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Chrétien de Troyes ain, le chevalier au lion CLASSIQUES TEXTE INTÉGRAL Comme l'exercice proposé est une étude littéraire, on n'imposera pas la lecture intégrale du roman au préalable, mais plutôt au fur et à mesure des séances, avec des questions données chaque fois, en prévision de la séance suivante. Cette lecture suie a été menée dans une classe de troisième de niveau moyen qui est vite entrée dans le merveilleux médiéval, et dans une classe de cinquième qui a elle aussi apprécié cette œuvre. (Dans les encadrés, les questions valables pour les deux niveaux sont marquées d'un astérisque. ) Il apparaît que la formulation claire et simple de réponses représente pour nos élèves une difficulté majeure. Les auteurs ont donc tenu à donner d'abord, pour chaque question, des réponses en phrases courtes et correctes, correspondant à ce qu'on peut légitimement attendre des élèves. On pourra éventuellement dicter cette première partie des réponses en correction. Des commentaires plus denses permettent ensuite d'approfondir certains points de l'analyse. Le roman étudié, selon l'adaptation de Jean-Pierre Tusseau dans la collection « Classiques » de l'École des loisirs (1 993 , 20 1 9, également disponible en version numérique , 3, 99 ), est composé de 178 pages réparties en 15 chapitres. L'étude du lie est conçue pour six séances pour pouvoir traiter le roman dans la période qui sépare deux temps de vacances scolaires. Chaque séance traite plusieurs chapitres à l'exception de la première et de la quatrième ; cette dernière, concernant la rencontre entre ain et le lion, est envisagée comme une lecture expliquée. 29

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Chrétien de Troyes

Yvain,

le chevalier au lion

CLASSIQUES TEXTE INTÉGRAL

Comme l'exercice proposé est une étude littéraire, on n'imposera pas la lecture intégrale du roman au préalable, mais plutôt au fur et à mesure des séances, avec des questions données chaque fois, en prévision de la séance suivante. Cette lecture suivie a été menée dans une classe de troisième de niveau moyen qui est vite entrée dans le merveilleux médiéval, et dans une classe de cinquième qui a elle aussi apprécié cette œuvre. (Dans les encadrés, les questions valables pour les deux niveaux sont marquées d'un astérisque. )

Il apparaît que la formulation claire et simple de réponses représente pour nos élèves une difficulté majeure. Les auteurs ont donc tenu à donner d'abord, pour chaque question, des réponses en phrases courtes et correctes, correspondant à ce qu'on peut légitimement attendre des élèves. On pourra éventuellement dicter cette première partie des réponses en correction. Des commentaires plus denses permettent ensuite d'approfondir certains points de l'analyse.

Le roman étudié, selon l'adaptation de Jean-Pierre Tusseau dans la collection « Classiques » de l'École des loisirs (1993 , 2019, également disponible en version numérique, 3, 99 €), est composé de 178 pages réparties en 15 chapitres. L'étude du livre est conçue pour six séances pour pouvoir traiter le roman dans la période qui sépare deux temps de vacances scolaires. Chaque séance traite plusieurs chapitres à l'exception de la première et de la quatrième ; cette dernière, concernant la rencontre entre Yvain et le lion, est envisagée comme une lecture expliquée.

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PROGRAMME

- Première séance: le chapitre I: le récit de Calogrenant qui constitue à luiseul une longue introduction (jusqu'à la page 28).

- Deuxième séance: les chapitres II, III et IV: la fontaine merveilleuse (jus­qu'à la page 74).

- Troisième séance: les chapitres V et VI : la folie d'Yvain, la défaite ducomte Alier (jusqu'à la page 91).

- Quatrième séance: le chapitre central qui donne son nom au roman: larencontre avec le lion (jusqu'à la page 96).

- Cinquième séance : les chapitres VIII, IX et x où Lunette est menacée dubûcher (jusqu'à la page 129).

- Sixième séance: les six derniers chapitres où les aventures se précipitentjusqu'à un retour au calme (jusqu'à la page 201).

Questions données en préparation lors de la séance précédente •

1. Lisez la « Postface » (pp. 193-197), jusqu'à « ouvrières » et relevez dans le textela définition du« roman courtois».*

2. Que désigne le terme « roman » en ancien français ?3. À quel public le roman était-il destiné ?4. En combien de séances faisait-on lecture du roman ?5. Questions sur le premier chapitre: voir ci-dessous.

I. Première séance : le récit de Calogrenant (pp. 13-28)

LECTURE SUIVIE

Préliminaires Introduire par la légende arthurienne, la forêt de Brocéliande, le châ­

teau de Carduel au pays de Galles2 On en verra d'autant plus clairement l'ef­fet parodique du début du récit.

* Les questions marquées d'un astérisque sont valables pour les classes de troisième etde cinquième (cf. Préambule).

1. Sans doute avant une période de vacances scolaires, dont les élèves profiteront pourse procurer l'ouvrage étudié à la rentrée.

2. Du temps du roi Arthur, la mer n'était pas un obstacle, et son royaume s'étendait de notre Bretagne actuelle (ou petite Bretagne), où se trouve la forêt de Brocéliande, au pays de Galles, partie de la Grande-Bretagne où s'élève le château de Carduel. Pour l'explication, voir le livre de J. Frappier cité en note 4.

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LECTURE SUME

.

Lecture

Pour cette première séance, il est bon de lire le texte ensemble, en assez longs passages. On évitera le début avec ses considérations sur l'amour dont les adolescents sont vite lassés, pour commencer, page 17, par le récit de Calogrenant: « Il y a à peu près sept ans, j'allais seul ... » et ce jusqu'à la fin du chapitre, page 28. Si l'on manque de temps, on peut s'arrêter à la page 25, avec la réaction d'Yvain: « •. j'irai venger votre honte».

Questions données en préparation lors de la séance précédente

1. Donnez les mouvements de ce chapitre.* (Pour la classe de troisième: étudede la structure du récit: le récit dans le récit.) Combien de fois est évoqué lerécit de Calogrenant ?

2. Relevez des traits parodiques.3. Dans quel genre de conversation s'insère le récit de Calogrenant ?4. Combien de temps y a-t-il entre l'aventure et son récit? Pourquoi ce délai?*5. Étude de la quête elle-même : quels sont les adjuvants et les opposants de

cette recherche d'aventure ?*6. Étudiez le portrait du vilain (pp. 19-20). *7. En quoi la fontaine est-elle merveilleuse?*8. Pourquoi '\:vain veut-il aller à la fontaine merveilleuse, et cela en grand secret?*9. Grâce à ce premier chapitre, quels chevaliers du roi Arthur nous sont-ils pré­

sentés ? Quelles sont leurs qualités ? Quels sont leurs défauts ?*10. En quoi ce premier chapitre est-il bien un chapitre d'exposition?

Réponses

I. Les mouvements du chapitre

- 1) À la cour du roi Arthur, après le repas de la Pentecôte : jusqu'à lapage 17.

- 2) Calogrenant raconte une aventure qui lui est arrivée sept ans plustôt, à sa grande honte : depuis « Il y a à peu près sept ans ... » jusqu'à «J'ai eu la folie de la conter ici devant vous pour la première fois » (p. 25).

- 3) Les réactions des auditeurs : jusqu'à « ... quand un autre chien montreles crocs » (p. 27).

- 4) Intervention du roi qui vient de se réveiller ; Yvain décide d'aller à lafontaine avant tout le monde : jusqu'à la fin du chapitre (p. 28).

L'art du conteur- Étude de la structure du récit : le narrateur cède la place à un narra­

teur secondaire, Calogrenant, et nous avons alors un récit dans le récit. - Son aventure sera reprise par la reine qui en informe le roi à son réveil.

Par la suite, elle sera retracée en imagination par Yvain lui-même avant qu'il ne la vive directement en tant qu'assaillant puis en tant que défenseur.

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2. Dès les premières lignes du roman on relève des éléments parodiques:le valeureux roi Arthur a besoin de faire une sieste ; le chevalier narrateur est ridiculisé dans une aventure qui tourne à son désavantage; enfin, le sénéchal Keu n'épargne pas ses propos acides, même à l'égard de sa souveraine.

3. Le récit de Calogrenant s'insère dans une conversation courtoise etdes propos galants, en présence de la reine Guenièvre3

4. Le chevalier a attendu sept ans (p. 17) avant de parler de son aventureparce que celle-ci n'est pas à son avantage; il a été battu, voire humilié. Son amour-propre lui a imposé silence jusqu'à ce jour de Pentecôte (p. 13).

