment des complexes stables dans
leau. Parmi les donneurs neutres, les amines polarisables sont prfres aux oxygnes des
thers et les groupes donneurs carboxamides et sulfoxides interagissent mieux que des ligands
Chap I : Outils bibliographiques
24
moins polaires comme les alcools. Dune manire gnrale, le caractre lectrostatique de la
liaison mtal-ligand rend les complexes labiles avec des cintiques de complexation rapides.
Ces deux familles de cations sont donc des acides durs, cependant lextension spatiale des
orbitales 5f est plus importante que celles des orbitales 4f (figure I - 1), ce qui rend les
actinides moins durs que les lanthanides. En effet, les lectrons 5f sont plus polarisables que
les 4f car ils sont moins protgs par les lectrons de valence. Un faible pourcentage de
covalence peut alors intervenir dans les liaisons formes avec les ligands possdant des
atomes donneurs mous (soufre, azotes aromatiques)16,17.
Cette faible diffrence lectronique entre les deux familles dactinides et de lanthanides est un
paramtre majeur exploit dans le cadre de la sparation de ces deux sries dlments f.
Figure I - 1 : Densit radiale des orbitales de valence du crium et du thorium93
I.3. Raction avec leau
I.3.1. Hydratation
Pour les cations en solution aqueuse, un modle (Burgess et al. en 1978) utilisant quatre zones
diffrentes de solvatation (zones A, B, C et D - figure I - 2) peut servir illustrer des aspects
importants de lhydratation10. La zone A (ou sphre interne) correspond la premire sphre
de coordination o les molcules deau sont directement lies au mtal par des interactions
ion-diple et o, leur nombre dfinit le premier nombre dhydratation. Tous les cations en
milieu aqueux organisent les molcules deau dans une deuxime sphre de coordination
(zone B) dont le volume dpend fortement de la densit de charge du cation. Cette zone est
Chap I : Outils bibliographiques
25
domine par de plus faibles interactions lectrostatiques qui induisent lordre et des
interactions de type liaison hydrogne. Ensuite, la zone C est une rgion dsordonne dans
laquelle les molcules deau orientes vers le cation sont confrontes la structure liaisons
hydrogne des molcules deau dans la zone D. Ainsi la structure des molcules deau est
intermdiaire la structure ordonne ion-diple et larrangement ttradrale que reprsente
le solvant (zone D). Ce modle est valable dans le cas de solutions suffisamment dilues o
les cations sont suffisamment spars de faon avoir les zones B et C bien distinctes.
Les mesures classiques (mobilits des ions, enthalpies et entropies des solutions) empchent
la distinction entre les molcules deau des zone A et B. Les mthodes de diffraction des
rayons X, de fluorescence et spectroscopiques sont utilises pour dterminer le nombre de
molcules deau de la premire sphre dhydratation du cation.
Le nombre de molcules deau associes en premire sphre de coordination des cations
lanthanides a pendant longtemps t un des sujets les plus controverss de la chimie des
lanthanides. Des mesures de diffraction des rayons X sur des solutions aqueuses concentres
de chlorures de lanthanides (environ 3 mol.L-1) effectues par Habenschuss et Spedding en
1979-8018 ont permis de dterminer le nombre de molcules deau de sphre interne.
Lanalyse des rsultats montre que lhydratation des lanthanides (III) sur la srie est
diffrente. En effet, le nombre dhydratation est de 9 pour les lanthanides lgers (La au Nd) et
de 8 pour les lanthanides plus lourds (Tb au Lu). Ces rsultats sont confirms par des mesures
de diffraction des neutrons en 1989 par Merbach et al19,20. Quant aux lanthanides du milieu de
la srie, ils prsentent des nombres de coordination intermdiaires. Deux explications sont
avances : soit ils prsentent une structure qui est intermdiaire aux deux groupes, soit ils
Figure I - 1 : Zones dhydratation dun cation Ln3+. Zone A, la premire sphre dhydratation et Zone B, la seconde sphre dhydratation, Zone C, eau dsordonne,
Zone D, le solvant10
D
C
BA
Ln3+D
C
BA
D
C
BAC
BA
Ln3+
Chap I : Outils bibliographiques
26
existent sous la forme des deux structures en quilibre. Il semblerait que les ions Sm3+ et Eu3+
existent en quilibre entre la forme octa-coordonne et nona-coordonne21.
La Pr Nd Sm Eu Tb Dy Er Tm Yb Lu
9,1 9,2 8,9 8,8 8,3 8,2 7,9 8,2 8,1 7,9 8,0
Tableau I - 3 : Nombre de molcules deau lies au cation Ln3+, dtermin par diffraction des rayons X (except pour Yb, diffraction des neutrons)10
Quant aux actinides, les techniques par rayons X restent trs limites. Les valeurs du nombre
dhydratation des actinides ont t estimes par Fourest et al. en 198422 par interpolation en
utilisant les valeurs relatives aux ions Ln3+ dtermines par Habenschuss et Spedding. Le
nombre dhydratation serait de 9 pour le dbut de la srie et 8 pour la fin. Un changement du
nombre dhydratation est galement observ au milieu de la srie (berkelium au californium).
En 1991, Beitz dtermine un nombre de coordination de 9 pour le curium par mesure de
luminescence23.
Solvatation dans des solvants mixtes et non-aqueux
Les tudes de la solvatation des lments f dans des solvants mixtes aqueux du type
eau / actone, eau / actonitrile et eau / dioxane montrent une solvatation exclusive du cation
par les molcules deau dans la premire sphre de coordination mme si la fraction molaire
relative leau est de 0,1. Cependant, des mlanges deau et de solvants plus donneurs tel que
le dimthylsulfoxide (DMSO) vont avoir tendance solvater le cation par le donneur
organique. La solvatation prfrentielle par le dimthylformamide (DMF) est galement
observe dans un mlange eau / DMF pour des fractions molaires en DMF infrieures 0,7.
Des tudes de spectrofluorimtrie et de spectroscopie vibrationnelle sur la solvatation des ions
Ln3+ dans des solvants compltement anhydres ont t reportes par Bnzli et al. La squence
daffinit vis--vis des lanthanides (III) a t tablie24 et est en accord avec le pouvoir donneur
des solvants :
DMSO > DMF ~ H2O > actone > actonitrile
Chap I : Outils bibliographiques
27
I.3.2. Hydrolyse
Les ions hydrats peuvent agir comme des acides de Brnsted en relargant des protons des
molcules deau lies au cation pour former des complexes hydroxo selon lquilibre I - 1 :
+3n2 )OH(qLn
+
)pq3(pn2pq )OH()OH(Ln + pH
+ (quilibre I - 1)
avec q3
n2
p)pq3(pn2pq
pq ])OH(Ln[
]H][)OH()OH(Ln[+
++=
La premire tape dhydrolyse peut scrire plus simplement selon lquilibre I - 2 :
)l(23
)aq( OHLn ++ ++ + H)OH(Ln 2 )aq( (quilibre I - 2)
Les cations lanthanides shydrolysent partir de pH 6 avec de larges constantes dhydrolyse
(quilibre I - 2) comprises entre 10-9 (La) et 10-8 (Lu)25. Ils forment des espces mono- et
polynuclaires telles que Ln(OH)2+, Ln(OH)3, Ln(OH)4-, Ln(OH)2+, Ln2(OH)24+, Ln3(OH)54+
et, Ln5(OH)96+. Lhydrolyse des ions lanthanides en milieu neutre et basique peut causer entre
autre des problmes de prcipitation.
