Comment les maisons d’édition peuvent-elles utiliser les … · 2017-07-05 · 3 Astrid Pourbaix...
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Comment les maisons d’édition peuvent-elles utiliser les blogueurs pour élargir et rajeunir leur cible ?
Mémoire de fin d’études
Auteur : Astrid Pourbaix
Directeur de mémoire : Madame Guergana Guintcheva
Programme: MSc Marketing Management – Promotion 2017
« Edhec Business School does not express approval or disapproval concerning the opinions
given in this paper which are the sole responsibility of the author »
2 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Avant-Propos
Dans un monde où le temps est toujours compté et où les loisirs se multiplient, la
culture reste pour tous le vecteur d’une ouverture d’esprit, de la transmission d’une mémoire
collective et d’un façonnement de la personnalité. La lecture participe à ce partage et cette
ouverture sur le monde mais elle doit faire face à la concurrence accrue d’autres formes de
loisirs (jeux vidéo, cinéma…).
Notre étude vise à proposer de nouveaux leviers pour sensibiliser le public aux attraits
de la lecture et à comprendre quelle place occupent aujourd’hui les blogueurs de la sphère
littéraire. L’analyse du discours de la presse à ce sujet, des commentaires des lecteurs de blogs
littéraires, ainsi que des entretiens menés avec blogueurs et professionnels de l’édition nous
a permis d’identifier les principaux leviers d’une relation dont les contours sont mouvants et
les pratiques encore à définir.
Les bénéfices liés à l’instauration d’une collaboration avec ces nouveaux acteurs sont
nombreux mais dépendent de l’orientation que souhaitent leurs donner les maisons d’édition.
Mots clés : blog littéraire, blogosphère, édition, livre, communication, levier, impact
3 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Remerciements :
Avant de commencer mon étude, je tenais tout d’abord à remercier toutes les
personnes qui m’ont aidée et accompagnée dans la rédaction de ce mémoire.
Mes remerciements se dirigent tout d’abord vers Madame Guintcheva qui a accepté
de superviser ma recherche et sa rédaction. Sa disponibilité durant toute l’année, son
expertise, ses encouragements et ses conseils ont été cruciaux et très appréciés tout au long
de mon travail.
Un grand merci également à toutes les personnes qui ont accepté de partager leurs
expériences, se sont intéressées à ma question d’étude et m’ont accordé un peu de leur temps
lors d’entretiens.
Enfin, je tiens à remercier mon entourage qui m’a aidée et soutenue dans l’écriture de
ce mémoire. Ma gratitude va également à ma mère qui a relu et corrigé avec patience mon
travail.
4 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Table des matières
Avant-Propos ........................................................................................................................................... 2
Remerciements : ..................................................................................................................................... 3
Table des matières .................................................................................................................................. 4
I- Introduction ......................................................................................................................................... 6
II - Revue de Littérature ........................................................................................................................... 9
1 : Le choix d’un livre repose sur un avis authentique : .......................................................................... 9
A / Quels sont les vecteurs qui entrainent l’achat d’un livre ? ........................................................... 9
B/ La multiplication des recommandations en ligne : ....................................................................... 14
2 : Le livre un bien unique aux caractéristiques spécifiques : ............................................................... 16
A/ Le livre, un bien expérientiel et complexe :.................................................................................. 16
B/ Analyse de la prescription pour un bien expérientiel complexe : ................................................ 17
3 : La génération d’un contenu authentique sur les blogs littéraires : ................................................. 20
A/ Les blogs littéraires de lecteurs amateurs, une communauté dynamique : ................................ 20
B/ Les motivations qui poussent les blogueurs à écrire des chroniques et les lecteurs à les lire : ... 23
C / Les booktubers et le développement de la chronique littéraire en vidéo : ................................ 24
4 : Blogs littéraires, pour quel profil de lecteurs ? ................................................................................ 26
A/ Des lecteurs à la recherche d’enthousiasme et de sensibilité : ................................................... 26
B/ La relation au cœur de la prescription : ........................................................................................ 27
III - Etude : ............................................................................................................................................. 29
1 : Méthodologie et étapes de l’étude menée : .................................................................................... 29
A/ Phase 1 : Analyse du discours de la presse : ................................................................................. 31
B/ Phase 2 – Analyse des commentaires sur les blogs littéraires : ................................................... 31
1 - Principe de l’analyse netnographique : ........................................................................................ 31
2 - Spectre de l’étude : ...................................................................................................................... 32
C/ Phase 3 – Analyse du discours des blogueurs littéraires : ............................................................ 33
D/ Phase 4 – Entretiens avec des professionnels .............................................................................. 35
2- Etude des discours et premiers résultats : .................................................................................... 36
A/ Phase 1 : Analyse d’articles de presse, premiers résultats : ......................................................... 36
B / Phase 2 – Analyse des commentaires sur les blogs littéraires. ................................................... 40
C / Phase 3 : Analyse du discours des blogueurs littéraires : ............................................................ 45
D/ Phase 4 : Analyse du discours des professionnels : ...................................................................... 50
5 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
IV – Conclusions générales : .................................................................................................................. 52
1- Discussion .................................................................................................................................. 52
2 - Implications managériales : ......................................................................................................... 54
A/ Instaurer une véritable coopération avec le blogueur : ............................................................... 55
Cibler le blogueur pour sa personnalité et sa sensibilité : ............................................................ 55
Un rapport de force inversé : ........................................................................................................ 56
B/ Un nouveau business model pour la médiation littéraire : .......................................................... 59
Démocratisation et nouveaux espaces : ....................................................................................... 59
V – Limites de notre étude : .................................................................................................................. 62
VI - Conclusion : ..................................................................................................................................... 63
VI - Bibliographie : ................................................................................................................................. 64
VII – Annexe : ......................................................................................................................................... 66
Annuaire des figures présentées : ......................................................................................................... 67
6 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
I- Introduction
La critique littéraire professionnelle proposée par des experts du milieu littéraire ou
des journalistes spécialisés voit ses espaces se réduire dans la presse traditionnelle, à la radio
ou à la télévision et ne parvient plus à toucher qu’un public de lecteurs initiés.
Il paraît de plus en plus difficile d’atteindre et sensibiliser une cible de jeunes lecteurs
par ces canaux traditionnels. Comment, dans cette mesure, parvenir à leur donner le goût de
la lecture et mettre en valeur les nouvelles publications, les nouveaux genres littéraires et
nouveaux auteurs ?
En mars 2017, d’après une enquête menée par l’IPSOS pour le Centre National du Livre
(CNL), 84% des français se déclarent lecteurs.1 Toutefois, face à un hyperchoix de produits
culturels (livres, films, musique, jeux vidéo…), amplifié avec le développement du commerce
électronique, l’étude souligne également une baisse globale de la dynamique de lecture au
profit d’autres loisirs. Ainsi, parmi les personnes interrogées, 71% d’entre-elles soulignent
que, si elles aimeraient lire plus, le manque de temps et l’envie de profiter d’autres loisirs est,
pour elles, un frein à la lecture.
Face à ce constat : dans un environnement où les loisirs sont de plus en plus
concurrentiels, la bataille entre les éditeurs est, elle aussi, rude. En 2015, on comptait 728.400
références de livre disponibles en France.2 On évaluait également pour cette seule année le
nombre de nouvelles publications à 67.041 (nouveautés et nouvelles éditions). En parallèle, il
faut noter que le chiffre d’affaires des éditeurs reculait de 1,7% en 2014.
Pour s’y retrouver et faire son choix dans cet ensemble de publications, le
consommateur agit désormais en lecteur 2.0. Il utilise Internet pour obtenir des informations
sur les livres avant un achat, dialogue avec d’autres lecteurs ou avec des auteurs. Ceci est
d’autant plus vrai pour les jeunes consommateurs et s’intéresser aux comportements de cette
1 Les Français et la Lecture – Etude IPSOS pour le CNL mars 2017
2 Chiffres clés secteur du livre (2014- 2015) – observatoire de l’économie du livre d’après MCC-SLL/OEL,
interrogation base electre.com, notices de livres disponibles (hors livres numériques et cartes géo.) parus avant
le 31 décembre de l'année 2015
7 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
génération constitue un axe de réflexion pour les stratégies marketing à mettre en place par
les maisons d’édition. La manière de consommer évolue en effet et suit les avancées
technologiques : leur exigence est plus forte, et au cœur des innovations d’usage du digital.
Ces lecteurs se servent des forums et des réseaux sociaux, pour créer des communautés et
partager. Les astuces d’achat circulent très vite. Grâce aux nouvelles technologies, ces
consommateurs ont accès à l’information en direct et deviennent souvent experts du produit:
ils n’hésitent pas à demander les détails techniques, les caractéristiques précises, et à
consulter les retours d’expériences des autres clients.
Les professionnels du secteur culturel ont besoin de relais de recommandations au sein
de ces espaces digitaux pour sensibiliser la demande. L’étude citée plus haut, menée par
l’IPSOS pour le CNL soulignait en effet que le choix d’un livre est toujours fortement lié aux
recommandations d’un proche et, de plus en plus, aux recommandations des internautes
(26% en 2015 et en progression de 5 points en 2017, 32% des lecteurs interrogés soulignait
faire confiance aux conseils des internautes). (Figure 1 en Annexe - Etude diffusée en mars 2017
– « Les français et la lecture » menée par IPSOS pour le Centre national du Livre : « les français toujours
aussi nombreux à se percevoir lecteurs de livres »)
Aujourd’hui, sur Internet, les avis des lecteurs se développent, accessibles et perçus
comme authentiques ils peuvent déclencher immédiatement un acte d’achat ou un souhait
de lecture. Les blogueurs littéraires, grands lecteurs mais critiques amateurs sont au cœur de
ce système. La blogosphère littéraire constitue un véritable réseau qui interagit, échange sur
les titres, partage des coups de cœur, est présent sur les réseaux sociaux et au sein des
communautés littéraires.
Au cours de notre recherche, nous tenterons de proposer aux maisons d’édition une
visibilité de l’impact et des leviers que proposent les blogueurs littéraires ainsi que les
booktubers, pour atteindre et sensibiliser une cible plus vaste de lecteurs et promouvoir leurs
titres au sein de l’environnement concurrentiel des loisirs et de la culture. Nous essaierons
également de comprendre comment doit se développer la relation entre ces deux acteurs.
8 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Dans quelle mesure, fait-on face à une révolution de la critique de livre avec le
développement des réseaux sociaux et des blogs littéraires ? Les blogueurs bousculent – ils le
marketing des maisons d’édition et des auteurs lors de la sortie d’un titre ?
Comment les maisons d’édition peuvent-elles utiliser les blogueurs
pour élargir et rajeunir leur cible ?
La revue de littérature qui va suivre doit nous aider à définir les concepts qui serviront
notre recherche et orienteront notre analyse. Il nous faudra définir les étapes qui peuvent
influencer le choix lors de l’achat d’un livre et comprendre l’impact qu’a pu avoir le
développement des nouvelles technologies dans la promotion du bien culturel, complexe
qu’est le livre. Il nous faudra ensuite tenter de différencier qui sont les critiques littéraires
experts et les critiques littéraires amateurs, clarifier les motivations des blogueurs littéraires,
comprendre leurs spécificités et quels comportements ils entraînent chez leurs lecteurs.
9 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
II - Revue de Littérature
1 : Le choix d’un livre repose sur un avis authentique :
A / Quels sont les vecteurs qui entrainent l’achat d’un livre ?
La communication traditionnelle, dans les médias, autour d’un livre et la promotion
faite par l’auteur lors de salons ou de séances de dédicaces restent incontournables, mais leur
impact sur le lecteur est souvent capricieux. Le livre reste en effet un bien particulier pour
lequel le bouche-à-oreille, l’échange avec un libraire ou un pair, la recommandation entre
lecteurs est indispensable.
L’étude de mars 2017, menée par l’IPSOS pour le centre national du livre, souligne ainsi
que, pour 86% des personnes interrogées, le choix d’un livre est fortement lié aux
recommandations d’un proche. (Figure 2- Mars 2017 – les français et la lecture – « Le choix d’un
livre est motivé par l’envie de lire un auteur et les recommandations des proches »)
Figure 2 Mars 2017 – les français et la lecture – « Le choix d’un livre est motivé par l’envie de lire un auteur et les recommandations des proches »)
10 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
De même, le bouche-à-oreille, que nous définirons comme « un phénomène de
recommandation orale d’un produit, d’un service ou d’une entreprise au sein de la population
dont l’origine est généralement spontanée 3», influence les choix de lecture. Le bouche-à-
oreille est généralement positif (effet de recommandation), mais il peut également être
négatif (mise en garde).