5. Dans sa quête d'aventure, où il veut « mettre à l'épreuve» sa valeur(p. 21), le chevalier est aidé par le vavasseur et sa fille qui l'hébergent et par le vilain, gardien de taureaux sauvages, qui le renseigne sur une aventure possible, mais périlleuse. Cependant, on peut voir une opposition entre ces personnages : le vavasseur est un modèle d'hospitalité médiévale et de cour­toisie, il permet au chevalier de se reposer chez lui, comme si celui-ci devait prendre des forces avant son aventure; le vilain n'aide guère le chevalier, il le prévient seulement d'un réel danger, sans le préciser. Le défenseur de la fon­taine est bien l'obstacle majeur à vaincre puisqu'il menace de mort celui qui

trouble la fontaine. Ce sera la mauvaise surprise de Calogrenant4•

3. On peut s'aider, pour commenter la réponse, de la « Postface » (haut de la page197).

4. À propos de ces personnages, Jean Frappier, dans son Étude sur Yvain ou /,e Chevalierau Lion de Chrétien de Troyes, SEDES, Paris, 1969, écrit: « Il est vraisemblable que l'hôte hospitalier et /,e berger monstrueux, très énigmatiques l'un et l'autre, sont eux aussi des avatars de ce dieu protéen qu'était Cu roi. Dieu protéen, non seulement par les formes diverses qu'il revêtait, mais encore par les rôl.es multiples et même opposés qu'il assumait dans la mythologie celtique: capable d'être arbitre ou hôte, en même temps qu'adversaire. [ ... ] Ces guides se tiennent à l'orée du pays mystérieux de Brocéliande qui appartient sans nul doute à l'Autre Monde de la mythologie celtique. [ ... ] Précisons que cet Autre Monde n'est pas séparé du monde terrestre par des barrières infranchissables, que des voyages dans les deux sens peuvent s'accomplir entre /,e pays des vivants et cet au-delà où séjournent habituellement les dieux, les fées et où transmigrent les âmes des trépassés» (pp. 93-94). « Mais Esclados le Roux lui-même semble bien avoir été ce dieu irlandais Curai, dieu à la taille gigantesque, dieu du soleil et de la tempête » (p. 92).

Peut-on dire alors que les trois personnages sont la métamorphose d'un même dieu? Il est vrai que la survenue du vilain ou celle du chevalier en colère sont toutes deux précédées d'un vacarme indescriptible. On peut s'interroger ; de toute façon, le roman de Chrétien semble très énigmatique, et c'est aussi son intérêt. La lecture du livre de J. Frappier s'impose pour qui veut approfondir les sources du roman.

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LECTURE SUME

On peut aussi faire préciser aux élèves : - 'les étapes du récit de Calog;renant: l'introduction avec les précautions ora­

toires, la rencontre du vavasseur et celle du vilain, la merveille de la fontaine, le combat malheureux, le retour chez le vavasseur, la conclusion pleine de modestie.

- 'les éliments de l'hospitalité médiévak justifiée par l'importance que l'onaccordait aux visites dans les châteaux car elles étaient rares. On peut relever aussi les différents rites : on tient l'étrier du survenant pour l'aider à des­cendre de cheval, on frappe trois coups pour attirer dans la cour les gens du château, un serviteur s'occupe du cheval pendant que la fille du vavasseur ôte son armure au chevalier et le revêt« d'un court manteau de soie bku foncé doublé de foum1,re » (p. 18). S'ensuit une conversation courtoise dans le jardinet,jus­qu'au souper fort agréable. Après la nuit, on aide aux préparatifs de départ et le chevalier recommande ses hôtes au Saint-Esprit, puis il leur demande la permission de partir, non sans avoir promis de revenir chez eux.

6. Le portrait du vilain est celui d'un homme laid, à la limite de l'huma­nité, car il semble constitué d'un composé d'animaux5

• (L'auteur fait descomparaisons avec le chat, la chouette, le loup, l'éléphant, le roncin.) Seshabits ignorent le tissage, ce sont des peaux de bœufs (p. 20). Cependant ilparle, répond aux questions posées et interroge à son tour son interlocuteur.

Commentaires: Ce vilain est un géant (un pied égale trente centimètres environ, le vilain mesurerait donc un peu plus de cinq mètres!), un véritable « monstre» (p. 19), à tel point que Calogrenant lui demande s'il est un homme ! Il faut se rappeler le goût médiéval pour les monstres ( cf. les gar­gouilles, les chapiteaux romans)6 et le mépris des aristocrates pour les vilains 7.

7. La fontaine est merveilleuse car : - elle est ombragée d'un pin aufeuillage d'une extraordinaire densité ; - le bassin est en or, ce qui surprend dans un lieu peu fréquenté; - l'eau, quoique froide, bouillonne; - la pierre

5. On pense à ces portraits d'Arcimboldo composés de légumes ou de fruits. Ce portrait est intéressant surtout parce qu'il s'agit d'une« beauté à l'envers». Il nous renseigne donc sur les goûts médiévaux en matière de beauté.

6. Le film tiré du roman d'Umberto Eco, l,e Nom de la rose, s'en est souvenu et montre un bel échantillon de visages« gothiques».

7. Cf La Bruyère et son fameux texte sur les paysans du XVIII� siècle pour dénoncer l'in­justice sociale : « L'on voit certains animaux farouches, des mâœs et des femelœs, répandus dans la campagne, noirs, livides, et tout brû!,és de soleil, attachés à la terre qu'ils fouilœnt et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible; ils ont comme une voix articuœe, et, quand ils se œvent sur œurs pieds, ils montrent une face humaine; et en effet, ils sont des hommes. »

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qui la contient est « une émeraude évidée reposant sur quatre rulns » (p. 22) ; - le fait de verser de l'eau sur la margelle déclenche une tempête d'une extrême violence qui s'apaise aussi vite qu'elle s'est déchaînée; - les chants joyeux des oiseaux sont interrompus par le vacarme d'un mystérieux chevalier qui, tout en armes, vient demander réparation et met à mal le chevalier8.

8. Yvain, intrigué par l'histoire de la fontaine merveilleuse, est poussé parla curiosité, le goût de l'aventure et l'envie de se mesurer à ce terrible cheva­lier et surtout de se couvrir de gloire. Son amour-propre aussi l'incite à partir: défié par Keu, il veut venger l'honneur de sa famille (Calogrenant est son« cousin germain», p. 25). Il veut accomplir son exploit avant que le roi ne se rende sur les lieux. Il ira donc en grand secret, car il se méfie de la mau­vaise langue de Keu et veut rapporter, s'il le peut, une preuve de sa prouesse.

9. Trois chevaliers se distinguent du groupe- Le sénéchal Keu: très agressif et susceptible, il attaque Calogrenant qui a

vu la reine le premier (p. 15) ; - il est insolent avec la reine («Madame, si votre présence parmi nous n'est pas un lnenfait, faites au moins en sorte que ce ne soit pas une nuisance», p. 15) ; - il est railleur et ironique; il se moque d'Yvain et de son intention de venger son cousin ( « On a men raison de dire qu'un chat repu ronronne haut et fort», p. 25) ; - c'est une méchante langue ( « l,e fiel de votre langue», dit la reine, p. 26). Le sénéchal est détesté par tous.

- Calogrenant: blessé par les propos de Keu, il accepte cependant cour­toisement de faire son récit pour ne pas déplaire à la reine; - il est modeste et reconnaît sa défaite devant le chevalier de la fontaine ( « ... ma lamentabk aventure » ; « • . . je rebroussai chemin, tout penaud », p. 25).

- Yvain: proposant à Calogrenant de venger sa honte, il apparaît commevaillant; - il est mesuré : il ne réplique pas à l'agressivité et aux moqueries de Keu ( « Ce n'est pas celui qui porte le premier coup qui décknche la bagarre général,e mais celui qui réplique. Ce ne sera pas moi», pp. 26-27) ; - il est individualiste, car il veut tenter l'épreuve avant l'arrivée de la cour d'Arthur.

8. La fontaine est encore connue sous le nom de fontaine de Barenton. Au Moyen Âge,on vouait aussi une sorte de culte aux sources. Celle-ci a des vertus magiques puisqu'elle entraîne une coutume spéciale : celle de la tempête accompagnée de grosse pluie déclen­chée par un rite d'imitation.

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LECTURE SUME

Commentaire: Ces trois personnages animent la scène. Le roi semble moins présent puisqu'il va dormir, mais son enthousiasme reparaît dès qu'il est sollicité : il ira à la fontaine dans un délai de quinze jours. La reine, en l'absence d'Arthur, exerce la souveraineté, ce que semble contester le séné­chal. On sent une certaine jalousie ou lutte d'influence entre Keu et la reine. Keu se veut la conscience de la cour arthurienne, il se pose en représentant de l'autorité royale. On notera à ce sujet, page 26, un « nous» significatif: « Faites-nous donc savoir quand vous courrez à ce supplice, que nous ne manquions pas de vous faire un convoi funèbre. » De son côté, la reine tente d'assurer la paix entre les chevaliers jusqu'au retour de son époux. Elle doit insister pour que Calogrenant reprenne le récit de cette aventure à laquelle elle s'intéresse au point de la raconter à son mari dès qu'il revient près d'elle.

