Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE - alismiri.com · Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE I. ORIGINE ET...
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Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE
I. ORIGINE ET MECANISME
L'érosion hydrique est un phénomène complexe, qui menace particulièrement les
potentialités en eau et en sol. Elle se définit comme le détachement et le transport de
particules de sol de son emplacement d'origine par différents agents vers un lieu de dépôt.
Donc, les trois étapes par lesquelles passe l’érosion sont le détachement, le transport et la
sédimentation. Cependant, il est à signaler que la pluie et le ruissellement superficiel sont à
l'origine du détachement, du transport et du dépôt des particules du sol arrachées comme
schématisé dans la figure suivante :
I. 1. Le détachement
Les principaux mécanismes conduisant au détachement sont :
1. L’humectation par l’effet de l’impact de gouttes de pluies : Les quatre processus qui
peuvent être identifiés comme responsables de la désagrégation sont :
a/ L'éclatement, correspondant à la désagrégation par compression de l'air piégé lors de
l'humectation. L'intensité de l'éclatement dépend entre autres, du volume d'air piégé, donc
de la teneur en eau initiale des agrégats et de leur porosité.
b/ Le gonflement différentiel. Ce phénomène intervient suite à l'humectation et la
dessiccation des argiles, entraînant des fissurations dans les agrégats. L'importance de ce
mécanisme dépend en grande partie de la teneur et de la nature de l’argile des sols.
c/ La dispersion physico-chimique. Elle correspond à la réduction des forces d'attraction
entre particules colloïdales lors de l'humectation. Elle dépend de la taille et la valence des
cations (particulièrement du sodium) pouvant lier les charges négatives dans le sol.
d/ La désagrégation mécanique sous l'impact des gouttes de pluie (= Détachement par
spalsh). L’impact des gouttes de pluie peut fragmenter les agrégats et surtout détacher les
particules de leur surface. Ce mécanisme intervient en général conjointement aux autres
mécanismes cités précédemment et nécessite une pluie d’une certaine énergie qui est
variable selon les sols. L’énergie cinétique des gouttes n’est plus absorbée mais est
transformée en force de cisaillement qui provoque détachement et splash.
Cette action combinée de détachement et déplacement par splash des gouttes d’eau est
probablement la raison pour laquelle on l’a souvent considéré comme le seul processus à
l’origine de la battance et de l’érosion. Cependant, il ne faut pas forcément assimiler splash
et dégradation structurale car le splash peut dans certains cas déplacer des agrégats sans
qu’aucune désagrégation n’intervienne. Les particules détachées par les gouttes de pluie
sont généralement des micro-agrégats ou des particules élémentaires < 100 mm.
La taille et l'impact des gouttes sont des facteurs importants dans ce processus de
destruction et d'arrachement (éclaboussement par effet splash).
L'énergie d'une seule goutte de pluie cause une érosion par éclaboussement ou
rejaillissement qui peut déplacer les particules sur quelques dizaines de cm, la distance
dépendant de la masse des particules et de l'angle d'incidence des gouttes de pluies par
rapport à la surface. La masse de sol détachée peut être de l'ordre de plusieurs dizaines de
tonnes par hectare et par an.
Figure 1.1. Rejaillissement du sol et de l’eau suite à l’impact d’une goutte d’eau ou effet splash (photo Le Bissonnais).
L'énergie cinétique des gouttes qui tombent est généralement utilisée comme paramètre
pour déterminer le pouvoir érosif des pluies. Cette énergie cinétique peut être très élevée
dans les régions humides ou semi-arides. En Afrique, par exemple, elle peut être deux à six
fois plus importante que dans les zones tempérées.
Les particules de sol très fines qui sont détachées de la surface par l'impact des gouttes sont
piégées entre les éléments plus grossiers et peuvent obstruer les pores de la couche
supérieure du sol et réduire considérablement le taux d'infiltration (battance). Cette
obstruction augmente les risques d'érosion et de ruissellement en surface. Les sols limoneux
sont particulièrement touchés par ce phénomène. La croûte de battance ainsi formée
s'épaissit dans les petites dépressions où l'eau stagne, permettant la sédimentation des
éléments fins. La perméabilité de la surface peut descendre en dessous de 2 mm/h en
période humide. Le micro relief s'estompe et le sol perd toute capacité de rétention d'eau
superficielle. Lorsque la croûte de battance est formée, les pluies ultérieures, même si elles
sont de faible intensité, engendreront du ruissellement.
2. Le ruissellement
L'érosion des sols se développe lorsque les eaux de pluie, ne pouvant plus s'infiltrer dans le
sol, ruissellent sur la parcelle en emportant les particules de terre. Ce refus du sol d'absorber
les eaux en excédent apparaît soit lorsque l'intensité des pluies est supérieure à l'infiltrabilité
de la surface du sol (ruissellement "Hortonien"), soit lorsque la pluie arrive sur une surface
partiellement ou totalement saturée par une nappe (ruissellement par saturation).
Ces deux types de ruissellement apparaissent généralement dans des milieux très différents,
bien que l'on observe parfois une combinaison des deux. Une fois le ruissellement déclenché
sur la parcelle, l'érosion peut prendre différentes formes qui se combinent dans le temps et
dans l'espace pouvant donner naissance soit une érosion diffuse et /ou soit une érosion
concentrée.
Il est donc à noter qu’il y a détachement par ruissellement lorsque la force de friction de
l'eau sur les particules du sol est supérieure à la résistance du sol au cisaillement comme
schématisé sur le graphique suivant :
I. 2. Le transport
Il est dû à la fois aux gouttes d'eau de pluie (par rejaillissement= effet splash) et aux eaux de
ruissellement. Ainsi, le transport est assuré par ces eaux. Cependant, il est à signaler que le
mode de transport par effet splash est généralement négligeable sauf sur pente forte. Alors
que les eaux de ruissellement sont les plus responsables du transport des particules du sol
détachées. Les modes de transport par ruissellement sont illustrés sur le graphique ci-
dessous :
Modes de transport par ruissellement
I. 3. La sédimentation
L’agent responsable de la sédimentation est l’eau de ruissellement. Les particules arrachées
du sol se déposent entre le lieu d'origine et l’aval en fonction :
1. de leur dimension
2. de leur densité
3. de la capacité de transport du ruissellement ou du cours d’eau.
Les particules se déposent dans l'ordre suivant :
1. sable
2. sable fin
3. limon.
Les argiles et l'humus colloïdal sont généralement transportés jusqu'à l'embouchure du cours d'eau où il se dépose soit après évaporation de l'eau, soit après floculation.
Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE
II. FORMES DE L’EROSION HYDRIQUE
II.1. L'érosion en nappe ou aréolaire ou laminaire "sheet erosion"
C'est le stade initial de la dégradation des sols par érosion. Cette érosion en nappe entraîne
la dégradation du sol sur l'ensemble de sa surface, autrement dit c’est une forme d’érosion
diffuse. De ce fait, elle est peu visible d'une année à l'autre.
Le signe le plus connu de l'érosion en nappe est donc la présence de plages de couleur claire
aux endroits les plus décapés. Egalement, il y a un autre symptôme de l’érosion en nappe est
la remontée des cailloux en surface par les outils de travail du sol. Les paysans disent que
"les cailloux poussent". Il s'agit en réalité d'une fonte de l'horizon humifère et d'un travail
profond du sol qui remonte en surface les cailloux. Après quelques pluies, les terres fines
sont entraînées par les pluies tandis que les cailloux, trop lourds pour être emportés,
s'accumulent à la surface du sol.
L'importance de l’érosion en nappe dépend à la fois :
- de l'intensité maximale des pluies qui déclenchent le ruissellement,
- de l'énergie des pluies qui détachent les particules susceptibles de migrer,
- de la durée des pluies et/ou de l'humidité avant les pluies.
Lorsqu’il y a l’érosion en nappe, le déplacement des particules se fait d'abord par effet
"splash" à courte distance et ensuite par le ruissellement en nappe. La battance des gouttes
de pluie envoie des gouttelettes et des particules dans toutes les directions. En fait, ce n'est
qu'après formation des flaques et débordement de l'eau non infiltrée d'une flaque à l'autre,
que naît le ruissellement en nappe. Celui-ci s'étalant à la surface du sol gardera une faible
vitesse même sur des pentes de 5 à 10 % à cause de la rugosité du sol (mottes, herbes,
feuilles, racines, cailloux, etc...) qui l'empêchent de dépasser la vitesse limite de 25
cm/seconde.