Une étude menée sur la plateforme Babelio 4 (réseau social francophone dédié aux
livres et aux lecteurs) auprès de 942 lecteurs en 2012, souligne que 79,3% des lecteurs
assurent que le bouche-à-oreille a conduit à une part importante de leurs découvertes de
livres. (Figure 3 – 2012 – Etude menée par Babelio – L’importance du bouche-à-oreille dans la
découverte des livres)
Figure 3 : Importance du bouche-à-oreille dans la découverte des livres – Etude Babelio menée en 2012
3 Index définitions Marketing consulté le 02/02/2017 à l’adresse suivante : http://www.definitions-
marketing.com/definition/bouche-a-oreille/
4 Plus grande plateforme de mise en relation de lecteurs en France 300 000 membres 2016, consulté chaque mois par près de 2,5 millions d’internautes.
11 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Le bouche-à-oreille, lorsqu’il est positif, accroît la popularité d’un livre et le conseil d’un
proche sur une lecture, d’une personne à laquelle on s’identifie et en qui on a confiance, reste
le premier vecteur qui intervienne dans le choix d’une lecture future.
Le bouche-à-oreille peut être direct au cours d’une discussion, mais il prend de nos
jours également une forme de plus en plus digitale et se développe en ligne via les
recommandations et avis de lecture publiés sur Internet sur les réseaux sociaux, les blogs, les
forums…
Il est difficile d’évaluer ce phénomène et de savoir exactement combien de personne
donnent régulièrement leurs avis sur des livres en ligne dans les pays francophones.
On notera toutefois que la plateforme Babelio, citée plus haut, comptait en 2016,
300 000 utilisateurs. Sur cette plateforme, les titres les plus chroniqués ont plus de 1300 avis
de lecteurs, c’est le cas, par exemple, du best-seller Nos étoiles contraires de John Green. Ce
titre comptabilisait 1393 avis en mars 2017.
En parallèle, le site LivrAddict, qui permet d’échanger entre lecteurs autour de thèmes
spécifiques sur un forum dédié à la lecture, comptait 46 000 utilisateurs en mars 2017.
L’activité sur ces espaces et forums montre l’importance des échanges concernant les
livres en ligne et peut être complétée par une analyse menée sur Google Trends début avril
2017 qui souligne également le dynamisme qui entoure la recherche d’informations sur les
livres en ligne.
Ainsi, Google Trends permet de connaître la fréquence à laquelle un terme a été tapé
dans le moteur de recherche Google sur une période donnée, et de visualiser ces données par
région et par langue.
Notre analyse, limitée à la France, nous permet de souligner, tout d’abord, une
croissance du trafic en ligne de la recherche d’avis littéraires. La tendance des recherches pour
les mots « avis livre » depuis 2008 est croissante comme le montre le graphe ci-dessous. Un
véritable intérêt est porté aux informations qui peuvent être trouvées sur un livre en ligne, et
cela de manière croissante. (Figure 4- Récurrence des recherches pour « avis livre » sur Google
depuis 2004)
12 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Figure 4 – Récurrence des recherches pour « avis livre » sur Google depuis 2004
L’évolution des recherches pour l’expression « blog littéraire » suit également une
dynamique croissante, comme le montre le graphique ci-dessous. (Figure 5- récurrence des
recherches pour « blog littéraire » sur Google depuis 2004) Les mots sont recherchés
régulièrement sur Google depuis 2006 et s’inscrivent donc dans l’écosystème qui entoure la
recherche d’informations et la promotion d’un livre.
Figure 5 – Récurrence des recherches pour « blog littéraire » sur Google depuis 2004
Nous avons également analysé, en parallèle de la recherche du mot clé « blog
littéraire », les tendances pour le terme « Booktube ». Il est intéressant de noter que ce
phénomène, plus récent, apparaît dans les moteurs de recherche depuis 2014 et est une
recherche dynamique et en croissance, qui dépasse même celle de « blog littéraire » en 2017.
(Figure 6 – Récurrence des recherches pour les termes « blog littéraire » et « booktube » sur le moteur
de recherche Google)
13 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Figure 6 – Récurrence des recherches pour les termes « blog littéraire » et « booktube » sur le moteur de recherche Google légende : > blogs littéraires > booktube
La recherche d’informations en ligne sur un livre est entrée dans les mœurs, elle est
souvent la réponse à une curiosité attisée dans le cadre d’une discussion avec sa famille ou
ses amis.
Les études ont confirmé que le bouche-à-oreille et les avis des pairs ont une influence
importante sur l’achat et qu’ils restent la source d’information avant un achat la plus fiable
pour le consommateur. La prescription, lorsqu’elle est positive, apparaît également comme
un critère déterminant dans la décision d’achat d’un livre si elle émane de l’entourage du
consommateur, d’un critique littéraire, des médias ou d’un label expérientiel, comme un
bandeau de prix littéraire. (Larceneux, 2007 ; Painbéni, 2009).
14 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
B/ La multiplication des recommandations en ligne :
Avec le développement des nouvelles technologies le consommateur peut désormais
accéder à une masse croissante d’informations en ligne, gratuitement. La recherche a montré
que « la mondialisation et la technicité croissante des produits mis sur le marché favorisent le
recours aux prescripteurs. » (Lamour & al., 2013, p 6)
La critique amateur et le phénomène de « buzz » auquel elle peut conduire suite à des
échanges en ligne a été étudiée au sein de l’industrie cinématographique. L’analyse menée
par Larceneux a validé l’importance qu’ont pris des sites de partage d’opinion, tels que
Allociné.com. Elle a également conclu que l’influence d’un avis déposé sur Internet est liée à
un ensemble de variables : son impact sur le consommateur va dépendre à la fois du volume
des commentaires exprimés sur un même produit, ainsi que de leur homogénéité (Larceneux,
2007).
Cette analyse, mise en parallèle des conclusions de Clement & al., exposées en 2007,
confirme que la critique amateur sur internet, qui se développe sur les sites d’achat en ligne,
les forums, prend de plus en plus de place dans le système de la prescription.
L’expert et le proche ne sont plus les seuls à avoir la parole et à pouvoir aider le
consommateur à prendre une décision. Ces nouveaux comportements ont entrainé le dessin
d’un acheteur qui se fie aux conseils d’utilisateurs anonymes, d’individus qui sont « comme
lui », ainsi qu’à la création de nouveaux espaces de partage d’avis dans la sphère littéraire. Ces
espaces offrent une place aux critiques amateurs et permettent aux contributeurs de
s’exprimer de façon libre et individualisée. Le point de vue de chacun compte et est valorisé.
Le critique professionnel traditionnel n’a plus le privilège de publication. (Cardon, 2010)
Les auteurs s’accordent sur l’effet positif de la recommandation en ligne sur le
comportement des consommateurs : un avis publié sur Internet facilite et augmente
l’intention d’achat et les ventes pour les biens culturels. Ainsi, il est apparu que le nombre de
recommandations en ligne et la note attribuée à un livre sur les sites Amazon.com et
Barnesandnobel.com ont un impact sur les ventes de livres (Chevalier et Mayzlin, 2006). De
15 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
même, dans le domaine cinématographique, les critiques postées sur des sites tels que
Allocine.com ont un impact sur la vente de place de cinéma. (Larceneux, 2007).
Plusieurs travaux récents soulignent toutefois les limites de la « démocratisation » que
permettrait l’évaluation en ligne des biens culturels : pour certains auteurs, la visibilité offerte
sur Internet ne prend pas la place des modes traditionnels de prescription et les hiérarchies
culturelles établies chez le consommateur : confiance donnée tout d’abord à un prescripteur
diplômé ou à une certification. (Beauvisage & al., 2015 ; Bois & al., 2016)
16 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
2 : Le livre un bien unique aux caractéristiques spécifiques :
A/ Le livre, un bien expérientiel et complexe :
Les différents auteurs qui se sont intéressés aux biens culturels les définissent comme
des produits complexes répondant à des besoins variables. Ils requièrent une approche et une
définition spécifique.
Une dichotomie a d’abord été établie par Nelson (1970) entre « biens de recherche »
et « biens d’expérience ». Celle-ci s’appuie sur le constat suivant : les consommateurs sont
parfois peu informés sur les prix et les qualités des produits avant de procéder à un achat. Les
« biens d’expérience » sont ceux dont la qualité ne peut pas être connue avec certitude avant
qu’ils ne soient consommés effectivement, alors que les « biens de recherche » ont des
caractéristiques définies et connues par l’acheteur avant l’achat.
Dans cette mesure, le livre, puisqu’il ne peut pas être jugé dans sa globalité avant la fin
de la lecture peut se définir comme un « bien d’expérience ».
Cette nature « expérientielle » du produit culturel génère, chez le consommateur un
risque supplémentaire dont il faut tenir compte lors de sa commercialisation. (Nantel, 2002)
La consommation de livres, nécessite en effet la capacité et la volonté d’y consacrer du temps.
Lors de son achat, le consommateur investit non seulement financièrement mais également
en temps qu’il passera pendant la consommation du bien.
Les biens culturels se distinguent également des autres biens. Ils s’adressent à la
dimension hédoniste et affective des consommateurs et relativement moins à leur dimension
utilitariste. Ainsi, une des particularités des livres, est de renvoyer toujours à la subjectivité et
aux émotions du consommateur de par leur triple dimension – symbolique, esthétique et
hédoniste (Holbrook & Hirschman, 1982).
Le livre combine également, en parallèle, des éléments qui lui sont propres :
l’isolement du lecteur seul face au texte et à sa lecture, le style d’un auteur ainsi que
l’appropriation du texte dans un contexte particulier.
17 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
De plus, le consommateur doit réitérer son processus de choix à chaque achat, aucun
livre ne promet exactement les mêmes qualités qu’un autre.
De nombreuses variables entrent en jeux lors du choix d’un livre, cette complexité
justifie la recherche d’informations et de conseils par le consommateur. Pour réduire le risque
qu’il prend au moment de l’achat, puisqu’il ne peut juger le titre pleinement avant la lecture,
il s’appuie sur la prescription.
B/ Analyse de la prescription pour un bien expérientiel complexe :
La recherche explore et distingue, le plus souvent, l’influence perçue des auteurs de
critiques littéraires, comparant en général celle des journalistes ou des critiques
professionnelles à celle des pairs et des internautes anonymes (Ardelet & Brial., 2011).
Les critiques professionnels se présentent comme des leaders d’opinion dont les
jugements sont interprétés par les consommateurs et renforcés par le bouche-à-oreille.
Il est intéressant de s’arrêter sur la définition de la "prescription" dans le domaine
culturel : «la prescription désigne, dans l’édition et le secteur culturel en général, une opinion
donnée sur la qualité d’une œuvre de façon indépendante de l’offre, c’est-à-dire qu’elle
n’émane ni de l’éditeur, ni de l’auteur » (Painbéni, 2009). La prescription littéraire est un avis
porté sur un livre par un critique, un libraire ou un lecteur amateur et s’approche de la notion
de conseil.
Des études ont validées la présence de variables modératrices qui influencent le
comportement d’achat suite à la prescription. La relation de confiance et le savoir du
prescripteur, constituent le socle de la valeur donnée à une prescription. Son influence sera
validée par un achat. (Lamour & al., 2013)
Pour comprendre le processus de décision d’achat d’un bien complexe, on pourra citer
le « Modèle de la prescription intégrée au processus de décision d’achat de l’acheteur »
(Figure 7) qui a été développé dans le cadre des recherches de Lamour & al. (2013).
18 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
La prescription réduit le risque perçu par le consommateur lors d’un achat. Elle est
orientée par des variables modératrices : confiance envers le prescripteur, objectifs communs
entre les deux parties prenantes. Elle influence la décision finale d’achat.
Figure 7 : Modèle de la prescription intégrée au processus de décision d’achat de l’acheteur. (Lamour & al., 2013)
Trois dimensions de la prescription, de forme et de nature différentes, ont été définies
et peuvent s’appliquer à notre étude (Hatschuel, 1995) :
- La « prescription de fait », qui correspond aux informations neutres qui vont décrire
le produit sans mettre en avant ses bénéfices ; celle-ci renseigne sur le livre et ses
caractéristiques.
- La « prescription technique », qui correspond aux usages et pratiques du bien, elle
donne les raisons et les moyens de choisir des lectures.
- La « prescription de jugement », propose une opinion sur la manière d’acquérir et
d’apprécier un bien. Elle certifie la qualité et la valeur d’un livre, ce dont a besoin
de s’assurer l’internaute ou le blogueur en vue d’un achat éventuel.
