CHRONIQUE D’UNE MARQUE ETHIQUE, D’ UNE ENTREPRISE...

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CHRONIQUE D’UNE MARQUE ETHIQUE, D’ UNE ENTREPRISE CITOYENNE ET DE SES PRODUITS « MADE IN LOS ANGELES » Outre-Atlantique, le succès fulgurant de cette entreprise pourrait servir de modèle à tous ceux qui se lancent sur le créneau éthico-beau. Après avoir commencé par vendre des tee-shirts dans les rues de Los Angeles, Dov Charney, 36 ans, a monté cette entreprise sociale et lucrative. Ses principes ? Un produit basique mais un vrai style et une qualité sans faille, un prix raisonnable, une usine de production sur place, en Californie (qui fabrique 100 000 tee-shirts par jour), des salariés à 12,50 dollars de l'heure qui bénéficient d'une vraie couverture sociale, de cours d'anglais ou de yoga, une politique environnementale qualifiée de bio- équitable, le recyclage des matières non utilisées, des publicités naturellement sexy, des boutiques situées dans des quartiers et un chiffre d'affaires qui a explosé en quatre ans pour atteindre en 2004, 150 millions de dollars... « AA » est devenu le troisième producteur de T-shirts aux Etats-Unis. Julien Donné Agathe Fourquet

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CHRONIQUE D’UNE MARQUE ETHIQUE, D’ UNE ENTREPRISE

CITOYENNE ET DE SES PRODUITS « MADE IN LOS ANGELES »

Outre-Atlantique, le succès fulgurant de cette entreprise pourrait servirde modèle à tous ceux qui se lancent sur le créneau éthico-beau. Après avoircommencé par vendre des tee-shirts dans les rues de Los Angeles, DovCharney, 36 ans, a monté cette entreprise sociale et lucrative.

Ses principes ? Un produit basique mais un vrai style et une qualitésans faille, un prix raisonnable, une usine de production sur place, enCalifornie (qui fabrique 100 000 tee-shirts par jour), des salariés à 12,50dollars de l'heure qui bénéficient d'une vraie couverture sociale, de coursd'anglais ou de yoga, une politique environnementale qualifiée de bio-équitable, le recyclage des matières non utilisées, des publicités naturellementsexy, des boutiques situées dans des quartiers et un chiffre d'affaires qui aexplosé en quatre ans pour atteindre en 2004, 150 millions de dollars... « AA »est devenu le troisième producteur de T-shirts aux Etats-Unis.

Julien DonnéAgathe Fourquet

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Environnement

L’exigence éthique du consommateur

La consommation "engagée" est à la mode. 38 % des consommateursdisent tenir compte des engagements de "citoyenneté" des entrepriseslorsqu'ils achètent des produits industriels. Cette proportion est élevée, mais ils'agit avant tout de déclarations d'intention. Avec 46 % des suffrages, le refusdu travail des enfants vient en premier dans les causes qui mobilisent lesconsommateurs. Autre résultat important: une personne sur deux se déclareprête à payer un supplément de prix de 5 % pour des produits "éthiques", unesur cinq en est même certaine.

Visiblement, le concept de développement durable s'enracine chez lesconsommateurs européens, et nombre d'entre eux commencent à modifierleurs manières d'acheter. Si la majorité demeure très sceptique quant à lavolonté sincère des entreprises de mettre en oeuvre l'éthique dont elles serevendiquent (seuls 36% des personnes interrogées leur font conscience pour« respecter réellement leurs engagements éthiques », dont 4% « tout à faitconfiance »), ce jugement pessimiste a au moins l'avantage de rendre lesconsommateurs plus conscients de leurs responsabilités en matière d'achat.

Le prix reste, en effet, le premier critère de leur choix (pour 81%) - etcette tendance est la même quelque que soit, ou presque, le niveau desrevenus. Toutefois, alors que 85% déclarent être sensibles à la marque desproduits, 77% prennent en compte les conditions de production, et 67% lepays de provenance, même si ce n'est pas encore un réflexe.

