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RachelHawthorne
LESGARDIENSDEL’OMBRE
Clairdelune
Traduitdel’anglais(États-Unis)parAnne-ÉlisabethLozano
PourBrandon,conseillerextraordinaireenparanormal.Mercipourtouslespetits-déjeunersdebrainstormingetdem’avoir
laissétestermesdifférentsscénariossurtoi.Tuessuper!Maman
PROLOGUE
Lapleineluneestdevenuemonennemie.Abritéedansunecaverne,jemeprépareàvivrelanuitlaplusimportantedetoutemonexistence.Il
yaquelquesjoursquej’aifêtémesdix-septansetcesoir,laluneselèvera,rondeetpleine,dansleciel.Jemebaigneraialorsdanssalumièreetmoi,LindseyLancaster,jemetransformerai……enloup.Je suis une Métamorphe, espèce qui possède depuis des milliers d’années la capacité de se
transformerenanimal.PourlesLycans,leclanauquelj’appartiens,c’estleloup.D’aussiloinquejemerappelle,j’aitoujoursattenduavecimpatiencecettefameusenuit,maisau
coursdesdernièressemaines,j’aicommencéàappréhendercemoment,parcequemavieaprisuntourconfusetcompliqué.Mesémotionsetmessentimentssontsensdessusdessous.Moncœurmeconseilleunechoseetmatêteuneautre.Connoretmoisommes lesmeilleursamisdepuis toujours.Dans lemondeextérieur, làoùnous
prétendonsnepasposséder cepouvoir extraordinaire,oùnous feignonsd’êtredesStatiques (ceuxquisontdépourvusde lacapacitédese transformer),nos familles respectivessont inséparables.EtnosparentssontconvaincusqueConnoretmoisommesdestinésl’unàl’autre.Parfois,j’aipeurquenoussoyonstouslesdeuxprisonniersdurêvequ’ilsnourrissentpournous
aupointdel’avoirfaitnôtre.Unsoir,devantnosdeuxfamillesréunies,Connorm’adéclaréesienne.J’étais folle de joie de le savoir épris demoi à ce point, parce que je croyais ressentir une égalepassionpourlui.Nousavonsorganiséunegrandefêteet,commeleveutlatraditiondenotreclan,ils’estfaittatouermonnom,sousformederuneceltique,surl’épaulegauche,cérémoniequiconstituenotreéquivalentdesfiançailles.Notredestinétaitscellé.PuisRafeestrevenuaprèssapremièreannéedefac,etj’aicommencéàm’intéresseràlui,cequi
ne m’était jamais arrivé auparavant. Quand il parle, sa voix grave devient parfois râpeuse etterriblementsexy.Maisilneparlepasbeaucoup,saufs’ilaquelquechosed’importantàdire,cequidéclenche immanquablement des fourmillements dans mes doigts de pied. Ses yeux noirs mecaptiventetdéchaînentdestempêtesdansmoncœur.Etquandsonregardmagnétiquetombesurmabouche, j’ai envie deme lover dans ses bras et d’attirer ses lèvres sur lesmiennes pour goûter àl’interdit.Ilaimevivredangereusementetrepoussertoutesleslimites.C’estlegrandméchantloup,oserais-
jedire,pourfaireunmauvaisjeudemots.Salibertéradicaleéveilleenmoiunetentationàlaquellejen’aipasledroitdesuccomber.JesuisdestinéeàConnor.Dedeuxansmonaîné,Connoradéjàvécusapremièretransformationetilvam’accompagnertout
au long de lamienne. J’essaie deme concentrer sur lui, avec ses cheveux blonds, ses beaux yeuxbleus et ce sourire encoinquinemanque jamaisdeme faire rire.Encet instant, ilm’attendpourpartageravecmoilanuitlaplusimportantedemavie.Ilvameguiderdansmatransitionets’assurerquej’ysurvive.Cetteexpériencevécueencommunnousuniraprofondémentetàjamais.Dumoins,c’estlescénarioprévu.J’observemon reflet dans lemiroir. J’ai des yeuxnoisette, bien que leur couleur ait tendance à
changerselonmonhumeur.Cesoir, ils tirentplutôtsur lebleuetsontempreintsde tristesse,alorsqu’ilsdevraientbrillerd’excitation,unpeucommeavantunpremierrendez-vous.
Mescheveuxplatinetombent librementsur larobedecérémonieenveloursblancquejeporteàmêmelapeau,et lanervositém’envahità l’idéequebientôtceseront lesrayonsde la lunequimetoucheront…etConnor.Jemedétournedumiroiretm’avanceversl’entréedelagrotte,dissimuléederrièreunecascade
qui protège notre repaire de la curiosité de ceux qui en ignorent l’existence – qui ignorent notreexistence.Jemeglissederrière le rideau liquideetcontourne lebassinoù la luneserefléterasouspeu.J’observe Connor, qui attend patiemment mon arrivée. Enveloppé dans une robe de cérémonie
noire, il me tend la main. Ses longs doigts fermes et rassurants se referment sur les miens, quisemblentsoudaintropdélicatsettropfragilespourcequiestsurlepointdecommencer.Percevantsansdoutemonappréhension,ilm’attireàlui.Soncontact,sifamilier,meréconforteimmédiatement.C’estlui,lamoitiédemavie,lamoitiédemonâme.Ill’atoujoursété.Ilsepencheetseslèvreseffleurentlesmiennes.Moncœurmanqueunbattementfaceàl’énormité
decequiestsurlepointd’advenir.Maindanslamain,nousnousdirigeonsverslaclairière,verslalunequiattendetversunavenir
partagépourtoujours.Etjenepeuxqu’espérernepasavoirfaitlemauvaischoix.Sinon,jesuisentraindecommettrela
plusgrosseerreurdemavie.
1
Onditquelesrêvesrévèlentnospeurscachéesetnosdésirssecrets,quiexigentqu’onleurprêteattention.Mon rêve de la veille avait été si intense que sa simple évocation, le lendemain soir, enpleine séance du Conseil, me faisait encore tressaillir. Assise contre le mur de la grande salle,j’assistaisà ladiscussionentre lesSageset lesGardiensde l’Ombre—ceuxd’entrenousquisontchargésdeprotégernotreespèce—surlameilleurefaçond’assurernotresurvie.Puisquejen’avaispasencorevécumapremièretransformation,j’avaistoujoursunstatutdenovice,quim’interdisaitdesiégeraveceuxautourdelagrandetableronde.Cettesituationmeconvenaitparfaitementcarellemepermettaitdelaissermonespritvagabondersansquel’onpuissemereprochermoninattention.Dansmon rêve, j’étais dansune clairière avecConnor, officiellementmoncompagnonàvie, et
nousnousenlacionssifortquenouspouvionsàpeinerespirer.Puissoudaindegrandsnuagesnoirsmasquaientlaluneetuneprofondeobscurités’abattaitsurnous.SerréetoutcontreConnor,jeprenaisconsciencequesesmuscles,sesos,commençaientàondulersoussapeau.Ilgrandissait,s’élargissait.Sousmesdoigts,sescheveuxsemettaientàpousseretàépaissir.Ilm’embrassait,maisseslèvresmesemblaientpluscharnuesqu’àl’accoutuméeetsonbaiserplussauvagequetousceuxquenousavionspartagés.Unevaguedechaleurm’aparcouruedespiedsà la tête,et j’aieu la sensationd’êtreunechandellequiseconsumesousl’ardeurd’uneflamme.Jesavaisquej’auraisdûm’écarter,mais,aucontraire, je m’accrochais à lui comme si je risquais de me noyer dans une mer de doute si jem’éloignais.Lesnuagesontpoursuivi leur course et la lunenous adenouveau illuminés, saufque jeneme
trouvaisplusdanslesbrasdeConnor.J’étaisdansceuxdeRafe,c’étaitluiquej’embrassais,luidontjequémandaislescaresses…Jemesuismiseàremuerinconfortablementsurmachaiseausouvenirdel’intensitédemondésir
pourRafe. C’était enversConnor que j’étais supposée ressentir cet élan.Mais jem’étais réveilléeentortilléedansmesdraps,gémissantpouruneautrecaressedeRafe…Toujoursentraindegigoter,j’aisentiuncoudes’enfoncerentremescôtes.—Tiens-toitranquille,m’achuchotéBrittanyReedquiétaitassiseàcôtédemoi.Commemoi, elle allait avoir dix-sept ans, et sa transformation aurait lieu à la prochainepleine
lune.JeconnaissaisBrittanydepuis lamaternelle.Nousétionsamies,mais jenem’étais jamais sentie
aussiproched’ellequedeKayla,que jen’avaispourtant rencontréeque l’étéprécédent,quandsesparents adoptifs l’avaient ramenée dans notre parc pour qu’elle y affronte son passé.Notre amitiéavait été aussi immédiate que profonde et nous avions passé l’année à nous raconter nos vies partéléphone,mailettexto.Elleavaitrécemmentdécouvertqu’elleétaitl’unedesnôtresetétaitdevenuelacompagnedeLucas
Wildeaucoursdeladernièrepleinelune.Avecsipeudetempspours’ypréparer,l’expérienceavaitdû être absolument terrifiante. Nous, les Lycans, ne pouvons pas contrôler notre premièretransformation.Quandlapleineluneselèvedansleciel,notrecorpsréagitàsonappel.Quoiqu’ilensoit,Kaylasiégeaitdésormaisàlagrandetableaveclesautres.À l’occasiondu solsticed’été, le jour leplus longde l’année,nous aimons tousnous retrouver
pour fêter notre existence. Mais cette année-là, une menace planait sur le rassemblement qui sedéroulait, comme d’habitude, àWolford, un petit village perdu dans l’immense Parc national quiborde la frontière canadienne.De ce qui avait autrefois été une communauté vibrante de vie, il nerestait que quelques bâtiments annexes et la structure massive qui ressemblait à un manoir, où
habitaientlesSagesresponsablesdenotrepetitecommunauté.Cemanoirservaitégalementd’aubergeàlaplupartd’entrenous.Nous avons toujours formé une société secrète.Même si nous nousmêlons au reste dumonde,
nous ne levons jamais le voile sur notre nature véritable. Peu de temps auparavant, nous avionscependant appris que le frère aîné de Lucas nous avait trahis en révélant notre existence à desscientifiquesdeBio-Chrome,unlaboratoirederecherchemédicale,biendécidésàcapturercertainsd’entre nous pour percer à jour notre métabolisme. Ils souhaitaient breveter et exploiter leurdécouverte afin d’en tirer des profits substantiels.Mais nous ne comptions pas passer les grandesvacancesàjouerlescobayessurleurstablesdedissection.Même si nous n’avions aucune nouvelle d’eux, depuis que Kayla et Lucas étaient parvenus à
échapper à leurs griffes, il aurait été illusoire de croire qu’ils avaient abandonné leur projet aussifacilement. Nous étions tous à cran car nous pressentions qu’une nouvelle confrontation étaitimminente,àlafaçondontlesanimauxpressententlatempête.Lanaturenousadotésd’unegrandesensibilitéaudanger,raisonpourlaquellenousn’avonspassubilesortdesdinosaures.Brittanyavaitraison,ilfallaitquejerestecalme,quej’arrêtedepenseràcerêvetotalementfouet
que je me concentre sur la discussion. Malheureusement, mon regard, que je laissais courir surl’assistance,acroiséceluideRafe.L’intensitéavec laquelle ilm’étudiaitm’a fait craindrequ’ilnesoit au courantdemon rêve.Sesyeuxnoirsmemettaient audéfi denepasdétourner la tête et deprendrelerisqued’êtresurpriseentraindelefixerquandj’auraisdûêtreentrainderéfléchiràunesolutioncontreàlamenacedeBio-Chrome.Àcetinstantprécis,ilm’aparuqueRafeconstituaitpourmoiunemenacebienplusgrandequen’importequelscientifique.Jesentaisquasimentsonregardquis’attardaitsurmapeau.J’auraisdûromprelecontact,maisje
refusaisdeperdrecelienpuissantquinousunissait.Jen’avaisjamaisrienexpérimentéd’aussifort.Tout a commencé à devenir flou autour de moi, les mots ne me parvenaient plus que déformés,commesij’étaissousl’eau.Lesbattementsdemoncœuraccéléraienttoutàcoup,puisralentissaientaussitôttantj’étaistroublée.J’avaisuneégaleenviedemeleverpourallerversluietdem’enfuirencourant.Rafes’exprimaitpeuaucoursdecesréunions,mais,jelerépète,iln’étaitpasdugenrebavard.En
saqualitédelieutenantdeLucas,ilétaitplusunhommed’actionqu’unthéoricien.Commed’habitude,une ombre de barbe accentuait son côté sexy, autant que ses yeux couleur caramel et son épaissechevelure lisse aussi noire qu’une nuit sans lune qui lui tombait sur les épaules. Quand il setransformait,ilétaitsplendide…etfatal.L’été précédent, je l’avais vu terrasser un pumaqui l’attaquait.Rafe s’était transformé et j’avais
alorspuvoirdemesyeuxdequoiceuxdemonespècesontcapablesquandilssontmenacés.Nousdevenonsagressifsetmortels.Mêmesoussonapparencehumaine,lapuissancequisommeillaitenRafemeterrifiait.Jenesavais
paspourquoijen’avaisquerécemmentcommencéàluiporterdel’intérêt.L’expression,dureste,estfaible. En vérité, il ne se passait pas cinq secondes sans que je pense à lui. Je m’inquiétaisconstamment de savoir où il se trouvait et j’étais dévorée par une curiosité que je n’avais jamaiséprouvée à propos d’aucun autre garçon, pas même Connor. Je voulais connaître les films qu’ilaimait,leslivresqu’illisait.J’avaisenvied’écoutersoniPodpourdécouvrirseschansonspréférées.Mais,par-dessustout,jebrûlaisdesavoircequejeressentiraiss’ilm’enlaçaitcommedansmonrêve,d’éprouverl’ardeurdesesbaisers.—Plus que quinze jours à attendre et, nous aussi, nous jouerons dans la cour des grands,m’a
murmuréBrittany,brisantlecharmequimemaintenaitprisonnièredesyeuxdeRafe.Avait-elleremarquéqu’ilaccaparaittoutemonattention?—Tun’aspaspeur?Vuquepersonnenes’estencoredéclarépourtoi…
Lalégendeveutquelesfillesnesurviventpasàleurpremièretransformationsiellesl’affrontentseules.Maisàpeinel’avais-jeprononcéequej’aiimmédiatementregrettécettephrase.BiensûrqueBrittanydevaitsefaireunsangd’encre,sansquej’aiebesoindeleluirappeler.Elles’estpourtantcontentéedeleverlesyeuxaucielensecouanténergiquementlatête,balançant
salonguetressecouleurcharbon.—C’estcomplètementvieuxjeu.Jenedevraispasavoiràattendrequ’untypesedécideàvenirme
voir.Jedevraispouvoirfairelepremierpas,moi.OnestquandmêmeauXXIesiècle!—Etquiseraitl’heureuxélu?Elle a hésité, et, pendant un instant, j’ai cru qu’elle allait lâcher unnom.Puis elle a simplement
haussélesépaules,commesiellen’avaitpasencorefixésonchoix.—Pasungarçonimposéparmesparents,entoutcas.Aïe !L’allusionà la façondontmesparentsetceuxdeConnoravaientencouragénotre relation
étaitplusqu’évidente.—CenesontpasmesparentsquiontchoisiConnor.—Regarde leschosesen face.Lesvacances, lescoursde sport, lesanniversaires…Vosparents
vousontfaitpasserleplusdetempspossibleensembledepuisquevousêtesnés.Impossibledelenier.Connoravaitparticipéàtouslesmomentsimportantsdemavie.J’avaisdes
photosdenousdeuxàDisneyWorld,àHawaï,auski…Lalisteétaitlongue.Jenecomptaispluslesétés passés à nous éclater tous les deux, là où nos parents nous emmenaient en vacances. Je mesouvenaisaussidel’horriblesensationdesolitudequandilavaitcommencéàtravaillercommeguidepour leParcnationalau lieudeveniravecmoi, l’annéedemesquinzeans.Ducoup, l’étésuivant,j’avais moi aussi rejoint le groupe des guides pour y assumer le rôle de sherpa, qui consiste àaccompagnerlescampeursdanslaforêtetàs’assurerqu’ilsnes’approchentpasdenosrepaires.—Ons’esttoujoursbeaucoupamusésensemble.Onest…bienassortis.—Bienassortis?Ondiraitquetuparlesd’unepairedechaussuresquivaavecunenouvellejupe!
Lechoixdetoncompagnonconstituecertainementladécisionlaplusimportantedetoutetavie.—Pourquoilemets-tuenquestion?Cequiapourconséquencedemefairedouter,mesuis-jedit.Ouétait-ceàcausedurêve?—Parcequecen’estpasjusteenversConnor,situnel’aimespasvraiment.—Etenquoiçateregarde?Elle a pincé les lèvres.Cela faisait desmois qu’elleme harcelait à propos dema relation avec
Connor,insinuantqu’entantquepetiteamie,jen’étaispasàlahauteur.—Oh,monDieu!Mais…tuesamoureusedelui?Avantqu’ellen’aiteuletempsderépondre,LucasWilde,notrechefdemeute,s’estretournépour
nousfoudroyerduregard.Ainsirappeléeàl’ordre,j’aihochélatêtedanssadirectionavantdemeconcentrerpourdebonsur laconversation.Une foisquenous lesaurions rejoints, lenombredesGardiens de l’Ombre s’élèverait à douze. Parmi eux,Kayla, Lucas,Connor,Rafe,Brittany etmoiformionsungroupedesherpashabituésàtravaillerensemble.C’étaitjustementenjouantlesguidespourleschercheursdeBio-Chromequenousavionspercéàjourleursvéritablesintentions.—Nousnepouvonspasfairegrand-chosepourlemoment,étaitentraindedireConnor.Il ne semblait pas lemoins dumonde impressionné de prendre la parole devant les trois Sages
assis devant lui, vivantes incarnations de savoir et d’expérience.Malgrémoi, j’ai ressenti un petitpincementdefierté.—LeDrKeaneetsonéquipeontquittélaforêtvoilàquinzejours.Peut-êtrequ’ilsontbaisséles
bras?acontinuéConnor.LeDrKeaneétait ledirecteurdesrecherchesdeBio-Chromeet l’instigateurduprojetdontnous
devionsêtrelescobayes.Sonfils,Mason,constituaitl’autrerouageessentiel.
—À mon avis, ils sont plutôt en train de se réorganiser. Je ne serais pas surpris de les voirréapparaîtresouspeu,aditLucas.—Jesuisd’accord,aenchériKayla.Lucas lui a souri avec affection et lui a pris lamain sous la table, à l’insu des Sages. Avec sa
chevelure rousseexubérante, ellenepassaitdéjàpas inaperçue,mais sous le regarddeLucas, elledevenaittoutsimplementmagnifique.— Croyez-moi, Mason est absolument obsédé par l’idée de capturer l’un d’entre nous pour
découvrirlesecretdenotrepouvoirdetransformation,acontinuéKayla.Riennel’arrêtera.Ilsvontreveniretnousdevonsnoustenirprêts.Pendantunmoment,audébutdel’été,Kaylas’étaitrapprochéedeMason,peut-êtredansl’idéede
faire de lui son petit ami. Il va sans dire que l’affaire avait tourné court quand elle s’était renducomptequ’ellen’étaitriendepluspourluiqu’unappâtdestinéàcapturerLucas.Impossible,aprèsça,del’imagineravecquiquecefûtd’autrequecedernier.LeSageWilde,legrand-pèredeLucas,s’estlevé.—Nousresteronsvigilants,dit-il.Nosviesdépendentmaintenantdelasagacitéquedéploierontles
Gardiens de l’Ombre pour assurer notre sécurité. J’ai une confiance totale en vos capacités. Àprésent, il est temps de célébrer le solstice d’été pour lequel tant d’entre nous se sont réunis ici.Oubliezvossoucisetprofitezdecettesoirée,a-t-ilconcluenécartantlesbras,commepourtousnousembrasser.—Iln’estpassérieux,là?achuchotéBrittany.— Le Sage Wilde ne connaît pas Mason ni son père. Il ne mesure pas à quel point ils sont
dangereux,ai-jerépondu.—Tucroisquec’estpossible?Desynthétiserunsérumquidéclencheraitlalycanthropie?—Jenesaispas,maisilnes’agitpasd’unvirus.C’estgénétique.Soittuaslebongène,soittune
l’aspas.—Ouais.Pascoolpourceuxquinel’ontpas,a-t-ellemarmonné.—Oui,maisnous,ons’enfiche.Jemesuislevéepourm’avancerversKaylaquisedirigeaitversnous,rayonnante.—Dequoivousparliez,touteslesdeux?Dites-moivite,jesuistropjalousedevosmessesbasses!—Riend’important,ai-jerépondu.—Exactementcequejeluidisais,aconfirméBrittany.Ce qu’elle disait, c’était que je n’avais pas suffisamment mûri ma décision quant à mon
compagnon,etsoninsistancecommençaitàm’agacer.Elleavaitintérêtàchangerdedisque.Etpeut-êtrequesiellearrêtaitdes’occuperdemesaffaires,ellesetrouveraitquelqu’un.—Maistudisaisquoi?alancéConnorprèsdemoi.Je me suis raidie, inquiète de sa réaction si Brittany lui expliquait sa théorie concernant les
manigancesdenosparentspournouspousserdanslesbrasl’undel’autre.—Non,rien,s’est-ellecontentéederépondre.Jeme suis détendue. Elle n’avait pas l’intention de révéler son opinion sur la sincérité demon
affectionpourConnor.Jenevoulaispasqu’ilendoute,parcequ’ilcomptaitbeaucouppourmoi,quoiqueBrittanypuisseenpenser.Lucas est arrivé derrièreKayla et a passé son bras autour de sa taille pour la serrer contre lui,
commes’ilnesupportaitpasdenepaslatoucher,neserait-cequ’uninstant.Pourquoin’enallait-ilpasdemêmeentreConnoretmoi?Timidement, j’ai parcouru la pièce du regard.Rafe était déjà parti, ce qui neme surprenait pas.
C’étaitunsolitaire.—Bon,prêtsàfairelafête?ademandéLucas.
—Turigoles?C’estmonpremiersolsticeparmivous,j’aienviedem’habillerunpeumieuxqueça,aminaudéKayla.—Tuesdéjàparfaite,a-t-ilditenlacaressantduregard.JemesuistournéeversConnor.—Jevaismechangeraussi,l’ai-jeinformé.—Onseretrouvetoutàl’heurealors,a-t-ilrépondu.QuelledifférenceentresontonetceluideLucas!J’essayaisdemerassurerenmerappelantqu’ils
nes’étaient rencontrésque trèspeude tempsauparavant,alorsqueConnoretmoiétionsensembledepuis toujours.Mais je ne pouvais m’empêcher de regretter cette étincelle d’excitation qui nousmanquait.—Quecetendroitestimmense!Jen’enrevienspas!s’estémerveilléeKaylacommenousnous
éloignionsdanslecouloir.Toutesceschosesquim’étaient si familièresétaient foncièrementnouvellespourelle : lesmurs
lambrissésdeboissombre,lesolenpierreuséparlesansetmêmegrifféçàetlà,lesportraitsdenosancêtresaccrochésauxmurs,représentésaussibiensousleurformehumainequ’animale.— Autrefois, notre clan habitait ici, a remarqué Brittany qui s’intéressait à l’histoire de notre
espèce,alorsquej’yétaisassezindifférente.Nousvivionsenautarcie.Puisl’industrialisationagagnéduterrainetnousavonscompriscequeallionsperdreenrestantisolés.—Voilàpourquoinousnoussommesjetésdanslagueuledugrandméchantmondemoderne,suis-
jeintervenue.—Cen’estpassimalqueça,aditBrittany.—Danscecas,pourquoigardons-nousencorenotreexistencesecrète?ai-jedemandé.—Parcequequandnousavonsvoulunousmontreraugrandjour,onnousatorturésetbrûlésen
tantquedémonsousorcières,aréponduBrittany.—C’estdel’histoireancienne,aditKayla.Lesmentalitésontévolué.—Commentas-turéagiquandtuasapprisnotreexistence?l’ai-jequestionnée.Ellearougicommeunpivoine.—J’étaisabasourdie.Etjedoisreconnaîtrequej’aiéprouvéunsentimentd’horreurendécouvrant
que j’étais comme vous.Maismaintenant que je sais que nous ne sommes pas des bêtes enragéesanimées demauvaises intentions, je trouve ça plutôt cool.Du coup, je pense que si les gens avaitl’occasiondecomprendrecequenoussommesvraiment,ilsnousaccepteraientpeut-être.—Oualorsilsepourraitqu’ilsveuillentnouscapturerpournousétudier.CommeBio-Chrome.—Sinotreexistenceétaitconnue,legouvernementnousprotégerait.—Nousassuronsnous-mêmesnotreprotection,aassénéBrittany.Nousl’avonstoujoursfaitetil
n’yapasderaisonqueçachange.—Unpeud’aideseraitlabienvenue,non?ainsistéKayla.—Cen’est pas à nous d’en décider, ai-je conclu en arrivant au bas du gigantesque escalier qui
menaitàlachambrequenouspartagions.Enplus,nousavonsunproblèmepluspressantàrésoudre:qu’allons-nousportercesoir?
2
Contrairement à Kayla, j’avais déjà assisté à plusieurs fêtes du solstice d’été. On y trouvait enabondancedelanourritureetdelamusiquecomplètementringardesurlaquellenosparentsaimaientdanser.Ceuxdemonâge,quiauraientpréférémourirplutôtqued’yprêterl’oreille,seréunissaientenpetitsgroupespourdiscuter,toutenessayantd’éviterlagénérationdesgrands-parents,quiavaienttendanceànouspincerlesjouesetànousrappelercombiennousétionsmignonsquandnousétionsbébés.—Bon,alors,qu’est-cequejemets?ademandéKaylaenfouillantdanssonsacdevoyage.—Untrucsexy,ai-jeréponduensortantundébardeurrougedemesaffaires.CommelesnuitssontfraîchesdansleNord,j’avaisl’intentiond’enfilermavesteblancheenjean
par-dessus.Je suis entrée dans la salle de bains, où Brittany était en train de se lisser les cheveux. En
randonnée, nous nous contentions habituellement d’une rapide queue de cheval ou d’une tresse,histoired’éviterlesnœuds.Maislàj’avaisl’intentiondelaissermeslongscheveuxblondsdétachés.Jemesuisapprochéedumiroirpourm’appliquerdumascara.Grâceaugrandair,j’avaisleteint
fraisetl’excitationdelasoiréeàvenirfaisaitressortirleséclatsvertsdemesyeuxnoisette.— Il se passe des trucs bizarres pendant cette fête ?Dois-jem’attendre, par exemple, à voir les
garçonssedéshabillerpoursetransformer?ademandéKaylaennousrejoignant,vêtued’unejupeenjeanavecunjolipetithautrose.—Siseulement!amarmonnéBrittany.Jelestrouveplusbeauxenloups.—Sérieusement?l’ai-jeinterrogée.—Benoui.Pastoi?J’airéfléchiuninstantàlaquestion.Elleavaitmisledoigtsurquelquechosed’essentiel,sansque
je comprenne au juste pourquoi. C’était comme si l’image qu’elle se faisait de nous divergeaitradicalementdecelledelaplupartdesMétamorphes.—Non,iln’yapasdedifférenceàmesyeux,quellequesoitlaformequ’ilsadoptent.Qu’est-ce
quetuenpenses,Kayla?— Je n’ai pas de préférence non plus, je crois. Pour moi, Lucas reste Lucas, peu importe
l’apparence.—Exactement,ai-jeconfirmé.—Peut-êtrequevousn’appréciezpasleloupeneuxautantquevousledevriez,arétorquéBrittany
avecunepointed’aciditédanslavoix.Allez,j’yvais.Elleaquittélapièceencoupdevent.Kaylam’aregardéeavecunairinterrogateuretj’aihaussé
lesépaules.—Ellen’estpasdanssonassiette,encemoment.Kaylaafroncélessourcils.—Parfoistunelatrouvesunpeu…Elles’estinterrompue.—Unpeuquoi?—Euh…disonsdifférente. Jemesensnaturellement liéeà toi.Or jen’éprouve riende telavec
elle.J’ai ressenti une pointe de culpabilité enversBrittany enm’avouant qu’elle dégageait parfois de
drôlesdevibrations.—C’estjusteparcequetunelaconnaispassuffisamment.—Çadoitêtreça.
UnefoisKaylaprête,nousavonsrejointl’endroitoùsepréparaitlafête.Onavaitmisunepiècedebœufàgrilleretunassortimentdelégumesetdedessertsavaitétédisposésurdestables.Lesgensdéambulaienttoutenmangeantetendiscutant.—Ondiraitungrandpique-niqueassociatif,acommentéKayla.—Plutôtuneréuniondefamille.Mêmesinousnesommespasparents,nouspartageonstousune
anciennemalédiction.—TucroisvraimentquelepremierLycanaétévictimed’unemalédiction?—Peut-être.—D’aprèsLucas,nousexistonsdepuislanuitdestemps.—C’estaussiunepossibilité.Brittanysauraitnousledire,ellepassebeaucoupdetempsàétudier
cestrucs-là.—Quelstrucs?ademandéConnorennousrejoignantavecLucas.Ilaprismamain,cequ’iln’avaitpas faitdepuisdessiècles.Avait-il remarqué, luiaussi,àquel
pointLucasetKaylaétaientproches?IlportaitunT-shirtvertpâleetunjeannoir.Ilétaitsuperbe.—Nosorigines,ai-jeexpliqué.—Ilestécritdanslevieuxgrimoirequenousavonstoujoursexisté,aditLucasenpassantsonbras
autourdelatailledeKaylapourlaserrercontrelui.—Levieuxgrimoireauqueltoiseulasaccès?l’ataquinéKaylaenlevantlesyeuxversluiavec
uneexpressiond’adorationtotale.—Non,touslesSagessontautorisésàleconsulter.Onleconservedansunesallespéciale.Bon,on
yva?J’aivoulusuivreKaylaetLucas;Connorm’aretenueparlamain.—Jepensequ’ilveut l’emmenerfaireun tour,a-t-ildit.Enprivé,a-t-ilajoutéd’un tonpleinde
sous-entendus.Malgrémoi,j’airessentiunpincementdejalousie.KaylaetLucasn’arrivaientqu’àgrand-peineà
nepassetoucherconstammentquandConnoretmoinouscomportionscommedevieuxcopains.—Tuesenbeauté,m’a-t-ilditavecunsourirepleindechaleur.—Contrairementàd’habitude,tuveuxdire?ai-jeplaisanté.—Tuestoujoursmagnifique,ettulesais.C’estpourçaqueRafenetequittepasdesyeux.J’ai senti mon estomac se nouer. Connor avait-il remarqué que depuis peu moi non plus je
n’arrivaispasàdétachermonregarddeRafe?—Jen’avaispasremarqué,ai-jementi.—Heureusementquetum’espromise,sinonjepourraisdevenirjaloux.Jemesuisdemandésiunepetitepointedejalousieneseraitpasutilepourallumerentrenousla
mêmeétincellequecellequiexistaitentreKaylaetLucas.— Allez, viens. Allons grignoter quelque chose, a dit Connor en me traînant en direction du
barbecueavecunenthousiasmequim’afaitrire.Combien de fois, durant toutes ces années, nous étions-nous précipités quelque part au prétexte
qu’ilavaitfaim?Aprèsavoirremplinosassiettesàrasbord,nousnoussommesinstalléspar terresousunarbre.
Nousavonsentaménotrerepasdansunsilencecomplice.—C’estmoiouilyaunedrôled’ambiancecetteannée?ai-jedemandéauboutd’unmoment.—C’estparcequepersonnenerit.Jemesuisaussitôtrenducomptequ’ilavaitraison.—AlorstupensesquecettehistoireavecBio-Chrome,c’estvraimentsérieux?l’ai-jequestionné
enespérantqu’ilrépondrait«non».
—J’enaibienpeur.Jenelesimaginepaslâcherl’affaire.Maisçanechangerienpournous,nousallonscontinuerd’accompagnerdescampeursdanslaforêt.Ilfautjustegarderàl’espritquecertainsd’entreeuxpourraientêtredesespionsàleursolde.J’yairéfléchiquelquesinstants.— Tu crois qu’ils soupçonnent d’autres membres de notre groupe d’être des Lycans comme
Lucas?—C’estdifficileàdire.—Àmon avis,Mason a lu beaucoup trop de bandes dessinées. Je suis sûre qu’il croit que la
morsured’unearaignéeradioactiveletransformeraitenSpiderman.—Parcequeceneseraitpaslecas?arépliquéConnorensouriant.Parjeu,jeluiaidonnéunetapesurl’épaule.Iladorelessuperhéros,sonpréféréétantIronMan,
parcequeenfait,ilestdépourvudesuperpouvoirs.Toutàcoup,ilm’aparucurieuxqueConnoraitun faiblepourun typequi, sanssonarmuredemétal,était toutaussi«normal»que le restede laplanète.—Tuesheureuxd’êtreunLycan?l’ai-jequestionnétoutàtrac.—Jen’yaijamaisvraimentpensé.Pourquoi?—ÀcausedetapréférencepourIronMan.Bon,jeferaismieuxdelaisserçaauxpsys.MespenséessontretournéesàBio-Chrome.—Nousdevrionspeut-êtreinfiltrerleurcamp…Connorm’adévisagée.—C’estuneexcellenteidée!—J’aiditçaenl’air.Etpuis,quiseraitassezfoupourseportervolontaire?—Quelqu’unquipensen’avoirrienàperdre—Brittany,peut-être,ai-jeditdoucement.Jeluiaitouchélegenou.—Connor,tuespoteaveclesautresgarçons.Pourquoiaucunnes’intéresseàelle?Ilahaussélesépaules.—Vasavoir.Maiselledégageuntrucbizarre.J’aifroncélessourcils.—Qu’est-cequetuveuxdire?Ilasoupirépuisenfournéunebouchéedeviandequ’ilamâchéelentement,commepourprendrele
tempsdedigérersespensées.—C’estdifficileàdéfinir.Elleestsexyetelletientunesuperforme.Ellesefarcitunfootingde
troisbornestouslesmatinsavantl’aube,elleenchaîneavecdespompesetparfoisdelamuscu,cequej’ai toujours trouvéunpeucurieuxpuisquenous sommesdes athlètesgénétiquementprogrammés.Alorspourquoicetentraînementd’enfer?Ils’esttuuninstantpourmieuxcernersapensée.—Maiscen’estpasça,leproblème.Quandjeteregarde,jesensunlienprofond,uncontactentre
nosâmes.Deloupàloup.Mêmequandj’airencontréKayla,ilyaeuce«bang»quim’apermisdelareconnaîtrecommel’unedesnôtres.Alorsqu’avecBrittany,rien,commecesfillesquejevoissurlecampusetdontjesaisaupremierregardquecesontdesStatiques.—Pourtant,elleestl’unedesnôtres,ai-jeinsisté.—Jesais,c’estabsurde,maisjenesuispasleseulàavoirl’impressionqu’elledégagedesondes
deStatique.—Maisc’estimpossible!SesparentssontdesLycans!Oudumoins,c’étaitcequejecroyais.Jeconnaissaissamère,maisjen’avaisjamaisvusonpère.
Nimoi, ni qui que ce soit. Il vivait enEurope, où il étaitmembre d’un autre clan. Ilme semblait
impensablequesamèresesoitmariéeavecunStatique,jen’étaismêmepassûrequ’unetelleunionpuissedonnerdesenfants.—Elledoitavoirsubiunesortedemutation.J’aisecouélatête,totalementsouffléeàcetteidée.—C’estl’unedesnôtres,ai-jerépété.—Hé,Connor!aappeléundesgarçons,interrompantnotreconversation.Maisnousenavionsfiniaveccesujet,detoutefaçon.L’idéemêmequ’ellenesoitpasuneLycan
étaittropbizarrepourêtreenvisagée.Àmaconnaissance,celanes’étaitjamaisproduit.—Lesparentsnousproposentunepartiedefoot.Pèrescontrefils.Çatetente?—Etcomment!—Alorsrendez-vousdanscinqminutesàlaclairière,a-t-ilditenpartant.—Tuviensnousregarder?m’ademandéConnor.—Biensûr.—Ettum’embrasseraispourmeporterchance?Jeluiaiadressécequej’espéraisêtreunsouriresexy.—Commesituavaisbesoindedemander…Ils’estalorspenchéetm’aembrassée.Commechaquefois, j’aiétésurprisepar lachaleurdesa
boucheetparleplaisirquejeprenaisàsonbaiser.Ils’estdétachédemoiavecunsourirejusqu’auxoreilles.—Tum’engardesunpeupourtoutàl’heure,d’accord?Quandj’auraimisuneracléeàmonpère.J’ai riet ilm’aaidéeàmerelever.Nousavonsdébarrassénosassiettesetpris ladirectionde la
clairière.Aprèsunrapidebaiser,ilarejointLucas,quil’attendaitencompagnied’autresGardiensdel’Ombre. J’avais toujours adoré le regarder bouger tant sesmouvements étaient vifs et empreintsd’élégance.Ilétaitlaperfectionincarnée.J’aipenséuninstantàchercherKaylaetBrittanyparmilesspectateurs,puisj’ailaissétomber.Je
n’étais pas d’humeur à supporter les critiques deBrittany ni le bonheur deKayla. J’étais contentepour elle qu’elle ait trouvé l’âme sœur en la personne de Lucas, un peu jalouse aussi, devant sescertitudes,moiquicommençaisàdouterdemessentimentsenversConnor.Jemesuisadosséeàunarbre,medélectantdesasolidité.Jesuisuneamoureusedelanaturesous
toussesaspects;j’ypuiseduréconfort,cedontj’avaisgrandbesoinàcemoment-là.Enregardantautour de moi, j’ai constaté que Connor avait raison. La bonne humeur habituelle faisait défaut,comme si tout le monde était conscient de la menace qui planait sur notre petite communauté siréticenteauchangement.Nousparlions toujoursde«compagnons»etseuls lesgarçonsavaient ledroitdesedéclarerpubliquement.Nousrespectionsdestraditionsd’unautreâge.Comme la nuit commençait à tomber, on a allumé quelques torches pour ceux d’entre nous qui
n’avaient pas encore vécu leur première transformation. Les autres bénéficiaient de l’excellentevisionnocturnedesloups,mêmesousleurformehumaine.Aprèslapremièretransformation,nousconservonsdéfinitivementlaplupartdessenssurdéveloppésdecetanimal.D’uncôté,jen’enpouvaisplusd’attendrecemoment,del’autre,celameterrifiait.Qu’allait-ilsepasser?Etsijemetrompaisdecompagnon?—Alors,quiestentête?Ausonfamilierdecettevoixrâpeuse,moncœurs’estemballé.Personne,àmaconnaissance,nese
déplaceaussisilencieusementqueRafe.Jemesuisretournéepourluisourireaussinaturellementquepossible,enespérantqu’iln’entendaitpaslesroulementsdetambourfrénétiquesdansmapoitrine.—Lesfils,jecrois.Pourquoitunejouespas?Ilaeuunedrôled’expressionetjemesuissouvenuequesonpèreétaitmort.—Jesuisdésolée,vraiment,je…
—Pasdeproblème.Cen’estpasunegrandepertepourlacommunauté.—Maispourtoi,si.—Mêmepas.Enfin,c’estmoiquisuistropvieuxpourçaouc’estlesolsticeleplusennuyeuxde
touslestemps?Son père était mort dans un accident de voiture parce qu’il conduisait en état d’ivresse. Il était
évidentqu’ilavaitenviedechangerdesujetdeconversation,cequej’aiparfaitementcompris.—C’estclairementleplusennuyeux.—Tuveuxallerfaireuntour?J’aimamoto.J’aiéprouvéunepointedeplaisiraussitôtréprimée.—Merci,maisjenepeuxpas.Troprisqué.Peut-êtreparcequejeneparvenaispasàmesortircerêvedelatête,ouàcausedela
façondont ilm’avait regardéependant la réunion…Alors sinousnous retrouvions seulsdans lesbois…En vérité, je neme faisais pas confiance. Céderais-je à la tentation ? Rafe éveillait enmoi une
pulsionquim’était inconnue. Ilmedonnaitenviedenoueravec luides liens intimes,personnels–privilègequ’avaitdéjàrevendiquéConnor.Surleterrain,Connors’estélancépourrécupérerunepassedeLucas.Lesacclamationsrestaient
discrètes, par peur d’attirer l’attention peut-être. De cachés, nous étions devenus paranoïaques,commesinousavionspeurdenotreombre.—Lematchvabiendurerencoredeuxbonnesheures,tusais.Notreénergieestlégendaire.Mais
lesplusvieuxsontcommelelapinDuracell:ilsdurentbeaucouppluslongtemps…,aditRafe.—Jesais,mais…—Allez,Lindsey,c’estjusteunebaladeàmoto.C’estquandmêmeplusfunquederesteradossésà
unarbre.Ilavaitraison.Jem’ennuyaisàmouriretnousétionsamis,touslesdeux.Jepouvaisparfaitement
faireuntouravecluisanstrahirConnor,non?Biensûrquesi.MaisjenevoulaispasfairedemalàConnor, et c’était la raison pour laquelle j’ai enfouimes doutes concernant notre relation au plusprofonddemoi.—Connoretmoi…—Jesais,m’ainterrompueRafe,avecunepointederegretdanslavoix.Vousêtespromisl’unà
l’autre,etilportetonnomtatouésurl’épaule.—Toiaussi,tuenasun.Quias-tuchoisi?Normalement,lesgarçonsdéclaraientlenomdeleurcompagneavantdeselefaireinscriresurla
peau,maisRafeétaitunrebelle.—Viensavecmoi,etjetelediraipeut-être,m’a-t-ildéfiée.—JeneferairienquipourraitdéplaireàConnor.—Jeneteledemanderaipas.Ilyavaitunerésignationdansletonqu’ilavaitemployéquim’échappait.Encoreunefois,jeme
suisdemandés’ilressentaitlamêmeattirancequemoi.Etjenepouvaispasniermacuriositéquantàsontatouage.—Jenepeuxpasm’absenterlongtemps,ai-jecédé.Dès que lematch finirait,Connorme chercherait et je ne voulais pas lui donner des raisons de
douterdemaloyauté.EtplusjepasseraisdetempsavecRafe,pluslerisqueseraitgrandquejefasseunebêtise.Commevérifiersisesbaisersétaientaussiébouriffantsdanslaréalitéquedansmonrêve.—Onferavite.Ilsnevontmêmepasremarquernotreabsence,a-t-ilpromis.Jemesuiscontentéedehocherlatête.