19 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
En parallèle de ces différentes formes que prend la prescription, certaines études
soulignent également qu’un message sera plus facilement compris et portera plus si l’avis sur
le livre est très bon ou, au contraire, très mauvais. Un message extrême apparaîtra, en effet,
comme étant plus clair. Il aura un impact plus fort. (Clement & al., 2007)
La force de la prescription sur un bien complexe n’est donc pas seulement dépendante
de l’auteur qui écrit la critique. Celle-ci s’inscrit dans un système de variables qui se
développent et évoluent avec les nouvelles technologies.
On comprendra, grâce à ces analyses, que le livre, par sa nature complexe, nécessite
un avis externe pour emporter l’adhésion. Le lecteur pour réduire le risque qu’il prend
s’intéresse aux avis des autres qui l’aident à orienter son choix.
Historiquement la prescription traditionnelle reposait sur le savoir reconnu d’un
professionnel, la confiance portée à un journaliste, le label d’un journal.
Aujourd’hui avec la facilité d’accès à l’information et la proximité retrouvée en ligne,
les blogueurs littéraires amateurs font entrer de nouvelles variables dans le processus de choix
d’un livre. Ils parviennent à toucher les lecteurs différemment et partagent leurs émotions.
20 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
3 : La génération d’un contenu authentique sur les blogs littéraires :
A/ Les blogs littéraires de lecteurs amateurs, une communauté dynamique :
Les blogs de critique littéraire « amateur », souvent appelés « blogs de lecteurs » par
les professionnels du livre (éditeurs, libraires ou bibliothécaires …) se sont développés à partir
du début des années 2000. Ces espaces peuvent se définir comme « des pages spécialisées
dans la publication de commentaires et d’avis de livres lus »5.
Difficiles à dénombrer pour les pays francophones, les blogs littéraires sont de plus en
plus nombreux et proposent des avis de lecture, rendent compte d’ouvrages relevant de la
littérature classique et populaire.
Si certains blogs, très jeunes, et peu animés, peuvent paraitre éphémères et le reflet
d’une simple mode, d’autres sont aujourd’hui de véritables références et bousculent le
modèle de communication traditionnel lors d’une publication.
La recherche propose de distinguer cinq catégories de posts qui peuvent être partagés
sur les blogs littéraires. (Chapelain, 2014)
- Des comptes rendus sur le modèle d’une fiche de lecture organisée autour de
différentes parties : résumé, informations sur le titre, citations, avis, notes.
- Des chroniques qui reprennent l’histoire du roman et analysent les enjeux littéraires.
- Des articles avec un degré d’analyse approfondi mais dont l’écriture dans un registre
de langue courante permet de s’adresser à la communauté.
5 Bois G., Saunier E. et Vanhée O. « La critique littéraire amateur sur les blogs de lecteurs - Une
concurrence limitée de la critique littéraire professionnelle » RESET, 2016
21 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
- Des contributions plus subjectives, d’une approche engagée et à l’écriture plus
personnelle souvent plus présentes sur des blogs de littérature spécialisée comme la
littérature policière.
- Enfin, on peut trouver, plus rarement sur certains blogs, des articles très proches d’une
revue littéraire.
Si la recherche souligne que les éditeurs ne voient pour l’instant pas dans la
blogosphère littéraire une remise en cause de la critique traditionnelle, professionnelle
certains plus petits éditeurs, plus ciblés, qui se positionnent sur des genres moins présents
dans la presse et les médias, tentent de se servir de la visibilité qu’apporte ces nouveaux
acteurs, de ces nouvelles formes de contenu et d’un « effet réseau », lié au bouche-à-oreille.
(Bois & al., 2016)
Il semble que les prescripteurs traditionnels résistent malgré une perte d’influence et
de visibilité auprès des générations plus jeunes, ce qui entraîne en parallèle une multiplication
et une dissémination de la prescription. (Chapelain, 2014)
Individuels dans leur rédaction pour la plus grande partie d’entre eux, les blogs mettent
en valeur la figure de leur auteur. Le rédacteur d’un blog s’adresse, en effet, par principe seul
dans ses articles et se distingue des personnes qui interagissent dans les commentaires. Il est
propriétaire des avis publiés et s’engage personnellement dans le contenu qu’il partage.
Toutefois, en parallèle, les blogs s’articulent également entre eux par des liens internes
inscrits dans les articles ou les commentaires. Les rédacteurs développent leurs interactions
au sein d’une communauté, répondent aux avis exprimés et se recommandent également
parfois les uns les autres par affichage d’une liste de leurs blogs favoris, appelée la « blogroll ».
De cette dualité individuel/collectif naît un statut inédit pour l’information. (Soubrie,
2007) Ecrire un blog, c’est s’inscrire dans un environnement complexe, régi par certains codes
et prendre sa place au sein d’un réseau.
22 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
En interagissant, les blogueurs littéraires forment une « communauté en ligne » (concept
défini par Kozinets, 2002). Les caractéristiques qui définissent cette communauté sont :
- Un sentiment d’appartenance et d’identification.
- Des comportements similaires.
- La discussion au sujet d’un produit commun, dans notre cas d’étude, le livre.
Les blogueurs partagent, en effet, un système de symboles communs avec les autres
membres de la communauté, qui se traduit par des comportements visant à vanter les mérites
des uns et des autres et l’utilisation d’un vocabulaire spécifique. Par ailleurs, ils interagissent
régulièrement entre eux dans la partie de commentaires qui suit un article et sur les réseaux
sociaux (Facebook, Twitter et Instagram surtout).
Au-delà, le dynamisme de la blogosphère littéraire est présent dans de nouvelles
pratiques : certaines lectures se font de manière commune entre plusieurs blogueurs, les
challenges de lecture se développent. Les blogs de lecteurs favorisent, le déploiement de la
diversité littéraire et l’accès à des titres inconnus ou absents des vitrines des libraires
physiques. L’incitation à la lecture reste encore le moteur de ces blogs, mais la nature
collaborative du travail d’analyse et de critique dans ces communautés alimente le bouche-à-
oreille et joue un véritable rôle de recommandation. (Chapelain, 2014)
L’influence d’un blog reste toutefois difficile à quantifier, celle-ci est souvent évaluée
en terme quantitatif : plus un blog est cité, plus important est le nombre de visiteurs, le
nombre de fans sur la page Facebook ou sur le compte Twitter, plus le blog apparaît aux yeux
des membres de la communauté comme étant populaire.
23 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
B/ Les motivations qui poussent les blogueurs à écrire des chroniques et les
lecteurs à les lire :
Comme nous l’avons montré plus haut dans notre revue de littérature, les études ont
travaillé à montrer que les avis sur les livres sont une référence importante pour les lecteurs
dans leur processus de choix.
La volonté qui pousse les consommateurs à proposer sciemment leurs avis sur les livres
qu’ils ont lus a été étudiée. On distingue trois principales motivations (Yang & Huang, 2008) :
- Une motivation émotionnelle : l’envie de partager sa découverte, son expérience de
consommation, les sentiments qui ont été ressentis tout au long de la lecture du livre.
- Une motivation relationnelle : l’envie d’appartenir à une communauté, la recherche
d’interaction sociale avec d’autres lecteurs sur un sujet qui plaît.
- Une motivation bienveillante apparaît enfin dans une moindre mesure : l’envie de faire
part d’un sentiment négatif. Ainsi, le lecteur déçu par un titre ou un auteur dont on lui
avait vanté les qualités n’hésitera pas à faire part de sa déception pour éviter ce
désagrément à d’autres lecteurs. L’utilisation de notation ou d’une grille d’évaluation
est, ainsi très présente sur les blogs littéraires.
Des enquêtes par questionnaires menées auprès des blogueurs pour les interroger sur
leurs motivations confirment, en parallèle, que la volonté de peser face à la critique
professionnelle, ne figure pas au premier rang des motivations. (Pinch & al, 2011) Les
blogueurs se différencient eux-mêmes des espaces professionnels, ils proposent des espaces
complémentaires. La recherche a également montré que, du point de vue des éditeurs aussi,
la concurrence entre la critique littéraire amateur et professionnelle reste limitée et qu’il y a
davantage une coprésence de deux formes de critique. (Bois & al., 2016)
24 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
C / Les booktubers et le développement de la chronique littéraire en vidéo :
Un nouveau phénomène, plus récent, mais bien installé, est à étudier au sein de la
blogosphère littéraire : le développement des Booktubers ces blogueurs littéraires qui parlent
de livres et font entrer la vidéo Youtube dans le monde de la critique littéraire.
Le principe est simple : les booktubeurs publient des vidéos en ligne sur leur chaîne
pour parler de leurs lectures et rassemblent une communauté qui regarde et commente
chaque nouvelle vidéo. Nous avons montré plus haut avec nos analyses de tendance de
recherches sur Google la dynamique de ce phénomène.
Dénombrer ces acteurs reste difficile mais l’application Booktuber App propose, à la
suite du remplissage d’un formulaire en ligne par le booktuber, un annuaire de ces chaînes
Youtube dédiées au livre. On comptait sur cet espace en mars 2017 pour les pays
francophones, 350 Booktubers actifs qui avaient eu vent de cette liste et s’étaient inscrit
d’eux-mêmes.
Les booktubers partagent leurs lectures, leurs coups de cœur de manière dynamique,
savent se mettre en scène et utilisent leur propre vocabulaire : « Pile à lire », livres restant à
lire, « bookhaton » le marathon de lecture sur une période donnée, « unboxing » la
présentation des livres acquis… En France, les chiffres sont plus modestes que dans les pays
anglophones6 : mais les trois premières chaînes (Les lectures de Nine, Margaud liseuse et Fairy
Neverland) cumulent tout de même à elles-trois 130 000 abonnés et 8 millions de vues. Le
nombre de chaîne Booktube croît également rapidement en France.
Dans les pays anglophones où le phénomène est bien plus avancé qu’en France, les
éditeurs portent de plus en plus d’attention à ces nouveaux canaux, car c’est sur Youtube que
se trouvent les adolescents.
6 Publisher Weekly – 16 Février 2015 “Book Publishing comes to Youtube”
25 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Cette pratique de « Booktube » est à étudier dans le cadre de ce mémoire car elle est
souvent liée à l’écriture initiale d’un blog et sert l’envie de passer de l’écriture solitaire
d’articles à un dialogue et une interaction puissante avec une communauté grâce au canal de
la vidéo. Le ton des vidéos est dynamique, enthousiaste et la mise en scène souvent pleine
d’humour. Les livres les plus cités dans ces vidéos font partie de genres littéraires plutôt
récents, au public jeune, tels que le Young Adult ou la fiction.
26 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
4 : Blogs littéraires, pour quel profil de lecteurs ?
A/ Des lecteurs à la recherche d’enthousiasme et de sensibilité :
Il est apparu dans notre revue de littérature que les blogs touchent un public qui diffère
de celui de la critique traditionnelle, dans la mesure où ces espaces se placent du côté de la
sensibilité, de la passion, de l’enthousiasme. Ils s’adressent au lecteur d’une manière
différente des professionnels. (Bois & al. 2016) Les avis tranchés sont plus courants.
68 % des jeunes lisent au moins une fois par semaine et 28 % lisent tous les jours ou
presque, selon une étude de l’IPSOS menée en 2016 pour le Centre National du Livre (CNL).7
Il y a donc des lecteurs qui aiment lire et que les maisons d’édition doivent courtiser. Toutefois,
comme mentionné plus haut, il est difficile de sensibiliser ces lecteurs via les canaux
traditionnels (presse) et de concurrencer l’hyper choix de loisirs offerts par notre société.
La recherche s’est penchée sur cette question et a défini les motivations qui conduisent
les lecteurs à suivre les publications des blogs littéraire et à lire des chroniques littéraires (Yang
& Huang, 2008) :
- La volonté d’en savoir plus sur un livre afin d’être sûr qu’il répondra à ses attentes, ce
pour réduire le risque de déception. L’objectif principal est d’obtenir et de croiser
différentes opinions et expériences sur un même titre.
- L’envie de développer son avis sur un livre suite à une première description via le
bouche-à-oreille.
- Enfin, la soif de connaissance, l’envie d’apprendre et de suivre les publications
littéraires peut également conduire à lire des chroniques littéraires.