En illustration de cette forme d'érosion, voici un ensemble de photos qui montrent
clairement comment l'érosion en nappe se manifeste en plein paysage:
Avec le décapage de la couche superficielle du sol et au cours des temps, les racines sont plus exposées en surface. Ainsi, l'érosion en nappe peut se manifester in-situ comme suit:
Au cours de la battance des pluies, des particules ou même des agrégats (en particulier quand des grosses gouttes d'orage tombent sur des mottes sèches) vont quitter les mottes pour sédimenter dans les creux et y former des croûtes de sédimentation à très faible capacité d'infiltration comme illustré sur le diagramme suivant :
Fig 1.2. Diagramme de Hjulström
Ce diagramme de Hjulström montre qu'il existe trois secteurs en fonction de la vitesse des
eaux et du diamètre des particules des matériaux terreux. En fait, il renseigne sur des
informations très importantes :
1. Les matériaux les plus sensibles à l'arrachement par le ruissellement ont une texture
voisine des sables fins de 100 microns. Les matériaux plus argileux sont plus cohérents.
Les matériaux plus grossiers ont des particules lourdes qui exigent une vitesse supérieure
du fluide. Il est intéressant de noter que pour Wischmeier et al. (1971), les sols les plus
érodibles sont ceux qui sont riches en limons et sables fins.
2. Tant que les écoulements s'effectuent à une vitesse faible (25 cm/seconde), ils ne
peuvent éroder les matériaux. Pour éviter l'érosion linéaire, il faut donc s'appliquer à
étaler et ralentir les écoulements. D'où l'origine de la théorie de la dissipation de
l'énergie du ruissellement.
3. Le transport des particules fines argileuses et limoneuses s'effectue facilement, même
pour de faibles vitesses. Mais, pour les matériaux plus grossiers que les sables fins, on
passe très vite de la zone d'érosion à la zone de sédimentation. On comprend donc
pourquoi les fossés d'évacuation des eaux de ruissellement sont soit érodés s'ils sont
trop étroits ou trop pentus, soit ensablés par les matériaux grossiers qui n'arrivent pas à
circuler. C'est une des raisons pour lesquelles les fossés de diversion ne donnent pas
satisfaction dans les pays en développement, car il faut dessabler et entretenir
régulièrement les fossés et terrasses de diversion.
Au-delà d’une vitesse de 25 cm/seconde, le ruissellement, peut non seulement transporter
des sédiments fins, mais aussi attaquer le sol et creuser des rigoles hiérarchisées où la
vitesse augmente rapidement. On passe alors de l’érosion diffuse à l’érosion concentrée soit
l'érosion linéaire (griffes, rigoles et ravines).
II.2. L'érosion linéaire (micro-channel ou Rill Erosion)
Lorsque l'intensité des pluies dépasse la capacité d'infiltration de la surface du sol, il se
forme d'abord des flaques; ensuite ces flaques communiquent par des filets d'eau et lorsque
ces filets d'eau ont atteint une certaine vitesse, 25 cm par seconde d'après Hjulström (1935),
ils acquièrent une énergie propre qui va créer une érosion limitée dans l'espace par des
lignes d'écoulement. Cette énergie n'est plus dispersée sur l'ensemble de la surface du sol,
mais elle se concentre sur des lignes de plus forte pente. L'érosion linéaire est donc un indice
que le ruissellement s'est organisé, qu'il a pris de la vitesse et acquis une énergie cinétique
capable d'entailler le sol et d'emporter des particules de plus en plus grosses: non seulement
des argiles et des limons comme l'érosion en nappe sélective, mais des graviers ou des
cailloux et même des blocs.
L'érosion linéaire est exprimée par tous les creusements linéaires qui entaillent la surface du
sol suivant diverses formes et dimensions (griffes, rigoles, ravines, etc.). En fait, L'érosion
linéaire apparaît lorsque le ruissellement en nappe s'organise, il creuse des formes de plus
en plus profondes. On parle de griffes lorsque les petits canaux ont quelques centimètres de
profondeur, de rigoles lorsque les canaux dépassent 10 cm de profondeur mais sont encore
effaçables par les techniques culturales. En effet, sur un bassin versant ou une parcelle,
l'érosion en rigole succède à l'érosion en nappe par concentration du ruissellement dans les
creux. A ce stade, les rigoles ne convergent pas mais forment des ruisselets parallèles.
Griffes (Photo Roose) Rigoles
On parle de nappe ravinante lorsque les creux ne dépassent pas 10 à 20 cm mais que leur
largeur atteint plusieurs mètres et enfin, de ravines lorsque les creux atteignent plusieurs
dizaines de cm (plus de 30 cm) et en particulier, lorsqu'ils ne sont plus effaçables par les
techniques culturales. A l'intérieur des ravines on peut encore distinguer des petites ravines
dont le lit est encore encombré de végétation herbacée et surtout arbustive et qu'on pourra
fixer rapidement par des méthodes biologiques. Par contre, dans des grandes ravines qui
peuvent s'étaler sur plusieurs kilomètres, le canal central comporte des blocs rocheux,
témoins d'un charriage important et d'une certaine torrentialité.
Fig 1.3. Erosion par ravinement
Ces fonds étant mobiles, il n'est plus question de les stabiliser uniquement par des méthodes
biologiques; il sera nécessaire d'utiliser des seuils cimentés et des méthodes mécaniques
coûteuses (Tableau 1.1).
Tableau 1.1. Les formes d’incision dues à l’érosion linéaire.
Formes Tracé Longueur Largeur Profondeur
Griffe Sinueux < 1 m < 10 cm 5-6 cm
Rill Rectiligne Centaine de m 10-20 cm 5-10 cm
Rigole Sinueux Dizaine de m 5-70 cm 10- 30 cm
Ravine Peu sinueux Centaine de m 50cm à 1 m 30-50 cm
Petit ravin Peu signeux Centaine de m 50 cm à 1m 50-200 cm
La ravine est une rigole approfondie où se concentrent les filets d'eau. La rigole se
transforme en ravine lorsque sa profondeur interdit son nivellement par des simples
instruments aratoires. En d’autres termes, Le ravinement constitue un stade avancé de
l'érosion linéaire. Il y en a trois processus de ravinement (Figure 1.4) :
a/ Dans la nature, on observe le plus souvent des ravines en forme de V qui s'impriment
dans un matériau homogène, plus ou moins meuble, sablo-argileux; argileux, marneux ou
schisteux. Les versants de ces ravines évoluent par altération de la roche: en saison froide
par alternance de gelées et de soleil, en saison chaude, par alternance de périodes sèches et
d'averses. On observe en milieu méditerranéen une altération des marnes et des schistes qui
peut atteindre 4 à 10 mm par an. L'enfoncement a lieu lors des averses exceptionnelles. Une
à deux averses par an suffisent pour dégager toutes les particules accumulées durant l'année
au fond de la ravine et pour entailler le fond de la ravine par abrasion des matériaux que le
ruissellement charrie.
Au cours des saisons intermédiaires, les matériaux fins accumulés sur les versants par
altération des roches, glissent jusqu'au fond de la ravine, d'une part suite à l'impact des
gouttes de pluies, et d'autre part par formation de petites rigoles secondaires ou le plus
souvent par glissement en masse des particules saturées par l'eau. La pente d'équilibre des
versants étant largement dépassée, aucune végétation ne peut s'y installer. La lutte
antiérosive va donc s'attacher à stopper le surcreusement du fond de la ravine et à rétablir la
pente d'équilibre sur les versants.
b/ Un deuxième type de ravines en U s'observe fréquemment dans la nature sur des
matériaux hétérogènes. Soit elles ont un fond constitué de matériaux très résistants: lors des
crues exceptionnelles le canal va donc s'élargir latéralement par effondrement. Soit, la
couche de résistance se trouve en surface, le ruissellement creuse alors profondément le
matériau jusqu'à atteindre une nappe d'eau temporaire ou permanente qui va exercer une
poussée latérale sur le bas du versant jusqu'à ce que celui-ci s'effondre (sapement de
berges). Ici également il sera nécessaire de fixer le fond de la ravine, de retenir les sédiments
jusqu'à obtenir une pente d'équilibre des versants. Dans les terrains de grande culture du
bassin parisien, on peut aussi trouver des ravines en U emboîtées, développées dans des
limons de cohésion croissante depuis le lit de semence, la zone labourée et la semelle de
labour dans l'horizon B tassé non travaillé.
Figure 1.4. Processus de ravinement en relation avec leur typologie (Roose, 1994).
c/ Il existe une troisième forme de ravinement encore plus difficile à traiter: l'érosion en
tunnel (tunneling). Elle peut se développer sur des pentes faibles, dans un matériau fissuré
en surface, soit sur des sols riches en argiles gonflantes (vertisols, sols bruns tropicaux,
etc...), soit sur des marnes riches en gypse ou en d'autres minéraux solubles (fréquent dans
le bassin méditerranéen) .