3
Lescheveux fouettéspar levent, telunvoilede soie flottantderrièremoi, jemesentais ivredelibertéetd’insouciance.LesbrasserrésautourdutorsedeRafe,j’avaislajouecolléecontresondoslargeet solide.Nous roulionsà tombeauouvert, tous feuxéteints. Jesavaisquec’étaitunpeu fou,maisjeluifaisaisconfiancepournepasnoustuerdanslaforêtenténébrée.MêmepourunLycan,savisionnocturneestexcellente.Je riais à gorge déployée, sans personne d’autre que Rafe pour entendre le son de ma voix
résonnerdanslesous-bois.Sonriretonitruantrecouvraitlemien.Toutecettejoieétaitmerveilleuseaprès la sinistre ambiance de la fête du solstice transformée, à cause de Bio-Chrome, en veilléefunéraire.RafeetmoiavonstouslesdeuxgrandiàTarrant,unepetitevillesituéeàl’entréeduParcnational.
Malgré nos deux ans d’écart, nous avons fréquenté lesmêmes écoles et avonsmême eu quelquescoursencommun.J’étaistrèsbonneélève,alorsqueluinon.Jesuisuneintelloetluiestunmanuel.Ilalaréputationd’êtreunasdelamécanique,uncrackencequiconcernelesmoteurs.Lapreuve
dece talent ronronnaitsousmesfesses :c’étaitunprototypede tout-terrainàdeuxrouesmotrices,quelespiresescarpementsneparvenaientpasàmettreendéfaut.Nousavonsprisunvirageparticulièrementserréautourd’untroncetjel’aiagrippéencoreplus
fort enme retenant de hurler.Mon cœur battait à toute allure sous lamontée d’adrénaline. Il s’estremisàrire,àcauseduplaisirqu’iléprouvaitàflirteravecledanger.Iln’apeurderien.Dansungranddérapagedelarouearrière,ilnousaarrêtéstoutenhautd’unefalaise,auborddu
vide.Ilaéteintlemoteurettoutestdevenusilencieux.Jesuisdescenduedelamotopourmeremettreles idéesenplace,mais jenem’attendaispasàcequemes jambes flageolent. J’ai failli tomberenarrière,etRafem’aattrapéeparlebras.Jenel’avaismêmepasvubouger,uneautreconséquencedelatransformation,quiconfèreunerapiditésurhumaine.Ilm’aattiréecontreluipourmesoutenir.Jesavaisquej’auraisdûlerepousseretpréférerlachuteàcetteétreinte.C’étaitmaldemeblottircontrelui,maisc’était sibon !Pourquoiétait-ce sidifférent avecConnor?Dans lesbrasdeRafe, jemesentaisensécurité,commesiriennepouvaitm’arriver.—Çavapasser,amurmuréRafe.Jel’aientendurespirermonodeur.L’odoratestl’undessenslesplusdéveloppésdesLycans.Nous
n’aimons pas particulièrement les parfums ou tout ce qui est artificiel. Nous réagissons auxphéromones,quiconstituentlaquintessenced’unepersonne.—Pourquoiest-cequeçanetefaitpaslamêmechose?luiai-jedemandé,lesoufflecourt.Être si près de lui m’empêchait presque de respirer, ce qui n’arrangeait pas mon équilibre
défaillant.—Parcequej’ail’habitudedefairedelamoto.Son odeur dense et puissante envahissait mes narines. La chaleur réconfortante de son corps
irradiaitàtraverssonT-shirtquilemoulaitcommeunesecondepeau.J’avaisenviedepasserlerestedelanuitblottiecontrelui,maistropderaisonsm’empêchaientdelefaire.Ouplutôt,uneseule,maisessentielle :Connor. Jamais jen’auraispu le tromperet j’essayaisdemeconvaincrequemapetiteescapadeavecRafeneconstituaitpasdéjàunetrahison.Jen’avaisrienfaitderépréhensible.Oùétaitlemalàfaireuntourdemotoavecungarçoncanonquis’étaitinvitédansmonrêvedelaveille?Jen’étaisquandmêmepasresponsabledemesrêves!—Çavamieux,luiai-jeassuréenlerepoussantdoucement.Ilm’alâchéeavecuneréticencemanifeste.Toutàcoup,j’aicommencéàcraindredem’êtremise
dansunesituationcompliquée.Peut-êtrequ’àsesyeuxjereprésentaisuneéchappatoireagréableàune
soiréeennuyeuse…Jel’aicontournépourmedirigeravecprécautionversleborddelafalaise,tâtantleterraindubout
du pied avant de peser de toutmon poids.Comme j’avais grandi près de ces bois, ils avaient faitofficedeterraindejeuetj’yétaischezmoi.Enregardantenbas,jenevoyaisqu’ungouffresombre,maisjesavaisqu’unepenteraiderecouverted’arbresetdebuissonsmenaitàunevallée.Seuleslesétoiles permettaient de distinguer le sol du ciel nocturne, qui était si immense qu’ilme faisaitmesentirminuscule.Rafes’estapprochédemoiàpasdeloup.—Troptardpourfairelevœudelapremièreétoile,j’imagine,a-t-ilditdoucement,savoixrauque
portéeparladoucebrisequisoulevaitmescheveux.—Ohoui,elleestapparueilyadesheures.—Laquellecrois-tuquec’était?Rafeétaitunguerrier,unprotecteur,unGardiendel’Ombre.Jen’auraisjamaisimaginéqu’ilse
laisseraitalleràfairedesvœux.J’aicependantlevél’index.—Celle-là,prèsdelaGrandeOurse.—Elleferal’affaire.Jesouhaiteque…J’aiviteposéundoigtsurseslèvreschaudes.—Situledisàvoixhaute,ilneseréaliserapas.—Commeilteconcerne,ilneseréaliserapasdetoutefaçon,saufsitul’entends.Ànouveau,jemesuisreprochéd’avoirquittélafêteetdem’êtremisedanscepétrin.J’ailegoût
durisque,maisleschosescommençaientvraimentàsecompliquer.Nousentrionsdansunterritoireinconnuaussiexcitantqu’effrayant.—Nedisrienquetupuissesregretterplustard,l’ai-jeprévenu.—Jepensetrèssouventàt’embrasser.Pas vraiment ce que je souhaitais entendre. Bon, trêve d’hypocrisie…Comme n’importe quelle
autrefille,j’appréciaisl’idéequ’ungarçoncraquantaitenviedem’embrasser.— Tu ne devrais pas, ai-je insisté avec entêtement pour essayer de garder sous contrôle une
situationquicommençaitàm’échapper.—Jenedevraispasnonplustevouloirpourcompagneetpourtantc’estlecas.Son aveum’a abasourdie.Certes, nous avions passé pasmal de temps à nous observer,mais il
n’avaitjamaismanifestéouvertementsessentiments.J’aieul’impressionquelesolsedérobaitsousmespieds.—Maisalorslafilledonttuastatouélenomsurtonépaule…Les symboles celtiques que nous utilisons sont très complexes et indéchiffrables àmoins d’être
expliqués.—Allons,Lindsey,jesuiscertainquetuascompris.J’enaieularespirationcoupée.— C’est moi ? Mais pourquoi ? Tu savais pourtant que Connor et moi… que nous étions…
Pourquoimechoisir,moi?—Parcequec’esttoiquejeveux.Ilyavaitune telleassurancedans savoix,une telleabsencededoute…Comment faisait-ilpour
êtresisûrdelui?—Tune…Tuneparlespassérieusement!Voyons,Rafe,tusaisbienquejesuisavecConnor.—Pourquoi?Parcequetuastoujoursétéaveclui?Ets’iln’étaitpaslebon?S’iln’étaitpasle
compagnonquiteconvient?L’entendreénoncermespropresdoutesàvoixhauteadéclenchémacolère.
—Pourquoimedireçamaintenant?Pourquoinepasl’avoirfaitunanplustôt,avantqueConnornesedéclare?—Parcequel’annéedernière,jel’ignorais.Lapremièrefoisquejet’aivue,enrentrantdelafac,
c’étaitcommesilecielm’étaittombésurlatête.J’aiessayédeluttercontrecette…attirance,crois-moi.Maisellenefaitqu’empirer.J’étaisbouleversée.Jenesavaispasquoirépondreetmonesprittournaitàvide.—Çanet’arrivejamaisd’avoirenviedem’embrasser?a-t-ildemandé.Monrêvearesurgiavecforce.Manifestement,moninconscient,lui,avaitfaitplusquel’envisager,
maisjen’étaispasprêteàlereconnaître.—JesuisavecConnor,ai-jerépété,butée.Je sortais avecConnordepuis l’âgede seize ans.Pourmoi, il était commeunvieux jeanqu’on
continueàportermêmetoutrâpéetdélavéparcequ’aufildutempsilaprislaformeparfaite.—Tunerépondspasàmaquestion,a-t-ilinsisté.—CeneseraitpasjusteenversConnor.Jen’avaispasl’intentiond’enadmettreplusetjen’allaissurtoutpasluidirequ’àcetinstantprécis
riennemetentaitplusquedel’embrasser.Ilapousséunprofondsoupir.—SiseulementConnorétaitunsaletype,leschosesseraientbeaucoupplussimples,ilmesuffirait
deledéfier…—Pasquestion!ai-jepresquecrié,auborddelapanique.Noussommeshumains,maisnostraditionsrelèventdumondeanimal,etpournous,undéfinese
lancepasàlalégère.Undéfi,dansnotremonde,signifieuncombatàmort.—Doncilcomptepourtoi,a-t-ildit,apparemmentsurpris.—Biensûrqu’ilcomptepourmoi.—Maisest-cequetul’aimes?Alorsquej’auraisdûrépondreparun«oui»tonitruant,mesdoutesontrefaitsurface.Aimais-je
Connord’amour?Rafecontemplaitlecielcommes’ilallaitydécouvrirlaréponsequ’ilattendait.Lafaiblelumière
ducroissantdeluneetdesétoilesdessinaitlalignevolontairedesonmenton,sonnezdroit.Toutdanssasilhouettedégageaitdelapuissance.Ilavaittoujourssembléplusvieuxetplusfortquelesautres.Peut-être parce que, avant d’être sherpa, il avait travaillé dans le garage de son père. Il y bossaitencorelanuit.Ilm’arrivaitsouventd’yvoirdelalumièreenpassantetàl’occasionj’avaissongéàm’arrêter,mais,toutcommemaintenant,jesavaisquec’étaitunemauvaiseidée.Àl’instardesStatiques,lesnôtresexercentuneprofessiondanslemondeextérieur.Monpèreest
avocatetpartageuncabinet florissantavec lepèredeConnor.Jen’ai jamaismanquéderienalorsque Rafe a toute sa vie désiré des choses qu’il n’avait pas les moyens de s’offrir. S’intéressait-ilsoudainàmoiparcequej’étaisinaccessible?Aulieuderépondreàsaquestion,j’aitentéuneinterprétationdemoncru.—Peut-êtreme veux-tu parce que tu sais que c’est impossible. La tentation du fruit interdit, en
somme.Ils’estdéplacépourmefaireface.—Tulecroisvraiment?—Jenesaispas.Peut-être.— Il serait très facile de le découvrir… Embrasse-moi, m’a-t-il défiée. Si c’est le cas, un seul
baiserdevraitrassasiercettefaimquej’aidetoi.—Faim?Ondiraitquetut’apprêtesàmedévorer.
—Etcen’estriencomparéàl’instinctprimairequejeressens,Lindsey.Commesileloupenmoinepouvaitpluscontenirsonimpatiencedevoirletienémergerenfin.—Ilnes’agitqueduloup,alors?—Lesdeuxsontliés.Cenesontpasdeuxêtresdifférents.Jesuishumainetjesuisloup.Jen’arrête
pasdepenserà toi, jeveuxsanscesse t’embrasser…Jeveuxêtreavec toipour tapremièrepleinelune.Son intensitéme terrifiait.Contrairement àConnor, toujours le rire auborddes lèvres,drôle et
taquin,Rafeétaitsombre,inquiétantetsérieuxàl’extrême.Jemesuistournéeversluiet,brusquement,lesols’estéboulésousmespieds.J’aicriéenagitant
lesbrasdanslevidealorsquejecommençaisàtomber.Rafem’aattrapéemaisj’étaisdéjàtropbaspourqu’ilpuissemeremontersurlacorniche.Alorsils’estenrouléautourdemoipourm’accompagnerdansmachuteverslefonddugouffre
obscur.
4
Àmagrandesurprise,laréceptionn’apasétéaussidouloureusequejel’avaisimaginée.Rafeavaitamortima chute, tel un bouclier protecteur. J’avais atterri à califourchon sur lui, son bras encoreserré autour demes épaules.Mon visage était enfoui au creux de son cou et son odeur enivranteemplissaitmesnarines.Immobilecommeunepierre,ilalaissééchappéungrognementsourd.—Çava?luiai-jedemandé.—Ouais.À sa façon d’expulser lemot, j’ai compris que je l’empêchais de respirer. Pourtant, je n’ai pas
bougé, ravie de sentir son corps ferme sousmoi. Il aurait suffi qu’il tourne un peu la tête, que jerelèveàpeinelamienneetnosbouchesseseraienttouchées…—Tun’auraispasdûmeracontertoutça,Rafe,luiai-jechuchoté.Alorsquejecherchaisàleréprimander,ilyavaitplusdedouceurquedecritiquedansmavoix.—Ilfallaitquetusaches.—Ilesttroptard.—Non,c’estfaux,a-t-ilrétorquéavecforce.Nousavonsjusqu’àlaprochainepleinelune.JenepouvaispasfaireçaàConnor.EtquantàcequejeressentaispourRafe,ehbien,c’étaitpeut-
êtredûàunecrisededémencepassagère.—Jet’aivuem’observer,a-t-ilajouté.Jemesuisditquetupartageaispeut-êtremessentiments.—Tuveuxlavérité?Jen’aipaslamoindreidéedecequejeressens.J’airampésurlecôtépourm’asseoirprèsdelui.Ilfaisaittrèsnoir,maisunnouveaugémissement
m’aapprisqueRafes’étaitredressé.—Tuessûrqueçava?l’ai-jeinterrogédenouveau.—Pastropmal.Quevoulait-ildire?Cependant,commeilyavaitunetouched’énervementdanssavoix,jen’aipas
insisté.Sonegoenavaitprisuncoup.J’avaisenviedeluiparlerdemonrêve,deluiconfirmerquejel’avaisobservéetquejepensaisbeaucoupàluidepuisquelquetemps,maiscegenredeconfessionneferaitqu’empirerleschosesetrendrelasituationencoreplusdifficilepournousdeux.MieuxvalaitoubliertoutecettesoiréeetretourneràWolfordsanssefaireremarquer.—Bon,commentfait-onpourrentrer?luiai-jedemandé.—J’yvoiscommeenpleinjour.Jevaisteguider.Jemesuisrelevée,ilm’aprislamainetl’aplacéedanssondos.—Accroche-toiàmaceinture,commeçatun’auraspasdedifficultéàmesuivre.—Ceneseraitpasplussimplequetutetransformesenloup?—Pas avantd’être arrivésdansunezoneéclairée.Tupourraispeut-êtreutiliser lepharedema
moto…—Jenecomprendspas.—Lindsey,jemesuismalreçutoutàl’heure.Jecroisquej’ailebrascassé.—Oh,monDieuRafe!Maispourquoinel’as-tupasditplustôt?—Parcequeçan’yauraitrienchangéetquejenevoulaispast’inquiéter.—Quelleattitudede…mec!Ila ri,alorsque j’étaisauborddes larmes.Jecomprenaismieuxsadifficultéàparler : il luttait
contre ladouleur.J’hésitaisentremeradoucirparcequ’ilcherchaitàm’épargneretm’indignerdesonentêtementàsetairequandilavaitmanifestementbesoind’aide.J’aidécidéderesterneutrepourluidemandersic’étaitsérieux.
—Assezsérieuxpouravoirbesoinquetumaintienneslesdeuxboutsdel’osenplacependantunmomentaprèsmatransformation,afinqu’ilseressoudecorrectement.L’un des avantages de notre forme animale réside dans la rapidité avec laquelle les cellules se
régénèrent.Àmoinsderecevoiruneblessurefataleàlatêteouaucœur,ouencored’êtreattaquéavecunearmeenargent,nousguérissonstrèsvite.—Ondevraits’enoccuperavantdetenterderemonterlà-haut,luiai-jedit.—Tunevasrienyvoir.Ce qui n’était pas forcément une mauvaise chose, étant donné qu’il lui fallait se déshabiller
entièrementpourpouvoirsetransformer.—Ilmeresteletoucher.C’estquelbras?—Legauche.Super.Ilétaitgaucher.Ilallaitluifalloirgrimpertoutenhautavecunseulbras,etencore,passon
plus costaud. Commemamain agrippait toujours sa ceinture, j’avais un bon point de départ. J’aidélicatementpassélamainsoussonT-shirt,remontélelongdesondos,puissursonépauleetenfinsonbras…—Oh,monDieu,Rafe!ai-jecriéquandmesdoigtssontentrésencontactavecunesorted’arête
tranchantequidevaitêtredel’os.Ilaprisuneinspirationnerveuse.J’aisentil’odeurmétalliquedusangetmamains’estcouverte
d’unliquidechaud.L’osavaittranspercélapeau.—Tucroisquetuaslebrascassé?!—Jenevoulaispast’inquiéter,a-t-ilrépété.J’enaieuleslarmesauxyeux.Ildevaitsouffrirlemartyre.Aussidoucementquepossible,j’aifait
passersonT-shirtpardessussatêtetandisqu’ilretenaitungémissementdedouleur.Pourlapremièrefoisdepuisdessemaines,j’auraisvouluqu’unebellepleineluneilluminelecielafindemieuxyvoir.Aulieudecela,leminusculecroissantetlesraresétoilesquinoussurplombaientnem’aidaientpasbeaucoup,pasplusquedenoustrouvertoutenbasdelafalaise,aumilieudesarbresetdesbuissons.UnefoisdébarrassédesonT-shirt,iladit:— Je peux me charger du reste. Attends-moi là et quand je reviendrai, tu devras chercher la
blessuresurmapatteetmaintenirl’osenplace.—D’accord.SonT-shirt toujoursà lamain, jemesuiseffondrée sur le sol, lespieds repliés sousmoi.Cette
histoiresonnaitleglasdenosplansdedisparitiondiscrète,alorsquenousaurionscertainementdéjàétéderetoursijel’avaislaissém’embrasser.J’aientendulesbuissonsbruisserquandRafeaenlevésesbottesetsonjean.Jemesuisinterditde
l’imaginernu.Satransformationneprendraitmêmepasuneseconde,elleseraitplusrapidequejenepouvaisl’imaginer.C’étaitàpeinesijepouvaisdevinersasilhouettelorsqu’ils’estavancéversmoisouslaformed’un
loupquiboitait.J’étaissoulagéequelafaiblelumièredelalunenemepermîtpasdevoirladouleurdans ses yeux.Quand il a posé sonmuseau surmes cuisses, j’ai enfoncémes doigts avec la plusgrande douceur dans son épaisse fourrure en suivant la courbe de son épaule jusqu’à sa patteantérieuregauche.—Çavavraimentfairemal,jesuisdésolée,luiai-jeditenreplaçantd’uncoupsecl’oscassé.Ils’estraidi,maisn’apasémisunson.Mêmesoussaformeanimale,ilrestaitunsacrémacho.—Çadevraitallermaintenant,ai-jeaffirmésanspouvoirretenirunrired’autodérision.Jenesais
paspourquoijecontinueàparleràhautevoix,parceque,maintenant,tupeuxliremespensées,non?J’aimeraispouvoirlirelestiennes.Oupeut-êtrequenon,parcequ’ellesdoiventêtresubmergéesparladouleur.
Quand nous nous transformons, nous devenons télépathes, ce qui nous permet de communiqueraveclesautresloups,etenbonus,delirelespenséesdetousceuxquinousapprochent.Pourmefairetaireoupourmerassurer,Rafealéchémonavant-bras,alorsquejebrûlaisd’envie
d’enfouirmonvisagedanssafourrurepourpleurer.Jenesupportaispasdelevoirsouffrirainsietdenerienpouvoirfairepourl’aider.Jemesentaistotalementimpuissante.Ilm’aléchédenouveau.—C’estpasdujeu,ai-jedit.Situcroisquej’ignorequec’estunbaiserdeloup,tutetrompes.J’aiessayédevidermonespritdansl’espoirqu’ilneperçoivepasleplaisirquejeressentaisàme
tenirprèsdelui,mêmeenloup.Puisj’aiprisconsciencequelesangavaitcessédecouler.J’aiprislerisquedepasserledoigtslàoùlachairétaitdéchirée:lapeauyétaitdouce,déjàguérie.Encequiconcernaitlesmusclesetlesos,celaprendraitcertainementunpeuplusdetemps.MalgrémeseffortspourdissimulermespenséesàRafe,jenepouvaispasm’empêcherd’admirer
sabeautésoussaformeanimale.Jel’avaisdéjàvuainsiauparavant,aussipeuimportaitl’obscurité.Messouvenirsmesuffisaient.Safourrureétaitaussinoirequesescheveux,sinoirequ’elleenprenaitparfoisdesrefletsbleunuit.Unefourruresuperbe,laplusbellequej’aiejamaisvue.LepelagedeLucasétaitunmélangedemèchesnoires,blanches,grisesetmarron.Connor,avec
sescheveuxblondsable,tiraitsurledoré.Etmoi,avecmescheveuxblondplatine,quelgenredeloupje ferais ? Allais-je ressembler au loup arctique ? Allais-je être belle ou devrais-je me contenterd’êtrebanale?Bonsang,jegaléraisdéjàbienassezcommeça,avecmacoiffure,monmaquillageetmeshabits,
pour être sûre de toujours avoir l’air sexy, je n’allais pas en plusmemettre à paniquer surmonapparencedeloup…Rafeapoussémonbrasduboutdesonmuseaupourmefairecomprendrequejepouvaislâchersa
patte.Jeluiaicaressélecou.Safourrureétaitsoyeusesousmesdoigts.—Tudois être épuisépar leprocessusdeguérison, sanscompter la transformation.Repose-toi
encoreunpeu,luiai-jeconseillé.Tuesbeau,ai-jepensé.Jamaisjen’auraispuleluidireàhautevoix.Delamêmefaçonquejene
luiauraispasavouéquejeletrouvaiscanonsoussaformehumaine.Mespenséesprenaientuntourdangereux,interdit.Pourymettrefin,jemesuismiseàfredonner
unechansondeNineInchNails,dansl’espoirdenoyermoncerveausousunedéferlantederythmeschaotiques.Rafes’estécarté,meprivantdesachaleuretde ladouceurdesafourrure.J’aurais tantvoulu le
rappeleràmoi.Quelquechoseaatterrisurmescuisses.—C’estmeshabits.Ilavaitreprisformehumainepourmefairesavoirquesonbrasétaitguéri.—Accroche-toiàmafourrure.Jesuisplussolideetj’ailepiedplussûrsousmaformedeloup.Le temps de faire un ballot de ses vêtements, il s’était de nouveau transformé etme poussait la
jambedumuseau.J’aiempoignéunegrossetouffedepoilsetl’ailaissémeguider.L’ascensionétaitlenteetpénible.J’aiperdul’équilibreàplusieursreprises,cequim’afaitglisserdequelquesmètres,maisilm’aencouragéeensilencepardepetitscoupsdetêtejusqu’àcequenousarrivionsenfinausommet.J’aiposésesvêtementsprèsde lacornicheet jemesuisapprochéede lamoto.Pendantqu’il se
transformait encore une fois pour se rhabiller derrière moi, j’ai vainement essayé de ne pasm’imaginerlascène.—Mercipourtonaide.J’aisursautéetmesuismiseàrireavantdemeretourner.—Jenet’entendsjamaisarriver.
—Noussommesfurtifsparnature, toujoursà l’affûtd’unéventuelprédateur,a-t-il répondu, lesyeuxbraquéssurmoi.Tuneveuxtoujourspastestermathéoriesurlebaiseravantderentrer,n’est-cepas?Plusquejen’osel’avouer,mesuis-jedit.—Non,c’estunetrèsmauvaiseidée.—Çadépenddupointdevue.Ilm’acontournéepourgrimpersursamotopuisadémarrélemoteur.Etcettefois,ilaalluméson
phare.—Grimpe.Tâchonsd’êtrederetouravantqu’onneremarquenotreabsence.Jecraignaisqu’ilnesoitdéjàtroptardpourça.Jesuismontéederrièreluietj’aiglissémesbras
autourdesataille.Ilatournélatêtesurlecôté.—Lindsey?—Oui?—Moiaussi,jetetrouvebelle.Il a fait rugir lemoteur et nous nous sommesmis en route avant que je puisse répondre. Tant
mieux,parcequejen’auraispassuquoidire.Maisduranttoutletrajetderetour,unechansonjoyeusem’atrottédanslatête.
5
En arrivant à Wolford, Rafe a déverrouillé le portail au moyen d’une carte magnétique, ajoutrécentànotresystèmedesécurité.Danslazonedeparking,ilnerestaitplusquedeuxoutroisjeepsou4×4:ilétaittardetlafête
étaitterminée.Lesilencerégnaitalorsquenousavancionsverslegrandmanoir.—Vas-yd’abord,m’aditRafeens’arrêtant.Ilnefautpasqu’onnousvoieensemble.—Tuasraison.Quelle catastrophe si nous tombions par hasard surConnor !Aucune explication ne tiendrait la
route.—Mercidem’avoirsoustraiteunmomentàlamorositéambiante.—Oui,etd’avoirfaillitetuer,cefaisant.—C’estmafaute,vraiment.J’aiassezrandonnédanscetteforêtpoursavoirqu’ilnefautjamaisse
tenir tout au bord d’une falaise, ai-je répondu en riant. Je voulais te demander si tu avais pensé àBrittany,tusais,commecompagne.Elleestdisponible.—Qu’est-cequeturacontes?s’est-ilesclafféavecunriresarcastique.—Jeteproposeunesolutionderechange.—Je n’enveuxpas. Je ne ressens pas ce genre de faimpourBrittany.Elle ne suscite chezmoi
qu’unelégèrecuriositéetunedouceamitié.Jemedemandejamaiscequeceseraitdel’embrasser,jen’éprouvepaslebesoindem’allongerprèsd’ellepourenroulermoncorpsautourdusien…Ils’estpenchéversmoipoureffleurermajouedeseslèvres,toutenrespirantprofondémentmon
odeurdansungested’uneintimitéenivrante,avantdecontinuer:—Sonodeurmelaissefroid,jenerêvepasd’elle.C’esttoiquejeveux.Avant que je ne puisse lui répondre, il a tourné les talons et s’est éloigné.Mon cœur battait la
chamadeetmabouche était sèche.À l’évidence, il nebaissait pas lesbras et jene savaispas si jedevaisenêtreflattéeoum’eninquiéter.Pourunpeu, jemeserais lancéeàsapoursuitepour tenterde leramenerà laraison.Aulieude
cela, je l’ai laissépartir, refusantde reconnaîtrequ’au fonddemoi j’étaisheureusequ’il ait rejetémonidéeàproposdeBrittany.Qu’est-cequimeprenait?Àl’intérieur,quelquesrareslampesétaientrestéesalluméesetriennetroublaitlesilence.Toutle
mondedevaitêtreendormi.Jemesuisdirigéeversl’escalier.—Lindsey?Connor!Moncœurs’estpresquearrêté.Jemesuisretournéepour ledécouvrirsur lepasde la
portedel’antichambre.J’aiavalémasaliveàgrand-peineavantdeluidirebonsoir.Ils’estapproché.—Oùétais-tupassée?Jet’aicherchéepartout.J’aihaussélesépaules.—L’ambianceétaitsiglauquequej’aieuenviedem’isolerunmoment.Ilm’adévisagéeavecsesbeauxyeuxbleuoutremer,etpendantuninstant,j’aieul’impressionqu’il
étaittriste.J’auraisvoulum’excuserd’êtrepartieavecRafe,maisj’aicraintd’aggarverleschoses.Ilétait essentiel pourmoi denepasblesserConnor, ce qui arriverait à coup sûr si je lui révélais lavérité.Ils’estcontentédehocherlatête.—Jevoulaistedirequetouslessherpasdoiventrepartirdemainmatinversl’entréeduparcpoury
retrouverlegroupedescoutsquinousaengagés.Jemesuisditqu’onpourraitprofiterdelajeepdeLucas.—Çamarche.
—Trèsbien.Bonnenuitalors.J’aurais voulu ajouter quelque chose, mais la culpabilité me rongeait. Je me suis dépêchée de
monterl’escalierpourm’enfoncerdansl’enfiladedecouloirsquimenaitàmachambre.Audétourd’uncoude, j’aiaperçuKaylaetLucas langoureusementenlacésdevantunefenêtrebaignéedansladoucelumièredelalune.L’ambianceentreeuxétaitsichaudequej’étaissurprisedenepasvoirlesvitrescomplètementembuées.Perdusdansleuramour,ilsnem’avaientpasentendue.Jesuisrevenuesurmespasleplussilencieusementpossibleavantdem’accroupir,ledosaumur,
luttantcontreuneabsurdeenviedepleurer.Jen’aipasla larmefacile,mais toutàcoup, jemesuissentieterriblementseule.Pourquoi Connor et moi ne nous étions pas éclipsés pour une petite séance câlin ? Où était la
passionentrenous?Viendrait-elleaprèsmatransformation?J’airepenséàRafeetàl’enviequej’avaiseuequ’ilm’enlace,qu’ilm’embrasse,qu’ilmetouche.
Jemesuisrappeléladifficultéaveclaquellejem’étaisécartéedeluiquandtoutcequejesouhaitais,c’étaitdemeblottirdanssesbras.Maisilnedevaits’agirquededésir,unesimpleréactionphysique,alorsquel’amour,c’étaitplusqueça:unélandel’intérieur,ducœuretdel’âme.Lachoselaplusfondamentale,laplus…MespenséessesontarrêtéesnetquandLucasafaillibutersurmoi.—Oups!Oh,Lindsey,désolé!—Soyezplusdiscrets,laprochainefois,l’ai-jetaquinéenmerelevant.Ila lâchéunpetitgrognementgêné.Si lecouloirn’avaitpasétéaussisombre, j’auraispeut-être
mêmepulevoirrougir.C’étaitlegarçonleplussecretquej’aiejamaisrencontré.Jen’aiapprisqu’ils’intéressaitàKaylaqu’unefoisleurunionscellée.J’avais conscience que Lucas m’étudiait attentivement. Rien ne lui échappait et je n’étais pas
d’humeur.—Bonnenuit,ai-jedit.Avantquej’aiepufaireunpas,ilm’aattrapéeparlebras.—Çava?Tuasl’air…distraite.Comment réagirait-il si je luiavouaisdouterdemessentimentspourConnor? Ilétaitamiaussi
bienavecConnorqu’avecRafe,cequilemettraitforcémentdansunesituationdélicate.Jepréféraisnepastropdivulguerl’information.—C’est justeque jesuis tombéesurunescèneclasséeXetque j’aiessayédenepas lavoir.Et
maintenantjevaismecoucher.À mon grand soulagement, Lucas a lâché mon bras. En tant que chef de meute, il se sentait
responsabledechacund’entrenous,maisàmonavis,ilnepouvaitrienpourmoidanscecasprécis.KaylaétaitassisesursonlitetBrittanyfaisaitdesexercicesdegymsuruntapisdesol.Àenjuger
par la transpiration qui perlait sur son front, j’ai estimé qu’elle devait bientôt avoir fini ses centpompesrituellesavantlecoucher.Pourmapart,jepréféraismepelotonnersousmacouetteavecunbonroman.—Maisoùétais-tupassée?m’a-t-elledemandéentredeuxpetitesinspirationsrapides.—J’étaisavecConnor.—Bizarre,parcequ’iltecherchaitpartout.Jemesuisjetéesurmonlitavantd’enlevermestennis.—J’avaisjusteenvied’êtreunpeuseule.Elleaarrêtésespompespourfairedesétirements—Alorspourquoituneledispastoutsimplement?Àcausedemonsentimentdeculpabilité,ai-jepensé.—Parcequejen’aimepaslesinterrogatoires.
—C’étaitjusteunequestion.Pourtenterdemedécontracter,j’airoulélesépaules.—Désolée.CettehistoireavecBio-Chromemeportesurlesnerfs.J’ailancéuncoupd’œilendirectiondeKaylaquibrossaitseslongscheveuxroux.—Normalement,lafêteduSolsticeestplus…festive.—Moi, jemesuisbienamusée!s’est-elleexclamée.J’aipuparleravecdes tasdegensquiont
connumesparents.Mesparentsadoptifs sont superet tout,maisavantcetété, jenem’étais jamaissentievraimentàmaplace.Alorsqu’icij’ail’impressiond’êtrederetourchezmoi.LesparentsdeKaylaétaientmortsquandelleétaitpetiteetelleavaitétéadoptéepardesStatiques.
Découvrirl’existencedesLycansavaitdûêtreunsacréchoc.J’aiattrapémonsacàdospourensortirundébardeuretunshortencoton.Aprèslesavoirenfilés,
jemesuisassiseentailleursurmonlit.Brittanyavaitfinisaséance.C’étaitlemomentidéalpourunepetiteconversationentrefilles.—Dis-moi, Kayla, les garçons ne racontent jamais ce que ça fait de se transformer. Comment
c’est,lapremièrefois?—Oh!Commentt’expliquer?Elles’estadosséeàlatêtedelitavantdefermerlesyeuxencroisantlesmains.—C’estsiintense!Unmélangedeplaisiretdedouleur.Tunecomprendspasvraimentcequetu
ressenspuis…BOUM!Ilyaunesurcharged’énergieetsoudaintoncorpsauneformedifférente,tonespritestplus…aiguisé.Elleasouridoucementetrouvertlesyeux.—C’estgénial,a-t-elleconclu.—Ilparaîtqueladouleurestinsoutenable,estintervenueBrittany.Kaylaahochélatête.—Ellel’estsitul’affrontesseule,commelesgarçonslefont.Lucasmel’arenduesupportable.—Tupensesquetuauraiseuplusmalsitun’avaispasétéamoureusedelui?l’ai-jequestionnée.—Ce n’est pas quelque chose que j’aurais voulu vivre avec quelqu’un dont je n’aurais pas été
amoureuse.C’esttroppersonnel.Pile ce que je ne voulais pas entendre. J’avais de l’amour pour Connor, mais en avais-je
suffisamment?—Ondiraitquejesuisfichue,acommentéBrittany.Soitj’affronteçaseule,aurisqued’ylaisser
la vie, soit je vis une expérience ultra intime avec quelqu’un qui m’est indifférent, ce qui a l’airpresquepire.—Quelqu’unsedéclarerapourtoi,ai-jeinsisté.—Ilnerestequequinzejours!Enplus,jeneveuxpasdupremiergarçonvenu.Jeveuxquelqu’un
quimeregardecommeLucasregardeKayla,commesij’étaislahuitièmemerveilledumonde.Kaylaestpartied’unrireléger.—Ilmeregardevraimentcommeça?—Ohqueoui!ai-jeconfirmé.CelaavaitétécurieuxdevoirLucas,toujourssifortetsûrdelui,tomberamoureuxfou.Àl’instar
detouteslesfilles,jerêvaisd’ungarçonquiconsidéreraitquej’étaislafemmedesavie,avectoutceque cela comportait de romantique et de terrifiant. De nos jours, les filles ne sont pas supposéess’engageraussijeunes,maisnotreespèceestàpartetnotrephilosophedevieestfondéesurlanotiondedestin.—Ettuleregardesdelamêmefaçon,ai-jeajouté.Ungrandsourireestapparusursonvisage.—C’estbienpossible,jel’aimetant!
— Peut-être que le garçon destiné à être ton compagnon ne t’a tout simplement pas encoreremarquée,Brittany,ai-jerepris,tâchantd’êtrepositive.Ilétaittrèsrarequ’unefillearriveaussiprèsdelapleinelunesansqu’ungarçonsesoitdéclaré.—Oui,c’estça.Etilvatomberducielaucoursdesdeuxprochainessemaines,hein?Arrêtede
raconter n’importequoi.Bonnenuit, a concluBrittany avant d’éteindre sa lampede chevet, cequinousaplongéesdanslenoir.J’avais de la peine pour elle, mais elle n’aurait surtout pas voulu de ma pitié, parce qu’elle
cherchaittoujoursàprouversaforcedecaractère.J’étaisencoretropagitéepourmeglissersouslescouvertures.J’avaispeurdefaireunrêvedans
legenredeceluide laveille.Jemesuisapprochéedelafenêtrepour jeteruncoupd’œilentre lesrideaux. Toute cette conversation à propos de trouver son âme sœur et de traverser sa premièretransformationauprèsdequelqu’unquel’onaimevraimentm’avaitlaisséunesensationdevideetdeconfusion.Connorseraitàmescôtés.Pourquoicelanemerassurait-ilpas?Lebruitlégerdepiedsnussurlesolm’asortiedemesréflexions.—Toutvabien?achuchotéKayla.—Oui,ai-jerépondu,toutaussibas.Brittanys’endormaitgénéralementenunclind’œil,maisjenevoulaispasrisquerdelaréveiller,
parcequecontrairementàKayla,elleneviendraitpasmeréconforter.—Tusais,aprèslapremièretransformation,toustessenssontexacerbés,achuchotéKayla.—Oui,jel’aientendudire.Jenevoyaispasoùellevoulait envenir.Contrairement à elle, c’étaitmonunivers.Mesparents
étaientdesLycansetj’avaisgrandientouréedeLycans.—C’estl’odoratquis’estleplusmodifiéchezmoi.Depuis,quandj’entredansunepiècepleinede
gens,jesuiscapabledereconnaîtrel’odeurdechacund’eux.Commemaintenantparexemple.JesensdelégèrestracesdeConnoretunetrèsforteprésencedeRafe.J’étaisgrillée!—Etalors?luiai-jerétorqué,exaspéréeparsonodoratsurpuissantetunpeupaniquéeàl’idéeque
Connoraitpudétecterlamêmechose.C’étaitpeut-êtrepourçaqu’ilm’avaitparudistant.—TuaspassébeaucoupplusdetempsavecRafequ’avecConnor.Çanemeregardepas,maissitu
veuxenparler…Tuesmameilleureamie,jesuislàsituenasbesoin,m’a-t-elleditavecunegentillepressiondelamainsurmonépaule.— Je ne sais plus où j’en suis, Kayla. J’imagine que ce lien qui se crée lors de la première
transformation…—Celiendoitêtreprésentavantlapleinelune,Lindsey.Certes,ilserenforceensuite,maisillui
fautunsoclepréexistant.—Connorestquelqu’undebien,ileststableetjepeuxcomptersurlui.Cela suffisait-il ?Si je lui révélaismesdoutes, perdrais-je son amitié ?Me serait-il possiblede
m’enpasseraprèstoutescesannées?—Maistul’aimes,non?avoulusavoirKayla.Pourquoicettequestionn’avait-ellepasarrêtéderevenir toutau longde lasoirée?Etpourquoi
n’étais-jepasfichuedeluiapporteruneréponse?
Lelendemainmatin,j’airetrouvémesparentsaupetit-déjeuner.Danslasallederéception,onavaitinstallédespetites tablesrondesquipermettaientauxfamillesunecertaineintimité.Lamienneenaprofitépourmepassersurlegril.
—Onnet’apasbeaucoupvue,hiersoir,alancémonpèresuruntonlégerquinem’apastrompée,carjesavaisreconnaîtresarhétoriqued’avocat.Sescheveuxnoirsgrisonnaientauxtempes,cequiluiconféraitunairdistingué,malgrésesyeux
marronbraquéssurmoicommeceuxd’unloupsurunlapinenfuite.—Jetraînaisavecmesamis,commed’hab.—Connort’acherchéepartout,alâchémamère.Mêmeenpleineforêt,mamèredonnaitl’impressionqu’elleétaitsurlepointd’allerboirelethé
avec la reined’Angleterre.Oui,ma famille, commecelle deConnor, appartenait à l’élite denotreespèce. Il ne nous serait jamais venu à l’idée de nous mettre les mains dans le cambouis ; nousengagionsdesgenspourcegenredebesogne.Nousavionsmêmeemployé lepèredeRafe, avantqu’ilnesombredansl’alcooletnedevienneaussipeufiablequequerelleur.—Ilafiniparmetrouver,luiai-jeassuré.—Jenecomprendspas trèsbienpourquoi iladû techercher,a-t-ellecontinuéenreplaçantune
mècheblondedanssonchignonsophistiqué.—Lematchdefootmebarbait,j’étaisalléefaireuntour.—Sais-tuquel’odeurdelapeauchangequandonment?m’ademandémonpèreenbeurrantune
tartine,l’airderien.J’ai râlé intérieurement : impossible de garder un secret avec un tel entourage. J’ai décidé de
changerdesujet.—C’estpour çaque tugagnes tous tesprocès ?Parceque tu sensquandun témoin temèneen
bateau?—Enpartie,eneffet.Tusouhaitesrevenirsurtontémoignage?—Non,jelemaintiens.Ilm’alancéceregardacéréquidevaitégalementfairedeluiunténordubarreau.Sijen’yavais
pasétéhabituéedepuisl’enfance,j’auraistremblédansmestennis.Jesavaisqu’ilaboyaitplusqu’ilnemordait, sauf sous sa forme de loup. Là, il aurait pu déchirer la gorge de n’importe qui sansl’ombred’unremords.Lebruitcouraitquec’étaitarrivéunefois,àuntypequiavaittuédeuxadosets’enétaittirégrâceàunvicedeprocédure.Sic’étaitvrai,ilnel’avaitjamaisreconnu.Ilcroyaitàlaloiduplusfort,maisrespectaitstrictementcellesdesStatiques.—Jet’aiaperçueaveclejeuneLowellhiersoir,a-t-ilannoncéavecuncalmeimpressionnant.J’aisentilacolèrem’envahir.—LejeuneLowell?RafeestunGardiendel’Ombre!Ilprotègetesfesses!—Nemeparlepassurceton,Lindsey.Parfoismesparentspouvaientsecomporter…commedesparents!C’étaiténervant.—Pourquoitournerautourdupotetmetraitercommeunecriminelle?Unticaagitélesjouesdemonpère.—Crois-moi,machérie,jesuisnettementmoinscoulantaveclescriminels.—C’estjustequenousnousinquiétons,Lindsey,estintervenuemamèrepourcalmerlejeu.Etelleétaittrèsdouéepourarrondirlesangles.Elleétaitpropriétaired’unspadeluxequiattirait
presqueautantdetouristequeleParcnational.—Jesaiscequetuéprouves,a-t-ellecontinué.L’heuredetapremièretransformationestproche,
c’esteffrayant,maistuasConnoretvousêtesparfaitementassortis.Assortis ? J’ai repensé à la métaphore des chaussures qu’avait employée Brittany la veille. À
entendremamère,onauraitdituneviréedanslesmagasinspourmechoisirdesaccessoires.C’étaitlégèrementinsultant,tantpourConnorquepourmoi.—C’est-à-dire…?ai-jeinsisté.—Connorappartientànotremilieu,alorsquelafamilledeRafeestplus…ordinaire.