7 Etude consultée le 29/12/2016 et disponible sur le site du CNL : 1500 jeunes âgés de 7 à 19 ans
interrogés - http://centrenationaldulivre.fr/fr/ressources/etudes_rapports_et_chiffres/les-jeunes-et-la-lecture/
27 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
C’est en jouant sur les émotions, en apportant des informations complémentaires sur
les titres et en relayant les différentes publications, que les blogueurs sont capables de
toucher leurs publics. Les blogueurs amateurs sont également de bons promoteurs pour des
titres et genres littéraires moins présents dans les médias traditionnels tel que la littérature
de genre : polar ou fantasy par exemple. Ces genres représentent 51 % du type de lecture des
15-24 ans (étude IPSOS pour le CNL 2015).
B/ La relation au cœur de la prescription :
La recherche a comparé l’impact des recommandations d’internautes à celles de
sources institutionnelles et montre que, sur un blog, le crédit accordé à une recommandation
dépend de la relation qui se crée entre l’internaute contributeur et l’internaute lecteur. Un
lecteur se laisse d’autant plus convaincre par une recommandation s’il s’identifie à l’auteur du
blog et à ses goûts littéraires. (Ardelet & Brial, 2011)
Si certains professionnels de l’édition expriment encore leurs doutes sur l’efficacité
actuelle de la mise en visibilité des livres de littérature sur les blogs, plusieurs d’entre eux sont
toutefois persuadés que ces espaces de critique en ligne vont jouer un rôle de plus en plus
important à l’avenir. (Bois & al., 2016)
L’écriture de chroniques littéraires sur les blogs valide également une forme
d’engagement de la part des lecteurs pour les publications et les lignes éditoriales de certaines
maisons d’édition ou auteurs indépendants peu connus.
28 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Une étude a défini les différentes manières par lesquelles le consommateur s’engage
avec une marque. On distingue quatre formes d’investissement : (Kumar, 2010)
- Les consommateurs s’engagent lors de leurs achats.
- Ils s’investissent au travers de leurs activités de prescription dans le cadre
d’événements organisés par la marque.
- Ils s’engagent dans la discussion avec d’autres consommateurs lorsqu’ils prennent la
défense d’une marque.
- Enfin, les clients s’engagent en proposant à l’entreprise un retour sur ses produits.
On s’aperçoit également aujourd’hui que les blogueurs ont une existence publique : ils
sont invités dans les médias à parler de leur travail et de leurs goûts ; ils sont également
sollicités dans des manifestations littéraires à la fois comme responsables et acteurs d’une
nouvelle médiation, mais aussi comme porteurs d’une forme de prescription inédite. Leur
légitimité est croissante.
Les blogueurs littéraires participent à une nouvelle forme de médiation. Ainsi, puisque
la culture n'est pas accessible à chacun immédiatement, il faut avoir recours à l'intercession
de médiateurs (informateurs, pédagogues) et de procédures de médiation (textes explicatifs,
modes d'emploi…) pour tenter d’offrir son accès à tous les publics. Il en est de même pour la
littérature et les blogueurs proposent une nouvelle forme de médiation en ligne en
promouvant des textes de tous les horizons et en facilitant l’accès à l’information pour tous.
Notre revue littéraire met en évidence l’importance des différentes formes de
prescription sur lesquelles les consommateurs s’appuient aujourd’hui pour choisir un livre.
Elle met également en valeur l’émergence des blogs littéraire comme nouveaux espaces pour
parler d’un titre qui se développent avec leurs propres codes, en parallèle de média plus
traditionnels. Les nouvelles technologies offrent de nouveaux espaces pour s’exprimer et les
blogueurs gagnent en légitimité.
29 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
III - Etude :
Suite à notre revue littéraire, nous proposons avec la Figure 8 – Schéma des interactions
présentes dans le cadre de notre étude, une visualisation des relations qui apparaissent et
influencent le choix d’un livre.
Figure 8 – Schéma des interactions présentes dans le cadre de notre étude.
1 : Méthodologie et étapes de l’étude menée :
Pour assurer la validité de notre étude et proposer une compréhension du système
dans son ensemble, nous avons mené trois types de collecte de données.
Nous avons ainsi collecté un corpus d’articles de presse, mené une analyse des commentaires
de lecteur sur les blogs littéraires et conduit des entretiens qualitatifs auprès de blogueurs et
de professionnels du secteur de l’édition. Ensuite, nous avons mené une analyse du discours
des différents acteurs de l’écosystème : discours de la presse, des blogueurs, des lecteurs de
blogs et des professionnels du secteurs de l’édition.
30 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Les trois modes de collecte de données : recueil d’articles de presse, observation des
comportements en ligne et entretiens qualitatifs nous ont semblé complémentaires et au
service l’un de l’autre.
Ainsi, commencer par l’étude de la presse était intéressante pour dresser une image
actuelle et objective du phénomène sans risquer de s’appuyer sur un discours prenant parti.
Cela nous a semblé être une bonne base à offrir à notre étude, tout en comprenant que l’une
des faiblesses de ces données était l’impossibilité d’aller au-delà de ces verbatims tirés
d’enquêtes réalisées à un moment donné pour un public de lecteur donné.
La netnographie est à privilégier dans le cadre de l’étude d’une communauté virtuelle.
C’est en effet une forme d’observation qui se nourrit de la richesse des données disponibles
en ligne. Elle permet de proposer de nouvelles hypothèses et d’éviter l’écueil des entretiens
qualitatifs, qui peuvent, malgré la bonne volonté du panel interrogé, conduire à l’omission de
choses qui semblent aller de soi. L’étude des commentaires permet également de se fonder
sur les réponses d’un public plus nombreux que celui des entretiens. Cette méthode est
complémentaire avec la conduite d’entretiens qualitatifs.
En parallèle, une fois les lignes des questionnaires définies, les entretiens qualitatifs
aident de leur côté à creuser une idée, à rebondir sur une réponse pour aller plus loin en
reformulant une idée par exemple et à établir une véritable conclusion justifiée. Lorsqu’ils
sont menés en direct, ils permettent également d’étudier les réactions des personnes
interrogées, d’analyser le temps de réponse pour une question. L’interaction lors des
entretiens facilite la recherche et va plus loin pour un thème donné que l’observation seule.
Complémentaire de la netnographie, l'entretien individuel représente une
méthodologie d'analyse intéressante pour recueillir des données qualitatives sur l'expérience
et mieux connaître les motivations des parties prenantes.
31 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
A/ Phase 1 : Analyse du discours de la presse :
Dans une première partie, nous proposons d’analyser le discours présent dans les
articles de presse. Cette instance propose, selon nous, le reflet d’une vision objective du
phénomène et de son évolution depuis une dizaine d’année. Le discours de la presse nous
permet d’appréhender le développement de la blogosphère littéraire et des chaînes Booktube
sur la plateforme Youtube et de comprendre la place qu’occupent actuellement ces acteurs.
Pour réaliser cette première étape, nous avons analysé les articles traitant de ces
sujets, publiés entre 2002 et 2017 dans différents journaux. Nous avons dressé un corpus de
9900 mots (24 pages).
Pour étudier ce discours, nous avons utilisé le logiciel Alceste, logiciel de statistique
textuelle qui permet d’analyser, classer et synthétiser un corpus de textes.
Le logiciel Alceste, à partir de notre corpus, effectue une première analyse détaillée du
vocabulaire. Ensuite, par fractionnements successifs, il découpe le texte en segments et
procède à une classification de ces segments. Enfin, il propose des classes de sens constituées
par les mots et les phrases les plus significatifs, les classes obtenues représentant les idées et
les thèmes dominants du corpus.
B/ Phase 2 – Analyse des commentaires sur les blogs littéraires :
Nous avons ensuite analysé le discours et le comportement des lecteurs qui s’informent
sur les livres via les blogs littéraires. Nous proposons ainsi une étude des commentaires postés
sur six blogs littéraires entre janvier et mars 2017 via une netnographie effectuée selon les
principes énoncés par Kozinets en 2002.
1 - Principe de l’analyse netnographique :
La netnographie est une méthode d’enquête qualitative relativement nouvelle, qui
exploite Internet comme source de données. Il s’agit d’adapter l’outil méthodologique
traditionnel qu’est l’observation, à l’espace virtuel afin d’étudier les interactions en ligne.
32 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
A travers une netnographie des commentaires de la blogosphère littéraire, nous avons étudié
les thèmes clés qui suscitent le plus d’attention en ligne.
Kozinets énonce différents critères et étapes à suivre pour réaliser une analyse
netnographique :
Après avoir défini la question d’étude et identifié la communauté qu’il faut analyser
(1- Cultural Entrée), dans notre cas la communauté de lecteurs qui s’informent sur les blogs
littéraires, se développe une phase de collecte d’information au sein de cette communauté.
Celle-ci peut prendre deux formes : une copie des textes trouvés en ligne ou une
interprétation des comportements observés (2- Gathering and analyzing data). Nous avons
décidé de copier les différents commentaires disponibles en ligne sur les blogs que nous avons
ciblés pour en analyser le discours. Kozinets souligne ensuite l’importance de rapporter au
lecteur, les limites de l’étude afin de garantir la validité de la netnographie (3- Ensuring
truthworthly interpretation), les limites de notre étude seront traitées dans la dernière partie
de ce document. Un quatrième critère à respecter tout au long de l’analyse est de conduire
une recherche fondée sur un comportement éthique auquel nous nous sommes tenus :
respect de l’anonymat des personnes étudiées lors de la compilation des interactions. (4-
Conducting ethical research) Enfin, Kozinets conseille pour terminer de montrer les résultats
aux membres de la communauté étudiée pour avoir leurs avis sur les résultats (5-Providing
place for feedback). Nous nous sommes fondés sur les résultats de cette netnographie pour
mener nos entretiens avec les blogueurs littéraires.
2 - Spectre de l’étude :
L’analyse que nous avons réalisée porte sur plusieurs blogs, choisis pour leur fréquence
de publication (plus de deux articles par semaine), leur activité de chronique de livres et leur
« influence » relative dans la blogosphère littéraire : nombre de vues et de followers sur leurs
pages et comptes liés à leur activité sur les différents réseaux sociaux. Tous comptent plus de
1500 abonnés sur Twitter et de nombreux fans sur la page Facebook de leur blog.
33 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Nous avons ainsi étudié les interactions présentes sur les blogs suivants :
⦁ http://bloggalleane.blogspot.fr/ , blog ouvert depuis plus de 4 ans, Galleane chronique
des titres que l’on rattachera surtout aux genres de la romance et de l’imaginaire.
⦁ http://unjour-unlivre.fr/, la page de Myriam qui suggère de « parler de livre
autrement » ainsi que sa chaîne Booktube : https://www.youtube.com/user/MissMymooReads
⦁ http://ninehank.com/ , le blog qui promet « votre dose quotidienne de fiction », dont
les articles sont rédigés par plusieurs blogueurs ainsi que la chaîne Booktube liée :
https://www.youtube.com/user/LesLecturesdeNiNe/
⦁ https://alombredunoyer.com/ , la page de Benoît gros lecteur (plus de 100 livres par
an)
⦁ http://lesouffledesmots.blogspot.fr/ , blog d’Audrey jeune bloggeuse et booktubeuse
passionnée par la lecture.
⦁ http://www.bricabook.fr/ un blog qui décline avis de lecture, sorties culturelles, atelier
d’écriture …
Durant les mois de janvier, février et mars 2017 nous avons collecté 45 pages de
commentaires rédigés en réponse aux articles postés sur ces blogs sur cette période.
C/ Phase 3 – Analyse du discours des blogueurs littéraires :
Pour valider les résultats de notre netnographie, nous avons également souhaité
interroger les blogueurs afin de comprendre leurs motivations à tenir un blog, leurs
interactions avec les professionnels du secteur et leur compréhension du système dans lequel
ils évoluent.
Nos entretiens ont été réalisés en suivant le cadre d’un guide d’entretien validé par
Madame Guintcheva.
Les thèmes abordés sont les suivants : le profil lecteur, l’activité en ligne en tant que
blogueur (motivations à tenir un blog, fréquence des posts, interaction en ligne), ainsi que la
relation avec les éditeurs (modalités des partenariats, attentes…).
34 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Nous avons souhaité interroger un panel de répondants assez hétérogène qui puisse
nous permettre de répondre à notre question d’étude. Les entretiens ont été menés en face
à face quand cela était possible sinon par téléphone ou Skype.
