Communauté San't Egidio

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Sest IONU tb tornhe. A son slège, un oouverlt rctnaln, défibnt dteûs d'Etat, dhlomates ou dbsidents. Ses membres, laics catholiques, sont sans cesse sollicitê pour rétabllr la pak dans toutes les Tous les conflits es couples d'amoureux en week-end à Rome lézardent en terrasse, inditferents à la parouille de flics débonnaires qui a garé sa voiture, comme tous les jours, au milieu de la piazza Sant'Egidio (la place Saint-Gilles). Cette halte de rêve pour touristes épuisés est à deux pas du Vati- can. au cæur du Trastevere, un quartier populaire dans la courbe du Tibre. adorable comme un vil- lage. Mais les hauts murs de brique sur lesquels bute Ia placette gardée iour et nuit abritent un mystérieux couvent aux allures de forteresse. un ancien carmel du XI" siècle aux murs lézardés qui aurait fait le bonleur de Jean-Jacques Annaud. Un vrai décor de polar médiéval pour remake dt Non de la rcse. (< Communauté de Sant'Egidio ). Une petite plaque. discrète, à gauche de l'entrée, sous I'(}il d'une caméra de surveillance... < Alt. yous avez rentarqtré nos anges gqrdie s el [a cqnéra ? Ça,c'est grâce àl'Algérie ! Enfirt,je m'enteru1s, depuis rtos retrcorltres, en 1995, are<' I'opposi- lion algérierne, nous somnles sous suryeilla - Ce Permqnellte... ' Tout en rondeur et en soudre, Mario Giro reçoit ses visiteurs avec la faconde romaine qui sied bien à son physique. Cet accueil attentionné, on le comprendra plus tard, est l'une des marques de fabrique de Sant'Egidio. Cette manière d'ouvrir les pones du couvent a le mérite, en tout ca.s, de dé- gont'ler instantanément notre cinéma : Mario, permanent dans un syndicat de gauche (comrne tous les membres de la communauté, il exerce un métier), n'est pas du genre à jouer les moines au regard torve dans Le No t cle lu rose i o Cotltrai- rcntent à.? qu'on a sans doute tlû tous dire, Sont' Egidio n' a pas la goût du seu et ,, dit-il en nous entËînant dans les tlédales du couvent pour déboucher sur une incroyable courette plantée en son milieu de deux immenses bouquets de ba- naniers. Le goût du secret. peutêtre pas. Mais la discrétion esr une règle d'or de la maison. Et pour cause : ici. sous ces bananiers, défile depuis >- Andrea Riccardi, le fondateur, entre dèsx de s€ diplomates, Marco lmpagliazzo et Malio Giro. Pas un vÈiteul important à Rome qui ne fasse le détou. par SanfEEidio. 10 Télé.âmâ N. 2604 - 8 décembre a999

description

Description d'une communauté qui oeuvre pour la paix.

Transcript of Communauté San't Egidio

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Sest IONU tb tornhe. A son slège, un oouverlt rctnaln, défibnt dteûs d'Etat, dhlomates ou dbsidents.Ses membres, dæ laics catholiques, sont sans cesse sollicitê pour rétabllr la pak dans toutes les

Tous les conflitses couples d'amoureux enweek-end à Rome lézardenten terrasse, inditferents à laparouille de flics débonnairesqui a garé sa voiture, commetous les jours, au milieu de lapiazza Sant'Egidio (la placeSaint-Gilles). Cette halte de

rêve pour touristes épuisés est à deux pas du Vati-can. au cæur du Trastevere, un quartier populairedans la courbe du Tibre. adorable comme un vil-lage. Mais les hauts murs de brique sur lesquelsbute Ia placette gardée iour et nuit abritent unmystérieux couvent aux allures de forteresse. unancien carmel du XI" siècle aux murs lézardésqui aurait fait le bonleur de Jean-Jacques Annaud.Un vrai décor de polar médiéval pour remakedt Non de la rcse.