Le rôle joué par Keu dans le roman est complexe: c'est un désagréable bavard qui ne recule pas devant le plaisir de faire un bon mot même s'il est blessant. Il veut avoir l'honneur de la primauté, dans la courtoisie comme dans les combats : lorsqu'il se moquait de Calogrenant, c'était en réalité parce que celui-ci avait été le premier à voir la reine. Pourtant, ce personnage empêche les chevaliers de tomber dans la léthargie et leur sert de faire­valoir: la réplique d'Yvain était quelque peu prétentieuse, mais la tirade du sénéchal est si cruelle que, par contre-coup, Yvain apparaît plus sympathique. De plus, comme le sénéchal prête à autrui les défauts qu'il a lui-même, il mérite une punition (voir chapitre IV, p. 65).

10. Ce premier chapitre nous donne des éléments essentiels pour lasuite : - l'époque et le lieu : fête de la Pentecôte, à Carduel ; - les protago­nistes (les chevaliers) et leur caractère; - le récit de Calogrenant fait débuter l'action car il suscite une double décision : celle, officielle, du roi, et celle, secrète, d'Yvain ; - des indications temporelles précises : on projette une visite dans la forêt de Brocéliande dans les quinze jours à venir. Yvain veut y aller avant tout le monde, et part sur-le-champ ( chap. Il).

CONCLUSION

Calogrenant apparaît comme un anti-héros, un héros parodique. Il n'est pas étonnant, dès lors, qu'Yvain tente à son tour l'aventure de la fontaine.

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II. Deuxième séance (pp. 29-74)

LECTURE SUME

Situation

Yvain va se précipiter à la fontaine pour affronter le chevalier mysté­rieux. Nous avons vu que ses motifs étaient multiples: ils tiennent autant à sa curiosité et à son statut de chevalier (avide d'aventures et décidé à se couvrir de gloire) qu'à celui de cousin germain de Calogrenant. Stimulé par son amour-propre, défié par Keu, Yvain veut arriver avant le roi Arthur.

Questions données en préparation lors de la séance précédente :

CHAPITRE II

Montrez qu'Yvain met ses pas, sept ans après, dans ceux de son cousin: compa­rez le récit de Calogrenant et l'expérience d'Yvain en mettant en évidence les éléments semblables et les différences.*

CHAPITRE III 1. Étudiez les caractéristiques spatio-temporelles du chapitre III.*2. En quoi ce chapitre est-il riche en contrastes?3. Montrez l'importance de la demoiselle dans ce chapitre. Qu'apprend-on de

son caractère?*4. Comment persuade-t-elle Laudine ?5. Comment Yvain et Laudine tombent-ils amoureux?6. Quels sont les éléments surnaturels dans ce chapitre?*

CHAPITRE IV

1. Donnez les étapes du récit.*2. Quels sont les rites de l'hospitalité ( déjà vus aux chapitres I et II, chez le vavas­

seur) et les éléments de la vie courtoise?3. Quels arguments Gauvain emploie-t-il pour convaincre Yvain de le suivre?4. Quelle condition Laudine donne-t-elle au congé d'Yvain ? Comment lui

accorde-t-elle protection ?

Chapitre II : Yvain à la fontaine périlleuse

On retrouve tous les détails donnés par Calogrenant, mais très rapide­ment évoqués : le sentier, l'accueil du vavasseur et de sa fille, le vilain. Les hyperboles de Calogrenant concernant la fontaine, la tempête et les oiseaux

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LECTURE SUME

sont réduites à une ligne. L'arrivée du chevalier est identique, mais le récit du combat est nettement plus développé, et les éléments diffèrent. La violence est beaucoup plus grande, les chevaliers sont blessés: c'est un combat à mort. Yvain fend le crâne du chevalier qui fuit, mourant, vers son château. L'action progresse donc : au lieu du retour piteux de Calogrenant, Yvain poursuit sa victime afin d'avoir une preuve de son exploit à fournir à Keu.

Chapitre III: Le mariage d'Yvain

1. Les lieux de ce chapitre III contrastent avec le milieu ouvert et naturel(la forêt de Brocéliande) du chapitre précédent. En effet, nous nous trou­vons successivement dans trois salles du château de Laudine: la salle où Yvain se retrouve pris au piège, la chambrette de la demoiselle, la chambre de Laudine. La fenêtre par laquelle Yvain assiste à l'enterrement et regarde Laudine est l'ouverture vers l'extérieur.

Le temps est lui aussi très restreint: en trois jours, Yvain a épousé la veuve de celui qu'il a occis9

2. Ce chapitre est riche en contrastes puisqu'il commence dans la dou­leur du deuil et s'achève dans la joie du mariage. Yvain pense être vainqueur, puis il croit sa dernière heure venue quand il se retrouve pris au piège, son cheval coupé en deux et tous les gens du château à sa recherche pour venger la mort de leur seigneur. Il y découvre les tourments de l'amour puis les joies de l'amour partagé.

Quant à Laudine, elle passe de la colère et du désir de vengeance au deuil et à l'inquiétude. Elle est impatiente de se remarier avec celui qui saura préserver la coutume de la fontaine.

Commentaire: L'action est faite des combats intérieurs des personnages ; le pivot de l'action est l'intervention de la demoiselle.

3. La demoiselle sauve Yvain en lui expliquant les dangers qu'il court etcomment s'en garantir. Elle lui donne un anneau d'invisibilité (p. 36) et lui fait ses recommandations : « Si vous ne bougez pas de ce lit, ils ne pourront pas

vous trouver» (p. 37). Elle lui décrit la colère des chevaliers et le raisonne : « Ne commettez aucune imprudence [ ... ]. Comportez-vous en homme raisonnabl,e »

9. Dans Hamkt aussi, la reine a épousé le frère de son royal époux, mais sans savoir qu'ilétait aussi son meurtrier.

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(p. 42). Ensuite, elle convainc sa dame d'épouser Yvain. Enfin, elle met en scène la fausse venue du chevalier, passant sous silence son aide et ses manœuvres10

• Elle est bienveillante, pleine de bon sens et un peu magi­cienne.

4. La suivante convainc Laudine en utilisant des arguments d'unelogique irréfutable : - le premier devoir de la veuve est d'assumer ses fonc­tions de châtelaine ; - elle ne peut y parvenir que si elle trouve un nouveau défenseur pour la fontaine où doit se rendre Arthur; - les chevaliers dont elle dispose sont des lâches; - la seule manière d'être certaine de la valeur du remplaçant d'Esclados est d'épouser son vainqueur ; - le fils du roi Urien pos­sède de nombreuses qualités : noblesse, beauté, distinction, vaillance.

5. Dès qu'il aperçoit la veuve éplorée, Yvain s'éprend d'elle. (Au MoyenÂge, la beauté physique est le reflet de la noblesse de naissance et d'âme.) Laudine éprouve d'abord pour ce chevalier mystérieux une haine farouche, qui va se transformer soudain en amour passionné.

Pour le héros, l'amour naît par le regard; pour la dame, l'imagination et l'admiration provoquent un amour de renommée.

6. Les éléments surnaturels que l'on peut trouver dans ce chapitre sontl'anneau d'invisibilité et le phénomène de cruentation: les plaies du mort se mettent à saigner de nouveau en présence de son meurtrier.

Chapitre IV : Le roi Arthur à la fontaine merveilleuse

Les étapes du récit

- J) Arthur à la fontaine ; pluie, arrivée d'Yvain (p. 64).- 2) Duel Keu/Yvain. Le sénéchal est désarçonné et Yvain prend son

cheval (p. 65).

10. La personnalité de la demoiselle est nuancée: Lunette est reconnaissante ( « [À lacour d'Arthur] aucun chevalier ne daigna m'adresser la paro/,e si ce n'est vous. je vous revaudrai ici /,es égards que vous avez eus pour moi là-bas», p. 36). Elle est habile tacticienne: elle connaît à l'avance les réactions des chevaliers et celles de sa dame.

Par ses ruses, son don pour les mises en scène et son art de convaincre, elle ressemble à certaines servantes que Molière créera, des servantes pleines de bons sens, au verbe haut et soucieuses du bien de leur maître. Mais, de plus, elle ressemble à la fée conseillère.

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LECTURE SUME

- 3) Yvain révèle son identité et invite le roi au château (p. 66).- 4) L'accueil fait au roi et à sa suite. Conversations galantes (pp. 66-68).- 5) Échange de serments entre Lunette et Gauvain (pp. 69-70).- 6) Gauvain persuade Yvain de le suivre dans les tournois pour ne pas

devenir« récréant» (pp. 70-72). - 7) Yvain demande congé à sa dame, celle-ci lui accorde un délai d'un an

(p. 73) et lui donne un anneau qui le protégera de toute blessure (pp. 72-74). - 8) Départ dans la tristesse et séparation des époux (p. 74).

2. Les rites de l'hospitalité et les éléments de la vie courtoise sont nom­breux ici. La ville est décorée : des étoffes de soie pendent le long des murs ; on a placé des tentures entre les maisons, dans les rues, contre le soleil; on déroule des tapis sur le chemin du roi; la foule en liesse l'acclame.