Lors des orages de fin de saison sèche, les eaux pénètrent dans ces sols fissurés jusqu'à la
roche altérée, ruissellent dans ces fissures jusqu'en bas de pente où elles peuvent former
des ravines régressives.
Les fissures du sol dans lesquelles s'engouffre le ruissellement hypodermique vont se
transformer progressivement en tunnels, lesquels s'effondrent et forment des ravines
régressives qui peuvent progresser de quelques dizaines de mètres au cours des grosses
averses. Seul, le labour en sec peut colmater ces fissures et forcer l'eau à mouiller toute la
masse de sol sans s'infiltrer préférentiellement dans les mégaporosités.
L’érosion par ravinement est la forme culminante de l’érosion du sol. Les dégâts causés sont
d’autant plus importants que la stabilisation et la réparation de cette forme d’érosion sont
les plus coûteuses de tous les travaux de lutte contre l’érosion. L'approfondissement des
ravines remonte du bas vers le haut de la pente (érosion régressive). Cette forme d'érosion
peut transformer le paysage en "badlands" (Figure 1.5).
Figure 1.5. Badlands formées sur des argiles rouges à Asni au Maroc.
II.3. L'érosion en masse
Alors que l'érosion en nappe s'attaque à la surface du sol, le ravinement aux lignes de
drainage du versant, les mouvements de masse concernent un volume à l'intérieur de la
couverture pédologique. On attribue à l'érosion en masse tout déplacement de terre selon
des formes non définies, comme les mouvements de masse, les coulées de boue et les
glissements de terrain. Dans ce cas, seul l'Etat dispose des moyens techniques, financiers et
légaux, pour maîtriser les problèmes de glissement de terrain, souvent catastrophiques, et
pour imposer des restrictions d'usage aux terres soumises à des risques majeurs de
mouvement de masse.
Les phénomènes de mouvement de masse sont très nombreux dont on peut citer :
1. Les glissements : sont des décollements d'une couche plus ou moins épaisse de sol,
glissant sur un horizon plus compact (souvent de la roche altérée), servant de plan de
glissement. Ce phénomène est très courant sur les schistes et sur les marnes en voie
d'altération. Les glissements se produisent lorsque la contrainte de cisaillement dépasse la
résistance du sol ou lorsque la limite de plasticité ou de liquidité est atteinte.
2. Coulées boueuses et laves torrentielles : Ce sont des mélanges d'eau et de terre à haute
densité ayant dépassé le point de liquidité et qui emportent à grande vitesse des masses
considérables de boue et de blocs de roches de taille imposante. Les matériaux fins sont
repris ultérieurement par l'érosion hydrique en nappe ou en rigole, laissant en place une
masse de cailloux et de blocs de taille très hétérogène.
Une lave torrentielle est un mélange de matériaux solides (blocs, graviers, etc.) transportés
par un fluide visqueux (composé de sédiments fins, d'argiles et d'eau) sous l'action de la
gravité et, qui prend naissance dans le réseau de drainage.
Pour fixer les idées il est utile d'ajouter qu'une lave torrentielle ne survient qu'à l'intérieur de
chenaux préexistants caractérisés par une inclinaison souvent forte (pente > 5° en général).
Par opposition, une coulée boueuse survient suite à une instabilité de terrain dans la pente,
sans qu'il y ait un chenal. Lorsqu'une coulée boueuse rejoint un chenal d'écoulement et se
mélange à un fluide clair ou visqueux, on parle alors de lave torrentielle.
Les coulées boueuses consistent en la propagation de matériaux sans cohésion ou ayant
perdu leur cohésion dès la mise en mouvement, matériaux intimement mélangés à une
quantité d'eau telle que la masse en mouvement a franchi sa limite de liquidité. Les
matériaux susceptibles de perdre ainsi leur cohésion sont des argiles, des limons, des sols,
des roches décomposées ou des éboulis fins. L'eau peut pénétrer au sein des matériaux par
infiltration avant le déclenchement de la coulée ou au moment de la rupture par
concentration des eaux de ruissellement.
Les laves torrentielles restent difficiles à prévoir. Il n'existe pas de modèle à base physique
satisfaisant. Cependant des modèles "globaux" (aussi utilisés pour la modélisation des
avalanches) tel celui basé sur l'équation de Voellmy (PERLA 80) semblent donner des
résultats prometteurs.
Coulée Boueuse Lave
torrentielle
3. Les formes locales : Il s'agit d'éboulements rocheux ou d'effondrements de versants qui
entraînent des glissements localisés. Ceux-ci sont très fréquents en tête de ravine: ils
entraînent l'éboulement de la partie supérieure d'une ravine et font progresser la ravine
vers le sommet de la colline par érosion régressive.
En d’autres termes, les éboulements sont des chutes de masses rocheuses et ont des
mouvements rapides, discontinus et brutaux résultant de l'action de la pesanteur et
affectant des matériaux rigides et fracturés tels que calcaires, grès, roches cristallines, ... Ces
chutes se produisent par basculement, rupture de pied, glissement banc sur banc, à partir de
falaises, escarpements rocheux, formations meubles à blocs (moraines par exemple), blocs
provisoirement immobilisés dans une pente.
Les causes et les processus des mouvements de masse : La cause des mouvements de
masse provient d'une part, du déséquilibre entre la masse de la couverture pédologique, de
l'eau qui s'y trouve stockée et des végétaux qui la couvrent et d'autre part, les forces de
frottement de ces matériaux sur la roche altérée en pente sur lequel ils reposent.
Les facteurs des mouvements de masse : qui favorisent ce déséquilibre sont les secousses
sismiques, les fissurations suite à l'alternance gel/dégel ou à la dessiccation des argiles
gonflantes, l'altération de la roche, l'humectation jusqu'à saturation de la couverture
pédologique, l'humectation du plan de glissement qui devient savonneux (présence de
limons issus de l'altération des micas), des roches présentant des plans de clivage ou de
fracture préférentiels (argillites, marnes, schistes, roches micassées, gneiss). L'homme peut
accélérer la fréquence de ces mouvements de masse en modifiant la géométrie externe du
versant (par terrassement, creusement d'un talus pour installer une route ou des
habitations, surcharge d'un versant par des remblais, modification des écoulements
naturels, érosion au pied d'un versant par une rivière dont le cours est modifié, etc.). La
végétation intervient également.
II.4. L'érosion hydrographique
C’est une forme d’érosion due à la dissipation de l’énergie de l’eau dans les lits des cours
d’eau et les rivières. L’énergie de ces dernières est capable, de manière régulière ou
accidentelle (lors des inondations) d’emporter une partie des berges. On appelle ce
processus le sapement des berges. Il se produit également dans les ravins en formation
lorsque l’eau du ruissellement attaque les assises du ravin. Ce type d’érosion est étroitement
lié au volume et à la vitesse de l’eau, qui dépend de la pente et du débit.
Erosion hydrographique dans le lit d'une rivière en période estivale
En guise de conclusion sur l’importance des pertes du sol pour les différentes formes
d’érosion, nous consignons cette comparaison dans le tableau suivant :
Tableau 1.2. Quelques ordres de grandeurs de pertes de sol par type d’érosion.
Type d’érosion Perte du sol
Erosion en nappe 1 T/ha/an
Erosion en rigole 10 T/ha/an
Erosion ravine 100 T/ha/an
Erosion en badlands 1 000 T/ha/an
Sapement des berges 10 000 T/ha/an
Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE
IV. QUANTIFICATION DE L’EROSION HYDRIQUE
Les méthodes utilisées dans l’évaluation et la cartographie de l’érosion (actuelle et/ou risque)
varient en fonction des objectifs, des moyens et des échelles de travail.
La quantification peut se faire par :
- Mesures directes
- Des évaluations indirectes
IV.1. Les mesures directes
a/ Mesures topographiques : dont le principe se base sur le suivi de l’évolution
topographique de la surface du sol, notamment :
+ Mesure par rugosimètre : on estime la variation de la hauteur du sol par rapport à
un plan de référence. Voici un exemple de dispositif de mesure de la rugosité:
Le principe de mesure est comme suit:
- boîte dont le cadre est placé à 90 mm de hauteur au-dessus du plan de référence
- quatre peignes espacés tous les 150 mm (Dy), dont deux se trouvent sur le cadre et les
deux autres sont localisés ensuite par une translation contrôlée de la boîte- chaque peigne à
une longueur de 1000 mm et comporte 100 aiguilles espacées de 10 mm (Dx)
- chaque aiguille fait 200 mm de longueur
- on mesure la partie supérieure dépassant du cadre (Dz, en mm)
+ Suivi de l’évolution des ravines : on mesure la variation des dimensions de
certaines sections des ravines après chaque évènement pluvieux.
b/ Simulation de pluie : dont l’objectif est de déterminer certaines caractéristiques
hydrodynamiques des sols et ce, à petite échelle et sous diverses conditions de pluie et de sols.