La grande nouveauté de ces résultats est que cette tendance à porterattention à l'éthique de l'approvisionnement est partagée par l'ensemble desconsommateurs, y compris ceux dont les revenus sont les plus faibles et quele critère « marque » est peu à peu rattrapé par des critères plus éthiquementqualitatifs.

L'éthiquement correct dans la mode

Les vêtements écologiques ne ressemblent plus en rien à des camisoles enpilou, sans formes ni couleurs. Et surtout, ils quittent leurs chasses gardéeshabituelles (l'outdoor, l'univers du chanvre...) pour se glisser tranquillement

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dans les armoires . Mieux : la mode est aujourd'hui parfaitement compatibleavec la responsabilité sociale et les préoccupations environnementales.

Cette année en effet, le phénomène gagne tous les secteurs, descréateurs à la grande diffusion. Le marché français est lui aussi touché.Vanessa Bruno vient de s'engager auprès de la Fondation Nicolas Hulot surun projet de tee-shirts en coton biologique. Chez Somewhere, la collectionprintanière veut renouer avec son leitmotiv originel «envie de naturel», et sedote d'une toute nouvelle ligne baptisée BIO, disponible à partir de mai surcatalogue, Internet, et dans les vingt et un magasins de la marque. MêmeH&M revendique 5% de coton bio dans certains produits de ses collectionsenfant et bébé. Soit tout de même 400 000 pièces concernées en 2004... Ennovembre dernier, cette mode «éthique» a même défilé et tenu salon à Parislors du premier «Ethical Fashion Show» organisé par la reine des free-markets, Isabelle Quéhé, avec l'aide de la Mairie de Paris, du groupe PPR etdu ministère des Affaires étrangères. Succès oblige, le prochain rendez-vousest programmé pour octobre 2005 à Paris, au moment de la semaine de lamode.

Il y a trois ans, Ideo est lancé, une marque de tee-shirts, de sweats etde layettes (25€ le tee-shirt), réalisés dans du coton biologique issu ducommerce équitable, ou dans des ouates de polyester recyclé. L'an dernier,l'entreprise a doublé ses ventes et recruté deux salariés. Au total, le vetementest trois fois plus cher à fabriquer, mais aucune dépense n’est faite enpublicité, les locaux et les salaires sont modestes.

Sans minimiser la prise de conscience générale en faveur d'uneconsommation plus intelligente, la tendance éthique devra sûrement sapérennité à d'autres facteurs. L'industrie de l'habillement doit en effet faire faceà plusieurs problèmes : les réserves de pétrole s'amenuisent, or les fibressynthétiques comme le polyamide ou le polyester sont issues du pétrole. Lesprix du coton «traditionnel» chutent en raison d'une surproduction au niveaumondial. Les pays producteurs de coton subissent de vraies crises sanitaires(pollution des nappes phréatiques, contamination des personnes lors de larécolte...), etc. Il va donc falloir trouver des solutions alternatives, recycler etutiliser la biomasse autrement. Citant une étude réalisée en 2004 sur «lestextiles du futur», Jean-François Monnet, ingénieur au sein du cabinet-conseilExpertise Textile de la Fédération de la maille, explique que «la production decoton biologique est marginale en volume actuellement, mais elle devraitconnaître un développement rapide dans la filière habillement. Et ce n'est pasuniquement une question de conviction ou d'éthique. Le coton biologique aune véritable valeur ajoutée, économiquement réaliste. Ses cours résistentmieux à la concurrence. Et si sa production mondiale représente aujourd'hui 6000 tonnes par an, soit 0,03% de la production totale de coton, elle pourrait, àterme, atteindre 5 à 10%».

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Stratégie de communication commerciale

CIBLES

Cible principale : - B to B : Sérigraphes, grossistes.- B to C : Enfants des baby boomers et génération

suivante.-

Coeur de cible : - Les consom’acteurs- Les consommateurs férus de mode

Cible secondaire : - Journalistes généralistes intéressés par la façon éthiquede faire de AA

- Journalistes spécialisés dans le textile, dans lemanagement

Motivations : - Engagement social- t-shirts dans l’air du temps no logo

Freins : - Prix plus cher que d’autres t-shirts- La différenciation ne réside pas dans un logo

POSITIONNEMENT

Une ligne de vêtements qui allie responsabilité sociale et look branché.