(< Communauté de Sant'Egidio ). Une petiteplaque. discrète, à gauche de l'entrée, sous I'(}ild'une caméra de surveillance... < Alt. yous avezrentarqtré nos anges gqrdie s el [a cqnéra ?

Ça,c'est grâce àl'Algérie ! Enfirt,je m'enteru1s,depuis rtos retrcorltres, en 1995, are<' I'opposi-lion algérierne, nous somnles sous suryeilla -Ce Permqnellte... '

Tout en rondeur et en soudre, Mario Giro reçoitses visiteurs avec la faconde romaine qui siedbien à son physique. Cet accueil attentionné, onle comprendra plus tard, est l'une des marques defabrique de Sant'Egidio. Cette manière d'ouvrirles pones du couvent a le mérite, en tout ca.s, de dé-gont'ler instantanément notre cinéma : Mario,permanent dans un syndicat de gauche (comrnetous les membres de la communauté, il exerceun métier), n'est pas du genre à jouer les moinesau regard torve dans Le No t cle lu rose i o Cotltrai-rcntent à.? qu'on a sans doute tlû tous dire,Sont' Egidio n' a pas la goût du seu et ,, dit-il ennous entËînant dans les tlédales du couvent pourdéboucher sur une incroyable courette plantée enson milieu de deux immenses bouquets de ba-naniers. Le goût du secret. peutêtre pas. Mais ladiscrétion esr une règle d'or de la maison. Et pourcause : ici. sous ces bananiers, défile depuis >-

Andrea Riccardi,le fondateur, entre

dèsx de s€diplomates, Marco

lmpagliazzo et MalioGiro. Pas un vÈiteul

important à Rome quine fasse le détou.

par SanfEEidio.

10 Télé.âmâ N. 2604 - 8 décembre a999

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Reportage ; Thierry LeclèrePhotographies : De Luigi/Contrasto/Gamrn€r

\menent à Ronle

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Andrea Ric-cardl. Soixante-hlttârd, flls de banquiel, professeur d'université, il a créé la confrérie à la tin des années 60.

Un guide très courtiséAlois que tout s'agite autour de lui,il adopte la posture du flâneur détaché, attentionné, sincèrement à

l'écoute de ses visiteuls. AndreaRic€ardi ne s'aime pas en big bossp;essé, même si les rendez-vouspleuvent sur son agenda. cê pro-

fesseur d'université, sÉcialisted'histoire religieuse, auteur d'unethèse sur l'évêque Henri Maret(conseiller de Napoléon lll), a com-mené, en bon fils de banquiel, Parétudier au lycee Virgile, l'établis-sement chic du centre de Rome.Lejeune Riccardi lit Grâmsci et unpeu Marx, mais, au toumant de æ,il préfère la lecturê de I'Evangile à

celle du Mânifeste du parti com'munbte. llse construit une culturereligieuse d'autodidacte en dévo-rant les théologiens orthodoxeset protestants. L'idéalisme révolu-tionnaire des années 60 I'entraîneà la périphérie de Rome ; dans lequartier misérable de Rimavalle, ildécide, avec quelques amis, de. viwe l'EvanÉ,ile au milieu des pau-vres ,, à l'époque où des gauchis-

tes, en France, vivent leur cheminde croix maoiste immergés dans

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les usines et les campagnes. Al-phatÉtisation, soutien scolaire, sor-ties à la mêr. La ( communauté s,

comme ils disent, ne s'appelle pas

encore Sant'Egidio : elle prendra le

nom de la placette et de lâ Petiteéglise du TrasteveÏe quand la ban-de à Riccardi s'installera dans I'an-cien couvent abandonné, propriété

de I'Etat, qui leur sert aujourd'huide maison commune.Créateur, inspirateur et guide in-contesté de Sant'Egidio, Riccardiaurait tout du gourou s'il n'avaitcette élégance intellectuelle et cet-te lucidité qui lui font dire : * l-eÉtand sque que courent les exp6ûencf,s communautaires, c'est tesectaûsme, qui conduit à viwe en-fermé en s(i-r'lême et à se prendrepour le Mêssb ou à se clo,:te inrcstide I'Evanéile.-- , Courtisé pal lespolitiques, des exdémo$ates chlÉtiens aux ex{ommunistes, Riæardiconnaît Rome dans ses moindresrecoins. On lui a même proposé dese pÉsenter à la maifie ; il avoueune attirance pour la politique, maisil se sâit plus influent là où al est. Onn'en doute pas une seconde.

