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CNAM
Conservatoire National des arts et métiers
Chaire de travail social
et Intervention Sociale
Master de recherche
Travail social, action sociale et société
De la réinsertion à la prévention de la récidive : quel
processus de professionnalisation pour les Conseillers
Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ?
Année :
2011
Yann COUZIGOU
Sous la direction de M. Guillaume MALOCHET
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Remerciements
Je tiens à remercier chaleureusement Monsieur MALOCHET pour sa disponibilité, son
attention exigeante et ses précieux conseils méthodologiques sans lesquels ce travail n’aurait
pas vu le jour.
Je tiens à saluer mes collègues qui ont accepté de répondre à mes questions ainsi que les
organisations rencontrées qui ont éclairé mon propos.
Je remercie particulièrement Jean-Claude pour son infinie patience, son soutien, sa
compréhension et ses précieuses corrections.
Enfin je tiens à saluer mes amis qui m’ont soutenu et compris dans cette aventure humaine et
intellectuelle malgré mon manque de disponibilité pendant deux ans.
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Sigles et abréviations
AP Administration Pénitentiaire
ARSE Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique
ARSEM Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique Mobile
AFC Association Française de Criminologie
CFDT-Interco Confédération Française Démocratique du Travail-Interco
CIP Conseiller d’Insertion et de Probation
CPIP Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
DAP Direction de l’Administration Pénitentiaire
ÉNAP École Nationale d’Administration Pénitentiaire
JAP Juge de l’Application des Peines
PPSMJ Personnes Placées Sous Main de Justice
PPR Programme de Prévention de la Récidive
PSE Placement sous Surveillance Electronique
PSEM Placement sous Surveillance Electronique Mobile
SEFIP Surveillance Electronique Fin de Peine
SNEPAP FSU Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration
Pénitentiaire- Fédération Syndicale Unitaire
SPIP Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
UGSP-CGT Union Générale des Services Pénitentiaires- Confédérations Générale
du Travail
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Sommaire
Remerciements ........................................................................................................................................ 3
Sigles et abréviations ............................................................................................................................... 4
Sommaire ................................................................................................................................................ 5
Introduction générale ............................................................................................................................... 7
Première partie : Les CPIP dans un contexte d’évolutions politiques, législatives et institutionnelles
constantes .............................................................................................................................................. 24
Introduction de la première partie ..................................................................................................... 26
Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en cause du travail social................. 27
Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en profondes mutations ....................... 32
Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ..................... 38
Chapitre 4 : Genèse d’un changement de nom .................................................................................. 46
Conclusion de la première partie ....................................................................................................... 53
Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces évolutions ........................................................ 55
Introduction de la deuxième partie .................................................................................................... 57
Chapitre 5 : Une organisation des services profondément modifiée ................................................. 58
Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces évolutions porté par l’Administration Pénitentiaire
........................................................................................................................................................... 65
Conclusion de la deuxième partie...................................................................................................... 75
Troisième partie : Des pratiques professionnelles en mutation ............................................................. 77
Introduction de la troisième partie ..................................................................................................... 79
Chapitre 7 : Savoirs d’action et autonomie professionnelle .............................................................. 80
Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs émergeants ........................................................... 87
Conclusion de la troisième partie ...................................................................................................... 98
Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ? ...................................................................... 100
Introduction de la quatrième partie .................................................................................................. 102
Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP ............................................................................. 103
Chapitre10 : Une socialisation professionnelle problématique ....................................................... 110
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Conclusion de la quatrième partie ................................................................................................... 125
Conclusion générale ............................................................................................................................ 128
Tables des matières ............................................................................................................................. 136
Bibliographie ....................................................................................................................................... 139
Annexe 1 : L’échantillon ..................................................................................................................... 150
Annexe 2 : La grille d’entretien........................................................................................................... 154
Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite .................................................................... 160
Annexe 4 : Le statut des CPIP ............................................................................................................. 165
Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire ............................................................................... 169
Annexe 6 : Les programmes de prévention de la récidive .................................................................. 178
Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP .................................................................... 184
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Introduction générale
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La question de départ
Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) prennent en charge l’ensemble
des mesures de justice en milieu fermé, c'est-à-dire en détention, comme en milieu ouvert : les
peines alternatives à l’incarcération, les aménagements de peine, les contrôles judiciaires et
depuis peu, les mesures de sûreté. Ces services, dépendant de l’Administration Pénitentiaire,
ont été récemment médiatisés lors de l’affaire dite « de Pornic»1, en janvier 2011 : une jeune
femme y a été sauvagement assassinée par une personne, placée sous main de justice et
récemment sortie de détention sans suivi effectif par le SPIP à l’extérieur. Les médias
nationaux ont largement relayé les difficultés rencontrées par ces services face à la surcharge
de mesures engendrées par les différentes politiques pénales passées et présentes. La mise en
cause publique par le Gouvernement de l’action des Juges d’Application des Peines de la
juridiction nantaise et des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (CPIP) a créé
un mouvement2, unique à ce jour, de l’ensemble des personnels de justice, des magistrats aux
agents administratifs, mouvement qui s’est poursuivi dans les SPIP une partie de l’année
2011. Ce fait divers a surtout, à notre sens, confirmé de manière criante le manque de
visibilité de l’action des SPIP aux yeux du grand public, malgré leur rôle charnière au sein de
la Justice Pénale, rôle réaffirmé par la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009.
1 « Tony Meilhon, avait été condamné à 6 mois de prison ferme et à 18 mois de « sursis avec mise à l'épreuve
» pour « outrage à magistrat » à l'audience. Ce multirécidiviste de 31 ans avait déjà accumulé 13 condamnations, dont
une pour le viol d'un codétenu. Mais le SPIP de Nantes n’a pas affecté cette mesure de mise à l’épreuve non prioritaire
pour ses services. Sorti de prison en février 2010, il n'avait jamais été convoqué. Le suivi médical, que lui avait imposé
le juge, n'a donc jamais été mis en place non plus. Côté policier, l'homme, sans adresse fixe, n'avait pas répondu aux
convocations pour son identification au fichier des délinquants sexuels, et il avait été simplement inscrit au fichier des
personnes recherchées ». Source Le Figaro consultable http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-
20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.php
2 « C'est de Nantes qu'est partie la révolte, après des propos de Nicolas Sarkozy, le 3 février à Orléans, promettant
des sanctions à l'encontre des responsables de "dysfonctionnements graves" des services de police et de justice dans le suivi
du meurtrier présumé de Laëtitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique). Les magistrats n'ont pas supporté cette mise en cause
avant même que soient connus les résultats des inspections en cours et alors qu'ils tirent, depuis des années, la sonnette
d'alarme quant au manque de moyens de la justice ». Source Le Point consultable au http://www.lepoint.fr/societe/les-
magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.php
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.phphttp://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.phphttp://www.lepoint.fr/societe/les-magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.phphttp://www.lepoint.fr/societe/les-magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.php
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Cette Loi, intégrant en partie les recommandations édictées par les Règles Pénitentiaires
Européennes3, consacre le principe du caractère exceptionnel de l’emprisonnement, le
déploiement massif de la surveillance électronique, et des aménagements de peine et la
généralisation des programmes de prévention de la récidive. Elle s’inscrit dans la continuité
de réformes d’envergure comme la juridictionnalisation de l’Application des Peines en 2004,
la mise en œuvre des peines planchers en 2007 et la création de nouvelles mesures de sûreté
en 2008. Les missions d'accompagnement social des CPIP sont amenées à être confiées à
d’autres professionnels et leurs missions recentrées sur la prévention de la récidive, sur la base
d’un diagnostic à visée criminologique et de méthodologies d’interventions nouvelles : les
programmes de prévention de la récidive. En 2008, un mouvement social4 avait cristallisé un
malaise latent des CIP, face aux prémisses de ces évolutions majeures, et entraîné une
revalorisation indiciaire accompagnée d’un changement de nom.
Depuis le 1er
janvier 2011, les Conseillers d’Insertion et de Probation s’appellent désormais
Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.
De surcroît, les SPIP n’ont jamais été confrontés à un nombre aussi conséquent de
personnes à suivre. Au 1er
juillet 2011, la France comptait 73 320 personnes sous écrou,
dont 64 726 détenus, contre 49 718 et 49 342 dix ans plus tôt (soit + 47,5 % et + 31,2 %).
Au 1er
juin 2011, il n'y a jamais eu autant de détenus dans les prisons françaises (64 971).
Au total, les CPIP sont au contact, au 1er
janvier 2011, de 239 997 personnes condamnées à
des mesures de justice.