Statut Nom Nom du blog Informations principales
Blogueuse
Nancy Les livres de Nancy
8 livres lus par semaine Genres littéraires préférés : Thriller – Fantasy
Blogueuse
Maryline
Les lectures de Maryline
Poste des articles 1j /2 Lit un peu de tout 50 000 visiteurs en 1 an Se consacre à 70% aux auteurs auto-édités
Blogueuse
Johanna
PopCorn & Gibberish
Poste des articles 4 fois par semaine Lectrice éclectique Chronique les livres lus dans le cadre de partenariats en premier
Blogueuse
Habiba
BibHorsLesMurs
Bibliothécaire Lit 15 livres par mois et plutôt des romans qui portent un message 2 rendez-vous réguliers rythment l’activité du blog Parle surtout romance et BD
Blogueuse
Madame Ourse
Liseuse Hyperfertile
Lecture loisir majoritaire : 6 romans par mois Roman ou thriller Deux co-blogueuses sur le blog.
Figure 9 : Panel des répondants aux entretiens
35 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
D/ Phase 4 – Entretiens avec des professionnels
Nous avons enfin souhaité étudier les réflexions des éditeurs et professionnels du secteur
de l’édition pour saisir leur analyse de la relation, plutôt récente, créée avec les blogueurs.
Dans le cadre de nos entretiens, nous nous sommes entretenus avec deux personnes
en contact direct avec des blogueurs littéraires.
Au sein de la maison d’édition Charleston nous avons interrogé Elise Iwasinta, chargée
du marketing et de la relation avec les blogueurs littéraires. Les éditions Charleston est une
jeune maison d’édition née en janvier 2013, qui propose «de découvrir des romans qui
transportent, des livres qui racontent des histoires de femmes : des romans qui font du bien !».
Avec une quinzaine de nouveautés par an, les éditions Charleston portent une attention
particulière aux auteurs et à l’avis des lectrices. Chaque année elles recrutent des « lectrices
Charleston » qui accompagnent chacune des étapes, de l’acquisition au lancement du livre.
Un second entretien a été mené avec la responsable de la communauté de lecteurs
NetGalley réseau Francophone8 Stéphanie Chabert. Cette plateforme, lancée il y a deux ans
en France, mais qui existe depuis 10 ans pour les pays anglophones, propose à des lecteurs
influents : blogueurs, journalistes, libraires, bibliothécaires d’accéder aux services de presses
et publications des maisons d’éditions en avant-première, en numérique et gratuitement.
Elle se positionne donc comme un service de diffusion pour les maisons d’éditions qui
souhaitent toucher des lecteurs prescripteurs et propose de dynamiser les service presse
traditionnellement envoyés par voie postale. La moitié des membres de cette plateforme, qui
compte plus de 5000 membres aujourd’hui, est constituée de blogueurs littéraires. De
nombreuses maisons d’édition (Groupe Hachette, Groupe Editis, éditeurs indépendants
comme les éditions Allary…) sont utilisatrices de ce service.
8 https://s2.netgalley.fr/
36 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
2- Etude des discours et premiers résultats :
A/ Phase 1 : Analyse d’articles de presse, premiers résultats :
L’indice de pertinence de notre analyse menée le lundi 24 mars 2017, s’élevait à 80%. Les
unités classées à partir de ce corpus ont été réparties en quatre classes lexicales, ce qui
satisfait l’idée d’une homogénéité du discours.
Figure 10 -Classes lexicales présentes dans la presse
La classe la plus importante de ce corpus est la classe n°2, elle représente à elle-seule 36%
des unités traitées. Les termes qui la caractérisent sont : « vidéo », « youtube », « chaîne »,
« vue », « booktube », « regarder », « communauté », « phénomène ».
Ce vocabulaire est relatif à la vidéo et nous propose une
définition des caractéristiques principales du phénomène
booktube et de cette nouvelle dynamique de critique
littéraire en vidéo que l’on retrouve en ligne. Ce phénomène
a été de nombreuses fois abordé dans les articles de presse
les plus récents que nous avons analysés. Il intéresse les
journalistes pour son coté novateur. Figure 11 – Nuage de mot appartenant à
classe n°2
37 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Ainsi on peut citer les verbatims suivant, présents dans les articles de presse de notre
corpus qui relèvent le côté dynamique et connecté de ces vloggers (blogueur vidéo).
« Les séquences sont vivantes, dynamiques, voire ludiques pour certaines. Les vloggers savent se mettre en scène ; (…) C'est drôle et spontané. D'autant que pour accroître leur audience et rester proche de leur public cible (18-35 ans), ils sont aussi multimédias, avec parfois un blog associé mais surtout l'utilisation des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr ou les réseaux sociaux littéraires comme Goodread ou Babelio. »9
« Le monde de l'édition peut bénéficier d'une visibilité accrue sur des ouvrages grâce à ces chroniques 2.0: "Nous postons régulièrement et nous enregistrons toujours au même endroit, ce qui instaure une proximité avec le public, analyse Bulledop. Incontestablement, il existe un fort phénomène d'identification sur Youtube. On retrouve les gens qui nous ressemblent et qui se reconnaissent dans nos lectures". » 9
« Aujourd'hui, il y a une tranche d'âge qui ne lit plus la presse classique et qu'on ne peut toucher que par les réseaux sociaux ou ", explique Nine, 25 ans (…), première booktubeuse de France avec 55000 abonnés à sa chaîne »10
Ce discours confirme un intérêt croissant pour ces nouveaux acteurs et ces nouvelles
formes de partage autour de la littérature. On fait véritablement face à une nouvelle forme
de médiation grâce à la vidéo et ces contenus accessibles à chacun. La cible de ces espaces est
résolument jeune et intéressée par ces nouveaux moyens qui dédramatisent le sujet et
permettent de parler de la lecture avec enthousiasme.
9 Booktube, le prochain Youtube à la mode article publié sur e-marketing.fr le 13 mars 2017 consulté en
mars 2017 à l’adresse suivante http://www.e-marketing.fr/Thematique/general-1080/Breves/Booktube-
prochain-Youtube-mode-315054.htm#i8p1dBYJThCSuwXH.97
10 Vos ados lisent ? Merci Youtube ! Publié sur l’express.fr le 29 mars 2017 consulté en avril 2017
38 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
La seconde classe à être apparue dans le discours, la classe n°1 représente 25% des termes
de notre corpus.
On retrouve au sein de celle-ci les termes suivants : « maison », « édition », « livre »,
« classique », « presse », « envoyer ».
Cette classe, présente les parties prenantes de
l’écosystème qu’est la blogosphère littéraire ainsi que les
différentes étapes et codes qui entourent la rédaction
d’un article sur un blog littéraire.
On retrouve ainsi le « unboxing » : la présentation de ses
nouveaux achats ou la réception d’un service de presse
« gratuit », l’étape de « communication » sur le blog via
la rédaction d’un ou plusieurs articles puis l’étape finale
chez le lecteur du blog cette fois, s’il est convaincu, avec
le terme « acheter ».
La dynamique de ces espaces, l’interaction avec les maisons d’édition est confirmée par la
presse.
Ensuite, le logiciel nous propose d’analyser la classe n°3 qui représente 23% des unités
traitées, les mots qui ressortent sont les suivants : « roman », « salon », « lis » « lecteur »,
« auteur », « blog », « critiquer ».
Figure 12 – Nuage de mot appartenant à la classe n°1 discours de la presse.
39 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Cette classe se rapporte au monde du livre et souligne
que pour la presse les blogueurs sont aujourd’hui parties
prenantes de l’écosystème de prescription et de promotion
des livres. Leur activité s’insère aujourd’hui dans l’univers
littéraire.
Enfin, la classe n°4, qui représente 16% du discours
est composée des mots suivants : « blog », « journal »,
« lettre », « article », « adulte », « initier » ; elle nous
propose un discours relatif, cette fois, aux
caractéristiques des blogs littéraires eux-mêmes. Une
analyse de cette classe nous permet de comprendre que
la presse met en valeur le coté authentique et personnel
des blogs (avec l’usage des mots « intime »,
« personnel ») qui s’écrivent comme des « journaux ».
La presse s’intéresse donc de plus en plus à ces espaces, elle reconnaît le pouvoir de la
critique en ligne sur un public de jeunes lecteurs qui se nourrit de toujours plus de contenu
publié sur Internet. La presse confirme également l’importance des spécificités des blogs
littéraires amateurs qui restent des espaces personnels où les émotions priment avant de
s’ouvrir à des lecteurs.
Figure 13- Nuage de mot appartenant à la classe n°3 discours de la presse.
Figure 14 – Nuage de mot appartenant à la classe n°4 discours de la presse.
40 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
B / Phase 2 – Analyse des commentaires sur les blogs littéraires.
Pour effectuer notre netnographie, nous avons de nouveau utilisé le logiciel Alceste et
l’avons appliqué à un corpus de 15 700 mots.
Dans le cadre de notre étude, pour le logiciel l’indice de pertinence de l’analyse menée le
dimanche 19 mars 2017, s’élevait à 66%. Les unités classées à partir de ce corpus ont été
réparties en trois classes lexicales, ce qui satisfait l’idée d’une homogénéité du discours.
(Figure 15)
Figure 15 – Classes lexicales présentes dans les commentaires des blogs littéraires
41 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
La classe n°2 (en bleu ci-dessus) est la classe la plus présente dans notre corpus de
texte, elle représente 43% du corpus analysé.
Les mots qui la caractérisent sont : « envie », « donner », « lire », « plonger »,
« découvrir », « procurer », « joli », « wish-list ». Elle représente dans le discours, « le désir
de lire, la volonté » qui anime les lecteurs de blogs littéraires. On citera pour illustrer par
exemple les commentaires suivants issus de notre corpus :
- « Il me fait envie celui-ci. »
- « Encore un roman ajouté à ma wish-list !! »
- « Merci pour ce bel article, il m'a vraiment donné envie de me le procurer au plus vite
pour pouvoir m'y plonger ! »
Ces verbatims soulignent la volonté de découvrir les titres qui découle de la lecture
d’une chronique littéraire. L’enthousiasme pour un texte, pour un auteur, l’envie de
découvrir une histoire se partage à la lecture des chroniques littéraires.
La figure 16, visualisation des termes récurrents de
la classe n°2 nous confirme qu’à la lecture d’une
chronique littéraire, d’un avis de lecture, c’est souvent
l’envie, la volonté de lire le titre qui suit. Le lecteur est
le plus souvent convaincu ou interpelé par ce qu’il lit
sur un blog, et souhaite découvrir la lecture à son tour.
Ces avis viennent confirmer un premier avis confié par bouche-à-oreille et satisfont
l’envie d’en savoir plus.
Figure 16 – Nuage des mots présents dans la classe n°2 du discours des lecteurs de
blogs.
42 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Figure 17- Clusters du vocabulaire de la classe n°2 issue du discours des lecteurs de blogs littéraires
Il nous a semblé intéressant de souligner que dans l’analyse des clusters du vocabulaire
de la classe n°2, le cluster n°2, composé des verbes « plonger », « procurer »,
« confirmer », « lancer », « entendre » « espérer » …, est formé en grande partie par des
verbes qui désignent une action cognitive.
Ces verbes soulignent l’idée d’une volonté future de la part de celui qui écrit le
commentaire. Il est possible de mettre ces verbes en parallèle de la notion de « bien
complexe » qui définit le livre que nous avons traité au sein de la revue littéraire.
Le livre, par nature, contraint à faire preuve de volonté pour aller vers ce loisir et
commencer une nouvelle lecture. L’immersion n’est pas aisée, l’attention plus difficile à
capter que pour le cinéma, les jeux vidéo… La lecture sollicite un effort cognitif significatif
et la lecture de chroniques sur les blogs littéraires peut réduire l’impression d’effort et
faciliter le choix.
43 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
La classe n°1, représente 36% des unités textuelles classées. C’est la classe la plus
homogène. Les mots qui la caractérisent sont par exemple : « auteur », « prochain »,
« laisser », « attirer », « semaine », « thriller », « écrire ».
Cette classe représente la « technique » qui concerne le
produit que nous étudions dans ce corpus : le livre.
Plusieurs genres littéraires sont cités de même que les
acteurs qui évoluent dans cet univers : l’auteur,
l’édition. Sur les blogs littéraires, l’intérêt se porte donc
également sur les caractéristiques techniques des livres,
les avis sont portés au sein d’un genre littéraire en
comparaison avec d’autres titres.
Enfin, la classe n°3 qui représente 21% du
discours rassemble des termes tels que « tome »,
« relire », « vie », « lecture », « personnage »,
« saga », « coup+cœur ». Elle s’apparente, selon
nous, au lexique qui entoure « la narration ».
Cette classe complète la précédente pour
comprendre sur quoi se portent les échanges sur
les blogs littéraires : caractéristiques techniques
mais également l’histoire en elle-même.