OBJECTIFS

Cognitif : On peut produire un t-shirt sans exploiter

Conatif : Réussir a faire acheter le consommateur pour le conceptplus que pour le prix

Affectifs : Engager le consommateur dans un développementdurable humain

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MARKETING MIX

Produit

American Apparel peut setarguer d’offrir un choixvraiment varié, la gammeest large avec des lignesde produits profondes cequi lui permet de satisfairetous les segments de laclientèle, d’obtenir unemeilleure rentabilité desefforts marketing. Il s’agitaussi d’une arme qui réduitla vu lnérab i l i té del'entreprise en cas demévente sur un produit. Il ya une certaine stabilité auniveau de la production. Leclient peut retrouver lemême tee shirt acheté il y3 ans.

Les inconvénients d’unegamme longue n’existentpas chez AA. Le premier étant incontestablement l’accroissement des coûtsde production et de distribution mais il s’agit du savoir faire même d’AA. Cetteentreprise a fait le paris de tout produire aux États-Unis, de payer des salariéscorrectement, de jouer avec les charges patronnales plutôt que de les éviter etde mettre en place une véritable gestion des coûts et des flux de tout type ausein d’une même structure.De plus une gamme longue entraîne souvent un alourdissement des stocksmais à ce niveau aussi, AA joue sa carte du tout en un, les stocks sont placésdans cette même usine de 74 500 m2 où se trouve tous les serives d’AA, lagestion n’en est donc pas plus lourde.

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Prix

Chez « AA », le prix est considéré comme un élément « neutre » du mix.L’efficacité commerciale se joue plus sur le produit et les valeurs que lamarque véhicule. L’entreprise essaye au maximum de faire des produits auprix raisonnable en adéquation avec ses engagements sociaux.« AA »n’avance pas au détriment d’autrui, au lieu de payer ses t-shirts 30centimes d’euro en les délocalisant en Chine, « AA »dépense 15 euros en lesproduisant à Los Angeles. Ce qui explique le prix un petit peu plus élevé parrapport à une marque vendant elle aussi des vêtements basiques mais quiexternalise sa production.

Aux Etats Unis, les t-shirts de la marque sont vendus autour de 12euros. Les magasins européens vendent environ 50% plus cher qu'aux Etats-Unis bien que la marque souhaiterait à terme ramener cet ecart autour de30%, afin de tenir compte essentiellement des frais de transport.L’entreprise ne procède à aucune action de promotions et à aucune solde.

Distribution

L’entreprise cible deux types d’ acheteurs :- les consommateurs- les imprimeurs - sérigraphes

Un des succès de l’entreprise réside dans l’intégration verticale. Tousles vêtements vendus dans les boutiques de Dov Charney sont fabriqués dansla seule usine de Los Angeles. Aucun intermédiaire (leur rémunérationdiminue les marges) ne se glisse entre la production et son écoulement, unesituation qui comporte des avantages. Plus de flexibilité, si une commande de20000 t-shirts par un magasin est faite il n’y a pas de perte de temps etl’entreprise réagit de suite car il n’y pas de sous-traitance. Cette organisationpermet également un meilleur contrôle sur la qualité des produits.

Pour le marché européen, une base européenne en Allemagne fait lelien entre l’usine américaine et les magasins européens.

Methodes de ventes

Business to Business et Business to consumer :Vente à distance sur son site Internet (www.american-apparel.com) et parcourrierUniquement Business to consumer :

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Vente en magasin en libre choixRéseau de distribution intégré(les points de vente appartiennent à l’entreprise)

Le point de vente

>Sa localisation/Son implantationPolitique d’implantation sélective, le trafic n’est pas leur priorité. En

Europe, American Apparel a ouvert des boutiques récemment en Allemagne(Berlin, Dusseldorf, Francfort), en Angleterre (Londres) et à Paris.La boutique parisienne par exemple se trouve, pas très loin de la boutiquehype Colette, mais a l'écart des grosses artères plus fréquentées, au mètrecarre plus cher. L’entreprise souhaite que les clients viennent à elle, même sielle souhaite vendre au plus grand nombre. En France, la marque n’étantimplantée que depuis fin 2004 seulement à Paris dans un quartier branché, lamarque est majoritairement connue d'une clientèle «avertie».