L'utilisation des simulateurs de pluie présente plusieurs d'avantages puisqu'ils:
- Sont des dispositifs mobiles
- Sont capables de produire à volonté des pluies d’intensité, de hauteur et d’énergie
semblables à celles des pluies naturelles
- permettent de simuler des averses de fréquence rare qui causent le plus de dégâts
- permettent de raccourcir les temps d’observation sur le terrain.
Pour pouvoir effectuer des simulations de pluie sur le terrain, il est nécessaire de passer par
l'étape de préparer les parcelles de mesure dont voici une illustration.
Il y a plusieurs types de simulateurs des plus simples ou plus complexes. On va se contenter
dans ce cours à présenter 2 modèles. Le premier qui est très simple qui peut être même
confectionné par l'utilisateur, c'est le modèle minisimulateur type ORSTOM et se présente
comme suit:
Parcelle expérimentale installée dans la région d'oulmès au Maroc pour l'étude de l'érosion sous matorral.
C'est un simulateur qui a été mis au point par Asseline et Valentin (1979), il n’arrose que
quelques mètres carrés. Il comprend un gicleur fixé sur un système qui se balance au
sommet d'un derrick de 4 m de haut. La variation de l'angle de balancement permet de
simuler des séquences de pluies d'intensités différentes programmables. Le ruissellement, et
sa charge solide sont mesurés au bas d'une parcelle de 1 m2. Ce dispositif permet de suivre
avec précision, la dynamique de l'infiltration, et de tester la détachabilité de la surface d'un
sol, mais pas l'érosion, car la faible longueur de pente ne permet pas à l'énergie du
ruissellement de s'exprimer. Cette méthode a donné lieu à de nombreuses applications par
les pédologues et les hydrologues dans les pays tropicaux, tempérés et méditerranéens. Elle
exige malgré tout beaucoup d'eau (100 à 600 litres), du personnel (2 à 4 techniciens
entraînés), du matériel et ne s'applique facilement que sur des pentes de 2 à 30 % et sur des
sols dont l'infiltration est réglée par l'état de surface et non pas par l'engorgement des
horizons profonds.
Le deuxième modèle qu'on va présenter est celui de l'irrigateur manuel à rampe:
Ce dispositif permet de simuler des pluies de différentes intensités qui peuvent atteindre
150 mm/h sur des échantillons de sol correspondants à la « surface élémentaire
représentative » d’une parcelle cultivée (10 m² sur 0,3 m de profondeur), avec une pente
variant de 0 à 20%.
L’irrigateur manuel à rampe est une version simplifiée à l'extrême de simulateur de pluies
dont le cadre de mesure est semblable à celui qui est utilisé pour le simulateur ORSTOM, ou
peut être adapté au mouvement des bras porteurs ou à la répartition de l'hétérogénéité de
la surface du sol.
c/ Mesures par l’étude du transport solide :
c1/ Transport en solution : sa mesure est relativement facile puisque les concentrations en
matières dissoutes sont en général homogènes dans une section. Ces concentrations sont
liées à la conductivité qui est facilement mesurable in situ. Une formule établie par Richard
et N’Guyen montre cette relation comme suit :
C(mg/l) = K/R (ohms/cm.cm2)
Avec:
R< 100 K= 767090
100<R<1200 K= 684207
1200<R<3000 K= 645760
3000<R<6000 K= 694156
6000<R<20000 K= 854788
R>20000 K= 1231301
c2/ Transport en suspension : son évaluation peut être faite insitu ou au laboratoire.
En générale, le nombre de mesures est petit. En fait, on peut faire :
1. soit une seule mesure verticale au milieu ou au point le plus profond de la section ;
2. soit quelques mesures (2 à 5) réparties sur la section. Ainsi, Colby a établi un abaque pour
la détermination du nombre de verticales à réaliser en tenant compte de la granulométrie
des sédiments et d’un coefficient hydraulique:
Avec V : est la vitesse moyenne sur une verticale
et D : est la profondeur de cette verticale
Généralement, on estime que 80 à 90 % du transport des solides se font au cours des périodes
de crue durant lesquelles les conditions du travail sont les plus défavorables (manque de
données).
c3/ Transport de fond : peut être estimé selon plusieurs méthodes à savoir des pièges à
sédiments installés au fond de la zone active du lit, des fosses creusées au fond du lit ou aussi
par marquage isotopique des sédiments. Cependant, sa mesure est imprécise.
d/ Mesures par l’étude de la sédimentation dans les retenues : L’estimation de la
quantité des sédiments déposés dans une retenue dépend de deux paramètres : la densité et le
volume des sédiments.
La densité des sédiments est variable en fonction du temps et en fonction de la position dans
la retenue. Elle varie en fonction de la granulométrie, la composition minéralogique,
l’épaisseur des dépôts, le niveau de l’eau dans la retenue et l’âge des dépôts.
Quant au volume des sédiments, il est déterminé sur la base d’une comparaison de la
topographie de la cuvette avant et après mise en eau du barrage. La détermination de la
profondeur des sédiments par rapport à la surface d’eau est appelée bathymétrie.
IV.2. Les mesures indirectes
IV.2.1. La modélisation
Il ressort que les phénomènes d’érosion sont le résultat d’interactions complexes variables
dans le temps et l’espace. Dans une optique d’évaluation des risques ou d’établissement de
schémas d’aménagement pour la conservation des sols, le recours à la modélisation peut
constituer un outil d’aide à la décision. Le but de cette partie n’est pas de dresser une liste
exhaustive des démarches et modèles existants, mais plutôt de décrire les principales
approches développées actuellement.
Cependant, on peut rappeler que la modélisation a pour objectifs d'une part, de tester notre
compréhension des processus intervenant dans la dégradation des sols par l'érosion et d'autre
part, prévoir les risques futurs sous des conditions variables.
a/ Les modèles empiriques : cas de l’équation universelle (modèle de WISCHMEIER) :
L'UNIVERSAL SOIL LOSS EQUATION (USLE)
Principes
De nombreux essais ont été conduits aux Etats-Unis par différents auteurs, dès 1932 sous la
direction du service de la conservation du sol et du ministère de l'agriculture. En 1959,
Wishmeier a finalement abouti à l'" universal soil loss equation " dues à l'érosion pluviale
(pluies et ruissellement) puis en 1978 la Revised Universal Loss Soil Equation. Cette équation
est utilisée aux Etats-Unis depuis cette date en agriculture. Son principe est de comparer
l'érosion d'un site quelconque à l'érosion d'une parcelle témoin ayant une longueur de 22m et
une pente de 9% sur jachère nue, c'est à dire labourée périodiquement de manière à ce
qu'aucune végétation ne puisse s'y développer et telle que le sol ne puisse former une croûte
superficielle.
Ce modèle empirique établi à partir du traitement statistique des résultats de nombreuses
mesures en parcelles expérimentales menées sur plus de 20 ans exprime les pertes en sol
comme le produit de différents facteurs selon la formule :
A = K * R * L * S * C * P
A est la perte de sol due à l'érosion et constatée par unité de surface pendant une période de
temps déterminée. A est exprimé dans les mêmes unités que K
R est appelé facteur pluie ou indice d'érosivité (rainfall factor). Il a été défini comme le
produit de l'énergie de la pluie par son intensité maximum en 30 minutes. Il peut aussi être
considéré comme l'indice moyen annuel d'érosion par la pluie. Ainsi ont été dressées des
cartes d'iso-érosion hydraulique pour le sud-est des Etats-Unis. Deux seuils empiriques ont été
adoptés aux Etats-Unis, l'un associé à une hauteur de pluie de 12.7mm au-dessous duquel on
ne considère pas les précipitations en considérant que leur indice d'érosivité est faible, et
l'autre qui retient les pluies de 6.35mm tombées en 15 minutes donc d'intensité supérieure à
25.4mm/h sur une période de 15 minutes.
K est appelé le facteur sol et caractérise l'érodabilité de ce sol (soil erodibility factor). Elle
peut être définie comme la susceptibilité du sol à l'érosion et est établie par rapport à une
parcelle standard, évaluée en tenant compte de la texture, de la teneur en matière organique,
de la structure et de la perméabilité du sol sans tenir compte du couvert végétal et des
pratiques culturales. Il a été établi après le travail sur 8 sols limoneux et varie de 0.58 à
1.12T/ha suivant les types de sol rencontrés. Pour le calculer, on utilise des abaques prévus à
cet effet.