Les mesures, en milieu ouvert, sont en constante augmentation depuis 1999. Au 1er janvier
2011, 173 022 personnes étaient suivies en milieu ouvert contre 123 492 en 2005, soit une
augmentation de 28,6%.5
3 « Adoptées pour la première fois en 1973, révisées en 1987, puis en 2006, les règles pénitentiaires européennes
visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres du Conseil de l'Europe et à faire adopter des pratiques et
des normes communes. Ces 108 règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de
détention, la santé, l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire,
l'inspection et le contrôle des prisons ». Source Site du Ministère de la Justice http://www.justice.gouv.fr/europe-et-
international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/
4 Voir Annexe 4 p 165
5 Chiffres clés de l’Administration Pénitentiaire, site du Ministère de la Justice -
http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/
http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/
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Ce sont ces fonctionnaires du Ministère de la Justice que nous avons choisis d’étudier, du fait
de notre accès privilégié aux SPIP en tant que Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de
Probation, en poste au Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de la Seine-Saint
Denis. Nous nous proposons, ici, de mettre en perspective les évolutions des missions des
CPIP en regard avec les évolutions institutionnelles concernant les SPIP. Comment
documenter les tensions et paradoxes traversant la filière Insertion et Probation de
l’Administration Pénitentiaire ? Comment analyser ce passage, en une dizaine d’années, d’un
travail social pénitentiaire datant de la création des Juges de l’Application des Peines en 1958,
à un traitement pénal d’inspiration criminologique ? Qu’est-ce qu’être Conseiller Pénitentiaire
d’Insertion et de Probation aujourd’hui dans un contexte d’évolutions institutionnelles
constantes depuis la création des SPIP en 1999 ?
Revue de littérature
L'Administration Pénitentiaire a principalement été étudiée par le prisme emblématique de la
prison, sous l’angle de la place qu’elle occupe dans la société, mais aussi de l’influence sur les
trajectoires des détenus qu’elle exerce, ou bien les stratégies développées par ceux-ci pour
s’adapter à l’univers carcéral.
Les concepts fondamentaux d’institution totale, « un lieu de résidence et de travail où un
grand nombre d'individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour
une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont
explicitement et minutieusement réglées». [GOFFMAN, 1961] et de « gouvernementalité »
[FOUCAULT, 1975] consistant, pour l'État, à « exercer par rapport aux habitants, aux
richesses, aux comportements de tous et de chacun, une forme de surveillance, de contrôle
tout aussi attentive que celle du père de famille sur la maison et sur les biens » [DIMIER,
2010] ont irrigué des générations de travaux sociologiques en France.
Ils concernent notamment des récits de « carrières » de délinquants incarcérés en maison
d’arrêt [CHANTRAINE, 2004] ou bien les interactions entre la prison et l'extérieur, dans une
perspective d'écologie sociale [MARCHETTI, COMBESSIE, 1996], [FAUGERON,
CHAUVENET, COMBESSIE, 1996], [COMBESSIE, 2001].
La généralisation de la surveillance électronique est, toutefois, venue peu à peu brouiller les
frontières entre milieu ouvert et milieu fermé et élargir les études au champ de la probation.
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Qu’elle soit fixe ou mobile, la surveillance électronique initie un mouvement de privatisation
de l’espace public et de publicisation de l’espace privé qui interpelle les chercheurs. Cette
délimitation plus floue entre le milieu ouvert et le milieu fermé, les a conduits à porter leur
attention sur les personnels mettant en œuvre ces mesures de surveillance électronique, de
manière périphérique [FENECH, 2005] [CARDET, 2004] [RAZAC, 2010]. De même,
lorsque des études abordent l’action des personnels pénitentiaires (Surveillants, Conseillers
Pénitentiaires d’Insertion et de Probation, administratifs, fonctions d’encadrements), elles
concernent en premier lieu des thématiques transversales comme la santé [FERNANDEZ,
2010], le travail [MARCHETTI, 1997] ou bien les liens familiaux [RICORDEAU, 2005]
entre autres nombreux travaux.
Il existait toutefois une littérature concernant les surveillants pénitentiaires en France
antérieure à la surveillance électronique. L’activité des surveillants est ainsi analysée dans sa
double situation de soumission vis-à-vis de la hiérarchie et de domination vis-à-vis de la
population pénale [CASADAMONT, 1984].
Suite à des mouvements sociaux importants dans les années 1990, les contradictions
multiples des missions des surveillants pénitentiaires entre sécurité interne, sécurité externe,
obligation légale de moyen et obligation pratique de résultats, logique bureaucratique et
logique du maintien de l’ordre, sont analysées [CHAUVENET, ORLIC, BENGUIGUI, 1994].
La construction d’une identité professionnelle spécifique [LHUILIER, AYMARD, 1997] et la
constitution d’une conscience collective paradoxale [MONTANDON, CRETTAZ, 1981] sont
traitées. L’étude de la socialisation professionnelle des surveillants, et notamment du décalage
entre une politique institutionnelle qui érige leur professionnalisation en « objectif indiscuté »
et une organisation dont le fonctionnement promeut un « professionnalisme déviant »
[MALOCHET, 2007, p33] est abordée. Dans cette étude, la question de la formation initiale
des surveillants à l'École Nationale d’Administration Pénitentiaire est centrale.
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Il est abondamment décrit « l’ambiguïté de la « professionnalisation » revendiquée dans le
discours institutionnel. Il ne s’agit pas tant de promouvoir les surveillants comme groupe
professionnel autonome, mais plutôt de mobiliser les professionnels et de normaliser leur
activité pour satisfaire à un impératif de sécurité. Dans ce cas, la « professionnalisation » ne
doit donc pas s’analyser comme un processus menant à la constitution d’un monopole
professionnel. Loin d’être le prélude à une autonomie accrue, le discours institutionnel sur la
professionnalisation masque, au contraire, la volonté de renforcer le contrôle sur les
professionnels » [MALOCHET, 2007 p108].
Les travaux concernant uniquement les Conseillers d’Insertion et de Probation sont nettement
plus rares et tous issus de commandes institutionnelles. L’identité professionnelle des CIP est
ainsi analysée en référence à une circulaire6 définissant les modalités d’un travail social
pénitentiaire aujourd’hui caduques [LHUILLIER, 2006]. Dans cette étude, inscrite dans une
approche théorique psychosociale, il apparaît que 60% des personnes ayant répondu au
questionnaire dans le rapport, n’utilisent pas le terme de CIP mais majoritairement celui de
travailleur social. Mais certains « souhaitent affirmer une identité spécifique de CIP, et
prennent le temps d’expliquer, militant pour une visibilité du métier en externe … certains
vont expliquer inlassablement ce qu’est un CIP, ce qu’il fait ». [LHUILLIER, 2006, p81].
Une autre commande institutionnelle emprunte aux travaux sur la socialisation
professionnelle des surveillants pour analyser celle de la douzième promotion des Conseillers
d’Insertion et de Probation.
On observe, chez ces Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation en formation
initiale, « une tendance à se replier vers le cadre juridique de leur intervention, l’exécution de
la peine (58%). En supposant que ce constat résulte d’un recrutement massif d’élèves issus de
la filière juridique, on peut également penser que c’est parce que la réinsertion est
difficilement mesurable pour des élèves en attente de repères, qu’elle n’est pas, dans le cadre
d’une initiation professionnelle, un pilier auquel ils peuvent se raccrocher pour asseoir leur
construction identitaire » [GRAS, 2008, p39].
6 Voir infra p43
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Problématique et hypothèse
Nous proposons, dans notre étude, de mettre en dialogue la volonté de professionnalisation
des personnels affichée par l’Administration pénitentiaire, avec les évolutions institutionnelles
et structurelles des SPIP, et les représentations des CPIP sur leurs pratiques. Dans quelle
mesure les évolutions des missions des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation
depuis 1999 ont-elles fait émerger chez les CPIP de nouvelles professionnalités inscrites dans
un processus de professionnalisation cohérent ?
En effet, les études suscitées, portant sur les personnels pénitentiaires, sont fréquemment
construites autour des notions d’identité professionnelle et de socialisation professionnelle,
notions connexes au concept de professionnalisation. La professionnalisation désigne ce
mouvement par lequel un groupe professionnel exprime un désir de reconnaissance dont le
sens est donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble de représentations sociales
des rôles et de l'organisation des professions (…) qui justifient le monopole des professions
établies sur une sphère d'activité comme condition de la compétence technique et du respect
de règles morales dans l'exercice des activités présentées comme au service de l'intérêt
général » [CHAPOULIE, 1973, p86-114]. Dans cette quête de reconnaissance sociale, les
travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant à démontrer que
la production du service, à laquelle ils contribuent, requiert la mobilisation de véritables
professionnels.