>- des années tout ce que la planète compte dechefs d'Etat de pays en guerre, de guérilleros, dedissidents pourchassés, de ministres des affairesétrangères en mission secrète, de chefs religieuxdu monde entier... Pa,s un visiteur important à Ro-me qui ne l'asse, en catimini ou non. le détour parSant'Egidio, l'un des plus étranges et des plusmystérieux lieux de pouvoir de la planète,

n Wontlerful people !,, s'est exclamée l'annéedernière Madeleine Al-

te mælrétisme bright à sa sortie de sant'Ou'exerce la Egidio. La toute-puissante

àmmunauté secrétaired-Etat améri.-------;--: - caine. lors de son séjourF-Tgme a . à Rome. a passé plui de1!192, quand a ternps avec'Andrea Ric-pdsfin, au bout

"urdi. te chefcharisma-

de 27 mOiS dg tique de la communauté,

di*f.eSiOnS. qu'avec le pape. Alors

la Euerre au pourquoi cette commu-::o--"--.-- naulé de laïcs qui serl de-Mozamtique. puis rrenre ans la soupeAprès15 ans poputaire uu* puuuà,et 1 million de Rome, qui s'occupe,

cb mftS. comme tant d'autres, demalades du sida, de SDR

de sans-papiers, exerce-t-elle un tel magnétis-me sur les grands de ce monde ? La Éponse estsimple, elle date de 1992, quand a pris fin, auMozambique, une guerre totalement oubliée.L'événement, en France, est passé quasimentinaperçu, mais le 4 octobre de cette année-là, legouvemement mozambicain et la guérilla >-

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de servir. Pour ne déplaireni aux guérillaos de Ia Re-namo ni aux gouvememen-taux du Frelimo, il a fallucourir tout le Trastevereen catasUophe à la recher-che d'un second poisson,de taille scrupuleusementidentique. . .

I,a communauté, qui s'estinventé un nom pour sanouvelle profession - < fa-cilitateur de paix > -, neh?vâille jâmais toute seule,bien évidemment. L'ONU,le gouvemement italien etd'auh€s encore ont aceou-

Danslegandr€f€ctirc, àdeu pas duoouvent,sangpapfrersdes pays deI'Est, tsiganesou proetihêsvbmentplendrc I'unde618{Xtrcpasg"ûritsquoffdbns.

> ont signé un accord de paix qui a mis fin àune guerre vieille de quinze ans, responsable d'unmillion de mons. Et c'est Sanr'Egidio qui, fortede ses contacB et de ses actions de coopération auMozambique, a réuni les frères ennemis et a hé_bergé les négociateurs tout au long des... vingt-sept mois épuisants de discrsssions.

" Il faudraitun ronwn pour raconter celte aventure... >, se sa]ù-vient Andreâ Riccardi, encore émerveillé par cepremier coup de maftre. [.e prcmier repas rassem_blant les négociaûeurs est enné dans ia légende.Seul le chef, dâns lâ tradition mozambicaiie, esten droit de coup€r la tête du poisson au moment