Figure 18 – Nuage de mots appartenant à la classe n°1 présente dans le discours des lecteurs de blog
Figure 18 – Nuage de mots appartenant à la classe n°1 présente dans le discours des lecteurs de blog
44 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Figure 20 - Analyse Factorielle des Correspondances du discours des lecteurs de blog
Il nous est possible également grâce au logiciel Alceste d’étudier la répartition du discours
grâce à une analyse factorielle des correspondances, sous forme de nuage de mots. (Figure 19)
Sur la figure ci-dessus, l’axe horizontal souligne que le discours évolue. Il se développe tout
d’abord autour des caractéristiques du livre en lui-même : « saga », « tome »,
« personnage »… Le lecteur du blog s’intéresse tout d’abord à un discours technique mais
lorsqu’il s’éloigne d’un vocabulaire « classique », les émotions et l’expérience prennent le
dessus. On note alors la présence des mots : « découvrir », « plonger », « donner » « envie »
Après avoir fait part des caractéristiques plutôt techniques ce sont ensuite les sentiments
et les émotions entraînées par la lecture qui se partagent sur les blogs.
Attributs du livre
45 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
C / Phase 3 : Analyse du discours des blogueurs littéraires :
Dans le cadre de notre étude, nous avons également interrogé des blogueurs littéraires
propriétaires de blogs actifs et avons essayé de comprendre ce qui les motive à tenir ces pages.
Nous avons passé le discours retranscrit de ces entretiens via le logiciel Alceste. L’indice
de pertinence de l’analyse menée le lundi 24 mars 2017, s’élevait à 80%. Les unités classées à
partir de ce corpus ont été réparties en cinq classes lexicales.
Figure 21 – Classes présentes dans le discours des blogueurs
La classe n°4 est la plus importante, elle représente 33% des unités traitées, les mots qui
ressortent de cette classe sont les suivants : « lien », « réseau », « social », « relation »,
« parler », « interagir ».
La relation et le lien créé est clairement visible dans le discours des blogueurs littéraires.
La création d’un blog est le moyen de répondre au manque d’intérêt de ses proches pour la
lecture en trouvant un nouveau réseau qui y porte un intérêt.
46 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Cette relation créée est apparue comme l’une des raisons principales pour lesquelles les
personnes interrogées ont choisi de tenir un blog. Nous avons ainsi reçu les réponses
suivantes :
« J'avais besoin de partager mon avis sur mes lectures et de parler des livres qui me faisaient envie »
Nancy
« J’ai décidé d’ouvrir mon blog, Popcorn & Gibberish car je m’étais remise à lire beaucoup et j’avais
envie de parler de ça autour de moi » Johanna
« J’ai peu de lecteurs dans mes cercles. Bon sang, c'était vraiment frustrant. J'avais envie de partager
mes avis avec plus de monde, alors comme une évidence, l'idée blog m'est apparue » Habiba
« J’ai eu envie de partager mes lectures » Madame Ourse
Partager ses lectures et ses coups de cœur est également recherché. Après la lecture,
l’envie d’en parler au-delà d’un cercle restreint de proches est très forte chez les blogueurs.
Le blog propose un espace personnel mais accessible à tous qui permet de compléter la
lecture, de lui donner une dimension collective, d’échanger à son sujet. L’hyper connectivité
est une caractéristique des lecteurs.
La classe n° 3 est composée de 32% des unités
traitées. Elle est constituée des termes suivants : « lire »,
« roman », « genre », « lecture », « thriller », « résumé »,
« thème » « titre », « couverture ». Cette classe de mot
est celle des attributs du livre lui-même. L’écriture sur les
blogs s’articule avant tout autour de ce bien. Il faut
respecter les règles, présenter les caractéristiques
techniques des livres pour répondre aux besoins des
lecteurs et leur fournir ce qu’ils cherchent sur ces espaces.
Il est ressorti de nos entretiens que le résumé et la
couverture sont souvent les premiers leviers qui procure de l’intérêt pour un livre. Sur les
blogs à l’image d’une librairie en ligne on retrouve également ces caractéristiques.
Figure 22 – Mots appartenant à la classe n°3 du discours des blogueurs littéraires
47 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
La classe n°2 représente 12 % des unités du discours. Elle est composée des termes
suivants : « porter », « penser », « orienter », « raconter », « pousser ». Ce vocabulaire pousse
à l’action, présente ce que les blogueurs observent à la suite de l’écriture d’un article. Il cerne
bien cette volonté nécessaire à l’ouverture d’un livre, celle-ci qui était effectivement apparue
dans les commentaires que nous avons étudiés en phase B.
Il ressort de nos entretiens que les lecteurs des blogs, sont fidèles, ils aiment
également les livres. Ils viennent sur ces pages pour partager autour d’un titre, sont à la
recherche de conseils de lecture, d’informations… Ils commentent et interagissent facilement
avec le blogueur littéraire.
« J’ai pas mal de fidèles, lecteurs et auteurs. Après 1 an, je viens de dépasser les 50 000 visiteurs, j’ai
bientôt 150 abonnés à la newsletter et 500 personnes me suivent sur ma page Facebook. » Nancy
« Un commentaire sous mon article ou bien sur mon lien de partage, je réponds toujours » Maryline
« Les lecteurs du blog sont souvent d’autres blogueurs » Johanna
« La plupart des personnes qui réagissent sur le blog me suivent sur les réseaux sociaux, du coup,
on poursuit des conversations sur twitter par exemple, on se mentionne pour des questions, des
suggestions de lectures. » Habiba
La classe n° 5 représente également 12% des
unités elle s’articule autour des termes suivants : « vie »,
« place », « occasion », « fréquent », « lecture »,
« temps », « livre ». Elle présente les concepts de
temporalité, de récurrence de la lecture.
Figure 23 – Classe n°5 présente dans le discours des blogueurs littéraires
48 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Nos entretiens ont également montré que le blogueur littéraire est un fervent lecteur
et qu’il lit depuis très jeune. Le livre est un bien particulier pour lui, un loisir majoritaire. Il ne
pourrait pas s’en passer.
« Je lis énormément, c’est ma passion depuis que je suis toute jeune, j’ai toujours aimé lire » Maryline
« Les livres occupent une grande place dans ma vie. Je lis depuis mes 8 ans et depuis je n'ai jamais
arrêté. je lis en moyenne 8 à 10 livres par semaine. » Nancy
« Je lis depuis toute petite donc le livre est très important pour moi. J’ai toujours vécu au milieu des
livres » Johanna
« Le livre est une base essentielle de ma vie, au-delà du plaisir de lecture individuel, je suis intimement
convaincue que c'est le vecteur de culture le plus accessible. » Habiba
« La lecture est mon loisir majoritaire, je lis tous les soirs avant de me coucher et quand je le peux
dans la journée. » Madame Ourse
Enfin la classe n°1 est composée de 11% des unités du discours. Le vocabulaire qui la
compose est spécifique « partenariat », « engager », « agir », « collaboration », « notifier »,
« rédiger », « chronique ». Cette classe définit l’ensemble des modalités des partenariats qui
se sont développés entre blogueurs et maisons d’édition. Ces partenariats ont leur place dans
l’activité des blogueurs.
Ces collaborations avec les maisons d’édition ou
parfois même directement avec les auteurs sont monnaie
courante sur les blogs littéraires, mais celles-ci sont toujours
notifiés, par obligation légale mais également par respect vis-
à-vis des lecteurs.
Figure 22 – Classe n°1 présente dans le discours des blogueurs
49 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Lorsque le blogueur reçoit un livre de la part d’une maison d’édition dans le cadre d’un
partenariat, on note l’apparition d’un sentiment d’urgence à lire et à parler du titre, le
blogueur se doit de lire le titre plus rapidement et d’en faire une chronique qu’il diffusera.
« Je m’engage à les lire le plus rapidement possible, d’en faire une chronique et de la diffuser le plus
largement possible. » Maryline
« Je fais au plus pressé. Les partenariats en premier et ensuite les romans annexes. Mais j’essaie d’être
au maximum à jour. » Johanna
« Mes engagements : solliciter des livres que j'ai envie de lire et les chroniquer dans un
temps imparti. Au moment de la publication de l'avis de lecture, je préviens l'éditeur par mail et je le
mentionne sur les réseaux sociaux. » Habiba
50 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
D/ Phase 4 : Analyse du discours des professionnels :
Nous avons mené deux entretiens auprès de professionnels du secteur de l’édition afin
de comprendre leur vision et la manière dont ils appréhendent de ces nouveaux acteurs.
Les professionnels en contact avec les blogueurs pour les maisons d’édition confirment
le dynamisme de ce réseau et de ces pratiques.
« Je pense que la francophonie devrait être autour de 20 000 blogs.» Stéphanie, NetGalley
« L’activité de critique et de partage ne cesse de se développer » Stéphanie, NetGalley
Ils soulignent que chaque blogueur a son propre créneau, sa propre sphère d’influence
à respecter et à comprendre par l’éditeur. La relation se créée alors et se développe de
manière individuelle avec professionnalisme. Les blogueurs sont investis dans le processus de
création.
« Nous avons également un réseau de blogs plus privilégiés qui nous suivent depuis le début : le
boudoir écarlate par exemple. Une véritable relation individuelle s’est créée. C’est dans ce cadre que
nous avons créé le programme « lectrices Charleston ». Nous choisissons chaque année une dizaine de
bloggeuses que nous voyons véritablement comme des ambassadrices. Nous les impliquons dans le
choix de création, elles sont invitées aux événements, aux dédicaces.
Elles participent également à la création, sont investies dans notre processus : choix de création, choix
de la couverture. » Elise
Les éditeurs peuvent attendre des bénéfices de la part des blogueurs. Du contenu à
relayer sur les titres, une visibilité en ligne, du bouche-à-oreille positif mais ils ont aussi à
gagner à les écouter. Les blogueurs peuvent aider à prendre les bonnes décisions, ils
permettent de sortir de l’univers de la maison d’édition et de confronter les publications à
celles de la concurrence, aux tendances du moment et aux envies de lectures qui sont liées à
une dynamique du marché. Les feel good books ont le vent en poupe aujourd’hui par exemple.
Les blogueurs peuvent aussi permettre de découvrir de nouveaux auteurs.
L’impact des blogueurs dans le paysage littéraire est confirmé mais celui sur les ventes
est un raccourci trop simple. La relation est difficile à mesurer ne doit pas être cherchée en
priorité dans le cadre d’une collaboration.
51 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
« Elle entraîne une présence web, ce qui est déjà ça, vue la masse textuelle publiée mensuellement.
Dire qu’elle génère de l’achat est un raccourci trop simpliste. (…) Ce qui génère de l’achat, c’est
trouver le bon relai pour le bon livre, pas de diffuser massivement une information » Stéphanie
« Les blogueurs nous permettent d’avoir un retour direct du lecteur. Nous savons également que les
chroniques ont un impact sur le lectorat des blogs qui fait confiance. C’est une réussite de notre
marque, les blogueurs sont plus écoutés que les journalistes » Elise
Les chroniques et feedbacks des blogueurs peuvent servir de relais et permettre de
comprendre le lecteur final, ses attentes, les tendances actuelles du marché. Ils sont
également les créateurs de nouveaux espaces, qui, une fois développés fonctionnent car ils
sont fondés sur une confiance réciproque.
« Une vision plus fine de l’insight, quand les éditeurs ont le temps d’analyser les feedbacks et leurs
provenances, ce qui est un travail colossal en soi. Et du référencement web. De la matière pour
soutenir d’éventuels dossier de presse ou les sites éditeurs. » Stéphanie
« Nous relayons certains articles sur les blogs et les réseaux pour remercier nos blogueurs, mise en
avant des retours positifs. Nous utilisons également leurs chroniques sur la première page du livre
c’est comme un label pour nos lecteurs « lu et approuvé par les lectrices Charleston » Elise
52 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
IV – Conclusions générales :
1- Discussion
Notre recherche valide l’importance de l’enthousiasme et des émotions partagées sur
les blogs, ces sentiments étaient également apparus dans notre revue de littérature. Les
articles de blog sont différents des chroniques et avis de journalistes présents dans la presse
qui se doivent de faire preuve d’une certaine mesure et objectivité. Notre recherche a
confirmé l’importance de l’authenticité, des sentiments partagés et soutient les travaux de
Bois & al. (2016) et de Ardelet & Brial (2011). Elle affine également le travail de Yang & Huang
(2008) sur les motivations qui poussent à tenir un blog littéraire et définit la motivation
émotionnelle comme étant la plus importante.
Notre étude du discours de la presse a également validé le dynamisme de ces espaces
que nous avions noté suite à notre analyse des tendances sur Google.
