CLÉMENT KALSA mainmorte · Car enfin tu te tiens debout, Ibnou Hamdis. ... Et je sais les dire...

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Catastrophes HAUTES RÉSOLUTIONS CLÉMENT KALSA « mainmorte » No. 4 / 1 13 Janvier 2018

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Catastrophes HAUTES RÉSOLUTIONS

CLÉMENT KALSA

« mainmorte »

No. 4 " /"1 13 Janvier 2018

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I. Palais orange

Et j’ai bien craché une voix, puisque j’en suis tout plein encore !

Je suis assis, manipulant une blessure à mon côté, et si cela est en pure perte, cette joie, elle n’est pas vaine. Je suis assis sur mon empreinte, en cela, je dérange peu, car ce dont mon corps est le plein, ce n’est pas moi, ce n’est pas je

c’est octobre. Et la surprise du Temps est que rien ne reste de ce qui fut il y a peu ; les nouveautés m’appartiennent peu, hors d’atteinte, et je peste ! et la blessure couvre mon être.

Ce moi est assis quand se décident des assassinats dans chaque salon du palais. Et je n’y résiderai plus, De maladie enorgueilli, car Ces ruines n’ont pas de dehors !

Voilà les nausées ! Maternel, le sein donnant un jus troublé.

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Elle est chassée, mauvaise fille, des ruines du Palais Orange. Par un homme hors de lui : il la vomit, cet homme qui est moi.

_________________________Palais Orange… mais c’est une hideur de pierres déchaussées et d’escaliers fin-polis, qui ne remplissent plus leur office, Les chambres ornées et les formes de conversations sans fin et les bruits de jouissance dans les caveaux.

Ce palais, j’y suis parolé et n’y réside plus,

Mais j’en vois les ruines par une béance

dans mon torse où tombe mon regard

pendant mes jeux de cadavres,

Ce jeu est un cadavre.

ENVOI

« Ce jeu est un cadavre », Une dépouille (Mutta, muttum au noir)

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II. Les effusions contraintes

Après le crime du rapsode, l’heure de la forêt au tumulte. Et pour la grâce spéciale, je déposais une parole sur un gué parmi des fleurs De la forêt la loi et les armées Revécurent en ce moment de nuit, comme d’antiques faces d’assassinat. Je parus à une autre lisière, où s’était retiré du monde la meilleure part : je connus Ibn Hamdis, adamant, précisant ses vers _________dans l’éclairage d’une honnête nature, et Pierre des Vignes, qui était assis prêt du foyer de pierres au rouge.

Se tenait là un dialogue sur le crime auquel je fus convié par le second, __________immensément souffrant. Ils s’entretenaient du crime de gouvernement.

Je connus là les quelques discussions qui me firent moins criminel – cependant qu’en foule, on brisait des larrons – ; notamment celle-ci :

IBN HAMDIS : Qu’elle cesse cette douleur !

MOI-MÊME : Quelle puissance ?

IBN HAMDIS : La douleur que partagent ceux dont l’existence ne va pas selon l’habitude mais se brise en un lieu blasonné seconde naissance ou bien éveil et qui est pour l’âme une crise. Les métisses sont ceux qui se sont éveillés, ceux dont Dieu a retiré la couche ou l’assise.

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MOI-MÊME : Mais de ce retrait là n’est-on jamais payé ? Car enfin tu te tiens debout, Ibnou Hamdis.

IBN HAMDIS : Tu en sais la teneur car tu es mon allié.

MOI-MÊME : Comment donc la saurai-je ? Je ne suis que fils et jeune encore, n’ayant que je en empire.

IBN HAMDIS : Ce je, dont tu as déjoué tous les artifices, hier te dominait et aujourd’hui soupire d’être le serf d’un homme libre qui le toise. Ce vil s’endort sous ta menace et sous tes rires qu’il reçoit en plus depuis la voûte turquoise : caresse-le d’un dernier regard, il est maudit !