Leffet de lhydrolyse en prsence dun agent complexant peut tre estim partir des
constantes dhydrolyse et de stabilit. En effet, si les concentrations initiales en ligand L et en
Ln (III) sont de 10-3 mol.L-1, la stabilit du complexe LnL est de 104 et le cation lanthanide
Ln3+ prsente une constante dhydrolyse de 10-8 alors, pH 7 le lanthanide existe sous la
forme LnL 72%, Ln3+ 26% et Ln(OH)2+ 3%.
La plupart des actinides nexistent que sous la forme hydrolyse en solution aqueuse et
forment des espces polynuclaires2. En labsence dun complexant suffisamment fort
lamricium (III) est conserv dans des solutions pH infrieur 2.
Chap I : Outils bibliographiques
28
I.4. Proprits magntiques / spectroscopiques et applications
I.4.1. Proprits magntiques
Une proprit caractristique des cations lanthanides trivalents est leur paramagntisme
rsultant de la prsence dau moins un lectron non-appari dans leurs orbitales 4f. Seuls les
cations lanthane (4f0) et lutcium (4f14) sont diamagntiques. Pour les lments de transition
3d, le paramagntisme est dtermin uniquement par le moment de spin, la contribution
angulaire orbitalaire du moment magntique de lion tant annule par linteraction avec le
champ environnant des ligands. Dans ce cas, le maximum du paramagntisme concide avec
le nombre maximum dlectrons non apparis dans les orbitales 3d. Pour les ions lanthanides,
linteraction spin-orbite est importante ce qui implique un couplage fort entre le moment
angulaire orbitaire L et le moment angulaire de spin S. Le moment magntique de lion libre
pour un tat J est donn par :
eff = g[J(J+1)]1/2 (quation I - 1)
o J est le nombre quantique associ au moment cintique total et g le facteur de
ddoublement de Land pour llectron dfinis par :
+= SLJ et SLJSL +
et, )1J(J2
)1L(L)1S(S)1J(J1gJ +
+++++= (quation I - 2)
Les valeurs des moments magntiques des ions lanthanides26 sont rassembles dans le
tableau I - 4.
Les valeurs exprimentales et calcules des moments magntiques des ions Sm3+ et Eu3+ sont
diffrentes. En effet, temprature ambiante, ces ions prsentent un faible degr de
population dun ou plusieurs des plus bas niveaux lectroniques excits. Pour le Sm3+, il faut
tenir compte du premier tat excit J = 7/2 et pour lEu3+, la proximit des niveaux excits
J = 1 et J = 2 explique la diffrence constate. Ces ions sont donc bien des espces
paramagntiques.
Chap I : Outils bibliographiques
29
Tableau I - 4 : Proprits lectroniques des ions lanthanides Ln3+ (eff et gJ sont calculs ltat fondamental partir des quations I-1 et I-2 ; les moments magntiques sont exprims en magnton de
Bohr ; (a) observ pour les systmes cristallins [Ln2(SO4)3.8H2O]27
Agents de dplacement chimiques
Les complexes dions lanthanides (III) paramagntiques sont utiliss depuis longtemps
comme agents de dplacement chimiques. En effet, quand une molcule organique sassocie
un complexe de ces ions, le large moment magntique du cation Ln3+ induit de larges
dplacements du signal de rsonance des protons de la molcule. Ce comportement permet de
rsoudre des structures compliques. En 1969, Hinckley28 montre que le spectre RMN dune
grosse molcule telle que le cholestrol peut tre interprt en ajoutant un agent de
dplacement chimique, savoir ladduit form entre le
tris(dipivaloylmthanato)europium(III), Eu(dpm)3 et la phnanthroline. Linteraction entre le
ractif -dictonate et la molcule tudie conduit des dplacements paramagntiques qui
varient entre autre, avec linverse de la distance au cube (distance mtal paramagntique -
proton). Cet effet a t exploit par la suite pour obtenir des informations structurales sur des
molcules organiques et des mtallosupramolcules.
Ions Ln3+ Nombre
dlectrons f
Terme fondamental 2S+1LJ
gJ eff
thorique
eff
exprimental(a)
Ce3+ 1 2F5/2 6/7 2,54 2,46
Pr3+ 2 3H4 4/5 3,58 3,47
Nd3+ 3 4I9/2 8/11 3,62 3,52
Pm3+ 4 5I4 3/5 2,68 -
Sm3+ 5 6H5/2 2/7 0,84 1,58
Eu3+ 6 7F0 0 3,54
Gd3+ 7 8S7/2 2 7,94 7,90
Tb3+ 8 7F6 3/2 9,72 9,60
Dy3+ 9 6H15/2 4/3 10,65 10,30
Ho3+ 10 5I8 5/4 10,61 10,40
Er3+ 11 4I15/2 6/5 9,60 9,40
Tm3+ 12 3I6 7/6 7,56 7,00
Yb3+ 13 2F7/2 8/7 4,53 4,30
Chap I : Outils bibliographiques
30
Une autre classe dagents de dplacement chimique est employe comme agents de
dplacement chiraux permettant de dterminer lexcs nantiomrique dans des mlanges
dacides amins et de dterminer leur configuration absolue29,30.
Agents de contraste en IRM
Lutilisation de substances paramagntiques est galement ncessaire dans le but daugmenter
et de contrler la relaxation nuclaire dans les techniques de RMN pour limagerie et le
diagnostic mdical. Lattention sest notamment porte sur les complexes de gadolinium (III).
En effet, la configuration lectronique fondamentale (8S7/2) de lion Gd3+ lui confre un
moment magntique lev par la prsence de sept lectrons clibataires et un temps de
relaxation de spin lectronique long (10-9,5 s) en raison de ltat symtrique S du Gd (III).
Deux autres ions lanthanides Dy (III) et Ho (III) prsentent des moments magntiques plus
levs que ceux du Gd (III) mais lasymtrie des tats lectroniques conduit des vitesses de
relaxation trop rapides (~ 10-13 s). Ces deux proprits du Gd (III) assurent une relaxivit de
spin nuclaire efficace des noyaux avec lesquels il interagit31.
Limagerie par Rsonance Magntique repose sur la dtection locale des signaux de
rsonance magntique nuclaire des protons des molcules deau32. Lintensit du signal des
protons de leau dpend de nombreux facteurs, et particulirement des valeurs des temps de
relaxation T1 et T2 et de la squence dimpulsion utilise32,33. Laddition dun agent
paramagntique augmente la fois les vitesses de relaxation longitudinale, 1/T1, et
transversale, 1/T2, des protons prsents en sphre interne et externe du mtal34.
Le gadolinium est un mtal trs toxique sous la forme Gd3+ aquo Gd(H2O)83+. Il est hydrolys
trs rapidement au pH physiologique et se dpose sous la forme Gd(OH)3 dans le foie et les
tissus osseux dans lesquels il est limin trs lentement. De plus, comme dautres mtaux
O
O
R
R'
Ln
3
Ln(dpm)3 (R = R' = t-butyl)
Chap I : Outils bibliographiques
31
lourds, il est capable dentrer en comptition avec des ions physiologiques tels que le calcium
et le zinc pour se fixer sur des sites normalement occups par ces ions35. Ces facteurs
montrent que le Gd (III) est trs toxique in vivo, cest pourquoi, les complexes utiliss en
IRM doivent tre thermodynamiquement stables pH physiologique. Le ligand ne doit pas
saturer la sphre de coordination de lion Gd3+, mais laisser un site de coordination libre pour
quau moins une molcule deau puisse se coordonner et schanger rapidement avec le reste
de la solution pour assurer un bon transfert de linformation paramagntique. La relaxivit
sera dautant plus grande que le nombre de sites de coordination accessibles sera lev32,33.