S * L Le facteur pente et déclivité tient compte à la fois de la longueur de la pente (L) et de
son inclinaison (S). Dans la pratique, les deux facteurs de pente, L et S sont combinés en un
seul facteur topographique qui permet d'évaluer globalement l'influence de la pente sur la
vitesse de l'érosion. Des formules, tables et abaques permettent de quantifier les valeurs du
facteur topographique.
Abaque d'estimation du facteur topographique LS.
C Le facteur de couverture végétale est défini dans l'USLE comme le rapport entre la perte
de sol d'une parcelle cultivée dans des conditions définies et la perte de sol correspondante
d'une parcelle cultivée en jachère nue continue. C'est une mesure de l'efficacité relative des
systèmes de gestion des sols et des cultures dans la prévention ou la réduction de la perte de
sol. La valeur du facteur C est conditionnée par plusieurs variables et leur interaction
nécessite des renseignements sur la voûte de verdure (feuilles et branches qui interceptent les
gouttes de pluie et dissipent une partie de leur force érosive), la couverture végétale (résidus
de culture et végétation vivante sur la surface du sol), la biomasse du sol (toute la matière
végétale dans le sol; les résidus aident à améliorer l'écoulement de l'eau dans le sol et la
capacité de rétention du sol) le travail du sol (type, période et fréquence de travail du sol ce
qui influe sur la porosité, la rugosité de surface et la compaction du sol). Chaque variable est
traitée comme un sous facteur et C est le produit de ceux ci. Des tables fournissent les valeurs
des facteurs C pour les principales cultures et rotations pratiquées aux Etats-Unis
(Wischmeier et Smith, 1978). Dans une rotation triennale traitée classiquement, la valeur du
facteur C est essentiellement contrôlée par les ameublissements, les traces de passage d'outils,
l'évolution du couvert au cours du cycle végétatif des cultures et après celles ci, par la quantité
de résidus laissés en surface. Ce facteur varie de 1 sur sol nu à 1/1000ème
sous forêt, 1/100ème
sous prairies et plantes de couverture, 1 à 9/10ème
sous cultures sarclées.
P le facteur des pratiques de soutien (ou pratiques culturales anti-érosives) est une mesure
des effets des pratiques visant à modifier le profil, la pente ou la direction de l'écoulement du
ruissellement en surface et à réduire ainsi l'érosion. On y trouve la culture en pente
transversale, la culture en courbes de niveau, la culture en bandes alternées, l'aménagement de
terrasses et l'aménagement de voies d'eau gazonnées. C'est le rapport de la perte de sol
observée sur le terrain étudié travaillé mécaniquement d'une certaine façon et protégé contre
l'érosion d'une certaine façon avec celle qui aurait lieu si le terrain était labouré fréquemment
dans le sens de la plus grande pente (suivant les pratiques et suivant la pente). Il varie entre 1
sur sol nu sans aucun aménagement antiérosif à 1/10ème
lorsque sur une pente faible, on
pratique le billonnage.
L'équation a été réactualisée en 1978 et a été rendue plus accessible aux utilisateurs grâce
notamment à des tableaux de données ainsi qu'à des graphes rendant son utilisation plus
conviviale. Avec cette équation, les services américains de l'agriculture peuvent établir des
tolérances ou des valeurs seuils de perte de terre pour des sols ou des systèmes culturaux
donnés. Le poids des différents facteurs a été évalué à partir du traitement statistique d'un
grand nombre de mesures réalisées sur un grand nombre d'années sur des parcelles
standardisées de dimensions réduites.
Si une utilisation appropriée des paramètres de l'équation permet d'avoir une idée de la
quantité moyenne de terre exportée pour différents types d'occupation du sol, cette équation a
ses limites, liées aux hypothèses de base et à ses objectifs. Elle permet de prédéterminer les
pertes en terre annuelles moyennes pour une parcelle donnée, dans des conditions bien
définies.
Critique de l'USLE
Selon Auzet (1987), la principale critique à faire à cette équation est qu'elle ne tient pas
compte des interactions entre facteurs. En effet, elle se présente sous la forme d'un produit
et fait intervenir les facteurs par leur poids statistique sans tenir compte de leur liaison
causale, négligeant alors des relations complexes. Or, dans les régions peu accidentées, à
climat peu agressif, les relations entre les facteurs sont sans doute plus déterminantes que les
facteurs eux-mêmes. Ainsi, la dégradation progressive du sol sous l'action de la pluie permet à
des pluies de plus en plus faibles de provoquer la formation d'un ruissellement et l'érosion.
L'équation ne prend en compte les interactions entre facteurs que de manière sommaire
puisqu'elle les suppose linéaires.
Par ailleurs, on ne peut restreindre et c'est particulièrement vrai dans les régions peu
accidentées le rôle de la topographie à un simple critère de gradient et de longueur de pente.
L'écoulement peut en effet exploiter les moindres micro-reliefs qui peuvent parfois être à
l'origine de rigoles et ravins de plusieurs dizaines de mètres. Il faut néanmoins noter que le
facteur topographique est considéré comme le plus "universellement" applicable de tous les
facteurs de l'équation (Bolline, 1983) du moins pour des pentes comprises entre 10 et 100 m
et entre 4 et 25 % car sur des pentes inférieures à 4%, il induit une sous estimation importante
de l'érosion. Bolline (1983) critique quant à lui les valeurs seuils retenues pour caractériser les
précipitations. Le meilleur critère de sélection ne devrait retenir que les pluies qui provoquent
ruissellement et érosion. Or, plusieurs facteurs interviennent (intensité, durée et hauteur des
pluies, humidité et structure des sols au moment des pluies ...) et il est peu rentable de prendre
tous ces termes en compte pour un indice d'érosivité empirique pratique. De ses mesures,
effectuées en Belgique, Bolline conclut que pour un climat tempéré océanique tel que celui
d'Europe Occidentale, le seuil retenu de 12.7 mm est certainement trop élevé. Il ressort en
effet de ses expériences que ces mêmes précipitations inférieures à 12.7 mm sont aussi
responsables d'une part importante du ruissellement. Par conséquent, même des pluies faibles
peuvent provoquer ruissellement et érosion. En outre, des différences apparaissent entre les
périodes estivale et hivernale mais les résultats dont on dispose sont trop peu nombreux pour
déterminer avec précision le seuil le mieux adapté à ces deux périodes. Il en déduit donc que
les deux facteurs de l'indice d'érosivité, l'énergie et l'intensité maximum en 30 minutes
doivent donc être reconsidérés car n'étant pas particulièrement bien adaptés à la prévision de
l'érosion en Europe Atlantique où les pluies sont de faible intensité et celles de forte intensité
souvent de courtes durées. En outre, l'utilisation pour les expérimentations de parcelles
expérimentales standardisées de 22 m sur 4 m à l'exclusion de tout autre échelon spatial en
font un modèle empirique qui semble peu réaliste, ne serait ce que parce qu'il ne permet pas
d'évaluer les risques liés à la concentration du ruissellement. La compréhension des différents
facteurs et des mécanismes impose de travailler à des échelles qui permettent de prendre en
compte tous les aspects de la dégradation des sols.
En résumé, ce modèle présente un certain nombre de points faibles :
- inaptitude à estimer les pertes en terre sur une courte période (saison ou épisode pluvieux
isolé) ;
- il considère les facteurs de l'érosion comme indépendants, alors qu'il existe des nombreuses
interactions entre ceux-ci ;
- il ne s’applique qu’à l’érosion en nappe puisque la source d’énergie est la pluie. Il ne
s’applique jamais à l’érosion linéaire ni à l’érosion en masse.
Cette brève revue des différents paramètres de l'USLE montre qu'il est bien difficile de
prévoir de manière fiable le risque érosif sans mesures aux champs. Néanmoins l'équation
reste un outil intéressant dans certaines conditions mais qu'il convient d'utiliser avec
précaution sans vouloir l’extrapoler systématiquement.
b/ Les modèles déterministes (physiques):
Les limites de l’USLE n’ont pu être entièrement dépassées. Les études plus récentes sur les processus
de l’érosion ont notamment mis en avant la variabilité spatiale et temporelle des paramètres
d’érodibilité. Pour pouvoir prendre en compte cette variabilité, les recherches en modélisation se
sont tournées vers une approche plus déterministe basée sur la description des processus physiques
au travers de modèles mathématiques.
Les technologies de prédiction de l’érosion basées sur les processus ne sont pas vraiment nouvelles.