Les costumes sont fastueux: la dame, qui vient elle-même accueillir le roi et lui tenir l'étrier, est « vêtue d'une robe bordée d'hermine, un diadème serti de rubis couronnant son front» (p. 67). L'accueil est festif et musical: on chante, on danse, le spectacle est dans la rue. Suivent les conversations courtoises, les parties de chasse et les promenades dans le domaine d'Yvain.

3. Gauvain, pour convaincre Yvain de le suivre, emploie une série d'argu­ments: - le mariage ne doit pas empêcher la vaillance: il ne faut pas déchoir, sinon la dame méprise le chevalier ; - il ne faut pas passer pour un jaloux qui n'ose pas quitter sa femme des yeux; -« Qy,i reste à ne rien faire devient tout son­geur» (p. 71) ; - « Prenez garde de ne pas briser notre beau compagnonnage »

(p. 71) ; - on se lasse d'un bonheur confortable qui dure trop longtemps.

4. Laudine donne son congé à Yvain à condition qu'il revienne avant unan : « soyez de retour auprès de moi dans un an au plus tard, huit jours après la Saint-Jean» (p. 73). Elle lui accorde protection en lui offrant un anneau magique d'invincibilité: « Le pouvoir de sa pierre est tel qu'aucun amant sin­cère et fidèle ne peut être blessé ni retenu prisonnier» (p. 37).

Commentaire : Par le motif du don contraignant, Laudine octroie à Yvain ce qu'il demande avant même de savoir de quoi il s'agit. Elle s'en remet entièrement au sens de l'honneur de son nouvel époux. Sa généro­sité tient compte des délais supplémentaires éventuels imposés à Yvain, la maladie ou la prison. Si, oubliant le terme, Yvain ne revient pas, il n'aura plus que la haine de Laudine.

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. . .

CONCLUSION

Le rôle de Gauvain dans la fin du chapitre est ambigu : il est bien le « soleil de la chevalerie» (p. 69) mais il tente Yvain par cette vie de tournois qui flatte l'amour-propre et exerce le corps. Son insistance à entraîner Yvain à sa suite pose la question suivante : le mariage serait-il inconci­liable avec la chevalerie ? Certes, la dame doit toujours estimer son mari, qui doit pour cela être digne de son admiration. Le conflit n'éclatera réel­lement que si Yvain ne revient pas au jour fixé: en effet, l'engagement auprès de sa dame doit également être respecté, sinon il péchera contre l'amour et devra expier sa faute.

Quand il quitte Laudine, Yvain ne pense en réalité qu'à lui et à sa réputation de chevalier, et l'attrait juvénile pour une chevalerie où il faut briller et surpasser l'autre est alors - même si les époux échangent « de tendres baisers mouillés de bien des larmes» (p. 74) - plus important à ses yeux que l'amour de sa dame. Il devra, avant de la reconquérir, passer par bien des épreuves ...

III. Troisième séance (pp. 75-91)

LECTURE SUIVIE

Préliminaires Yvain jeune marié, a demandé à sa dame l'autorisation de tournoyer

avec son ami Gauvain, à la cour du roi Arthur, pendant une année. Elle lui confie alors l'anneau d'invulnérabilité qui ne fera son office que s'il reste un amant loyal.

Lecture possible en classe La folie proprement dite d'Yvain à partir du moment où la demoiselle

lui a arraché l'anneau (depuis« Yvain est incapable de lui répondre», p. 77, jusqu'à« l'eau froide de la fontaine», p. 80); - puis son salut (depuis « Ainsi chargée, elle revint ... », p. 82, jusqu'à « Yvain [ ... ] prit le cheval et monta en selle», p. 84) ; - enfin les clauses de la paix faite à l'issue du combat contre le comte Alier (depuis« Le comte Alier s'enfuit mais Yvain ne le lâche pas», p. 89, jusqu'à la fin « ... le voilà reparti», p. 91).

Ces trois passages choisis montrent bien, en effet, la descente dans la folie avec un retour à l'état animal, puis la remontée vers la raison et la

40 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

parfaite réussite de la convalescence puisque le chevalier établit une paix qui règle le conflit entre le comte Alier et la dame de Noroison, et se sent capable de s'assumer seul.

Questions données en préparation lors de la séance précédente

1. Résumez par une phrase les différentes étapes du récit,jusqu'à la page 91.*2. Pourquoi Yvain a-t-il laissé passer le terme fixé par sa dame et quels sont les

symptômes de sa folie ?*3. Relevez les notations de temps dans ces deux chapitres.4. Relevez les lieux évoqués dans ces deux chapitres. Qu'en concluez-vous?5. Notez l'évolution de la nourriture d'Yvain dans la forêt.*6. Montrez que le salut d'Yvain par la demoiselle est plein de tact, humoristique

et intéressé.7. Vocabulaire. Cherchez les définitions de : « palefroi », « destrier », « roncin »

et« aller l'amble ».*

Réponses

1. Les étapes du récit

- 1) L'humiliation : À la mi-août, Yvain, ayant laissé passer le délai,reçoit la visite d'une demoiselle qui le couvre de honte en pleine cour et lui reprend l'anneau (jusque « • . . qu'elle laisse complètement désespéré», p. 78).

- 2) La folie : Yvain s'enfuit, perd la raison et retourne à la vie primi­tive (jusque « . • . sa venaison toute crue», p. 79).

- 3) L'échange : Grâce à sa rencontre avec un ermite avec lequel ilfait du troc, il commence à manger à nouveau du pain et de la viande cuite, mais il est toujours fou (jusque« ... de la fontaine», p. 80).

- 4) Le salut : Ayant découvert Yvain endormi, la dame de Noroisonet ses demoiselles entreprennent sa guérison grâce à un onguent magique (jusque« Yvain, qui ne demandait rien d'autre, prit le cheval et monta en selle», p. 84).

- 5) La convalescence d'Yvain au château de la dame de Noroison(jusque « . . . un cheval vif et robuste», p. 86).

- 6) La victoire contre le comte Alier (pp. 87-91).

2. Yvain a laissé passer le terme fixé par sa dame parce qu' « en compa­gnie de Gauvain [ ... ], il ne voit pas le temps passer» (p. 75). Les tournois, la vie chevaleresque et les charmes du compagnonnage ont distrait Yvain de son amour.

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Les symptômes de sa folie sont nombreux : il demeure muet ( « ... incapable de lui répondre», p. 77) ; il veut fuir très loin et se retrouver seul ; il sent qu'un « vertige lui monte à la tête» (p. 78). « Il déchire ses vête­ments et les met en lambeaux», (p. 78) ; il vole un arc et des flèches; il perd la mémoire ( « ... il reprend sa fuite, sans se souvenir de rien», p. 79).

Commentaire: Quel sens peut-on donner à la folie d'Yvain ? Elle correspond à deux moments décisifs : - Yvain a pris conscience qu'il a outrepassé la date fixée et qu'il a failli

à son serment. L'arrivée de la demoiselle coïncide avec la prise de conscience de sa faute ( « Comprenant qu'il avait manqué à sa parole et laissé passer le terme convenu, il eut bien du mal à retenir ses larmes», p. 76). Les reproches de la demoiselle ne lui en semblent que plus mérités.

- Il est honni par sa dame devant le roi Arthur et toute sa cour; l'an­neau, gage de foi et d'amitié, signe d'invulnérabilité, lui est retiré. Il s'en­suit une réaction très violente, mais dont l'assemblée ne devine pas la gra­vité ( « Tout lui est devenu insupportable [ ... ]. Il se déteste plus que tout et ne sait qui pourrait le consoler d'avoir lui-même causé sa propre mort», p. 78).

Sa fuite correspond à une déroute du chevalier et à un échec de l'amant. Yvain se punit lui-même d'avoir failli à sa parole (il tournoyait pour se couvrir d'une vaine gloire et il n'a pas su être un ami loyal). La mise à nu, au sens propre du terme, l'existence précaire dans les bois, tout cela est une sorte de pénitence, une épreuve qui va lui permettre de dépouiller le vieil homme, d'oublier le chevalier mondain qu'il fut, vain­queur de tournois, fils du roi Urien, et de renaître un jour, meilleur et purifié, sous un autre nom, modèle d'une chevalerie enfin soucieuse du service d'autrui 11•

3. Les notations de temps sont très précises tant qu'Yvain n'est pasfrappé de folie («Durant une année entière ... » ; « À la mi-août ... », p. 75). Puis le temps devient imprécis («Il vit ainsi longtemps comme un sauvage», p. 79; « Un jour ... »; « Un autre jour ... », p. 80: temps indéterminé). Leretour à la précision a lieu quand la demoiselle lui a rendu la raison( « ... il vous faudra d'abord une quinzaine de jours de repos», p. 84). Le com­bat contre le comte Alier a lieu « un mardi » (p. 87).

Le trouble temporel traduit celui du personnage.