nant reprise d'article en article... Ce qui o,estpas pour déplaire à Andrea Riccardi et à ses pro-ches, toujourstrès soucieux de I'image véhiculéepar la communauté. En France aussi. même sielle n'est connue que d'un cercle d.initiés. cetteconfrérie compte bon nombre de sou(iens in_flrrents, comme le rabbin Sirat, qui ne tadt pasd'éloges sul ces Romains qu'it connalt bien pourâvoir participé, sous leur égide, à de nombrcusesrencontres inter-religieuses 1 < Ils ne fofi pasde prosélytisme et sont remsrquqblement at_tenlionnés à l'égard des autes communautés re_ligieuses,. Et puis sur le teîrain, à Rome, je lesai vus à l'æuvre auprès des pauvres, des vieut, desmalades et des ëtrungers : ils ont une approchetrès généreuse, pas d.u tout condescendàûe, pasdu gene "dame patronnesse" ,.- f'ai pout:'e*tune admirution sans r€serve. ) Admiration dontle rabbin Sirat a témoigné par écrit aux jurésd'Oslo, il y a quelques années, proposant la com-munauté au prix Nobel de la paix. Au mêmemoment, le patriarche de Constantinople, pourfEglise orthodoxe, faisait de même. . . SantT,gi_dio a cru. à plusieurs reprises. pouvoir décrocÈerle prestigieux prix.

Mais Mario Giro et Marco Impagliazzo, un au-tre de nos poissons pilotes soucieux de nous mon_lrer < le vrai visage de la communâuté >. n,ontpas envie de parler seulement de leurs contactsen Afriqueou dans le monde arabe, deux régionssur lesquelles ils travaillent d'arrache_pied.-Toutvisiteur passant par Sant'Egidio est d';bord did_gévia Dandolo. vers la zeasa, la soupe populairequi, à deux pas du couvent, est la vitrin; de I,ac-tion de la communauté au cæur de Rome. Dans cegrand Éfectoirc où sans-papien des pays de I 'Est,tsrganes ou prostituées viennent prendre I'un desI 800 repas gratuits servis quotidiennement, onmesure mieux le potentiel mititant impressionnantd€ SanfEgidio. Toute l,intendance s'appuie exclu_siv€ment sur des ænévoles. La communauté, quicompre officiellement 10 000 à l2 000 membèsdâns toute l'Itâlie, plus quelques millien encoreen Afrique. en Amérique et en Europ€. n'emploiequ'une dizaine de permanents.

n Ir militantisme chrétien a été, de tout remps,tt'ès important en ltalie, mais c'est toute l,his_toire de Sant Egidio, née à la fin des années 60dans les borgate, Ies bidonvilles romains , qui er_plique.

,no.trc enracinement et notre présence qu_

Joard hut dans une trentqine de lieu-x à Rome ,,explique Andrea Riccardi, professeur d'histoirecontemporaine à I'université de Rome III, pèrefondateur et leader inconûesté de la communauté.Fondée par des lycéens des beaux quartiers, desfils de bourgeois soixante-huitardi (voir enca_dré page l2) qui decouvraient à leur pofie la mi_sère des banlieues, Ies < apôhes > fondateurs deSant'Egidio ont fait væu de vivre âu milieu despauvrcs. Hier parmi les immigrés italiens de l.in_térieur. aujourd'hui parmi les clandestins, lesSDF ou encorc les tsiganes victimes d,un racismeprimairc à Rome.

Mais comment passe-t-on des bidonvilles deRome à ta diplomatic secrèto ? En fait, par >

A[ centè d'ac.uellpogr petaonnes

âgées, SanfEÉtdb,née daÉ leg

Hdonvill€s ltlmitrs,compte en ltalbe r? ,qmst

,.il filO m€mbrc3,

ché de cet accord mozambicain. Mais le fait estlà : depuis le Mozambique, Andrea Riccardi et sesdiplomates de I'ombre sont sans cesse sollicitéssur tous les conflits inextlicâbles de la planète.Qu'ils réussissent, comme au Mozâmbique, ouqu'ils échouent, comme en Algérie, en 1995 (on yreviendra). on conrinue toujours de les appelei.Hier le Guatemala. le Soudan, I'Angol4 le liwan_da._le Kosovo. Aujourd'hui le Burundi, le Congode Kabila... il y a toujours un chefd,Etat, un chifclandestin, un évêque pour décrocher son télépho_ne et composer le numéro de SOS Sant'Egidio.