Les études de Horton (1938) et Ellison (1947) dans les années 1940, ont fourni les principaux
fondements de la modélisation dite « à base physique ». Cependant ces technologies n’ont émergé
qu’après les années 1970, avec d’une part, le développement du calcul numérique et d’autre part, un
intérêt croissant dans le suivi de la qualité des eaux de surface (Foster, 1990). Durant cette période
ont ainsi été développés CREAMS (Knisel et al., 1980) et ANSWERS (Beasley et al., 1980). Le
gouvernement américain, pour remplacer l’USLE, n’a opté pour aucun de ces modèles. CREAMS,
parce qu’il est en parti basé sur l’USLE et ANSWERS, était jugé trop difficile d’utilisation pour des fins
appliquées, comme beaucoup des équations utilisées dans les modèles déterministes (Foster, 1990).
Sous la tutelle de Lane, le projet WEPP a été lancé pour « développer un modèle à base physique
sous une forme facile d’utilisation ». On retrouve des démarches similaires en Europe avec le
développement des modèles EUROSEM, (Morgan et al., 1998) ou LISEM (De Roo et al., 1996a, b). La
modélisation à base physique décrit l’érosion au travers de représentations mathématiques des
processus hydrologiques et érosifs fondamentaux. Les processus pris en compte sont le détachement
par les gouttes de pluie et/ou par le ruissellement, le transport par les gouttes de pluie, le transport
par le ruissellement, et le dépôt par le ruissellement (Foster, 1990). On peut, sur la base de
l’expression de ces processus, établir une division conceptuelle des phénomènes érosifs (Meyer et
Wischmeier, 1969 ; Foster et Meyer, 1975) et distinguer les processus rangs (rills) et interrangs
(interrills). Il est cependant à noter que cette distinction n’est pas toujours aisée à établir.
Tout d’abord, il n’existe pas de modèles qui ne contiennent pas de relations empiriques sur un
aspect ou un autre. De plus ces modèles nécessitent une phase importante de calibration remettant
en cause leur base physique (De Roo, 1993 ; 1998). Il est peut-être encore un peu trop tôt pour juger
des performances des approches à base physique. Cependant, il est clair que la demande abondante
en données restera une limitation sérieuse, d’autant plus que les données sont censées représenter
une variabilité spatiale toujours plus complexe avec l’avancée des recherches. Les résultats obtenus
jusqu’à présent, en termes de prédiction effective ne sont pas très encourageants. Dans la grande
majorité des publications récentes concernant l’évaluation de modèles dans des conditions neutres
(i.e. non réalisées par les concepteurs, ou réalisées par les concepteurs mais avec des données
externes), on commence à voir apparaître des doutes sur l’utilisation de ces modèles en tant
qu’outils effectifs de prédiction de l’érosion. Deux bonnes illustrations sont les conclusions publiées à
la suite des ateliers d’Oxford (Nearing and Nicks, 1998 ; Favis-Mortlock, 1998 ; Boardman et Favis-
Mortlock, 1998) et d’Utrecht (Takken et al., 1999 ; Folly et al., 1999 ; Jetten et al., 1999). Les efforts
de développement investis dans la modélisation à base physique ont permis de générer des pistes de
recherches, mais comme le déclare Bryan (2000) : « Il n’est pas du tout évident que tous les
processus et interactions impliqués dans l’érodibilité des sols puissent un jour être modélisés
physiquement ». De la même manière, Parsons et al. (1997) concluent que, si les modèles basés sur
les processus physiques permettent d’améliorer nos connaissances des mécanismes de l’érosion, il
n’est cependant peut être pas réaliste de vouloir les utiliser comme outil de prédiction de l’érosion
des sols.
IV.2.2. La télédétection et le système d’information géographique
De nos jours, les techniques de cartographie numérique, depuis les traitements d‘images
satellitaires jusqu‘aux systèmes d‘information géographique (SIG) en se fondant sur
l‘équation universelle de pertes en sols de Wischmeier sont de plus en plus utilisées. Elles
permettent d’une part, de quantifier les pertes annuelles en sols et d‘autre part, d‘identifier et
de cartographier les surfaces des sols nécessitant la plus grande priorité d‘intervention pour la
protection du patrimoine sol afin de réduire les apports solides au niveau des retenues du
barrage.
a/ L’utilisation de l'imagerie satellitaire
L'intérêt grandissant des études à échelle pluri-kilométrique et les problématiques
environnementales associées ont stimulé l'utilisation de la télédétection dans les études des
ressources naturelles et de l'environnement.
Sur la base de la connaissance des états de surface et de leur comportement vis-à-vis des
ruissellements et de l'érosion par expérimentation, la cartographie des risques érosifs est possible à
grande échelle (parcelle, petit bassin versant élémentaire) mais aussi sur des surfaces qui peuvent
atteindre plusieurs milliers de km2 grâce à des modèles spatiaux.
L'acquisition de données satellitaires (Landsat TM ou SPOT), une technique et un outil couramment
utilisés aujourd'hui, peut servir à la cartographie des risques érosifs. Si cette approche ne peut en
aucun cas remplacer les études de terrain pour établir une compréhension du phénomène, de par
son caractère spatial et temporel, elle reste la méthode de régionalisation et de mise à jour la plus
rapide et la moins coûteuse. Actuellement, on peut atteindre une précision cartographique
compatible avec des échelles de l'ordre du 1/25 000ème et de 1/50 000ème. Certes, la cartographie
directe des traces d'érosion n'est pas possible à l'heure actuelle, mais on peut en revanche étudier
des critères indirects révélant, en surface, la présence de phénomènes érosifs. Le choix de la
dégradation structurale de la surface des sols , qui favorise le ruissellement puis l'érosion, peut être
utile pour l'estimation de la gravité de l'érosion sur une grande étendue de surface.
b/ L’intérêt du système d’information géographique (SIG)
Un Système d'information géographique (SIG) est, comme son nom l'indique, un outil
informatisé dédié à la gestion de l'information géographique. Ce type de système permet
d'apporter à chacun l'information dont il a besoin pour décider et agir au mieux. C'est un outil
de représentation d'une réalité, de compréhension des phénomènes et des conditions dans
lesquelles ils se réalisent, de simulation d'alternatives et de leurs effets. C'est aussi un outil de
dialogue et de communication entre disciplines par un constant aller-retour entre observation,
interprétation, hypothèse et validation. L'utilisation de ce genre de système offre un moyen
simple, rapide et efficace à l'utilisateur, pour les études d'aménagement et de prise de
décision.
La lutte contre l'érosion hydrique en particulier et la complexité de ce phénomène imposent
aujourd'hui l'utilisation de méthodes et de moyens performants pour la gestion de
l'information géographique. C'est ainsi que la cartographie de l’ampleur spatiale du
phénomène de l’érosion est fournie en utilisant le SIG. Dans ce dernier, on peut intégrer des
paramètres des modèles d'érosion comme l’USLE permettant ainsi de faire une modélisation
spatialisée de l'érosion des sols et de la production des sédiments.
IV.2.3. Utilisation des radioisotopes : le césium-137
137Cs est un radioélément qui est apporté à la surface terrestre par déposition atmosphérique. Une
fois incorporé dans le sol, il est fixé aux particules et permet donc de suivre leur devenir.
L’établissement de l’inventaire de ce dernier dans des profils de sol non perturbé permet d’évaluer le
taux d’érosion sur un site donné. Ensuite, à l’aide de différents modèles, la perte en sol peut être
estimée sur la base des pertes en radioéléments. L’apport majeur de cette technique par rapport à
des suivis ou des expérimentations sur le terrain est que l’érosion est estimée non pas à un instant
donné mais sur une période de temps couvrant les 40 dernières années dans le cas du 137Cs. Vu son
intérêt et sa précision, cette méthode est de plus en plus utilisée. Par ailleurs, il est à signaler que
c'est une méthode qui est très coûteuse.
C’est une technique qui permet une estimation assez rapide de l’érosion et capable de prendre
en compte les variations temporelles et spatiales à l’échelle du bassin-versant. L’étude des
taux d’érosion à l’aide du césium-137 (137
Cs), bien développée depuis une vingtaine d’années,
répond à ce genre de critères. Le césium-137 est un radioélément artificiel (T1/2= 30 ans)
introduit dans l’atmosphère par les essais nucléaires. Les retombées atmosphériques ont
débuté à la fin des années 1950 pour culminer en 1963 avant de diminuer fortement jusqu’en
1970 où elles atteignent un niveau proche de 0. Elles disparaissent totalement dans les années
1980, mais l’accident de Tchernobyl en 1986 a entraîné un nouvel apport de 137
Cs dont les
retombées ont cependant été spatialement très hétérogènes. Le 137
Cs est très fortement adsorbé
sur les particules du sol et constitue ainsi un traceur de leur mouvement. En comparant la
quantité de 137
Cs contenue dans des sols supposés stables avec celle de sols en érosion ou en
accumulation, et à l’aide de modèles empiriques, on peut estimer la quantité de particules
érodées ou accumulées durant les 40 dernières années.