11. À la fin du roman, Yvain nommera lui-même sa folie quand il dira à sa dame «]'aiexpié ma folie et ce n'était que justice. Car c'était bien une folie de demeurer loin de vous» (p. 190).

42 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

4. Les lieux successifs sont les suivants : - les lieux des tournois: àl'extérieur des murs de la ville, on a dressé des tentes pour abriter les che­valiers; - Yvain fuit à travers champs vers la forêt où il vivra jusqu'à sa gué­rison; - le château de la dame de Noroison l'accueille pour sa convales­ cence, et ce jusqu'au jour où il défait le comte Alier ; - Yvain « reprend lechemin par lequel il était venu » (p. 91).

Commentaire : La symbolique des lieux Yvain fuit le lieu qui l'a entraîné à oublier son engagement: la proxi­

mité des lices où les chevaliers se couvrent de gloire; la ville où Arthur tient sa cour. La forêt est le lieu sauvage par excellence, celui où l'on retourne à la vie primitive et qui est plein de « voies félonnesses ». À ce titre, les terres défrichées par l'ermite (l'essart) sont significatives de l'ap­propriation de la terre par l'homme. Le château est le lieu du retour à la vie civilisée, à la vie courtoise. Le chemin représente le destin vers lequel on va et la disponibilité à l'aventure.

5. La nourriture d'Yvain, lors de son errance dans la forêt, évolue :- grâce à l'arc et aux flèches volés, il peut manger des bêtes, mais crues;- il reprend goût au pain grâce à l'ermite; - grâce à un troc, Yvain peutmanger du pain en abondance, de l'eau froide et de la viande rôtie, mais« sans sel ni poivre» (p. 80). Peu à peu se produit un retour à la civilisa­tion.

Commentaire: Yvain vit dans la forêt, au début de sa démence, comme un homme qui ignore le feu. On pourrait dire qu'il y a une remontée dans la préhistoire. Puis il reprend goût au pain, même s'il est de piètre qualité. On passe de la chasse à l'agriculture12

, mais par le biais de l'er­mite.

Grâce à l'ermite, dont on pourrait commenter l'attitude désintéres­sée mais prudente au début, on voit s'esquisser un système de va-et-vient de biens et de services, un troc qui va permettre au solitaire de faire des échanges avec la ville: cela pourrait être le début d'un circuit commer­cial.

6. Le salut d'Yvain par la demoiselle est : - plein de tact, car elle faitsemblant de le découvrir pour lui éviter la honte de sa nudité; elle mime la surprise et Yvain est trop heureux de la croire13

; - humoristique, car,

12. On trouve la même évolution dans Regain de Giono. 13. La prise de conscience de sa nudité et la honte qu'il en éprouve sont la preuve de

son retour à la raison. On peut évoquer la honte d'Adam et Ève après le péché originel. De plus, la guérison passe par la reconnaissance des autres et de leur regard (ici, lajeune fille).

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alors qu'Yvain est nu, elle le reconnaît à une cicatrice qu'il porte au visage! De plus, alors que sa dame lui a recommandé d'économiser l'on­guent magique, elle frotte les tempes d'Yvain et fait du zèle en friction­nant« tout l,e corps, de la tête aux pieds et avec tant d'ardeur» (p. 82) ; - ce sau­vetage est intéressé car la dame a besoin de ce chevalier pour la défendre contre un ennemi qui pille et met le feu aux maisons.

7. Vocabulaire : Pour les définitions, se servir du « Glossaire» (pp. 203-206).

L'amble est l'allure du cheval quand il lève en même temps les pattes du même côté. C'était l'allure du palefroi, cheval de parade, souvent réservé aux dames.

CONCLUSION

Après son passage par la folie, Yvain renaît à la vie et à la chevalerie. Il rend service à son hôtesse, par gratitude, avant de reprendre la suite de ses aventures.

IV. Quatrième séance :rencontre du chevalier et du lion (pp. 93-96)

LECTURE EXPLIQUÉE

Préliminaires Cette rencontre se situe, à quelques vers près, au milieu même du

roman. L'importance de l'événement pour la suite du texte justifie une étude plus détaillée. En effet, l'homme et l'animal vont arriver peu à peu à un ajustement réciproque et une compréhension mutuelle.

Questions données en préparation lors de la séance précédente

1. Donnez les divers mouvements du texte.*

2. Pourquoi le spectacle vu par Yvain dans la forêt est-il étonnant (p. 93) ?*

3. Pourquoi Yvain choisit-il d'aider le lion ?*4. L'attitude du lion: relevez les expressions qui montrent que le lion a une atti­

tude humaine. En vous aidant du texte, vous montrerez qu'il reste quand

même un animal.*

5. Appréciez l'attitude d'Yvain une fois qu'il a sauvé le lion.6. L'art du récit: relevez des interventions ou des commentaires de l'auteur.

L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

Réponses

l. On relève cinq mouvements principaux:

- 1) Yvain rencontre deux adversaires opposés dans une lutte mor­telle et il choisit d'aider le lion, donc de s'attaquer au serpent (jusqu'à « . • . tuer en premier», p. 93).

- 2) Le combat contre le serpent Uusqu'à « • • . en couper l,e moins possibl,e »,

p. 94).

- 3) La reconnaissance du lion (jusqu'à « • . • lui parut fort plaisante»,p. 94).

- 4) Le lion le suit et chasse pour lui (jusqu'à « . . . une grande affec­tion», p. 95).

- 5) Un repas partagé et un « nouvel ange gardien» (jusqu'à « • • • peud'herbe», p. 96).

Commentaire: L'épisode se déroule quasiment en temps réel mais le combat contre le dragon est assez rapidement décrit; certes, les coups portés ont une valeur épique (Yvain « taille en pièces») mais le narrateur ne s'attarde guère. C'est sans doute que l'intérêt de la scène est ailleurs : dans l'affrontement symbolique avec le mal. Yvain luttant contre le serpent­dragon éveille en nous toute une iconographie d'illustres prédécesseurs, comme saint Georges terrassant le dragon.

En revanche, on trouve une longue scène de combat dans l'adapta­tion de Tristan et Iseut par Joseph Bédier (10-18, UGE)

« Le monstre approchait. Il avait la tête d'une guivre, les yeux rouges et tels que des charbons embrasés, deux cornes au front, les oreilles longues et velues, des griffes de lion, une queue de serpent, le corps écailleux d'un grif­

fon. Tristan lança contre lui son destrier d'une telle force que, tout hérissé

de peur, il bondit pourtant contre le monstre. La lance de Tristan heurta les écailles et vola en éclats. Aussitôt le preux tire son épée, la lève et l'assène sur la tête du dragon, mais sans entamer le cuir. Le monstre a senti l'atteinte

pourtant; il lance ses griffes contre l'écu, les y enfonce, et fait voler les attaches. La poitrine découverte, Tristan le requiert encore de l'épée, et le frappe sur les flancs d'un coup si violent que l'air en retentit. Vainement: il

ne peut le blesser. Alors, le dragon vomit par les naseaux un double jet de flammes venimeuses : le haubert de Tristan noircit comme un charbon

éteint, son cheval s'abat et meurt. Mais, aussitôt relevé, Tristan enfonce sa bonne épée dans la gueule du monstre : elle y pénètre toute et lui fend le cœur en deux parts. Le dragon pousse une dernière fois son cri horrible et

meurt. Tristan lui coupa la langue et la mit dans sa chausse. Puis, tout étourdi

par la fumée âcre, il marcha, pour y boire, vers une eau stagnante qu'il

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voyait briller à quelque distance. Mais le venin distillé par la langue du dra­gon s'échauffa contre son corps et, dans les hautes herbes qui bordaient le

marécage, le héros tomba inanimé » (pp. 40-41).

2. Dans la forêt, Yvain voit un spectacle étonnant: deux animaux sebattent farouchement dans un essart de la forêt de Brocéliande. Or, on n'imagine guère un lion hors d'Afrique; quant au serpent, il est énorme, a la « gueule plus large qu'une marmite» (p. 94) et « vomit des flammes» (p. 93) : il s'agit d'un dragon, monstre mythique et diabolique.

Commentaire: Depuis ses démêlés avec Ève, le serpent a mauvaise réputation! Et dans ce récit, si l'on relève le vocabulaire concernant le serpent, on s'aperçoit que ce combat est symbolique de l'affrontement du bien et du mal. Le serpent représenterait le mal, le démon. On peut corollairement en déduire que le félin est du côté du bien ( cf. commen­taires de la question suivante).

3. Yvain choisit d'aider le lion car il ne veut pas aider la bête mau­vaise : « . . . on n'a pas le droit de faire du bien aux créatures venimeuses et félonnes »

(p. 93). Il éprouve de la compassion pour le lion: « Il a pitié de la noble bête et c'est elle qu'il va d'abord secourir» (p. 94).

