Claude Gagnon : l’improvisation concertée...s CLAUDE GAGNON L'improvisation concertée Claude...

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Tous droits réservés © 24 images inc., 1985 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 28 juil. 2021 07:28 24 images Claude Gagnon L’improvisation concertée Claude Racine Numéro 26, automne 1985 URI : https://id.erudit.org/iderudit/21959ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) 24/30 I/S ISSN 0707-9389 (imprimé) 1923-5097 (numérique) Découvrir la revue Citer ce document Racine, C. (1985). Claude Gagnon : l’improvisation concertée. 24 images,(26), 22–25.

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Document généré le 28 juil. 2021 07:28

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Claude GagnonL’improvisation concertéeClaude Racine

Numéro 26, automne 1985

URI : https://id.erudit.org/iderudit/21959ac

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Éditeur(s)24/30 I/S

ISSN0707-9389 (imprimé)1923-5097 (numérique)

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Citer ce documentRacine, C. (1985). Claude Gagnon : l’improvisation concertée. 24 images,(26),22–25.

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s CLAUDE GAGNON L'improvisation concertée

Claude Racine

Claude Gagnon — Claude Gagnon, d'où vient le projet de Visage pâle?

— Lorsque j'étais au Japon, j'ai beaucoup baigné dans un espèce de-climat de racisme, disons pour être plus juste, de discrimination raciale. Depuis que ma femme (qui est japonaise) est ici, elle vit la même chose jusqu'à un certain point. C'est un racisme à l'état latent. Cela m'intéressait donc de traiter de ce sujet. Ce qui m'a arrêté, cependant, lorsque j'ai commencé à écrire le synopsis — c'était après Larose, Pierrot et la Luce —, c'est que je craignais que le sujet soit une fois encore trop québécois. J'ai alors laissé le sujet de côté et j'ai commencé à écrire une comédie sur laquelle j 'ai travaillé pendant quelques mois pour finalement laisser aussi tomber. Alors, j 'ai fait de la distribution, je sentais le besoin de prendre du recul. J'avais été très déçu de la réaction négative du public québécois envers Larose, Pierrot et la Luce. Je m'étais dit: je ne tourne plus en fran­çais, en tout cas plus en québécois. Ayant été en Europe pour y présenter les films, j 'ai alors pris conscience d'un énorme préjugé par rapport au langage québécois, qui est, je pense, quasi insurmontable. C'est que le parler québécois est totalement distinct de la langue que par­lent les Français. En ce qui me concerne, je me suis fait à l'idée qu'il faut doubler les films québécois, si on veut les lancer sur le marché français... Donc j'étais furieux con­tre la réaction du public québécois face à mon film. Je voulais aller tourner en anglais aux États-Unis. Il y a 3 ans, j'avais l'impression que lorsque le public d'ici enten­dait du québécois, il réagissait comme si ce n'était pas une vrai «vue.» Il avait l'impression que ce n'était pas du vrai cinéma.

— Tu aurais voulu amener le public à une prise de cons­cience?

— En tout cas, faire la preuve par l'absurde. À un moment donné, je me suis rendu compte qu'il y avait une convention du petit et du grand écran qui avait été éta­blie. Depuis que l'on est au monde, ici au Canada, on regarde Radio-Canada où les gens ne parlent pas comme nous; d'autre part, le cinéma qu'on voit est français ou américain doublé en France. Il s'est établi, je crois, une convention d'écran, où les gens ne parlent pas comme nous. Il y a eu le choc Tremblay à un moment donné; cela a marché jusqu'à un certain point au théâtre. Mais tout cela n'a pas duré.

— Qu'est-ce qui t'a remis sur la piste de ta première idée?