Les polyaminocarboxylates ont t la premire famille de ligands tudis comme agent de
contraste car ce sont des ligands dont laffinit est forte pour les lanthanides (III). Les ligands
utiliss cliniquement se classent en deux groupes, les acycliques (DTPA et drivs) et les
cycliques (DOTA et drivs). Les complexes macrocycliques sont plus inertes que les
acycliques comme le montrent des tudes sur des polyaminocarboxylates analogues du DOTA
qui forment des complexes stables aussi bien dun point de vue cintique que
thermodynamique36,37. Le complexe Gd(DOTA)H2O- (Dotarem) a t le premier tre
introduit dans le domaine de lIRM.
Une srie de podants hexadentes sous units hydroxypyridonates HOPO ainsi que les
systmes HOPY dvelopps par Raymond et al. se sont rvls de trs bon agent de relaxation
en IRM puisque deux molcules deau sont lies au mtal38. Le complexe neutre
Gd(trenHOPY) est un candidat prometteur pour le dveloppement dagents de contraste
encore plus efficaces pour lIRM39.
N
N
N
N
O
OH
OHO
HO
O
OHO
DOTA
NN
O
OH
HO
N
O
HOO
O
OH
O
OH
DTPA
Chap I : Outils bibliographiques
32
Au laboratoire, Mazzanti et al. se sont galement intresss au ligand tpaa, un tripode avec
trois bras 2-mthylpyridinecarboxylates40. Le complexe de gadolinium (III) prsente une
relaxivit leve qui sexplique entre autre par la coordination de deux molcules deau sur le
mtal.
I.4.2. Proprits optiques des ions Ln3+
Les orbitales 4f ont une faible extension spatiale et sont protges des perturbations
extrieures par les couches pleines 5s25p6. Ces lectrons 4f sont donc trs peu perturbs par
leffet du champ des ligands qui peut tre considr comme une perturbation des niveaux de
lion libre. Cet effet est trs faible (entre 100 et 250 cm-1) par rapport aux complexes des
mtaux de transition o il peut atteindre 15000 25000 cm-1 et par rapport aux effets plus
importants de la rpulsion interlectronique et du couplage spin-orbite qui provoquent une
leve de dgnrescence des termes spectroscopiques respectivement de 104 et 103 cm-1.
Ainsi, contrairement aux transitions dd larges des lments de transition, les transitions ff
des lanthanides sont presque aussi fines ltat solide et en solution quen phase gaz pour les
ions libres. Mais, ces transitions tant interdites selon la rgle de Laporte, le coefficient
dabsorption molaire est donc faible (entre 1 et 10 L.mol1cm-1) rduisant ainsi
considrablement lutilisation directe du cation Ln3+ comme chromophore. Ces transitions
ff sont responsables de la couleur de certains ions (rose pour Nd3+, vert pour Pr3+).
Certaines transitions ff des ions Ln3+ varient beaucoup en intensit et/ou en forme quand
des changements ont lieu dans la sphre de coordination de lion (symtrie et champ de
ligands). Ces transitions dites hypersensibles correspondent en gnral J = 2 et sont
intressantes pour tudier la complexation des lanthanides.
N
N
OHO O OH
N
O OH
tpaa
HNO
N
OH
O
Me
N
3
Tren-Me-3,2-HOPO
HNO
N
N
OH
O
R2
N
3
R1
TrenHOPY (R1 = R2 = Me)
Chap I : Outils bibliographiques
33
Figure I - 2 : Schmas des niveaux dnergie pour le Tb3+ (a) et Eu3+ (b) donnant la taille relative de la rpulsion interlectronique, du couplage spin-orbite et des effets du champ des ligands184
De nombreux cations Ln3+ ont des proprits de luminescence intressantes. LEu3+ et le Tb3+
sont les plus utiliss car ils prsentent de longs temps de vie de luminescence (de lordre de la
milliseconde compar la microseconde voire nanoseconde pour les molcules organiques).
De plus, les larges diffrences dnergie entre leur tat fondamental et excit limitent les
dsexcitations non-radiatives via des couplages vibroniques conduisant une forte mission
dans le visible (rouge pour lEu3+ et vert pour le Tb3+). De plus, lEu3+ est particulirement
intressant car le niveau excit 5D0 intervenant dans la luminescence est non-dgnr de
mme que le niveau fondamental 7F0. Ainsi chaque bande observe pour la transition 5D0 7F0 correspond un environnement gomtrique diffrent de lEu3+. Dans le cas de
Tb3+, le premier niveau excit est 5D4 qui donne sept transitions vers les niveaux 7FJ
(J = 0 6).
Les applications utilisant la luminescence de ces ions en solution sont nombreuses dans le
domaine de lanalyse mdicale, de la biologie (marqueur biologique dans un procd de
fluoroimmunologie homogne6) mais aussi pour la mise au point de convertisseurs
supramolculaire de lumire ce qui explique lintense activit de recherche dans ce domaine
ces dernires annes41-48.
Chap I : Outils bibliographiques
34
Les proprits de luminescence des ions Eu3+ et Tb3+ sont galement utilises pour dterminer
le nombre de molcules deau lies au cation mtallique dans les complexes. Nous venons de
voir que la longue dure de vie de luminescence des cations va de paire avec un faible
coefficient dextinction molaire et par consquent, lexcitation directe des lanthanides ne peut
se faire efficacement quavec des sources laser. Par contre, si la molcule complexante
prsente une absorption lumineuse performante dans lUV dues aux transitions
autorises centres sur le ligand ( = 103 105 cm-1L.mol-1) alors en principe une
luminescence intense du mtal est obtenue par un processus appel effet dantenne dcouvert
par Weissman en 194249. Le processus de conversion de la lumire se fait via la squence
suivante : absorption par le ligand / transfert dnergie / mission par lion mtallique
(figure I - 4). Dans un tel processus, les paramtres qui contribuent lintensit de
luminescence sont :
- le coefficient dabsorption molaire du ligand
- lefficacit du transfert dnergie du ligand au mtal
- lefficacit de la luminescence du mtal.
Figure I - 3 : Mcanisme de leffet dantenne impliquant un ligand chromophore et un mtal metteur. C.I.S : conversion intersystme, TE : transfert dnergie49
ligand mtal
Chap I : Outils bibliographiques
35
La prsence de molcules deau coordonnes au mtal ou diffusant proximit peut remettre
en cause les temps de vie de luminescence et lintensit dmission du cation. En effet, lcart
nergtique entre le niveau excit et ltat fondamental de lion est combl par les niveaux
vibrationnel des liaisons O-H (vibrations de streching ~ 3600 cm-1). Une dsexcitation non
radiative trs efficace de ltat missif du mtal a donc lieu par dimportants transferts
dnergie vers les niveaux de vibrations des molcules deau. La consquence est une
rduction importante du temps de vie de luminescence et de lintensit de lmission
(quenching). Les vibrations N-H (~ 3300 cm-1) et, dans une moindre mesure, les vibrateurs
CH (~ 3000 cm-1)50 peuvent galement avoir une influence. Limportance du quenching
dpend essentiellement de la proximit spatiale de lion et de la liaison incrimine. Si les
vibrateurs O-H sont remplacs par des oscillateurs O-D la dsexcitation devient moins
efficace. Il est alors possible dvaluer le nombre de molcules deau en premire sphre de
coordination du mtal50-52.