Commentaire: On remarque que l'hésitation d'Yvain ne concerne que le choix de la bête à secourir. Il ne passera pas son chemin sans venir en aide à qui a besoin de lui. À l'argument quasiment juridique (le droit) succède un argument plus sentimental et psychologique (la pitié).

Au Moyen Âge, le lion est un animal prestigieux. On dit qu'il ressus­cite ses petits, qu'il dort les yeux ouverts, qu'il efface ses traces. Il est pré­sent dans la sculpture, l'héraldique, les récits, et a toujours une significa­tion symbolique. Le lion ne s'appelle-t-il pas Noble dans le Roman de Renart? Dans ce roman, son rôle atteint une richesse et une complexité fascinantes 14•

14. Voir à ce sujet l'article de Jean Dufournet, « Le lion d'Yvain» dans le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes. Approches d'un chefd'œuvre, Paris, Champion, 1988, pp. 77-104, et l'ar­ticle de Pierre Servet dans ce numéro sur « Le lion dans "le Chevalier au Lion "et dans la lit­térature du Moyen Âge», p. 155.

46 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

4. Le lion ressemble à un humain car : - il manifeste sa reconnaissanceet son humilité («Il fit comme s'il se rendait au chevalier: dressé sur ses pattes de derrière, il lui tendait ses pattes avant jointes, et baissait la tête vers le sol. Ensuite il s'agenouillait et pleurait à chaudes larmes en signe de grande humilité», p. 94) : le lion ressemble ici à un chevalier qui, lors de la cérémonie de l'hommage, se soumet à son seigneur; - le lion sera toujours reconnaissant, généreux

et fidèle : il chasse pour Yvain et veille sur son sommeil.

Le lion reste une bête car il se conduit en prédateur («L'animal ouvre la voie» ; « . . son flair [ne l'] avait pas trompé» ; « [il] abat sa proie et boit le

.

sang tout chaud», p. 95 ; « [il] dévora tout jusqu'aux os», p. 96). Le félin n'a rien perdu de son instinct de bête sauvage.

Le lion apparaît comme un animal domestique, chien de chasse ou de garde, car : - il fait comprendre à Yvain qu'il attend ses ordres pour attaquer le chevreuil ; - il obéit à l'ordre d'Yvain, attrape le chevreuil et lui ramène sa proie; - il attend que son maître ait fini de manger pour se nourrir des restes ; - il monte la garde durant la nuit et veille sur Yvain et son cheval.

Le lion est le nouveau compagnon d'Yvain : ils se comprennent sans avoir à se parler et se respectent mutuellement.

Commentaire : Sauvé du péril, le lion témoigne sa reconnaissance au chevalier comme le ferait un humain, par tout un langage d'attitudes (qu'on appelle aussi mime) : « Il fit comme s'il se rendait au chevalier:[ ... ] il s'agenouillait et pleurait à chaudes larmes en signe de grande humilité .» Les larmes, comme le rire, ne sont-elles pas une marque de l'humaine nature?

Il est entièrement soumis et dévoué à Yvain : « [il] marche à ses côtés. Il le suivra partout désormais [ ... ] car il veut le servir et veiller sur lui » (p. 95). Même quand il chasse, il lui faut la permission de son maître : « . . . il s' ar­rête et le regarde car il ne voudrait rien Jaire contre sa volonté ».

Quand le lion a abattu le chevreuil, il ne le traîne pas avec ses crocs jusqu'à Yvain, « il charge l'animal sur son dos et le porte aux pieds de son maître » (p. 95), comme le ferait un compagnon de chasse ou le loup de la légende (voir articles cités). Enfin, il attend que le chevalier ait fini son repas - et cela dure un certain temps puisque le chevalier « fit rôtir à la broche son morceau de viande jusqu'à ce qu'il soit bien cuit » - pour pouvoir enfin se nourrir: « Les restes du chevreuil, quand Yvain n'eut plus faim, revin­rent au lion qui dévora tout jusqu'aux os » (p. 96).

Enfin, pendant le sommeil du chevalier, le nouveau compagnon prend « soin de garder le cheval». Jean Dufournet souligne: « Comme dans

l'hommage féodal, il y a engagement mutuel d'aide et de conseil, qui assure à l'homme une certaine supériorité sur son partenaire "qui est en réalité sa part ani-

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male mais sous une forme d'échanges réciproques de services". Yvain est devenu le seigneur et le compagnon du lion15

• »

5. Comment Yvain traite-t-il le lion après l'avoir délivré ?- Dans un premier temps, Yvain est satisfait de voir que le lion ne va

pas l'attaquer et se soumet ; rassuré, il reprend donc sa route. - Le lion le force à tenir compte de sa présence : Yvain l'adopte alors

comme un chien de chasse. - Il lui donne enfin son affection et le considère comme son compa­

gnon : il partage son repas et dort en sa présence.

Commentaire: L'attitude d'Yvain face au lion au fur et à mesure du récit. - Tout d'abord, Yvain choisit, non de sauver le lion, mais de tuer le

serpent ( « [il] décida de le tuer en premier», p. 93). - Il libère le lion toujours prisonnier de la gueule du dragon.

(L'épisode de la queue coupée se réfère peut-être à la pratique adoptée pour un chien de race. Cela irait dans le sens de la domestication symbo­lique du félin.)

- Alors, il est prêt à affronter à son tour le lion si nécessaire ( « Yvains'attendait à ce que le lion une fois délivré vienne l'attaquer», p. 94).

- Or, se produit un prodige qui montre la reconnaissance etl' « humanité » de la bête, dont Yvain se réjouit ( « La tournure que prenait l'aventure lui parut fort plaisante», p. 94).

- Ensuite, le chevalier paraît un peu encombré par cet animal qui« marche à ses côtés» (p. 95) alors qu'il reprend sa route. La décision du lion est prise, mais Yvain ne le sait pas encore.

- Devant la soumission patiente et insistante du lion, le chevalier estconquis; il devient enfin son maître et son compagnon. Yvain est attentif à respecter les besoins instinctifs de celui qu'il a sauvé; il comprend que le lion, même s'il a eu un comportement presque humain, n'en demeure pas moins une bête soumise à l'instinct de la chasse ( « La faim et l'instinct le poussent à aller chasser pour assurer sa subsistance. C'est la loi de la nature», p. 95). Il accepte l'instinct prédateur de celui qu'il vient de sauver et luidonne l'ordre d'agir selon « la loi de la nature». Le lion est comparé alorsà un « brachet », c'est-à-dire à un chien de chasse, à un braque qu'onencourage par des cris.

15. op. cit.]. Dufoumet cite François de la Bretèque, le Motif du lion dans l'art et la littéra­ture du Mayen Âge. Recherches sur la mentalité et la civilisation, thèse de 3e cycle soutenue à la Sorbonne nouvelle (Paris III), le 24 février 1986, p. 352.

48 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

- L'amusement se change en affection profonde et définitive, carYvain trouve « sa compagnie fort précieuse » (p. 95). Cette confiance affec­tueuse explique que le chevalier pourra, la nuit venue, s'endormir en pré­sence de la bête sauvage qui, elle, se charge de veiller.

6. L'art du récit. On relève plusieurs interventions de l'auteur:- Ce texte est dit à un auditoire, car on peut relever un impératif:

« Écoutez plutôt comment le lion se comporta en être noble et généreux» (p. 94).

- Des phrases comme « Cette idée n'effleura pas l'esprit de l'animal» et« [le lion] veut le servir et veiller sur lui» montrent que le narrateur sait lire dans la pensée des personnages qu'il met en scène, il commente leurs actes et analyse leurs réflexions.

CONCLUSION

Depuis qu'il est guéri de sa folie, un nouvel Yvain est né, un nouveau chevalier plus désintéressé, plus altruiste, qui porte secours aux victimes sans compter sa peine ou les risques courus. Il ne cherche ni à ramener une preuve de ses exploits (comme dans l'affrontement avec Esclados le Roux), ni à en tirer vanité ou récompense. Il se fait serviteur du faible ou justicier du lésé.

La compagnie du lion marque une étape décisive dans son chemine­ment : après sa folie et la souffrance terrible endurée, Yvain était mûr pour une nouvelle chevalerie, forte, généreuse et compatissante16

V. Cinquième séance (pp. 97-129)

LECTURE SUIVIE

Préliminaires

Les chapitres VIII, IX, x peuvent être étudiés ensemble car ils forment une unité: en effet, Yvain s'engage à défendre Lunette qui doit être brû-

16. Voir à ce sujet, dans ce même numéro, l'article de Claude Lachet, « La chevaleriedans" le Chevalier au Lion"», p. 131.

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lée le lendemain ; mais dans le chapitre suivant, alors qu'il cherche un gîte où se reposer en prévision du combat, il est retenu dans le château du beau-frère de Gauvain. Son hôte est gravement menacé et tourmenté par Harpin de la Montagne. )vain offre son aide à condition qu'il puisse respecter son engagement auprès de la demoiselle en péril. Il arrivera juste à temps.