Les notions de profession et de professionnalisation s’inscrivent difficilement dans la réalité
socio-politique française alors qu’elles renvoient à une réalité historique apparue au XVIIème
siècle dans les pays de tradition protestante et à un type particulier de stratification sociale qui
situe les professions, et plus largement les activités intellectuelles, au sommet de la hiérarchie
sociale. En effet, il existe en France une polysémie du terme profession qui peut être une «
déclaration comme vocation professionnelle, une fonction et une position professionnelles, un
métier et une spécialisation professionnelle et un emploi au sein d’une classification
professionnelle » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p6].
Deux principaux courants se sont longtemps opposés dans le champ théorique de la sociologie
des professions.
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Ainsi, le courant fonctionnaliste [PARSONS, 1939] [PARSONS, 1955] [GOODE, 1957]
[WILENSKY, 1964], qui prend ses sources aux États-Unis dans les années 40-50, « a
longtemps entretenu cette mystique des professions nourrissant l’idée d’une autorité et d’une
légitimité données d’avance, indépendamment de leur mise à l’épreuve dans des situations de
travail concrètes.» [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p21]. En effet, selon ce courant, il existe
des caractéristiques propres aux professions, que d’autres activités rémunérées ou non, réunies
sous le vocable « occupations », ne possèdent pas.
Avec quelques nuances, selon les auteurs, la référence à « un savoir spécialisé et appliqué,
acquis au terme d’une longue formation supérieure » [LE BIANIC, 2005, p57] est le cœur de
cette sociologie des professions américaines. Ainsi, les professions sont naturalisées,
essentialisées et leurs activités prennent un certain nombre de traits spécifiques.
Cette approche naturaliste des professions, qui les fige dans une fonction sociale déterminée,
va être, très vite, remise en question et critiquée par la sociologie interactionniste des
professions qui démontre le caractère construit et constamment négocié des savoirs mobilisés
par les groupes professionnels. Pour les auteurs interactionnistes, [HUGHES, 1952] [ABBOT,
1988] [BUCHER, STRAUSS, 1992] « les groupes professionnels ne sont pas des professions
séparées, unifiées, établies et objectives, ce sont des processus historiques, de segmentation
incessante, de compétition entre segments, de professionnalisation de certains segments et de
déprofessionnalisation d’autres segments, de restructuration périodiques sous l’effet des
mouvements du capital, des politiques des états ou bien des actions collectives de ses
membres» [DUBAR, 2003, p 58].
Ainsi, « tout collectif exerçant une activité, un métier, un emploi est conduit à stabiliser son
domaine, son territoire, sa définition, en obtenant des partenaires une autorisation spécifique.
Lorsqu’un groupe y parvient, il devient, au moins pour un temps, une profession » [DUBAR,
TRIPIER, 2005, p101].
Analyser un processus de professionnalisation en France, c’est donc surmonter cette
opposition initiale en empruntant à la fois à la sociologie du travail, à la sociologie des
professions et à la sociologie des organisations [FREIDSON, 2001] [EVETTS, 2003]
[CHAMPY, 2011].
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Hughes, dès 1952, en réponse aux émules fonctionnalistes de Parsons, avait ainsi critiqué
radicalement l’approche fonctionnaliste. Selon son point de vue, analyser toutes les activités
de travail selon le double point de vue de l’interaction et de la biographie implique que celles-
ci ont toutes une égale dignité et un égal intérêt sociologique: on parle alors de «groupes
professionnels» et non de professions. Nous emploierons donc ce terme dans l’ensemble de
notre étude.
Nous émettons l’hypothèse qu’il existe des professionnalités propres au CPIP entre savoirs
d’actions bureaucratisés et savoirs experts pouvant leur permettre de co-construire le contenu
de leurs missions avec l’Administration Pénitentiaire en tant que groupe professionnel
homogène. L’exploration dynamique d’un éventuel processus de professionnalisation des
CPIP en cours s’appuiera sur la description des évolutions institutionnelles impactant le
groupe professionnel des CPIP, les traductions structurelles des ces évolutions dans la
pratique professionnelle des CPIP au sens large, la place dans la division de travail des CPIP
entre exécution et expertise et enfin la capacité de ce groupe professionnel à argumenter sur
leur savoir-faire avec leur Administration.
L’enquête
Pour tenter de saisir les nouvelles dynamiques au sein du groupe professionnel des CPIP, il
nous a fallu lever différents obstacles méthodologiques. Ce groupe professionnel est
caractérisé par une grande diversité de lieux de pratique - milieu ouvert et milieu fermé - avec
des modalités d’intervention très spécifiques selon la taille des services et les régions
d’exercice (disparités entre la Province et la région parisienne sur le nombre de dossiers
affectés notamment) et ce, dans le cadre du milieu fermé : Établissements pour Peine ou bien
Maison d’Arrêt, Centres pour Peines Aménagées, Centre de Semi Liberté, quartiers de Semi
Liberté, Centre National d’Observation de Fresnes. De plus, certains services sont organisés
en pôles dédiés à des types de mesures : pôle aménagement de peine, pôle TIG, pôle PPR,
pôles suivi renforcés, pôles suivi espacés, pôle Palais pour les permanences d’orientation
pénales avant la condamnation des personnes.
Pour des raisons de moyens, il ne nous a pas été possible d’analyser chacune de ces
organisations spécifiques pour chacune des mesures suivies par le SPIP.
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La démarche ethnographique d’immersion dans un contexte spécifique de travail et
l’observation systématique des interactions entre acteurs de l’exécution des peines - JAP,
Parquet, greffiers, agents administratifs, surveillants PSE ou en détention et personnes placées
sous main de justice -, n’a donc pas été utilisée dans notre recherche.
De nombreuses mesures restant quasiment inchangées dans les textes depuis 1999, comme le
travail d’intérêt général ou bien le sursis avec mise à l’épreuve, nous les avons exclues de
notre propos.
Si des changements dans les pratiques les concernant sont certains, ils nécessitent une analyse
systématique beaucoup plus fine que l’approche adoptée. Ils constituent de fait un sujet de
recherche en soit pouvant mobiliser d’autres corpus théoriques.
Nous avons ainsi décidé d’observer plus particulièrement les mesures mises en avant par
l’Administration Centrale et pouvant concerner à la fois le milieu ouvert, et à la fois le milieu
fermé, afin de saisir au mieux la dynamique interne au sein du groupe professionnel des CPIP.
Le placement sous surveillance électronique est au cœur de l’action des SPIP depuis 2005,
avec des évolutions législatives importantes et notables, entre 2005 et 2010, tant dans le
champ post-sentenciel que dans le cadre de l’exécution d’une fin de peine, ou bien encore
comme peine complémentaire, comme nous le verrons ultérieurement. Les Programmes de
Prévention de la Récidive sont mis en avant depuis 2008 avec une mise en place très récente
dans les services.
Ce sont ces deux mesures qui sont au cœur du mandat décerné par le législateur aux CPIP
avec la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce sont donc ces deux types de mesures qui
seront ici analysées, car cristallisant au mieux les évolutions des missions des CPIP depuis
1999. Cette approche nous a conduits à interroger, sur la base d’entretiens semi-directifs, les
agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique de ces mesures. Il nous a semblé, en
complément, nécessaire d’interroger des personnes ayant connu des socialisations
professionnelles différentes, pour percevoir ce qui a changé dans leurs pratiques et leurs
représentations du métier par rapport à la mise en œuvre de nouvelles mesures souhaitées par
l’Administration Pénitentiaire et le législateur.
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La confrontation avec de jeunes professionnels et celle avec des personnes ayant connu les
Comités de Probation et d’Assistance aux Libérés, permettra de repérer les différences et les
concordances en terme de pratiques professionnelles et de représentations sur celles-ci.
Qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui demeure en termes de pratiques et de représentations du
métier, dans les évolutions des missions des CPIP ?
L’échantillon7 constitué
Nous avons interrogé, sur la base d’entretiens semi-directifs, 15 agents du SPIP 93 impliqués
dans la pratique des PSE et du PPR, avec des anciennetés dans l’Administration Pénitentiaire
très diverses. Deux entretiens de contrôle ont été réalisés en dehors du SPIP 93 afin de vérifier
que les convergences et divergences de points de vue ne relèvent pas d’organisations de
services propres au SPIP 93.
Ces entretiens ont été réalisés au SPIP de Paris et au SPIP des Hauts de Seine, suite à une
sollicitation par mail à l’ensemble des CPIP de l’Île-de-France, sollicitation qui n’a abouti
qu’à ces deux réponses.