Malgré la distance qui pouvait apparaître avec le côté digital, dématérialisé de ces
espaces et la barrière de l’écran, les lecteurs de blogs souhaitent retrouver avant tout une
forme de proximité avec l’auteur du blog. L’avis de l’autre, son engagement à défendre un
titre ou une maison d’édition confirme la nature spécifique du livre et se présente comme une
solution pour réduire le risque perçu lors de l’achat d’un bien complexe. (Nantel, 2002)
La lecture sollicite un effort cognitif significatif et les chroniques sur les blogs littéraires peuvent
réduire l’impression d’effort et faciliter le choix.
Notre analyse confirme également la difficulté qui persiste pour évaluer l’impact de
l’activité d’un blogueur sur les ventes de livres : combien de personnes achètent un titre et le
lise suite à la lecture d’une chronique ?
Il nous est également apparu nécessaire d’aller au-delà du chiffre de vente seul
puisque l’impact du blogueur est en fait démultiplié par un effet réseau et une promotion du
livre en ligne aux contours difficiles à cerner et aux limites indéfinies.
53 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
L’influence va aujourd’hui au-delà du nombre de followers ou de visiteurs sur un blog,
elle est également liée à une sphère de référence ainsi qu’à une légitimité et une
reconnaissance acquise.
Nos conclusions dépassent celles établies par Lamour & al. (2013). La mondialisation
et la technicité, pour reprendre leurs mots, sont désormais totalement ancrées dans le
système de prescription et deux modèles coexistent et s’entremêlent à l’image du modèle que
Larceneux a développé pour l’industrie cinématographique (2007), ces résultats confirment
l’importance des avis de lecture diffusés en ligne. Les interactions et la prise d’information sur
un produit se font désormais en direct, dans la presse, à la télévision et en parallèle en ligne,
ce qui conduit à une dissémination et une multiplication de l’information. Notre analyse
renforce ici le point de vue développé par Chapelain (2014).
La recherche a peu étudié le phénomène Booktube, ce qui, étant donnée l’ampleur des
interactions aujourd’hui nous semble manquer, et si nous l’avons lié à notre étude des blogs,
les codes de ce phénomène et son actualité, soulignent qu’il serait intéressant de l’étudier
pour ce qu’il est. La recherche gagnerait à se pencher sur une question d’étude qui permette
d’appréhender ce nouveau souffle apporté à la chronique littéraire. Véritable phénomène aux
Etats Unis, la presse aujourd’hui reconnaît l’influence de ces acteurs qui offrent de nouvelles
fenêtres de promotion pour leurs titres.
Notre recherche confirme également l’intérêt à aller plus loin qu’une simple
comparaison entre journalistes ou critiques professionnelles et commentaires des pairs et des
internautes anonymes (Ardelet & Brial., 2011). Les blogueurs sont aujourd’hui des figures qui
ne rentrent dans aucune de ces deux cases.
54 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
2 - Implications managériales :
Il s’agit ici de tirer profit des conclusions de la partie précédente pour proposer des
orientations aux maisons d’édition :
Deux grandes implications vont être abordées :
- L’importance du développement d’une véritable coopération avec le blogueur
littéraire qui se présente désormais comme un acteur incontournable et légitime.
- La compréhension d’un nouveau business model pour la médiation littéraire.
Ainsi, si nos entretiens ont souligné une influence certaine de la lecture de chroniques
sur les achats de livres, celle-ci reste limitée, difficile à évaluer et ne doit pas être cherchée
seule. La revue de littérature a confirmé la coprésence aujourd’hui de la critique
professionnelle et de la critique amateur, ces deux instances se renforcent l’une et l’autre
pour apporter l’information dont il a besoin au lecteur.
Les blogueurs que nous avons interrogés soulignent qu’ils parlent avant tout des livres
d’une manière différente, qu’ils offrent aux auteurs une visibilité non négligeable et une
entrée facilitée dans un monde de loisirs et une scène littéraire chargés. Ils démocratisent un
bien complexe, qui paraît difficile d’accès en jouant sur des caractéristiques qui leurs sont
propres : authenticité, partage d’émotion, indépendance…
55 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
A/ Instaurer une véritable coopération avec le blogueur :
Notre premier conseil pour les éditeurs sera d’envisager un nouveau prisme pour la
relation avec le blogueur. Ainsi, celui-ci n’est pas seulement un lecteur avide de découvertes,
il s’est professionnalisé et a gagné en légitimité. Son public est différent de celui des médias
traditionnels, plus jeune et connecté, il est à l’écoute de conseils, ce qui représente une
véritable opportunité pour les maisons d’édition.
Obtenir de nombreux avis en ligne n’est plus, seul, gage de réussite. Pour se démarquer
et toucher les lecteurs différemment il est nécessaire de travailler la relation avec les
blogueurs de manière individuelle, pour créer avec eux de véritables labels à l’image de ceux
que proposent les médias.
Les blogs font, en effet, partie des espaces les plus fiables d’information sur Internet.
L’internaute accorde facilement sa confiance à son réseau virtuel, il est intéressant de
l’orienter avec un label de confiance et du contenu personnalisé.
Les éditeurs doivent gérer leur relation avec les blogueurs à l’image de celle qu’ils ont
avec les journalistes. Les blogueurs sont de véritables piliers du marketing en ligne pour un
bien qui peut sembler démodé dans un monde hyper connecté et moderne.
Ils offrent une visibilité sur une scène difficile à investir et racontent une histoire. Il est
nécessaire de les prendre en compte dans les stratégies de communication. Il faut cibler les
bons espaces avec professionnalisme, les séduire en prenant le temps de leur envoyer les
dossiers de presse, les convier aux présentations des publications, aux événements de
promotion, aux rencontres avec les auteurs.
Cibler le blogueur pour sa personnalité et sa sensibilité :
Dans le cadre de notre étude, il est apparu que les blogs sont des espaces où l’émotion
et la sensibilité priment. Ces pages sont intimes et personnelles, elles reflètent la sensibilité
d’un individu, ses goûts littéraires, dans lesquels la communauté de lecteurs qui suit les
actualités de la page se retrouve à son tour.
56 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Nous avons ainsi saisi, lors de nos entretiens, que, si l’échange a sa place dans la
rédaction d’un blog et si l’auteur écrit pour partager sa passion avec ses lecteurs, le blog reste
avant tout un espace personnel, reflet de l’auteur et de ses goûts personnels.
« Un blog c’est personnel, reflet de l’auteur » Maryline
« Un blog c’est très personnel, et le blogueur doit y mettre ses goûts, ses envies et sa façon d’être. Le
blog reflète le blogueur (…) » Habiba
Le blogueur, plus que les journalistes ou critiques professionnels qui se doivent d’être
objectifs s’emparent d’une lecture avec émotions et, si elle lui plaît, la défend en se
l’appropriant. Pour les lecteurs de blogs qui s’identifient et font confiance, le risque initial
perçu lors du choix d’un bien complexe est réduit.
C’est l’authenticité du blogueur, le partage d’émotions qui fait aujourd’hui sa force. Le
lecteur a également évolué et ne cherche plus seulement une expertise. Internet a conduit à
la multiplication de l’information, le lecteur souhaite pouvoir croiser les sources pour se faire
sa propre idée.
Il est nécessaire, que les éditeurs, respectent la liberté d’expression des blogueurs,
qu’ils acceptent les avis positifs comme les déceptions. La sincérité et l’expression d’émotions
« à chaud » est un atout principal pour leurs lecteurs. Les blogueurs comme leurs lecteurs
tiennent à leur indépendance, qui les autorise à dire ce qu’ils pensent vraiment de leurs
lectures.
Un rapport de force inversé :
Historiquement la promotion des livres revenait aux maisons d’édition. Celles-ci
envoyaient l’exemplaire d’un livre aux blogueurs, un service de presse en échange d’une
chronique. Flattés d’être pris en considération ils prenaient garde de ne pas frustrer l’éditeur.
Aujourd’hui la relation a évolué, le blogueur est maître de son discours, il peut choisir les livres
dont il souhaite parler. L’éditeur suggère plus qu’il n’incite et le blogueur n’a plus besoin de
l’éditeur pour rendre riche son activité amateur. Prendre conscience de ce changement rend
la relation plus franche et juste et plus riche à terme pour les deux parties prenantes.
57 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Les avis doivent également être appréhendés différemment des critiques littéraires
professionnelles. Plus passionnelles, elles se fondent sur les émotions ressenties, il est
nécessaire pour les éditeurs de composer avec ces nouveaux contenus et de communiquer
également sur les émotions.
Ainsi il faut travailler la promotion différemment : le résumé est toujours l’une des
sources de choix la plus importante. Il faut ainsi éviter de survendre un livre avec un résumé
trop loin de la réalité. Le risque de recevoir plusieurs critiques de blogueurs déçus, qui
« attendaient mieux » du livre est trop important. Ces critiques, pauvres, nuisent aux titres.
Une chronique négative, est parfois plus intéressante car elle suscitera chez les lecteurs l’envie
de comprendre la réaction, de voir s’ils partagent le point de vue exprimé.
Collaboration et cocréation :
Plus que le partage d’un avis en ligne c’est désormais une coopération qui doit se
développer avec les blogueurs. Leur légitimité croissante change la relation avec les maisons
d’édition. Il est important pour elles de s’appuyer sur leurs avis et de transmettre du pouvoir
de création.
Les impliquer dans les processus de choix de la couverture, la promotion des titres, les
rencontres avec l’auteur permet qu’ils s’approprient le livre et qu’ils le partagent avec
enthousiasme et vérité.
Parvenir à cibler le bon blogueur pour une maison c’est trouver un écho auprès d’une
véritable communauté. La présence des blogueurs sur les réseaux sociaux, les forums
littéraires, leur communication auprès de leurs lecteurs via des newsletters et les réponses et
précisions apportées en commentaires sur les articles permettent à la fois de toucher un
lectorat différent qui ne fréquente pas forcément les librairies et de profiter d’opérations qui
peuvent être qualifiées de marketing plus confidentielles et ciblées. L’éditeur n’a pas la main
sur ces communications mais, si les opérations sont bien faites, il en tirera profit.
58 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Les blogueurs sont dans l’affect, ils demandent une relation particulière qui est
porteuse. Ils permettent de comprendre le lecteur final et de répondre à son besoin. Donner
à la parole des blogueurs la force du label facilite le choix des lecteurs. Ils savent qu’ils peuvent
croiser ces avis authentiques avec ceux de la presse professionnelle ou la recommandation de
ses pairs.
A l’image de l’industrie cinématographique, avis de lecteurs amateurs et des médias
coexistent désormais sur la sphère littéraire et se renforcent l’un et l’autre pour permettre au
lecteur de faire son choix. Les blogueurs littéraires remplissent une mission de transmission
de l’information, ils sont de nouveaux échos pour la promotion de livres.
59 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
B/ Un nouveau business model pour la médiation littéraire :
Traditionnellement, libraires, bibliothécaires, critiques professionnels étaient les
médiateurs littéraires, ils facilitaient la rencontre entre les auteurs et les lecteurs. Avec le
développement des nouvelles technologies la communication concernant les livres doit
s’adapter aux espaces numériques et la médiation évolue. Internet, avec son réservoir de
données, sa rapidité d’accès, son accessibilité, a accéléré le changement dans la transmission
et la médiation.
En ligne, la notoriété d’une publication se confond avec le nombre (de commentaires,
d’appréciations, de fans), ce qui a contribué à modifier la distribution de livres. Les librairies
en ligne, de plus en plus importantes, bousculent les modes de distribution au sens large :
diffusion, commercialisation et permettent la présentation des nouveautés très en amont des
publications. Avec le développement du e-commerce et des espaces de recommandation en
ligne les avis individuels amateurs sont définitivement entrés dans le système de prescription
littéraire, ce qui modifie également le travail des instances de médiation du livre.
Des formes de communication plus directes, plus éphémères et plus fragmentaires
émergent et servent les besoins d’un lecteur qui souhaite aujourd’hui un contact plus direct
et interactif.
Les libraires ont dû faire face au développement d’espaces où la recommandation
prime. Ainsi Amazon concurrence l’avis d’un libraire avec plusieurs dizaines de notes en ligne
de lecteurs qui ont acheté et lu le livre. L’information sur un livre est illimitée et il est
nécessaire pour les libraires de trouver comment s’adapter.