Questions données en préparation lors de la séance précédente17

CHAPITRE VIII

1. Résumez le chapitre VIII en entier en donnant ses mouvements.*

2. Expliquez, page 99: « . • . que Dieu n'ait pitié de mon âme si j'ai tant soit peu mérité ce châtiment ! »

3. Pourquoi Lunette est-elle en prison ?*

4. Quelle parole dit-elle sans réfléchir et pourquoi cette parole risque-t-elle de

lui être fatale ?*5. Pourquoi Gauvain ne la défend-il pas ?*

6. Que pense Yvain de la réaction de Lunette à sa proposition ?*

CHAPITRE IX

1. Pourquoi Yvain accepte-t-il d'affronter Harpin de la Montagne et à quelleunique condition ?

2. Dans le combat contre le géant Harpin, relevez les termes de boucherie.*

CHAPITRE X

1. En quoi les motifs de lamentation des femmes peuvent-ils surprendre ?Comment complètent-ils le portrait de Lunette?

2. Dans les deux combats, commentez l'attitude du lion.*3. Quel bénéfice Yvain tire-t-il de ses exploits?*

Indications

Le jour de la séance, on répondra d'abord avec les élèves aux ques­tions sur le chapitre VIII ( questions 1 à 6) ; puis on pourra lire avec eux les

17. Les questions sont nombreuses mais les réponses sont assez faciles et demandentsurtout un repérage de citations. Le problème de Lunette est étudié plus précisément car il met en cause des nuances de sentiments intéressantes pour nos élèves.

50 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

explications du beau-frère de Gauvain sur ses ennuis, page 107, depuis « Je vais donc tout vous expliquer» jusqu'à la fin et en tirer les conclusions sur le destin d'Yvain.

Quant au chapitre x, on pourra lire à partir de « Alors, Yvain qui ne tient pas à s'en alkr ordonne à l'animal de se retirer et de se coucher» (p. 123) jusqu'à la fin.

Chapitre VIII : Lunette au bûcher

1. Résumé du chapitre VIII avec ses différents mouvements :- 1) Yvain, par hasard, retrouve la fontaine. Désespéré, il est sur le

point de se suicider. (Du début jusqu'à« . . . n'en était vraiment pas digne», au bas de la page 98.)

- 2) Une prisonnière, dans la chapelle, lui apprend qu'elle est injus­tement condamnée au bûcher (jusqu'à« .. . mort s'ensuive», p. 100).

- 3) Yvain se fait reconnaître et s'offre pour la défendre, « avec l'aidede Dieu » (jusqu'à la fin, page 103).

2. La phrase de Lunette : « . . . que Dieu n'ait pitié de mon âme si j'ai tantsoit peu mérité ce châtiment» est une sorte de serment pour prouver sa bonne foi. Elle signifie: « Que Dieu me fasse aller en enfer si je suis cou­pable. »

3. Lunette est en prison parce qu'après le manquement d'Yvain à sa

parole, le sénéchal18, jaloux, a profité de la colère de Laudine pour brouiller les deux femmes ( « pour semer la discorde entre eUe et moi », p. 101) . On pourrait dire qu'il s'agit d'un problème d'influence et de rivalités poli­tiques. Le sénéchal a utilisé la calomnie pour avoir seul le pouvoir auprès de Laudine.

. 4. Lunette a fait une promesse irréfléchie : « . . je rendrais raison par unchevalier contre trois» (p. 101). Cette promesse, exagérée, aurait pu suffire à prouver son innocence; elle l'a faite tant elle était sûre de son bon droit. Mais cette même sûreté l'a mise en péril car aucun homme ne vou­drait risquer sa vie dans un combat aussi déséquilibré : seul contre trois.

Commentaire: Le combat est un jugement de Dieu : « avec l'aide de Dieu, ils y perdront l'honneur tous les trois» (p. 103). Dieu fait triompher celui qui est dans le droit. Le combat a lieu jusqu'au coucher du soleil si nécessaire.

18. À la page 122, nous apprenons que Lunette a trois accusateurs: « Le sénéchal et sesdeux frères». Ce sont les hommes qu'Yvain affrontera pour sauver Lunette au chapitre X.

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5. Gauvain ne la défend pas car il n'est pas au courant du sup­plice qui attend son amie et il est pris par une autre tâche très importante

( « ... à ce qu'on m'a dit, Gauvain est parti à la recherche de la reine qui a été enle­ vée par un chevalier», p. 102) 19

6. Yvain réagit violemment à la réponse de Lunette. Tandis queLunette, craignant qu'Yvain ne succombe au cours du combat, préfère qu'il renonce, le héros, indigné, croit qu'elle le sous-estime puisqu'elle le voit déjà mort ( « S'ils vous tuent, je n'en mourrai pas moins», p. 102). Il se sent piqué au vif (reste d'amour-propre ?) . Il tient à la défendre par reconnaissance, parce qu'il se sent à juste titre responsable de ses tour­ments. De toute façon, il est de son devoir de chevalier de secourir le faible et l'opprimé.

Chapitre IX : Harpin de la Montagne

(Après la lecture de l'extrait signalé.)

1. Yvain accepte d'affronter le géant par amitié pour Gauvain, à laseule condition qu'il en ait le temps, car il ne veut pas compromettre le salut de Lunette.

(S'aider de la« Présentation», au bas de la page 8.)

2. Le combat est traité sur le mode parodique (notion déjà vue plushaut). On trouve des expressions amusantes comme « le sang en guise de sauce»,« une grillade»,« un gi,got», « taille [r]dans le lard», (p. 115). Les coups portés sont terribles mais ils sont décrits de manière burlesque.

Chapitre x : Seul contre trois

9. Les femmes pleurent la perte de Lunette. Or, si au début les motifssont respectables ( « . . . nous perdons une amie généreuse, de bon conseil et qui

était notre soutien à la cour», p. 120), la suite peut sembler plus intéressée: « Grâce à elle, notre maîtresse nous donnait ses robes. » Ces plaintes complètent surtout le portrait de la demoiselle et nous apprennent sa générosité, puis­qu'elle avait coutume d'intervenir pour le bonheur et le bien d'autrui. L'aide apportée à Yvain était donc l'expression de sa nature généreuse.

19. On apprend plus tard le retour de Gauvain qui a réussi à arracher la reine Guenièvre à Méléagant. Observons ici l'entrelacement du récit du Chevalier de la Charrette et de l'intrigue du Chevalier au Lion.

52 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

10. Le lion n'intervient que pour rétablir l'équilibre ou la justice. Eneffet, contre Harpin, géant monstrueux qui inflige gratuitement des sup­plices physiques et moraux, le combat était inégal. Contre les trois cheva­liers fourbes, le surnombre est évident20

• Le lion intervient lorsqu'il com­prend que son maître est en « fâcheuse posture» (p. 124). « L'animal sait bien que [ ... ] son maître, loin de lui en vouloir de ne pas obéir, l'en aime davan­tage» (p. 125). Sans nul doute, "\vain aurait été tué - et donc le bon droit bafoué - si le lion n'avait pas eu d'initiative. Tous deux, d'ailleurs, sont gravement blessés.

11. "\vain a la satisfaction du devoir accompli : il a manifesté son ami­tié à l'égard de Gauvain en secourant sa famille, il a payé sa dette de reconnaissance envers Lunette; il devient le défenseur des bonnes causes. Sa présence à la fontaine lui permet d'approcher sa dame sans être reconnu et de savoir à mots couverts quels sont ses sentiments.

CONCLUSION

Le lion donne au héros son nouveau nom, révélateur de sa haute mission d'aide et de justice. Il est désormais moins le fils du roi Urien que le Chevalier au Lion.

VI. Sixième séance (pp. 131-191)

LECTURE SUME

Préliminaires Ce groupement des chapitres XI à XV peut sembler lourd, mais c'est la

rançon de l'étude détaillée de la rencontre avec le lion dans une précé­dente séance. Pourtant, ici il semble surtout important de donner le sens des exploits multiples d'Yvain, sans forcément les détailler.

20. On pense au fameux vers de Corneille dans Horace: « Que vouliez-vous qu'il fit contre trois ? » Il est normal que les accusateurs subissent le supplice qu'ils voulaient infliger à tort à l'in­ nocente. Dans la Bible, le roi fait précipiter dans la fosse aux lions les calomniateurs de Daniel.

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Questions données en préparation lors de la séance précédente

CHAPITRE XI

1. Quelle est l'origine de la querelle entre les deux sœurs ?*

2. Pourquoi la cadette ne peut-elle pas demander l'aide de Gauvain?*3. L'épopée de la demoiselle: relevez les étapes de sa quête; en quoi est-elle

généreuse et charitable? Montrez que la Providence veille à chaque difficulté.