Finalement, on ne peut terminer cette partie du cours sans insister sur le fait que :
+ Le recours à l'une ou l'autre des méthodes est d'abord fixé par les ambitions du projet en termes
d'objectifs scientifiques, d'échelle spatio-temporelle + de moyens techniques et financiers consentis.
+ Les différentes méthodologies étudiés, qui ont chacune leurs domaines d'applications et leurs
limites, apparaissent complémentaires. Le choix de l'une d'entre elles et/ou leur couplage doit être
fait en fonction de la problématique et des objectifs de recherche.
Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE
V. DEGATS CAUSES PAR L'EROSION HYDRIQUE
Parmi les signes et effets physiques visibles de la dégradation du sol causés par l’érosion
peuvent être cités les éléments ci-dessous et ce, dépendamment des lieux à savoir les dégâts
engendrés en amont et en aval :
V.1. Sur site, c.à.d. en amont, on peut citer quelques exemples avec illustration par certaines
photos:
– Pertes en terre et en éléments nutritifs : les griffes, fines rigoles formées par l'eau,
particulièrement en haut des pentes, sur le bord des pistes ou dans les champs sillonnés par
les labours, elles deviennent des ravines par élargissement dû à la concentration de
ruissellement excessif.
Décapage de la surface du sol Terrain avec Rigoles
Figure 1.17. Différentes cas de manifestation de pertes du sol par ravinement
(photos de Persoons et Bielders) .
– Pertes d'engrais et de matière organique
– Destruction de la structure du sol :
Figure 1.18. La croûte de battance déjà formée gène la levée des maïs.
– Réduction de la profondeur du sol
– L’érosion des rives entraîne non seulement le recul des rives des cours d’eau, menaçant
ainsi la disparition d’habitats fauniques, mais également une augmentation de la charge
particulaire des eaux du fleuve. Une fois arrachées, les matières particulaires sont
transportées dans les cours d’eau, parfois sur de longues distances et se déposent sur le lit
pour former des sédiments jusque dans l’estuaire. De plus, si elles sont contaminées, elles
contribuent à la contamination du milieu récepteur en aval.
Figure 1.19. Érosion des berges par le cours d’eau d’une rivière.
– Baisse de rendement … abandon des terres
V.2. Hors site: A côté des dégâts bien visibles concernant les terres cultivées, il existe des
dégâts en aval beaucoup plus insidieux provoqué par l'augmentation du ruissellement et
l'entraînement des particules du sol. Par ailleurs, pour les zones typiquement montagnardes
notamment en milieu forestier, d’autres phénomènes tels que les glissements ou les
éboulements de terrains de grande ampleur ou les laves torrentielles ainsi l'introduction
massive de sédiments dans les cours d'eau peut être induit par l’érosion hydrique. Nous
pouvons donc, illustrer certains de ces dégâts en aval à savoir :
• charger les rivières en M.E.S (matières en suspension). L'augmentation de la turbidité des
eaux modifie l'équilibre trophique. L'entraînement des particules de sols dans les eaux
superficielles s'accompagne également de celui des intrants agricoles (engrais, pesticides) et
des polluants d'origine industrielle, urbaine et routière.
Figure 1.20. Sédiments pénétrant dans une voie d’eau.
– Inondations boueuses
– Eutrophisation des eaux de surface : L'apport important de sédiments dans les eaux de
ruissellement a pour effets biologiques et physiques néfastes sur la qualité de l’eau. Ces
apports peuvent inclure des éléments azotés et phosphatés et même des métaux lourds peuvent
être également transportés. La qualité de l’eau est détériorée par eutrophisation à cause du
réchauffement de la température de l'eau et l'intensification du développement d'algues et de
bactéries causant le vieillissement prématuré des eaux des exutoires et, par le fait même, une
perte de la biodiversité.
– Ensablement des lits de rivière
– Envasement des retenues d'eau
– Dégâts aux infrastructures routières
– Les inondations dues aux eaux de ruissellement par suite de la réduction de la capacité
d'infiltration des sols dégradés, et la baisse de niveau ou assèchement des nappes et points
d'eau à cause des pertes d'eau par ruissellement.
Figure 1.21. Exemple de dégâts de la crue du 17 août 1995 et du niveau atteint par ses dépôts
(Source : agence de bassin hydraulique de Tensift au Maroc).
Du point de vue socio-économique outre les baisses croissantes de rendements, il y a aussi
des préjudices à la société et aux générations futures suite aux pertes définitives des terres.
Chapitre 1 : EROSION HYDRIQUE
VI. LUTTE CONTRE L’EROSION HYDRIQUE
Devant ces problèmes préoccupants d'érosion, les populations développent, en générale, deux
types d'attitude:
* Les paysans sont principalement concernés par la dégradation de la productivité de leurs
champs : ils cherchent à adapter leur système de production pour optimiser la productivité de
leur terre et de leur travail. La formation de rigoles (griffes d'érosion linéaire décimétriques)
et de ravines (rigoles profondes de plus de 50 cm que les façons culturales ne peuvent effacer)
est un indicateur d'un mauvais fonctionnement du système de production. Les paysans tentent
de reboucher les rigoles et les ravines par le travail de la surface du sol, mais ils maîtrisent
rarement les problèmes techniques posés par la réhabilitation des ravines. La plupart des
études sur l'érosion dans les champs cultivés concernent l'érosion en nappe et en rigoles et
leur spatialisation est basée sur l'équation universelle des pertes en terre (USLE de
Wischmeier et Smith, 1978) laquelle tente de prévoir à long terme (> 20 ans) l'érosion en
nappe et rigoles en fonction de l'érosivité des pluies, du sol, de la pente et du système de
culture.
* En revanche, les populations urbaines et les consommateurs d'eau sont plus intéressés par la
qualité des eaux, les problèmes de transfert de boues lors des orages, de pollutions des nappes
d'eau en aval et les inondations par les effluents en provenance des champs cultivés dans les
rivières poissonneuses et les lacs. En générale, l'État charge les ingénieurs des services
publics de surveiller les forêts et les eaux douces contre toutes ces pollutions.
VI.1. Les évolutions historiques des stratégies de la conservation des eaux et du sol
Toutes les sociétés rencontrent des problèmes de dégradation du milieu par divers types
d‘érosion et ont tenté d’y porter remède par des stratégies traditionnelles adaptées aux
pressions foncières, en aménageant les eaux de surface pour améliorer la productivité des sols
et stabiliser les versants. Leur abandon ne signifie pas leur manque d’efficacité antiérosive
mais plutôt une évolution du milieu socio-économique.
VI.1.1. Les stratégies traditionnelles de lutte anti-érosive
a/ La culture itinérante sur brûlis est probablement la plus ancienne stratégie
utilisée sur tous les continents pour maintenir la productivité de la terre. Cette stratégie ne
s’applique que sur des terres peu peuplées (moins de 20 à 40 habitants au kilomètre carré.
b/ Les terrasses en gradins et les terrasses méditerranéennes sur murettes en
pierres: se sont développées 2 000 ans avant J.-C., en Asie. Ces terrasses sont apparues là où
la population est dense, les terres cultivables rares et le travail bon marché. Comme ces
aménagements exigent un gros effort pour la construction des terrasses (700 à 1 200
hommes.jours/ha), pour l’entretien des talus et la restauration de la fertilité des sols remués, il
faut que la production soit rentable ou vitale. Ces améliorations foncières ne sont acceptées
que là où les paysans n’ont plus d’autre choix pour subsister (pressions foncières, militaires,
religieuses ou économiques) ou pour produire des cultures particulièrement rentables.
Ce sont les aménagements les plus connues et les plus utilisées par les agriculteurs. Ce sont
des constructions qui arrivent à casser la pente. Ces terrasses tirent leur nom de la forme
qu’elles donnent au versant lorsque celui-ci est totalement aménagé. Les successions de
terrasses prennent en effet la forme d’un escalier ou de gradins. Ces terrasses, accrochées au
versant, doivent s’adapter à la pente de celui-ci : lorsque la pente augmente les terrasses
rétrécissent tandis que le mur (ou le talus) de soutènement prend de la hauteur.
On distingue, parmi ces terrasses, celles qui sont soutenues par un mur et celles qui sont
soutenues par un talus.
a/ Les terrasses en gradins soutenues par des talus
b/ Les terrasses en gradins
soutenues
par des murs
Figure 1.22. Une vue de versants aménagés par des terrasses soutenues par a/ des talus et par b/ des murs en pierre.
Il existe plusieurs possibilités pour construire ce type de terrasses. Cela dépend de la
profondeur du sol, de l’espace disponible et de la quantité de cailloux présents sur le terrain.
c/ les billons, les cultures associées et l’agroforesterie
Dans cette rubrique, nous allons plus détailler le type d'aménagement par billons.