Démocratisation et nouveaux espaces :
Pour les 18- 34 ans, Youtube est plus populaire que la télévision, ce qui justifie l’intérêt qui
doit être porté aux chaînes Booktube. Elles sont appréciées pour leur authenticité et pour
l’échange en direct avec la communauté via la partie de commentaires. Booktube touche les
nouvelles générations qui ne regardent plus la télévision et ne lisent pas les critiques des
60 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
journaux papiers comme le Monde des livres. Ce phénomène participe également à la
démocratisation de certains genres littéraires.
Booktube répond à un manque dans le paysage littéraire francophone : un endroit
décomplexé où il est possible de parler de littérature avec facilité ; ouvert à tous ceux qui le
souhaitent.
Les blogs portent de plus en plus un nouveau rôle de médiateur du livre auparavant détenu
par les bibliothécaires qui peuvent paraître aujourd’hui figés dans un rôle plus institutionnel.
Le dynamisme, le partage des émotions ou l’enthousiasme des vidéos a plus d’impact chez les
nouvelles générations de lecteurs.
C’est dans cette mesure que la logique communautaire laisse place pour certains
blogueurs à une logique médiatique qu’il faut imaginer de toute pièce. Les éditeurs doivent
apprendre à les investir dans la promotion des titres à l’image de leur travail avec les libraires
et les bibliothécaires.
Chacun y trouve son compte, les livres qui marchent, bien sûr, car les blogs
revendiquent une forme d’actualité mais également des romans plus confidentiels que les
journalistes et médias traditionnels n’ont pas le temps de traiter. La rencontre avec le livre est
facilitée par ces acteurs qui démocratisent un loisir complexe.
Une relation porteuse
La relation dépasse la promotion des livres uniquement. Ecouter les blogueurs peut
également permettre de dénicher des auteurs comme cela a été le cas pour les éditions
Charleston qui ont publiées en 2015 deux bloggeuses avec qui cette maison travaillait ou pour
la collection R. publiée par les éditions Robert Laffont. Ainsi, Glenn Tavennec responsable de
cette collection cite en exemple dans la Tribune de Genève un récent succès de vente, dû en
grande partie aux bons conseils des blogueurs avec qui il est en relation : « Ils me conseillaient
de publier la traduction française d’une auteure américaine autoéditée, Amy Harmon. Avec
beaucoup d’appréhension – c’est un vrai risque de publier une auteure qui n’a jamais été éditée
– je me suis lancé. Ils ont également choisi la couverture et le titre. Résultat : énorme succès
61 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
sur la Toile et 8'000 exemplaires vendus. Et tout ça sans un centime dépensé en marketing
traditionnel, via la publicité. » 11
L’intérêt des blogueurs pour les livres et leur positionnement résolument connecté et
digital sert ainsi les acteurs d’une scène littéraire à qui on a pu reprocher une forme
d’immobilisme par peur du changement avec le numérique.
11 Les booktubers font la loi chez les éditeurs articles publié le 17/07/2015 et consulté le 30/04/2017
http://www.tdg.ch/culture/culture/Les-booktubers-font-la-loi-chez-les-editeurs/story/13499889
62 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
V – Limites de notre étude :
Cette étude n’a pas pour objectif de donner une réponse exacte applicable à toutes les
maisons d’édition et à toutes les lignes éditoriales.
Nous nous sommes attachés à comprendre les leviers qui peuvent être utilisés pour
répondre aux besoins d’une cible de jeunes lecteurs et avons souhaité proposer une réponse
orientée vers la littérature générale et la fiction.
Ainsi, l’étude et les conclusions auraient été différentes si nous avions analysé la place des
blogueurs dans la chronique d’essais et de documents, domaines pour lesquels l’expertise
reste recherchée et où les critiques sont experts de leur domaine. Il serait intéressant de
reproduire notre étude dans ces domaines et d’étudier les besoins des lecteurs.
Les conclusions doivent être prise avec le recul nécessaire, dans la mesure où certains
autres points auraient pu être creusés. Ainsi, nous aurions pu renforcer nos conclusions en
interrogeant directement des lecteurs de blogs littéraires et en menant auprès d’eux une
étude quantitative. Nous aurions ainsi pu comparer leurs motivations à lire des chroniques
avec l’idée que s’en font les blogueurs eux-mêmes.
Enfin, il est important de reconnaître que la dynamique de ce phénomène et le nombre
de blogs littéraires cachent un phénomène à deux vitesses : tous les blogs ne se valent pas.
Certains contenus restent éphémères, sans âme et sans véritable travail de la part du
blogueur. Ils ont peu d’intérêt pour les maisons d’édition. Celles-ci doivent avant toute chose
cibler les contreparties avec qui elles souhaitent travailler, qui collaboreront avec
enthousiasme et dont le travail est reconnu.
63 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
VI - Conclusion :
Les blogueurs ont leur place dans un écosystème en mutation, il est nécessaire
aujourd’hui de réfléchir à la dynamique que la maison d’édition souhaite donner à la relation.
Ils participent à une forme de démocratisation de la littérature et offrent une visibilité
non négligeable en ligne à des textes noyés dans un nombre étonnant de publication. Intégrer
ces acteurs au processus de promotion doit se faire toutefois, comme avec tout autre partie
prenante, en comprenant qu’il faut leur offrir de collaborer sur ce livre qu’ils aiment, afin qu’ils
s’investissent dans sa promotion. La relation s’est inversée et la maison doit accepter de
laisser au blogueur une partie du pouvoir de décision.
La médiation littéraire offerte par le blogueur littéraire est source d’actions et de
pratiques qui œuvrent au service d’une société qui doit réinventer sa relation avec la
littérature dans un monde hyper connecté où le temps alloué à la lecture est compté.
Le blogueur permet à chacun de s’intéresser et de se rapprocher de la culture littéraire qui
participe à l’ouverture d’esprit, à l’épanouissement de l’individu, à la construction d’une
identité. Cette démocratisation rend accessible la culture au plus grand nombre.
Nous conclurons sur cette note positive et soulignerons que cette dynamique est
mouvante, le marché des blogs semble atteindre un point de maturité dans tous les secteurs
et d’autres formes, d’autres réseaux sociaux à inventer, viendront certainement le supplanter.
Les formes de partage et l’activité de critique en revanche ne cessent de se développer
et évoluent très vite et il faut que les maisons d’édition sachent suivre les évolutions et
acceptent de modifier leurs pratiques pour satisfaire les nouveaux besoins de leurs lecteurs.
64 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
VI - Bibliographie :
Ardelet C. et Brial B., 2011 « Influence des recommandations d’internautes : le rôle de la présence
sociale et de l’expertise. » Recherche et Applications en Marketing (French Edition), SAGE
Publications, 26 (3), pp.45-69.
Beauvisage T., Beuscart J.S., Cardon V., Mellet K. et Trespeuch M., 2015, « Notes et avis des
consommateurs sur le Web - les marchés à l’épreuve de l’évaluation profane » Réseaux, Vol.1,
N°177, pp.131-161.
Bois G., Saunier E. et Vanhée O. « La critique littéraire amateur sur les blogs de lecteurs - Une
concurrence limitée de la critique littéraire professionnelle » RESET
Chapelain B., (2014). « La prescription dans les blogs de lecteurs : de l’incitation à la
recommandation. » Communication & langages, 2014, pp 49-60
Chevalier, J.A. et Mayzlin, D. (2006), “The effect of word of mouth on sales: online book reviews”,
Journal of Marketing Research, Vol. 43 No. 2, pp. 345-354.
Clement M., D. Proppe& A. Rott (2007): “Do Critics Make Bestsellers? Opinion Leaders and the
Success of Books”, Journal of Media Economics, 20(2), 77-105
Holbrook & Hirschman, 1982: “Hedonic consumption : Emerging concepts, methods and
propositions”, Journal of Marketing, 46, 3, 92-101.
Kozinets R.V., 2002 «The field behind the screen: using netnography for marketing research in Online
Communities» Journal of Marketing Research, 39 (February), 61-72.
Kumar V., 2010 “Undervalued or Overvalued Customers: Capturing Total Customer Engagement
Value” Journal of Service Research 13(3)
Lamour C., De La Robertie C., Cliquet G., 2013 « Prescription d’achats complexes : Proposition de
définitions et d’un modèle. » International Marketing Trends Conference, Paris, France.
Larceneux F., 2007, « Buzz et recommandations sur internet : quels effets sur le box-office ? »,
Recherche et Applications en Marketing, 22, 3, pp. 45-64.
Nelson P., 1970, “Information and Consumer Behavior” Journal of Political Economy, Vol. 78, No. 2 pp. 311-329 Published by: The University of Chicago Press
Painbéni S., 2009, « L’impact de la prescription littéraire dans le processus de décision d’achat d’un
roman », 14èmes Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne, Dijon.
Soubrie T., 2006, « Le blog : retour en force de la " fonction auteur" » Premières journées
communication et apprentissages instrumentes en réseau, Amiens, France
Yang, W.I., Huang, Y.K. (2010),"Dissemination motives and effects of internet book reviews", The
Electronic Library, Vol. 28 Iss 6 pp. 804 – 817
Yang, W.I., Huang, Y.K. (2008),"Motives for and consequences of reading internet book reviews", The
Electronic Library, Vol. 26 Iss 1 pp. 97 - 110
65 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Ouvrages
Cardon D., 2010 « La démocratie Internet. Promesses et limites » Seuil, coll. La république des idées
Hatchuel A., 1995, « Les marchés à prescripteurs », dans L’inscription sociale du marché, Paris,
L’Harmattan, pp. 205-225.
Robin C.,2016 « les livres dans l’univers numérique » La documentation française, coll. Les études
Articles consultés en ligne
Article consulté le 07.12.2016 « Les booktubeurs vont-ils remplacer les critiques littéraires? »
disponible ici :
Retransmission du séminaire mené par Jacques Nantel : « Comportement des consommateurs dans
le domaine des arts et de la culture », 2002
Pinch & Kesler, 2011 « How Aunt Ammy gets her free lunch: A story of the top thousand Customer
Reviewers at Amazon.com » consulté en février 2017.
Publisher Weekly – 16 Février 2015 “Book Publishing comes to Youtube”, consulté en janvie 2017.
66 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
VII – Annexe :
Figure 1 : Mars 2017 – Les français et la lecture menée par l’IPSOS pour le Centre national du Livre.
67 Astrid Pourbaix – MSc in Marketing Management
Annuaire des figures présentées :
Figure 1 : Mars 2017 - Les français et la lecture, menée par l’IPSOS pour le CNL – Les français toujours
aussi nombreux à se percevoir lecteurs de livres.
Figure 2 : Mars 2017 - Les français et la lecture, menée par l’IPSOS pour le CNL - Le choix d’un livre est
motivé par l’envie de lire un auteur ou les recommandations d’un proche.
Figure 3 : 2012 – Etude menée par Babelio : l’importance du bouche-à-oreille dans la découverte des
livres.
Figure 4 : Récurrence des recherches pour les termes « avis livre » sur Google depuis 2004.
Figure 5 : Récurrence des recherches pour les termes « blog littéraire » sur Google depuis 2004.
Figure 6 : Récurrence des recherches pour les termes « blog littéraire » et « booktube » sur Google
depuis 2012
Figure 7 : Modèle de la prescription intégrée au processus de décision de l’achat de l’acheteur
(Lamour & al., 2013)
Figure 8 : Schéma des interactions présentes dans notre étude.
Figure 9 : Panel des répondants aux entretiens.
Figure 10 : Classes lexicales présentes dans la presse.
Figure 11 : Nuage de mots appartenant à la classe n°2
Figure 12 : Nuage de mots appartenant à la classe n°1 du discours de la presse
Figure 13 : Nuage de mots appartenant à la classe n°3 du discours de la presse
Figure 14 : Nuage de mots appartenant à la classe n°4 du discours de la presse
Figure 15 : Classes lexicales présentes dans les commentaires des blogs littéraires.
Figure 16 : Nuage des mots présents dans la classe n°2 du discours des lecteurs de blogs littéraires.
Figure 17 : Clusters ressortant du vocabulaire de la classe n°2 issue du discours des lecteurs de blogs
littéraires.
Figure 18 : Nuage de mots appartenant à la classe n°1 présente dans le discours des lecteurs de
blogs.
Figure 19 : Nuage de mots appartenant à la classe n°3 présente dans le discours des lecteurs de
blogs.
Figure 20 : Analyse factorielle des Correspondances du discours des lecteurs de blog.
Figure 21 : Classes présentes dans le discours des blogueurs.
Figure 22 : Mots appartenant à la classe n°3 du discours des blogueurs littéraires.
Figure 23 : Classe n°5 présente dans le discours des blogueurs.
Figure 24 : Classe n°1 présente dans le discours des blogueurs.