Sant'Egidio ? C'esr < I'ONU duTrastevere > |Depuis qu'un joumaliste italien les a ainsi sanc_tifiés, la formule a fait florès et elle est mainte-

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II5I> le plus grand des hasards. La première mé-diation concema la guerre du Liban, lorsqueSânt'Egidio obtint le retour de groupes chrétiensdans le Chouf, à la sùite d'une rencontre avecWalid Jumblatt, le leader druze. Les années pas-sèrent, puis la communauté se porta au secours

les raresennemisde la confÉrievoient dansceue softed'Opus Deide gaucheun mystédeuxporMollooculte.la maclrineà fantasrrcva bon fain.

de chrétiens chaldéensirakiens. qu'elle fit sonirpar le Kurdistan. Avec àchaque fois, pour clé de laréussite, les réseaux chré-tiens de Sant'Egidio dou-blés de contacts chez leshumanitaires, les jouma-listes et les diplomates,Car si Sant'Egidio a unpouvoir, c'est bien celuide son formidable cametd'adresses tissé au fil desannées. I-e Éseau infomeldes < amis > de Sant'Egi-dio s'étend de directeursde joumaux influents aux

responsables d'ONG ou d'organismes inter-nationaux, jusqu'aux plus hauts responsables po-litiques de la planète : Andrea Riccardi peutdécrocher son téléphone pour appeler son vieilami Prodi. le président de la Commission euro-péenne, mais il peut aussi bien rencontrer FidelCastro ou se rendre en Afrique, où il est reçuavec les égards d'un ministre.

Pour qui roule vraiment Sânt'Egidio ? se de-maûdent, en Italie, Ies rares ennemis de la confÉ-rie qui, comme Sandro Magister, du journalL' Esprcsso , yoieît dans cette sorte d'Opus Dei degauche un mystérieux pouvoir occulte. Certainsjoumaux algériens ont même amrmé- sans preu-ve, que Sant'Egidio avait quelques accointancesavec la CIA... La machine à fantasmes va bontrain. Plus sérieusement, on a pu se demander sila communauté était. oui ou non, un sous-marindu Vatican. Dans ce domaine, on peuc êre sûrde deux choses : Sant'Egidio enretient des rela-tions extrêmement privilégiées avec le pape etcompte aussi - ce qui n'est pas incompatible -de sérieux ennemis à la curie romaine. Jean-Paul II ? < Un pèrc et un ami ", déclare AndreaRiccardi, qui a r€ncontré le pape, dès le débutde son pontificat, sous sa casquette (sa mitre ?)d'évêque de Rom€ : < Nous lui ayons fait décou-vrir cette Rome des paares qu'il ne connaissaitpas. Après une prcmièrc rencontre dans un quar-tier, il nous a invités, avec un groape de jeuuesde la communauté, dans sa résidence de CqstelGandolfo. Depuis, nous n'arons pas cessé d'êtrcen contacl- > C'est peu dire. Andrea Riccardi etVincenzo Paglia, le truculent curé de Sant'Egi-dio, qui a mené maintes négociations secêtes àBelgrade auprès de Milosevic, rencontrent plu-sieurs fois par an le pape pour de longues conver-sations à bâtons rompus. Jean-Paul II donne du< prcfessorc < àRiccardi, lequel voit dans ce papeglobe-trotter < aze grunde figurc , gui a tne É,-flexion sur le monde. Et puis, signe suprême deconfiance, le pape a autorisé Sant'Egidio à >

Sant'Egldio s'actlve sllr une trentalno de llelx à Rome et dalrs sa badleue.