—Oui,sonpèreétaitunalcoolique,maispaslui.—Ilaétéarrêtépourvoldevoiture,aassénémonpère.J’avaisoubliécettehistoire.—Iln’avaitqueseizeans,etc’étaitjusteaprèslamortdesonpèredanscethorribleaccidentdela
route.Iln’arienfaitderépréhensibledepuis.—Ouplutôt,onnel’apassurprisenflagrantdélitpourautrechosedepuis.—Bon,Rafeestmonami,etaussiceluideConnor.Sivousavezl’intentiondeletraînerdansla
boue,jem’envais.—Tuétaisbienavecluihiersoir?m’ainterrogéemamère.—Ilnes’estrienpassé.Je savais que c’était ce qu’ils voulaient savoir : avais-je trompé Connor, mon petit ami, la
perfectionincarnée?J’airepoussémachaise.—Ilfautquej’yaille,lesautresvontm’attendre.C’étaitsuperdevousvoir.Mêmepasvrai.Avantquejepuissem’éclipser,mamèrem’aétreintebrièvement,sanspresquemetoucher.J’avais
entendudirequecertainesfamillesdeLycansseroulaientparterreensigned’affection,commedeslouveteaux.Pasmafamille.Ilm’arrivaitparfoisdemedemanders’ilsétaientàl’aiseaveclapartieanimaledenotrehéritage.—Tuveuxdel’argent?m’ademandémonpère,safaçonàluidedire«jet’aime».—Non,jetoucheunsalaire,tusais.Je l’ai embrassé, au cas où on nous regarderait. La tradition familiale voulait qu’on ne laisse
jamaisrienparaître. Ilétait trèsprobablequemonpèrebrigueunjour lepostedegouverneur.Parconséquent, nous ne devions pas prêter le flanc à un éventuel scandale, raison pour laquelle ilspréféraient Connor à Rafe. Connor était chef scout alors que Rafe avait tâté de la maison deredressement.J’aiprismonsacàdosetaifiléversleparking.LamotodeRafen’étaitpluslà,ildevaitdéjàavoir
prislaroute.Connor,aubasdesmarches,contemplaitlaforêt.—Vivelespetit-déjenfamille,ai-jemarmonnéenlerejoignant.—Àquiledis-tu!J’aieuunaccrochageavecmonpère,a-t-ilditd’unairlas.—Àproposdequoi?—Riendegrave.Maisn’était-cepaslegenredechosesquenousétionscenséspartager?—Jenet’aipasvudanslasalleàmanger,ai-jeremarqué.—Jelesaivusplustôt.LesSagesavaientconvoquéuneréunion.—Jen’étaispasaucourant.Ilahaussélesépaules.—Çaneconcernaitquelesgarçons.Brittanyavaitraison:nousétionsunesociétésexiste.—Etqu’est-cequevousmanigancez?Uneopérationsecrètetropdangereusepourlesfilles?ai-je
demandésanspouvoirdissimulermonirritation.—Oui,c’estsecret,maispasdangereux,àmoinsqueBrittanyn’yfourresonnez.—Ellen’estpaslaseulequisesentiravexéed’êtretenueàl’écart.—Cen’estpascequetucrois.—Alorsc’estquoi?l’ai-jepoussé.Ilareprissacontemplationdelaforêt.—Connor?Qu’est-cequisepasse?
—Promets-moidelegarderpourtoi.—Bienentendu.—Non,dis-le.—Jeprometsdetenirmalangue.Celaneluiressemblaitpasd’êtreaussimélodramatique.J’aicommencéàm’inquiéter.—LesAnciens se font du souci pourBrittany.Tu sais, parce qu’elle est seule pour…Alors ils
cherchaientunvolontaire.J’étaisconsternée.Vouloirlacaseravecquelqu’unpourquiellen’éprouveraitrien!Surtoutaprès
cequeKaylaavaitdit sur l’intimitéqui secréait lorsde la transformation.Connoravait raisondevouloirtenircelasecret,Brittanypiqueraitunecrisesiellel’apprenait.—Tuveuxdirequequelqu’unadûsedévouer?Àsonsilence,j’aicomprisquec’étaitexactementcela:pirequ’unmariagearrangé.—Ilyaeuunvolontaire?—Non,ilsontdûtirerausort.—C’estn’importequoi!—Écoute, elle n’est pas obligée de dire oui.Mais, en tout cas, il va rejoindre notre groupe de
sherpaspourvoirsil’alchimiepourraitsefaire…Pourça,oui!SiBrittanydécouvraitlesmanigancesdesSages,c’étaitl’explosionassurée!D’un
autrecôté,nousnepassionspasbeaucoupde tempsavec lesautresGardiensde l’Ombre,etc’étaitpeut-êtrel’occasionidéale.UncoupdeklaxonaretentietLucasaarrêtésajeep.Kaylaétaitsurlesiègepassager,Brittanysur
labanquettearrière.Connorm’aouvert laportière,commeonleluiavaitappris.Impossibled’imaginerRafefaisant
preuved’autantdegalanterie:ilauraitcertainementconsidéréquej’étaisassezgrandepourlefairemoi-même. Jeme suis installée pendant queConnor chargeait nos sacs à dos à l’arrière avant devenirs’asseoiràcôtédemoi.—Bon,qu’est-cequ’onfaitàproposdeBio-Chrome?ai-jedemandé.—Onrestevigilants,arépliquéLucas.—Onn’auraitpasplutôtintérêtànouslanceràleurpoursuite?—Pastantqu’onn’ensaurapasplussurleurcompte.J’ai regardé Connor qui a prismamain pour l’embrasser. Brittany s’estmise à gigoter,mal à
l’aise,cequim’afaitrougirjusqu’auxoreilles.—Ilparaîtqu’unnouveausherpavanousrejoindre,ai-jeditleplusnaturellementpossible.—Oui,aréponduLucasenrivantsesyeuxauxmiensavantd’ajusterlerétroviseurpourguetterla
réactiondeBrittany.Ils’appelleDanieletarriverademain.—C’estluiquivientdeSeattle,non?avoulusavoirKayla.—Toutàfait,aconfirméLucas.Daniel avait rejoint les rangs des Gardiens de l’Ombre l’été même et, bien que nous l’ayons
rencontré,nousnesavionspasgrand-chosesurlui.JemesuistournéeversBrittanyquiregardaitparlavitre,apparemmentindifférenteàlanouvelle.—Jesuisraviedesonarrivée,ai-jeavoué.Avectoutescespetitesscoutsquenousallonsdevoir
surveillernon-stopàpartirdedemain,touteaidesupplémentaireestlabienvenue.Lucass’estraclélagorge.—Enfait,ilvajusteremplacerRafequiaétéréaffecté.J’aijetéunregardfurtifendirectiondeConnordontlamains’étaitcrispéeautourdelamienneun
instant.—Jen’étaispasaucourant.
—C’estimportant?a-t-ilchuchotésansmeregarder.Toutdépendantdelaraisondesonchangementd’affectation.Oui,c’étaitimportantpourmoi,mais
jenepouvaispas le reconnaître sansexpliquerpourquoi.Cependant,quand j’aivu lamâchoiredeConnorseserrer,j’aieuladésagréablesensationqu’illesavait.
6
LeParcnationals’étendsurunpeuplusdevingt-deuxmillekilomètrescarrés,soitàpeuprèslatailleduNewJersey,sibienquenousn’enavonsatteintl’entréequetarddansl’après-midi.D’abord,ilnousavait fallu roulerenpleine forêt.Maismêmeune foissur la route,nousavionsadoptéunevitessedecroisièretrèsmodéréeàcausedesanimauxsusceptiblesdesurgirdevantnoussanscriergare,etaussi,peut-être,parcequecetendroitoùnousavionspourtantgrandinenousparaissaitplusaussisécurisantqu’avant.DepuisnotrerencontreavecBio-Chrome,nousétionstroptenduspourapprécierlepaysage,nous
nousattendionsàlesvoirapparaîtreàchaquedétourduchemin.EtpuisjeneparvenaispasàfairetairemoninquiétudeàproposdeRafe.Jevoulaissavoircequi
avait motivé sa réaffectation et si elle lui convenait. Quand nous sommes enfin arrivés, j’étais sicontractéequemesnerfsétaientprèsdelâcher.À l’entréeduparc, ily avaitunpetitvillageoùquelqueschalets étaientmisà ladispositiondes
sherpas entre deux randonnées. Kayla, Brittany et moi en partagions un. Après avoir rapidementdéposé nos sacs, nous sommes tous remontés dans la jeep pour aller en ville. Histoire de nousrelaxer,nousavionsdécidéderendreunevisiteànotrerepairefavori,leRenardRusé.C’étaitunbar rustiquequiaccueillait tous les randonneurset lescampeursdepassage,ainsique
quelqueshabitantsducru.LesseulespersonnesdeplusdetrenteansétaientMitch,lepropriétaire,etdeuxserveusesquitravaillaientlàdepuislanuitdestempsetappelaienttoutlemonde«Chéri».Jeme suis installée au fond,dansunboxenU.Connor est venu se coller contremoi alorsque
KaylaetLucasprenaientplaceenfacedenous.—Jevaisfaireunepetitepartiedebillard,aannoncéBrittany.—Tuneveuxpasmangerunmorceau?luiaproposéConnor.—Non.Àplus.Un type, au comptoir, l’a observée et l’a suivie dans la salle de billard, un grand maigre aux
cheveuxnoirsavecunebarbededeuxjours.—Quic’est?ai-jedemandé.—Aucuneidée,aréponduConnor.C’estlapremièrefoisquejelevois.—Avectoutcequisepasseencemoment,ondevraitpeut-êtreseméfier?—Ilnefautpasnonplustomberdanslaparanoïa,aaffirméLucas.—Cen’estpasdelaparanoïaquandledangerestréel,ai-jesouligné.Ilyabeaucoupd’inconnus,
cesoir,jetrouve.—Normal,c’estl’été,lasaisondestouristes.Connoradoucementpassésamaindansmondos.—Lucasaraison,onnepeutpasseméfierdetoutlemonde.Maisneseméfierdepersonnemesemblaittoutaussidangereux.Après avoirpassé commande (hamburgers saignants et frites), jeme suisblottie contreConnor.
Nous avions été séparés pendant des mois quand il était à la fac, ce qui expliquait peut-être cesentiment d’éloignement que j’éprouvais pour lui. Nous avions certainement besoin de nousretrouverpourêtreànouveausurlamêmelongueurd’onde.Ilapassésonbrasautourdemoietacommencéàjouerdistraitementaveclesmèchesdemescheveux,avantd’enfouirsonvisagedanslecreuxdemoncou.—Connor,ai-jemurmuré.—Quoi?—Onestenpublic,là.
—Etalors?Onestdansuncoinsombre…Puisilafaitunpetitgestedumenton.LucasetKayla,pelotonnésl’uncontrel’autre,sesusurraient
deschosesàl’oreillecommes’ilsétaientseulsaumonde.—Tum’asmanqué,Lindsey.J’ail’impressionqu’onn’apasréussiàpasseruneminuteentêteà
têtedepuismonretour.Etdemainc’estrepartiaveclegroupedescouts…Ilm’acaressélagorgeduboutdesdoigts,etj’aifrissonnédeplaisir.—C’estdifficiledepuisquetuesàlafac,ai-jereconnu.—Dansunan,tuyserasaussi.—J’espère,parcequej’aicommencéàperdretoutintérêtpourlesétudes.Apparemment,plusrien
nem’intéressecesdernierstemps.—Pasmêmemoi?J’airéagiparunriregêné.—Si,toisi.Puis j’ai réfléchi à quel point nos relations étaient devenues tendues et une idée m’est venue à
l’esprit.—Tuasrencontréuneautrefilleàlafac?—Non,maistuasraison,cen’estnepluspareilentrenous.Jenesaispaspourquoi.Ilasoulevémescheveuxpourenfouirdenouveausonvisagedansmoncou.—Etçam’exaspèredenepaspouvoirliretespensées.Lachaleurdesabouchesurmapeaumefaisaitglisserdansunétatd’agréabletorpeur.—Quandtuessoustaformedeloup?—Non,commemaintenantparexemple.Qu’importelaformequ’iladopte,lespenséesdeKayla
sonttoujourstransparentesàLucas.—Quoi?mesuis-jeécriéeenmereculant.C’estvrai,Lucas?LucasalâchéàregretleslèvresdeKayla.—Qu’est-cequiestvrai?—QuetupeuxlirelespenséesdeKaylamêmequandtun’espas…J’ai regardé autour demoi : au comptoir, un type a brusquement plongé le nez dans son verre.
Nousespionnait-il?Quiétait-ce?Avecsontatouagedefilsbarbeléssurlebicepsetsoncrânerasé,cemalabarmefichaitlatrouille.Onauraitditqu’ilsortaitdeprison.Iln’avaitpaslephysiqued’unchercheur,maissait-onjamais?JemesuistournéeversLucas.—Tusaiscequejeveuxdire…Jene voulais pas prononcer lemot « loup» à voix haute.Les clients n’étaient pas tous comme
nous,nousdevionssurveillernosparolesquandnousvenionsaubar.Lucasahaussélesépaulesets’estpenchéversmoi.—Kaylaetmoipouvonsliredanslespenséesl’undel’autre.—Waouh!Jamaisaucunepenséen’esttotalementintimealors?—Nousdevinonsquandl’autresouhaitegarderquelquechosepourlui,m’aexpliquéKayla.J’aiexaminéConnoravecunecertaineinquiétude.—C’esttoujourscommeça?Mesparentsnemel’ontjamaisdit.—Lesmiensnonplus.C’estpeut-êtrecommelesexe,unsujetdélicatàaborderavecsesenfants…—Àmonavis,estintervenuLucas,chaquerelationestdifférente.Moi,lapremièrefoisquej’aivu
Kayla,j’aieul’impressiond’êtreàcôtéd’uneligneàhautetension.—Quelgrandromantique!l’ai-jetaquiné,provoquantdesgloussementschezConnor.—C’étaitcommeunechargeélectrique:pasdésagréablemaisunpeu…déstabilisant.— Quelle que soit l’espèce, tous les garçons sont pareils, a commenté Kayla avec un sourire.
Timides,quandils’agitdeparlerd’amour…
—Pasmoi,l’acontrediteConnor.JesuisamoureuxdeLindseydepuisqu’ellem’afaitsaignerdunezparcequejeluiavaispiquésondoudou.Moncœuramanquéunbattementenl’entendantévoqueravectantdenaturelsonamourpourmoi.
Dansnotrecouple,c’étaitmoilatimide,etdepuistoujours.J’adoraisConnor,maisjen’étaispassûredeluiavoirjamaisditquejel’aimais.Etcen’étaitcertainementpaslebonmomentpourlefaire.Jeluiaidonnéunepetitetapesurlebras.—C’étaitunhochetetjen’avaisqu’unan,jen’enaiaucunsouvenir.Nosparentsneloupentjamais
l’occasionderessortircettehistoirechaquefoisqu’ilssevoient.—Aveccelledelavidéooùonesttoutnus.—Raconte!aexigéKaylaenriant.J’aisoupiréavantdem’exécuter.—J’avaisdeuxansetConnor,quatre.Onjouaitdansunepetitepiscinegonflableetonaenlevénos
maillotspourallerdanslebacàsable.Cequejetrouvetoutàfaitsensé:onneseroulepasdanslesableavecdesvêtementsmouillés.—Etjenel’aijamaisrevuenuedepuis,aconcluConnor.Ce qui ne saurait tarder. Tout vêtement constituerait une gêne au cours de ma transformation.
Contrairement à ce qu’on essaie de nous faire croire dans l’Incroyable Hulk, les T-shirts ne sedéchirentpastoutseulsetlespantalonsnes’étirentpasdémesurément.JemesuissentierougirsousleregardinsistantdeConnor.Dieu merci, l’arrivée de la serveuse a mis fin à la conversation. Nous avons dévoré nos
hamburgers. Littéralement. Nous raffolons de la viande rouge, même si j’ai personnellement unfaiblepourlecaramelettoutcequiressembledeprèsoudeloinàduchocolat.Àlafindurepas,ConnoretmoiavonsdécidéderejoindreBrittanydanslasalledebillardpour
laisserunpeud’intimitéàLucasetKayla.Àmagrandedéception, ilsétaient tousdéjàoccupés.Unjeunegarçonqui,penchésurlebillardleplusprochedelaporte,s’apprêtaitàjoueralevélesyeuxetcroisé le regard de Connor. Aussitôt, il a abandonné sa queue de billard, a tapé l’épaule de sonpartenaireet tousdeuxse sontadossésaumur,brascroisésdansunepositionnettementdéfensive.J’enaidéduitdeuxchoses:un,ilsn’avaientpasencoredix-huitanset,deux,ilsétaientdesnôtres.Ilssavaientmanifestementreconnaîtreunmâlealphaquandilsencroisaientunet,selonnoscoutumes,tantqu’ilsnes’étaientpastransformés,ilsluidonnaientlapréséance.C’étaitunsignederespect.UnStatiqueauraitpuéprouverdelapeinepourlesdeuxgarçons.Ilsétaientlàavantnous.Maisla
survivancedenotrecultureexigeaitunestructurehiérarchiqueforte.EntantqueGardiendel’Ombre,Connortrônaitausommetdelapyramide.Uneboufféedefiertéirrépressiblem’aenvahiequandilaposésamainaucreuxdemesreinspourmeconduiteverslatable.—J’installeettoi,tucasses,a-t-ildécidéenalignantlesboules.J’aiprislaqueueabandonnéeparlepremierdesdeuxjoueurs.Elleétaitparfaitementàmataille.
J’aicommencéàenenduire l’extrémitédecraieen laissantmon regarddériverversBrittany.Ellevenaitdemettreuneracléeautypequil’avaitsuiviedanslasalle,àmoinsqu’ilnesefûtlaissébattreafind’endormirsaméfiance.Ilsselançaientdansunenouvellepartie.—Qu’est-cequinevapas?m’ademandéConnorenmeserrantcontreluidansungestepossessif.—Jenesaispas,c’estcetype.Jenelesenspas,iln’estpasdesnôtres.—C’estpeut-êtreunrandonneur.Oualors,ilestvenufairedel’escalade.—Ounousespionner.—Jepensequ’ilestinoffensif.—C’estcequenouspensionsdeMason…OrMason avait réussi à capturer Lucas sous sa forme de loup et, sansKayla, il aurait bien pu
passerlerestantdesesjoursdansunecagecommeuntrophéedeprix.
—Unpointpourtoi.Connors’esttournéverslesdeuxgarçonsquidonnaientl’impressiond’avoirarrêtéderespirer.—Mercipourlatable,maisonvaallerrejoindrenotreamie.Brittany était penchée sur le billard dans une attitude provocante. Elle a coulé un regard vers
Connoravantdetireretamanquésoncoup.—Super!s’estexclamél’étranger,toutsourire.J’aipeut-êtreenfinmachance!IlatendusabouteilledebièreàBrittanyavantdesemettreenposition.Avecunregarddedéfidans
madirection,elleabuunegorgée.—SiMitchtevoit,ilvatevirer,l’ai-jeprévenue.—Pourça,ilfaudraitqu’ilmechope,etilestoccupé.Elleaavaléunenouvellegorgéeetapointélabouteilleversletype.—Lui,c’estDallas.Iln’estpasducoin,ilfaitunpeuderando.Eux,cesontmesamisLindseyet
Connor.Ilssontdestinésl’unàl’autre.Elleavaitlavoixpâteuse.Jemesuisdemandécombiendebièreelleavaitbu.—Cool,acommentéDallas,manifestementamusé.Ilm’aadresséunhochementde tête, aparodiéunpetit salutmilitaire endirectiondeConnor et
rentrédeuxboulesd’uncoup.—Etenplus,iljouetrèsbienaubillard.Voilà,j’aiperdulapartie,aconcluBrittany.—Ça,tun’ensaisrien,aavancéDallasenrentrantunenouvelleboule.Ilsepourraitquejerate
moncoupsitut’approchesdemoipourmedistraire.Brittanya faitnonde la têteen souriant.C’étaitpeut-êtreàcausedecetteattitudequ’ellen’avait
aucunprétendant : elle donnait toujours l’impressiondenepas être disponible et ne flirtait jamaisavecpersonne.—Etsionjouaitdeuxcontredeux?aproposéConnor.—Riendetelqu’unepetitepartieamicalepourapprendreàseconnaître.Jeterminejustevitefait.Etenquelquessecondes,Dallasavaitrentrétouteslesboules.—Vousavezvu?acommentéBrittany.Vousn’avezpaslamoindrechance!—C’estcequ’onvavoir,amarmonnéConnor.Notreespèceaimeparticulièrementlacompétition.PendantqueConnoretDallassedisputaientl’avantagedecasserenpremier,jemesuisapprochée
deBrittanypourluiglisserquelquesmotsàl’oreille.—Alors,c’estqui?—Unsimplerandonneur,àcequ’ildit.—Ettulecrois?—Pasdutout.Ilesttroppâle.—UncomplicedeMason?—Peut-être.Rienneprotègemieuxdel’ardeurdusoleilquedebosserdansunlaboàlongueurdejournée.Connoraremportél’avantageetunefoisdeplusj’airessenticetélandefierté.C’étaitmoncopain.
Alorsqu’ils’apprêtaitàjouer,j’aireportémonregardsurDallas,quisurveillaitlasallecommes’ilguettaitquelquechose.Unmauvaispressentimentm’asoudainenvahie.Nous n’étions pas en position de force. Même si nos meilleurs combattants étaient là, ils ne
pourraientpasse transformerdevant tantde touristes.Nousavionsfaitdeseffortsprodigieuxpourconserver notre existence secrète. Or, là, j’avais la sensation que nous nous baladions avec unegrandepancartedansledosquiproclamait:Attention!Transformationimminente!Bon,mêmesimoi,jenepouvaispasencorelefaire.Bientôtcependant,trèsbientôt…
J’aientenduConnorprononcermonprénom.J’aifaitletourdelatablepourmeplaceràcôtédelui.Ilm’aindiquéuneboulebienplacée.—Çanedevraitpasêtretropdifficile,non?J’aihochélatêtenerveusement.Ilaposélamainsurmesreins.—Détends-toi.—J’aiconsciencequec’estcomplètementirrationnel,caraucunsignenelelaisseprésager,mais
jeneparvienspasàmedébarrasserdel’impressionqu’ilvabientôtsepasserquelquechosedegrave,ai-jemurmuré.—Ons’enchargera.Ses parolesm’ont renvoyée à l’été précédent, quand j’avais été chargée de guider dans la forêt
monpremiergroupedecampeurs.J’étaistétaniséeàl’idéedecommettreuneerreurquirisqueraitdelesmettreendanger.Connorm’accompagnait.Cettefois-là,déjà,ilm’avaitdit:«S’ilarrivequelquechose, on s’en chargera. » Lui, toujours si calme, ne doutant jamais de sa capacité à faire face àn’importequellesituation…J’aiacquiescé,puisjemesuispenchéepourpréparermoncoup.J’aiperçulaprésencedeRafeàl’instantmêmeoùilestentrédanslasalle.Comment?Mystère,
puisque je tournais ledosà laporte.En regardantpar-dessusmonépaule, je l’aivuqui s’avançaitversnous.—Alors,quigagne?a-t-ildemandé.—Personne,pourlemoment,aréponduBrittanyavantdefairelesprésentations.Rafe a étudié Dallas avec minutie et, comme nous tous, il ne lui faisait manifestement pas
confiance.—Bon,tuvastedécideràjouer?arâléBrittany.Jemesuisremiseenposition.—Tun’espasbienplacée,atranquillementditRafe.Enunclind’œil, il s’estmisderrièremoietm’aenveloppéedesesbras.Toutenmois’est figé
d’un coup et jeme suis demandé s’il avait ressenti un semblable bouleversement quand je l’avaisenlacésurlamotolaveilleausoir.J’ai entendu une sorte de roulement sourd. On aurait cru un raclement de gorge, que j’ai
immédiatementidentifiécommeungrognementd’avertissementdeConnor.Sansluiprêterattention,Rafeatrèslégèrementmodifiémaposition.—Essaiedelafrapperunpeubasse,a-t-ilsuggéré.J’aiacquiescé,mesentantsoudaintrèsseulequandils’estéloignédemoi.J’aitapédanslaboule
blanchequiaheurtélacoloréequejevisaisdanslecoin.—Onpourraitconsidérerçacommedelatriche,acommentéDallas.—Jet’offreuneassietted’ailesdepouletencompensation,aproposéRafe.—Çamarche,aacceptéDallas.Connoretmoiavonsremportélapartiesanstropdemal.Dallasn’afaitaucuneffortpourgagner.
Peut-être cherchait-il seulement à nous observer.À la fin de la partie, nous avons rejointLucas etKayla.Nouvellesprésentationset,unefoistousassisdanslebox,Dallasétaitcernédesdeuxcôtés.Ilnesemblaitpasconscientdudanger.Ilnousaregardésetasouri.—Alorscommeça,c’estvouslesloups-garousdontj’aientenduparler?
7
Nous nous sommes tous figés, tel un fauve prêt à bondir sur sa proie. Mon cœur lui-même,semblait-il,avaitcessédebattre.Dallasaeuunriregêné.—Eh, je blague, les gars ! J’ai juste entendu un tas de rumeurs sur des choses bizarres qui se
passentdanslecoin.Etvoilàquevousdébarquez,tousinconnusaubataillon.Jemesuisditquevousdeviezpeut-êtrevouscacherpendantcertainesphasesdelalune…—Nousétionsàuneréuniondefamille,arétorquéLucasavecuntonglacialquim’afaitremonter
unfrissontoutlelongdelacolonnevertébrale.Oùas-tuentenducesrumeurs?—Icietlà.Dingue,non?L’idéequequelqu’unpuissechangerdeforme…Dallasalevélesmainsets’estmisàlesobservercommes’ilnelesavaitjamaisvues.—C’est inimaginable.Comment le corpshumainpourrait-il supporter une transformation aussi
radicale?Ilnousalentementregardéstouràtour,commesinousdétenionslaréponse.Cequiétait lecas,
maisnousn’avionspasl’intentiondelaluidonner.— Il circule toujours des histoires loufoques sur les forêts des environs, a gentiment expliqué
Brittany.Était-elle tombéesouslecharmedeDallas?Jenel’avais jamaisvues’intéresserdesiprèsàun
garçon.Commeceseraitbizarred’êtreamoureused’unStatique!Était-cemêmepossible?Mespenséess’éloignaientdunœuddel’affaire:quiétaitcetypeetquevoulait-ilvraiment?—Loups-garous,vampires,fantômes,continuaitBrittany,Lesgensadorentraconterdeshistoires
d’horreurlesoirautourd’unfeudecamp.Maiscenesontquedeshistoires.Dallasaridenouveau,desoulagementcettefois.—Oui,jesais.N’empêche,vousauriezdûvoirvostêtes!Onauraitditquevousm’aviezprisau
sérieux.Celadit,çaseraitcool,non?—Moi,j’aimeraisbienêtreuncheval,ai-jedéclarédansl’espoird’entraînerlaconversationloin
delaréalité.—Les chevauxmènent une vie de bagnard, a enchaîné Connor enme serrant lamain.Moi, je
choisiraisd’êtreunchien,pourroupillertoutelajournée.—Etmoiunchat,aajoutéBrittany.Saufquej’ysuisallergique…C’estpossibled’êtreallergique
àsoi-même?Pourlecoup,Dallasaeuunrirenettementplusdétendu.—D’accord,j’aicompris,jenecroiraiplusauxhistoiresqu’onraconteautourd’unfeudecamp,
a-t-ilditavecunclind’œilversBrittany.Bon,onsefaituneautrepartie?UnefoisDallasetBrittanyrepartisdans lasalledebillard,nousnoussommesregardésavecun
sentimentpartagéd’incertitude.—C’estquoi,cetteembrouille?afinalementdemandéKayla.—Jenesaispasencore,alentementréponduLucasensecouantlatête,Rafe,tugardesunœilsur
lui,surtoutquandilestavecBrittany.J’ai immédiatement reporté mon regard sur Rafe pour observer sa réaction. Comme à son
habitude,ilestrestédemarbre.Ils’estcontentéd’unhochementdetêteendirectiondeLucas,puisils’estlevé.—Tupensesqu’ilpourraitêtredangereux?ai-jedemandé.—S’ill’est,ons’occuperadelui,m’aréponduLucas.
Quandnous avonsquitté les lieuxuneheureplus tard, nous étions tousplusoumoinsd’accordpourconsidérerDallascommeunsimpletouristesensibleauxmythesdelaforêt.Ças’étaitdéjàvu,c’étaitmêmecommeçaquelesgensdeBio-Chromenousétaienttombésdessus.Eteuxaussi,nouslesavionscruinoffensifs.Rafe a été chargé de surveillerDallas et nous autres sommes allés nous coucher.Nous devions
partirauxauroreslelendemainmatin.
Nous avons accueilli le groupe de scouts près de nos bungalows.Une petite quinzaine de fillesgigotaient dans tous les sens, surexcitées à l’idée de camper dans la forêt. Ou peut-être que leurenthousiasmeétait dû aux troisguides si sexyqui allaient les accompagner– et jeneparlepasdeKayla,Brittanyoumoi.Lucas,ConnoretDanielpassaienten revue les sacsàdosdes fillespour s’assurerqu’ilsétaient
bienajustéssurleursépaulesetpastroplourdspourelles.Toutcequiétaittroplourdouencombrantseraitrépartientrelessherpas.—Danielestmignon,acommentéKayla.Iln’avaitpassuivisascolaritéavecnousparcequesesparentsvivaientprèsdeSeattle,maisilavait
rejointlesGardiensdel’Ombrecetété.Jeneluiavaisaccordéquepeud’attention.Sescheveuxnoirsétaientcoiffésenpétard,unstyleplutôtinhabituelchezlesGardiensdel’Ombrequipréféraientlesporterlongs.—Bof,amarmonnéBrittany.—Tuterendscomptequec’estsansdoutecetteattitudecheztoiquirebutelesgarçons,luiai-jefait
remarquer.—Jeneveuxpasd’ungarçonquines’intéressepasvraimentàmoi.—Ilyviendrapeut-être…Situluilaissesunechance,estintervenueKayla.—Detoutefaçon,lesSagesassurentqu’iltefautavoirungarçonavectoipourlegrandjour,ai-je
continué.Pasforcément l’hommedetavie.Quandturencontreras lebon, tupourrasrecommenceraveclui.Ellem’alancéunregardnoir.—Qu’ensavent-ils?C’est lapremière foisqu’unefilles’apprêteàvivrecetteexpérienceseule.
Toutça,cenesontquedesconjectures.Ildevaitbienenavoireud’autres,sinonnousn’aurionspassuquec’étaitdangereux.J’aitenuma
langue,nejugeantpasjudicieuxd’augmentersoninquiétude.—Ilssontaucourant,c’estévident,ai-jeaffirméavecuneassurancequej’étaisloind’éprouver.MêmesiBrittanyn’étaispastendreavecmoiconcernantmeschoixpersonnels,auboutducompte,
nousétionsamiesettoutcequejeluisouhaitais,c’étaitunebelleetlonguevieaprèscettepremièretransformation.—N’oubliepasqu’ilsontlesvieuxgrimoires,ilsontdûychercherdesréponses,ai-jecontinué.—Tucrois?m’a-t-ellerépondu,unepointed’espoirdanslavoix.—Toutàfait,l’ai-jerassuréeenposantmamainsursonépaule.TuesuneGardiennedel’Ombre,
tuasde lavaleurauxyeuxdesSages. Ilsnevontpassecontenterdeconjecturessurunsujetaussiimportant.Elle regarda Daniel qui, accroupi devant trois fillettes, était en train de leur expliquer quelque
chose.Sonsourireétaitchaleureux.—Jepourraisplusmaltomber,a-t-elleditavecunsoupir.—Voilàquiestmieux!mesuis-jeexclamée.Brittanyalevélesyeuxauciel.—Tuneterendspascompte.Depuisquelquetemps,jem’angoisseàl’idéeque…
—Àl’idéequequoi?—Rien,oublieça.Pourcoupercourtàlaconversation,elles’estlevéeetarejointlegroupepourseprésenter.J’aijetéuncoupd’œilàKayla,dontlevisagereflétaituneintenseinquiétude.—Jen’aipasd’autrechoixquemedirequetoutirabienpourelle,luiai-jedéclaré.Ellem’asouri.—Jesais.Moi,jen’aieuquequarante-huitheurespourmeprépareràmapremièrepleinelune.Je
n’arrivemêmepasàimaginerlatensionducompteàreboursquevousvivezencemoment…SurtoutBrittany.Unmoisplustôt,jeluiauraisparlédemonimpatience.Àprésent,jen’étaisplussipressée.— Tu m’as dit que tu avais eu le coup de foudre pour Lucas. Brittany a encore le temps de
rencontrerquelqu’un.Kaylaahochélatête,maisjelasoupçonnaisdenepasycroireplusquemoi.Qu’est-cequiétait
pire?Vivrecetteépreuveseuleouavecquelqu’undontonnevoulaitpasvraiment?En jetant unœil en direction du groupe, j’ai vu que Brittany discutait avecDaniel. Tout espoir
n’étaitpeut-êtrepasperdu.Lucas a enfin donné le signal du départ. J’ai ajustémon sac à dos, puis j’ai rejoint la queue du
cortègeafindem’assurerqu’aucunepetitescoutneselaissaitdistancerounepartaitdanslamauvaisedirection.C’étaitbizarredenepasavoirRafeavecnous.Jemesuisdemandéoùilétait,cequ’ilfaisait.J’ai
jetéunderniercoupd’œilautourdemoi,avantdem’avanceràmontoursurlesentier,étonnéedemesentirsiseule.EtdedésirersifortqueRafesoitàmescôtés.
Quandlesoleiladéclinéàl’horizon,laplupartdesfillesavaientperduleurexubérance.Cequ’onpouvaitcomprendre,étantdonnélerythmeplusquesoutenuquenousavaitimposéLucas.Commenousétionscenséssurveillerlesscouts,garderl’œilouvertencasdedangeretdresserles
tentes,nousnenoussommesretrouvésréellementaucalmequ’àlanuittombée,réunisautourdufeuàfairegrillerdesmarshmallows.KaylaetLucas,trèsprèsl’undel’autre,discutaientàvoixbasse.Ilsfaisaientdegroseffortsdevant
lesjeunesscoutspourlimiterleurscontactsphysiques.Maismêmes’ilsnes’embrassaientpasninesecâlinaient,ilexistaitentreeuxuneintimitéflagrante,commes’ilss’appartenaientcorpsetâme.Brittany, à l’inverse, ne semblait pas disposé à livrer le plus infime détail personnel à Daniel.
Assiseàcôtédelui,rigide,elleconcentraittoutesonattentionsurlaconfectiondesesbrochettesdemarshmallows.LagênedeDanielcrevaitlesyeux.Enlesvoyant,jemesuisditquemêmeunrendez-vous organisé par leurs parents n’aurait pas pu se passer aussi mal. À cet instant, j’ai réellementappréciéd’avoirtoujoursétéavecConnor.Mêmesinousnenoustouchionspasetnenousparlionspas.Maisaumoinsnousétionsàl’aiseen
laprésencedel’autre.Lespetitesscoutsnediscutaientpasbeaucoupnonplus,certainesdonnaientl’impressionqu’elles
allaients’endormirsurplace.J’aijetéunregardencoinversBrittany.—Jepenseque lesSagesdevraient s’abstenirde jouer lesentremetteurs, ai-jemurmuréau seul
bénéficedeConnor.—Jemedisaislamêmechose,a-t-ilsoufflé.C’estundésastre.JemesuisprestementtournéeversluiaumomentoùBrittanys’estmiseàm’observer.Jemesuis
penchée,commepourungestetendre,etluiaimurmuréàl’oreille:
—Lemotestexagéré.Il aglisséunemècheéchappéedema tressederrièremonoreilleenmecaressantaupassage la
joue du bout des doigts. Ses yeux brillaient, comme si nous étions en train d’aborder des chosespersonnelles.—Ilnefaitaucuneffort.Ilpourraitaumoinsessayerdeluiparler…J’aitrouvéintéressantqu’ilrejettelafautesurDaniel;pourmapart,j’estimaisquec’étaitBrittany
quiavaitunproblèmedecomportement.— Ils ont peut-être besoind’unpeude tempspour apprendre à se connaître, ai-je essayédeme
convaincre.J’avaistrèsenviederesterpositiveconcernantleschancesdeBrittanydedénicheruncompagnon
avantladatefatidique.—Heureusementquej’aiéchappéàcecalvaire,asoupiréConnor.Mapoitrines’estserrée.—Tunecroisquandmêmepasquec’estlaraisonpourlaquellenoussommesensemble?Parce
quec’étaitpratique?—Non,a-t-ilaffirméavantdem’embrasseraffectueusement.Unedesfillesapousséuncristridentets’estmiseàchanter:—CONNORETLINDSEYSONTAMOU…Connoretmoinoussommesinstantanémentécartésl’undel’autre.—…REUX!aterminélegroupeenchœur.Aprèsça,ilafalluunbonmomentàleursaccompagnateurspourlescalmeretleurfaireregagner
les tentes.Et tantqu’à faire,ellesontdécidéd’appliquer lemême traitementàLucasetKaylaainsiqu’àDanieletBrittany.Jen’avaisjamaisvucettedernièreaussirouge.Jemesuismêmeditqu’elleseseraitenfuiedanslesboissielleavaitpulefairesansperdrelaface.Kaylaassuraitlepremiertourdegarde.Brittanyetmoinoussommesretrouvéestoutesdeuxdans
latente,nouspréparantensilencepourlanuit.Unefoislalumièreéteinte,étenduedansmonsacdecouchage, j’ai laissémes pensées dériver versConnor,me demandant pourquoi nous n’étions paspluscâlins,pourquoi(laplupartdutemps)nousnoussatisfaisionsd’unesimpleconversation.Peut-être que nous étions ensemble depuis si longtemps que nous avions développé une formed’indifférenceaucorpsdel’autre…Celachangerait-ilaprèsmapremièretransformation?J’avaisdéjàconstatécertainesmodifications.—Brit?Est-cequelaforêtneteparaîtpasplus…odorante?Certainsparfums,inconnusdemoijusqu’àcejour,m’avaientassaillieaucoursdelajournée.—Qu’est-cequetuveuxdire?—C’estdifficileàexpliquer.Lesodeurssemblentplusvives.Commelatransformationexacerbe
lessens,jemedemandaissiçanedémarraitpasavantlapleinelune.—Oui,peut-être…Maintenantquetuledis,jetrouveaussiquetoutsent…plusfort.Jen’aiperçuaucuneconvictiondanssespropos.Enréalité, jen’ydécelaisaucunesincérité.J’ai
roulésurleflanc.—Qu’est-cequetupensesdeDaniel?Ilal’airsympa.—Oui,ill’est.—Tupourraisfaireunpetiteffort,tusais.—Commec’estfacilepourtoidedireça!Tun’asjamaiseuàenfaire!TuastoujourseuConnor.J’aienvisagéunesecondedeluiconfierqu’elleavaitpeut-êtreraisonconcernantmarelationavec
Connor,quecettefacilitéetcetteaisanceentrenousnesignifiaientpasforcémentquenousétionsfaitsl’unpourl’autre.Maistantquejetaisaismesdoutes,ilsnemesemblaientpasréels.—Ilnes’agitpasdeConnoretmoi,ai-jeréponduunpeuplussèchementquejen’auraisvoulu.
—Ehbien,moi,jeneveuxpasparlerdeDaniel.—Bonnenuit,alors.Je lui ai tourné le dos. Pourquoi est-ce que j’essayais de l’aider à choisir un compagnon ? Ce
n’étaientpasmesaffaires.—Lindsey?m’a-t-elleappeléed’unevoixhésitantequelquesminutesplustard.J’aifaillinepasrépondreetfairesemblantdem’êtreendormie.—Quoi?—Etsi…Etsijen’étaispasuneMétamorphe?Je me suis assise d’un bond, trop sonnée pour répondre. Connor n’avait-il pas formulé cette
hypothèse?—Etsic’étaitça,laraisondel’indifférencedesgarçonsàmonégard?a-t-ellecontinué.Ets’ily
avaitquelquechosequiclochechezmoi?— Voyons, Brittany, c’est… Non, vraiment…, ai-je bredouillé. Bien sûr que tu es une
Métamorphe!—J’ail’impressiond’êtreinvisiblepourleshommes.Daniel,parexemple,mesouritexactement
delamêmefaçonqu’auxpetitesscouts.Commesij’étaisbiengentille,maisriend’autre.Aucunfeunecouveenlui.Faisait-elleallusionà l’effervescencequi s’emparaitdemoienprésencedeRafe?N’était-ilpas
préférable, sur ladurée,d’êtresimplementà l’aiseetenaccordavec l’autre?Le feupouvaitvousréduireencendres.Cen’étaitquedudésir,pasdel’amour.Maisellen’avaitpasbesoindemesincertitudes.Aucontraire,illuifallaitduréconfort.—Écoute, Brittany, je suis sûre que cela n’a rien à voir avec toi, lui ai-je affirmé avec un bel
aplomb.MêmeConnoravaitdesdoutes,maisnousétions tropprèsde lapremièrepleine luneaprès son
dix-septièmeanniversairepourdonnerducréditàcesidéesabsurdes.— Les sherpas ne sont pas nombreux. Il est logique que certains d’entre nous ne trouvent pas
chaussure à leur pied. Celui que tu attends est peut-être… je ne sais pas… en Californie ! Ou enFloride. En plus, cette année, la célébration a attiré très peu demonde. Sinon, cela aurait pu êtrel’occasionderencontrerquelqu’un.Jesaisquec’estnul,àdeuxcentspourcent.Maispeut-êtrequeDanielpeutjouerlessubstitutsenattendantlebon?—Notrepremière transformationest supposéeavoirunedimensionamoureuse. Jenepensepas
pouvoir me contenter d’un garçon qui va me tenir la main quand je voudrais qu’il m’enlace. Jepréfèrel’affronterseule.—Turisquesdemourir—Ilsepeutaussiquejenousaffranchissed’unetraditionarchaïque.« Tu la trouves archaïque parce que tu n’as personne. » Quant à moi, je n’avais aucune envie
d’affrontercetteexpérienceseule.Jevoulaisvivrelamagiedelatransformationetl’émerveillementdulienquis’ensuivait.—Quoiqu’ilensoit,j’aiencorequinzejourspourmedécider,a-t-elleconclu.Jetrouveraibien
unesolution.La Brittany dure à cuire que je connaissais était de retour. Tout irait bien, me suis-je dit en
plongeantdoucementdanslesommeil.