Trois des entretiens ont dû être interrompus pour des contingences professionnelles et ont
donc eu lieu en deux parties. Ils ont été partiellement retranscrits en raison de diversions sur
l’organisation interne du SPIP 93 principalement. Ce biais méthodologique a eu un impact
sur les entretiens effectués sur le pôle aménagement de peine où nous exerçons actuellement.
En effet, nous pratiquons le placement sous surveillance électronique nous-mêmes. Dans
certains entretiens, les questions pratiques, concernant cette mesure, ont parfois été
remplacées par des diversions sur l’organisation du service appauvrissant notre recueil de
données. Notre position de collègue a donc influé sur la passation des entretiens sur ces
questions d’organisation de service exclusivement. Les questions posées sont restées les
mêmes concernant les PPR et le PSE à l’exception des entretiens abordant la criminologie, de
nature plus exploratoire autour d’un même sujet, l’apparition de la criminologie dans les
missions des CPIP. Le thème principal d’investigation était alors l’apparition de la
criminologie dans les missions des CPIP.
7 Voir Annexe 1 p 150
-
19
Nous avons tenté d’identifier les représentations, sur les évolutions des missions d’une part et
les modifications dans l’exercice quotidien du métier d’autre part : quelles pratiques
professionnelles sont stabilisées, quelles figures émergent et quelles pratiques disparaissent ?
La confrontation avec les représentations des acteurs sur les mesures de PSE et de PPR nous
permettra d’évaluer les tensions, consensus et facteurs structurants du groupe professionnel
étudié dans la pratique de ces mesures récentes.
Les questions posées sont restées les mêmes, incluses dans un guide d’entretien8 afin de lisser
les réponses et de repérer les éléments redondants dans les discours et les éléments singuliers
illustrant de manière plus forte les mouvements internes à ce groupe professionnel. Tous ont
été retranscrits de manière ciblée sur des thèmes sélectionnés.
Pour appréhender les modes de relais avec l’Administration Centrale, nous avons interrogé en
parallèle les représentants syndicaux des deux organisations les plus représentatives du groupe
professionnel des CPIP : le SNEPAP -FSU 9
et l’UGSP-CGT10
, et un ancien Président de
l’Association Française de Criminologie11
.
8 Voir Annexe 2 p 154
9 Le SNEPAP-FSU (Syndicat de L'Ensemble des personnels de l’Administration Pénitentiaire)
revendique une spécificité pénitentiaire de ces missions et la distinction d’avec les travailleurs sociaux Parmi les
CIP, le SNEPAP représente 36,6% des suffrages. Parmi les personnels de direction, le SNEPAP recueille 62,5
% des suffrages. Ces chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l’Administration Pénitentiaire consultable au
http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696
10 L’ UGSP-CGT (Union Générale des Services Pénitentiaires) défend le caractère social des missions des
CIP et un rapprochement avec les travailleurs sociaux diplômés d’Etat. Chez les CIP la CGT a recueilli lors du
scrutin du 27 mars 2007 46,7 % des suffrages. Parmi les personnels de direction, la CGT représente 13,1%. Ces
chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l’Administration Pénitentiaire consultable au :
http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.phprubrique=2084&ssrubrique=7696
11 « L'Association Française de Criminologie a pour objectif de rapprocher les chercheurs et enseignants
de toutes disciplines, les praticiens de toutes professions - mais aussi les personnes morales - dont les activités
ont à voir, de près ou de loin, avec le « phénomène criminel », la manière dont il est défini et contrôlé. Elle a été
créée le 9 octobre 1965. Se rattachant à la tradition des sociétés savantes, l'association cherche à innover en
intégrant dans ses rangs des étudiants, des professionnels de tous âges, mais aussi des citoyens qui veulent
participer au débat démocratique sur ces questions. Association indépendante, l'AFC vit principalement des
cotisations de ses adhérents. » Source : Site de l’Association consultable au http://www.afc-
assoc.org/?q=node/9
http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696http://www.afc-assoc.org/?q=node/9http://www.afc-assoc.org/?q=node/9
-
20
Malgré nos multiples sollicitations, nous n’avons pas pu interroger de responsable de la
CFDT-Interco, troisième organisation syndicale siégeant en Comité Technique Paritaire
Central.
Ces entretiens des représentants syndicaux ont permis, en parallèle, de repérer ce qui fait
consensus et ce qui diverge dans l’analyse des différentes évolutions des missions des CPIP.
Ils ont été réalisés au siège de la centrale syndicale pour l’UGSP-CGT à Montreuil sous bois, au
SPIP 75 pour le SNEPAP-FSU et au domicile de l’interviewé concernant l’AFC.
Ainsi la dimension dialectique et rhétorique du processus de professionnalisation sera
également abordée dans notre étude.
Ces entretiens ont été réalisés entre janvier 2009 et juillet 2010 et ont duré entre 35 minutes et
1 heure et 33 minutes concernant les CPIP, et entre 1 heure et 1 heure et 21 minutes pour les
organisations syndicales. Ils ont eu lieu, pour les 15 CPIP du SPIP93, dans les locaux du
SPIP, soit dans notre bureau, soit dans celui de la personne interrogée, soit en salle de
réunion. Ils ont été enregistrés systématiquement avec l’accord des personnes.
Nous avons complété ces entretiens par l’analyse de données secondaires « grises », issues de
différents documents internes à l’Administration Pénitentiaire et des principaux textes
juridiques : Lois Pénitentiaires, Décrets statutaires, Circulaires, Rapports de la Cour des
Comptes, encadrant l’activité des SPIP. La confrontation de ces textes avec les
représentations des acteurs nous permettra de nous situer dans une perspective historique.
L’échantillon ainsi constitué se présente comme suit :
Lieu Sexe - Statut - Age Date de l’entretien Ancienneté dans
l’AP
Durée de l’entretien
SPIP93 H CPIP 55 ans 12/01/2009, 27 ans 35 min
SPIP93 F CPIP 29 ans 01/02/2009 2 ans 45 min
Domicile personnel
H 57 ans Ancien
Président AFC
29/04/2009 1h
CGT3
H CPIP Secrétaire
National 31 ans
12/04/2010
4 ans
1h
-
21
SPIP93 F CPIP 52 ans 16/04/2010 19 ans comme As 10
ans comme CPIP
35 min
SPIP93 F 29 ans CPIP 19/04/2010 3 ans 45 min
SPIP 93 H 27 ans CPIP 27/04/2010 2 ans 35 min
SNEPAP SPIP75
F CPIP 34ans
Secrétaire Nationale
29/04/2010
8 ans
1h19 min
SPIP93 H 35 ans CPIP 30/04/2010 3 ans 45 min
SPIP93 F 32 ans AS 05/05/2010 5 ans 57 min
SPIP93 F 40 ans CPIP 07/05/2010 9 ans 1h
SPIP93 F 29 ans CPIP 18/05/2010 3 ans 51 min
SPIP93 F 39 ans 18/05/2010 12 ans 1h18 min
SPIP93
F 54 ans CPIP
26/05/2010
20 ans comme AS 12
ans comme CPIP
1h13 min
SPIP93 H 30 ans CPIP 28/05/2010 3 ans 1h17 min
SPIP93 F 33 ans CPIP 29/05/2010 3 ans 36 min
SPIP93 F 46 ans AS 07/06/2010 22 ans 1h21 min
SPIP93 F 42 ans CPIP 11/06/2010 2 ans 57 min
SPIP75 F 49 ans 01/07/2010 28 ans 1h04 min
SPIP92 H 51 ans 01/07/2010 25 ans 1h11 min
Le plan
Notre propos s’articulera en quatre parties et 10 chapitres. La Loi pénitentiaire du 25
novembre 2009 consacre les aménagements de peine et les programmes de prévention de la
récidive comme principaux outils de la lutte contre la récidive sur fond de critique générale du
travail social et de changement latent de logique pénale. Ce sont les CPIP, un groupe
professionnel majoritairement féminin et diplômé en Droit, qui mettent en œuvre ces
orientations de l’Administration Pénitentiaire. Ce groupe professionnel a changé de nom et de
grille indiciaire suite à un mouvement social inédit en 2008 (Première Partie).
-
22
Ces évolutions ont des traductions structurelles à l’échelle des SPIP entre 1999 et 2011. Le
discours institutionnel, tenu par l’Administration Pénitentiaire, s’appuie sur les notions
d’expertise, d’autonomie fonctionnelle des services et sur une revalorisation indiciaire.
Nombre de propos indiquent pourtant que le métier de CPIP s’est considérablement
bureaucratisé alors qu’un premier clivage générationnel sur la pérennité de la hiérarchie et
l’utilisation de l’informatique s’est créé (Deuxième partie).