La trotskiste, les cathoset les opposants algériensQuand I'Algiâienne Louba Hanoune,militante trotskiste, égérie du Partides travailleurs, est contactée à lafin 1994 par Sant'Egidio, elle ac-cepte de \renir à Rome sam hésiter.PouÉant, l'offre de dialogue est desplus tordues : à deux rèprises, àquelques semaines d'interualle, lacommunauté invite autour de latable la carpe et le lapin, des op-posants historiques comme BenBella et Ait Ahmed, mais aussi unchef ultra-radical du FIS en costu-merravate, Ànouar Haddam. Vùlontaircment absent des débats,le pouvoir, depuis Alger, hurle à latrahison. Louisa Hanoune raconte :

, Je ne connaissais ni Sant'Eétdioni t'ltâlte. Mais je suls cuûeuse, etputs J'avais du mal à rencontrerat eurs les paftis al#rtens d'owo-sition, notamment res isramistes.C'éâit t'occasion. J'ai Wuvé, ctu cô-té de Sant'Wio, des gens dircrcts,disponibres, orÉarisés ; ils saventmetbe à ,'aise ,eurs invités, ib vousoffrent ,es servic€s d'un accompa-g,nateur qul vous débrouille tousles problèmes mat&iels. l'ai étéreçue, la premièrc fois, dans un â-

dre plutôt convlvlal et infotmet.La seconde fots, pour rédigier taptatelorme, nous no0s réurissionsjow et nuit, entre Atéériens, MartoGirc, qui rcpésentait Sant'EÉidio,ne formutait aucune propositionà son conrpte (heureusement, jen'aurais pas supporté une inter-vention extérieurc etje se/ais sot-tie immédiatement !). Dans ,esrnornents de tension, son fôleconsistait srrmprernent à ne pascouper les ponts, it voulait à toutprix qu'on aboutlsse. Que pouvait-on attendrc de cette ptate-fomeque je ne rcÉtette pas d'avotr si-ûée ? Je ne m'attendais pas à ceque le FtS devienne démocnte,pas ptus que je n'étals tà poutconvalncrc ,es autres de devenirtrotskistes. tl latlait arrêtet I'effu-sion de æne c'êtaft ça t'utænæ. Lepouvoir nous a opposé une fin denon-recevoit- Moi, je m'attendaisâux ctitiques et aux irsunes yenânt

du pouvofu et d'une paftle de lapresse. Sant'EEidio, visiblement,en a été surpris. ,rs n'ont pas corn-pris et ont souffett de ce déchaî-nement de passions contre eux,pendant des mois. Ce n'est queréc?.mment que le Wésident Bou-tefllka teur a remis du baume aucÊur en rêhabilltant I'idée de laplate-forme de Rome. ,

Télérana t{o 2604 - 8 décêmbre lgg9

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'1

> poursuivle, d'anné€ en année, les rencontresinter-religieuses que le Vatican avait lancées àAssise en 1986. Un rendez-vous annuel d'évêques,de muftis, de rabbins, de popes venus du mondeentier, qui endchit par la même occasion le for-midable Éseau de Sant'Egidio.

Mais cette proximité avec le pape, qui est tou-jours informé des démarches de Sant'Egidio, nefait pas polr âutant de Ia communauté une an-tenne du Vatican,.. Il suffrt de connaltre I'aversionà peine dissimulée pour ces trublions du Traste-vefe de I'archeveque Jean-Louis Tauran, chef dela diplomatie du Saint-Siège, pour comprendreque le Vatican et la communauté n'ont ni les

lmpaglîazzo quand on reproche à Sant'Egidiod'avoir invité à sa table des criminels. des chefsde guene, voire des génocidaires.

< Sant' Egidio ? C' est une création paementromaine, avec ce qtte Rome peut signifier d'utti-versalisme, cl' ouverlure au monde et d'art de vi-we, aussi : on voit parmi eusc beaucoup de bonsvivqnts qui sqyent rirc et qui sont loin de viyredans I'ascèse permoflenr€ ,, rematque lean-Do-minique Durand. Conseiller culturel de I'ambas-sade de France auprès du SaintSiège, ce professeurd'histoire â longsement interrogé son coltègueuniversitaire Andrea Riccardi pour un tivre d'en-tretiens ( I ). ( Sar,t'Egidio, c' est le conû aire d' une