Lanuitétaitsombreetlalunen’étaitpasencoremontéedansleciel.Unelégèrebrisem’ébouriffaitlescheveux.Connorasurgiderrièremoietm’aenlacée,avantdem’embrasseràlanaissanceducou.J’aifrissonnéetjemesuisabandonnéecontrelui.—Bientôt,a-t-ilsusurréàmonoreille,trèsbientôt.
Jemesuistournéepourluifairefaceetj’aiaccueillisonbaiserfiévreux.Ilafaitcourirsesdoigtssurmesbrasnus,lacaresselaissantunesensationdebrûluredanssonsillage.J’entendaisdescraquementsetdessifflements.J’avaissichaudquej’auraispumemettreàfondre.
En relevant la tête, j’ai croisé lesyeuxmarrondeRafeetnonpas le regardbleudeConnor. Je levoyais très bien car les arbres autour de nous étaient embrasés et d’immenses flammes rouges etorangéess’élançaientversleciel.Indifférentaudanger,Rafearesserrésonétreinteautourdemoietbaissésaboucheverslamienne
jusqu’àcequenousdevenionslefeuetquenoussoyonsconsumés…
Jemesuisréveilléeensueuretlesoufflecourt.Jemesuisextirpéedemonsacdecouchage,puisje suis sortiede la tenteenchancelant. J’ai apprécié la fraîcheurde l’airnocturne surmonvisage.Commejem’étaiscouchéetouthabillée,nemanquaientplusquemeschaussures,dontjemepassaissansdifficultégrâceàl’habitudequej’avaisprisedemarcherpiedsnus.Connor,quisetenaitprèsdufeu,afaitunpasversmoi.—Toutvabien?J’aihochélatête,puisj’aivoulumepasserlesdoigtsdansmescheveuxpourlescoiffer.J’avais
toujoursmesnattes.Dansmonrêve,machevelureétaitdétachée.—Oui,toutvabien.J’aifaituncauchemar,c’estrien.Moncauchemarnecorrespondaitcependantpasàladéfinitionhabituelledumot.J’avaisbienplus
peurdemoietdesimagesquisurgissaientdansmonsommeilqueden’importequelmonstre.Kayla,quiétaitassisesurunesouche,s’estlevéepourmerejoindre.—Tuesblanchecommeunlinge.Tuessûrequeçava?—Oui,oui,jet’assure.Tuneveuxpasallertecoucher?Jefiniraitontourdegarde.—Lucasaditquenousserionsplusvigilantssi…—…sinousnemontionspaslagardeencouple,jesais.JeteprometsqueConnoretmoisaurons
noustenir.Elleajetéuncoupd’œilverslui,ilaacquiescéendésignantd’ungestenotretente.Elleahaussé
lesépaulesavecunsourire.—Trèsbien.Merci.Elleadisparudanslatente.Connorm’apriseparlamain.—Vienst’asseoirprèsdufeu,tutesentirasmieux.J’endoutais.— Il y avait un incendie dans mon rêve. Tout brûlait autour de moi. Serre-moi contre toi une
seconde.Je n’ai pas attendu sa réponse pourme glisser entre ses bras ouverts. Il avait toujours étémon
appuileplussolide.J’airenversélatêteenarrièrepourplongermonregardauplusprofonddesesyeuxbleus.Quoi
qu’ilaitlusurmonvisage,ils’estpenchéetm’aembrassée.Cebaiserneressemblaitenrienàceluidurêve:ilétaitagréable,doux,chaud.Unbaiserrassurant.
Réel.Alorsquelebaiserdemonrêve…Ehbien…Cen’étaitqu’unrêve…Connorm’aconduiteverslasoucheoùKaylas’étaitassise.Ils’estaccroupidevantmoietaglissé
unemèchedecheveuxderrièremonoreille.—Lanuitdusolstice,quandtunemetrouvaispas…J’étaisavecRafe,ai-jedit,lagorgenouée.Uneombredetristesseavoilésesyeux.—Jesais.
—Tuasdétectésonodeursurmoi.Ilahochélatête.—Pourquoin’as-turiendit?—Soittuesàmoi,soittunel’espas.Situesàmoi,jemebattraipourtegarder.Situnel’espas…
Ehbien,jepréfèrenepassavoir.J’aieffleurésajoueduboutdesdoigts.ContrairementàRafe,ilétaittoujoursrasédeprès.—Ilnes’estrienpassé.Noussommesjusteallésfaireuntoursursamoto.J’aieubesoindequitter
unmomentcetteambiancemorose.—C’estcequ’aditRafe.—Tuenasparléaveclui?—Bien sûr. D’ailleurs, c’est à ce propos quemon père et moi étions en désaccord.Mon père
pensaitquej’auraisdûdéfierRafe.—C’estabsurde!Tunepeuxpasletuersousprétextequ’ilm’aemmenéefaireunebalade!—Ducalme,Lindsey.Jen’aipasl’intentiondel’affronter.J’aimeàcroirequenousavonsévolué
aufildessièclesetquenoussommesmaintenantsuffisammentciviliséspourréglernosdifférendssousnotreformehumaine.—C’estlaraisonpourlaquelleilnefaitpluspartiedenotregroupedesherpas?—Non.LesSagessontréellementinquietspourBrittany.SiçanemarchepasavecDaniel,ilsvont
probablementnousadjoindrequelqu’und’autre.J’aifailliluidirequ’ellenesesentaitaucunatomecrochuaveccejeunehomme,maiscelapouvait
encorechangeraucoursdesquelquesjoursàvenir.Toutàcoup,leduvetdemanuques’esthérissé.—Connor,j’ail’impressionqu’onnousobserve.—Oui,moiaussi.J’ai tâché de déterminer la position de notre observateur et la concentration a ralenti ma
respiration.Connor a soudain fait volte-face : deux petites scouts nous espionnaient par l’ouverture de leur
tente.Ellesontpoussédespetitsgloussementsaigus,puisontfiléàl’intérieur.—Jenemesouvienspasm’êtrejamaiscomportédefaçonaussi…puérile!arigoléConnor.—Jenecroispasquec’étaitelles,ai-jeaffirméenmerelevant.J’ailentementopéréuntoursurmoi-même,maislasensationavaitdisparu.Connorahumél’air.—Jen’aidétectéqu’elles.Riend’inhabituel,sinon.Jeneparvenaispasàm’ôterdel’idéequ’ils’agissaitdequelqu’und’autre.— Lucas a probablement raison de vouloir éviter que nous montions la garde avec quelqu’un
qu’onpréféreraitcâliner…—Notrechefestpleindesagesse,aconfirméConnoravecunsourire.Restelà,jevaisfaireune
ronde.Je savais bien qu’il ne trouverait rien. L’observateur était parti. Qui était-ce ? Et surtout, que
voulait-il?
8
Nous avons crapahuté encore deux jours. Certaines parties du Parc national sont très peufréquentées:ellesregorgentd’animauxsauvagesetreprésententdoncungranddanger.Nousavonssoigneusement évité ces zones et aidé les petites scouts à installer leur camp dans une clairièrerelativementprotégée.Nousavionsassezdelumièrepourrepartir le jourmême.BrittanyetDanielresteraientaveclegroupe.Entempsnormal,nousn’aurionslaisséqu’unseulsherpa,maislesSagesavaientordonnéquetoutfûtfaitpourencouragerunerelationentreBrittanyetDaniel.J’avaisdumalàcroirequ’ilensortequelquechose,maisnousneperdionsrienàessayer.—NousseronsderetourbienasseztôtpourqueturejoignesàWolfordavantlapleinelune,adit
LucasàBrittanyquis’estcontentéedehausserlesépaules.C’étaitlanuitlaplusimportantedenosviesetelleavaitl’airdes’enmoquerroyalement.Jel’ai
attrapéeparlebrasetl’aiemmenéeàl’écartdugroupe.—Hé,a-t-elleprotestéensedégageant.—Brittany,ilfautquetutereprennes.Danielfaittoutcequ’il…—Ilnesepasserienentrenous.Zéro.Niente.Luietmoilesavonstrèsbien.Jepréfèreêtreseulele
jourJ.—Vois-lecommeunebouéedesecours.Ilpourraitêtrelà…justeaucasoù.—Çanepeutpasêtreaussidouloureuxquelesgarçonsledisent.SiLucasasimplementservide
distractionàKayla,jepeuxtrèsbienm’entrouverune.Çaira.Jel’aiserréefortcontremoi.—Oui,toutvabiensepasser,ai-jemurmuréenespérantquec’étaitlavérité.Débarrassésdel’attiraildecampingetdutroupeaudegaminesturbulentesquinousralentissaient,
nousavonsfaitleparcoursenuntempsrecord.Nousavonscommencéàmonterlecampalorsquelesoleilsecouchaitetj’airéaliséquenousserionsderetourdèslelendemainsoir.LucasetConnorsontpartischassernotredîneretKaylaaallumélefeu.—Jevaisallercueillirdesmûres,ai-jeannoncéenattrapantunsaladier.Elles’estretournéepourmeregarder.—Tuessûrequec’estunebonneidéed’yallerseule?—Cen’estpasloin,jeneseraipaslongue.—Soisprudente.—Commetoujours.Jesuispartiedansladirectionparlaquellenousétionsarrivésetcurieusement,lesmûresn’étaient
pas si près que ça et elles ne se trouvaient pas vraiment sur le sentier. J’ai dû descendre dans uneravine,puisgrimperdel’autrecôtépouratteindrelesbuissonsquej’avaisrepérés.Prenantgardeauxépines, j’aicueilliunfruitpour lemanger.Lesmûressauvagessontbienmeilleuresquecellesdessupermarchés.Le saladier était àmoitié plein (je suis une optimiste) quand j’ai soudain pris conscience d’une
présence.Lachairdepoulesurlesbras,j’aitournélatêteaussilentementquepossibleetc’estalorsquejel’aiaperçu:unpuma.—Gentilminou,ai-jemurmuréàvoixbasse,conscientedudanger.Simonodeuravaitétéhumaine,ilauraitpeut-êtrepassésonchemin.Maisnous,lesMétamorphes,
avonsuneodeurdefauve.Ilaémisungrondementprofondendévoilantdescaninesfaitespourdéchiqueter.J’aidéplacémon
poids avec précaution, prête à sauter dans les buissons en espérant que les ronces dissuaderaient
l’animal.Maboucheétaitsisèchequejen’auraispaspucracher,mêmesimavieenavaitdépendu.Moncœurbattaitsifortquejen’entendaisplusd’autrebruit.Lepumaacontractésesmuscles:j’aisautéenarrièreavecungrandcriàl’instantmêmeoùila
bondi.Uneformevagueaatterrisurlefélinunesecondeavantqu’ilnem’atteigne.J’aisenti lachaleur
desdeuxcorpsetledéplacementd’air.J’ai reculéenrampant, lesyeux toujours rivéssur lecombat.C’étaitun loupquiavaitattaqué le
félin.Etpasn’importelequel,non,unloupquejeconnaissaisbien.Rafe.Quefaisait-illà?Etquesepasserait-ilsilepumaavaitledessus?Jemesuislevée,j’aifaitunpasenavant,unpasenarrière…Jedevaisintervenir,empêcherque
Rafenefûtblessé.J’aivouluappeleràl’aide,maisjenepouvaiscourirlerisquedeledistraire.Jeserraissifortlespoingsquemesongless’enfonçaientdansmespaumes.Leshurlementsdufélindéchiraientl’air,mêlésauxgrondementsduloup.Ilss’affrontaientdansun
combatsansmerci.Grognant,ilssegriffaient,semordaientsauvagement.Rafesaignait.J’aieuenviedecourirversluipourl’aider,lemettreàl’abri.Lepumamitfinàl’affrontementets’enfuitdanslesboisàtoutevitesse.Leloup,quantàlui,afait
unpasversmoiavantdes’effondrer.J’aiaccouruimmédiatement,jemesuisassiseparterreetj’aiposésonmuseausurmesgenoux.Il
était blessé à l’épaule et à l’arrière-train. Il a essayé de relever la tête, mais je l’ai délicatementrepousséeenluicaressantlafourrure.—Chut,nebougepas,détends-toi,ilfautquetuguérisses.Çavaaller.Lesyeuxrivésdanslessiens,j’aibénimachance–passeulementparcequeRafem’avaitsauvéla
vie,maisaussiparcequ’ilétaitlà.J’avaisenviedesavoircequ’ilavaitfait,commentilallait,j’avaismillequestionsàluiposer,maisjedésiraisplusquetoutletenirdansmesbras.Ilaléchémongenou,commepourmedirequ’il ressentait lamêmechose. Jene lui enapasvouludemevolercepetitbaiser.J’ai entenduunebrindille craquer, jeme suis retournéed’un coup…Dallas, le garçonqui avait
jouéaubillardavecBrittany,setenaitàquelquespas.—Tuesqui?Lafemmequimurmureàl’oreilledesloups?
—J’essaiedenepaspaniquer,ditDallas,maisc’estjustetotalementouf,là.Lesloups-garous.Çaexiste…Je n’avais pas vu l’intérêt de compliquer par un mensonge une situation qui ne pouvait guère
empirer. Comment expliquer le tas de vêtements de Rafe par terre, par exemple, ou encore laguérison éclair de ses blessures sous les yeux même de Dallas ? Et puis moi en train de bercertendrementunloupaubeaumilieudelaforêt…quoideplusnormal?J’aidoncamenéDallasànotrecamp.Auboutdequelquesminutesàpeine,Rafenousarattrapésen
silence,soussaformehumaineetentièrementhabillé.Levoirainsim’alittéralementretournée:jenem’étaispasrenducompteàquelpointilm’avaitmanqué,probablementbeaucoupplusqu’iln’auraitdû.Etquandilm’atendusansunmotlesaladierdemûresquej’avaisabandonné,j’aieulasensation
quemoiaussi,jeluiavaismanqué.Lerécipientétaitplein,ilavaitprisletempsd’encueilliravantdenousrejoindre.Plustard,assiseaveclesautresautourdufeusurlequelrôtissaientdeuxlapins,jenepensaispas
pouvoiravalerquoiquecefût.Lacatastrophesemblaitimminente.
—Nous préférons le termeMétamorphes. Loups-garous, c’est trop… hollywoodien, a déclaréLucas.—Désolé…Masonn’arrêtaitpasdeparlerdeloups-garousetjemedisaisqu’ilétaitdingue,que
sapuissancecérébralel’avaitrendufou,vuquesonQIdépasselesbornes.—TuconnaisMasonKeane?mesuis-jeexclamée.—Difficiledefaireautrementpuisquejetravaille,ouplutôtjetravaillaispourBio-Chrome.—«Tutravaillais»?arépétéLucas,d’unevoixsuspicieuse.—J’aidémissionnéilyaunedizainedejours.J’aidécidédeprendredesvacancesbienméritées.
Etpuis,jel’avoue,jevoulaissavoirsivousexistiezvraiment.—Etpourcefaire,tuasdécidédenoussuivre?aditConnor.—Pas lapeinede jouer lesoffensés. Ilmesuivaitbien, lui,a-t-il rétorquéendésignantRafedu
doigt.Jenel’aijamaisvu,maisjelesavais,grâceàunesortedesixièmesensj’imagine.Jevoyaisbiencequ’ilvoulaitdire.J’endéduisaisquemasensationd’êtresurveilléepouvaittrès
bienavoirétécauséeparDallas.OuencoreparRafe,quinousauraitdiscrètementobservés.—Maispourquoi?ademandéKayla.—Jesuisunscientifique,j’aibesoindepreuves.Alorsvousêtestousdes…—Sionrépondàtaquestion,ondevratetuer,arétorquéRafe.Ilm’asembléqu’ilneblaguaitqu’àmoitié.— Écoutez, je ne vous veux aucun mal. Comme je disais, je cherchais juste des preuves. Et
j’essayaisaussidevoir si jepouvaisvous faireconfiance.Pourceque j’ensavais,vousauriezpuavoirlarageetvousmettreàbaver…—Etmaintenant,tusaisquecen’estpaslecas,adéclaréLucas.Enquoiçateconcerne?Kaylaaposésamainsurlasienne.Comprenait-ellequeLucasétaitentraindesedemandercequ’il
allait faire de l’humain ? Au pire, ce serait la mort, mais je n’y croyais pas. Nous pouvionsl’emmeneràWolfordetlaisserlesSagesdéciderdesonsort.Nouspouvionsaussiprendrelerisquedelelaisserpartir.Quilecroirait?—Jesensquelapressionmonte,alorsonsedétend,OK?Jesuisdevotrecôté.Jemesuisditque
sivousexistiezpourdebon,ilfallaitquejevousracontecequejesais.—Ont’écoute,aditConnor.— À la lisière de la forêt, juste avant le Parc national, il y a une enclave qui est encore une
propriétéprivée.L’annéedernière,Bio-Chromeyacommencé laconstructiond’un labo.Drôledechoix,non?C’est loindetout,aubeaumilieudenullepart.Onnousapprovisionneparhélico,ontravailleetonvitsurplace.Unpeucommeuneprison.Àvraidire,jen’étaismêmepassûrqu’ilsmelaisseraientpartir…Enfin,ilssonttrèssecretssurleursactivités.Quandj’aiprésentémacandidature,toutcequejesavais,c’estqu’ils’agissaitd’étudierle«gèneL.»C’esttout.Cen’estqu’aprèsavoirétéembauchéquej’aidécouvertqueleL.signifiaitLycanthropie.J’aicruàuneblague.Sesyeuxsesontperdusdanslacontemplationdufeu.Impossibledesavoirs’ilhésitaitànousen
direplusous’ilétaitencoresouslechoc.—Mais le Dr Keane etMason étaient obsédés par cette histoire. Ils n’arrêtaient pas de répéter
qu’ilsvoulaientcapturerunlycanthropepour l’étudier.Cequimeparaissaitcomplètementbarbare,vu que, si ces êtres existaient bel et bien, les enfermer, c’était les priver de leurs droits les plusessentiels. Quand je le leur ai fait remarquer, Mason m’a dit que les lycanthropes n’étaient pashumains,etqueparconséquentilsn’avaientaucundroit.J’aitrouvéçahorrible.DuMasontoutcraché,mesuis-jedit.J’aijetéuncoupd’œilàKayla.Elleavaitl’airtriste,ellene
comprenaitpaspourquoilesgensn’acceptaientpasnotreexistenceavecautantdefacilitéqu’elle.—Pourquoinepasnousl’avoirditl’autresoir?ademandéLucas.
—J’allaislefaire,maisplusjeparlais,pluscetteidéedeloups-garous–pardon,deMétamorphes–mesemblait…dingue.Il s’estmis à scruter sesmains, ainsi qu’il l’avait déjà fait au bar, comme pour comprendre de
quellemanièrenousnoustransformions.—Donctut’esditqu’ilvalaitmieuxnousespionner?arelancéConnor.—C’estlapremièrefoisquejejoueàJamesBond,alorsfaitescequevousvoulezdemoi.Enplus,
j’aivudequoiilestcapable,a-t-ilditenmontrantRafe.—Cequinousramèneàlaraisondetaprésenceparminous,areprisLucas.—Jepensaisquevousaviezledroitdesavoircequ’ilsmijotaient.—Tuasditquelelabosetrouvaitprèsduparc.Où,précisément?—Aunord-est.—Etsitunousmontraisl’endroit?—Quoi?Tuveuxdire,surunecarte?L’expressiondeLucas indiquaitclairementqueDallasavait intérêtànepasfaire lemariolle.J’y
voyais la férocité qui faisait de lui notre chef demeute. Et à en juger par la légère dilatation despupillesdeDallas,luiaussil’avaitremarquée.—Jepensaisplutôtquetupourraisnousymener,acorrigéLucas.—Vousnemefaitespasconfiance,aconstatéDallasavechumeur.—DisonsplutôtquenousavonsdéjàeuaffaireàBio-Chromeetcetteboîtenefaitpasvraiment
partiedesprotecteursdesespècesmenacées.Soudainnerveux,Dallasaregardétoutautourdelui.—Ilsontengagédesmercenairespoursurveillerleslieux.Cesgarsdonnentl’impressionqu’ils
accepteraientdetuerleurgrand-mèresileprixleurparaissaitcorrect.—Ettun’aspasjugéutiledelementionnerplustôt?ademandéRafeavecuncalmeglaçantqui
m’afaitfrissonner.Il évitait consciencieusement de me regarder et moi je faisais tout pour ne pas lui lancer des
regardsfurtifs.—J’yarrivais.Écoutez,jesuisungentil,moi,etjenemesenspasestiméàmajustevaleur,là.—Onveutjustequetunousmontreslelabo,l’arassuréLucas.Onpourraitavoirdesquestionsune
foissurplace.Dallasafaitouidelatêteavecréticence.—OK.Maisjusteuntruc.J’aiprisunechambreàl’hôteletj’yailaissédesaffairesquejevoudrais
récupérer.Aprèsvousavoirmontrélelabo,j’ail’intentiondefilerauCanada.TouslesautresconsidéraientmanifestementDallascommeunennemiquandmoijevoyaisenlui
unbravetype.Était-cedelanaïvetédemapart?—Tuasrisquégrosenvenantnousparlerdulabo,suis-jeintervenuedoucement.—Commej’aidit,cequ’ilsfont,cen’estpas…bien.—Nousteremercionsdenousavoiravertis,aaffirméLucas,maisilyavaitencoreunecertaine
méfiancedanssavoix.—Bon,amarmonnéDallas,j’espèrejustequejem’ensortirai.Moi,j’espéraisquenousnousensortirionstous.
DallasavaitunepetitetentemaisLucasaréussiàleconvaincrededormirdanscelledesgarçons.Mêmes’iln’auraitpus’enfuirànotreinsu–nousavionsorganisédestoursdegarde.J’étaisallongéedansmatentetandisqueRafemontaitlagarde.PuisceseraitletourdeKayla.Je
n’avaispaseul’occasiondeparleràRafe,deleremercierdem’avoirsauvélavie,nipourlesmûres.Avecprécaution,jemesuisextraitedemonsacdecouchageetj’aienfilémeschaussures.
—Oùvas-tu?Moncœurafaitunbond.—Jen’arrivepasàdormir,jevaisprendrel’air.—Écoute,Lindsey,jesaisqueçanemeregardepas,mais…—Tuas raison,Kayla, ça ne te regardepas, l’ai-je coupée, sachant très bienoù elle voulait en
venir.Etimmédiatement,jemesuissentiecoupabledemontrertantd’impatience.—J’aijustebesoinde…d’êtresûre.JenevoulaispasluiracontermesrêvesàproposdeRafeniluiparlerdemonravissementlorsque
jel’avaisvu.Toutçam’étaitinterditpuisquej’étaispromiseàConnor.Maisjenepouvaisniermonexcitation quand Rafe apparaissait. Était-ce parce qu’il était nouveau alors que l’autre m’était sifamilier?—C’estinjusteenversConnor,alâchéKayla.—Çaledeviendrasijenemetspasfinàmesdoutes.Sans attendre sa réponse, jeme suis levée et je suis sortie. J’ai senti la présence deRafe avant
mêmedelevoir.Ilétaitdissimulédansl’ombreprèsdenotretente.Sesyeuxsesontposéssurmoietil y avait tant d’intensité dans ce regard que c’était presque un contact physique. J’ai commencé àavoir chaud, exactement comme dans mes rêves. J’ai croisé les bras sur ma poitrine avant dem’avancerverslui,pourm’empêcherdeletoucher.—Jevoulaisteremercier,pourlesmûres.C’était un très mauvais début de conversation, mais comment lui dire que j’avais simplement
besoindelevoir?—Lesmûres?Onauraitditqu’ilavaitparléentresesdentsserrées.J’aiprismoncourageàdeuxmains.—Etpourm’avoirsauvélavie.—Jenecomprendspasquetusoispartieseule,a-t-ilfaitensecouantlatête.—C’estmaforêt,ai-jeaffirméavecemphase,notreforêt.Jem’ysuistoujourssentieensécurité.—Nousn’ysommesplus ensécurité, tune l’aspasencorecompris?a-t-ilmurmurédurement.
S’ilt’étaitarrivéquelquechose,sijen’avaispasétélà,celam’auraittué.Avantquejenecomprennecequ’ilavaitl’intentiondefaire,ilm’aattrapée,m’atiréeversluieta
plaquésabouchesurlamiennepourm’embrasseravecunetelleférocitéque,toutetremblante,jemesuisaccrochéeàluicommesij’étaisentraindemenoyeretqu’ilétaitmonseulespoir.J’avaistoujourscruqu’unbaiserétaitunbaiser,voilàtout.Jemetrompais.Moncorpsvibrait,telle
unecordedeharpequel’onauraitpincéeetquirésonnaitdoucement.Cebaiserétaitplustorridequetousceuxquej’avaiséchangésavecConnor.Oupeut-être lachimieentreRafeetmoiétait-elledifférente?J’aipassémesbrasautourdeson
couetmesuiscolléeàlui.Ilm’aenlacéeplusétroitementencoreetm’acaressélescheveux.Nousneformionsplusqu’un.Lalumièredelaluneelle-mêmen’auraitpus’immiscerentrenous.Alorsmêmequejem’abandonnaisauplaisir,monespritmehurlaitquejefaisaisquelquechosede
mal.J’appartenaisàConnor,j’étaissienne,ainsienétait-il.J’aimisfinaubaiseretj’aititubéenarrière.Larespirationsaccadée,j’aiobservéRafe,tentantde
comprendrecequ’ilvenaitdesepasser.Ilatendulamainversmoi.—Lindsey…—Non,ai-jesoupiré.Quoiqu’ileûtàdire,jenevoulaispasl’entendre.—Onn’auraitpasdûfaireça,c’étaitmal.
J’ai couru jusqu’àma tente, conscientedésormaisque la forêt recelaitdesdangerspiresque lespumas,oumêmequeBio-Chrome.
9
Il faisaitpresquenuit lorsquenousavonsatteint l’entréeduparc le lendemain.Toute la journée,j’avaisévitédecroiserleregarddeRafe,commesij’avaispeurdem’embrasersijelevaislesyeuxsurluiouqueConnorcomprennequenousnousétionsembrassés.Embrassés– lemotn’étaitpasassezfortpourdécrirecequis’étaitpassé laveille.Lapeuret le
soulagement avaient sûrement contribué à l’intensité dumoment dans l’atmosphère de danger quiplanaitalentour.Pourtant,j’enétaisrestéetremblanteetperturbée.—Alorsc’estréglé?Demain,tuparsavecRafepourluimontrerlelabo?ademandéLucasalors
quenousétionsregroupésàl’entréeduparc.—Ouais,pasdesouci,aréponduDallas.—J’aiunemoto,apréciséRafe.Ondevraityarrivervite.Onseretrouveàl’aube?—Jenesuispasfranchementlegenredegarsquiselèveauxaurores,arétorquéDallas.Onditen
milieudematinée,plutôt?Ilssesontmisd’accordsurl’horaireetRafeestpartiavecDallas.Jemedemandaiss’ilcomptait
garder un œil sur l’ancien employé de Bio-Chrome pendant la nuit. Kayla et moi devions nousoccuperd’ungrouped’ornithologueslelendemainmatin.LucasavaitdécidéqueConnoretluiiraientàWolfordparlerauxSages.—Onvasemettreenroutedanslamatinée,m’aannoncéConnor.Onsefaitunciné,cesoir?J’aiacquiescé,enessayantd’avoirl’airravie.J’avais terriblementbesoindepasserdutempsavecConnor,mais j’étais terroriséeà l’idéequ’il
découvremon infidélité.Même si cebaiser avait été le fruit de l’adrénaline, j’aurais dû être assezfortepouryrésister.Leproblème,c’estquejen’étaismêmepassûred’avoirvouluyrésister.C’estavecunsentimentdesoulagementquejesuisentréedansmonbungalow,commesisesquatre
murspouvaientmiraculeusementmeprotégerdemoi-même,decessentimentsquejemedécouvraispourRafe.Pourcouronnerletout,Kaylam’avaitobservéeattentivementtoutelajournée,commesielleattendaitquejecraqued’uninstantàl’autre.—Ils’estpasséuntrucentretoietRafehiersoir,non?m’a-t-elledemandéenposantsonsacàdos
surlelit.—Jen’aipasletempsd’endiscuter.J’airendez-vousavecConnor.Jesuisalléedans lasalledebainsprendreunedouche.Àpartirdu lendemain,sanscontactavec
ConnorniRafependantdeuxjours,jeseraisseuleavecmespenséesetj’yverraispeut-êtreplusclair.Dansl’immédiat,jevoulaismefairebellepourConnor,maiscurieusement,riennemesatisfaisait.
Mes cheveux étaient plats,monmaquillage sans relief.Ma tenue étaitmonunique atout : une jupeblanche,unbustierviolet,mavesteenjeanblanc,dessandalesàpetitstalonssexy.Àenjugerparsonsifflementlorsquejel’airejoint,Connorétaitdemonavis.Jemesentaisunpeu
moinscoupable.Laluneétaitunpeupluspleineetbrillante.Connoretmoiavonsdécidéd’allerenvilleàpied.Cela
signifiaitune séanceplus tardive,maispourvuqu’onsoit ensemble, le filmm’importaitpeu.Maindans la main, nous avons marché dans un silence complice. J’essayais de ne pas penser à Rafe,cependant j’étais inquiète qu’il parte seul à la recherche du labo de Bio-Chrome. Enfin pascomplètement seul. Dallas serait avec lui, mais je doutais de son efficacité dans un combat s’ilsavaientàsedéfendre.—EtsicettehistoireavecDallas,c’étaitunpiège?ai-jedemandé.S’ilsontbesoind’attraperl’un
d’entrenous…onleursertRafesurunplateau.LesdoigtsdeConnorsesontresserréssurlesmiens.
—Règlenumérouncesoir:interdictiondeparlerdeBio-Chromeoudetoutcequis’yrapporte.Pendantquelquesheures,onfaitcommesitoutétaitnormal.—D’accord.C’estquelfilmàl’affiche,aufait?Tarrantaunpetitcinémaquineproposequ’unfilmàlafois.Sonsourireétaitblancdansl’obscuriténaissante.—UntrucavecReeseWitherspoon,unfilmdefilles,quoi.Jemarquedespointssurcecoup-là.—C’étaittonidéed’allerauciné,n’ai-jepum’empêcherdesoulignerenluidonnantuncoupde
poingamical.—Aïe!Ils’estfrottélebras,puism’aattiréeàl’ombredesarbres.—Tusais,Lindsey,tuaspartagéchaqueinstantdemavie,petitougrand.—Pastapremièretransformation.—Tuyauraisassistésic’étaitautorisé.Jeveuxêtrelàpourtoi,pourtapremièrefois.Jet’aime.Moncœurs’estmisàcognerdansmacagethoracique,maispaspourlesbonnesraisons.J’aurais
dûressentirdelajoie,orj’étaisfrappéedeterreurdevantl’énormitédecequeConnorvenaitdemedireetdevantmon incapacitéàexprimeràmon tourunsentimentaussi sincère.SoitConnoravaitconsciencede ce conflit intérieur, soit il n’attendait pas de réponsedemapart car sabouche s’estposéesurlamienne.Sonbaisern’avaitjamaisparuaussiimportant,aussichargédesens,parcequ’iln’avaitjamaissuivicesdeuxpetitsmotsquiétaientenmêmetempsgigantesques.JeluttaispournepaslecompareraubaiserdeRafe,quim’avaitcoupélesouffleetlesjambes.Connorareculé.J’aiperçulatensiondanssesmainsquandillesaposéessurmesbras.—TupensesàRafe.—Quoi?Non.—Dis-moiquetum’aimes.—Tulesaisbien.Ilalâchéunrirefroidets’estéloignédemoi.—Tul’aimes?J’aisentileslarmesmebrûlerlesyeux.—Connor,n’insistepas.—Est-ce.Que.Tu.L’aimes?J’avaistoujourspuparlerdetoutavecConnor.Soudain,lesmotsavaientbeaucoupdemalàsortir.—Jenesaispas.—Bonsang,Lindsey, ta transformationapprocheet tunesaispas?Tunecroispasqu’il serait
tempsd’êtresûre?—Etqu’est-cequetumesuggères?D’alleraucinéaveclui?Unlourdsilenceasuivi,commesij’avaisposéunebombeetquenousattendionsqu’elleexplose.—Commentes-tucertainquejesuislabonne,Connor?ai-jerepris,furieusequemavoixsorte
aussifaiblardeethésitante.—Jelesais,c’esttout.—Cen’estpasuneréponse.Commenttulesais?Ils’estéloignédequelquespasavantderevenirversmoi.—OK.Peut-êtrequ’ilfautquetusortesaveclui.Moncœurbattaitlachamade.Jepaniquaisàl’idéequenouspuissionsnousséparer.Était-ceceque
jesouhaitais?Jenesavaisfranchementplus.—Tuessérieux?—Oui.Ilacommencéàpartir.
—Connor,attends!J’aicouruaprèslui.—Jeneveuxpasqueçasetermine…Jemesuistuebrutalement.J’aisentimespoilssehérissersurmanuque.—Connor !ai-jechuchoté,assez fortnonseulementpourqu’ilm’entende,maisqu’ildétecte la
terreurdansmavoix.Enuninstant,ilétaitderetouràmescôtésetémettaitungrognementgrave,guttural.—Tulesens?ai-jedemandé.Onauraitdit…unediscordancedansl’univers.JeparlaiscommeungourouNewAge,mais jenesavaispascommentl’expliquerautrement.La
forêtmerenvoyaitdemauvaisesondes.J’aientenduConnorinspirerprofondément.—Dusang,a-t-ilditd’unevoixbasse.Pleindesang.Encorechaud.Peut-êtreunemortrécente.Ou
quelqu’ungravementblessé.—Quelqu’un?C’estpeut-êtreunanimal.—Humain,sansaucundoute.Monestomacs’estretourné.Nousdevionsintervenir.Connorm’aprislamain,notredisputeapparemmentoubliée.—Çavaaller?—Biensûr.Enfait,jen’enauraispasjuré,maisjenel’auraisadmissousaucunprétexte.Ilm’alâchélamainetj’aiprisconsciencequ’ilenlevaitsesvêtementspourlesempilerdansmes
bras.—Etsic’étaitunpiège?—C’estdusanghumain,Lindsey.Ilyapeut-êtreunblessé.Etildécouvriraitsonemplacementbienplusrapidementsoussaformedeloup.—Nousnepourronsplus communiquer, alorsne t’éloignepasdemoi.Si tu te sens endanger,
coursaussivitequepossible.Hurle,aubesoin.—Compris.Il a effleurémes lèvres des siennes et j’ai espéré que ce n’était pas le dernier baiser que nous
échangions.L’airs’estchargéd’électricitéetj’aisentisafourrurecontremoi.Connorn’étaitpastropdifficile
àrepérerdanslenoirgrâceàsonpelageblondpâle.Soussaformeanimale,ilétaitcapabledeliredansmespensées,alorsjemesuisconcentréesurlatâcheàvenir.Jel’aicaressé.Quandils’estmisàreniflerlesoletl’air,jesuisrestéeprèsdeluipournepasleperdre.J’ai senti ses poils se hérisser d’un coup. À présent, l’odeur du sang saturait l’air, tellement
présentequej’enavaismalaucœur.J’aidistinguéuneformesurlesol.Connor a émis un long grognement étouffé. Je ne savais pas comment l’appel du loup pouvait
porter aussi loin et avec autant d’efficacité. J’aurais pu crier à pleins poumons, qui m’auraitentendue?Maisilsseraientnombreux,ceuxdenotrerace,àentendreConnor.Ilsviendraient.Etavecun peu de chance, ils apporteraient des lampes. Un grognement pouvait communiquer beaucoupd’informations.Connorareprissaformehumaine.—Ilestmort,a-t-ilaffirméd’unairsombre.—Quic’est?ai-jebredouillé.—Dallas.J’avaisdéjàreconnusonodeur.Assommée,j’avaisàpeineconsciencequ’iltiraitsurlesvêtementsquejetenaisencoredansmes
bras. Je les ai relâchés. Dansma tête, je criais. Qui était capable d’une chose pareille ? Pourquoi
l’avaient-ilstué?Uneseuleréponsem’estvenueàl’esprit:Bio-Chrome.Connorm’aprisedanssesbras.Ilavaitremissonjeanetétaittorsenu.Jesentaislachaleurdesa
peausurmajoue.—Tuvasbien?a-t-ildemandé.Maintenantqu’ilétaitaussiproche,jepouvaisluiposerlaquestionquim’angoissait.—Commentest-ilmort?Connoraresserrésonétreinte,commes’ilavaitautantbesoinderéconfortquemoi.—Apparemment,onl’aégorgé.
10
Connoravait recouvert levisageet lesépaulesdeDallasavecsachemise.QuandLucas,RafeetZander,unautreMétamorphe,sontarrivésavecdeslampesdepochepouréclairerlatristescène,jeluiaiétéreconnaissantedenevoirqu’unT-shirtkakitachéparendroits.—Tun’asrepérépersonnedanslesparages?ademandéLucas.—Personne,aréponduConnor.Quelquechosem’aeffleurélebrasetj’aibrusquementtournélatête.C’étaitRafe.J’étaissurprise
devoiràquelpointj’étaiscontentequ’ilsoitlàetrassuréequ’ilaillebien.Sonregardm’alentementparcourue,commes’ilvoulaitvérifierquelesangquiimprégnaitl’airn’étaitpaslemien.—Çava?a-t-ildemandéd’unevoixplusrauquequed’habitude,commeaprèsunegrossefrayeur.J’aiacquiescé,troprapidement.—Oui,c’estjuste…Jevaisbien.Il s’est éloigné et j’ai alors ressenti profondément le vide que laissait son absence. Il s’est
agenouillépourjeterunœilsousleT-shirt.—Ondiraitunevraie.Ilparlaitdelamorsure.Elleétaitréelle,etpasuneblessuremaquilléepourfairecroirequeDallas
avaitétéattaquéparunloup.—Jecroyaisquet’étaiscensélesurveiller,alancéConnor,visiblementirrité.Etj’avaisl’impressionquecen’étaitpasseulementàcausedelanégligencedeRafe.—OndevaitmangerunburgerauRenardRusé,mais ilvoulaitd’abordprendreunedouche. Je
n’aipasjugénécessairedel’attendredanssachambre,alorsjesuisalléaubar.Commeilnes’estpaspointé,jesuisretournéàl’hôtel.Iln’yétaitplus.—Jemedemandecequis’estpassé,ai-jemurmuré.—Peut-êtrequequelqu’unadécouvertqu’ilcherchaitànousaideretçaneluiapasplu,asuggéré
Rafe.Jesentaislepoidsdesonregardsurmoi.—Letypeàl’accueilm’aditqu’unmecbaraquélecherchait.—L’undesmercenairesdeBio-Chrome?ai-jedemandéàvoixbasse.—C’estcequejemesuisdit.Sic’estlecas,ilafiniparletrouver.—Il fautqu’onprévienne le shérif, aditLucas.Nousn’avonspas le choix.Cen’estpasundes
nôtres.Ilapeut-êtredelafamille.Le shérif Riley, lui, était l’un des nôtres. Il ferait tout son possible pour calmer la presse et
empêcher leNational Enquirer d’inventer une histoire de loups enragés ou de loups-garous quisautentàlagorgedetouristesinnocents.—JeramèneLindseyàsonbungalow,aditConnor.—OK,aréponduLucasd’unairdistrait,lesyeuxrivéssurlecorps.Je ne me rappelle aucun détail du retour au camp, sauf qu’il s’est fait en silence. Même les
chouettesnehululaientpas.Onauraitditquelaforêttoutentièreportaitledeuil.Quandnoussommesarrivés,j’aiouvertlaporteetjesuisentrée.Connorm’asuivie.Kaylaétaitassisedanssonlit.Ellearejetélescouverturesets’estprécipitéeversmoi.Jemesuis
demandé ce que mon visage trahissait. Peut-être a-t-elle vu que j’étais blanche comme un linge.J’avaisl’impressiond’êtreunzombie.—Çava?s’est-elleécriée.Jecommençaisàpenserquec’étaitlaquestionlaplusdébileaumonde.Quelenétaitl’intérêtquand
ilétaitévidentqueçan’allaitpas?
—Dis-lui,tuveux?ai-jedemandéàConnor.Jevaisprendreunedouche.Jemesuislentementdirigéeverslasalledebainsetj’aifermélaporte.J’aitournélerobinetau
maximum.C’étaitl’étéetlesnuitsétaientfraîches,maisj’avaiscarrémentl’impressiond’êtresurlabanquise.Sansmedéshabiller, jesuisentréedanslacabine,jemesuisassiseparterreet j’ai laissél’eausedéversersurmoi.J’avaislasensationquel’odeurdusangsaturaitmapeauetmesvêtements.J’airepliémesjambesquej’aientouréesdemesbras,j’aiposémonfrontsurmesgenouxetjemesuismiseàpleurer.Dallas n’avait pas l’air méchant. Il voulait nous aider. Pourquoi n’avions-nous pas mesuré les
risques qu’il prenait ? Nous avions rencontré plusieurs scientifiques de Bio-Chrome ; ils nes’intéressaientqu’àunechose:percerlesecretdenotreADN.J’ai entendu la porte s’ouvrir et une bouffée d’air frais s’est engouffrée dans la pièce embuée.
J’étaissansdouteentraindem’ébouillanter,maisjenesentaisplusrien.—Lindsey?ademandéKaylaenécartantunpeulerideau.—Pitié,nemedemandepassiçava!—Promis.Elleaéteintl’eau.—Onvatesécher.—Jepeuxmedébrouiller.Bizarrement,j’ysuisarrivée.J’airéussiàquittermesvêtementstrempés,àmesécheretàenfilerle
pyjamaqu’elleavaitposésurlemeuble.Quandj’aieuterminé,jesuissortiedelasalledebainsetjemesuisglisséedansmonlit,àcôtédusien.—OùestConnor?—Ilestparti.IlvoulaitretourneraiderLucasàcomprendrecequis’estpassé.Elles’estassiseauborddemonlit.—Tuveuxqu’onenparle?—Pasvraiment.—Quandmesparentssesontfaittuer,jemesuismuréedanslesilence,acontinuéKayla.Cegenre
detraumatismepeutviterevenirtehanter.—Onleconnaissaitàpeine,luiai-jerappelé.Maisilavaitl’airsympa.J’avaisl’impressiond’entendrequelqu’und’autre.D’oùsortaientcesmots?—Connorpensequec’estunmeurtre,m’aexpliquéKayla.Soitl’und’entrenousestpasséducôté
obscur,soitl’undesmecsdeBio-Chromeaunchienouunloupbiendressé.—Nousétionslesseulsàsavoirqu’ilallaitnousaider,ai-jerappelé.Maisjenepouvaispasm’empêcherdecroirequeBio-Chromeétaitimpliqué.J’avaisencorefroid.J’airemontélescouverturesjusquesousmonnezetj’airegardéKayla.—J’imaginequ’onauralesréponsesquandontrouveralelabodeBio-Chrome.Aumoins,onsait
dansquelledirectionaller.—Saufs’ilamenti,aditKaylatoutbas.Peut-êtrequesamissionconsistaitànouslancersurune
faussepiste.—Detoutefaçon,onnerésoudrapaslemystèrecesoir.Jevaisdormir.—Tuessûreque…—Jevaistrèsbien,l’ai-jecoupée.Jemesuistournéesurlecôté,dosàelle.J’aientendusonlitgrincerquandelles’estcouchée.Puis
lalampes’estéteinte.Je suis restée là très longtemps, épuiséemais incapable de fermer l’œil. J’avais conscience que
Kaylaétaitdevenuetotalementimmobile.Ellenes’agitait jamaisdanssonsommeil.Puis j’aiperçuuneprésencedehors,unbruitdepasétouffé.