— En allant en Europe, je me suis rendu compte que si on veut que notre cinéma perce à l'étranger, il faut, jusqu'à un certain point, donner aux spectateurs européens une image qui correspond un peu à ce qu'ils attendent. En revenant, je me suis dit: ils veulent de la forêt. J'avais jus­tement un sujet de film se passant dans les grands espa­ces, dans le bois. Pourquoi ne pas y revenir? J'étais aussi

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très conscient que les Indiens exerçaient sur les Euro­péens une fascination évidente. Ceci dit, je n'ai fait aucune concession là-dessus en particulier. On tourne sur une réserve sans que les gens s'en aperçoivent (même les Québécois), et je n'ai pas senti le besoin d'ex­pliquer que l'on se trouvait sur une réserve, qu'on avait affaire à une police amérindienne, etc. Quand on fait un film, à partir du moment où un cadre a été établi, il faut le faire sans compromis. Ceci dit, on y parle de racisme, mais le film véhicule d'autres thèmes et sous-thèmes qui me sont chers, entre autres les images sociales. L'image du joueur de hockey, par exemple: qui il était? comment il se défendait dans son petit patelin? et comment du jour au lendemain, à seulement une centaine de kilomètres de chez lui, il s'est trouvé tout à coup complètement démuni? J'avais envie de parler de ce qu'était la liberté. Se retrouver dans le bois, loin de tout, suffire à ses pro­pres besoins. Serait-ce cela la liberté? J'avais aussi envie de faire un film physique, après avoir fait des films doux.

— Pourtant, le personnage principal, est autant pas­sionné par le jeu d'échec que par le hockey...?

— Je crois qu'il n'y a pas de contradiction. C'est un peu ce qui se passe dans la vie. Quand j'étais jeune étudiant, j'étais considéré comme l'intellectuel de la place; quand j'arrivais dans la chambre des joueurs après la partie de hockey, je me faisais barber parce que j'étais intellec­tuel. J'étais souvent mis dans des situations où j'étais obligé de me battre à cause de cela. Maintenant comme cinéaste, donc dans un «milieu intellectuel», je vis la situation inverse: si tu dis que tu écoutes la partie de hoc­key, tu fais rire de toi. Si tu as le malheur de dire que t'ai­mes la boxe, tu te fais répondre que c'est un sport violent, fasciste. Alors,j'ai eu envie de parler detout celadans ce film, mais sans trop insister.

— Comment le scénario s'est-il construit?

— Je tends beaucoup de pièges. Je fais beaucoup parler les gens sur les scénarios que j'écris. Je suis beaucoup à l'écoute, au tournage tout spécialement. Par exemple, l'idée du jeu de dard dans le film est venue d'une sugges­tion de Gilbert Sicotte. Le début de la scène également lorsqu'il commence avec une histoire de femme, c'était l'idée de Gilbert. Je donne ça comme exemple, mais je pourrais en citer plusieurs autres. J'aime stimuler les gens, voir comment ils réagissent, ce qui se passera. De toute façon, j'ai toujours le droit de veto: il faut quand même dire que quand tu fais un film, c'est toi le boss. Mais tu es un imbécile, si tu ne te sers pas des sugges­tions des gens de ton équipe. Je m'entoure toujours de gens qui ont beaucoup de potentiel créatif et me réserve toujours l'option de dire non. Je ne comprends pas les gens qui, sur les plateaux de tournage, n'écoutent pas ce que les comédiens ont à leur dire: ceux-ci vivent avec

leurs personnages, ils le questionnent, le sous-questionnent, pensent constamment à son état d'être, à la façon dont il vit. Ils sont sûrement les mieux places pour sentir le personnage, même si c'est nous qui avons écrit le scénario.

— Serait-ce juste de dire que la part d'improvisation semble plus importante dans tes deux longs métrages précédents que dans Visage pâle?