La prsence de molcules deau dans les complexes utiliss en tant que sondes luminescentes
est un rel problme pour les raisons cites ci-dessus. Par contre, pour les tudes
fondamentales ralises au laboratoire, nous nous servons de cette proprit pour dterminer
le nombre de molcules deau lies au cation afin de caractriser la sphre de coordination des
Ln (III) dans les complexes dans leau.
Chap I : Outils bibliographiques
36
II. Sparation slective des ions f trivalents actinides (III) / lanthanides (III)
II.1. Retraitement du combustible nuclaire en France
Actuellement en France, 80% de llectricit est dorigine nuclaire. Elle est produite par 57
racteurs eau pressurise, rpartis sur 19 centrales nuclaires. Les 1100 tonnes de dchets
produits chaque anne sont issus de lirradiation dans ces racteurs de pastilles doxyde
duranium enrichi (UOX, Uranium OXide) et doxydes mixtes duranium et de plutonium
(MOX, Mixed OXide). La composition-type, pour les principaux lments et isotopes vie
longue, du combustible irradi de rfrence est donne dans le tableau I - 5. Ce combustible
loxyde duranium est caractris par un enrichissement initial en 235U de 3,5%, un taux
dirradiation moyen de 33 GW/jour par tonne de UOX et une dure de dcroissance de trois
ans.
principaux composants
lments comportant au moins un isotope ou un produit de filiation vie longue
Quantits (en kg)
actinides majeurs
(~ 967 kg)
uranium (U) plutonium (Pu)
957 9,8
Actinides Mineurs
(~ 0,8 kg)
neptunium (Np) amricium (Am)
curium (Cm)
0,42 0,32 0,03
Produits de fission
(~ 32 kg)
lanthanides selenium (Se) zirconium (Zr)
technetium tain iode
csium
9,73(1) 0,05 3,59 0,82 0,05 0,21 2,68
(1)dont La (1,20), Ce (2,35), Pr (1,11), Nd (3,99), Pm (0,08), Sm (0,77), Eu (0,13), Gd (0,07)
Tableau I - 5 : Composition-type du combustible REP (Racteur Eau Prssurise) de rfrence issu de
lirradiation dune tonne duranium53
Ce combustible nuclaire est constitu en trs grande majorit duranium et de plutonium,
mais contient galement des actinides mineurs et un grand nombre de produits de fission dont
la majorit sont des lanthanides. Les produits de fission et les actinides mineurs (neptunium,
Chap I : Outils bibliographiques
37
amricium et curium) font partie pour la plupart des dchets radioactifs haute activit et
vie longue (priode suprieure trente ans). Ils sont considrs comme les dchets ultimes du
cycle du combustible lectronuclaire car dpourvus dintrt nergtique. Ce nest pas le cas
des actinides majeurs, luranium et le plutonium, qui sont rutilisables pour produire de
lnergie.
La gestion du combustible irradi est un problme conomique et politique crucial du fait de
la radiotoxicit trs long terme des dchets. La France, qui sest engage dans la voie du
retraitement avant stockage, possde la plus grosse capacit de retraitement au monde
(1600 tonnes / an) avec le centre de la Hague. Cependant, lheure actuelle, seuls luranium
et le plutonium sont rcuprs et tous les autres dchets de haute activit sont conditionns
dans une matrice de verre et stocks selon leur radioactivit en sites plus ou moins profonds.
Le traitement des combustibles repose pour lessentiel sur le procd hydromtallurgique
PUREX (Plutonium Uranium Refining by Extraction) mis en uvre lusine Cogema de la
Hague. Le combustible est dissout dans une solution dacide nitrique concentre (3 mol/L),
luranium et le plutonium tant slectivement extraits par le tributylphosphate (tbp), avec un
taux de rcupration proche de 99,9%.
La loi du 30 dcembre 1991
Dans le courant des annes 80, lAgence nationale pour la gestion des dchets radioactifs
(Andra) a rencontr des difficults pour trouver un site dimplantation pour un centre de
stockage de dchets nuclaires de haute activit et vie longue. Suite ces oppositions,
lAssemble Nationale et le Snat ont vot la loi du 30 dcembre 1991 (aussi connue sous le
nom de loi Bataille, du nom de son rapporteur) qui constitue le premier texte lgislatif
global sur la gestion des dchets radioactifs haute activit et vie longue. Elle prvoit un
important programme de recherche structur en trois axes raliser sur quinze ans et stipule
que le Parlement devra se voir remettre en 2006 un rapport global dvaluation de ces
recherches54.
- Laxe 1 est relatif la sparation des radionuclides vie longue en vue de leur
transmutation de manire rduire substantiellement leur masse et leur toxicit qui
constituent un risque potentiel sur le long terme. Cette mission a t confie au CEA.
- Laxe 2 vise dfinir les conditions dans lesquelles pourrait tre ralis et exploit
un stockage rversible ou irrversible en formation gologique profonde et a t confi
lAndra.
Chap I : Outils bibliographiques
38
- Laxe 3 est consacr aux recherches sur le conditionnement et lentreposage de
longue dure.
Une partie des travaux de recherche du laboratoire de Reconnaissance Ionique, dont ce travail
de thse, sinscrit dans les recherches relatives laxe 1.
Stratgie envisage
Depuis dix ans, de nombreuses recherches ont t engages dans le but damliorer le
retraitement existant et notamment de diminuer le volume et la dure de vie des dchets de
haute activit. Le tri slectif, effectu selon le procd PUREX, conduit un volume et une
toxicit des dchets ultimes significativement rduits par rapport ceux des combustibles
avant traitement. Le concept de sparation peut tre largi dautres radiolments prsents
possdant une forte radiotoxicit et une dure de vie longue, comme certains actinides
mineurs et produits de fission. Les actinides mineurs concerns sont le neptunium,
lamricium et le curium qui reprsentent aprs le plutonium linventaire radiotoxique le plus
lev au sein des combustibles uss avec des priodes respectives de 2 140 000, 7400 et
8500 ans. Leur sparation permettrait de raliser leur transmutation en lments dure de vie
plus courte par un bombardement neutronique.
La stratgie mene par le CEA consiste articuler les recherches en sappuyant sur la
stratgie industrielle actuelle de retraitement du combustible us et tirer parti des
potentialits du procd PUREX.
Figure I - 4 : Schma de principe envisag du retraitement du combustible us53
PUREX
DIAMEX
Calixarnes
verre
SANEX
SESAME
ITcNp
U Pu
Cs
combustible us
CmAm
Am (III) + Cm (III)
Ln (III) + An (III)
Produits de fission + actinides mineurs
Produits
de fission
Produits
de fission
Lanthanides
Transmutation
PUREX
DIAMEX
Calixarnes
verre
SANEX
SESAME
ITcNp
U Pu
Cs
combustible us
CmAm
Am (III) + Cm (III)
Ln (III) + An (III)
Produits de fission + actinides mineurs
Produits
de fission
Produits
de fission
Lanthanides
Transmutation
Chap I : Outils bibliographiques
39
Le procd PUREX peut tre modifi pour rcuprer liode (I), le techntium (Tc) et le
neptunium (Np). Les effluents gnrs par le procd PUREX modifi, contenant de lacide
nitrique en concentration leve, devraient tre traits en trois tapes successives :
- Ltape 1 correspond au procd DIAMEX (EXtraction par les DIAMides)
actuellement en essai industriel la Hague. Il consiste en lextraction liquide-liquide
quantitative directe et conjointe des actinides et des lanthanides, ainsi spars du reste des
produits de fission, par un extractant de type diamide malonique dilu dans du ttrapropylne
hydrogn (TPH). Ce procd permet un taux de rcupration de lAm et du Cm suprieur
99,9%.