Jeme suis glissée hors du lit et j’ai traversé la chambre pieds nus. Lentement, doucement, j’aiouvert laporte.Jesuissortiesous leporcheet j’ai referméderrièremoi.Jenepeuxpasexpliquercomment j’ai su que j’allais y trouver Rafe.Mais j’en étais sûre. Je voulais aller à sa rencontre,l’enlacer et qu’ilm’enlace. J’ai repensé à ladisputeque j’avais eue avecConnor.Avait-il raison?Avais-jebesoindecreusermessentimentspourRafe?—Jenevoulaispasteréveiller,achuchotéRafe.Ilsetenaitdebout,lesmainsdanslespochesdesonjean.—Cen’estpastoi.—Jevoulaism’assurerquetuallaisbien.J’aisentileslarmesmepiquerlesyeux.—Rafe,c’estpeut-êtremafautes’ilaététué.—Quoi?Non.Ilm’acaressélajoue.—Siçadoitêtrelafautedequelqu’un,c’estlamienne.—Maissijen’étaispaspartiecueillirdesmûres,s’ilnet’avaitpasvusoustaformedeloup…Ilaposésondoigtsurmabouchepourmefairetaire,puism’aattiréecontrelui.—S’ilnousavaittoutditcettenuit-là,leschosesauraientpuêtredifférentes.Nousnelesaurons
jamais.Aucund’entrenousnepouvaitcontrôlerl’enchaînementdesévénements.Cedontonestsûr,c’estquequelqu’unétaitàsarechercheetquemaintenant,ilestmort.Maiscen’estpasàtoideportercefardeau.Jen’aipasargumenté.J’avaiseumadosedestresspourlanuit.Pourl’instant,êtredanssesbras
étaitaussirelaxantquedemefairemasserauspademamère.—Hiersoir,lorsquejet’aiembrassée,a-t-ilreprisdoucement,jesuisdésolésijet’aiperturbée.
J’aitellementeupeurquandj’aivucepuma…J’aieubesoind’autrechosequedet’enlacer,desavoirquetuallaisbien.Toutcequejeressentaiss’étaitaccumulé.—N’ypenseplus.Jeluiaicoupélaparoleavantqu’ilnedisequelquechosequenousaurionstouslesdeuxregretté.Ilm’aembrasséesurlefront,puisàcontrecœur,ils’estécarté.—Bon,jevoulaisjustem’assurerquetuallaisbienavantdepartir.—Tuvasoù?—Trouvercelabo.Moncœurabondidansmapoitrine.—ConnoretLucast’accompagnent?—Non,jeparsdèsmaintenant.—Jevaisavectoi.—Non,c’esttropdangereux.—Rafe, j’ai l’impressionque c’est dema faute siDallas estmort. J’irai chercher ce labo toute
seules’illefaut.—Connornevapasapprécier.C’étaitConnorquiavaitémisl’idéequejesorteavecRafe.Mêmes’iln’envisageaitpascegenre
d’équipée,ilnem’envoudraitpastrop.Decettefaçon,jepouvaisapportermonaideetpasserunpeudetempsavecRafe,commeill’avaitsuggéré.—Ilfautquej’yaille.Rafearéfléchipendantcequim’asembléuneéternité.—D’accord.Tuasdixminutespourfairetonsac.J’aiacquiescéetouvertlaporte.—Lindsey?
J’aitournélatête.—Te demandes-tu parfois si le prix qu’on paie pour garder notre existence secrète en vaut la
peine?—Jemedemandebeaucoupdechoses,Rafe.«Surtoutàproposdetoietmoi,decesentimentfortquej’éprouveàtonégard.Est-ceuneenviede
braverl’interdit?Ouquelquechosedeplusprofond?»ai-jepensé.
11
Pas facile de sortir en douce de son bungalow quand votre colocataire, qui vient de vivre sapremièretransformation,al’ouïeultrafine.—Qu’est-cequetufais?ademandéKaylad’unevoixensommeillée.Jen’avaispasallumépourfairemonsac,maisl’éclairageextérieurfiltraitdansnotrechambreà
traverslesrideauxdelafenêtre.—Rien.Rendors-toi.—Tutefichesdequi,là?Au cours de l’année passée, Kayla était devenue ma meilleure amie.Ma relation avec Brittany
s’était peu à peu détériorée et elle était désormais aussi tendue que celle que j’entretenais avecConnor. Je savais que je devais prévenir quelqu’un demes projets et je pensais pouvoir lui faireconfiance.—JeparsavecRafeàlarecherchedulabosecret.Lalampes’estalluméed’uncoup.Kaylamefixait,lesyeuxplissés.—Onestcensésaccompagnerungrouped’ornithologuesdemain.—Ilsnesontlàquepourlajournée.Tut’ensortirassansmoi.Elleapassésesdoigtsdanslamasseépaissedesesbouclesroussespourlesaérer.—Rafeiraitsansdouteplusvitesanstoi,tunecroispas?Elle avait raison ; je risquais d’être un handicap pour lui.Mon envie d’aider était-elle l’unique
raisonquimepoussaitàl’accompagner?Ouobéissais-jeàunmotifpluségoïste?— Je me sens coupable de ce qui est arrivé à Dallas.Même si je ne lui faisais pas tout à fait
confiance,ilestpeut-êtremortparcequ’ilnouscommuniquaitdesinformations.—Lindsey,c’estmoi.Lavérité?—C’estlavérité.Dumoinsunepartie.J’aisoupiréetregardémamontre.Jenedisposaisquedequelquesminutes,maisilfallaitqueje
déballetousmesdoutesausujetdemonfuturcompagnon.M’asseyantauborddemonlit,j’aitentédecalmerlesbattementsdemoncœur.Jen’avaisjamaisexprimémeshésitationsàvoixhauteetl’idéedefairefaceàmesvéritablessentimentsmeterrifiait.—Cesdernierstemps,jen’arrêtepasdepenseràRafe.Jerêvedelui–desrêvesintenses.Ethier
soir,ilm’aembrassée.—Danstonrêve?J’aisecouélatête.—Non,envrai.Etc’était…incroyable.Puissant.Sauvage.JeneveuxpasfairedepeineàConnor,
maisj’aibesoindedémêlermessentimentspourRafe.C’estàlafoisleparadisetl’enfer.—TuaimesConnor?J’ai rejeté la têteenarrièreet fixé leplafond.J’imaginais levisagedeConnordansunnœuddu
bois.—Oui,mais…—Mais…?J’airivémesyeuxsurlessiens.—C’estcomment,d’aimerLucas?Elleaplissélefront.—Intense.Dévorant.Jen’aiaucundoute.—Moi,j’enaiplein,bienquejetienneàConnor.Etillesait.Ons’estdisputésàceproposavantde
trouverDallas. Il veutque j’éclaircisse ceque je ressens exactementpourRafe,maispour cela, je
doispasserdu tempsavec lui.Et lapleine lune…ehbienellenevapasattendreque jemedécide.Ellevavenir,bientôt,etjedoissavoir.Etjeferaiunebonneactionparlamêmeoccasion.—Lindsey,c’estimprudent.C’estbientropdangereux.C’étaitvrai,pouruntasderaisons.—Peuimporte.Jedoisprendrelerisque.Nonseulementdetrouverlelabo,maisdedécouvrircequedisaitmoncœur.—Etsitudécides…quecen’estpasConnor?J’aisentimapoitrinesecrisperdouloureusement.—Est-cequeceseraitjusteenversluisijel’acceptaispourcompagnonsansl’aimercommetoitu
aimesLucas?Kaylas’estlevéeetm’aserréefortdanssesbras.—Ceneseraitpasjustepourtoinonplus.Situneparvienspasàtrancher,tupeuxcomptersurmoi
pourtonchangement.—MaistuesliéeàLucas.—Etalors?Elles’estécartéedemoietasoutenumonregard.—On ne peut pas se lier à plus d’une personne ? Tu esmameilleure amie, Lindsey. Je ne te
laisseraipastraversercetteépreuveseule.J’aisentileslarmesmepiquerlesyeux.—Merci, Kayla. Mais je réussirai à y voir clair, sinon je ne mérite pas d’être un Gardien de
l’Ombre.DevenirunGardienestpresqueaussi importantpourmoiquedecomprendrequ’ilm’estvraimentdestiné.J’aidemandéàKaylad’expliquer lasituationàConnor,pourqu’ilnes’inquiètepasetnevienne
pasmechercher.Leconnaissant,jemesuisditqu’ilferaitsansdoutelesdeux.Rafe était appuyé contre le pilier du porche quand je suis ressortie. J’ai alors été frappée par
l’énormitédemadécision.Jepartaisaveclui.J’allaisêtreseuleaveclui.J’étaissurprisedeconstateràquelpointc’étaitcequejevoulais.Jesentaissonregardinquisiteur,maisj’avaisaussipleinementconscience que son visage, habituellement indéchiffrable, affichait un plaisir évident. Malgré lesdangers que nous pourrions rencontrer, dans la nature et dans nos cœurs, il était heureux que jel’accompagne.Uneondedechaleurm’aenvahiequandilm’aprislamainpourentrelacersesdoigtsauxmiens. J’étais étonnéeque ce soit aussi naturel.En silence, je l’ai suivi jusqu’à l’endroit où ilavaitgarésamoto,assezloinpourquepersonnenel’entende.Jesuismontéederrièrelui,j’aiajustémonsacàdospourêtreplusàl’aiseetj’aiglissémesbras
autourdesataille,medélectantdesaforceetdesachaleur.—Tuessûredetoi,Lindsey?a-t-ildemandé.Ilavaitconsciencequejefaisaiscevoyagepourplusieursraisons,etpassimplementpourtrouver
lelabosecret.—Toutàfait.—QuandConnordécouvriraàsonretourquetuespartie,ilviendratechercher.— Il ne peut pas m’en vouloir, Rafe. La vérité, c’est que… j’applique simplement ce qu’il a
suggéré.Ilalaissééchapperunrireamer.—Oh,ilserafurieux.Tupeuxmecroire.Lemoteurarugi.J’airesserrémonétreinteaumomentdudémarrage.Uneétrangesensationm’a
parcourue et j’ai regardé derrièremoi. Je n’arrivais pas àmedéfaire de l’impression qu’on nousépiait.
Nousavonsrouléjusqu’aucrépusculedansl’épaisseforêtluxuriante.NousavonsfaitunarrêtpourmangerrapidementquelquessandwichesqueRafeavaitemportés.Nousn’avonspaséchangéunmot.Peut-êtreavions-nousl’impressiondebraveruninterdit,peut-êtreavions-nouspeurd’êtreentendus.Ounousn’avions tout simplement rien ànousdire aumomentoùnousprenions consciencede laportéedenotre initiative.Nousallionsforcémentcroiser ledanger.Rafen’avaitsansdoutepasététrès malin en me laissant l’accompagner. D’un autre côté, je ne pensais pas qu’il aurait été plusprudentdesapartd’yallerseul.L’obscuritéprofondeesttombéeavantquenousfassionshaltepourlanuit.Rafenem’apaslâchée
tantquemesjambesn’étaientpasbiend’aplomb.—Ilfaudracombiendetempsavantquemesjambess’habituentàdelonguesheuresdemoto?—J’espèrequeçan’arriverajamais.J’aimebient’avoirdansmesbras.Blottiecontrelui,jesavouraiscetteproximité.J’aiinhalésonodeur.«Peuimportecommentcette
aventuresetermine,ai-jepensé,jen’oublieraijamaissonparfum.»—Jecroisqu’ondevraitéviterd’allumerunfeudecamp,aditRafe,sapoitrinevibrantàchacun
desesmots.Onnesaitpasàquelledistanceilssetrouvent.—Tucroisqu’onestsuivis?—Jel’ignore,maisc’estprobable.Cesmercenairessontprêtsàtout,d’aprèscequedisaitDallas.—Tupensesqu’ilsl’onttué?—Ilyadeschances.Ilssontpeut-êtrerestésdanslesparagespourvoirnotreréaction.—Lessalauds.Àcontrecœur,jemesuisécartéedeRafe,j’aisortiunepetitelampestylodemapocheetj’aisondé
lesenvirons.J’aiaperçuunesouche,jemesuisassisedessusetj’aiéteintlalumière.J’aieudumalàenlevermonsacàdosetjemesuisdemandécommentjepouvaisêtreaussifatiguéeaprèsunsimpletrajetàmoto.Lamoindreparcelledemoncorpsmefaisaitmal.Àlalueurdelalune,j’aivuRafes’approcherets’asseoiràcôtédemoi.—J’aidesbarresprotéinéesetdeuxpommes,ai-jeannoncé.—Çaira.Jepeuxteramenercesoirsi tuaschangéd’avis,maisquandonseraàdeuxjoursde
route…—Jeneveuxpasrentrer.Jeluiaitenduunebarreprotéinée.J’aitrouvéunebouteilled’eaudansunepochelatérale.—Demain,onseraassezprochesdel’undenosrepères.Onpourraseravitailleretdormirdans
unezoneprotégée,aditRafe.LesMétamorphesavaientorganisédesrepèressecretspartoutdanslaforêt.Nousystockionsdes
vivres,desvêtementsderechangeetd’autresproduitsdepremièrenécessitéaucasoùunmembredelameuteseretrouvaitisolé,blesséouendanger.Mêmesil’Étatétaitpropriétairedelaforêt,nouslaconsidérionscommenôtre.CertainsdenosancêtresavaientdébarquéduMayflower.Quandonavaitcommencé à les brûler vifs, à Salem, ils s’étaient installés dans cette étendue sauvage. C’était undomainenationaldepuisunecentained’annéesseulement,maisc’étaitnotremaisondepuisbienpluslongtemps.Mêmedansl’obscurité,jem’ysentaisbien.—Tuescenséfairequoisitutrouveslelabo?ai-jedemandé.Ledétruire,tuertoutlemonde?—Non,seulementinformerLucasdesonemplacement.Ensuite,ondécidera.—J’espèrequej’auraivécumapremièretransformationd’icilà.Jeseraiplusefficaceentantque
louve.—Jenesaispassionpourraattendreaussilongtemps.Unpetitriregêném’aéchappé.—Àt’entendre,çaal’airtellementloin!Etmoi,jetrouvequeçaarrivetropvite.
—Laplupartd’entrenoussontimpatientsdeconnaîtreleurpremièretransformation.Ilapasséladoigtlelongdemonbrasnu.J’aifrissonné.—Ettoi,non.Pourquoi?M’encourageait-ilàluiavouermessentiments?—Tupeuxliredansmespensées?ai-jedemandé.—Quandjesuissousmaformedeloup.—Etsinon?—Jecapteunepenséedetempsentemps.Quelleconclusiondevais-jeentirer?Ilpouvait liredansmespenséessanssetransformer,alors
queConnorenétaitincapable.Jemesuislevée.—Jepensaisquechacundenousavaituncompagnonprédestiné,qu’onlereconnaissaitd’instinct.
J’ail’impressiond’êtreuneaberration.Jen’imaginaispasquec’étaitaussiperturbant.—Qu’est-cequiteperturbe?Jemesuisretournée.—Bonsang,Rafe,situpeuxréellementliredansmespensées,tudoisdéjàlesavoir.—J’essaiedenepasm’imposerdanstonesprit.M’autorises-tuà…—Non!J’avaisbesoind’intimitéjusqu’àcequej’yvoieclair.—Qu’as-turessentiquandjet’aiembrassée?—C’étaitplusintensequetoutcequej’aijamaisvécu.Maisc’étaitpeut-êtredûauxémotionsdela
journée…Onétaittouslesdeuxsouslechoc.—Alorslaisse-moit’embrasserànouveau.Savoixétaitgrave,rassurante,presquehypnotique.—Ceneseraitpasjustevis-à-visdeConnor.—Ettoustesdoutes,est-cejustepourlui?Leschosessontdifférentespourlesmâles.Pendantta
première transformation, si ton compagnon est avec toi, si tu l’as choisi, il se liera à toi.Ce serapermanent.Nousnousaccouplonspourlavie.Situchangesd’avis,tupeuxt’enaller.Pasnous.Etsituviensversmoiaprès,jesauraitoujoursqu’ilétaitavectoilorsdetapremièrefois.Jenepourraijamaispartagercetteexpérienceavectoi.—Maisjevivraid’autrestransfor…—Celan’aurarienàvoiraveclapremièrefois,quandtoutennous,toutcequenoussommes,tout
cequenousserons,arriveàmaturité.Unpapillonquiémergedesachrysalideresteraunpapillon,maislemomentoùildéploiesesailespourlapremièrefoisestunique.C’estlaraisonpourlaquellelelienquiseformeàlapremièretransformationdelafemelleestaussifort.Ellenevivraplusjamaiscemomentd’émerveillementetlemâle,sonmâle,veutlevivreavecelle.J’avais toujourssuque lapremière transformationétaituneexpérienceprofonde,maispersonne
nel’avaitjamaisexpliquéedecettemanière.Toutcommelesexe,c’étaitunsujetquemamèreavaitrarementabordéavecmoi.C’étaitunepartieimportantedemonpassageàl’âgeadulteetpersonnenem’avaitdonnélemoded’emploi.Soudain,Rafefutàcôtédemoi.Jesentais lachaleurirradierdesoncorps.Jevoulaismeblottir
contrelui.— Pourquoi es-tu venue avecmoi si tu ne voulais pas tenter de savoir ce que ça faisait d’être
ensemble?a-t-ildemandé.J’aiprisdélicatementsatêteentremesmains.Jevoyaissabarbedetroisjours,seslongscheveux
brunssoulevésparlabrise,sonregardplongédanslemien.J’avaisconsciencequ’ilattendaitquejemedécide.
«Pardonne-moi,Connor.»Jemesuismisesur lapointedespiedspourprononcermoninvitationd’unevoixquej’espérais
sensuelle.«Embrasse-moi.»Songrognementdouxetvictorieuxaretentientrenousetilm’aembrasséepassionnément.Comme
lepremier, cebaiserm’a coupé le souffle.Ce soir, cen’était pas la pousséed’adrénalinedue à laproximitéde lamort, ni le sentimentgrisant qu’ilm’ait sauvé la vie.Mais le feu était toujours là,dévorant,commedansmesrêves.Ettoutcommelepremierbaiser,ilétaitétourdissant.Jemesuisdégagéelapremière.Jen’enétaisplusàmedemandersicen’étaitqu’unequestionde
désir.Enfin,jesentaiscelienprofonddonttousparlaient.J’avaisunproblème.Ungrosproblème.Quandmestalonsonttouchéànouveaulesol,j’aiposémajoueaucreuxdesonépaule,accueillant
sesbrasautourdemoi.—Çava?—Jenesaispas,Rafe.Mavies’estcompliquée,toutàcoup.—Jenediraipasqueçamefaitplaisir,mais jenesuispasdéçunonplus.Aumoins, ilyaune
chancequetumechoisisses.«Etqu’endiraConnor?»—Ilfautqu’ondormeunpeu,a-t-ilrepris.Tupeuxpartagermonsacdecouchage.Super!J’avaisoubliéd’emportermonduvet.—Jenepeuxpas,ai-jeréponduavecquelqueregret.Sijefranchissaiscertaineslimites,jenepourraisplusrevenirenarrière.—Turecommencesàt’inquiéterpourConnor.—Évidemmentquejem’inquiètepourlui.Rafe,ilatoujoursfaitpartiedemavie.Jusqu’àcetété,
aucundenousdeuxneseposaitdequestion,aucundenousdeuxn’avaitdedoute…Etlà,jenesaisplus.Tomberamoureuxdevraitêtrelachoselaplusnaturellequisoit,orçanel’estpas.C’était précisément ce quime compliquait l’existence : j’étais en train de tomber amoureuse de
Rafe.Àcausedesesmerveilleuxbaisers,certes,etaussiparcequ’ilpouvaitmedévoilersoncœuretsonâmesansréserve.Ilétaitfort,généreux.Iltenaitàmoi.Ilsavaitcequ’ilvoulaitetn’hésitaitpasàsebattrepourl’avoir.Ilneserésignaitpas.Tendrement,ilm’atouchélajoue.—Jenevoulaispasterendreleschosesplusdifficiles.J’aimeraisquecesoitplussimple,autant
pourtoiquepourmoi.Simplement,jenevoulaispasabandonners’ilyavaitunechancequ’onpuisseêtreensemble.Ets’iln’yenavaitaucune,jedevaislesavoir.Toiaussi.—Jesais.Jenesuispasencolère.Juste…trèsfatiguée.—Situpartagesmonsacdecouchage,jeteprometsqu’onneferaquedormir.Sans attendrema réponse, il est allé chercher son duvet à l’arrière de samoto.Même si jeme
sentaiscoupable, jenepouvaisniermon impatienceàmepelotonnercontre lui,àdormirdanssesbras.Jen’avaisjamaisrêvédedormirdanslesbrasdeConnor.Rafeadéroulélesacdecouchage,puisilm’atendulamainetaentrelacésesdoigtsauxmiens.Je
me suis allongée. La seconde d’après, il était étendu sur le dos àmes côtés,m’attirant contre sonflanc.Jesentaislaforcedesonétreinte,lafermetédesesmuscles.J’aiposémajoueaucreuxdesonépaule et j’ai écouté lesbattements réguliersde son cœur. Il avait promisquenousne ferionsquedormir,maisjemesurprenaisàenvouloirdavantage.J’espéraisunautrebaiser.Jebrûlaisdesentirsesdoigtssurmapeau.Rafes’estenrouléautourdemoi,m’enveloppantdanslecocondesachaleur.Bientôt, jemesuis
détendue,moncorpsconfonduaveclesien.Jecroyaisquenouspartionsà la recherchede lachose laplusdangereusedans la forêt. J’avais
tort.Àcemomentprécis,lachoselaplusdangereusequej’affrontais,c’étaitsesbrasautourdemoi
etpourtant,jamaisjenem’étaissentieautantensécurité.
12
Le lendemain matin, je me suis réveillée blottie contre Rafe. Il ne m’avait pas lâchée et je nevoulaispasquitter leconfortdesesbras.Jenemesouvenaispasavoirdormiaussiprofondément,alors que nous avions passé la nuit à la dure. Mes rêves avaient été incroyablement nets etpéniblementréels.LapluparttournaientautourdeRafequim’embrassaitjusqu’àcequejedéfailledeplaisir. Dans un autre, Connor et lui se battaient pour moi. Pour autant que je sache, cela ne seproduisait plus de nos jours,même si c’étaitmonnaie courante parmi lesMétamorphes des tempsanciens.Parfois,j’étaissurprisequenotreespècen’aitpasdisparu.J’aienfouimonvisageaucreuxdesonépauleenmedemandantsic’étaitunlève-tôtetdequelle
humeurilseréveillerait.Pourmapart,jemesentaisformidablementreposée.C’estsonbaiserprèsdematempequim’aalertée:ilnedormaitplus.Seslèvresétaientdouceset
chaudes.Mêmesijebrûlaisdel’embrasserpassionnément,j’avaispeurdem’abandonneràmondésirtantquemessentimentsétaientincertains.Jenepouvaisnierqu’ilsgrandissaient,maisdépasseraient-ilsl’affectionquej’avaispourConnor?Était-cedéjàfait?Était-ild’ailleurspossibledemesurerlesélansducœur?J’aiinclinélatêteenarrièreetcroisélechaudregarddeRafe.Avantquejepuissedirebonjour,ila
effacé d’un baiser tous mes doutes et ma culpabilité. Pendant un court instant, je me suis sentieaffranchie de tout souci, de toute angoisse. Je me suis laissée aller et j’ai senti ses muscles secontracterpuisserelâcheralorsquejefaisaiscourirmesdoigtssursesépaulesetdanssondos.Ilétaittellementfort,tellementpuissant.Jelevoulais,jevoulaislasécuritéqu’ildégageait,jevoulaissavoir,auplusprofonddemoi,qu’ilétaitlebon.Maisquelquesheuresensacompagnienepouvaienteffacerletempsquej’avaispasséauprèsdeConnor,l’hommequim’étaitdestiné.À regret, j’ai reculé.Son regard aparcourumonmenton,mes lèvres,monnez,mesyeux,mon
front,commes’ilvoulaitpassersavieàlesembrasser.—Troptôtpourlesbaisersspontanés?a-t-ildemandédoucement.J’aiacquiescé.J’aicaressélecoindesabouchequiserelevaitenunsourirenarquois.—Jesuisdésolée.—Nelesoispas,Lindsey.Jesuispatient.Contrairementàlalune.Surcerappel,ilestsortidusacdecouchage.Ilm’amanquéimmédiatement.Réprimantmondésir,
jemesuisassiseetj’aiattrapémonsacàdos.Aprèsavoirdétachémescheveux,jelesaidémêlés.Rafes’estaccroupidevantmoietaposéunpaquetdesixbeignetsrecouvertsdechocolat.—Oh,mespréférés!mesuis-jeexclamée,ravie.—Jesais.J’ailevélesyeuxverslui.—Commenttusavais?—Tuesuneaccroduchocolat.D’unemain,ilafaitminedetirermescheveux.—Laisse-lesdétachésaujourd’hui.—Ilsserontpleinsdenœudsd’icicesoir.—Jelesbrosserai.—Tuasdéjàessayédedémêlerdesnœudsaprèsunejournéeenpleinvent?C’estuncombatperdu
d’avance.Désolée.Jelesdétacheraiquandonirasecouchercesoir.Ilm’aadresséunsouriresexy.—Çameva.
Aprèsunpetit-déjeunerrapide,nousavonsfaitnosbagagesetjemesuisinstalléederrièreRafesursamoto.—Tuasaccèsàmesrêvescommetulisdansmespensées?ai-jedemandé.Ilm’ajetéunregardencoinetfaitunclind’œil.—Seulementsijesuisréveillé.Avantquejepuisseluidemanders’ilavaitdormilanuitdernière(jedevaissavoirs’ilavaitvumes
rêves),iladémarréetnoussommesrepartisàfonddanslaforêt.Il ne faisait pas aussi clair que la veille. Plus nous allions vers le nord, plus les nuages noirs
devenaient menaçants. Même si nous ne voulions que découvrir l’emplacement du labo pourl’indiquer ensuite aux autres, nous prenions le risque d’être capturés.Les scientifiques penseraientque nous étions des Métamorphes, ils feraient des expériences sur nous. Aucune loi ne nousprotégeraitpuisqu’aucuneloi,exceptélanôtre,nereconnaissaitnotreexistence.Peut-êtrequelaSPAsemanifesterait et alerterait le public à propos d’actes de cruauté envers les animaux, mais nousn’étions pas vraiment des « animaux » au sens strict. Nous n’étions pas non plus complètementhumains.Jenepouvaispasm’empêcherdemedemandersil’heureétaitvenuepournousdesortirdubois–c’étaitlecasdeledire.Environ une heure avant le crépuscule, nous sommes tombés en panne d’essence. Rafe avait
modifiésamotopourpouvoirfaireplusdekilomètresavecunpleinetjecommençaisàcroirequ’ilavait aussi agrandi le réservoir.Maismême lemeilleur desmécaniciens ne peut prévoir tous lessoucis possibles, en particulier dans une étendue sauvage aussi grande. Il ne paraissait pas du toutinquiet,sansdouteparcequ’ilnoussavaitprochesdel’undenosrepères.Çam’était égal demarcher. J’étais habituée à faire de la randonnée. Une partie demoi voulait
marchervite,l’autrevoulaitprendresontemps.Nosrepèresétaientgénéralementcreusésàflancdemontagneoudecolline. Ilsétaientplutôtconfortables.Cesoir,Rafeetmoiserionsseulsdans l’und’eux.Serais-jeassez fortepour résisterauplaisird’unautrebaiser?Dormirions-nousànouveaudanslesbrasl’undel’autre?Cachésauxyeuxdumondeetcomplètementàl’abri,aurions-nouslaforcederepousserlatentation?J’airegardéautourdemoi.Lanaturefamilièremeparaissaitsoudainétrangère,violée.—Ets’ilsavaientposédespièges?—Alors espérons que je tombe dedans et pas toi, a répondu Rafe. Je peux me transformer et
guérir.Toi,ilfaudraitquejeteramènetantbienquemalverslacivilisation.—Àconditionqu’onpuisses’enéchapper.Ets’ilsnousamènentàleurlabo?Iladoucementtouchémajoue.—Ilnet’arriverarien,Lindsey.Jetepromets.Jel’airevusebattreaveclepuma.MaisBio-Chromeétaituntoutautregenred’animal.—Commentont-ilspuconstruireunlaboaussiprèsdelaforêtsansquepersonnes’enaperçoive?—C’estunezonepeupeupléeetonnepeutpasyfairedespatrouillestoutletemps.J’aientendu
parlerdecartelsde ladroguequi fontpousser leursplantsdemarijuanaetdepavotsurdes terresgouvernementales,àl’intérieurdesforêtsnationales,souslenezdesrangers.— J’imagine que la forêt perdrait de son charme si on y installait des caméras de surveillance
partout.Ilajetéunœildansmadirectionetasouri.—Absolument.Plusaucunmoyendesefairedescâlinstranquilles.Sonregardesttombésurmeslèvres,quiontcommencéàmepicoter.—AlorsquiatuéDallas,d’aprèstoi?Undesnôtresquiseméfiaitdelui?Ouc’étaitpeut-êtrele
hasard?
—Onpeutimaginertouslescasdefigure,maisàmonavis,Bio-Chromeaengagéuntueur.Dallasallaitlestrahir.Etilspréfèrentéviterqu’onsachequ’ilsnoustraquent,puisqu’ilsveulentgardernotreexistencesecrète.Ilsessaientdefaireprofilbas,denepasimpliquerlesautorités, jusqu’àcequ’ilsdécouvrentuneformuleouletrucqu’ilsespèrentinventerpourreproduirenoscapacités.—Etsionnepeutpaslesarrêter?—Onlesarrêtera.Avecnonchalance,ilacontinuéàpousserlamoto.Unetellecertitudel’habitait!Jelecroyaisetjemeconvainquaisquetoutfiniraitpars’arranger.En
très peu de temps, j’avais appris à le connaître si bien que ses baisers n’étaient plus les seuls àm’impressionner.Ilétaitnépourdiriger.Nousavonssuiviunchemintortueuxjusqu’àunendroitoùl’eaumurmuraitsurdepetitsaffleurementsrocheuxavantdedisparaîtresousterre.—Tienslamoto,aordonnéRafe.J’ai regardé sesmuscles secontracterquand il a fait rouler legros rocherdecôté.Lanuit était
presquetombée.Jemesuisglisséedanslacavernefroideetsombre.AlorsqueRafeintroduisaitsamotoà l’intérieur, j’ai regardéautourdemoi, le tempsquemesyeuxs’adaptentà ladifférencedeluminosité. Jevoulais faire semblantd’êtredansun lieumagiqueoù la réaliténepouvaitpasnousatteindre. Lorsque Rafe est arrivé à ma hauteur, qu’il a mis ses bras autour de ma taille et m’aembrasséedanslecou,jemesuisretournéepourl’accueillir.Jesavaisquej’auraisdûprotester,maisl’obscuritéréveillaitmoninstinctsauvage.Sabouches’estattardéesur lacourbedemanuque.J’aivibré de plaisir et je me suis sentie comme un chat qui s’étire au soleil. Mais je ne pouvaism’empêcherdepenseràConnor.Rongéeparlaculpabilité,jemesuisdégagéedesonétreinteavantqueseslèvrespuissentserefermersurlesmiennes.Une faible lueur a soudain éclairé la grotte. Je me suis retournée, curieuse, et j’ai vu Rafe
s’éloigner de la lampe qu’il venait d’allumer. D’un geste, il a laissé retomber un rideau noir surl’entrée,nouscoupantdel’extérieur.Ilmefaisaitface,sonregardplongédanslemien,etjevoyaisdanssesyeuxqu’ilvoulaitquejelui
donneplusqueceque j’étaisprêteà luiaccorder,que je feignedecroirequenousétionsseulsaumonde.C’était tentant. Il avait fait lepremierpasquelquesminutesauparavant.C’étaitdésormaisàmontourd’allerverslui.Avantlafindelanuit,jeleferaissansdoute.Commentrésister?J’ignores’ill’aludansmonespritousimonvisagetrahissaitàquelpointj’avaisenviedelui.Il
m’a adressé un sourire lent et paresseux et son regard s’est réchauffé. Il était patient, certes,maissurtoutcompréhensif.Ils’estdirigéversungrandconteneurenplastiqueetafouilléàl’intérieuravantdemelancerune
boîtedesaucisses.J’étaisassezaffaméepournepasfairelafinebouche.Jemesuisassisesurlesolduretfroid.—Commentsavoirsionvadanslabonnedirection?ai-jedemandé.Juchésurunecaisse,Rafedégustaitsaconserve.—Dallas a dit que le labo se trouvait à l’extrémité nord-est. J’espère qu’en se rapprochant des
mecsdeBio-Chrome,jedétecteraileurodeur.—Ceseraitplussimplesitupouvaistedéplacersoustaformedeloup.Ilasourienhaussantlesépaules.—Plussimple,maismoinsdrôle.—Oui,jesuisunevraieboute-en-train.—Avectoi,jemesensmoinsseul.Jel’aiobservépendantuneminuteetj’airepenséàl’époqueoùnousallionsàl’écoleensemble.—Jet’aitoujoursprispourunsolitaire.—C’étaitplusfacile.
—Commentça?Ilasortiunesaucissedelaboîteetl’amâchéeunmoment.—Tum’asdemandél’autrenuitsijecouraistoujoursaprèslalune.—J’étaisjuste…Jenesaispas,j’auraisdûmetaire.—Non, tu avais raison. Quand j’étais gosse, j’aurais voulu quemes parents aillent aux portes
ouvertesdel’écoleets’intéressentàmesprojetsscolaires.J’auraisaiméquemonpèremelanceunballon de football au lieu deme cogner dessus.Quand je devenais ami avec quelqu’un, je voyaisbeaucoupdechosesquimefaisaientenvie,toutensachantquejenelesauraisjamais.Pasdestrucsmatériels,pasdesgadgets,maisdeschosescommededîneràtableavectoutesafamille.J’aisentimoncœurseserrer.Jesavaisqu’iln’avaitpasgrandidansmonmonde,maisjen’avais
jamaismesurél’ampleurdecequinousséparait.—Tuétaislaseuleànepasmedévisagerquandj’arrivaisàl’écoleavecdesbleusouunœilau
beurrenoir,a-t-ilajoutétoutbas.—Mesparentsm’onttoujoursditqueçanesefaisaitpas.Mêmesidernièrement,jesemblaisavoiroubliémesbonnesmanièresparcequejeledévisageais
beaucoup.Maintenant qu’il parlait de sonpassé, je nevoulais plusme contenter de le regarder. Jevoulaisleprendredansmesbras,leréconforter.—C’étaittonpère,c’estça?Iltebattait.—Oui.Ilétaitsouventbourré.Riendecequejefaisaisnetrouvaitgrâceàsesyeuxquandilétait
dans cet état. Il avait pris l’habitude de me cogner dessus. Des fois, je racontais aux gens que jem’étais bagarré. Je préférais passer pour une brute plutôt que d’avouer la vérité : mon père medétestait.—Non!ai-jeprotestéviolemment.Ilétaitmalade.Esquissantunsourirenarquois,Rafeasecouélatête.—Tu sais, quand j’étaisplus jeune, j’avaishâted’arriver àmapremière transformationafinde
guérirplusvite.Personnenesauraitplusàquellefréquenceilmebattait.Etpuisilestdécédédanscetaccidentdevoitureetçaneservaitplusàrien.J’étaiscontentquandilestmort.Ilamarquéunepause.—Est-cequejetechoque?J’aisoutenusonregard.—Non,jenel’aijamaisaiménonplus.Ilmefaisaitpeur.Rafearéagiauquartdetour.—Est-cequ’ilt’afaitdumal?—Jamais.Monpèrel’auraittués’ilavaitoséporterlamainsurmoi.Maisilavaitl’airméchant.Il
prenaittoujoursuneminerenfrognée,commes’ilenvoulaitaumondeentier.—Jeneteferaijamaisdemal,Lindsey.Jenesuispascommemonpère.—Jesais.SiRafem’effrayait,c’étaitàcausedecequejeressentaispour lui,dessentimentsquejen’avais
jamaiséprouvéspourpersonne.Etcesoir,nousserionsdanscettepetitecaverne,blottisl’uncontrel’autre.Peut-êtremêmequ’ons’embrasseraitencore.J’avaispassébeaucoupdetempsaujourd’huiàpenseràcequipourraitarrivercesoir.Jemesuis levéeet j’ai jetélaboîtevidedansunsacplastiquequenousemporterionsavecnous.
Nousveillionstoujoursànepaspolluernotreenvironnement.—Jevaisaubassin.Rafem’aregardéavecintensité,commes’ilsedemandaitsijel’invitaisàmesuivre.Cen’étaitpas
lecas.J’avaisbesoind’êtreseulepourmecalmerlesnerfs.Jesavaisqu’ilnesepasseraitriensijenelesouhaitaispas.Leproblème,c’estquejen’étaispassûredecequejevoulais.
J’aidénichéunpantalonserréàlatailleparuncordonetunT-shirtàmancheslonguesdansunecaisseenplastique.J’airéunitoutcedontj’avaisbesoin,ycomprisunegrosselampequidiffusaitunlargefaisceau,etjemesuisdirigéeversuntunnelaufonddelacaverne.Aprèsuncoude,lepassages’ouvraitsurunesecondesalleoùunruisseausouterrainsedéversait
dansunbassin.Jemesuisagenouilléeaubordetj’aiéteintlalampe.Quandmesyeuxsesontadaptésà la pénombre, j’ai distingué de minuscules créatures fluorescentes. Mais l’eau, constammentrenouvelée, était transparente.Aucune algue, ou toute autre chose quim’aurait fait frissonner, n’yproliférait.J’ai rallumé la lumière et humidifié un linge pour me débarbouiller. J’ai imaginé Rafe qui
m’embrassaitlevisage.Mêmesil’airquim’entouraitétaitfrais,j’aisoudaineutrèschaud.J’airetirémesvêtementspuisplongé.Cen’étaitpaslapremièrefoisquejevenaisnagerici.L’eauétaitfroide,maisc’étaitagréable.Jeme suis lavé les cheveux et le corps.Me débarrasser de deux jours de saleté était un délice,
jusqu’àcequejesortedubassinetquemapeausecouvredechairdepoule.J’aiattrapéuneserviette,jemesuisséchéeenvitesseethabillée.J’aiessorémescheveuxavantdelesdémêler.J’aifailli lesnatter,maisRafem’avaitdemandéde les laisser libreset jevoulaisplusque tout levoirsourireetsentirsesdoigtss’ypromener.J’ai jetéunœilvers lepassage,curieusedesavoircequim’attendaitexactementde l’autrecôté.
Nous dormirions sans doute dans les bras l’un de l’autre ce soir encore. Des picotementsd’impatiencem’onttraversée.Jevoulaisêtreaveclui,terriblement.Jen’avaisjamaisrienéprouvédetelenversConnor:dudésiràl’étatpur.J’ai rassemblémes affaires et jeme suis dirigée aussi calmement que possible vers le passage.
Soudain,j’aientendudesvoix.Apparemment,nousn’étionsplusseuls.J’aiimmédiatementreconnul’uned’ellesetj’aicomprisavecregretquejenedormiraispasavec
Rafe.Enfait,ilnemeprendraitpeut-êtreplusjamaisdanssesbras.Marquantunepauseàl’entréedelacaverne,j’aivuLucasetConnorquiacculaientpratiquement
Rafedansuncoin.Kayla,unpeuplusloin,semblaittrèsmalàl’aise.Jesavaisqu’elleavaitassistéàuneconfrontationentreLucaset son frère, celuiquinousavait trahis.Commemoi, elleavaitbienconscienceque lesgarçonspouvaientsemontrer très intimidantsquandleurniveaude testostéroneétaitauplushaut.—Qu’est-cequit’aprisd’emmenerLindseyavectoi?ademandéConnoràRafe.Moncœurabondidansmapoitrinequandj’aiperçulafureurdesavoix.—C’estmoiquiaivouluvenir,ai-jeréponduavantqueRafepuisseouvrirlabouche.Connors’estretournébrusquement.J’ailudanssesyeuxqu’ilvoulaitmeposerdesquestions,qu’il
sesouvenaitdenotredisputeinachevée.J’yaivudesregrets…etduchagrin.Àcetinstantprécis,jeressentaislamêmechose.Maisj’étaisaussiencolère;Rafeétaittenupourresponsabledemesactes.—Tupensaisàquoi?ademandéConnorviolemment.—Neluiparlepascommeça,estintervenuRafe.Savoix,plusprofondequed’habitude,contenaitunelégèremenace.—C’estbon,Rafe,ai-jeditpourcalmerlejeu.Onatouslesnerfsàfleurdepeauencemoment.Vu la vitesse à laquelle ils nous avaient rejoints, j’en ai déduit qu’ils avaient voyagé sous leur
formeanimale.Nousavionsuntasdevêtementsenréservepourdesurgencescommecelle-ci.Kaylaportaitunpantalonsouplesimilaireaumien.—Jepensaisquejepourraisl’aider,ai-jeréponduàConnor.—Comment?S’ilt’étaitarrivéquelquechose…—Ilnem’estrienarrivé.