— J'ai essayé de changer ma méthode. Dans Keiko, j 'avais complètement improvisé avec des plans-séquences. Dans Larose, Pierrot et la Luce, j'ai essayé de donner un peu plus de rythme, c'est-à-dire que j'improvi­sais toujours la première prise. Parfois, quand je voulais simplement modifier mes angles, je gardais le dialogue, et les comédiens apprenaient ce qu'ils venaient d'impro­viser pour le jouer sous un autre angle. Ou encore, je gar­dais la première section de la scène et, à ce moment, je reprenais la dernière partie de la séquence improvisée à nouveau. Dans Visage pâle, j'ai structuré encore plus l'improvisation, c'était plus ou moins planifié.

— Les dialogues n'étaient donc pas écrits au départ?

— En fait, j 'ai écrit des dialogues auxquels je n'attachais aucune importance, et cela était très clair avec mes comédiens. C'est comme si j 'avaisécrit un seul dialogue pour tous les personnages qui auraient tous eu la même personnalité! En réalité, les dialogues sont improvisés, mais avant le tournage, je n'ouvre pratiquement jamais mon scénario, j'ai la liste des scènes et leur titre, c'est tout. Ce qui fait que j'oublie ce qui a été écrit. Une anec­dote: il y avait un des comédiens qui était au bar disant une réplique que je trouvais complètement kétaine. Je lui demande d'essayer de trouver quelque chose d'autre. À la prise suivante, il dit encore la même phrase, je trouvais cela tellement pourri, hors contexte que je ne compre­nais pas. J'ouvre le scénario à la page, et c'était mot à mot le texte écrit. J'alors dit au comédien que je ne l'avais pas écrit pour qu'on le dise! Cela explique un peu l'esprit dans lequel je travaille.

— Pour toi, écrire des dialogues, ce n'est pas néces­saire?

— C'est nécessaire et ce ne l'est pas. Mon prochain film sera probablement structuré comme les films conven­tionnels. Mais les dialogues seront écrits comme s'ils étaient improvisés, c'est-à-dire que j'ai toujours été en désaccord d'avoir des textes à la Neil Simon par exem­ple. Même si je trouve très bon ce qu'il écrit, cela m'em­bête un peu: les gens sont trop brillants; chaque fois qu'ils ouvrent la bouche, c'est pour dire quelque chose de renversant, d'important! Ce que je reproche beaucoup au cinéma, c'est que 95% de ce que les gens disent a un sens, est très important, et que 5% ne l'est pas. Alors que dans la vie, c'est l'inverse: on dit 95% de conneries et 5%

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de choses intelligentes dans une journée. Sans aller dans la connerie jusqu'à 95%, j'ai l'impression qu'il y aurait moyen d'arriver à un juste milieu où les dialogues ne seraient pas toujours aussi importants! Quand je tournais Keiko, je me souviens que les gars me disaient: «On n'a pas entendu ce qu'elle a dit.» Je leur répliquais: «Moi, ça fait 50 fois que je vois le film, puis je ne sais pas ce qu'el le dit.» La même chose dans Larose, Pierrot et la Luce, les gens disent: «Qu'est-ce qu'elle dit à ce moment-là?» Je leur réponds: «Je ne sais pas au juste.» Je réé­coute et leur dis: «Ben chus pas sûr.» Ce qui importe, c'est l'atmosphère, ce qui se passe, le ton. Et c'est un peu la même chose dans Visage pâle, il y a certains mots qui m'ont échappé. (Je lis présentement un livre sur John Ford où on dit que lui aussi accordait peu d'importance au dialogue.) C'est curieux peut-être de m'entendre dire que j 'ai fait improviser tous mes dialogues et à la fois m'entendre dire que les dialogues ne sont pas impor­tants. Cela peut sembler paradoxal, parce que dans mes films, i l y a des dialogues, mais pour moi, c'est une autre saveur qui est rajoutée. Visage pâle est un film où il n'y a pas tellement de dialogues, contrairement à la majorité des films. I l y a très peu de verbiage, et j'en suis particu­lièrement fier. Il y a au moins une bonne vingtaine de minutes où il n'y a rien ou à peu près rien qui est dit: par exemple, la séquence de fuite. Et dans mes prochains films, je vais un peu plus structurer dans ce sens, mettre plus d'importance dans le choix de mes images, des rythmes.