>Son aménagement

L'aménagement du magasin n'estpas lié à un règlement fixe, mais reflètel'esprit de l'entreprise. Un intérieur clair etfrais avec des éléments, des meublessobres , des murs blancs et le parquetcouleur miel influencent l'atmosphère. Acôté des photos de la campagnepublicitaire de l'entreprise, les séries deteeshirts unis sont mise en valeur par undécor blanc. Celui ci fait ressortir lescouleurs d'une collection qui habille toutela famille. Sans oublier le chien. Lesdivers vêtements sont disposés sur lesétagères, les penderies et les tables. La vedette c'est le produit ! Un systèmed'éclairage simple, mais performant et flexible, avec un design clair complètece concept d'une manière optimale.Les valeurs de l’entreprise figure sur ladevanture de la boutique sous la forme d’un panneau qui liste sesengagements : du made in Los Angeles, des salaires décents, etc

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Publicité

La forme

Le minimalisme, AA ne base pas sonargumentaire sur ses plus produits, lesvisuels sont épurés. Photographies, avecune griffe d’amateurs, de modèles avecjuste le vêtement de la marque. Pourfond, une plante verte, un mur blanc, uncanapé..Épuré parce que le principal ne résidepas dans la body copy, dans l’accroche,le sens de lecture y est simple. Le nomde la marque, les points de vente sontécrit à côté d’un modèle, La culotte AAportée par Cynthia, la stagiaire du service marketing ou autre sur lequel onretrouve quelques informations. Les critères de l’objective beauté ne sont pas

prix en compte. Tout comme les critères usuelsdu marché du textile sont ignorés.

Le fond

« AA » ne se couche sur papier glacéque pour montrer des produits et non pourparler d’elle. « AA » n’a pas besoin de dire, declamer dans chaque publicité qu’elle estéthique à l’inverse de toutes les marquessurfant sur la vague équitable.Son accroche : SWEAT SHOP FREE (sansusine à sueur) s’oppose auSWEAT SHOP, ces usines à sueur dénoncées

par Naomi Klein dans « NO LOGO ».Donner des cours d’anglais a ses employés qui sont majoritairementhispaniques, leur accorder le droit de passer des coups de fils bref durant leurpause et cela gratuitement, 60 heures de cours de formation par an, uneassurance maladie. Les locaux sont bien éclairés et aérés, l’équipement est leplus moderne possible, des CDI, le but étant d’offrir «un emploi à vie». Cesdispositions ne relèvent pas de l'altruisme mais permettent une meilleuremotivation et une plus grande assiduité au travail ainsi qu’une baisse du turn-over, autant de facteurs concourant à une productivité et qualité maximales.

American Apparel agit et les médias parle d’elle.

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A la différence de ce qui se pratique dans le monde du textile et de ce qui sepratique dans le sphère économique mondiale, American Apparel ne surfe passur une vague éthique mais fait de cette envie de développement durable soncheval de bataille.

Une entreprise qui réussi brillament dans un monde où l’éthique est toujoursconsidéré comme une idée intelligente et primordiale mais qui au dessus de latête la Damoclès épée des consommateurs pas forcément prêts à payer pluscher pour un produit respectant l’environnement social et naturel.

Ce qui fait d’AA un leader est son rôle de précurseur en matière de prestationssociales et de gestion. En plus de la qualité et du design de ses produits, celaleur confère un avantage concurrentiel certain, d’être responsable socialementdans un monde capitaliste et bénéficiaire.

American Apparel ne reste pas dans ce flou théorique mais vit cette définitionque beaucoup sont prêts à donner sans pour autant s’y engager.