Figure I - 5 : ligands utiliss dans les procds PUREX et DIAMEX
- Ltape 2, dsigne sous le nom de SANEX (Sparation des Actinides par
EXtraction) a pour but dextraire slectivement les actinides mineurs du mlange
An (III) / Ln (III), partir dun milieu acide nitrique 0,1 mol/L 1 mol/L (de manire
saffranchir des risques de formation intempestive de prcipits). Le choix de cette approche
vient de la faible quantit dactinides mineurs (III) prsents dans le mlange, en effet le
rapport massique Ln / (Am+Cm) est voisin de 30. Cette sparation est indispensable pour
raliser ltape suivante, savoir la transmutation des actinides mineurs, de manire rduire
considrablement la radiotoxicit des dchets constitue essentiellement par ces lments. La
transmutation consiste en un bombardement neutronique ralis avec moins de 5% de
lanthanides (III) car ces lments sont neutrophages55.
- Ltape 3 correspond la sparation entre lAm et le Cm. Elle peut tre ncessaire si
une gestion diffrencie de ces lments est envisage, ce qui reste une option ouverte pour le
moment. Plusieurs concepts sont tudis, la voie de rfrence tant aujourdhui le procd
SESAME (Sparation par Extraction Slective de lAmricium par des Moyens
Electrochimiques), bas sur une oxydation et une complexation slective de lAm.
Ce travail de thse sinscrit dans ltape 2 du programme envisag pour le retraitement. En
effet, des donnes fondamentales sur le comportement des lanthanides (III) vis--vis de
O
N
R2
R1
R3
O
NR1
R2
diamide
P
O
OO
O
tbp
Chap I : Outils bibliographiques
40
ligands dintrt pour la sparation Ln (III) / An (III) sont ncessaires pour pouvoir proposer
terme des molcules capables de sparer efficacement les deux familles dlments f aux
proprits physico-chimiques quasi similaires.
II.2. Extraction liquide - liquide An (III) / Ln (III)
La sparation An (III) / Ln(III) : un enjeu scientifique
La sparation An (III) / Ln(III) fait lobjet dimportants efforts de recherche au CEA en raison
de la difficult que reprsente cette mission. En effet, comme nous lavons vu dans la partie I,
les proprits des ions Ln (III) et An (III) prsentent de grandes similitudes savoir, un degr
doxydation +III commun, des rayons ioniques et des nombres de coordination voisins et une
hydratation leve. De plus, ce sont des acides durs qui se lient prfrentiellement avec des
bases dures tels que loxygne et, linteraction mise en jeu dans les liaisons est de nature
lectrostatique. Cependant, lextension spatiale des orbitales 5f des An (III) est lgrement
plus importante que celles des orbitales 4f des Ln (III). Les An (III) ont donc tendance
tablir des liaisons avec un faible pourcentage de covalence avec des ligands possdant des
atomes mous tels que le soufre, le phosphore et les azotes aromatiques. Cette faible diffrence
entre ces deux familles est donc exploite pour envisager les futurs extractants.
Choix de la mthode de sparation : extraction liquide / liquide
Diffrents procds ont t mis en uvre dans le but de rcuprer les diffrents actinides des
fins militaires (bombes et sous-marins nuclaires), nergtiques (racteurs nuclaires) ou
encore mdicale (stimulateurs cardiaques). Ils reposent sur des techniques :
- pyromtallurgiques
- de prcipitation
- dextraction liquide - liquide
- de chromatographie ionique
Cependant, il convient de mener les recherches avec une double proccupation. La premire
sattache aux exigences en matire de performance, de sret, de fiabilit, de cot, de
minimisation des dchets secondaires, c'est--dire lensemble des critres qui doivent
Chap I : Outils bibliographiques
41
sappliquer un procd de sparation moderne. La seconde concerne lchance (anne
2006) prcise dans la loi Bataille qui conduit ltude doptions sappuyant sur la ralit
industrielle connue aujourdhui de manire fournir cette date des lments dvaluation
suffisamment tays. En effet, les procds hydromtallurgiques ont une maturit industrielle
prouve et des performances de sparation remarquables comme le prouve le procd
PUREX, tout en conduisant de faibles quantits de dchets technologiques associs. Par
consquent, la voie dexploration principale pour la sparation des radionuclides vie
longue est celle de lextraction slective partir de la solution aqueuse dacide nitrique dans
laquelle a t solubilis lensemble des composants du combustible us.
Dfinitions
Lextraction liquide - liquide (ou lextraction par solvant) est un procd hydromtallurgique
qui permet de faire passer un ou plusieurs constituants dune phase (gnralement aqueuse)
une autre phase non miscible (gnralement organique) par mlange intime entre les deux
phases. Le transfert de soluts met en jeu des ractions dextraction rgies par des quilibres
de distribution liquide-liquide. Ces quilibres sont obtenus par agitation des deux liquides, en
ralisant des mlanges aussi intimes que possible. Une fois les quilibres de distribution
tablis, une tape de dcantation permet de retrouver les deux phases distinctes et den faire la
sparation physique.
Deux paramtres56 permettent de mesurer lefficacit dune extraction liquide - liquide :
- le coefficient de distribution (DM) et,
- le facteur de sparation (21 M/M
FS ).
Pour une espce M (un mtal), le coefficient de distribution DM caractrise la faon dont cette
espce est rpartie entre les deux phases la fin de lextraction. Il est dfini comme tant le
rapport des concentrations des espces dans les deux phases. Il est li laffinit du ligand
vis--vis du mtal M.
aq
orgaM ]M[
]M[D =
Chap I : Outils bibliographiques
42
Le facteur de sparation dune espce M1 par rapport une espce M2 mesure la manire dont
un extractant est capable de sparer ces deux espces. Il correspond au rapport des
coefficients de distribution et est li la slectivit du ligand.
2
1
21M
MM/M D
DFS =
La sparation actinides (III) / lanthanides (III) est rendue difficile pour les raisons cites
auparavant et ncessite lexploitation des faibles diffrences dans la nature de la liaison
chimique de ces mtaux avec les ligands employs. En effet, les diffrences nergtiques qui
doivent entrer en jeu pour obtenir une bonne sparation sont trs faibles55. Par exemple, si les
coefficients de distribution des espces sparer D1 et D2 diffrent dun facteur 100 (D1 = 10
et D2 = 0,1), la sparation sera efficace 99% en un contact. En supposant que le mcanisme
dextraction est le mme pour les deux espces, lnergie libre du processus de sparation
scrit G = -RTLn(D1/D2). La diffrence dnergie requise est seulement de 11,4 kJ/mol ce
qui est comparable la valeur de lnergie dune simple liaison hydrogne et reprsente
seulement 0,3 0,4% de lnergie libre totale dhydratation des lanthanides. Cette diffrence
dnergie peut tre encore plus faible si un procd dextraction multi-tage est envisag.
Pour accomplir le transfert du cation hydrat de la phase aqueuse lautre phase, le cation
doit tre moins hydrophile55 et le complexe mtallique doit donc tre au moins partiellement
dshydrat. La raction de dshydratation est dcrite ci-dessous en prenant un nombre
dhydratation de 9 pour illustrer lquilibre :
+ + y2392 )OH(L)OH(M OzHOHML 2
3zy92 +
+
)( (quilibre I - 3)
Dans le cas dextractants acides ou chlatants avec une faible solubilit dans leau, la
dshydratation a lieu linterface des deux phases comme la raction de complexation pour
former le complexe neutre lipophile.