— Il y a une insatisfaction?

— Quelquefois je me suis senti un peu frustré. Car les images sont travaillées sur le tas: en même temps que les comédiens improvisent, je suis obligé aussi d'impro­viser mes plans. Mon prochain film sera moins réaliste, plus structuré à l'avance, il sera beaucoup tourné en stu­dio. Un monde féerique, un monde de rêve où je pourrai travailler davantage sur les éclairages, les ambiances. Le décors seront très importants, mes angles choisis. Je pense que de Keiko à Larose, Pierrot et la Luce, et main­tenant Visage pâle, i l y a toujours eu une nette évolution et cela va se poursuivre.

— Cela risque de coûter beaucoup plus cher...

— J'imagine que cela peut prendre de 25 à 30% de plus de temps, et le double de pellicule. Mais dans mon esprit, cela donne de meilleurs résultats. De toute façon, mon prochain tournage sera plus structuré. Je tournerai en 2 sections. Je fais beaucoup de reprises, cela fait partie du cinéma. De plus en plus, j'en viens à cette idée de faire deux tournages, c'est-à-dire un tournage où je filme 80% de mon matériel, laissant 20% pour ce qui se passera dans une autre saison et en même temps reprendre les scènes du premier tournage dont je pourrais être insatis­fait. Une période de six mois s'étant écoulée entre les

deux. J'ai l'intention de planifier mes budgets en fonc­tion de cela également.

— Cela ne va-t-il pas complexifier le tournage?

— Cela peut être plus compliqué, oui. Mais lorsqu'on décide de faire du cinéma, il faut, au départ, accepter de se compliquer la vie. Si avant un tournage, on prévoyait tous les problèmes qu'on va avoir, on dirait non, on n'em­barquerait pas, car c'est suicidaire. Je pense que c'est une question d'attitude, le cinéma on l'aborde en se disant: «O.K., c'est quoi le problème?» Mon assistant-réalisateur arrive chaque matin avec 10 problèmes majeurs à me poser. Le directeur-photo avec 5 ou 6 autres, et le Directeur de production la même chose. Pour moi, cela fait partie du boulot. Quand un comédien ou un technicien vient me voir et me dit: «Cela va être compliqué», je lui dis: «Voyons, tu fais du cinéma.» Pour moi, «compliqué» est un mot que l'on doit bannir du dic­tionnaire du cinéaste. Compliqué? c'est possible, mais faire du cinéma, c'est toujours compliqué. Si on tournait dans un bulle à l'abri des influences extérieures, on aurait encore beaucoup de problèmes.

— Tu n'es donc pas de l'école disant que le réalisateur doit se concentrer uniquement sur la mise en scène et la direction de comédiens?

— Moi, j'aime être près de mon équipe, parce que le cinéma, pour moi, c'est un party. C'est un espèce de bail game. Sur Visage pâle, cela a pris un peu de temps, parce que j'avais une équipe qui n'était pas familière avec mes méthodes de tournage. Cela a pris un certain temps avant que tous comprennent comment on travaillait. Je préfère perdre un peu de temps et que tout le monde ait du «fun», plutôt que de voir tout le monde s'emmerder et être efficace. Lorsque les gens n'ont pas de plaisir à faire ce qu'ils font, cela donne des résultats moins intéres­sants. La dernière section du tournage aété particulière­ment stimulante, les techniciens étant alors complète­ment intégrés à ma méthode. Faire des propositions, des suggestions, coopérer avec tout le monde, me stimule énormément. Le secret pour moi est d'être stimulé par ce qui embête les autres. Ce qu'ils te disent doit te permet­tre de prendre la bonne voie. En fait, cela dépend de la personnalité de chacun; j'ai l'impression qu'il n'y a pas de formule. Moi, lorsque j'ai les plus grosses scènes à tourner, la veille, je m'efforce de ne pas y penser. Le matin du tournage, quand je me lève, alors là, y penser est la première chose que je fais. Après la journée du tournage, je fais le vide. Souvent, j'arrive sur le plateau, me creusant la tête, me demandant ce que je vais tour­ner...