CHAPITRE XII

1. Résumez le chapitre en donnant un titre aux différents mouvements.*

2. Donnez les ressemblances et les différences de ce château avec les autres châ­

teaux.3. Quel contraste y a-t-il entre les tisseuses et la famille du seigneur?*

CHAPITRE XIII

1. Cherchez ce qu'est un Nétun dans le glossaire.*

2. Pourquoi le lion intervient-il ?

3. Quelles sont les conséquences de sa victoire ?*

CHAPITRE XIV

1. Pourquoi les deux amis ne se reconnaissent-ils pas?*

2. Comment réagissent-ils quand ils se reconnaissent?*

3. Comment se termine la querelle entre les deux sœurs ?*4. Pourquoi le lion n'arrive-t-il qu'à la fin ?

CHAPITRE XV

1. Quelle astuce la demoiselle trouve-t-elle pour réconcilier les deux époux?*2. En quoi peut-on dire qu'Yvain a mérité l'amour de sa dame?*

Chapitre XI : Les sœurs ennemies

1. L'origine de la querelle entre les deux sœurs est une affaire d'héri­tage. À la mort de leur père, le seigneur de Noire Épine, l'aînée refuse de céder à la cadette la part réduite (le tiers ou le quart du patrimoine) qui lui revient.

2. La cadette ne peut pas demander l'aide de Gauvain lors de son diffé­rend avec sa sœur, car celle-ci a réussi à la devancer à la cour et le neveu du roi a accepté d'être son champion (p. 131).

3. Cette demoiselle, qui prend le relais de la cadette malade, montre undévouement exceptionnel. Dieu veille sur elle sans doute parce qu'elle est complètement désintéressée: sa quête est longue et périlleuse. En effet, elle

54 L'ÉCOLE DES LETTRES

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LECTURE SUME

manque mourir en pleine nuit, enlisée dans la boue (p. 135) ; alors elle prie « Dieu et Marie» (« ... elle pria tant qu'elle entendit le son d'un cor 21 »). Le son la guide sur un chemin dur ( « empierré»), elle parvient près d' « une croix dressée» au « bord du chemin ».

Sa recherche pénible se poursuit et le but semble toujours reculer: par trois fois, elle arrive dans un château d'où Yvain vient de partir: le premier est celui qu'Yvain délivra de Harpin (p. 136) ; le deuxième est celui de la fon­taine (p. 138) (Lunette, qui a entendu la messe, lui explique dans quelle direction est parti le chevalier avec son lion blessé) ; le troisième est celui où le maître et son lion ont été soignés après le combat contre les trois accusa­teurs de Lunette (p. 139). Lorsqu'elle rejoint enfin Yvain, elle n'a pas peur du lion, et le chevalier qui ne lui refuse pas son aide prononce ces mots : « Il suf fit que Dieu m'accorde la grâce de réussir à prouver son bon droit» (p. 141). Il s'agit donc d'un nouveau duel judiciaire.

Chapitre XII: L'étrange château de Pire Aventure

I. Mouvements du chapitre- 1) Le mauvais accueil des habitants (pp. 143-145).- 2) Pris au piège: une fois la porte du château franchie, Yvain découvre

des tisseuses misérables (pp. 145-147). Il ne peut s'en aller. - 3) Les malheurs des tisseuses (pp.147-149).- 4) La réception du seigneur : Yvain rend visite au seigneur du château

qui se repose dans son verger et le reçoit avec tous les égards (pp. 150-152). - 5) Impossible dérobade : au matin, il apprend qu'il est obligé de com­

battre les fils du Nétun (p.153).

2. Certes, le seigneur et sa famille accueillent Yvain et la demoiselle avecfaste et courtoisie, mais les habitants leur souhaitent la «malvenue». On lui annonce qu'il va lui arriver honte et malheur.

En fait, il s'agit d'un château marqué par une coutume comme celui de Laudine avec la fontaine merveilleuse; mais ici la coutume est diabolique. Le seigneur reçoit ses hôtes avec tous les égards que demande l'hospitalité, mais il est lié à la coutume et aux fils du Nétun. Cet épisode est dramatique car nous découvrons peu à peu avec le héros le piège dans lequel il est venu se jeter. Yvain réagit avec courage et intrépidité aux mauvaises injonctions des habitants, ainsi qu'aux paroles d'une dame âgée qui le met en garde. ( « Son cœur intrépide» le pousse à s'avancer à l'intérieur du château.) Il apprend que,

21. Sa mésaventure ressemble fort à une épreuve initiatique: pour parvenir à la justice, il faut souffrir et montrer son courage et sa piété.

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par la faute du roi de l'île aux Pucelles, un tribut de trente jeunes filles est versé chaque année aux fils du Nétun. Leur nombre de trois cents montre que cette coutume dure depuis dix ans. L'évocation des chevaliers tués en ayant essayé de libérer les demoiselles accroît le pathétique. Après la nuit pas­sée au château, Yvain est mis en demeure d'exécuter la coutume: il est contraint de combattre les deux monstres.

3. Un fort contraste oppose les tisseuses et la famille du seigneur: lesouvrières sont nobles, elles aussi, mais elles sont misérables. Elles tissent des étoffes riches et luxueuses, pourtant seul le seigneur des lieux, allongé sur un drap de soie, en profite22 Pour le moins complice de la coutume diabolique, il en tire un certain confort matériel.

Chapitre XIII : Les fils du N étun

1. Voir le «Glossaire» du livre, à la page 205.

2. Le lion intervient parce qu'il sait bien que ces deux adversaires diabo­liques peuvent tuer son maître. Il se libère quand il comprend qu'Yvain faiblit et il rétablit ainsi l'équilibre du combat. Le noble animal prend ici toute sa signification d'auxiliaire du bien et de la justice.

3. Après son difficile mais victorieux combat, Yvain doit refuser la fille du

seigneur sans froisser son hôte. Il répond qu'il reviendra l'épouser s'il œ peut

( or, son mariage avec Laudine le lui interdit). Ensuite, il fait libérer les cap­tives et s'en va triomphalement, recevant les excuses de ceux qui l'avaient mal accueilli et les louanges reconnaissantes des jeunes filles.

Chapitre XIV : Yvain et Gauvain

1. Les deux amis ne se reconnaissent pas car Yvain dort à l'extérieur de laville pour ne pas être reconnu; quant à Gauvain, il se présente équipé d'armes qui ne sont pas les siennes. Le lion a été laissé loin des lices; les deux champions sont emplis de haine l'un pour l'autre.

2. Quand, à la tombée de la nuit, exténués et blessés, ils se révèlent leuridentité, chacun veut alors laisser la victoire à l'autre.

22. On ne peut s'empêcher de penser aux canuts lyonnais et au texte d'Aristide Bruant créé en 1899, en souvenir de la révolte des canuts de 1831, la Chanson des canuts:« Pour chan­ter Veni Creator/ Il faut avoir chasubl,e d'or (bis)/ Nous en tissons pour vous, grands de l'Église,/ Et nous, pauvres canuts, n'avons pas de chemise. »

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LECTURE SUME

3. La querelle des deux sœurs s'achève par l'intervention du roi qui,habilement, fait reconnaître à l'aînée qu'elle voulait spolier sa sœur (p. 178). Si elle ne cède pas, il déclarera Gauvain vaincu et elle perdra tout.

4. Le lion n'arrive qu'après le combat parce que l'adversaire d'Yvainn'était ni un géant, ni un démon, et que le combat était équilibré. Devenu l'égal de Gauvain sans le secours de son lion, le héros a reconquis son nom.

Chapitre xv : Le calme après la tempête

1. Afin de réconcilier les deux époux, la demoiselle trouve un strata­gème: elle va faire promettre à Laudine d'employer « toutes [ses] forces en faveur du Chevalier au Lion, jusqu'à ce qu'il ait regagné l'amour de sa dame, du moins pour ce qui dépend d'[elle] » (p. 187). Pour plus de sûreté, elle fait prêter serment à Laudine, qui sera obligée de respecter sa parole sous peine de par­jure.

2. Yvain a mérité l'amour de sa dame puisqu'il a su vaincre toutes lesépreuves et qu'il s'est oublié dans des combats livrés non pour sa gloire mais pour le salut de victimes injustement persécutées.

CONCLUSION

Au cours des derniers chapitres, le protagoniste accomplit des prouesses désintéressées face à des adversaires redoutables (n'oublions pas que Gauvain est considéré comme le meilleur chevalier, du monde et qu'il est invaincu dans l'œuvre de Chrétien de Troyes).

Le roman s'achève comme un conte de fées: « tout est bien qui finit bien», les méchants sont vaincus, les prisonnières sont,délivrées, les infortu­nés sont joyeux, les époux sont réconciliés et connaissent enfin un bonheur idyllique.

On peut demander aux élèves d'imaginer une suite·(un assaillant arrive à la fontaine; Gauvain propose à nouveau à Yvain de l'accompagner dans les tournois; une jeune fille maltraitée demande secours au ,héros ... ).

L'étude de certains thèmes (travaillés en groupe ou à la maison) permet un effort de synthèse et de réflexion qui prolonge utilèment notre analyse.

É L I S A B E T H K R A F F T e t M !O >N TQ U E L A ,G A R D E

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