HEx3)OH(M 392 ++ OH)x9(H3)OH()Ex(M 2x23 ++
+ (quilibre I - 4)
Chap I : Outils bibliographiques
43
La dernire tape de lextraction correspond ensuite au transfert du complexe neutre de
linterface vers la phase organique.
Plusieurs paramtres influencent lextraction :
- la concentration des espces, en particulier la force ionique de la phase aqueuse. En
effet, son augmentation entrane la rduction de lactivit de leau et mme la baisse de
lhydratation de lion mtallique amliorant ainsi les contributions nergtiques lies la
dshydratation du cation et donc les transferts de phase. De plus, lorsque la concentration en
eau est rduite, les anions chlorures et thiocyanates, ligands mous trs peu coordonnants dans
leau sont alors capables dentrer en comptition avec leau pour former des complexes avec
le cation mtallique qui sont ensuite extraits par des amines55.
- la nature du contre-ion.
- la nature du solvant organique dextraction (polarit, solubilisation des ligands).
- le pH de la phase aqueuse. Le ligand doit conserver ses proprits de complexation
mme des pH acides. En effet, si lextractant peut se protoner, il existe une comptition
entre le proton et le mtal prsents dans la phase aqueuse qui nuit lextraction. Dautre part,
le pH ne doit pas tre trop lev afin de limiter la formation des hydroxydes de Ln (III) et
An (III) en solution aqueuse.
II.3. Le synergisme
De nombreux exemples dextraction liquide - liquide utilisant une combinaison de deux
extractants qui donne un plus grand degr dextraction par rapport la somme des effets
attendus pour les deux partenaires pris sparment57 sont exposs dans la littrature. Ce
phnomne mis en vidence pour la premire fois par Cunninghame et al. en 1956, fut appel
synergisme en 1958 par Blake et al58.
En prsence dun agent synergique, la dsolvatation du mtal peut tre amliore grce une
interaction spcifique entre le complexe hydrophile et lagent synergique en phase organique
qui est dcrite selon lquilibre I - 5.
nSyn)OH()Ex(M x23 + OxH)Syn()Ex(M 2n3 + (quilibre I - 5)
Chap I : Outils bibliographiques
44
Laddition dun agent synergique implique le remplacement de molcules deau
supplmentaires ou lexpansion de la sphre de coordination dans le cas o x est nul.
Laction du ligand synergique peut tre interprt de plusieurs manires :
- Dshydratation plus complte du cation
- Augmentation de la lipophilie du complexe
Le coefficient dextraction observ exprimentalement, pour tout mlange de deux extractants
S1 et S2, peut tre dcompos selon :
Dexp = 1S
D + 2S
D + D
o D est lamplitude de laccroissement synergique de lextraction. Trois cas de figure
peuvent se prsenter :
- D > 0 : leffet synergique est prsent
- D < 0 : il sagit dun effet antagoniste. Lantagonisme peut tre dcrit comme la
diminution du coefficient de distribution, soit par addition dun excs de synergiste, soit par
addition dun ractif ou dun diluant qui entre en comptition avec le mtal en se combinant
avec lextractant.
- D = 0 : le systme nest pas synergique
Les systmes associant un changeur de cations un extractant neutre sont de loin les plus
utiliss lors de lextraction de cations mtalliques.
Choix de lacide -bromodcanoque (ou acide -bromocaprique)
Bien quil ne rponde pas aux critres C, H, O, N, (il nest pas uniquement compos
datomes de carbone, dhydrogne, doxygne et dazote), lacide -bromodcanoque
prsente diffrentes proprits intressantes59 :
- cest un produit commercial liquide, miscible au solvant TtraPropylne Hydrogn
(TPH) en grandes proportions (TPH est un diluant aliphatique industriel chanes hautement
ramifies utilis lors du procd PUREX).
- cest un acide de faible pKa (2,8) en raison de la prsence de latome de brome
lectroattacteur en position du groupe carboxylate, ce qui favorise lchange cationique
avec le mtal en solution acide nitrique concentr.
- cest un compos lipophile.
Chap I : Outils bibliographiques
45
Cet agent synergique a t utilis lors des tests dextraction raliss sur des ligands neutres
dans le TPH. Lextraction synergique des lanthanides et des actinides trivalents observe
lorsque le ligand azot est combin avec lacide -bromocaprique peut tre dcrit par
lquilibre suivant16,60 :
LBrCOOHHC3M 1893 +++ ++ H3BrCOOHCML 3189 )(
Lacide -bromodcanoque est utilis comme changeur cationique. En effet, le
remplacement des ions nitrates prsents dans la phase aqueuse par les anions -
bromodcanoate amliore lextraction des complexes [ML]3+ dans le TPH.
II.4. Molcules utilises pour lextraction slective des actinides (III)
Dans cette partie, nous allons prsenter des familles de ligands capables dextraire
slectivement les An (III) des Ln (III) et voir que la mollesse des atomes donneurs est un
paramtre essentiel la discrimination.
II.4.1. Les ligands phosphors
Les composs phosphors ont jou un rle majeur dans lextraction des actinides. Ils sont
gnralement stables, bon march et commerciaux. Le tbp (tri(n-butyl)phosphate), lextractant
du procd PUREX (sparation du plutonium / uranium) extrait les lanthanides (III) et
actinides (III) faiblement except partir de solutions concentres de sels. De manire
augmenter le pouvoir dextraction, des composs plus basiques tels que les phosphates
[(RO)3PO], les phosphonates [(RO)2RPO], les phosphinates [(RO)R2PO] et les oxydes de
phosphines [R3PO] comme loxyde de trioctylphosphine (topo) ont t tudis. Les
recherches se sont ensuite orientes vers des extractants bifonctionnels de types
Br
OH
O
acide -bromodcanoque
Chap I : Outils bibliographiques
46
carbamoylphosphonates (CP, (RO)2PO(CO)N(R)2), carbamoylmthylphosphonates (CMP,
(RO)2POCH2(CO)N(R)2) et les oxydes de carbamoylmthylphosphine (CMPO,
(R)2POCH2(CO)N(R)2). Ces composs sont des extractants des Ln (III) et An (III) plus
efficaces que les composs phosphors monofonctionnels, partir de solutions dacide
nitrique dilues mais ne permettent pas de raliser la sparation intergroupe
An (III) / Ln (III)57. Le seul organophosphonate neutre ayant donn des rsultats de sparation
intressant est le dihexyl-N,N-dithylcarbamoylmthylphosphonate (DHDECMP) qui donne
un facteur de sparation FSAm/Eu gal 10,8 (0,244 mol/L DHDECMP, 0,06 mol/L NH4SCN).
Les acides comme lacide di-2-thylhexyl-phophorique (HEDHP-(C8H17O)2PO2H) donnent
de meilleures sparations. Ces composs en association avec des polyaminocarboxylates sont
la base du procd TALSPEAK (Trivalent Actinide Lanthanide separation by Phosphorus
Reagent Extraction from Aqueous Komplexes) qui permet de sparer slectivement les
actinides (III) des lanthanides (III) avec des facteurs de sparation SFLn/An pouvant atteindre
10055.
II.4.2. Les ligands soufrs
Les ligands soufrs, beaucoup plus mous, donnent de bons rsultats dans la sparation des
deux familles.