Il existe un mouvement concomitant entre l’acquisition de nouvelles connaissances théoriques
avec la pratique des programmes de prévention de la récidive et une systématisation du PSE.
Le monopole de l’instruction des placements sous surveillance électronique et les savoirs
d’actions y afférant sont, de surcroît, partagés avec les surveillants pénitentiaires.
Une analyse collégiale des situations entre pairs est induite par la pratique des programmes de
prévention de la récidive confortant leur monopole dans cette pratique, malgré des savoirs
théoriques non spécifiques (Troisième Partie).
Nous monterons enfin que, du fait de leurs modes de socialisation professionnelle très divers
et de leurs motivations différentes à entrer dans le groupe professionnel, les CPIP ne sont pas
un groupe professionnel homogène. Un clivage générationnel s’est créé venant interférer et
amplifier d’autres antagonismes sur la conception du métier. Des professionnalités stabilisées
depuis plus de 50 ans, à savoir, l’aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de justice,
ne sont pas pour autant relayés par les organisations syndicales. (Quatrième Partie)
-
23
-
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Première partie : Les CPIP dans un contexte d’évolutions
politiques, législatives et institutionnelles constantes
-
25
-
26
Introduction de la première partie
Dans cette partie, nous décrirons dans quel contexte ont été créés les SPIP en 1999 afin de
situer l’action singulière des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation dans leur
environnement politique et institutionnel. Nous exposerons également les caractéristiques
sociodémographiques de ce groupe professionnel.
Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ont ainsi été créés en 1999 alors
qu’était initiée une forte critique du travail social depuis les années 70 (Chapitre 1).
En parallèle, la dangerosité est devenue progressivement un objet de débat public dans les
pays occidentalisés au cours des années 90. De nombreuses lois ont été votées en France
depuis 2002 pour lutter contre la récidive des infractions à caractère sexuel tandis que
s’opérait, avec la nouvelle pénologie, un changement profond de rationalité pénale dans les
pays anglo-saxons depuis les années 80 (Chapitre 2).
Les Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation de l’Administration Pénitentiaire
sont les acteurs de ces évolutions au quotidien et ont vu leur cœur de métier profondément
modifié depuis 1999. Ainsi, la Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre l’utilisation
massive du placement sous surveillance électronique, le développement des programmes de
prévention de la récidive et la création de nouvelles méthodes de travail. (Chapitre3).
C’est une circulaire de mars 2008 qui a posé les bases de ces évolutions, contestées
partiellement lors d’un mouvement social inédit où les syndicats se sont réunis pour défendre
une revalorisation indiciaire. En découleront un changement de nom associé à une nouvelle
grille indiciaire et une nouvelle définition des missions des SPIP (Chapitre4).
-
27
Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en
cause du travail social
Depuis une trentaine d’année, le travail social est remis en question sous la double contrainte
du new public management et des politiques de décentralisation (1-1). C’est dans ce contexte
de remise en cause du travail social qu’ont été créés les SPIP en 1999 (1-2).
1-1 Un travail social contesté
1-1-1 Le new public management
Né dans les années 80 dans les pays anglo-saxons, le new public management concerne un
certain nombre de logiques gestionnaires issues du secteur privé. Les anciennes formes de
gestion des administrations sont considérées comme obsolètes. Dans une société post
industrielle caractérisée par la globalisation et une économie des savoirs, il existe un décalage
trop important entre la bureaucratie, ses règles et ses procédures, et la société actuelle
[OSBORNE, GAEBLER, 1993]. Cette doctrine du new public management décompose le
secteur public en unités stratégiques organisées par produit « manageable » [HOOD, 1995].
Une compétition est introduite « entre organisations publiques mais aussi entre organisations
publiques et privées » [GANGLOFF, 2009].
La crise de l'État Providence, dans un grand nombre de pays, légitime ces nouvelles
perspectives managériales, malgré des tensions fortes : « l’opposition entre l’utilitarisme de la
stratégie et du marketing et un certain égalitarisme démocratique apparaît alors flagrante »
[GILBERT, 2004]. Ce bouleversement idéologique s’est appliqué au cours des années 90 à
l’hôpital puis à l’ensemble du secteur sanitaire et social en France.
1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la culture du contrat
En trois décennies, les travailleurs sociaux sont passés d’une pratique et d’une culture
communes à un morcellement des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une
logique gestionnaire qui contribue à les transformer en « intervenants du singulier » [ION,
2006], face à un public fragilisé par la pauvreté de masse.
-
28
On observe un glissement terminologique avec l’émergence de termes comme « intervention
sociale » ou « intervenants sociaux », la notion d’intervenant marquant une indétermination,
une forme de fin du processus de professionnalisation car ce terme englobe les professionnels
et les bénévoles ou bien des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement
évolués avec le chômage de masse.
Le processus de reconnaissance du travail social est apparu dans le contexte des « trente
glorieuses » où des modalités de rapports entre l’usager et le travailleur social se sont mises
en place, ont été transmises par les IRTS et ont permis une professionnalisation des pratiques
adaptées à des publics ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre
usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd’hui, architectes, urbanistes,
économistes, géographes, sociologues apportent d’autres références et d’autres rapports au
temps et au politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ».
Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l’AFPA ou bien les agents du Pôle Emploi, mais
également tous les acteurs de la Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte
contre l’exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement utilisées par les
travailleurs sociaux. Le développement de la pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût
du jour le bénévolat avec les militants des restos du cœur ou d’autres organisations caritatives,
ou bien les semi-professionnels des fondations, par exemple. Il existe, ainsi, une mise en
cause des Travailleurs Sociaux qui vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence
avec les bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de la nécessité pour tous les
métiers de contact, dans les zones difficiles notamment, d’utiliser des techniques d’entretien
dans le face à face avec l’usager.
Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné les lois de décentralisation a
nécessité le recrutement de cadres qui viennent des sciences de l’administration et de la
gestion.
Une première scission s’est opérée entre les personnes en contact avec le public : « le front »
et les personnes assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : « l’arrière » [ION,
2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques transversales. Il y a eu division du travail
des travailleurs sociaux et apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu
compte et d’un suivi financier de chacune des actions collectives engagées par les services.
-
29
Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues à la dégradation de la situation économique et
les travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les dispositifs
classiques ne trouvent plus de réponses prédéterminées. C’est cette nouvelle singularité des
publics qui a permis le développement en parallèle et la résurgence du bénévolat dans l’action
sociale et du parcellement des professions d’aides à la personne et d’aide sociale dans les
structures associatives, par exemple à visée caritatives [ION, 2006].
Ces éléments contribuent à l’émiettement des métiers du social et à une perte de
reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation initiale.
1-1-3 Le modèle libéral et la figure du manager et du médiateur : les emblèmes du travail
social professionnalisé depuis 30 ans
Le courant néo-libéral se défini comme l’apparition dans les politiques publiques locales, du
développement d’une économie marchande des services jusqu’au sein du secteur social et
médico-social. La loi du 2 janvier 2002, avec notamment la démarche qualité et les différents
référentiels et labellisations y afférant, constitue les prémisses d’une nouvelle idéologie
gestionnaire, une « gouvernance, extraordinaire maquillage à l’anglo-saxonne des nouveaux
rapports de pouvoirs ». |CHAUVIERE, 2004, p130]. Un basculement s’est opéré des valeurs
éthiques, non marchandes et républicaines, vers les valeurs marchandes telles que
l’individualisation de la consommation de service, la concurrence, la flexibilité, la solvabilité.
Le social est ainsi rattrapé par l’économique et devient, à son tour, marchandise et « les
capacités analytiques et défensives du secteur social lui-même sont en recul ».
[CHAUVIERE, 2004, p135].
On passe de l’idéal de la solidarité nationale à l’idéal du social rentable (accès aux services à
la personne, au bien-être). Le modèle entrepreneurial s’impose avec l'État comme partenaire,
parmi d’autres, rendant « floues les limites entre l’Action Sociale et l’économie de service »
[CHAUVIERE, 2004, p208]. C’est la fin du «champ unifié de l’Action Sociale »
[CHAUVIERE, 2004, p212].
La culture du contrat imprègne les services sociaux : management par objectif, contrats de
plans, contrats de villes ou de pays, et pénètre les pratiques sociales de type « clinique ».
-
30
Cette logique ne « fonctionne pas avec les enfants, le fou, le malade ou le détenu notamment,
tout comme les personnes tenues à l’écart de la société contractuelle » [CHAUVIERE, 2004,
p212]. Ces populations tendant à être gérées par la puissance publique plus qu’à être
« travaillées par le social » pour retrouver une place dans la société.