MOI-MÊME, le regardant : Il est de moi ce regard idiot que je croise mais il a loisir de connaître mes amis, quand je suis moi non plus chasseur mais bien proie. La maîtrise de ce je m’a été d’un prix tel que je comprends la grande douleur des rois. Sang bien vidé omet leur vœu effroyable et, avec la royauté de l’esprit, vient l’effroi…

IBN HAMDIS : Tu me rejoins, mon chéri, et à ma table repais-toi, repose-toi et jouis de cette heure. Soigne ces blessures dont le monde est coupable.

MOI-MÊME, m’étendant dans la clairière vide : Quel réveil as-tu vécu, mon maitre ?

IBN HAMDIS :

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L’horreur de voir se faire truie dans ta couche l’amante à qui Dieu a confié la garde de ton cœur !

MOI-MÊME, horrifié : Est-ce possible ?

PIERRE DES VIGNES : De miel nappée, étiquette, Habits, holothurie souple, Gouvernement est bien mentule Hoquet de la main qui m’encule.

____Ibn Hamdis se gaussa de la faiblesse des vers de Pierre des Vignes et de son ressentiment. Selon lui, le poète doit se tenir dans la proximité de l’homme de pouvoir pour recevoir de lui cadeaux et subsistance en contrepartie de sa lumière.

____Aucun roi ne donne tant d’ordres qu’il n’en reçoit de son poète, qui exige les offrandes qui produisent et orientent sa bonté et ses effusions contraintes. Le roi est tel l’adorateur du soleil.

____Ibn Hamdis rit de sa trouvaille et Pierre des Vignes s’offusqua de ce que ce complet poète assimilait la royauté à l’ignorance. Il avait connu lui, dit-il, un roi très chrétien et même s’il lui avait fait percé l’œil – blessure d’où l’âme s’échappe, dit-on – le chancelier reconnaissait l’éternelle valeur de son maître.

____Ibn Hamdis condamnait toute forme de royauté et demanda à Pierre des Vignes comment avait-il vu, aveuglé qu’il était, les bienfaits de l’inconstant, comme il appelait le roi de Pierre.

____L’autre répondit que, dans sa prison, il avait brisé son crâne contre les murs et avait ménagé un trou dans son front pour voir de meilleure vue l’âme du roi.

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____L’œil vit l’âme de Frédéric prisonnière de son corps qui clamait son repentir envers Pierre et exprima sa compassion de le savoir enfermé, comme elle l’était elle-même. Chaque jour, dit-il, je m’entends avec l’âme de mon roi par le biais de l’œil broyé au sommet de mon crâne.

Ibn Hamdis répondit qu’il y avait, en effet, une pire souffrance que celle d’être poète auquel il reste les rois pour répondre de leurs actes et les nourrir

Celui qui est vraiment damné sans rémission, _______________selon Ibn Hamdis, était le poète recevant la charge de roi, par maladresse ou par une passion sans contrôle, ou bien le roi qui s’éveille à la poésie.

Dans mon exil, lorsque que je quittais la Sicile pour l’Andalousie pénible, ennuyeuse en comparaison, je rencontrais un roi qui souffrait comme si son trône était ensemble de braises et de merde

____inconsolable j’allais par tout l’émirat et ma famille fut reçue en audience par l’émir de Séville, Al Mu’tamid.

____Quand je fus admis en sa compagnie, je récitais des vers que j’avais composé pour lui faire honneur. Il pleura en les écoutant, _________________________________________ce que me dit Ibn Hamdis. ____Il lui confia être si harcelé par ses juristes et ses courtisans qu’il ne fréquentait plus le pupitre depuis des années, quoiqu’il fut doué d’un grand talent pour les vers.

____Le gouvernement des choses est clarté condamnée ____Le gouvernement des hommes est

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____L’administration des choses, qui est une chute dans le déchet : il est au gouver-nement de l’esprit ce qu’est à l’érection vive et longue à la pénible conception des fils.

Pierre des Vignes le coupa et le son sec qu’il fît parut s’échapper de ses orbites noirs et pourris. Il répondait à Ibn Hamdis que lui, Pierre des Vignes, avait été un juriste si doté que son droit était récité comme des vers par les hommes d’État de toute l’Europe. Ibn Hamdis lui répondit que les hommes d’État n’y entendaient rien, qu’ils en brutalisaient même la forme. Pierre des Vignes s’exprimait avec difficulté et la cavité brisée de son crâne rejetait du sang et des pleurs.