—Tun’aspasdemandélapermissionnonplus,estintervenuLucas.Celam’aagacéedelevoirprendrelepartideConnor.—Jen’aipasdecomptesàterendre.Jesavaisquec’étaitpuéril,maisjen’appréciaispassonaccusation.—Ehbien,si.Jesuislechefdemeute,jeterappelle.—Situcherchesunboucémissaire,défoule-toisurmoi,ainsistéRafe.Jesavaisquej’avaistortet
jel’aiquandmêmeemmenée.—Etdansquelbut,aujuste?ademandéConnor.—Tulesaisparfaitement,arétorquéRafe.Jemesuisrenducomptequ’ilétaitaussiencolèrequeConnor.Connors’estjetésurlui.J’aientenduunbruitsourdquandunpoingafrappédelachairetdesoset
ilssesonttouslesdeuxécroulés.—Arrêtez!Arrêteztouslesdeux!ai-jecrié.Maisilsnem’ontpasécoutée.Ilsontcontinuéàsetaperdessus.C’étaitnotrefaçonderéglerles
différends.J’airegardéLucas,quirestaitdeboutlesbrascroiséscommes’ilattendaitlebus.—Faisquelquechose!luiai-jecrié.Iladirigésonregarddurversmoi.—Qu’est-cequetuproposes?J’ailancéunjuronetj’aisautéaumilieudelamêlée.—Çasuffit!Conn…Ladouleurs’estpropagéedemajoueàmonœil.J’aihurlé.—Merde!Tul’asfrappée!s’estexclaméRafe,soudainàgenouxàmescôtés.Il avait levisage tuméfié, en sang, et j’ai repenséà toutes les racléesqu’il s’étaitprisespar son
père.J’aieffleurésapommettemeurtrie.—C’esttoiquil’asfrappée,arépliquéConnor.Ils’estaccroupiàcôtédemoietm’atouchélajoueavecunetendresseinattendue.Jel’airegardé.Ilavaitsacrémentencaissé.Undesesyeuxétaitàdemifermé.J’aipalpélachair
gonflée.Ilagrimacé.Jemesuismiseàpleurer.Ilm’aprisedanssesbrasetm’aserréefort,cequiafaitredoublermessanglots.—Jenesaispas,Connor.Jen’arrivepasàsavoir.Ilm’abercéedoucement.—Net’inquiètepas.J’aientenduRafeserelever.—Jesorsguérir,a-t-ilditd’unevoixdépourvued’émotion.Jenevoulaispasqu’ilparte,maisenmêmetemps,avais-jeledroitdeluidemanderderester?Je
mesuisdégagéedel’étreintedeConnoretj’aiessuyémeslarmes.—Tudevraisallerguérir,toiaussi.Je me sentais stupide d’avoir perdu la face devant tout le monde. J’étais complètement perdue.
Commentpouvais-jeaimerdeuxgarçonsàlafois?Iladéposéunlégerbaisersurmonbleu.—Àtoutàl’heure.Ils’estdirigéversletunnel.Kaylas’estagenouilléeprèsdemoi.—Tuvasavoirunsuperbecoquard!—Jem’enfiche.Jelesavaisempêchésdes’entretuer.C’étaitl’essentiel.—Sijecomprendsbien,tun’aspasencoretrouvélaréponse?
J’aisecouélatête.— Si c’était possible, je suis encore plus perdue qu’avant. Comment ça s’est passé avec les
ornithologues?—Zanderlesaaccompagnés.Jevoulaisêtrelà,aucasoùtuauraisbesoindesoutien.Jeluiaiadresséunsouriredegratitude.—Jesuiscontentequetusoislà,maisilfautvraimentquejeparleàConnor.Jemesuisrelevéeetj’aicroiséleregarddeLucas.—Combiendetempsfaudra-t-ilpourqu’ilguérisse,d’aprèstoi?—Quelquesminutes.—C’estConnorquit’ademandéderéassignerRafe?Sonvisageétaitunmasqueimpassible.Cequi,paradoxalement,m’afournilaréponse.—AlorsquandonaintégréDanielànotreéquipe,ilnes’agissaitpasdetrouverquelqu’unpour
Brittany.—Si.Maiscen’étaitpasl’uniqueraison.Pendantunbrefinstant,jemesuisdemandéoùenétaitBrittany,avantd’attrapermalampetorcheet
dem’engouffrer dans le passage.Connor était assis au bord dubassin, tout habillé. Il n’avait plusaucuneblessure.Ensoupirant, jemesuis installéeàsescôtéset j’ai fixé l’eau,cherchantcommentaborderlesujet.—Jesuisdés…Nousavonstouslesdeuxouvertlaboucheenmêmetemps,avantd’éclaterderire,gênés.Jeregrettaisl’époqueoùnousétionstotalementàl’aisel’unavecl’autre,oùnoussavionstousles
deuxcequenousvoulions.Dumoins,c’étaitnotreimpression.—Tum’asditdesortiraveclui,ai-jearticulétoutbas.—Jenelepensaispas.Enfin,c’étaitconfusdansmonesprit.Mais,aupire j’imaginaisquevous
iriezaucinéma,pasquevouspartiriezdesjoursaufinfonddesbois.Etcertainementpasaupérildetavie.—JesuisunGardiendel’Ombre.C’estmonjob.—Tu es une débutante. Tu ne peux pas guérir comme nous. Tu ne peux pas te transformer, ni
t’échapperaussifacilementencasdedanger.—Tun’espasencolèreàcausedudanger,luiai-jefaitremarquergentiment.—Tuveuxêtreaveclui?Jeveuxdire,tuvaslechoisir?—Jene saispas,Connor.Maiscen’estpas la seule raisondemaprésence ici. J’aivouluvenir
parcequejevoulaisaider.Peut-êtreparcequenousavonstrouvéDallasetquejemesensenpartieresponsabledesamort.Connoraeul’airchoqué.—Cen’estpastafaute.—Dansunsenssi,àcausedel’incidentdesmûres.Maispeuimporte.Jevoulaismesentirutile.Je
voulaisparticiperactivementetfairepayerBio-Chrome.Jenevoulaispasjouerlesguidespourlesornithologues.Cen’estpaslapremièrefoisquejepréfèrel’aventureàlaroutine.La colère deConnor s’est unpeudissipée et sa bouche a esquissé un sourire. Je savais qu’il se
rappelaitunedouzained’occasionsoùjel’avaisconvaincudefairequelquechosequiavaitfiniparnous attirer des ennuis. Je ne réfléchissais pas toujours aux conséquencesdemes actes,mais nousnousétionstoujoursamusés.Délicatement,ilareplacéunemèchedemescheveuxderrièremonoreille.—Est-ceque…est-cequetul’aimes?Il refusait de prononcer le nomdeRafe, comme si, en le confinant dans l’abstrait, il lui déniait
touteimportance.Jeluiaiditlavérité.
—Jenesaispas.Jenepensaispasqueceseraitaussidur.Kaylam’aracontéqu’elleavaitressentiuneconnexionimmédiateavecLucas.Brittanynesentrienavecpersonne.Je tiensautantà toiqu’àRafe.Jeneveuxvousblessernil’unnil’autreetj’aipeurdeprendrelamauvaisedécision.—Peut-êtredevrais-tusimplementnouslaisserréglerleproblème.Parnous,jesavaisqu’ilvoulaitdireluietRafe.J’aigloussé.—Benvoyons!—Jegagnais,a-t-ilannoncéfièrement.C’étaitbienuneréflexiondemec.—Jecroyaisquetuvoulaisqu’onsoitpluscivilisés,luiai-jerappelé.—Hé,j’étaiscivilisé.Jenemesuispastransformé.Àtoutautremoment,j’auraisri.Maislà,jemesuispenchéepourposermatêtesursonépaule.—Jesuisdésoléedenepasavoirlaréponse.Ilamissonbrasautourdemoietnoussommesrestésainsiunmoment,absorbésl’undansl’autre.
Commetoujours.Nouspouvionscompterl’unsurl’autre.Maisétions-nouspourautantdestinésl’unàl’autre?Puisnousnoussommeslevésetsommesretournésdanslacaverne.Jenem’étaismêmepasrendu
comptequenousnoustenionsparlamain,jusqu’àcequejevoieRafeappuyécontreunmuretquesonregardtombesurnosdoigtsenlacés.Unetempêted’émotionsapassédanssesyeux.—Jevaismonterlagardecesoir,a-t-ilditlaconiquement.Ilestsortisansattendrederéponse.Jevoulaislerejoindre,maisConnoraserrémamain.Mesuppliait-ilensilencederesteraveclui,
ou voulait-ilme rappeler que nous étions ensemble depuis toujours ?À quel point pouvais-je luiresterfidèleenessayantdecomprendremessentiments?—Jevaisnousprépareruncoinoùdormir,a-t-ilannoncédoucement.Jel’airegardéétalerunsacdecouchage,àl’opposédel’endroitoùKaylaeninstallaitunpourelle
et Lucas. Jeme suis frotté les bras nerveusement. Je n’avais jamais dormi avecConnor. S’il étaitvraimentmon compagnonprédestiné, n’aurais-je pas dû être excitée ?Et pourrais-je dormir à sescôtésensachantquej’avaisdormiavecRafelanuitprécédente?Quand toutaétéprêt, ilm’aprisepar lamainetm’aconduite jusqu’ànotrenid. Ilm’a falluun
tempsd’adaptation.Jemesuiscognélatêtedanssonmenton.Ilarigolé,m’aditdemedétendre.J’aichangédepositionjusqu’àcequejeluitourneledosetqu’ilsoitenchiendefusilderrièremoi.Sonbrasm’aencercléeetj’aienlacénosdoigts.Iln’avaitpaslamêmeodeurqueRafe.Iln’avaitpaslemêmecorpsqueRafe.Lucasaéteintlalanterne.Dansl’obscurité,jel’entendaisparlertoutbasavecKayla,commefont
lesamoureux.—Çanevapas,Connor,ai-jechuchoté.—Changedeposition,alors.—Non,cen’estpascequejevoulaisdire.Êtreallongéeàtescôtés…Situétaisdegardecesoir,tu
voudraisquejedormeiciàcôtédeRafe?—Cen’est pas pareil,Lindsey. Jusqu’à ce que tu en décides autrement, tum’appartiens. J’ai un
symbolequireprésentetonnomtatouésurmonépaule.—Luiaussi,ai-jerépondudoucement.Jel’aisentisecontracter,ensuiteilapousséunjuron.Onnesefaisaitjamaisfaireuntatouageàla
légèreetConnorlesavait.—Ilnet’apasdéclaréesacompagnedevanttoutlemonde.Moi,si.—Ilnes’agitpasdeceluiquirespectelemieuxlestraditions.Ils’agitdenoscœurs.—Tuastoujourseulemien.
J’ai fermé les yeux. Uneminute plus tôt, il était compréhensif etmaintenant, il compliquait leschosesenmedéclarantsaflamme.Jenedoutaispasdesessentiments.JenedoutaisplusdeceuxdeRafe.Jedoutaisdesmiens.Maiscommentleluifairecomprendre?
13
Connor s’est endormi. J’étais sûre que Lucas et Kayla dormaient, eux aussi. Et moi, j’étaisincapabledefermerl’œil.Jen’arrêtaispasdepenseràRafeetautourbillond’émotionsquej’avaisludanssesyeuxavantsondépart.Aprèsladispute,j’avaisconsoléConnor.J’auraisdûaussiconsolerRafe.Mais les sentiments que je commençais à éprouver pour luim’avaient fait culpabiliser et jem’étaistenueàdistance.C’étaittotalementinjuste.Avec précaution, jeme suis écartée deConnor. Il dormait à poings fermés. Jeme suis faufilée
jusqu’àl’entréedelacaverne,presqueindécelable.Mêmedansl’obscurité,jesavaisoùj’allaisetjene risquais pas de trébucher. Je me suis glissée au-dehors, surprise de découvrir que le soleil selevait.J’aijetéuncoupd’œilalentour.Rafeavaitditqu’ilmonteraitlagarde,maisjenepensaispasque
ce soit vraiment nécessaire. Nous étions assez bien cachés. J’avais l’impression qu’il cherchaitsimplementàéviterunenouvelleconfrontation.J’aifrissonné.Ilfaisaitfroid,maisilyavaitautrechosequelasimplefraîcheurdel’air.J’avaisun
mauvaispressentiment,commelanuitoùnousavionstrouvéDallas.Commesiunemenacerôdait.J’étaissurlepointderetournerdanslacavernequandj’aientenduunmouvement,dansladirection
d’oùRafe etmoi étions arrivés. Plaquée contre la paroi, j’ai avancé à pas de loup. Je retenaismarespirationetprogressaisensilence.Jenesavaispastropcommentjeréagiraissijetombaisnezànezavecunintrus,maisjesentaisqu’ilfallaitquej’aillevoir.Àlasortied’uncoude,j’aipercutéquelqu’un.Moncœurabondidansmapoitrineetmoncris’est
étrangléenun lamentablecouinement.Puis, soulagée, j’aivuquec’étaitRafe. J’aiporté lamainàmoncœur.—Lavache!Tum’asfaitpeur!J’aicruquetuétaisuntypedechezBio-Chrome.J’aiprisdeprofondesinspirationspouressayerdecalmermonpoulsirrégulier.Rafeétaitentrain
depassersonT-shirtetm’ignoraitsuperbement.—Qu’est-cequetufais?luiai-jedemandé.—Jem’habille.Ils’estbaisséetaenfiléseschaussuresderandonnée.Jemesuisaccroupieàcôtédelui.—Jecroyaisquetudevaismonterlagarde.—J’aieuenviedecourir.Sansposerlaquestion,jesavaisqu’ils’étaittransformé.—J’hésitaisàrevenir,a-t-ilpoursuivientirantsurseslacets.Maisjenesuispasdugenreàéviter
lesconflits.Situl’aimais,pourquoitunemel’aspasdit,toutsimplement?L’aimais. Il réagissait comme Connor : il ne prononçait pas son nom, comme si cela pouvait
effacerlessentimentsqu’iléprouvait.—Jecomprendsquetum’enveuillesd’êtrealléeverslui.Jen’auraispasdû.Ouj’auraispeut-être
dûvenirtevoir,toiaussi.Jesuisdésoléed’untasdechoses,maisjenesuispasdésoléed’avoirpassécemomentavectoi.Tuveuxquejetediseuntrucdingue?C’étaitl’idéedeConnor.—C’estça,oui.—Si,jetejure.JusteavantdetrouverDallas,onsedisputaitàtonsujet.Ildisaitquejedevaiste
fréquenterd’unpeuplusprès.Aujourd’hui,ilprétendqu’ilneparlaitpassérieusement.Maisonn’apasputerminernotredispute,doncjenel’aijamaissu.Maintenant,jesuisencoreplustroublée.Cen’étaitpascensésepassercommeça,oudumoins,cen’estpasl’idéequejem’enfaisais.Jepensais
quec’était ledestin.Qu’ondevait ressentiruneespècededéclic etqu’on savait instantanémentquiétaitnotrecompagnon.Ils’estfigé,leregardperduversl’horizon.—Ilvafalloirquetuchoisisses,Lindsey.Etvite.—Jesais.J’airegardélecielseteinterdubleubrillantetprofonddel’aurore.—Brittanyapeut-êtreraison,ondevraitvivreçatoutseuletensuite,tomberamoureuxquandon
estprêt,etpasselonlecalendrierlunaire.Il a entouré plusieursmèches demes cheveux autour de ses doigts et a tiré légèrement. Je l’ai
regardédanslesyeux.L’intensitédel’émotionqu’ilsdégageaientm’acoupélesouffle.—Peu importe ceque tudécides, a-t-il répondudoucement.Çanechangerapasmes sentiments
pourtoi.J’auraisaiménepasm’enrendrecomptecetété.J’auraispréféréqueçaseproduiseplustôt.J’auraisaiméavoirplusde tempspour…jene saispas…sortir avec toi.Pourque tuapprennesàmieuxmeconnaître.JesaisqueConnoral’avantage,parcequ’ilteconnaîtdepuisdesannées.Ils’estapprochépourdéposerunbaisertrèstendresurmonœilcontusionné.—Jem’excuse.Jen’aijamaisvoulutefairedemal.J’aivoulul’embrasseràmontour.Maisjeluiaisimplementprislamain.—Lesautresdoiventêtreréveillésmaintenant,ilsvontsedemanderoùonest.—Oui,ondevraityaller.J’aifaitunpasdansladirectiond’oùj’étaisvenue.—Àcombien…Rafem’atiréeenarrièreetaposésondoigtsurmeslèvrespourmefairetaire.—Tuentends?Tusens?a-t-ilchuchoté.—Non,quoi?—Despas.Desgens.Etuneodeurdeschiens.Attends-moilà.Jen’avaisencoreobéiàaucunordredanscetteaventureetjen’étaispasprêteàcommencer.Jel’ai
discrètementsuivijusqu’àl’endroitoùlaparoirocheuseamorçaitunvirage.Ilapassélatête.J’aiessayéderegarder,moiaussi.Ilm’arepousséecontrelamontagne.—C’estMason.Iladeuxtypesaveclui.ÇadoitêtrelesmercenairesdontDallasaparlé.Etilsont
deschiens,desrottweilers.Cesbêtespeuventtesauteràlagorgeenunriendetemps.—Quoi?Vite!Ondoitprévenirlesautres.Ils’estmisàarrachersesvêtements.—Troptard,Lindsey.Ilssontprèsdelagrotte.Jevaismetransformerpourmieuxvoiretévaluer
lasituation.Tudoist’éloigneravantqueleschiensneterepèrent.—Pasquestion!Jedoisfairequelquechose.Ilm’asaisieparlesbrasetm’asecouée.—Si lesautressefontcapturer, il faudraqu’onailleà leursecours.Je t’enprie,sauve-toi.Je te
rattraperai.Jetelepromets.Jemesuisdégagéebrusquementdesonétreintepourallervoircequisetramait.—Lindsey…—Chut!Lesdeuxénormeschiensgrognaient et aboyaient, en tirant sur leur laisse. J’ai reconnu l’undes
dresseurs comme étant l’homme chauve que j’avais vu au Renard Rusé le soir où nous avionsrencontréDallas.Ilavaitl’airencoreplusméchantquedansmonsouvenir.Moncœurbattaitàtoutromprequandj’aivuKayla,LucasetConnor,lesmainsattachéesdansle
dos, sortir de la caverne, poussés et bousculés par cesmalabars. Les bras croisés sur la poitrine,
Masonlesaaccueillis.—Commeonseretrouve.Sescheveuxbruns lui tombaientsur le front.Jemesouvenaisqu’ilavaitde jolisyeuxverts,des
yeuxauxquelsnousnepouvionspasnousfier.Commentpouvait-ilvouloirnousfairedumal?Kaylaaredressélesépaules.—Qu’est-cequetufaisici,Mason?—Jevouscherchais.Nousavonsdeschosesàrégler.J’ai reculé silencieusement le long de l’affleurement rocheux. J’ai fermé les yeux et jeme suis
appuyée dos à lamontagne. J’essayais de chasser demon esprit les images que je venais de voir.J’étais terrifiéepoureux.QueleurvoulaitMason?J’ai tentédemeraccrocheràquelquechosedepositif.Àmonavis,MasonignoraitqueKaylaétaitdesnôtres.Ellepourraits’ensortir.MaisLucas…Masonlesoupçonnaitd’êtreunLycan.EtpourConnor?J’aiplantémonpoingdanslarochedure.Commentétait-cearrivé?Est-cequeDallasnousavait
conduitsvolontairementdansunpiège?J’avaislanauséeetjemesentaismal.—Lindsey, ondoit y aller.Les chiens sont distraits pour l’instant,mais ils nevont pas tarder à
repérernotreodeur.Rafeavaitraison.Mêmesicechoixsemblaitlâche,jesavaisquenousdevionspartirpourêtreen
mesuredelesaiderplustard.Jen’aipasattenduqueRafesetransforme.J’aitournélestalonsetjemesuismiseàcouriraussivitequejelepouvais.Maistoutdulong,j’étaisassailliededoutes.Commentnousavaient-ilstrouvés?OùétaitpartiRafe?Avait-iltrahiConnorpoursedébarrasser
delui?KaylaavaitfaitconfianceàMason.Ellel’avaitaimé.Etils’étaitservid’elle.Avais-jemaljugéRafe?Était-ilcommesonpère?Ferait-ildumalàceuxqu’ilaimait?M’aimait-
il?
Jenesavaispasjusqu’oùaller.CommetouslesMétamorphes,monenduranceétaitsurhumaine.Etcommetouslessherpas,j’avaisunexcellentsensdel’orientation.Jenerisquaispasdemeperdre.Jevoulaisseulementêtrehorsdeportéedel’odoratdeschiens.J’aiprogressésurdesterrainsdifficiles,jesuistombéeetjemesuisécorchélegenou,memaudissantdelaisserunetracedesang.J’aicroiséun ruisseau et avancé un moment dedans, laissant l’eau froide engourdir mes coupures. Puis j’airejointl’autreriveetjesuisrevenuesurmespas.Avecunpeudechance,sileschiensselançaientàmapoursuite,ilsseraienttroublésetperdraientmatrace.OuilspoursuivraientRafe.L’odeurd’unlouplesattireraitprobablementdavantagequelamienne.
Jeme suis écroulée, tremblant de fatigue, depeur et de fureur.Appuyée contreun arbre, j’ai luttépournepaspleureralorsquelavéritém’apparaissaientd’uncoup.Rafe ne s’était pas transformé pourmieux évaluer la situation. Il s’était transformé parce qu’il
comptaitéloignerleschiensdemoi.J’enétaisaussisûrequejem’appelaisLindsey.Commentavais-jepudouterdesaloyauté?Oh,monDieu,pourvuqu’ilaitététropoccupépour
écoutermespensées!Biensûr,ellesétaienttellementconfusesquejedoutaisqu’illesdéchiffre,detoutefaçon.Uninstant,j’étaisinquièteausujetdeConnor;lesuivant,jemesouciaisdeRafe.Maismon inquiétudepourConnorneconcernaitquesasécurité.Lorsque jepensaisàRafe,mes
penséesétaientplusintenses,empliesd’uneterreurplusgrande,commesi,s’illuiarrivaitmalheur,jeleressentiraisauplusprofonddemoi.En fin d’après-midi, jeme suis rendu compte qu’en effaçant toute trace demon odeur pour les
chiens,j’avaispeut-êtreempêchéRafedemetrouver,luiaussi.«Génial!»ai-jemarmonnéintérieurement.Etmaintenant?Est-cequejedevaistenterderetourner
àl’entréeduparcpouravertirlesrangers?Ourentrerchezmoiettoutraconteràmonpère,quiétait
danslespetitspapiersdugouverneur?ChacunedesoptionsimpliquaitderévélercettelutteàtoutelacommunautédesMétamorphes.Etsinouspassionsenmode«offensiveàgrandeéchelle»,ilyavaitun gros risque que nos secrets soient divulgués aumonde entier.Mais si je ne faisais rien ou sij’essayaisd’agirseule…Sij’échouais…J’aientenduunebrindillecraqueretjen’aiplusbougé.Depuisquandétais-jeassiselà,sansprêterattentionàcequim’entourait,sanschercheràdéceler
unaboiementfrénétiqueouunmartèlementdebottes?J’aicherchéautourdemoiunebrancherobuste.J’aicontournélelargetroncdel’arbreetadopté
unepositiond’attaqueàl’opposédeladirectiond’oùvenait lebruitquej’avaisentendu.Si l’intrusvenaitparici,ilseraitobligédepasserdevantmoietalorsbam!Jel’assommeraisetj’enferaismonprisonnier.NonpasquejepensequeMasonsoitprêtànégocier,maisjenerefusaisaucunevictoire,siminimesoit-elle.J’avais labouchesècheet lesmainsmoites. Jemesentaisoppresséeà forced’essayerdenepas
respirer,denefaireaucunmouvementquirisqueraitdemetrahir.J’aientenduunlégerbruitdepasetj’aiempoignémabranche.Quelqu’un est entré dans mon champ de vision. Je me suis retournée et je me suis retrouvée
plaquéeausolparuncorpslourd.J’avaisperdumamassue,maisilmerestaitencoremespoings…—Maisqu’est-cequetufous?Lindsey!Rafem’asaisieparlespoignetset lesamaintenusenl’air.Jesentaismonpoulss’affolercontre
sonpouce.Sonvisageétaitjusteau-dessusdumien,sonregardcouleurchocolatplongédanslemien.—Excuse-moi,Rafe!J’aicru…Jenepouvaispasdire touthaut ceque j’avais cru.Qu’il étaitmort, ouqu’il neme retrouverait
jamais.Que l’ennemi était proche.Et que l’univers desMétamorphes tel que nous le connaissionsallaitdisparaîtrepourtoujours.—Toutvabien,murmurait-ilencoreetencore,ensepenchantpourembrassermestempes,mon
front,monnez,monmenton.Toutvabien.Aveclepoidsdesoncorpssurlemien,j’arrivaispresqueàlecroire,àmepersuaderquelascèneà
laquellenousavionsassistén’était riend’autrequ’uncauchemar. Ilétaitbien réel,chaud, solide. Ilétaitavecmoiet j’éprouvaisunsoulagement indicible. Ila libérémespoignetset j’ai levé lamainpourtouchercevisagequihantaitmesrêves.J’aipassélesdoigtsdanssescheveuxépais.Letoucher,m’abandonneràsescaresses,m’acalmée,aremisdel’ordredansmonmonde.—Alors,qu’as-tudécouvert?ai-jedemandé.—Queleurschienssontrapidesetféroces.J’aiposélamainsursajoue,lecœurgros.—Tut’estransformépourmieuxleséloignerdemoi.Ilaeffleurémeslèvresdessiennes,aussi légèrementqu’unpapillon.Noussavionstouslesdeux
quenossentimentsdevraientattendre.Àcetinstant,jenepensaispasquejepourraisunjourl’adorerdavantage. Peu importe ce que je décidais pour l’avenir, cemoment entre nous resterait à jamaisprécieux,simplementparcequeRafeplaçaitlebien-êtredesautresavantnotrepropreplaisir.—Cequeceschiensm’auraientfaits’ilsm’avaientattrapé,c’estdelagnognote,comparéausort
quem’auraitréservéConnors’ilt’étaitarrivéquelquechose,a-t-ilavoué.Ilessayaitdegarderuntondésinvolte,maisjesavaiscequ’ilavaitrisqué.—Est-cequeMasonleurafaitdumal?Ilaroulésurlecôtéensoupirant.—Pasencore.Ilslesemmènentquelquepart.—Alorsonpeutintervenircesoir?Ilaclignédesyeuxfaceausoleildelafind’après-midiets’estfrottélenez.
—Onpourraitsansdoute,maismieuxvautlessuivre.—Tuesfou?Ilfautleslibérerauplusvite!—Calme-toi et réfléchis, Lindsey. Ils vont les emmener au laboratoire. Donc on connaîtra son
emplacement.Jen’aimaispas remettre leschosesàplus tard.Mais jedevais reconnaîtrequesonplan tenait la
route.—Alorsqu’est-cequ’onfait?ai-jedemandé.—Retournonsaurepairevoircequ’onpeutrécupérer.Ilsonttoutsaccagé.—Tunecroispasqu’ilscontinuentàlesurveiller?—Ilsavaientlaisséunesentinelle.Jem’ensuisoccupé.Jen’avaispasenviedesavoircomment.Notreexistenceétaitmenacée,cequijustifiaittout.
14
Direqu’ils avaient saccagé les lieuxétaituneuphémisme.Le sol était jonchédevêtements etdenourriture.C’étaitajouterl’insulteaupréjudice.— Comment ont-ils su où nous chercher ? ai-je demandé, perplexe. Mason n’aurait jamais pu
trouvercetendroit,àmoinsdesavoirexactementoùaller.—Aucuneidée.—Quelqu’unadûlesrenseigner.Rafem’ascrutée.—Tunepensesquandmêmepasquec’estmoi?Sansbaisserlesyeux,jeluiaiditlavérité.—Non.Ilasemblélâcheruneexpirationqu’ilauraitretenue.—Jenet’enauraispasvoulu.J’étaiscensémonterlagardeetaulieudeça,jesuisparticourirau
momentoùl’ennemiestarrivé.Jemesuisapprochéedeluietjeluiaicaressélajoue.J’avaispeut-êtreeudesdoutesauparavant,
maisc’étaitlapeur,quiétouffaittoutepenséerationnelle.—Jesaisquejamaistunenoustrahirais.Ilasecouélatêteetj’aipuliredelahontedanssesyeux.—C’estmafaute.J’aiéténégligent.—Non, Rafe. Tout comme je ne suis pas responsable de la mort de Dallas. Si on cherche un
coupable,onpeutaccuserMasonetBio-Chrome.Ilaacquiescéd’unairdéterminé.—Tuasraison.J’aicommisuneerreur,maisjepeuxlaréparer.LamotodeRafeétaitrenversée.Jedevaisregardertropdesériespolicières,parcequ’ilm’estvenu
unedrôled’idée.—Ilpourraityavoirunmouchardsurtamoto?—Quandl’auraient-ilsinstallé?J’aihaussélesépaules.— Le réceptionniste de l’hôtel a dit qu’un homme cherchait Dallas. Peut-être que ce type t’a
entenduparlerdevotrerendez-vous.—C’estvraiquejeluiaimontrémamoto.Peut-êtrequ’undesmercenairesdeBio-Chromenousa
surprisetqu’ilaeulaconfirmationquej’étaisunMétamorphe.Merde.Ils’estprécipitéverslamoto,s’estagenouilléets’estmisàl’examinerminutieusement.Enjurant,
ilasortiunpetitdisque.—Çan’étaitpaslàavant.Ill’ajetéausoletalevélepied.—Non,attends!Ill’areposé.—Àquoitupenses?— S’ils ont laissé une sentinelle, c’est qu’ils craignent de ne pas avoir eu tout le monde. Tu
n’auraispasmoyend’attacherçaàunlapinouautrechose?—Etlesfairecourirpourrien.J’aimetonidée.Lesourireauxlèvres,ilm’afaitunclind’œil.—Ettoutlereste.J’aisentimesjouess’enflammer.J’aimaistoutchezlui,moiaussi.
Lessourcilsfroncésetlamâchoiretendue,ilaregardéautourdelui.—Jenecrainsrien,luiai-jeassuré.Ilaacquiescé.—Jefaisvite.Je me suis assise sur une caisse et j’ai senti les larmes me brûler les yeux. Cette scène de
destruction semblait présager du sort qui nous attendait, nous autres Métamorphes. Bio-Chrome,Mason,sonpère,tousessayaientd’anéantircequenousavionsconstruit.Etj’avaisl’impressionqu’ilsyparviendraient.
Sans laprésencedeRafe, lacavernequiavaitéténotrerefugeprenaituneallure incroyablementsinistre.Chaquefoisquej’entendaisunbruit,jem’immobilisais,osantàpeinerespirer.J’étaisprêteàmebattrecontreunéventuelassaillant.Lesminutess’égrenaientaussilentementquedesheures.L’esprit absent,mais les sens en éveil, j’ai fait duménage.Parfois, la colèrem’envahissait et je
jetais lesvêtements, les couvertures et lesboîtesde conservedans les conteneurs comme si c’étaiteux, l’ennemi. Puis une profonde tristesse montait en moi et je mettais un grand soin à plier lescouvertures,àalignerlesboîtesrestantes.Alorsjemerendaiscomptequenousdevrionssansdouteabandonnercetendroit.Cen’étaitplus
notresanctuaire.Jem’efforçais de ne pas penser àmes amis. La douleur que je ressentais pour eux était atroce.
J’avaismalpourLucasparcequ’ilétaitnotrechef,qu’ilnevoulaitquenotrebien.PourKayla,parcequ’ellevenaittoutjustededécouvrirnotremondeetqu’iln’yavaitpaspireaccueil.EtpourConnor,parcequejenepouvaispasimaginermaviesanslui.J’aiaccusélecoupenramassantunecannettedeRedBull,saboissonénergétiquepréférée.Enla
caressantdesdoigts, j’aipenséqu’il laboiraitquandnousl’aurionslibéréetjel’aimisedansmonsacàdos.Soudain,j’aivuuneombreàcôtédel’entrée.J’ailâchéunpetitcriavantdecomprendrequic’était.
Lesoulagementm’aenvahie.—Bonsang,Rafe,tum’asfichulatrouilledemavie,ai-jerâléenmeprécipitantversluipourlui
passerlesbrasautourducou.J’étaissuperinquiète.Tuasmislongtemps.Ilm’aserréetrèsfort.—Désolé,Lindsey.J’aivoululessuivreunmoment,pourêtresûrqueçaallait.ConnoretLucas
ontquelquesbleus.J’imaginequ’ilssesontdébattus.Etilsontl’airfurax.Masonrisquedelestrouverbienmoinssympathiquesquelorsdeleurpremièrerencontre.J’ai laissééchapperunpetitrire.J’imaginaisConnoretLucasentraindemordiller lestalonsde
Masonàchaquepas,attendantdesevenger.Çafaisaitdubienderire.—Etj’aidûfaireunpeuplusattentionpourattraperunlapinsansavoirl’intentiondelemanger.Jemesentaissibienquejenevoulaispasquittersesbras,maisleromantismen’avaitpassaplace
danscescirconstances.Nosamisavaientbesoind’aide.Sijen’étaispassortiepourparleravecRafe,j’auraisfaitpartiedulot.Jemesuisdégagéeetj’aibalayélacaverned’ungestedubras.—J’aiessayéderangerunpeu,maisj’imaginequec’estinutile.Rafeaeffleurémajouedesonpouce,cequiaravivéladouleur.J’avaisévitédemeregarderdans
laglace,jenevoulaispasvoirmonœilaubeurrenoir.J’avaisdumalàcroirequ’uneseulejournées’étaitécoulée.—Pasdu tout, a réponduRafe. Il faudrabienqu’on remballe toutesnos affairesquandonaura
décidédechangerdeplanque.Ilm’aadresséunsourire.
—D’ailleurs,nousdevonsnousreposercesoirsionveutlessuivredemain.Nousavonsfinidetoutremettredansdescaissesetnousavonsempilécelles-cicontrelaparoi.J’ai levé les yeux versRafe, concentré sur sa tâche. Ses cheveux sombres encadraient son beau
visage déterminé. Connor et Lucas n’étaient pas les seuls à être en colère. Rafe avait l’habituded’enfouirsesémotions,commes’ilavaitpeurdenepaspouvoirlescontrôlers’illeslaissaitmonteràlasurface.Ilétaitbrièvementsortidesacarapacelanuitdernièrelorsqu’ils’étaitbattuavecConnor,puisils’étaitmaîtrisé.Mais depuis le solstice d’été, il m’avait confié certaines de ses faiblesses, certaines de ses
ambitions,uncôtérebellequilerendaitunique.Sij’avaisdûmedécideràcemomentprécis,peut-êtreest-celuiquej’auraischoisi.Quand nous avons tout rangé, je commençais à me sentir claustrophobe. Nous avons pris des
barresprotéinéesetdeuxbouteillesde jusde fruits avantde sortir.Nousavonsescaladéunepetitecôtequinousaoffertunevuespectaculairedelaforêt,baignéeparuncroissantdelune.—Unpeuplusd’unesemaine,ai-jemurmuré,voyantlepeudetempsquirestaitavantlaprochaine
pleinelune.Tucroisqu’onlesauraretrouvésd’icilà?Rafe a pris ma main, que j’avais posée sur mes genoux. Ce geste n’avait aucun sous-entendu
sexuel;ilnevisaitqu’àmerassurer.—J’ensuissûr.Maisenplusdesauvernosamis,j’avaisunexamendeconscienceàfaireetunedécisionàprendre.Àn’importequelautremoment,regarderlesétoilesensembleauraitétéromantique.Maislà,nous
tuionssimplementletemps.—Rafe?—Mmm?J’aiinspiréàfond.—Dansl’immédiat,cequeturessenspourmoi,cequetuveuxdemoi,cequej’aicommencéà
ressentirpourtoi…ondoitlemettredecôté.NotreprioritéestdesauverKayla,LucasetConnordesgriffesdeBio-Chrome.—Compris.Ilavouluretirersamain.Jel’airetenuedanslamienne.—Maisonpeuts’épauler.—OK.—Jeneveuxpasdormirseule.Aprèscequis’étaitpassélematin,jemedemandaissijevoudraisunjourêtreseule.—Tun’espasobligée,a-t-ilmurmuré.Soudain,j’aiaperçuuneétoiléfilante.Destasdesouhaitsmesontvenusàl’esprit,maisj’aichoisi
defaireceluiquiétaitleplusimportantàmesyeux.Jesouhaite…J’espèrequenousnousensortironstousvivants.
Dans le cercle formé par les bras de Rafe, j’ai réussi à dormir. Quand j’ai rouvert les yeux,cependant,nousn’étionspasseuls.Masonse tenaitau-dessusdenous,plus imposantquedansmonsouvenir.Ilpointaitunrevolversurmoi.J’aidevinéqu’ilcontenaitdesballesenargent.—Vousnelessauverezpas!a-t-ilsiffléd’unevoixmenaçante.IladirigésonarmesurRafeetafaitfeu.J’aicrié.Desbrasm’ontentourée.—Lindsey,réveille-toi!Tuesentrainderêver.
J’aiouvert lesyeux,pourdevraicettefois.Rafemesoutenait.Tremblante, jemesuiseffondréecontrelui.—Oh,monDieu,c’étaithorrible.J’airêvéqueMasontetuait.—Lesalaud,a-t-ilmurmuréensouriantlégèrement.J’airesserrémesbrasautourdelui.—Cen’estpasdrôle.—Cen’étaitqu’uncauchemar.Jevaisbien.Etpourtant…lerêveavaitsemblésiréel.—Quelleheureest-il?ai-jedemandé.—L’heured’yaller.J’aiacquiescé,maisaucundenousn’afait l’effortdeselever.J’aurais tantaiméquelasituation
soitdifférente,maisc’étaitunvœupieux.Pendantque je rassemblaisdesvivres,Rafeest alléprendredesbidonsd’essencepour samoto.
Quandj’aiterminé,jesuissortielerejoindre.Ilétaitassissursamoto,leregardperdudanslesbois.—Jemonte?ai-jedemandé.—Non,tropbruyant.Ilsnousentendraientapprocher.Maisjeveuxt’apprendrequelquesrudiments
aucasoùtudevraislaconduire.Ilestdescendudesaselleetatapotélesiège.—Assieds-toi.—Tut’imaginesquejepeuxconduirecetengin?Ilasoupiré.—Tudoisconnaîtrelesbases,justeaucasoùquelquechosem’arriveraitetquetudevraist’enfuir
àtoutevitesse.Monestomacs’estcontracté.—Riennevat’arriver.—J’ycomptebien,etConnoretLucassaventcommentlaconduire,maisonnesaitjamais…Ilafroncélessourcilsettapotéànouveaulesiège.J’aiposémonsacàdos,enfourchélamoto,jemesuispenchéeenavantetj’aisaisileguidon.Rafe
estmonté derrièremoi et j’ai senti ses brasme frôler quand il a placé ses grandesmains sur lesmiennes.Marespirations’estarrêtéeanormalementàsoncontact.Àn’importequelautremoment,j’aurais
apprécié la leçon, j’aurais trouvé ses instructions incroyablement sexy.Mais là, nous luttionspoursurvivreetsauvernosamis.—OK,voilàcequetudoissavoir.Sonsoufflesurmanuquem’afaitfrissonner.J’aiessayédemeconcentrersurcequ’ildisaitetd’oublieràquelpointc’étaitmerveilleuxdele
sentirsiprochedemoi.Ilm’aexpliquélafonctiondesdifférentesmanettes,l’embrayage,lesfreins,l’accélérateur,commentchangerdevitesseetfreinerenutilisantlespédales.—Jevaissansdoutemetuer.Jeferaismieuxdedétaleràtoutesjambes,ai-jesuggéréquandilm’a
demandédeluiréexpliquerlesétapesàsuivrepourdémarrer.Sonpetitrirem’aencouragéeàcroirequenousallionssurvivreàcetteépreuve.J’ai simulé plusieursmouvements sans démarrer réellement lamoto.Rafe guidaitmesmains et
mespieds.—J’auraisbienaiméquetufassesunvraitest,a-t-ildit,maisj’aipeurqu’ilsnousentendent.—Jecroisquec’estbon,l’ai-jerassuré.Ilaacquiescé.
—Iln’yaplusqu’àespérerquetun’aiespasbesoindemettrelaleçonenpratique.Nousnoussommesmisenrouteet,commenousconnaissionsbienlarégionetquenousétionsen
forme–contrairementauxamisdeMason,qui,pourlaplupart,devaientpasserleurtempsdevantunmicroscope –, nous n’avons eu aucunmal à rattraper le groupe,même avec Rafe qui poussait lamoto. Je soupçonnais égalementKayla,Lucas etConnor d’avoir fait tout ce qu’ils pouvaient pourralentirleursravisseurs.Rafeetmoiessayionsderestercontreleventpourqueleurschiensnedétectentpasnotreodeur.
Tandisquelegroupetraversaitunevallée,nousavonsprisuncheminenaltitude,nousservantdespierres,desrochers,desarbresetdesbroussaillescommecouverturepourpouvoircontinueràlessuivre des yeux. Lorsqu’ils se sont arrêtés pourmanger, nous avons fait demême. Comparé auxmercenaires, Mason avait l’air d’un gringalet. J’ai également remarqué deux techniciens delaboratoire,EthanetTyler,quenousavionsrencontrésaudébutdel’été.—Quandjepensequej’aibuunebièreaveccetype,amarmonnéRafeendésignantEthan.—Ilsnousonttousbernés.—Non,jenepensepasqueLucasleuraitjamaisfaittotalementconfiance.—Tues sûrdenepasvouloiressayerde les sauverce soir?Avantqu’on lesenfermedansun
endroitinaccessible?— À la nuit tombée, je me transformerai et je rôderai. Peut-être que je pourrai m’approcher
suffisammentdeLucaspourparlertactique.Jen’aipasdeplanprécis,c’estn’importequoi.J’auraisdûtelaisseraurepaire.—Jen’yseraispasrestée.Ilm’aadresséunsourirenarquois.—Cen’estpasfaux.Ilatournélatête.Masonetsessbiress’étaientremisenroute.Nousavonsfaitcommeeux.
Nous avons patienté jusqu’au alentours de minuit pour nous approcher du camp, Rafe sous laforme de loup et moi, eh bien, dans la seule apparence possible pour le moment. Si nous étionsrepérés, Rafe, du moins, aurait l’opportunité de s’échapper. Je n’aurais probablement pas cettechance. Je savaisqueConnorpéteraitunplombsi j’étaiscapturée,mais jen’allaispas resteràmetournerlespouces.Lalune,plusvisiblecesoir-là,guidaitnospas.J’avaisdissimulémescheveuxsousunfoulardnoir
etm’étaismêmebarbouilléedeboue.Envérité,lefaitdenepasêtreuneMétamorpheàpartentièreme donnait un avantage : comme notre fourrure est de la couleur de nos cheveux, j’aurais eubeaucoupplusdemalàpasserinaperçue.Lorsquenoussommesarrivésauxabordsducamp,moncœurs’estserré.Nosamisétaientassis
dos à un arbre, pieds et mains liés. Si seulement je pouvais m’approcher assez près, je pourraiscouperleursliensavecmoncouteaudechasse.Rafeaémisunfaiblegrognementd’avertissement:N’ypensemêmepas.J’avaispromisdem’en
tenirstrictementauplan,quiconsistaitsimplementàobserver.Masons’estdirigésans sepresserversnosamis. Il fautavouerqu’il étaitmignon,maisdans le
genrebadboy.Pourquoinel’avais-jepasremarquéavant?Ils’estagenouillédevantKaylaetluiaprislementonpourlaforceràleregarder.—Écoute, jesaisqueLucasestun loup-garou,a-t-ildit.Le loupquenousavonsattrapéavait la
mêmecouleurdepoilsquesescheveux,lesmêmesyeux.Desyeuxhumains.Jesaisquetul’asfaitsortirdesacage.