Selon l’auteur, Il s’agit plutôt de préserver la gestion de la paix civile par tous les moyens
classiques d’un côté et, de l’autre, de promouvoir une économie des services sociaux sans
s’obliger nécessairement au bonheur de tous, c'est-à-dire « en renonçant à la conception de
l’intérêt général et de l’intégration » [CHAUVIERE, 2004, p.237].
Cette position est nuancée par d’autres auteurs pour lesquels c’est au dispositif de formation
initial et continue des travailleurs sociaux de s’adapter à cette nouvelle donne. Il se dessine
ainsi « une mutation dans les pratiques de formation : il ne s’agit plus de seulement traiter la
formation des travailleurs sociaux du point de vue des pratiques pédagogiques… mais de
repenser le mandat qui est confié aux professionnels de la formation » [JAEGER, 2007, p3].
1-2 La création des SPIP en 1999
Les SPIP ont été créés par le décret n°99-276 du 3 avril 1999. Leurs missions sont définies
aux articles D.573 à D.575 du code de procédure pénale. Elles s’articulent autour de trois axes
: l’insertion des personnes placées sous main de justice, l’aide à la décision judiciaire dans un
souci d’individualisation de la peine, et le suivi, le contrôle des obligations des mesures
alternatives à l’incarcération (sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, travail
non rémunéré) et des aménagements de peine (libération conditionnelle, placement à
l’extérieur, semi-liberté). Chaque département compte un Service Pénitentiaire d’Insertion et
de Probation, ce qui représente 103 structures sur le Territoire National. Il existe parfois
plusieurs antennes dans chaque département. Une antenne peut être mixte, c'est-à-dire dédiée
à la fois au milieu ouvert et à la fois au milieu fermé. Il en existe 139 en France. Elles peuvent
aussi être consacrées uniquement au milieu ouvert dans le ressort de juridiction où il n’y a pas
de prisons soit 46 antennes. Il existe enfin 21 départements qui, à l’inverse, ont plusieurs
établissements pénitentiaires sur leur juridiction de ressort.
La taille des SPIP est très disparate : 10 ont moins de 10 agents, la moitié ont entre 10 et 30
agents, et 5 ont plus de 90 agents (SPIP de Paris, du Pas de Calais, de l’Essonne, des
Bouches-du-Rhône et du Nord).
-
31
Les SPIP occupent 8% des crédits consommés par le programme 107 « Administration
Pénitentiaire» soit 190 M E sur 2,4 Mds E [COUR DES COMPTES, 2010, p106].
Les SPIP sont issus de la fusion des deux services pénitentiaires qui étaient alors en charge de
l’insertion. Il s’agit des comités de probation et d’aide aux libérés (CPAL) prenant en charge
les condamnés libres, et des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires
s’occupant, eux, des détenus.
Cette réforme prend appui sur un rapport de l’Inspection Générale de 1983 qui soulignait
l’aggravation de la situation économique et sociale des personnes concernées, l’augmentation
de la population carcérale, l’augmentation et la diversification des mesures judiciaires.
L’objectif était la « clarification des responsabilités administratives et judiciaires dans
l’organisation et le fonctionnement des services » [ÉNAP, 2005, p1].
La publication d’un rapport sur le fonctionnement du milieu ouvert en janvier 1981 (rapport
de la commission sur la méthodologie de prise en charge des condamnés en milieu ouvert,
DAP 1981) avait débouché sur un décret du 14 mars 1986 réformant les comités de probation
et d’assistance aux libérés. Une note du 29 octobre 1992 demandait une évaluation du
fonctionnement des CPAL à l’inspection des services judiciaires. Le rapport demandé sera
rendu un an plus tard, le 9 novembre 1993. Plusieurs constats étaient posés, notamment sur la
diversification des mesures en milieu ouvert et notamment « la création du TIG et celle des
modes de saisine par les différents magistrats » [POUPONNOT, 2006, p23] et l’augmentation
importante des interventions des CPAL (+460% depuis 1970) [POUPONNOT, 2006, idem].
-
32
Ce rapport montrait la nécessité de créer un interlocuteur unique vis-à-vis des partenaires dans
le champ de l’insertion afin de mieux articuler la mission de réinsertion, alors dévolue aux
SPIP avec les politiques publiques en matière d’action sociale et d’assurer ainsi une meilleure
lisibilité de l’action de l’Administration Pénitentiaire auprès des partenaires institutionnels et
associatifs.
Ainsi, les SPIP ont vocation à s’inscrire dans la départementalisation de l’Action Sociale et de
l’Action Publique. Ils répondent à une demande institutionnelle de clarification des missions
des CPAL et des services éducatifs en détention. L’évaluation de l’activité des SPIP est un
enjeu central pour l’Administration Pénitentiaire au moment de leur création.
Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en
profondes mutations
Alors que la départementalisation des SPIP est actée, des évolutions législatives majeures les
affectent. Ces évolutions sont fondées sur la notion de dangerosité pénale, réactivée par des
faits divers médiatiques (2-1). Conjointement, les droits des personnes placées sous main de
justice sont renforcés par la juridictionnalisation de l’Application des Peines et le
renforcement des aménagements de peine, comme le placement sous surveillance électronique
(2-2).
2-1 La construction politique de l’objet « dangerosité »
2-1-1 Un changement de finalité des politiques pénales dans les pays anglo-saxons
Au sein de l’OCDE, on assiste à un essoufflement des finalités sociales de la justice pénale.
Dans les années 70, les politiques répressives néo-libérale du « law and order » dans les pays
anglo-saxons ont engendré un recours massif à l’incarcération aux États-Unis avec une
augmentation de 320% du nombre de détenus entre ces années 70 et les années 2000. En
proportion, on incarcère 20 fois plus aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE12
.
La traditionnelle recherche des causes sociales de la délinquance et le traitement correctif des
délinquants sont concurrencés par de nouvelles finalités comme la régulation du risque de
délinquance et la protection de la société par le contrôle des personnes dangereuses.
12 Organisation de coopération et de développement économiques
-
33
Apparaît ici une notion de « gouvernance du crime » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p
13] où le but n’est pas de répondre à des déviances individuelles ou à des problèmes sociaux
mais de réguler les niveaux de déviance et de rendre le crime tolérable par une gestion
systémique et une efficacité procédurale et organisationnelle de la prévention et de la
répression. La prison est destinée à contrôler les délinquants les plus dangereux sans objectif
particulier de réinsertion.
L’intervention des professionnels consiste à déterminer si la personne, placée sous main de
justice, a un degré de risque lui permettant de bénéficier par exemple d’un aménagement de
peine.
Cette nouvelle pénologie [FEELEY, SIMON, 1992] désigne ainsi le « passage d’une
pénologie axée sur l’individu, sa punition ou bien son traitement à une pénologie axée sur la
gestion de groupes à risques, leur surveillance et leur contrôle afin de réguler les niveaux
d’une délinquance considérée comme normale » [DELANNOY-BRABANT L., 2008].
On passe d’un modèle réhabilitatif à une gestion stratégique et administrative de populations à
risques : les discours et pratiques sont « outillés par le calcul du risque » et traduisent
« l’avènement progressif d’une rationalité pénale, non plus orientée vers les individus et leur
transformation, mais vers la gestion efficace de populations collectives » [CHANTRAINE,
CAUCHIE, 2006, p13].
2-1-2 En France, une succession de textes destinés à sanctionner plus sévèrement la récidive
Suite à des faits divers fortement médiatisés en France, le pouvoir politique s’est saisi de la
question de la récidive des infracteurs et a inscrit, à l’agenda parlementaire, le vote de lois à
un rythme accru depuis 2005. Ainsi, avec la Loi du 12 décembre 2005 sur la récidive des
infractions pénales, le législateur a introduit de façon explicite la notion de réitération
d'infractions pénales « lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un
crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la
récidive légale.
Les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de
quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la
condamnation précédente.»13
.
13
Article 132- 16-7 du Code Pénal
-
34
Ainsi, la commission de nouvelles infractions pèse plus lourdement dans le prononcé de la
peine pour une personne déjà condamnée. La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la
délinquance réforme l'ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante en alourdissant la justice
des mineurs. L'article 8 de cette loi encourage le partage des informations entre les
professionnels de l’action sociale et les maires et présidents de Conseils généraux La loi créé
un «stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants». Il s'agit là d'une
mesure alternative aux poursuites.