ENVOI

Aux deux maîtres, je demandais Quelle foule m’attendait au sortir du bois.

Ils m’expliquèrent que la seconde naissance se rejouerait perpétuellement et que je me séparerai sans cesse car c’est ainsi comme défaire de soi des membres sans vie et empesés par la mort.

Au sortir du bois, le froid à l’intérieur de ma maison, le feu dans mes mains, me firent faux monnayeur. Mais je ne fus jamais pourchassé pour ce crime.

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III. Chapelle

La gangue

Occupé à un travail apportant plaisir, au jardin De marbres marquetés et d’un sombre jaspe Aux armes de mon lignage, intailles Des excès de vies n’ayant pas usé cette pâte naturelle, L’ont saignée plutôt d’un jus pierreux qui l’a durcie et embellie,

Ma conscience épousée, j’actionne de ma main

Cette tombe de moi vivant, Avec laquelle je vais en paix, Pesante amante de mon esprit Boueux, trop inerte à saisir Ses creuses voluptés. – –

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La saison angélique

Dans le Palais cornaline, Chapelle se diaprant de pardon et de raison, Où crime lui-même est en prière,

Une voix propre parcourt le relief connu et irrégulier d’un limon. J’ai Saisi un couteau et cette matière de drame, j’en ai Retiré les mots étranges, les sons insensés, je suis Descendu face aux statues dans les caveaux en cercle, Et de mon outil, j’y ai sculpté des Visages domestiques et j’en ai dégagé, pures, les racines.

Assis au pupitre de porphyre vert, qui fut témoin de ma naissance, C’est une saison angélique à mon regard. Porte la pourpre, dont s’est défait le rapsode qui parle seul désormais, La pampre active, ensauvagée.

Quel spectacle que ma main parcourant les feuillets, Le parfait magistère ! Je sais défaire toutes les masquerades Et je sais les dire toutes, Je m’étends en paix, face aux miroirs peints, Aux corniches de stucs et aux figures fleuries et profanes, Ma tête tout contre le sarment vivant.

Oratoire sonnant de jeux multiples, Marchands, anachorètes, Pendus, poètes, Liberté des races en moi, Et savoir de toutes mes voix.

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IV.

D’une main, je parcours la maille où sont inscrits les noms Hoquet immobile gravé, De l’autre, je bée mon être vers cette clairière Tout à la fois, Élan et loi.

Ah ! Je suis étendu sur ce tapis tressé, J’étreins cette matrice de plaisir et ce rire, Que je reconnais : c’est ma voix Ah ! Lorsque ça sonne, c’est moi que j’entends, Ah ! Quelle somme quand le vin n’affecte plus les sens, Car ceux-là ont perdu leur pouvoir de dissimulation ! Ah ! Quel plein que l’esprit qui peut se mouvoir, Sur le trône, parolant avec dignité !

L’instrumenté que je voyais, Lieu vivant du désert, si loin d’accéder à la parole, Dieu, quelle voix que la mienne et mon cœur qui se noie !

Cette liberté est sans langage, Elle n’est pas bavardée. Composez un peu, ma folie, Je m’étouffe sur cette parole nouvelle !

D’un œil, un nouveau langage est parcouru, nommé, De l’autre, j’appelle un vocabulaire nouveau, sans mètre, Mon baroque paraît de voix ! Je est abandonné, Lui veut exister pour moi.

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V. Mainmorte

1.

les douze busards et faucons lieu mobile, contemplation, tournoient l’orgueil du cynégète

Altavilla milicia, répétés, délire et soupir de la maîtrise

sans amour, sans chien de recherche au sang le fauconnier et ses busards sont une délirante maîtrise et apprennent aux rois et à leurs enfants à chasser du mal ce qui est bien – travail infini, infini

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2.

douze busards masquent dans le ciel du cloître l’arrivée de l’oiseau faisant déchirure du corps d’ordure

Du maître enfin libre d’organe libre, sans les turgescences de la raison

« aux enfants des rois, je confie licences et prescriptions afin, mainmorte, de ne rien léguer

pas même la résistance au monde je n’ai pas fini d’apprendre et je suis mort “dans mon jardin”, sous le vol de mes busards »

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