—Tu te rends compte des inepties que tu racontes,Mason ? Tu crois réellement que les genspeuvent se transformerenanimaux? J’admetsavoir libéré le loup,parcequ’il s’agitd’uneespèceprotégéedansceparcetquetulemaltraitais.Tuleprivaisd’eauetdenourriture.Tuétaisentraindeletuer.—Nousvoulionsl’affaiblirpourl’obligeràsetransformer.EtConnor?C’enestun,luiaussi?—Mason,tuesunpsychopathe!Lebruitsecqu’afaitlapaumedeMasoncontresajoues’estrépercutédansl’air,rapidementsuivi
dugrognementbasdeLucas.—Çaressemblepourtantbienàungrondementdeloup,aditMason.J’aienfoncémesdoigtsdansmespaumespourresterconcentréeetnepasagir inconsidérément.
J’avaisenviedeluicrierdeleslaissertranquilles,deleslaisserpartir.Jesentaisl’animalenmoisecrisper,prêtàbondir.J’étaistellementencolèrequej’étaispersuadéequejepourraisbattreMasonrienqu’avecmespoings,mesonglesetmesdentsd’humaine.—Commentas-tusuoùnoustrouver?ademandéKayla.—Grâce àDallas. Un idiot sans cervelle. Il a démissionné !Personne ne démissionne de Bio-
Chrome.Notrerechercheesttropimportante,demêmequesoncaractèreconfidentiel.IlnousafalluunmomentavantderetrouversatraceàTarrant.Jemesuisditqu’iln’étaitlàquepouruneseuleetuniqueraison:prévenir les loups-garous.Nousavionslaissél’hôtelsoussurveillance,enattendantqu’ilreviennecherchersesaffaires.NousétionslàquandilestarrivéavecledénomméRafe.Noussavions que Lucas était un loup-garou, j’ai donc supposé que les autres membres de votre petiteexpéditionderandonnéel’étaientaussi.Touslesdeuxparlaientdepartiràmotolelendemain,nousavons donc placé unmouchard sur l’engin. Nous pensions queDallas allait guider Rafe jusqu’aulaboratoire,c’étaitl’occasionpournousd’attraperundesloups-garousseuletd’empêcherDallasdedivulguerl’emplacementdulaboratoire.—AlorstuasassassinéDallas?— Ce n’était pas prévu. Quand il est entré dans sa chambre, nous ne pensions pas qu’il en
ressortiraitaussivite.IlaaperçuMicahetsonchien.Ilapaniquéetatentédes’enfuir,maislechienaattaqué.—Sonmaîtren’apaspul’arrêter?JepercevaisdelacolèredanslavoixdeKayla.Jelacomprenais.Pourcestypes,lafinjustifiaitles
moyens.—Nous avons peut-êtremanquéde fermeté.Traîne-nous en justice, a lancéMason cruellement.
Mais,aufond,Dallasétaitl’ennemi.Bondébarras,jedirai.Masson s’est levé et s’est éloigné. Je n’aimais pas sa démarche assurée, toute son attitude qui
claironnaitquelesMétamorphesvalaientmoinsquedeshumains.J’endevenaisfolle; ilfallaitquej’agisse.J’aiscrutélesoletj’airepéréunepetitepierre.J’aiviséavecsoin.Connorarelevélatêteetscruté
laforêt.Jesuislégèrementsortiedubuissonoùjemecachais.Sesyeuxsesontagrandisetj’ailusurseslèvresunmotqu’iln’avaitjamaisprononcédevantsamère.Dégage!a-t-ilarticuléensuite.J’aisecouélatêteavecvéhémenceetjeluiaisilencieusementrépondu:Tiens-toiprêt.Jeluiaienvoyéunbaiserpourleconvaincrequetoutiraitbien.Unemains’estappuyéelégèrementsurmonépaule.J’aifaillihurleravantdevoirquec’étaitRafe.
Ilm’afaitunsignedetête.Pliéeendeux,jel’aisuivijusqu’àcequenousayonstrouvéunendroitoùnouspensionspouvoirpasserlanuit.—Jedétesteleslaisserlà-bas.
—Jesais,maissijamaistut’exposesànouveaucommeça,jenet’emmèneraiplusavecmoi.Tuasconsciencedurisquequetuaspris?—Jen’avaispaslechoix.Jevoulaisleurfairesavoirqu’onétaitlàetqu’ilsdevaientsetenirprêts.Iln’étaitpascontent,maisquepouvait-ilrétorquer?Ensilence,nousavonsmangédescéréalesdéshydratéesquiavaientungoûtdecarton,mêmesi,
pourêtrehonnête, j’auraissansdouteété incapabled’apprécier leplus tendredessteaks tant j’étaisinquiète.—Quandtoutseraterminé,jeveuxallerdansunbonrestaurantetcommanderlemeilleurrepasde
touslestemps,ai-jedit.—Jet’yemmènerai.Moncœurafaitunpetitbondetmesjouesontrosi.—Rafe…—Jesaisqu’onnefaitpasdeprojetd’avenir,maistum’astendulaperchesurcecoup-là.Etpuis
qu’est-cequ’ilyademalàdînerensemble?MadisputeavecConnorausujetdeRafesemblaitbienloin,lorsqueConnoravaitsuggéréqueje
sorteaveclui.J’aiacquiescé,ravalantmaculpabilité.—Jenediraipasnon,maisjeneteprometspasdedireoui.— C’est bizarre, j’ai toujours pensé que c’était les mecs qui avaient peur de s’engager, a-t-il
taquiné.J’avaisbeauapprécier laplaisanterie, j’aigardélesilence.Rireparaissait inappropriéquandnos
amisétaientprisonniers.—Pourquoitunedormiraispasunpeu?a-t-ilsuggéré.—Ettoi?—Onesttellementprochesd’euxquejepréfèremonterlagarde.Ils’estappuyécontreunarbreetjemesuisétenduesurunduvetàcôtédelui.—TuasvulafaçondontMasonleurparle,lafaçondontillesregarde?—Commedesanimauxquin’auraientaucundroit?J’aiacquiescé.—Oui.Àmonavis,touslesStatiquesnousconsidèrent-ilscommeinférieursauxhumains?—J’espèrequenon.Siçacontinue,jenevoisvraimentpascommentempêcherl’inévitable.Notre
existencevaêtrerévéléeaugrandjour.Ilaeffleurémesdoigtscommes’ilavaitbesoind’uncontact.J’étaisauxanges.—TuasunplanpourlessoustraireàMason?ai-jedemandé.—J’ytravaille.J’ailâchéunpetitrire.—End’autresmots,tun’enaspas.—Ontrouveraquelquechose,Lindsey.Net’inquiètepas.Seulementj’étaisinquiète.J’avaisdéjàassezdemalàfaireletridansmessentimentspourRafeet
Connorsansquetoutecetteaffairemetombedessus.Leursécuritéétaitmaprioritéetjenepouvaispasmelaisserdistraireparmesémotions.Maisellesnemelâchaientpasd’unesemelle.
15
Pendant que je surveillais le campement de Mason, perchée dans la montagne, Rafe s’esttransformépourexplorerlesenvirons.J’airepliémesgenouxcontremapoitrine.Jemedemandaiss’ilnevaudraitpasmieuxessayerdelessauvertoutdesuite.Ensuite,nouspourrionspartirensembleàlarecherchedulaboratoire.Lalunecommençaitàdéclinerdans lecielquandRafeestapparuàcôtédemoi.J’étais toujours
fascinée par notre faculté à être silencieux, sous notre forme humaine et animale.Cela devait êtreinscritdansnosgènespuisquenousétionspourmoitiédesprédateurs.—Jel’aitrouvé,a-t-ilannoncéavecungrandsourire.Jel’aidévisagé.—Lelabo?—Oui.Vul’allureà laquelle ilsavancent, ilsnel’atteindrontquedansunjouroudeux.Jecrois
quel’heuredel’évasionasonné.J’étaispresqueétourdieàlapenséequetoutpourraitbientôtêtreterminé.—Tuasunplan?ai-jedemandé.—Jecroisqueoui.Leproblème,cesontleschiens.Jepeuxmetransformer,fairediversion,les
attirer, eux et leursmaîtres, loin d’ici. Pendant ce temps, tu couperas les liens de Lucas, Kayla etConnor. Toi et Connor, vous pouvez partir d’ici à moto. Kayla et Lucas se transformeront etdétalerontàlavitesseduvent.Ça paraissait assez simple. Peut-être trop. Nous aurions pu agir deux nuits plus tôt –même si,
désormais,nousconnaissionslalocalisationexactedulaboratoire.Deuxgardespatrouillaientdanslecamp.Ilsavaientchacununchien.—Bon,tuvasdevoirfairevite,m’aprévenueRafe.Leschiensvontsansdoutefaireassezderaffut
pourréveillertoutlemonde,puisselanceràmapoursuiteavecleursmaîtres.Resteàespérerquecesderniersmettrontunpeudetempsàretrouverleursesprits.J’ailevélespouces.Ils’estéloignéversdesbuissons.Jel’aisaisiparlebras.Aprèstoutcequenousavionsvécu,ce
moment ne semblait pas assez solennel ; après tout, il allait changer beaucoup de choses, nonseulementpournousmaispourtouslesMétamorphes.J’aisoutenusonregardchaudettendre,maiségalementdéterminéetsanspeur.J’enétaisprofondémentémue;çamedonnaitducourage.—Soisprudent,ai-jechuchoté.—Commetoujours.Etsouviens-toi,sauvetavied’abord.J’ai acquiescé, même si je n’étais pas certaine d’être prête à tenir cette promesse. Comment
pouvait-ilcroirequejeferaispassermasécuritéavantcelledemesamis?Quelgenred’amieserais-je dans ce cas ? Et puis ce n’était pasmoi quim’offrais comme appât à deux rottweilers dont lamâchoirepuissanteétaitcapabledebroyerduciment.Rafes’estremisenroute,puiss’estarrêté.—Etpuiszut,ilyadeslimitesàmabonté.Ilm’a prise dans ses bras etm’a embrassée. Ses lèvres étaient pareilles à ses yeux : chaudes et
tendres, et pourtant déterminées et ô combien passionnées. Je ne pouvais m’empêcher de medemandersi,commemoi,ilavaitpeurquenousn’ayonsplusd’autreopportunitésemblableàcelle-cietqu’iltenaitàenprofiteraumaximum.Iltenaitmonvisagedélicatemententresesmainsetinclinaitmatêtelégèrementenarrière.Ilaapprofondisonbaiser,mefaisantfondredeplaisir.Lafinestvenuebientropvite.Ils’estprécipitédanslesbuissons.J’aiportélesdoigtsàmeslèvres.
Quelquesminutesplustard,j’aivulalunesereflétersursafourrurealorsqu’ilseglissaitjusqu’àl’extrémitéducampverslaquellesedirigeaientl’undesgardesetsonchien.L’autregarderevenaitdemoncôté,làoùsetrouvaientlesprisonniers.Soudain,aumêmemomentexactement,lesdeuxchienssesontimmobilisésetontlevélatête.Ils
ontaplatilesoreillesetj’aientenduleurgrognementmenaçant.Jesavaisqu’unrottweilerétaitrapide.J’espéraisseulementqueRafepourraitlesdistancer.Ilsn’enferaientqu’unebouchées’ilsarrivaientàl’attraper.Toutàcoup,lesdeuxchienssontpartisentrombe.Ilsaboyaient,grognaientettiraientleursmaîtres
derrière eux. Les gardes ont fini par lâcher les laisses pour suivre leurs molosses comme ilspouvaient. Je suis rapidement sortiedemacachette.Kaylam’avue lapremièreet sonsourireétaittellementqu’onauraitditqu’ellem’accueillaitpourunesoiréepyjama.—Lindsey,tuesfolle?s’estexclaméConnor,meramenantàlaréalité.Ignorantsonimpolitesse–dueàsoninquiétudepourmoi–,jemesuisapprochéedel’arbreetj’ai
sciétranchélesliensdeKaylaenunclind’œil.—Dépêche,aditLucas,presséd’endécoudre.Unelumières’estalluméedanslatente.—Jem’occupedeConnor,aditLucasenmeprenantlecouteaudesmains.Sauve-toi.—Connor,rejoins-moiàlamotodeRafe,luiai-jeordonnéavantdefiler.Kaylam’aprislamainetnousnoussommesmisesàcourir.—Hé!Ilss’échappent!ai-jeentenduMasoncrier.Vite!Lesgars!Rattrapez-les!Je ne savais pas si les garçons se transformeraient pour leur régler leur compte ou s’ils
utiliseraientleurspoings.Jedevaisleurfaireconfianceetmedireque,quoiqu’ilsdécident,ilss’ensortiraient.Mêmesij’étaislaplusvulnérable,j’avaisuneenviefolledemebattre.—TupourrasconduirelamotosiConnornevientpas?m’ademandéKayla,lesoufflecourt.—Oui,mais je neveuxpasdémarrer avant d’être sûreque tout lemonde est en sécurité. Je ne
pensepasquenousauronsunesecondechancedenouséchapper.—Jen’arrivedéjàpasàcroirequ’onenaitunepremière.Tuesgéniale.J’ai entendu des pas marteler le sol. En me retournant, j’ai vu que c’était Connor et Lucas.
Finalement,lesMétamorphesn’étaientpasaussisilencieuxqueça.—Lamotoestlà-bas,ai-jecrié.—Jem’occupedeLindsey,aditConnorenmerattrapant.Ilaenfourchélamoto.—JemetireavecKayla,alancéLucas.—Monte,m’aordonnéConnorenfaisantpétaraderlemoteur.Jemesuisassisederrièreluietj’aimismesbrasautourdesataille.—EtMason?—Luietsespetitscamaradessontdanslesvapes.Ilsleuravaientdonclaissélaviesauve.J’espéraisquenousneregretterionspasnotremansuétude,
mêmesituerquelqu’unavaitaussidequoinousperturber.Dansunrugissementdemoteur,nousavonsdémarré,slalomantentrelesarbres.Soudainunfaible
grognements’estfaitentendreetl’undesrottweilersasurgidenullepart.Ilabondisurnousetm’amordulacuisse.J’aicrié.Connorarapidementvirédebordenenvoyant lechienvalsercontreunarbre.—Tuvasbien?a-t-ildemandésansralentir.—Oui.Maisensuite,j’aiperçuunedétonationauloin,commeuncoupdefeu.J’aisentiunevivedouleur
medéchirerl’épauleetj’airesserrémesbrasautourdeConnor.
Jel’aientendujurer.J’aisentiunliquidechaudetvisqueuxcoulersousmesvêtements.—Tiensbon,Lindsey.J’avaisl’impressionquesesmotsmeparvenaientàtraverslebrouillard.—Resteéveillée!Net’endorspas!Commentsavait-ilquej’avaisenviededormir?«Ahoui,ilpeutliredansmespensées.Non,ilne
peutpas.Rafepeut.»—Resteavecmoi,Lindsey!Jelevoulais,sincèrement.Maismonépauleétaitenfeuetmacuissemefaisaitmal.Jevoulaisque
cette douleur cesse. Il ne fallait pourtant pas que jem’endorme. C’est alors que jeme suis renducomptequesijesuccombaisàl’obscuritéquicommençaitàenvahirmavision,jerisquaisdetomberdelamoto.«Oui,c’estça.C’estcequiarriverait.Jedoisresteréveilléeettenirbon.SijelâcheConnor,jevais
devoirajouterunterriblemaldetêteàlalistedemesmaux.»—Parle-moi,Lindsey.Dis-moicequeturessens.—J’aimalàl’épaule.—Moiaussi.Jecroisqu’onnousatirédessus.Laballeatraversé.«Ah,c’est logique»,ai-jepensévaguement. J’avaisdesdifficultésàm’accrocherau fildemes
pensées et à analyser la situation.Mais si onm’avait tiré dessus, c’était la raison pour laquelle jesentaismondosserefroidir.Maissilaballem’avaittraversée…—Laballet’atouché?ai-jedemandé,surprisedemonarticulationpâteuse.—Oui,maisjepourraiguérirdèsqu’ons’arrêtera.—Quand?J’aivraimentenviededormir.—Jesais,machérie.Tiensbon.Il nem’avait jamais appelée ainsi. Il n’avait jamais employé de terme affectueux àmon égard.
C’étaittellementgentildelefairemaintenant.Jevoulaisluidirequejem’étaisinquiétéeàsonsujet,maisj’avaisdumalàarticulerdesmots.Mabouchenevoulaitpasm’obéir.J’aireposématêtecontresondos.Ilétaittellementconfortable.—Lindsey?Jel’aientenducriermonnom,maisl’appeldel’obscuritéaétéleplusfort.
—Tuétaiscensét’occuperd’elle!—Etsituavaisempêchélesgardesetleurschiensdébilesderevenir,ellen’auraitpasétéblessée!Lescrisetlesaccusationsontcontinué.Alorsquejereprenaispeuàpeuconscience,j’aireconnu
lesvoix:RafeetConnor.Ilsétaienttouslesdeuxenvie,Dieumerci,etnettementplusenformequemoi.—Lesgars,arrêtez!aexigéKayla.Nem’obligezpasàjouerlesdresseursdechiens!Jemesuisrenducompteque j’étaisallongéepar terreetqu’elleétaitassiseàcôtédemoi.Nous
nous trouvionsdans l’undenospluspetits repaires.Nousnous étionsdoncéchappés.Nous étionstousensécurité.Non?—Lucas?ai-jeappeléd’unevoixgrinçante.—Tuesréveillée,aditKaylaenserrantmamain.—Lucas?ai-jerépété.—Ilmontelagarde.Ilaseméquelquestrucspourqueleschiensperdentnotretrace.Onpenseêtre
àl’abriici.Dumoinspourl’instant.Ilfautqu’onteramènecheztoi.—Commenttutesens?ademandéConnorens’agenouillantprèsdemoi.J’apercevaisRafedeboutunpeuplusloin,sonregardinquietposésurmoi.N’importequellefille
rêveraitsansdoutequedeuxgarçonssoientamoureuxd’elle,maisc’étaittellementdecomplications,
surtoutquandilfallaitenchoisirun!Etvite.—Jesuisblessée.Pastropgravement.Ladouleurn’étaitpasaussivivequejel’auraiscru.—Onatrouvéunkitdepremierssecours,aexpliquéConnor.Ilcontenaitquelquesantalgiques.Le
chien t’a lacéré la cuisse et ton épaule a été traverséepar la balle.On a pupanser tes blessures etenrayerl’hémorragie,maisKaylaaraison.Ondoitteramenercheztoi.Onpensaitt’installerderrièremoisurlamoto.Jemesuisforcéeàsourire.—Onn’ajamaisessayéçaauparcd’attractions.—Non.Iladégagédescheveuxdemonfront.—Nousdevonsfairevite,avantqueças’infecte.J’aifroncélenez.—Jevaisavoirunecicatrice.Dansquelques jours,quandjepourraismetransformer,mesblessuresguériraientsans laisser la
moindretrace,maispourl’instant…—Peut-êtrepas.Detoutefaçon,jetrouvelescicatricessexy.J’airidoucement.—N’importequoi.—Si,jetejure.Boisetmangeunpeu.Après,situtesensd’attaque,onpartira.D’attaqueoupas,nousdevrionspartir.Jenemerétabliraispassanssoinsmédicaux.Connors’estéloigné.JesavaisàquelpointRafeavaitenvied’approcher,maisiln’apasbougé.Il
n’avait pas le droit. Tant que je n’avais pas pris de décision et annoncé à Connor que je ne lechoisissaispas,c’étaitlui,moncompagnon.Ilssontsortistouslesdeux.Peut-êtrepourvérifierl’étatdelamoto,oupourvoirLucas.Oupour
continueràsebattre.—Ilss’inquiètentpourtoi,m’aconfiéKaylaenmetendantunebouteilled’eau.J’aiacquiescé, jesavaisqu’elleessayaitdemefairepasserunmessage. Ils ressentaient lamême
affectionetlamêmeinquiétudepourmoi.Peut-êtrereconnaissait-elleladifficultédemadécision.—Plusquequelquesnuitsavantlapleinelune,a-t-ellemurmuré.J’aiémisunlégergrognement.—Jesais.—Situesencoreenconvalescence,toncorpsva-t-ilretardersatransformation?J’ailentementsecouélatête.— Je n’aurai pas cette chance. La lune a sur nous une sorte de pouvoir mystique. Quand elle
appelle,ondoitrépondre.Ellem’atenduunbiscuit.—Tuasbesoindeprotéines, a-t-elle lancédistraitement.C’est vraimentbizarre, ce truc avec la
lune.Je l’aisenti. J’aisubi la transformationet jen’avais jamais ressentiunechosepareille.Tunepeuxpas t’ypréparer, c’estpeut-êtrepourçaque lesgarçonsn’enparlentpas.C’estcommesi,unbrefinstanttoncorpsnet’appartenaitplus,toutenétantletien.—C’estexact,ai-jeacquiescéenbuvantunegorgéed’eaupourfairepasserlebiscuit.C’étaitplusfacilepourmoid’acceptercegenredechosescarj’avaisgrandiavec.—Etsituchoisislemauvaiscompagnon?a-t-elledemandédoucement.—Jenesaispas.JeconnaisConnordepuistoujours.Iln’yapaslongtempsquej’airemarquéRafe.Entendantdesbruitsdepas,j’aijetéuncoupd’œilversl’entrée.
—Lesoleilnevapas tarderà se lever, aannoncéConnor. Il fautqu’onpartependantque tuasencoredesforces.—Jesuisprête.Ils’estapprochépourm’aideràmerelever.—Tuvasguérir,Lindsey.J’ailevélespouces.Physiquement,peut-être.Maismoncœurétaitencoreenpleintourmentetjene
savaispascommentcelaallaitfinir.
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Jen’arrêtaispasd’ouvriretdefermerlesyeux.Chaquefois,unenouvellescènes’offraitàmoi.Lesyeuxouverts:laforêtquidéfile.Lesyeuxfermés:Connoretmoientraindeconstruireunchâteaudesable.Lesyeuxouverts:ledosdeConnor.Lesyeuxfermés:Connoretmoientraindeskierpourlapremièrefois.Lesyeuxouverts:levisageinquietdeRafe.Lesyeuxfermés:Connorquis’accuseàmaplaced’avoircassélevaseencristalpréférédema
mère.Lesyeuxouverts:Kaylamefaitboiredel’eau.Lesyeuxfermés:Connormetientlamainàlamortdemagrand-mère.Lesyeuxouverts:Lucasm’ordonnedemebattre.Lesyeuxfermés:Connormedonnemonpremierbaiser.Lesyeuxouverts:leDrRayburnm’aveugle.Lesyeuxfermés:Connoretmoinousembrassonsaufondd’uncinéma.Lesyeuxouverts:unelumièrevive,unetabledure,desgensmeregardent.Lesyeuxfermés:Connordanseavecmoiaubaldefind’année.Lesyeuxouverts:mamèrepleureetmepasselamaindanslescheveux.Lesyeuxfermés:Connormedéclaresacompagne.Lesyeuxouverts:monpère,ceroc,aleslarmesauxyeux.Lesyeuxfermés:Connoretmoisouslapleinelune.Lesyeuxouverts:Connorallongésurunlitàcôtédemoi.Cettefois,jelesaigardésouvertsetj’ailouchéverslui.Jemesouvenaisvaguementqu’uneballe
m’avaittouchée.—Tuesréel?Ilm’asouri.—Oui.—Oùsommes-nous?Mavoixvenaitdetrèsloin.—Àl’hôpitaldeWolford.J’aifaitunegrimace.—Cen’estpasdrôle.Tudevraissimplementtetransformeretguérir.—C’estcequej’aifait.Ilalevélebrasetj’aivuuneaiguillereliéeàuntube.—C’estpourtoi.Tuasperdubeaucoupdesang.—Tumedonnestonsang?—Oui,onestdumêmetype.J’aidûprononcerlemot«merci»avantdesombrerdenouveaudansleslimbesdel’oubli.J’ai
entenduConnorrépondre«pasdequoi».Quandjemesuisréveilléelasecondefois,mamèreétaitassiseàcôtédemonlit.Ellem’aenfoncé
unepailledanslaboucheetm’aenjointd’avaler.C’étaitlameilleureeauquej’aiejamaisbue.—Jesuisfatiguée,ai-jemarmonné.Commentpouvais-jeêtrefatiguéepuisquej’avaisl’impressiond’avoirdorminon-stop?—Tuastraverséunesacréeépreuve.Tudevraispouvoirteleverd’iciunjouroudeux.Elleadégagémescheveuxdemonvisage.
—Connort’asauvélavie.J’aifroncélessourcils.—Jecroyaisquec’étaitlemédecin.—Connorainterditauxautresdes’arrêter.Ilt’adonnésonsang.Ilvienttevoirplusieursfoispar
jour.—Tuessadirectricedecampagne?ai-jedemandé.Elleasouffléd’impatience.J’aifermélesyeuxetjemesuisrendormie.Mamère avait raison. Je retrouvais des forces.En fin d’après-midi le lendemain, j’étais prête à
repartiràl’aventure.—Jemesensassezfortepourmelever,luiai-jeaffirmé.Je n’arrêtais pas de repousser la couverture, et elle deme la remonter jusqu’aumenton.C’était
énervantdelavoirmetournerautour.—Encoreunejournéeaulit.—Maman,ai-jegémienlevantlesyeuxauciel.Ilfautvraimentquejesorted’ici,jevaisdevenir
dingue.—Siprochede lapleine lune, toncorpsestprobablementplusrésistant.J’imaginequesi tuvas
trèsdoucement,situménagestesforces,çaira.—Super.Jeresteraiassise,maisilfautquejesortedecettechambre.J’airepoussélacouverture;ellel’aremontée.—Jeveuxd’abordqu’ondiscutedeta…transformation.Nousn’avionsjamaiseudeconversationsurlatransformation…nisurlesexe.—Maman,c’estunpeutard.J’enaidéjàparléavecKayla.Ellem’atoutraconté,jen’aipaspeur.—Tudevrais,a-t-ellerétorquéd’unairsévèrequim’asurprise.Sonvisages’estradouci.—TusaisquetonpèreetmoiadoronsConnor.—Jesais.—EtjesaisquetuaspassédutempsavecRafe.Cen’estpaslemomentdeterebeller,Lindsey.Un
lienparticuliersedéveloppependantlatransformation.L’amourestrenforcé.Unpacteestscellé.Unpactejusqu’àlamort.—Jesaistoutça,maman.Pourquoicrois-tuquej’aiesipeurdefaireuneerreuravecConnor?—Tunefaispasd’erreuravecConnor.Rafeseraituneerreur.—Commentpeux-tuenêtresûre?—Jeteconnais.Etjeconnaiscesdeuxgarçons.Connorestfaitpourtoi.En d’autres termes, jamais ils n’accepteraient Rafe. Brittany avait raison. Nos traditions étaient
limitearchaïques.—Merciduconseil,maman.Cettefois,quandj’airepoussélacouverture,ellen’estpasintervenue.—Jeveuxseulementtevoirheureuse.Jemesuisdirigéeenboitantverslasalledebains.Macuisseétaitencoredouloureuse.—Jeveuxseulementêtreheureuse,moiaussi.J’airetirélespansementsetexaminémesblessures.Ellesguérissaientbien.Lemédecinavaitfait
du bon travail en les refermant avec de petits points pour éviter une horrible cicatrice. Si elles neguérissaientpascomplètement,latransformationferaitlereste.Jemesuislavée,j’aibrossémescheveuxetjemesuislégèrementmaquillée.J’aienfiléunshortet
unhautsansbretellespouréviterd’irritermaplaie.Puisjesuispartieàlarecherchedesautres.Je les ai tous trouvésà labibliothèque, en traind’étudierunegrandecartede la forêtnationale.
MêmeBrittany était là.Mon attention s’est portée surConnor etRafe.Connor aux cheveux clairs,
Rafeauxcheveuxfoncés.Connorausourirefacile,Rafeausourirerare.Connor,laconstantestabledansmavie;Rafe,lenouvelélémentexcitant.—Maistuesenvie!s’estexclaméesoudainBrittanyavecunenthousiasmesincère.—Grâceàcesgars-là,ai-jedittimidementenmedirigeanteux.—Jen’arrivepasàcroirequevousvoussoyezattaquésàBio-Chromependantquejem’occupais
decampeurs.—On ne les a pas vraiment attaqués.On les a seulement suivis pour tenter de découvrir où se
cachaitleurlabo.Tut’essansdoutebeaucoupplusamuséeavecDaniel.Elleasecouélatête.—Cen’estpasunbouletnirien,maislesrendez-vousarrangés,cen’estpasdutoutmongenre.—Mais,Brittany…—Çavaaller.Bon, clairement elle ne voulait pas en parler. Il y avait sans doute des sujets plus importants à
aborder.—Alorsvouscherchezlemoyendedémantelercelaboratoire?ai-jedemandé.—Eneffet,aacquiescéLucas.—J’imaginequevousnevoulezpasattendrelaprochainepleinelune…Connors’estappuyéàlatable.—Enfait,ondisaitjustementqu’iln’yavaitpasd’urgence.Ilsnevontpasrévélernotreexistence
augrandjour,puisqu’ilsveulentgarderlesecretlepluslongtempspossible.—Lesecretdeleurstravaux,aajoutéKayla.—Alorsqu’est-cequ’onfait?ai-jedemandé.Lucasasoupiré.— On n’est pas sûrs encore. Même s’ils ne sont pas exactement sur le territoire de la forêt
nationale, ils sont entourésd’arbres.Onnepeutpasmettre le feu à leurs installations sans risquerd’incendierleboisparlamêmeoccasion.—Alorsilfauttrouverunmoyendedétruirelelabosansdétruirenotreenvironnement.—C’estça.— Je vais parler avec les Sages.Quoi qu’on décide de faire, ce serait sans doutemieux d’agir
pendantlaprochaineéclipselunaire.—Agirsouscouvertdel’obscurité,çafaittrèsMissionImpossible,anotéConnor.—Ceseralecas,aconfirméLucas.Ilfaudrabientoutprévoir,pournepasseulementdétruirele
bâtiment,maiségalementfairecomprendreàBio-Chromequ’ilvautmieuxnouslaissertranquilles.—Tucroisqu’ilssaventquetouslessherpassontdesMétamorphes?ademandéRafe.Tupenses
quetoutlemondeestendanger?J’aireportémonattentionsurluietilasoutenumonregard.J’yailuundéfi:décide-toi.Lavérité,
c’estquec’étaitdéjàfait.—Jenepensepasqu’ils aient compris ça, a réponduLucas.Niqu’ils savent à quel point notre
espèceestrépandue.Etpuisilsn’ontencoreaucunepreuve.Ilsn’ontjamaisvuaucund’entrenoussetransformer.S’ilstrouventnosvêtements,peuimporte.Çalesinciterapeut-êtreàcroirequecequemon frère a raconté à Mason sur les Métamorphes est vrai. Mais ce sont des scientifiques. Ilss’appuientsurdesfaits.—Commentvas-tulesdécouragerderecommencer?ademandéKayla.Lucasasecouélatête.—Aucuneidée.Maisontrouvera.Onadutemps.Ilamisfinàlaréunion.KaylaetluisontpartisvoirlesSages.Brittanys’estéclipsée,elleaussi,
toutcommeRafe,àcontrecœur.
—Peut-onlesconvaincredenouslaissertranquilles?ai-jedemandéàConnor.—Sansdoutepas,maisonpeuttoujoursessayer.Ilafaitletourdubureauetm’aprislamain.—Tutesensbien?«Physiquementouémotionnellement?»ai-jepensé.—Justeunpeufatiguée.J’aioptépourlaréponsephysique.C’étaittellementplusfacile.—Tuasenviedemarcher?Çanemedisaitrien.Madosed’énergiedéclinaitrapidement,maisj’aifaitouidelatête.Ilfallait
que j’explique certaines choses à Connor. C’était monmeilleur ami, en dehors de Kayla. Le plusanciendemesamis.Nous sommes sortis et nous avonsmarchéparmi les arbres.Même si une enceinte en fer forgé
entouraitWolford, la propriété était assez grande pour que nous puissions aller dans les bois enrestant protégés par la clôture, dumoins aussi protégés que possible puisque les balles pouvaientencorepasserautravers.Jemesuistoujoursconsidéréecommeinvincible,maisdésormaisjesavaisquelamortpouvaitarriverrapidementetsansprévenir.— J’ai un cadeau pour ton anniversaire, a dit Connor doucement, mais tu devras attendre ta
transformation.Monanniversaireavaiteulieupendantquej’étaisenconvalescence.Jenem’ensouvenaismême
pas.—Tun’étaispasobligé.—Jesaisquejenesuispasobligé,maisj’enaienvie.Ils’estarrêté,aplongélamaindanssapochedejeanetenasortiunécrindevelours.Moncœur
s’estmisàgaloper.—Oh,Connor.—Ouvre-la.Lesmainstremblantes,j’aisoulevélecouvercle.Àl’intérieurilyavaitunechaîneenoravecune
petiteperleparfaitementrondeenpendentif.—C’estmagnifique.—C’estcenséreprésenterlapleinelune,a-t-ilexpliqué.J’ailevélesyeuxverslui.—Merci.—Jesavaisqueçateplairait.Ilmeconnaissait sibien ! J’étais surprisedevoiràquelpoint soncadeaume touchait.Peut-être
parcequedepuisquej’avaisfrôlélamort,toutmesemblaitbienplusimportant.Quandilm’aprislamain,mesdoigtssesontreferméssurlessiens.Nous avons fait quelquespas en silence.Autrefois, nous aurionspupasser des heures ensemble
sansnousparler,c’étaitlachoselaplusnaturelleaumonde.Maintenant,j’avaisl’impressionquedenombreusespenséesnonditesplanaientlourdemententrenous.Jelesaireléguéesaufonddemonespritetjemesuisconcentréesurlespropriétésdeguérisonde
laforêt.Jecommençaisdéjààsentirmaforcerevenir.Tantmieux,parcequ’àl’arrivéedelapleinelune,jetraverseraisuneépreuvequiexigeraittoutel’énergiequejepourraisrassembler.Maisavant,j’avaisunequestionàposer.—Tutedemandesparfoissitum’aschoisietroptôt?ai-jedemandé.Connorapenchélatêtecommesimevoirsousunangledifférentpourraitl’aideràdéchiffrermon
curieuxétatd’esprit.—Non,j’aitoujourssuquec’étaittoi.Jet’aime,Lindsey,jet’aitoujoursaimée.
Etvoilà.Lesmotsqu’iln’avaitaucunmalàprononcer.CeuxqueRafen’avaitjamaisdits.Entoutehonnêteté,jen’arrivaispasàimaginerRafeexprimersessentiments,maisçanesignifiaitpasqu’ilneleséprouvaitpas.Çavoulaitseulementdirequ’iln’étaitpasaussiàl’aisequeConnorpourparlerdesesémotions.Connorasoutenumonregardetjevoyaisàquelpointmesdoutesl’avaientblessé.Etpourtantil
n’abandonnaitpas;ilmemettaittoujoursenpremier.—Taluneestpresquelà,Lindsey.Tudoisfaireunchoix.J’aisecouélatête.—Jel’aidéjàfait.J’aiprisunegrandeinspiration.—C’esttoi,Connor.Jet’aime.Ilaeul’airassommé.—EtRafe?Ettesdoutes?J’aisecouélatête.—C’est toi.Etmesdoutessesontenvolés.Çava teparaîtreétrange,mais jecroisquemefaire
tirer dessus a peut-être été la meilleure chose qui me soit arrivée. Ça m’a donné l’occasion deréfléchir.J’aivumavieàtraversunkaléidoscopeet,quelquesoitl’angle,jetevoyais.Unlargesourires’estdessinésursonvisage.—Tuessérieuse?J’aisouri.—Jesuissérieuse.Ilm’aattiréedanssesbrasetembrasséeavecexcitationetenthousiasme.Lorsquenousavonsenfin
reprisnotresouffle,j’avaislevertige.— Je pensais qu’on pourrait aller au repaire de la chute d’eau pour ta transformation, a-t-il
proposé.La première transformation avait toujours lieu dans la forêt, loin des autresMétamorphes. Un
garçonlavivaitseul.Ilpartait,etquandilrevenait,ilétaitchangé.Lafilleserendaittoujoursdansunendroitreculéavecsoncompagnon.Larégionautourdelachuted’eauétaitl’unedesplusbellesdela forêt.Notre repaire était caché derrière le rideau liquide.C’était l’endroit préféré de nombreuxcouples.Monpèreyavaitemmenémamère.Lelieuajoutaitunpeuderomantismeàl’événement.—Ceseraitfantastique.—Sionvaàlachuted’eau,ondevrapartirdèsdemainmatin.Situtesensassezforte,a-t-ilajouté.J’aiacquiescé.—Jeleserai.Soudain,jemesuissentietrèslasse.—Maispourl’instant,ilfautquejem’allonge.Ilm’aprislamainetnousavonsrebroussécheminverslemanoir.Pourquoiavais-jel’impression
d’êtreobservée?Endouce,j’aijetéunœilsurlecôté.Etlà,j’aivulemagnifiqueloupnoirquim’observait.
Lorsquejemesuisréveilléedemasieste,Brittanyétaitassiseprèsdelafenêtre,lesyeuxtournésverslecrépuscule.J’étaisalléedanslachambrequejepartageaishabituellementavecelleetKayla.Jemesentaisassezfortepourneplusavoirbesoind’uneinfirmière,etm’éloigneruntempsdemamèreétaitunjolibonus.Enbâillant,jemesuisredresséeetj’aiplacélesoreillersderrièremondos.—Alors,tuvasoùpourtatransformation?—Pasàlachuted’eau.
Ellenes’estpastournéeversmoi.—Brittany,quit’accompagne?Elle n’a pas répondu. Elle n’a pas bougé de sa place. Je l’ai rejointe et me suis assise sur la
banquette.—Tunepeuxpasvivreçatouteseule.—Cen’estqu’unelégendedebonnefemme.—Etsicen’étaitpaslecas?Ellem’aregardée,unelueurfroidedanssesyeuxbleus.—Alorsc’estunetactiqueévolutionnistesacrément tordue.Franchement,c’estsexisteàmort.Si
lesmecspeuventvivreçaseuls,onenestaussicapables.—Tupourraisdemanderà…Rafe.Sesyeuxsesontradoucis.—TuaschoisiConnor,alors?—Ilatoujoursétélàpourmoi.—Maisest-ceuneraisonsuffisante?Tul’aimes?—Oui,jel’aime.—Maisl’aimes-tuassez?—Maisenfin,Brittany.Qu’est-cequetuas?Tul’aimesaussi?C’estça?Jeluiavaisdéjàposélaquestion,maisellenem’avaitjamaisdonnéderéponseclaire.—Peuimporte.Tueslaseulequil’intéresse.Jeseraisimplementlalouvesolitaire.Jedeviendrai
une légende. Je lancerai peut-être une nouvelle mode et c’en sera terminé de cette idiotie decompagnonprédestiné.—Tupensesvraimentquec’estuneidiotie?—Jepensequ’ons’enfermedansdevieillestraditions.Qu’ilesttempsdepasserauXXIesiècle.Ellem’aregardée.—Tupeuxencorevivreçatouteseule,toiaussi.Choisirtoncompagnonplustard.J’aisecouélatête.—Jel’aidéjàchoisi.Elles’estlevée.—Ondevraitsansdoutedescendredîner.J’ailancéuncoupd’œilparlafenêtreetj’aivuRafedeboutàl’oréedubois.—J’arrivedansuneminute.J’ai attendu un peu pour me glisser hors de la pièce et prendre les escaliers de derrière qui
menaientdehors. J’ai traversé lapelouseenvitesse jusqu’aubois,qui sombrait rapidementdans lapénombre,tandisquelesoleilsecouchaitetquelalunecroissantecommençaitàapparaître.Jemesuisglisséeentrelesarbres.—Rafe?Àsamanièrehabituelle,ilestapparusansbruitdevantmoi.J’aireculécontreunarbre.Ilaappuyésonavant-brascontreletronc,au-dessusdematête,etapasséledoigtlelongdema
joue.—Tusavaisquej’étaislà.J’enconclusquetuesvenuepourmevoir.Enhochantlatête,j’aiplongémesyeuxdanslessiens.Jenevoulaispasluifairedemal,maisil
fallaitqu’ill’apprennedemabouche.—Connoretmoiallonspartirpourlachuted’eaudemain.Jevoulaissimplementquetusaches…
quej’yvaisaveclui.—Alorstul’aschoisi,a-t-ilditavecuncalmeterrible.Lesmotsétaientuneconstatation,pasunequestion.
—Çaatoujoursétélui,ai-jeexpliqué.—Pourquoi?Parcequec’estcequeveulentvosparents?—Non,parcequec’estcequejeveux.C’estquelqu’undebien.—Oui.Ilalaissééchapperunriregrinçant.—Çacompliqueleschoses.—J’imaginequesinon,tuledéfieraisettuletuerais,non?—Sic’étaituncrétin,jen’hésiteraispasuneseconde.Moncœurs’estemballé.—Ehbien,nelefaispas,ai-jeordonné.Jet’interdisdeletoucher.Etsitucherchesunecompagne,
Brittanyestdisponible.—JeneressenspaspourBrittanycequejeressenspourtoi.Tunecomprendspas?—Rafe,peut-êtrequesions’étaitremarquésplustôt…Ilalaissééchapperunnouveauriregrinçant.— Tu as attiré mon attention dès le collège, mais tu traînais toujours avec Connor. Les autres
n’avaientaucunechance.Jusqu’àcetété,jenelesavaismêmepasregardés,lesautres,jen’envoulaispas.Çaavaittoujours
étéConnor.—Tum’avaisditquetunem’avaispasrepéréeavantcetété,luiai-jerappelé.—Lesprofondssentimentsque j’aipour toinemesontapparusqu’àcemoment-là,mais je t’ai
toujourstrouvéespéciale.QuandtupasseraslapleineluneavecConnor,penseàcequetuauraispuavoir,a-t-ilajouté.Puis il m’a embrassée passionnément et longuement. Je savais que j’aurais dû protester, le
repousser.Maisj’aimismesbrasautourdesesépaules,conscientequeceseraitledernierbaiserquenouséchangerions.J’auraisvouluqu’ilduretoujours.Lorsqu’ilareculé, jemesentaiscommejemesentaistoujoursavecRafe: troublée.«Jedevrais
peut-êtrefairecequeBrittanysuggérait,ai-jepensé.Vivrelatransformationtouteseuleetmedéciderplustardpourlechoixdemoncompagnon.»Maisensuite,jemesuissouvenuedecequeKaylaavaitdit sur ce qu’il y avait de merveilleux à vivre cette expérience avec quelqu’un à qui on tenait,quelqu’unqu’onaimait.—Aurevoir,Rafe,ai-jeditdoucementenm’éloignant.Iln’apasessayédemeretenir.Etj’aipenséqueçaendisaitlong.ParcequejesavaisaufonddemoiqueConnornem’auraitpaslaisséepartir.