Elle oblige les personnes inscrites au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions
sexuelles et punies de crimes ou de délits pour lesquels au moins 10 ans d'emprisonnement
ont été requis, de se présenter, non plus tous les six mois, mais tous les mois auprès de leur
commissariat afin de justifier de leur domicile14
. La loi renforçant la lutte contre la récidive
des majeurs et des mineurs du 10 août 2007, crée des peines minimales en cas de récidive,
dites peines-planchers ; l'exclusion possible de l'excuse de minorité pour les récidivistes de
plus de 16 ans ; et l'injonction de soins notamment pour les auteurs d'agressions sexuelles. Les
peines-planchers concernent toutes les personnes répondant d'une infraction passible de trois
ans ou plus de réclusion de détention ou d'emprisonnement 15
. Les juges ont la possibilité de
déroger à ces seuils, mais dans des cas limités, sur la base d’une enquête de personnalité.
14 Art 42 et 760-53-5 du CPP
15 Il s’agit de : cinq ans pour un crime punissable de quinze ans de réclusion ou de détention, sept ans pour un crime
punissable de vingt ans de réclusion ou de détention, dix ans pour un crime punissable de trente ans de réclusion ou de
détention, quinze ans pour un crime punissable de réclusion ou de détention à perpétuité. Pour les délits, les peines-planchers
sont d’un an pour un délit punissable de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour un délit punissable de cinq ans
d'emprisonnement et trois ans pour un délit punissable de sept ans d'emprisonnement, et quatre ans pour un délit punissable
de dix ans d'emprisonnement.
-
35
En parallèle, de nombreux rapports parlementaires16
soulignent les difficultés d’application de
ces lois sur le terrain par les Juges d’Application des Peines, les SPIP et les établissements
pénitentiaires et la difficulté rencontrée dans la prise en charge médicale et socio-judiciaire de
personnes condamnées souffrant de pathologies graves pouvant entraîner des passages à l’acte
violents.
Ces rapports n’ont pas été suivis d’effet et le Conseil Supérieur de la Magistrature remarque
que « la lutte efficace contre la récidive nécessite une stabilité législative » et que
« l’appropriation des réformes par les juridictions et leur partenaires suppose qu’elles
s’inscrivent dans la longue durée, ce qui n’est plus le cas, avec la succession trop rapide de
textes ».17
2-2 La juridictionnalisation de l’application des peines et le développement massif
des aménagements de peine.
2-2-1 La juridictionnalisation de l’application des peines
Avec la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin 2000, la détention provisoire a été
réformée et la libération conditionnelle et l’application des peines ont été modifiées en
profondeur.
16
- 2003 Groupe de travail mandaté par les mêmes ministères sur la « santé mentale des personnes détenues : comment
améliorer et articuler les dispositifs de prise en charge sanitaire et pénitentiaire ? »,
- 2004 Mission d’information n°1718 de l’Assemblée Nationale sur le traitement de la récidive des
infractions pénales »
- 2005 Commission Santé Justice présidée par Jean François Burgelin, Procureur général près la Cour de Cassation
- 2006 Mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux confiés à Jean Paul Garraud député
- 2006 Mission d’information sur les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux conduite par Philippe Goujon, député
- 2007 Commission d’analyse et de suivi de la récidive - 2008 Rapport de M LAMANDA remis au Président de la République le 30 mai 2008 « Amoindrir les
risques de récidive criminelle des condamnés dangereux ».
- 2010 rapport d’information n°1811 de l’Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann « Juger et soigner : lutter contre les pathologies et addictions à l’origine de la récidive »
- 2011 Rapport n° 3177 de l’Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann sur les carences de l’exécution des peines et l’évaluation du logiciel Cassiopée.
17 Avis de la commission plénière du Conseil Supérieure de la Magistrature remis le 21/03/2011 au Président de la
République
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36
Cette loi a fait des différentes modalités d'application des peines, qui n'étaient jusque-là que
des mesures d'administration judiciaire non susceptibles d'appel, des véritables décisions
juridictionnelles prises après un débat contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire
assister d'un avocat, et susceptibles d'appel devant la Chambre des appels correctionnels.
S'agissant plus particulièrement de la libération conditionnelle, le législateur a étendu la
compétence du juge de l'application des peines qui peut désormais accorder cette mesure aux
personnes condamnées à dix ans d'emprisonnement ou ayant une peine restant à subir
inférieure à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles, examinées par une
juridiction régionale de la libération conditionnelle, présidée par un Président de Chambre ou
un Conseiller de Cour d'appel et composée de deux juges de l'application des peines.
L'intervention du Garde des Sceaux, compétent jusque-là à l'égard des détenus condamnés à
plus de cinq ans d'emprisonnement, est supprimée. Les critères d'octroi de la libération
conditionnelle ont été élargis.
Le décret du 30 décembre 2000, relatif à l'application des peines, a précisé les modalités
d'application de ces dispositions, créant notamment la tenue des débats contradictoires au sein
des établissements pénitentiaires.
La Loi Perben II du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la
criminalité poursuit cette juridictionnalisation en introduisant dans le Code de procédure
pénale un livre cinquième, intitulé « des procédures d'exécution », relatif à l’exécution des
peines.
L’article 712-13 du nouveau code de procédure pénale précise que l’appel des jugements
concernant l’Application des Peines est porté devant la Chambre de l’application des peines
de la Cour d’appel, composée d’un président, de deux conseillers assesseurs, d’un responsable
d’une association de réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une association d’aide
aux victimes. Au niveau de chaque Cour d’Appel, est ainsi créée une Chambre spécialisée
dans le domaine de l’Application des Peines.
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37
Cette loi a créé l'article 131-5-1 du Code de procédure pénale qui définit la mesure de stage de
citoyenneté comme peine alternative à la prison : «Lorsqu'un délit est puni d'une peine
d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le
condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu
sont fixés par décret en Conseil d’état et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs
républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la
société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes
contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné».
2-2-2 Le placement sous surveillance électronique, mesure phare des aménagements de peine
depuis 2002
Les aménagements de peine les plus anciens sont la libération conditionnelle, créée en 1885 et
la semi-liberté. L’article 65 de la Loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre les
aménagements de peine comme clé de voûte de la politique pénale d’exécution des peines.
Un rapport, remis le 23 avril 2003 au Ministère de la Justice par le Député Jean-Luc
Warsmann, préconisait de redonner de la crédibilité et de l’effectivité aux sanctions non
privatives de liberté considérant « qu’il est incontestable que les magistrats se détournent de
ces mesures, n’ayant plus confiance dans leur application et préfèrent ainsi, en
correctionnelle, recourir à la prison ferme plutôt qu’à un travail d’intérêt général ou un
sursis avec mise à l’épreuve, dont l’application est défaillante»18.
Depuis le 1er janvier 2002, les aménagements de peine ont progressé de 94,2%. Le nombre de
placements sous surveillance électronique a quintuplé en 8 ans.
L’aménagement de peine actuellement le plus utilisé est donc le placement sous surveillance
électronique.
18 Rapport « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la
préparation des détenus à la sortie de prison : rapport de la mission parlementaire » auprès de Dominique Perben,
Garde des sceaux, Ministre de la justice, confiée à Jean-Luc Warsmann, Député des Ardennes qui part du constat
selon lequel les décisions de justice, au vu du fonctionnement de la chaîne pénale, ne sont généralement pas
exécutées en temps réel. Ces délais d'exécution s'expliquent notamment par le manque d'informatisation du
système judiciaire et rendent souvent l'application des peines inefficace, voire impossible. Pour remédier à cette
situation, l'auteur présente 87 propositions regroupées autour de trois priorités d'action. Il s'agit tout d'abord de
redonner de la crédibilité et de l'effectivité aux sanctions non privatives de liberté. Les courtes peines de prison
doivent, quant à elles, être exécutées de manière juste et adaptée. Enfin, la troisième priorité est de réduire le
nombre de sorties sèches de prison pour lutter contre la récidive.
-
38
Il s’agit d’une modalité d’aménagement de peine qui s’effectue au domicile de la personne
placée, avec interdiction pour elle de s’en absenter pendant des plages horaires précisées par
une ordonnance du Juge de l’application des peines ou bien du Juge d’instruction. Un bracelet
est posé, généralement à la cheville de la personne condamnée, au sein de l'Établissement
Pénitentiaire du ressort de la juridiction : il vaut pour écrou.
Un boîtier est installé au domicile de la personne qui envoie des informations au bracelet afin
de le détecter à des horaires fixés par le Juge. La personne est ainsi tenue de rester à son
domicile à des horaires précis. Toute violation de ces horaires peut entraîner une révocation
de la mesure et une exécution de la peine en la forme ordinaire, c'est-à-dire en détention
classique.
Depuis 2006, le nombre de placements sous surveillance électronique a doublé, passant de
5562 en 2006 à 11 259 en 2008.19 Le PSE représente 40% des aménagements de peine
actuellement.