secte, On les q accusésTfente anS aussi tl'être une EgliseapÈs S€S dans I'Eglise : c'est exagé-

déb'b, ré, mais il est vrai qu ils

à OUOi Oefft sont exrrém.emenr ialou.tt

enOOrc ngVel Cathotioue et fière deSant'Egidio, l'êrre, canèe dans ses cer-SinOn à Ce ritudes, romaine jusqu,au

fameUX OfiX bout des doigts. Sanr'Egi-

Nobel dé la dio séduir tes jeunes qui-. _-.- -- -:-, -- viennent la rejoindre enpax qul-toume leur proDosant un modeautour d'elle ae vie. ûn engagemenrdepUb deS concret auprès des exclus.annêS ? La communauté recrute

par cooptation et la prièreqûotidienne, rendez-voqs incontournable, àSanta Maria du Trastevere ou dans quelques au-tres lieux de la communauté, joue [e rôle crucialde lieu d'information, de rassemblement et deciment à la communauté. Chacun y donne beat-coup de son temps, un peu de son argent aussi,même si ces dons ne suffisent pas, à l'évidence,à financer toutes les activités de la communauté.<( Nous a\Jons, pqrmi les plus grandes entreprisesitaliennes, de génêrcux sponsors qui financentnos rencontres et nos colloques >, réponderttlesrcsponsables de Sant'Egidio, qui restent fort dis-crets sur le sujet. Fiat et bien d'autres entreprisessavent mettre la main à la poche... Les < amis >,

de Sant'Egidio, toujours et encore. ( Les négo-ciatiotls du Mozambique, en revqnche, ont ététotalement prises en charge pqr l'Etat italien ,,,précise Mario Giro.

Alors, trente ans après ses débuts au milieu dela Rome de Pasolini, à quoi peut encore rêverSant'Egidio, qui est honoÉe au Japon, reconnueofficiellement comme partenaire par I'Unesco,sinon à ce fameux prix Nobel de la paix qui toumeautour d'elle depuis des années comme un seqEntde mer ? Ce serait évidefrment le couronnementde cette incroyable aventure d'une génération.L'aventure d'Andrea Riccardi et de ses amissoixante-huitards qui, en France, auraient sansdoute finis << french doctors > ou conseillers dansles ministères. Ef qui, dans la Ville étemelle, sontdevenus de drôles de missionnaires de la paix,une bible dans une main, lln atlas dans I'autrc al\ Ahdrea Riccaidi, Sant'Egidio, Rome et fe monde. Ed. Beau-chesne (1396).

Truculeni clllé,le tÈ1e Pagllâ a menémalales négoelâtlonssecrèt€ à BetErâdeaûpÈs de Mlloscvlc.

I mêmes méthodes. ni les mêmes objectifs. La sou-I plesse. le secret, la rapidité. le côté brouillon,

parfois, et en même temps très professionnel desdix (dix seulement !) diplomates officieux deSant'Egidio ne collent guère avec la lourde mé-canique de la curie romaine,

Alors, quand Sant'Egidio contribue à fairesortir Ibrahim Rugova des griffes de Milosevic,Ie Vatican ne dit rien, Mais quand la communau-té, en 1995, réunit les opposants au régime algé-rien, y compris le FIS interdit, et qu'elle croitnaivement initier un dialogue en Algérie, saas leconsentement des militaires au pouvoir, le Vati-can s'empresse de souligner l'échec et marquesérieusement ses distances.

Le savoir-faire de Sant'Egidio (voir encadrépage précédente) est fait de discrétion, de sou-plesse et d'une grande intelligence des situations.o Le cfuétien doit être simple comme wte colom-be, mais aussi prudent qu'un serpent ,', répète

. souvent Andrea Riccardi. qui veut bien dialoguer

* | avec Ie diable s'it enrevoit. au bout du tridenr. une' - lchance de paix. " On a appris à rrous laver les

mains plusieurs fois par jour > , tenchéit Marco

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