17
—Tonpèreetmoiseronslààtonretour,aditmamèreenmeserrantfort,avantdemechuchoteràl’oreille:Tuneregretteraspastadécision.Jemeseraissincèrementpasséedececommentaire.Iln’aserviqu’àréveillermesdoutessurlefait
queConnorétaitsonchoixetnonlemien.Monpèrem’aprisedanssesbras.—Mapetitefille.PuisilaserrélamaindeConnor.Mamèrel’aembrassé.UnefoisdanslesboisavecConnor,jeluiaiavoué:—Jesuiscontentequecesoitfini.—Ilss’inquiètentpourtoi,c’esttout.Commentvonttesblessures?—Pastropmal.Jeboitaisunpeuetmonépaulemefaisaitmal,maisjeguériraispendantlatransformation.Jeme
sentaisbienplusforte,maisniConnornimoinecherchionsl’exploit.Nousmarchionstranquillement,toujoursvigilants.Detempsentemps,ilmeconfiaitsonsacàdos
etsesvêtements,ilsetransformaitpendantquejefermaislesyeuxetilsillonnaitunlargepérimètreautourdenous.Sisessensétaientdéjàaiguisésentantqu’humain,ilsl’étaientencoreplusquandilétaitloup.Cettenuit-là,nousavonsmontélagardeàtourderôle.Lasecondenuit,uncerfs’estapprochéde
notrecampement.C’estleseulintrusquenousavonscroisé.Dansl’après-midi,noussommesarrivésàdestination.Nousavonsgrimpél’escarpementetsuivi
unchemintortueuxjusqu’àlapetitevalléeencaisséeentredeuxmontagnes.D’uncôtédelaclairièrese trouvait la chute d’eau. De l’autre, une forêt s’étendait jusqu’au sommet de l’autre montagne.C’étaitun lieusecret,difficileà trouveràmoinsd’enconnaître lechemin.Nousn’avionspaspeurqueMasonetsongroupenousretrouvent.Ilsn’avaientaucuneraisondenouschercherici.Et dans quelques heures seulement, quand la pleine lune seraitmontée dans le ciel nocturne, je
seraiscapabledemetransformeretdem’échapperaussivitequeConnor.Connorm’apris lamainpourmeguider le longde l’étang jusqu’à lacascade.Levacarmeétait
assourdissant.Àmesurequenousnousapprochions, lapuissancede l’eaufaisaitvolermes tressessurmesépaules.Nousnoussommesglissésdansunecavernederrièrelachute.C’étaitmonrepairepréféré.Desvivresetdesproduitsdepremièrenécessitéétaientstockésdans
descaisses.Connoraalluméunelampedepoche.J’aiôtémonsacàdosetjemesuismiseenquêted’un coin confortable. J’avais l’impression qu’avecConnor, nous avions desmilliers de choses ànousdire,etnousavionsàpeineouvertlabouchependantletrajet.J’aipenséàBrittanyet jemesuisdemandéoùelleétaitpartievivresapremière transformation.
Redoutait-elled’êtreseule?Àsaplace,j’auraissansdouteétéanxieuse.—Àquoitupenses?ademandéConnor.—ÀBrittany.Ellevavivreçatouteseule.J’airegardéautourdemoi.—Tu crois que ça va aller ?Elle aurait peut-être dûvenir avecnous.Tu aurais pu l’aider, elle
aussi?—Jenecroispasqu’onpuisseselieràdeuxpersonnes.Monestomacs’estnoué.Jesavaisquej’étaiscenséemeconcentrersurmapropretransformation,
mespropresbesoins,maisjen’arrivaispasàoublierBrittany.J’étaisvraimentinquiète.Rafeétait-ilavecelle?Égoïstement, j’aisouhaitéquenon.«S’ilnepeutpasm’appartenir,mesuis-jedit, jene
veuxpas qu’il se lie à une autre. »Cequi faisait demoi une fille sans cœur.Et si j’avais fait uneerreur en choisissant Connor ? Je ne le pensais pas, mais un doute insidieux venait soudainm’assaillir…sansdoutelesnerfsquilâchaientàl’approchedelalune.—Avecça,onestparés,aditConnorenouvrantunecaisse.Jemesuisapprochée.Ilenasortiunerobenoire,puism’atenduuneautre,d’unblancargenté.On
auraitditlecostumed’unereinedecontedefées.—Çanousfacilitelatransformation.Onneserapasencombrésparnosvêtements,a-t-ilexpliqué.—J’enavaisentenduparler,ai-jeditenprenantlarobe.Elleétaitdouceetsoyeuse.J’avaishâtedelasentircontremapeau.—Onaencorequelquesheuresdevantnous.Qu’est-cequetuveuxfaire?—Jesuisassezfatiguée.Jepeuxfaireunesieste?—Ondevraitsansdoutedormirtouslesdeux.Lasoiréevaêtre…éprouvante.Jel’airegardéarrangerlesduvetsetlescouverturesenunniddouillet.Nousn’allionsrienfaire
d’autrequenousreposer,etpourtantj’étaisnerveuse.Mapeauétaitdevenueincroyablementsensible.Jesentaispresquelesparticulesdepoussièreseposersurmoi.Jesavaisquec’étaitsansdoutemoncorpsquisepréparaitàlatransformationàvenir,maisc’étaitunesensationétrange.—Qu’est-cequiteplaîtlepluslorsquetuesunloup?ai-jelancé,surprised’êtreaussiagitée.C’étaitConnor.Moncompagnon.Mondestin.N’avait-onpastoujoursvécuensemble?Ilamarquéunepause.Toujoursaccroupi,ilavaitlesavant-brasappuyéssursesgenoux.Ilalevé
lesyeux.— J’aime que tout me paraisse plus vivant. Les sons sont plus précis, les couleurs plus vives.
J’entendsbattremoncœur.C’estunvoyage,untripenquelquesorte.Enfinj’imagine.—Tun’asjamaisprisdedrogue?—Non. Quel intérêt ? Pourquoi en prendre quand on peut se transformer ? C’est une poussée
d’adrénalineextraordinaire.—Est-cequ’ilt’arrived’oublierquitues?—Non.Ongardenospenséeshumaines.Ellesontsimplementuncôtéunpeusauvage.Sousma
forme humaine, si un typem’attaquait, j’aurais envie de luimettre une raclée. Sous celle de loup,j’auraissûrementenviedeletuer.Toutestunequestiondesurvie,quandonestunanimal.J’aicroisélesbras,gênéeàl’idéededormiravecConnor.—Jen’aijamaisparlédeçaavecmesparents.—Moinonplus.Ilatapotélescouvertures.—Viens.Tutombesdesommeil.Jemesuisétenduesurlescouettesetils’estallongéàcôtédemoi,m’offrantsonépauleenguise
d’oreiller.—J’ail’impressiondevouloirsortirdemoncorps,luiai-jeconfié.—C’estsimplementtoncorpsquiseprépareàlatransformation.—Est-cequ’ilestaussi…sensibletoutletemps?—Oui,maisons’yhabitue.—Tumeréveillerasaucoucherdusoleil?Jeveuxavoirunpeudetempspourmepréparer.—D’accord.Mespaupièress’alourdissaientetmesmusclescommençaientàsedétendrepourentrerdanscette
phaseprécédentl’endormissement,oùonneveutplusbouger.Àmoitiéendormie,j’aidemandé:—Connor,jedevraisavoirpeur?Sesbrassesontresserrésautourdemoi.—Non,Lindsey.
Jemesuisassoupie,etj’airêvéqu’àmonréveilj’étaisunebellelouve.
Connoratenusapromesseetm’aréveilléepeuaprèslecoucherdusoleil.Lorsqu’ilselèveraitlelendemain,jeseraistransformée.L’excitations’estemparéedemoi.J’étaisentraind’avalerunrepassommaire,lemêmequ’onsertdanslesnavettesspatiales,paraît-il.NousavionsorganisénosrepairescommesiétionslesdernierssurvivantssurTerre,avecdesalimentsquinesepérimeraientpasavantlongtemps.Quipouvaitdirequandnousenaurionsbesoinoucombiendetempsnousdevrionsrestercachés?Connoravaitinstalléunelampetorcheentrenous,orientéeversleplafond,etposéunfoulardde
voilebleupar-dessus.Jenesavaispasoùill’avaittrouvé,maisiltamisaitlalumière,cequidonnaitunpetitcôtéromantique.—Jesaisquelebleuesttacouleurpréférée.C’étaitvrai.Ilsavaittoutdemoi.—Onpourraitallerdansunbonrestaurantcettesemaine,pourfêterenfintonanniversaire,a-t-il
proposé.J’airepenséàRafe,quiavaitvoulum’emmenerdîner,maisj’aireléguécesouvenirlàoùildevait
rester.—Tutesouviensquandnosmèresnousfaisaientsuivredesleçonsdebonnesmanières?Ilasouri.—Oui.J’avais douze ans à l’époque, il en avait quatorze. Elles avaient pensé que nous devions savoir
quellefourchetteutiliseraucasoùnousirionsdînerchezquelqu’und’important.—Ettun’arrêtaispasderoter,luiai-jerappelé.—Hé!Jen’étaispasleseul.C’esttoiquiaseul’idéederoter«SomewhereOvertheRainbow».J’aiéclatéderireenmerappelant les remontrancesquenousavionsessuyéespournepasavoir
prislaleçonausérieux.—Nonmaisfranchement,àquoipeuventservirautantdecouvertsdansundînerofficiel?—Jenemenourrisquedepizzasàlafac,alorsqu’est-cequej’ensais?—Tumemanquesquandtuesencours,ai-jeavoué.—Tumemanquesaussi.Plusqu’unanàtenir.—J’auraipeut-êtremondiplômeplustôt,endécembre.—Ceseraitgénial.J’aiacquiescé.—Oui,c’estclair.Jeparlaisàtortetàtraverspourtenterdemedétendre.Connoraramassénosdéchets.—Jevaisdehors.Rejoins-moiquandtuesprête.Jel’airegardéprendrelarobenoire.Unefoisseule,jemesuisassiselesjambescroiséesetj’ai
pratiquéquelquesexercicesderespirationprofonde.J’aicontractémesmuscles,jemesuisétiréeetj’aiécoutémesarticulationscraquer.Puisjemesuislevéeetj’aicommencéàmepréparer.Jem’efforçaisdenepaspenseràRafe,denepasmedemandercequ’ilfaisait.Connorétaitmondestin.J’aidénouémes tresseset j’aibrossémescheveux jusqu’àcequ’ilssoientd’unblancéclatantet
brillants.Jelesailaissésdétachésetj’ailuttépournepaspenseràRafe.J’aiétaléunecrèmesatinéesur mes bras et mes jambes, pensant que ça apaiserait ma peau humaine et aiderait mon corps às’étirer.
J’airegardémonrefletdanslemiroir.Jeportaisunesimplerobedeveloursblanc.D’unecertainemanière,jeparaissaisplusâgée;etpourtant,jen’avaispaschangé.Ceseraitaussivraiquandjemeseraistransformée.Jemesuisécartéedelaglaceetjemesuisdirigéeversl’entréedelacaverne.J’aitraversélevoile
d’eauetj’aicontournél’étangcalmequirefléteraitbientôtlalunemontante.Connor m’attendait. Ses cheveux blond foncé étaient rejetés en arrière, ses yeux bleus étaient
calmes. Ilportait la robenoiredecérémonie. Ilm’a tendu lamainet j’aiposémapaumecontre lasienne.Sesdoigtssesontreferméssurlesmiens.—Nerveuse,Lindsey?—Oui,unpeu.J’ailaissééchappéunsoupirgêné.—J’aiattenducemomenttoutemavie.—Moiaussi.—Maistut’esdéjàtransformé.—Pasavectoi.Ils’estapprochépoureffleurermeslèvresdessiennes.Moncœurasursautéetjemesuisefforcée
denepaspenseràRafe.«Connorestmonami.Jetiensàlui…»— On devrait y aller, ai-je dit avant que mes pensées ne prennent un aller simple pour la
catastrophe.Ilm’aconduitejusqu’aucentredelaclairière.Jevoyaislapleinelune:silarge,siclaire,sijaune.
Matransformationnecommenceraitquelorsqu’elleatteindraitsonzénith.Connorme faisait face. J’ai pris une profonde inspiration pour tenter de calmer les battements
affolésdemoncœur.Puisj’aientenduungrognement,grave,profond,provocateur.Connor etmoi avons tournénotre attentionvers la forêt.Prèsdes arbres, un loupnoir solitaire
grondaitférocement.J’auraisreconnuentremillecesyeuxbrunchocolat.—Nefaispasça,Rafe!aordonnéConnord’unairsévère.Leloups’estassisetamontrélescrocs.Undéfi.Unduel.Connors’esttournéversmoi.—Quiveux-tuvoirgagner?Iln’ahésitéqu’unesecondeavantd’ôtersarobeetdeseprécipitersurleloup.Puisilabondiet,en
uninstant,ils’esttransforméenunloupdoré.Leloupnoiraplongésurlui.Ilssesontpercutésdanslesairs:leclairetl’obscur.J’ai regardéavechorreur,sachantcequeConnorm’avait réellementdemandé :Quiveux-tuvoir
mourir?Noussommeshumains,maisnoussommeségalementdesbêtes,etdansnotremonde,undéfin’est
pasprisàlalégère.C’estuncombatjusqu’àlamort.Jemesuisagenouilléedans l’herbeet j’aisentimes larmessemettreàcouler.Jen’avaispaspu
donnerderéponseàConnor.Laluttequiavaitdéchirémoncœurtoutl’étés’étaitcristalliséeenuncombatdechairetdesang.Cesoir,souslapleinelune,quelqu’unquej’aimaisallaitmourir.
18
Ils se heurtaient, grognaient, montraient les crocs. Ce n’était pas un jeu. C’était deux mâlesdominantsquisedisputaientunecompagne.Àcemomentprécis,jedétestaisnotreespèce,jedétestaisnous voir réduits à l’état d’animaux sauvages gouvernés par notre instinct au lieu d’écouter notrecœuretnotreesprit.—Arrêtez!ai-jehurlé.C’étaitpirequeladisputequ’ilsavaienteuedanslagrotte.Jerisquaisbienplusqu’unsimpleœilau
beurrenoirsijetentaisdelesséparer.Jemeretrouveraissansdouteavecuntroubéantàlaplacedelagorge.Ils se sont éloignés avant de repartir à l’assaut, tous crocs dehors. LesMétamorphes sont plus
grandsetplusfortsquelesloupssauvages.ConnoretRafeétaientdeforceégaleetilsn’avaientpaspeurdesebattre,desemettreenpièces.Jemesuis redressée. Jedevaismettreun termeàcette folie. J’aimaisConnordepuis toujourset
j’aimais Rafe depuis quelque temps. Qu’est-ce qui comptait le plus : la durée ou l’intensité del’émotion?Ilssesontséparésetleloupdoréalentementcontournéleloupnoir.Rafesemblaitblessé.Lorsque
noussommesmordusparunmembredenotreclan, lablessureneguéritpasaussirapidementquecellesinfligéespard’autresanimaux.Unesubstancedansnotresalivefreineleprocessusdeguérisonquiagénéralementlieulorsquenoussommesblesséssousnotreformedeloup.JemesuisdemandécequeMasonpourraitfairedecetteinformation.Sansaucunpointfaible,onestindestructible.Nous,cependant,pouvionsêtredétruits.À en juger par sa respiration difficile, son immobilité, la façon dont il observait Connor, j’ai
comprisqueRafeétaitblessé.À la lueurde la lune, jevoyaisunezone sombreethumidedans safourrure. Un liquide coulait près de sa gorge, la partie la plus vulnérable pour un loup. Mais siConnoravaitentaillésonartèrecarotide,Rafeseseraitdéjàvidédesonsang.JeconnaissaisConnor, je l’avaisvusebattre, jesavaisqu’ilpouvait tuer.Jesavaisaussiqueses
instincts primaires avaient pris le dessus. Il faisait toujours beaucoup d’efforts pour les contrôler,pourêtreplushumainquebête,pourrestercivilisé.LorsqueConnorsortiraitdecebrouillardbestial,siRafe étaitmort, il ne se le pardonnerait jamais. Je soupçonnais que siRafe sortait vainqueur, ilregretterait également toute sa vie d’avoir tué Connor. Mais quelle que soit la victime, je m’envoudraisàjamaisden’avoirpasétéassezfortepourfairemonchoixavantqu’ilnesoittroptard.—Non!ai-jecriéencourantverseux.Laluneaglissésurmoiet ladouleurs’estemparéedemoncorps.C’étaitplus intensequejene
l’avaisimaginé.Jemesuispliéeendeuxetjesuistombéeàgenoux.ConnoraplongésurRafe.Rafeabondiàsontour.J’aientendulechocdesosetdelachair.J’ai tentédemereleveret j’ai
avancé vers eux en titubant. J’avais l’impression quemon squelette s’était transformé en éclats deverre.Il fallaitque j’yarrive. Il fallaitque je lesatteigne.Depuis ledébutde l’été, j’avaiscommencéà
avoirdesdoutes.Jelesavaispartagésaveceuxetjeleuravaisfaitcroirequ’ilsnecomptaientpasàmesyeux.Cen’étaitpasleurcombat.C’étaitlemien.J’ai pensé à la joie que je ressentais en présence de Rafe. Je voulais toujours qu’il me touche,
j’avaisdésespérémentenviedesoncontact.Jemesuissouvenuequ’ilavaitavouéavoirenviedemoi.Ce désir était réciproque. Son intensité me terrifiait. J’avais eu peur de m’y abandonner, dem’engager.J’avaiscraintquecesoittemporaire.
Mais je savais à présent que c’était l’appel demon compagnon, l’appel demon destin. Si je nel’acceptaispasetsijenemebattaispasmaintenant,j’allaisleperdrepourtoujours.RafeetConnorseroulaientparterre,dansunmélangedegrognementsetdeclaquementsdedents.
Deuxbêtessauvages,lanaturedanssonétatleplusindomptable.Maisàl’intérieur,ilyavaitencorecetteétincelled’humanitéquinousséparaitdesvraisloups.Jecomptaisbienl’exploiter.Jesuistombéeàgenouxetj’aicrié:—JechoisisRafe!Detoutmonêtreetdetoutemonâme,jechoisisRafepourcompagnon.Touslesdeuxsesontimmobilisésinstantanément.J’airegardédanslesyeuxceluique,ensipeude
temps,j’avaisapprisàaimerplusquetout.Dansl’abîmedesonregardbrun,jen’aivunivictoirenisatisfaction,maisunamourprofondetpuissant.Je me suis tournée vers les yeux bleus. J’y ai vu une fierté blessée, mais pas de véritable
anéantissement.—Jesuisdésolée,Connor,ai-jeditdoucement.Ladouleurm’atraverséeetj’airavaléuncri.— Je voulais que ce soit toi. Tu as été présent à chaquemoment important dema vie,mais ce
momentappartientàRafe.Jel’aimeàtelpointqueçam’effraie.Tuétaislechoixleplusfacile,maislemauvais.Leloupnoirs’estéloignéduloupblondetestsortidemonchampdevision.Leblondalentement
roulépourserétablirsursespattes.Aprèsm’avoirjetéundernierregard,ilafilédanslaforêt.Unedouleuratrocem’aenvahie,commedelalaveenfusion.Jemesuispliéeendeux,refusantde
crier.Soudain,Rafeétaitàgenouxàmescôtés,larobedrapéesurlui,lesmainssurmesbras.—Lindsey,tum’acceptescommecompagnon?J’aisondésesyeuxbrunchocolat, jevoyais lesangs’écoulerdesonépaule, làoùConnoravait
plantésescrocs.J’aiacquiescé.—Oui,Rafe.Jet’aime.Ilm’aattiréeàlui,m’aserréefortetm’aembrassée.Jemesuisconcentréesurlaforcedesesbras,
le pouvoir de son baiser. C’était la distraction dont j’avais besoin. La douleur commençait às’estomper, comme des vagues venant mourir sur la plage. Elle m’avait paru si puissante, siécrasante,maisellediminuaitetjenevoyaisqueRafe,luietcequ’ilpouvaitéprouverpourmoi.Il s’était battu pour moi. C’était courant à l’époque des Sages, mais pour autant que je sache,
personnenelefaisaitplusaujourd’hui.J’étaisbouleverséequ’ilaitprisautantderisquespourmoi,bouleverséequeConnoraitréponduàl’appelducombat,puissesoiteffacé.Jen’avaispasletempsd’ypenseroudemedemandercequeçavoulaitdire.Jenepouvaispenserqu’àRafeetàtouteslessensationsétrangesquimeparcouraient,commesi
mon sang contenaitmaintenant desmilliers d’étoiles étincelantes.Rafe a accentué son baiser.Toutmoncorpsmepicotait,unesensationquioscillaitentreplaisiretdouleur.Puisj’aieul’impressiondecontenirdesfeuxd’artificequiéclataientsoudainenmoi…Rafenem’embrassaitplus,maisfrottaitsonnezfroidcontrelemien.Ilétaitloup.Moiaussi.J’ai baissé les yeux. Je ressemblais à l’image que j’avais toujours eue en tête. Une belle louve
blanche,semblableaulouparctique.Tuestrèsjolie.Lesmots sont apparus dansma tête et jeme suis rendu compte que ce n’était pasmes pensées.
C’étaitcellesdeRafe.Jet’entendspenser.Silesloupspouvaientsourire,ilsouriait.
Pardonne-moi d’avoir défiéConnor,mais je ne pouvais pas renoncer à toi aussi facilement, passansmebattre.Tuauraisputefairetuer.Jen’aipasl’habitudedepenseruntrucaussiniais,maissijenepouvaispasêtretoncompagnon,
çam’étaitégal.Nerefaisjamaisça.Promis.J’airegardéautourdemoi.OùestConnor?Ilresteratoujoursmonami.Jedevraisallerlevoir.Ilvavouloirêtreseulpourl’instant.Crois-moi.Tupourrasleretrouverplustard.Ilafrottésonnez
contremagorge.Jeveuxtemontrerlemondeàtraverslesyeuxd’unloup.Ils’estmisàcouriretjel’aisuivi.C’étaitcurieuxdevoirquemoncœurn’avaitplusaucundoute.
Jemesentaisstupidedenepasavoirreconnuledésirdemonproprecœur.Rafe était mon âme sœur. Celui que j’aimais profondément, celui avec qui je voulais traverser
touteslesépreuvesdelavie.Jelesavaisdésormaisavecunecertitudeabsolue.Nousavonsescaladélamontagnejusqu’àdominerlaforêt,souslagrandevoûtecéleste.Sousma
formedelouve,jemesentaisenphaseaveclanature.UnepartiedemoiétaittristequeConnornesoitpasprésent.Ilm’avaitaccompagnéedanstousles
moments importants, mais à présent je comprenais que je n’étais pas destinée à partager cetteexpérienceaveclui.C’étaitl’heuredeRafe.Çaavaittoujoursétélasienne.J’airegardéRafe.Jet’aime.Danslesilencedelanuit,j’aientendusaréponse.Moiaussi,jet’aime.
19
Je ne peux pas expliquer ce que ça fait de changer de forme.D’un côté, tout est complètementdifférent : la façondont jebouge, la façondont jepense, la façondont jeperçois lemonde.D’unautrecôté,rienn’estétrange.Jerestemoi-même.Aprèsdesheures,sûrement,maisquim’ontsemblédesminutes,Rafeetmoisommesretournésà
laclairière.J’aifermélesyeuxetmesuisimaginéecommej’avaistoujoursété,mêmesijeneseraisplusjamaislamêmeaprèslamagiedecettetransformation.Jemesuisvueenfille.J’airessentiunfourmillement,commeuncourantélectriquequimeparcourait.Etquandj’airouvertlesyeux,j’avaisretrouvéma formehumaine. J’ai ramassé la robeque j’avaisportéeavant le changement et je l’aidrapéesurmesépaules.Enmeretournant,j’aivuRafequisortaitdelaforêt.Enjean,ilportaitsonT-shirtd’unemainetses
chaussuresdel’autre.D’uncoup,jemesuissentiecomplètementvidée.J’aivacillé.Enuninstant,ilétaitàmescôtés,ses
brasautourdemoi,etm’attiraitcontrelui.Jeressentaisunlienentrenosâmesquejen’avaisjamaiseuavecConnor.Unepartiedemoiétaittristeetespéraitquemonamid’enfances’enremettrait.Ilmemanquaitmêmeunpeu.Mais j’étais surtout frappéede toutcequi s’étaitpassécettenuit. Je savaisenfinquiétaitmonvéritablecompagnon.J’aiposélatêteaucreuxdesonépaule.—Ça peut être épuisant la première fois, a ditRafe doucement enme donnant un baiser sur la
tempe.—Seulementlapremièrefois?—C’estplusfacileaprès.Avecmapremièretransformation,j’avaisfinideguérir.L’entailledansmacuisseetletrouàmon
épauleavaientdisparu,laissantdescicatricesàpeinevisibles.LesblessuresqueRafeavaitsubiescesoirseraientpluslentesàguérir,maisellesn’étaientpasgraves;elleslaisseraientdestraces,maisj’en avais, moi aussi. Et je dois l’admettre : je trouvais ses cicatrices sexy parce qu’elles merappelaientcequ’ilétaitprêtàsacrifierpourmoi.Ilm’aguidéeverslacavernederrièrelachute.Unefoisàl’intérieur,ilarelâchésonétreinte,lancé
sonT-shirtetseschaussuresdansuncoinets’estmisànouspréparerunendroitoùdormir.Jemesuisécrouléeetj’airepliémesjambessousmoi.Cesoir,ilétaitévidentqu’ondormiraitensemble.Pourlapremièrefois,ceseraitsansculpabilité,sansl’impressiondetrahirConnor.J’avaisfaitmonchoix,etenpartantill’avaitaccepté.J’avaispenséremettremesvêtements,maismapeauétaitencoreincroyablementsensible.Jemesuisrelevée.—Laisse-moit’aider.Accroupi devant un monticule de couvertures et d’oreillers, il a levé la tête. Jamais je ne me
lasseraisderegarderdanssesyeuxchauds,bruns,d’yvoirlatendressequ’ilressentaitpourmoi.—Non.Çafaitpartiedurituel.Soudain, jeme suis sentie nerveuse.Les filles parlaient toujours de la transformation et de leur
compagnon,maisellesn’évoquaientjamaisl’après.Jemesuisagenouilléedevantlui.—Vraiment?—Oui.Danslestempsanciens,c’étaitlapremièrenuitoùuncoupledormaitensemble.—Commenttusaisça?—C’estlapremièrechosequ’onnousapprend.J’airi,cequialibéréunpeulatension.
—Jeneblaguepas,a-t-ilreprisd’untonsérieux.LesSagesnousfontlaleçonsurlamanièredetraiternoscompagnes.J’airejetélatêteenarrièreetgrogné.—Brittanyavaitraison.Onesttotalementarchaïques.Monestomacs’estnouéenpensantàelle.J’aiportémonattentionsurlachuted’eau.—Ellevas’ensortir,aditRafe.Jen’enétaispasaussisûre.—Sij’avaisfaitlebonchoixplustôt,Connorauraitpuêtreavecelle.Etsimonindécisionl’avaittuée?—Non, ilne l’auraitpasaccompagnée.EtconnaissantBrittany,ellen’auraitpasvouluservirde
bouche-trou.—Àmonavis,ellel’auraitaccepté.Elle…enfait,jecroisqu’ellel’aime.—Peut-êtrequ’ilssortirontensembleaprèscesoir.Assissurlescouvertures,Rafes’estapprochédemoietm’acaressélajoue.—Ellevas’ensortir.Elles’estpréparéepourcesoir,elleafaitdusport,elleamangésainement.
Elleestengrandeforme.Elleestcapabledesupporterlechangement.Ilavaitraison.Jedevaisycroire.Riennedevaitgâchernotrepremièrenuitensemble.J’airelégué
toutespenséessurBio-Chrome,Brittanyetlemondeextérieurdanslescoinslesplusreculésdemonesprit.Cesoirm’appartenait,àmoietàRafe.Ils’estavancépourm’embrasser.J’aiposélamainsursonépaule.—Tupeuxliremespensées.Jeveuxdiremêmequandtun’espassoustaformedeloup.—Oui.Lesvéritables couples sont toujours enphase,peu importe la forme.Concentre-toi et tu
saurasàquoijepense.J’avaisunpeudemalàmeconcentrersursonespritquandsaboucheoccupaitsibienlamienne.Il
m’embrassaitpluspassionnémentquejamais.Nousavonsbasculé sur l’amasdecouvertures,Passantmesdoigts sur sapoitrine et ses épaules
nues,jemesuisdemandésisapeauétaitaussisensiblequelamienne.—Oui,a-t-ilmurmuréavantdeserapprocherpourunautrebaiser.Unefoisdeplus,j’aiessayédemeconcentrersursespensées.Soyeuse…chaude…Mienneàjamais…J’ailâchéprise,etiln’yapluseuquenousdeux.
JemesentaisbeaucoupplusfortelelendemainlorsqueRafeetmoiavonsremballénosaffairesetentaménotre retour versWolford. Il était certain que lesGardiensde l’Ombre se rassembleraient.Lucasavaitfaitpasserlemot.IlfallaitcommenceràsepréparerpourcombattreBio-Chrome.Nousavonsvoyagélentement,enprenantnotretemps.Nousvoulionsprolongercetétatd’extase,
parcequenoussavionsque l’enferallaitbientôtsedéchaînersurnous lorsquenousserions faceàMason et son père. Mes parents devaient attendre sagement àWolford d’accueillir officiellementConnordanslafamille.«Surprise!J’aifinalementécoutémoncœuretpaslevôtre.»Mesparentsn’allaientsansdoutepasapprouvermonchoix,maisundéclics’étaitproduitàlasuite
dematransformation.Peut-êtreavait-ileulieuavant,lorsquej’avaisenfineulecouragedem’avouermessentiments. J’avais l’impressiondem’êtreaccomplie. J’aimaismesparentset jevoulaisqu’ilssoientfiersdemoi,maisplusauprixdemonproprebonheur.S’ilsn’acceptaientpasRafe,alorsilsperdraientleurfille.Deux joursplus tard,aucrépuscule,noussommesarrivésàWolford.Nousavonspassé laporte
principalepourarriverdans lehalldumanoir. Jemesuiscrispéeenvoyantmamèreetmonpère
émergerd’uncouloir.—Salut,Maman.Papa.VousconnaissezRafe.Mamèreafaitlachoselaplusétrangequisoit.ElleasourietaembrasséRafecommes’ilétaitun
membredesafamillequ’ellen’avaitpasvudepuisuneéternité.Monpèreluiaserrélamain.—Connornousaexpliqué…,a-t-ellebalbutié.Monpèreaterminé.—Enfait,ilaavouéqu’iln’aimaitpasvraimentLindseydecettemanière.Inconcevable!Pendant
toutescesannées,onauraitditqu’ilt’adorait.Oncroitconnaîtrequelqu’un,etpuis…—EnparlantdeConnor,tusaisoùilest?Jevoulaislevoir,rienqu’uninstant,m’assurerqu’ilallaitbien.—IlestavecLucasàlabibliothèque,ilsdiscutentencoreaveclesSagesàproposdeBio-Chrome.—EtBrittany?Elleestrevenue?ai-jedemandé.Ma mère a arrangé le col de ma chemise, comme si j’avais besoin d’être bien habillée pour
encaisserlanouvellequ’elleétaitsurlepointdem’annoncer.—Non,personnenesaitoùelleest.J’aieul’impressionderecevoirunegifle.—Quelqu’unestpartiàsarecherche?—Onnesaitparoùcommencer.J’hallucinais,personnenelacherchait!Pasmêmesamère?C’estlàquejemesuissouvenueque
samère était enEurope.Mauvais timing. Jene saispas comment jeme suis retenuedehurler ; lechangementm’avaitpeut-êtrefaitmûrir.—Elleestforcémentdanslaforêt.Onpartd’unboutetonbalaielazonejusqu’àl’autrebout.Elle
est peut-être blessée ou souffrante après avoir vécu la transformation toute seule. Ou pire, Bio-Chromeapul’attraper.Ouencore,elleétaitmorte.Jerefusaisdel’énonceràvoixhaute.Rafe amis sonbras autourdemoi etm’a attirée à lui.Songestem’aprocuréde la force et du
réconfort.—JevaisenparleràLucas,voircequ’onpeutfaire.Onlaretrouvera.Ilaeffleurémeslèvresavantdedireaurevoiràmesparentsetdesedirigerverslabibliothèque.—Ilal’aird’ungentilgarçon,aditmamère.—Il l’est, lui ai-je assuré. Il est carrémentgénial.Et je l’aimeplusque jen’aurais crupossible
d’aimerquelqu’un.—OnavaittoujourspenséquetoietConnor…—Jesais,Papa,l’ai-jecoupé.Maistuvois,çaatoujoursétémadécision,monchoix.J’aichoisi
Rafe.Monpèrem’aadresséunsourirechaleureux.—Ehbien,aumoinsmaintenant,j’aiquelqu’unpourréparermavoiture.—Tuasplusqueça,chéri,aditmamèresérieusement.Tuasquelqu’unquipeutrendrenotrefille
heureuse.Jen’auraispasétéplusébahiesiellem’avaitsoudainannoncéqu’ellen’étaitpasuneMétamorphe.—Oh,neprendspascetairoutré,j’aiétéjeune,moiaussi.Unjour,jeteraconteraitoutcequej’ai
faitsubiràtonpèreavantdeluidireoui.Aprèsavoirembrassémesparentsetprévudedîneraveceux,j’aiemportémonsacàdosàl’étage,
danslachambrequejepartageaisavecKaylaetBrittany.Kaylaétaitassiseprèsdelafenêtre.Elleacouruversmoipourm’embrasser.—J’étaissiinquiètepourtoi.Jeluiaisouri.
—Jevaisbien.—DonctuaschoisiRafe.—Oui,jel’aimeàlafolie,Kayla.Ellem’aserrélamain.—Jesuistrèsheureusepourtoi,Lindsey.J’aitoujoursplusoumoinssuqu’ilétaitfaitpourtoi.—Pourquoitun’asriendit?—Parcequeçadevaitêtretonchoix,tadécision.Pourunefillequivenaitderejoindrenotremeute,elleapprenaitvite.Monsourires’estévanoui.—TuasvuConnor?Elleaacquiescé.—Ils’enremettra.Alorsdis-moi,latransformationétaitàlahauteurdetesattentes?J’aiacquiescé.—Encoremieux.J’aijetémonsacàdossurmonlit.—Maisjem’inquiètepourBrittany.—Oui,moiaussi.Onignoreoùelleestallée.—Personnen’essaiedelaretrouver.Kaylaafaitlagrimace.—Cen’estpas toutà faitvrai. Ils restentdiscretsparceque lesgenssont très tendus,avec toute
cettehistoiredeBio-Chrome.IlsontenvoyédeuxGardiensàsarecherche.Maisnoussommesplusoumoinsconsignésiciaucasoùnousserionsattaqués.—Ondevraittouslachercher.—EtlaisserWolfordsansprotection?Elleavaitraison.LesSagesétaientlà,toutenotrehistoireétaitlà.Maisjen’aimaispasça.—Etpuisçanefaitpassi longtempsqueça.Peut-êtrequ’elleprendsimplementsontempspour
revenir.—Peut-être.Maisjen’ycroyaispas.J’avaisunmauvaispressentiment.J’aijetéuncoupd’œildehors.Connormarchaitendirectiondelaforêt.Jemesuisdemandésila
présencedeRafeluiavaitfaitquitterlabibliothèque.—Ilfautquej’ailleparleràConnor.Je suis sortie à la hâte de la résidence. Chose étrange, je détectais la trace olfactive deConnor
mêmesijen’étaispassousmaformedeloup.Jel’aisuiviejusqu’àunpetitruisseau.—Salut,ai-jeditdoucementenm’approchant.—Salut.Qu’est-cequeçafaitd’êtreunGardiendel’Ombreàpartentière?—C’estdingue.Jemesuisarrêtéeàsahauteur.—Connor…—Nerecommencepasàt’excuser,jet’enprie,m’a-t-ilinterrompue.J’aibeaucoupréfléchidepuis
l’autrenuit.Tuastoujoursétémonamie.J’aitoujourspenséqu’onétaitfaitsl’unpourl’autre,maislavérité,c’estque…cequejeressentaispourtoi,jenesuispassûrquecesoitdel’amour.Cen’étaitpaslegenredesentimentsqueLucasapourKayla.OuquetuaspourRafe.Crois-leounon,jesuissincèrementheureuxpourtoi.Ravalantmes larmes, je l’ai serré fortdansmesbras. J’enavaisbesoinpour luidire réellement
adieu.Jemesuisreculéeetj’aisoutenusonregard.—Jet’aime,Connor.
—EtRafe.—Biensûr,jel’aimeaussi.Différemment.Maistuserastoujoursmonami.—Toiaussi.Nousavonsreprislechemindelarésidence.—Jem’inquiètepourBrittany.—Siquelqu’unpeutsurvivreàlatransformationensolitaire,c’estbienelle.—Ellet’aimebien,tusais.Ilasecouélatête.—Jecroisquejevaiséviterlespetitescopinespendantunmoment.—Oh,nefaispasça,ai-jesupplié.Tutrouverasquelqu’un.—Onverra.Maiscequiestsûr,c’estqueceneserapasBrittany.Je n’ai rien dit, mais je savais que Brittany pouvait se montrer assez obstinée. Si elle voulait
Connor,jen’étaispassûrequ’ilpuisseluiéchapper.Àsupposer,biensûr,qu’ellesoittoujoursenvie.Plustardcettenuit-là,jemesuisréveilléeensursaut.J’aifermélesyeuxet jemesuisconcentréesurRafe.Puis j’aisenti le lienquandsonespritm’a
communiqué:Tumemanques.Tumemanquesaussi.Oùes-tu?Jesurveillelepérimètre,côténord.Rejoins-moi.J’arrive.Jet’attends.Endébardeuretenshort,jesuissortieenvitessedelachambreetj’aidévalélesescaliers.Unefoisdehors, j’aicoururejoindreRafesansmetransformer.J’avaisbesoindesentirsesbras
autourdemoi.Rafeavaitdûécoutermespensées,parcequ’ilétaitsoussaformehumaine.Jel’aipercutéavecune
telleforcequ’ilauraitputomberàlarenverses’iln’avaitpasétéaussirobuste.—Brittanyvabien.Cessedet’inquiéter,a-t-ilditavantquejepuisseouvrirlabouche.—Tuasludansmespensées?—Oui.Jesuisdésolé.J’aiessayédenepas le faire,mais tesémotionsétaient tellement intenses
qu’ellesm’ontpratiquementassailli.J’airejetélatêteenarrière.—Jenepeuxpasm’enempêcher,Rafe.Quelquechosene collepas.SiBrittanyallait bien, elle
seraitdéjàrevenue.Ellevoudraitsevanter.Elleexulterait.Elleauraitsurvécualorsquetoutlemondedisaitlecontraire.Siellen’estpaslà,c’estqu’elleaunproblème.—Tun’ensaisrien.Unecentainederaisonspeuventexpliquersonabsence.—Donne-m’enune.— Elle a peut-être besoin de plus de temps pour s’en remettre. Quand j’ai vécu ma première
transformation,j’avaismalpartout.Jen’aipaseuenviedebougerpendanttroisjours.Ilapassésesdoigtssurmajoue.—Tutesouciesbeaucoupdesautres.C’estl’unedeschosesquej’aimecheztoi.J’aidécidédefairetairemesinquiétudesdansl’immédiat.Brittanyreviendraitetjesauraiscequi
s’étaitpassé.Jeluidonnaisencoredeuxjours.Maispourl’instant,égoïstement,jevoulaismeconcentrersurRafe.Ilétaittempsdeluidonnerla
priorité,deluiaccordertoutemonattention.Jeluiairépondu:—J’aimetoutcheztoi.Ilaeuunsourireéblouissant,puisilm’aembrassé.
Les dangers auxquels nous devions faire face étaient loin d’être terminés, mais pendant cesquelques battements de cœur, nichée au creux de ses bras, je savais que nous les affronterionsensemble.Je n’arrivais même plus à me souvenir pourquoi j’avais douté que Rafe fût mon véritable
compagnon. Je voulais désespérément que Connor trouve sa propre compagne un jour. Je leconsidéraisàprésentcommemonpremieramour.Ilyavaitdelatendressedanscetteidée.Maiscen’étaitpasunsentimentaussiprofondetfortqueceluiquej’éprouvaispourRafe.Rafeetmoinoussommestransformésenloups,safourruresombrecontrastantavecmonpelage
blanc.Nous avons gardé le périmètre tandis que la lune commençait à décliner. Le ciel finirait par
s’obscurcircomplètement.Nousferionsalorsfaceànosennemis,àlanouvellelune.Àcetinstant,j’ignoraisencorequecertainsennemisviendraientdel’intérieur.Cequejesavais,c’étaitqueRafeétaitmienetquej’étaissienne.Ilavaittoujoursétémondestin.Et,
côtéàcôté,nousaffronterionscequel’avenirnousréservait.
L’auteur
RachelHawthorneestnéeenAngleterre,maisagrandiauTexas.Petite,ellerêvaitdéjàdedevenirécrivain,maiscen’estqu’aprèsdesétudesdepsychologie,quiluiserontd’unegrandeutilitépourlaconstructiondesespersonnages,qu’ellesetourneenfinversl’écriture.Elleareçudenombreuxprixetsesromanssontapparusplusieursfoisdansleslistesdebest-sellers.
Titreoriginal:FullMoon,aDarkGuardianNovel
Directeurdecollection:Xavierd’Almeida
Publiépourlapremièrefoisen2009parHarperTeen,NewYork.
Textcopyright©RachelHawthorne,2009.
Couverture:photos©VettaCollection/istocketPhotosani/Fotolia
© 2013, éditions Pocket Jeunesse, département d’Univers Poche, pour la traductionfrançaiseetlaprésenteédition.
ISBN978-2-266-22595-3
Cetteœuvreestprotégéeparledroitd’auteuretstrictementréservéeàl’usageprivéduclient.Toutereproductionoudiffusionauprofitdetiers,àtitregratuitouonéreux,detoutoupartiedecetteœuvre,eststrictementinterditeetconstitueunecontrefaçonprévuepar lesarticlesL335-2etsuivantsduCodede laPropriétéIntellectuelle.L’éditeurseréserve ledroitdepoursuivretouteatteinteàsesdroitsdepropriétéintellectuelledevantlesjuridictionscivilesoupénales
Loino49-956du16juillet1949surlespublicationsdestinéesàlajeunesse:février2013.