Ce sont donc les SPIP qui absorbent et appliquent ces évolutions majeures que sont la
pression médiatique et institutionnelle concernant les faits de récidive criminels, d’une part, et
l’instruction et le suivi de nouvelles mesures concernant la surveillance électronique, d’autre
part.
Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires
d’Insertion et de Probation
Après avoir dessiné les grandes lignes des évolutions législatives impactant les SPIP et le
changement de rationalité pénale les fondant, nous décrirons le groupe professionnel des CPIP
en le situant dans la filière insertion et probation de l’Administration Pénitentiaire (3-1).
Nous décrirons plus en détails la formation initiale des CPIP (3-2) et les caractéristiques
sociodémographiques de ce groupe professionnel (3-3), dont le cœur de métier a évolué
profondément (3-4).
19
Chiffres clés de l’Administration Pénitentiaire consultables au http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-
10036/les-chiffres-clefs-10041/
http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/
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3-1 Une filière insertion et probation en constante augmentation entre 2004 et
2010
Les personnels d’insertion et de probation sont au nombre de 3828 en 2009 [COUR DES
COMPTES, 2010 p154]. Ils représentent 11,6% des personnels de l’Administration
Pénitentiaire. Parmi eux, on compte 2639 Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de
Probation, 287 assistantes de service social, 166 Chefs de services d’insertion et de probation
et 207 Directeurs d’Insertion et de Probation. L’ensemble de ces personnels est fonctionnaire
et formé à l’ÉNAP20
. Les personnels d’insertion et de probation sont passés de 901 à 2514
entre 1990 et 2007, soit une augmentation de +179%.
Depuis la 7ème
promotion, la courbe relative aux effectifs d’élèves recrutés indique une très
nette croissance avec pour la 12ème promotion, un effectif quasiment triplé. «Cette
massification du recrutement peut s’expliquer en premier lieu par l’importance donnée à la
mission de réinsertion et à l’intérêt porté aux mesures d’aménagement de peine » [Direction
de l’Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, mars 2007, p6.]
3-2 La formation initiale des Conseillers Pénitentiaire d’Insertion et de Probation
L’entrée en formation de la première promotion de CIP date de 1995. Le concours de CIP est
ouvert aux titulaires d’un BAC+2, aux mères possédant au moins 3 enfants et aux
fonctionnaires justifiant d’au moins 4 ans d’ancienneté. Ils sont formés à l’ÉNAP située à
Agen comme tous les autres corps de métiers de l’Administration Pénitentiaire.
La durée de la formation initiale, préalable à la titularisation dans le corps des Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation de l'Administration Pénitentiaire est fixée à deux ans.
Elle comprend une première année passée en qualité d'élève Conseiller Pénitentiaire
d'Insertion et de Probation et une seconde année en qualité de stagiaire.
Toutefois, les candidats reçus au concours, titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé
ou d'assistant du service social, nommés directement conseillers pénitentiaires d'insertion et
de probation de 2e classe stagiaires, reçoivent une formation adaptée à leur profil
professionnel au cours de leur année de stage.
20
École Nationale d’Administration Pénitentiaire
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40
Les conditions de titularisation et d'obtention du Certificat d'aptitude aux fonctions de
Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation sont identiques pour tous les Conseillers
Pénitentiaires d'Insertion et de Probation stagiaires.
Depuis la parution en novembre 2006 de l’arrêté instituant la pré-affectation, la deuxième
année de stage se déroule sur le lieu futur de la titularisation. Les CPIP stagiaires sont déjà
affectés sur leur poste en milieu ouvert ou en milieu fermé. Cette réforme, contestée sera
reconduite pour la seizième promotion en 2011.
3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement féminin, fortement
diplômé, principalement en droit.
3-3-1 Une proportion de femme importante et une moyenne d’âge constante
Avant 1995, année d’entrée en formation de la première promotion de CIP, les hommes
éducateurs étaient aussi nombreux, et même parfois plus, que les femmes.
On constate un retournement très net de cette tendance avec une proportion de femmes en
moyenne deux fois plus importante que celle des hommes, avec une accentuation de cet écart
dans la 12ème promotion où elles sont 3 fois plus nombreuses et représentent 77% de
l’effectif.21
3-3-2 Un niveau de qualification élevé
Le recrutement s’opère largement au dessus du niveau requis. Les données recensées depuis
la première promotion indiquent en effet que la catégorie des BAC+2 est loin d’être la plus
représentative, les CIP recrutés possédant le plus souvent au moins un BAC+4. De plus, cet
écart entre le niveau requis et le niveau réel tend à s’accentuer pour les dernières promotions.
La douzième promotion voit, par exemple, 95% des effectifs ayant un niveau d’étude
supérieur ou égal à BAC+3 et 33% avec un BAC+5. Parmi ces élèves, 61% ont suivi des
études de droit et 91% ont déjà eu une expérience professionnelle.
21
Informations consultables sur au http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php
http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php
-
41
Pour la CIP 13, 70% des élèves ont un BAC+3 et 30% ont un BAC+5, 84%des élèves ont déjà
travaillé, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences sociales et 9% de l’économie et
de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d’autres concours. Par rapport à la promotion
précédente, on constate que la proportion d’internes à doublé (18% contre 8%).
Concernant la quatorzième promotion, quasiment 40% des élèves sont titulaires d’un diplôme
de niveau BAC+5. Ils n’étaient que 30% dans la 13ème promotion, proportion déjà
considérable pour un concours ouvert aux titulaires d’un BAC+2.
Les femmes sont toujours plus diplômées que les hommes. Elles sont 42% à avoir un BAC+5
contre 32% des hommes. La très grande majorité des élèves est diplômée dans les domaines
du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%). Les 6% d’élèves
bacheliers ont été recrutés par concours interne. La plupart d’entre eux étaient surveillants.
La proportion d’élèves recrutés par concours interne augmente significativement. Ils sont 32%
à avoir intégré la formation selon ce mode de sélection.
3-3-3 Une majorité de juristes
Depuis la 8ème promotion de CIP, deux-tiers des élèves recrutés ont suivi des études de droit.
Pour la CIP 12, 61% ont suivi des études de droit et 91% ont déjà eu une expérience
professionnelle. S’agissant de la CIP 13, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences
sociales et 9% de l’économie et de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d’autres concours.
Cette tendance se poursuit avec la CIP 14 où la très grande majorité des élèves est diplômée
dans les domaines du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%).
La tendance s’infléchit légèrement avec la CIP 15 avec 50% relevant du domaine du droit et
de la science politique et 20%, des sciences humaines et sociales.
On compte également, dans des proportions très inférieures, des élèves issus des filières «
commerce, gestion » (8%), « sciences, mathématiques, informatique » (4%), « secrétariat »
(4%) ou encore « enseignement » (3%) dans cette promotion plus hétéroclite.
3-3-4 Une forte volatilité des promotions à 10 ans
Entre 1995 et 2006, on constate 103 radiations des cadres dont 23% vers l'Éducation
Nationale, 22% vers la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 20% vers la Fonction Publique
Territoriale ou un autre Ministère en qualité de rédacteur, secrétaire ou attaché, 8% vers les
IRA, 6% vers l’ENM ou l'École des Greffes, 8% vers la Police ou les Douanes.
-
42
Les CPIP sont donc rarement radiés pour exercer leur métier de personnel socio-éducatif au
sein d’une autre fonction publique ou une association.
Parmi les mouvements de mobilité professionnelle des personnels des promotions entre 1995
et 1999 et ce jusqu’au 1er
janvier 2006, on constate que 14% des personnels sont partis dont
1/3 pour passer des concours de Directeurs de Service, 19% sont à temps partiels et 7,5% sont
partis provisoirement. Depuis la promotion 2001, la proportion des départs avant trois ans
oscille entre 4% et 10%.
Si ce rythme se maintient, on pourrait atteindre au bout de 10 ans un taux de départ de 20%
alors que les générations de 1990-1994 avaient un taux de 5% en moyenne et de 12% pour les
promotions 1995-2000 [Direction de l’Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, 2007, p6].
Parmi les 172 départs volontaires observés entre 1995 et 2007, on dénombre 56 démissions et
116 radiations des cadres d’emploi des personnels d’insertion et de probation. Sur les
fonctions exercées, connues pour 97 personnes, près d’un quart occupent les fonctions
d’attachés d’administration, 17% sont devenus Directeurs au sein de la Direction de la
Protection Judiciaire de la Jeunesse, 18% occupent des fonctions de professeurs ou de
Conseillers principaux d'Éducation. Seuls 7% occupent des fonctions de travailleurs sociaux.
3-4 De n