— Est-ce que le caractère fort, déterminé, du person­nage principal, avait été fixé dès le départ?

— C'était très clair dès le départ, et c'est un peu pour ça qu'on en a fait un joueur de hockey. Il devrait être con-

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fronté à la violence sans être un froussard. C'était impor­tant de le montrer comme un gars fort. Mais Luc Matte voulait toujours se battre, et je devais lui dire que CH. est un gars équilibré. Luc avait beaucoup de difficulté à gar­der cette passivité.

— Est-ce que le drame et ce qui s'en suit étaient prévus dans le scénario? — Oui. L'improvisation ne modifie jamais la structure de base. Elle est là pour ajouter, améliorer certaines situa­tions, sinon je l'enlève. Par exemple, il y avait une séquence de nu avec la comédienne amérindienne. J'ai éliminé cette scène parce qu'elle m'est apparu inutile en cours de route, à cause du ton que le film prenait. Des choses comme ça sont modifiées, c'est une évolution qu'on a avec les personnages; les changements ne sont jamais majeurs.

— Crois-tu que le fait d'être producteur apporte une plus grande facilité à réaliser des projets de films? — Entendons-nous bien, j 'a i quand même une co-productrice qui est Yuri Yoshimura: c'est elle qui fait le gros de l'ouvrage de producteur. En tant que produc­teur, je suis impliqué dès le début au niveau de l'argent. Je vois où il va, ce que cela coûte pour faire un film. Dans ce sens, je pense que cela est un atout. Par exemple, je suis à même d'évaluer si une scène est vraiment néces­saire après en avoir évalué le coût. Ça, je peux l'évaluer avec les connaissances globales que j 'ai: sachant où on en est dans le budget, mon choix peut alors être mieux éclairé. Cela me donne le dernier mot, je peux soupeser si

Louise Portai, Luc Matte dans Larose, Pierrot et la Luce, de Claude Gagnon

le jeu en vaut la chandelle ou pas. Pour moi, cela va de soi, on ne peut nier l'aspect financier du cinéma. Il serait utopique de dire: «Ça coûtera ce que ça coûtera.» Ce n'est pas une attitude adulte. En produisant, nous som­mes conscients des chiffres dès le départ.

— Que penses-tu des normes et exigences qu'ont la Société Générale et Téléfilm, envers les projets de scé­narios qui leur sont soumis? — Autrefois, j 'ai mené une lutte contre l'Institut québé­cois du cinéma. Pour Visage pâle, j 'ai également eu des problèmes avec la Société générale du Cinéma, particu­lièrement parce qu'ils avaient des exigences que je ne comprenais pas très bien. Je me suis amadoue depuis. Bien sûr, les gens vont dire: «C'est un vendu: maintenant qu'ils lui ont donné l'argent, il est pour eux.» Moi, je pense que, dans les faits, à ce stade-ci, i l y a beaucoup plus de possibilités d'établir une communication avec les deux organismes en place (Téléfilm et la S.G.C.). La S.G.C, par exemple, a des directeurs que l'on ne connais­sait pas il y a un an. Je ne sais pas s'il y en a pour tout le monde, mais je crois qu'il est possible de communiquer, d'arriver à se comprendre. Ce qui est important, c'est d'être arrivé à établir une espèce de confiance mutuelle. Avant, je pense que le système faisait complètement fi de nos efforts, de ce qu'on essayait de faire. Ils jugeaient tout sur scénario, bon ou pas bon, point. C'est encore très loin du paradis terrestre, sauf que maintenant, les gens de Téléfilm aussi bien que ceux de la S.G.C. s'aper­çoivent que plus le cinéma a sa personnalité, son carac­tère propre, plus le résultat est intéressant.

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