Un driv de la pyrazole, le 4-benzoyl-2,4-dihydro-5-mthyl-2-phnyl-3H-pyrazol-3-thione
(bmppt) donne de trs bons facteurs de sparation FSAm/Eu en condition synergique avec le
P
O
C7H15
C7H15
C7H15
topo
P
O
OHO
O
HEDHP DHDECMP
NP
O(C6H13)
O O
O(C6H13)C2H5
C2H5
Chap I : Outils bibliographiques
47
topo. En effet, le systme 0,3 mol/L bmppt / 0,01 mol/L topo / benzne extrait (0,1 mol/L
LiClO4, pH 3) prfrentiellement lamricium par rapport leuropium (FS = 68). Ce facteur
est augment (FS = 190) si le ligand topo est remplac par un ligand azot mou comme le 4,7-
diphnyl-1,10-phnanthroline (dpphen) avec le dcanol comme solvant55.
Les facteurs de sparation sont encore meilleurs avec les acides dithiophosphiniques comme
les cyanex, pour lesquels les travaux de Zhu et al. indiquent un facteur de sparation pouvant
atteindre 4900 pH 3,5 dans le krosne pour le cyanex 301, la valeur la plus haute ce
jour61. Malheureusement, des coefficients de distribution levs ne sont observs que pour des
pH levs (de lordre de 3 5) et lutilisation des cyanex est donc difficilement envisageable
dans les procds industriels. De manire augmenter laffinit de ces ligands vis--vis de
lAm (III) plus bas pH Modolo et al.62 ont modifi la nature des substituants sur lacide
dithiophosphinique : les groupements alkyles ont t remplacs par des groupements
lectroattracteurs du type chloro-phnyle. En prsence dun co-extractant neutre comme le
topo, le compos (Cl)2PSSH peut extraire slectivement les An (III) de solution dacide
nitrique 1,5 mol/L.
Les bons rsultats obtenus avec des molcules soufres sont nanmoins relativiser, dun
point de vue industriel, car le soufre gnre une pollution supplmentaire (SO2).
cyanex 301
PS
SH
PSH
R
S
R
cyanex
NN
dpphen
bmppt
NN
O
S
Chap I : Outils bibliographiques
48
II.4.3. Les ligands azots
Une approche prometteuse de la sparation An (III) / Ln (III) est lutilisation de ligands
atomes donneurs mous. Comme nous venons de le voir, les ligands atomes donneurs soufrs
prsentent un important potentiel de sparation. Cependant, en France, il a t choisi de
considrer prioritairement des ligands totalement incinrables, c'est--dire ne contenant que
des atomes C, H, N, O. La voie la plus suivie est lutilisation dextractants multidentes mous
bass sur des htrocycles azots de manire exalter les diffrences entre les An (III) et
Ln (III).
II.4.3.1. Les ligands tridentes
La 1,10-phnanthroline en mlange synergique avec lacide nonanoque donne un facteur de
sparation SFAm/Eu de 17,4 (0,1 mol/L NaNO3) pH 4,5 - 5,1. Pour travailler, plus haute
acidit, Musikas a utilis la 2,4,6-tris(2-pyridyl)-1,3,5-triazine (tptz). Le complexe form tant
hydrophile, lacide -bromocaprique a t employ de manire remplacer les anions nitrates
en milieu trs acide et rendre ainsi le complexe plus lipophile. Des facteurs de sparation de
lordre de 10 sont obtenus pour des pH proches de 163. La 2,2:6,2-terpyridine en
association avec un acide organique donne galement de bons rsultats, mais en milieu moins
acide (suprieur pH 2)59.
Des rsultats trs prometteurs ont t obtenus rcemment par Kolarik et al.64 avec les ligands
2,6-bis-(5,6-dialkyl-1,2,4-triazol-3-yl)pyridine (dtp 1) et 2,6-bis-(5,6-dialkyl-1,2,4-triazin-3-
yl)pyridine (btp 2) qui se sont rvls tre dexcellents extractants des actinides (III). En
condition synergique avec lacide -bromodcanoque, des facteurs de sparation compris
entre 50 et 150 ont t obtenus avec les dtp 1, alors que les ligands btp 2 donnent des facteurs
tptz
N
N
N
N
NN
1,10-phnanthroline
NN
N
NN
terpyridine
Chap I : Outils bibliographiques
49
de sparation suprieurs 100 partir de solution dacide nitrique 1 2 mol/L en condition
non synergique65. Le ligand btp 2 forme un complexe de type [ML3]3+ dans lequel les trois
ligands encapsulent totalement le mtal de manire former un complexe hydrophobe qui
facilite le transfert du cation mtallique en phase organique65. Cependant, les btp 2, qui
donnent les meilleurs rsultats, prsentent une synthse dlicate, une stabilit rduite en
milieu oxydant fort (HNO3 3 mol/L) et sont sensibles la radiolyse ce qui limite fortement
leur utilisation dans un futur procd industriel.
De manire remdier ces problmes notables Drew et al. sintressent actuellement des
ligands tridentes comme la 2,6-bis(benzimidazole-2-yl)pyridine (3), la 2,6-bis(benzoxazol-2-
yl)pyridine (4) et la 2,6-bis(benzothiazol-2-yl)pyridine (5), qui ont une stabilit leve haute
temprature en milieu fortement acide66. Parmi ces composs, le ligand 2,6-bis(benzoxazol-2-
yl)-4-(2-decyl-1-tetradecyloxy)pyridine (6) est celui qui montre des facteurs de sparation
FSAm/Eu les plus intressants (suprieurs 70) en condition synergique avec lacide -
bromodcanoque. Les performances en extraction de ces ligands tridentes sont
encourageantes mais pas aussi leves que celles des btp 2.
NN
NN N
N
N R
R
R
R btp 2
N
N NH
R
HN N
NR R
dtp 1
NN
N N
N
R''
R'R
3 4 R = OCH2CH(C12H25)(C10H21) : 6
NO
N N
O
R
NS
N N
S
R
5
Chap I : Outils bibliographiques
50
II.4.3.2. Les ligands podants
Le laboratoire de Reconnaissance Ionique a choisi dtudier la chimie de coordination des
lanthanides (III) et des actinides (III) avec des ligands tripodes et ttrapodes contenant des
htrocycles azots. La comprhension des paramtres fondamentaux mis en jeu lors de la
complexation des lanthanides (III) et actinides (III) par ces ligands prdfinis intresse plus
particulirement le laboratoire.
Les ligands tripodes
La structure tripode a t envisage pour plusieurs raisons. La structure flexible ouverte du
tripode permet de conserver une cintique de complexation / dcomplexation a priori rapide,
indispensable pour un procd dextraction liquide-liquide. De plus, la prdisposition des
units complexantes permet de renforcer la stabilit des complexes forms par effet chlate.
Enfin, ces ligands prsentent une synthse plus facile que les ligands tridentes et les proprits
structurales et lectroniques de ces ligands peuvent tre modules finement.
Des ligands tripodes diffrant par le nombre et la nature des sites donneurs ont t tudis au
laboratoire.
Le ligand tpa (tris(2-pyridylmthyl)amine) a servi de point de dpart aux tudes dextraction
et de complexation ralises sur les tripodes. Ce ligand ttradente prsentent trois cycles
aromatiques azots pyridiniques. Il extrait faiblement lamricium (III) et leuropium (III) et
ne permet pas leur sparation (FSAm/Eu ~ 1,9 pH ~ 2, en conditions synergiques). Le ligand
ttradente ntb (tris(2-benzimidazolylmthyl)amine) ne permet pas non plus la sparation des
deux familles (FSAm/Eu = 2,7 pH ~ 1,5). Par contre, le ligand tpza (tris(2-
pyrazinylmthyl)amine) dans lequel les motifs pyridines du ligand tpa ont t remplacs par
des motifs pyrazines plus polarisables donne une slectivit comparable celle obtenue avec
la tptz (FSAm/Eu ~ 10,8 pH ~ 2). En revanche, laffinit est faible, et les coefficients de
distribution restent bas.
NN
NN
NN
Ntpza
tpa
NN
NN
Chap I : Outils bibliographiques
51
De manire augmenter laffinit de ces ligands pour les lments f le nombre datomes
donneurs a t augment. Les ligands heptadentes tbpa (tris[(2,2-bipyridin-6-
yl)mthyl]amine), tpaam (tris-[(6-(2-(N,N-dithylcarbamoyl)pyridyl)mthyl]amine et le
ligand nonadente trenphen ont t tests en extraction liquide-liquide.
Le ligand tbpa extrait faiblement lAm (III) et lEu (III) malgr laugmentation du nombre de
sites de coordination et ne permet pas leur sparation (FS ~ 3,6). Par contre, le ligand tpaam
alliant des sites de coordination mous (azotes aromatiques) et des sites durs (oxygnes des
amides) prsente des rsultats dextraction intressants. Les sous-units picolinamides ont
dj montr leur potentiel pour lextraction slective des actinides (III), avec des facteurs de
sparation pouvant aller jusqu 20 suivant les conditions67. Si la slectivit reste faible en
condition non synergique (FS = 9), la slectivit du ligand tpaam est trois fois suprieure
celle de lunit picolinamide (sous-unit du ligand tpaam) (FS = 3,17) et celle du ligand tpza
(FS = 2,59) (figure I - 7).
Le ligand nonadente trenphen qui contient galement des sites azots mous et des sites
oxygns durs prsente une slectivit intressante (FS = 15 - 20) deux fois suprieure celle
du ligand phen-amide (sous units du ligand trenphen) en conditions synergiques dans le
ttrachlorothane. Cependant, ce ligand prcipite quand il est protonn ce qui exclut son
utilisation en milieu trs acide.
N
NHN
N
HNN
NHntb
NHN
NH
OHN
O
O
N
N
N
N
N
N
trenphen
Chap I : Outils bibliographiques
52
Figure I - 6 : Extaction Am / Eu avec des ligands tpa, tpza, tpaam et picolinamide en condition non synergique (pour des raisons de lisibilit, les coefficients de distribution de tpa, tpza et picolinamide ont
t multiplis par 100)93
Ces rsultats montrent que les ligands tpza et tpaam donnent des facteurs de sparation plus
levs que la tpa, ce qui montre que la prsence datomes donneurs plus polarisables est un
facteur important pour la discrimination An / Ln. De plus, le ligand tpza est moins basique
que les ligands tpa et tbpa et donc moins sensible la protonation. Nanmoins, le principal
problme rencontr avec ces ligands est quils possdent une faible affinit pour les lments
f en solution aqueuse.
Les ligands ttrapodes
Des ligands ttrapodes hexadentes ont t mis au point au laboratoire afin daugmenter :
- laffinit pour les cations mtalliques par lintroduction de sites de coordination
supplmentaires et,
- la flexibilit du ligand qui peut ainsi mieux sorganiser autour du mtal.
N O
N N
N
ON
N
ON
tpaam
N
NN
NN
NN
tbpa
Chap I : Outils bibliographiques
53
Ces ligands ttrapodes contiennent quatre motifs pyrazines qui sont favorables la slectivit
An (III) / Ln (III). La nature de lespaceur entre les deux azotes aliphatiques est variable
(thyle, propyle et cyclohexyle) et permet de mettre en vidence linfluence de la modulation
de la chane carbone sur les performances extractives.
Les ligands hexadentes tpzen (N,N, N,N-ttrakis(2-pyrazinylmthyl)-1,2-thylnediamine),
tpztn (N,N, N,N-ttrakis(2-pyrazinylmthyl)-1,3-trimthylnediamine) et tpzcn (N,N,
N,N-ttrakis(2-pyrazinylmthyl)-trans-1,2-cyclohexanediamine) ont t synthtiss et tests
en extraction liquide-liquide avec lacide -bromodcanoque comme coextractant
synergique.
Une nette amlioration de la slectivit par rapport aux ligands tpza et tptz est observe pour
la tpzen pour laquelle le facteur de sparation peut atteindre 76 selon les conditions.
Laugmentation de la slectivit du ligand tpzen par rapport au ligand tpza peut tre attribue
la prsence dun groupe pyrazine supplmentaire, associe une interaction mtal - ligand
plus forte due la plus grande flexibilit du ligand68.
Les ligands tpztn et tpzcn ne prsentent aucune slectivit en extraction, leurs facteurs de
sparation respectifs (FSAm/Eu moyen ~ 1,8 et FSAm/Eu moyen ~ 2,8) sont faibles.
Lallongement de la chane aliphatique de la tpzen avec un groupement mthylne ainsi que
laugmentation de la rigidit du ligand diminue la slectivit et les performances extractives.
Cette diffrence de slectivit est attribue la diffrence darchitecture des ligands qui
conduit des conformations variables. La conformation adopte par le ligand tpzen en
extraction permet probablement une interaction Am (III) - Npyrazine maximise qui conduit
NN
N
N
N
N
N
N
N
N
tpzen
NN
N
NN
N
N
N N
N
tpzcn
N
N
N
N
N
N
N
N
N
N
tpztn
Chap I : Outils bibliographiques
54
une meilleure slectivit. Ce comportement dmontre la relation entre larchitecture du ligand
et la slectivit en extraction et met en avant limportance de ce nouveau paramtre prendre
en compte en plus du type datomes donneurs, dans la conception de ligands slectifs.
Enfin, la tpen (N,N, N,N-ttrakis(2-pyridylmthyl)thylne diamine) prsentant quatre
cycles pyridiniques a dj t teste en extraction liquide-liquide et montre une slectivit
leve (FS = 100) pH 4 en utilisant le nitrobenzne comme solvant69. Ce ligand a dj fait
lobjet dtudes en solution. La constante de stabilit du complexe [Am(tpen)]3+
(log 110 = 6,69) est cent fois suprieure celle du complexe [Sm(tpen)]3+ (log 110 = 4,65)
dans leau 298 K traduisant une interaction plus forte des cations actinides (III) pour les
ligands mous par rapport aux cations lanthanides70. De plus, il est capable de complexer plus
fortement les lanthanides (III) en solution aqueuse que le ligand tpa.
Dans les mmes conditions dextraction, le ligand tpen possde un facteur de sparation
Am / Eu de 20 suprieur celui observ avec les ligands tptz, tpa et tpza. La slectivit
observe pour le ligand tpen plus importante que les ligands tpa ou tpza est explique par
larchitecture du ligand comme dans le cas du ligand tpzen. Cependant, la tpen est trop
basique et trop hydrophile pour extraire slectivement les actinides (III) dans les conditions
acides de lextraction.
Les rsultats dextraction montrent en autres que plus le ligand est basique et plus il
consomme de protons de la phase aqueuse ce qui diminue lacidit du milieu lquilibre
(pHq > pHini). De plus, la protonation des ligands saccompagne de leur solubilisation en
phase aqueuse, ce qui est lun des principaux problmes rencontrs lors de lextraction en
milieu fortement acide par ces ligands azots. Nanmoins, le ligand tpzen est
significativement le plus slectif vis--vis des An (III) parmi ces diffrents ttrapode