Figure 1.23. Vue sur des billons.
Les caractéristiques de billons
- Les billons sont des petits cordons en terre: selon les courbes de niveau
- Ils ont une hauteur comprise entre 0,2 et 0,4 m.
- Leur largeur à la base est variable, et peut parfois atteindre 0,9 m.
- Ils sont utilisés sur des pentes faibles. Ils sont généralement construits avec une pente
très légère (2 à 3 %), qui permet l’écoulement d’une cuvette à l’autre.
- Il y a divers types de billons : des billons simples et des billons cloisonnés. Les billons
cloisonnés sont des petites cuvettes de 2 à 10 m2 entourées par des billons de terre. Les
billons peuvent également être consolidés en pierres quand la parcelle se situe dans le
lit d’un oued.
- Ils donnent une rugosité au sol, ce qui facilite l’infiltration et ralentit le ruissellement.
Ce type d’équipement sous forme de billons permet l’infiltration d’une quantité
maximale d’eau : cela permet donc la culture de nombreuses espèces Les espèces
nécessitant un apport important d’eau sont cultivées dans les cuvettes (la luzerne par
exemple), et les espèces les plus résistantes à la sécheresse sont semées sur les
billons (le maïs par exemple).
Les objectifs d’installer des billons
1. Augmenter l’infiltration de l’eau.
2. Diminuer la vitesse du ruissellement grâce à la rugosité apportée par ces éléments (et
donc une diminution de la quantité de sol arrachée).
Condition d’application / Localisation / Coût :
• Les billons et billons cloisonnés sont utilisés sur des pentes faibles (< 12 %, et
souvent proche de 3 %).
• Pour une réalisation à la main, il faut compter 10 à 15 HJ (homme jour) de travail
d’ouvriers qualifiés.
• Pour une construction mécanisée, il suffira de 1 à 2 heures par ha de travail suivant la
pente (White House).
Conception :
• La réalisation des billons se fait traditionnellement à la charrue tirée par deux bêtes.
Elle se fait suivant les courbes de niveau afin d’économiser le travail des bêtes.
• Sur les parcelles maraîchères, le travail se fait exclusivement à la main (utilisation de
la houe). Les billons sont construits avec la volonté de conduire l’eau de cuvettes en
cuvettes
Suivi et Entretien:
- Les billons nécessitent un entretien quotidien:
- Etant composés uniquement du sol :
- Ils sont sensibles aux forts orages et aux crues (notamment dans le lit des oueds). Leur
entretien consiste en la restructuration des billons les plus affaissés
- Ils sont sensibles au désherbage des cuvettes dans les parcelles maraîchères.
Avantages :
+ Augmentation et stabilisation des rendements par unité de surface cultivée.
+ Concentration de l’eau dans des cuvettes longitudinales, rectangulaires, losangiques,…
ce qui favorise l’infiltration et le stockage de l’eau dans le sol.
+ Ralentissement du ruissellement par une augmentation de rugosité du sol due aux
billons.
+ Double culture possible dans le fond des cuvettes et sur les billons suivant l’exigence
des plantes en eau.
Inconvénients
+ Possibilité de favoriser le ravinement si les billons ne sont pas réalisés rigoureusement
selon les courbes de niveau.
+ Sensibilité forte aux excès d’eau dus aux orages ou aux crues.
+ Difficulté de réalisation sur des pentes supérieures à 12 %
d/ Les alignements de pierre et les murettes combinés à l’entretien de la fertilité
par la fumure organique : Les murettes sont des petits murs construits en pierres sèches
(sans ciment ni enduit) selon les courbes de niveau. Elles permettent à la fois de débarrasser
les parcelles des pierres qui handicapent leur valorisation, de réduire le ruissellement et sa
vitesse et de piéger les sédiments transportés. Sur les pentes moyennes à fortes, on aboutit
rapidement à des terrasses progressives du fait de l’érosion hydrique et mécanique. Elles
constituent des ouvrages de LAE par la cassure de l’énergie du ruissellement mais aussi
d’amélioration des terres (humidité, profondeur) et donc de la productivité des sols. Elles sont
plus adaptées aux pentes fortes (>15 %).
Figure 1.24. Exemple de murettes.
VI.1.2. Les stratégies modernes d’équipement hydraulique
a/ La restauration des terrains en montagne (RTM) : Développée en France à
partir des années 1850. Elle a pour but de reboiser les terres dégradées de montagne et de
corriger les torrents, de protéger les vallées et les voies de communication des masses de terre
mobilisées par l’érosion et des crues dévastatrices.
b/ La conservation de l’eau et des sols (CES) : Elle a été créée aux Etats-Unis lors
de la crise de 1930. Cette stratégie vise à conseiller les paysans et à leur fournir un appui
technique et financier pour lutter contre la dégradation spectaculaire des terres des grandes
plaines agricoles (des nuages de poussière, provoqués par l’érosion éolienne, étaient capables
d’obscurcir le ciel en plein jour). La CES vise à maintenir en plus de la capacité de production
des terres, aussi la protection de la qualité des eaux si indispensable aux citadins. Les
nuisances à l'aval coûtent bien plus cher et forcent l'Etat à réagir. Cela justifie les efforts
considérables de l'Etat pour aider techniquement et financièrement les paysans (plus ou moins
volontaires selon les régions) à aménager leurs terres.
c/ La défense et restauration des sols (DRS) : qui consiste entre autres à
revégétaliser l’amont des bassins-versants, stabiliser les ravines, restaurer la productivité des
terres et protéger les barrages de l’envasement. Cette stratégie a été développée par les
forestiers dans les années 1940-1980 autour du bassin méditerranéen pour faire face à de
graves pénuries d’eau, à l’envasement rapide des barrages (en 30 à 50 ans) et à la dégradation
des équipements et des terres. La DRS est née d’un mariage de raison entre la RTM des
forestiers (reforestation des hautes vallées, correction torrentielle) et la CES des agronomes
(banquettes plantées d’arbres fruitiers). Pour les forestiers, il s’agissait avant tout de mise en
défens des terres dégradées par la culture et le surpâturage, de reforester les hautes vallées
pour restaurer par les arbres la capacité d’infiltration des sols dégradés.
Figure 1.25. DRS en pente sur bassin versant.
d/ La gestion conservatoire de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols
(GCES) : est une stratégie participative visant à mieux gérer les ressources en eau, en
biomasse et en nutriments. Cette approche a été nommée « Land husbandry » par les
anglophones et « Gestion conservatoire de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols »
(GCES) en français. Elle tient comme principe que les aménagements antiérosifs ne peuvent
être durables sans la participation paysanne, cette stratégie tient compte de la façon dont les
ruraux perçoivent les problèmes de dégradation des sols et propose l’intensification de la
productivité des terres pour faire face à la croissance démographique.
VI.2. Les mesures de lutte contre le ruissellement et l'érosion des sols
Les méthodes antiérosives sont des techniques qui agissent en modifiant le trajet de l'agent
d'érosion et en réduisant sa force. En voici quelques exemples de mesures de lutte les plus
utilisées et qui vont être traités dans cette partie selon le plan suivant:
* Amélioration de la structure du sol
* Création d'obstacles au ruissellement
Couverture permanente du sol
Rideaux
Banquettes
Levées de terre
Fossés de protection
Terrasses
Captation des eaux de ruissellement
1. Exutoires naturels
2. Exutoires artificiels
a/ Les bandes d'arrêt enherbées
b/ Les haies vives c/ Les cordons de pierres (stone bonds)
d/ Les murettes de pierres sèches (stone walls)
e/ Les Bassins de sédimentation et de contrôle du débit
* Protection des pentes contre l’érosion
a/ travaux selon courbes de niveau
b/ culture en bandes alternantes
* Correction torrentielle
1. Cas des petites ravines
2. Cas des grosses ravines
* Amélioration de la structure du sol
Le renforcement de la résistance du sol à l'entraînement par l'eau passe par l’amélioration de
la stabilité de sa structure grâce à des amendements humifères, des amendements calcaires qui
stabilisent les complexes argilo-humiques et par des bonnes pratiques de gestion du sol (mise
en défens, rotations des cultures, travail approprié du sol, … etc.).
* Création d'obstacles au ruissellement
Couverture permanente du sol
- La végétation protège le sol de l'impact des gouttes de pluies, elle ralentit les filets d'eau
superficiels et favorise ainsi l'infiltration.
- La couverture végétale peut être faite de végétaux vivants ou morts.
Couverture vivante: les cultures d'hiver évitent de laisser le sol à nu après le labour; il
peut s'agir de culture dont le cycle végétatif commence à la fin de l'automne (blé
d'hiver) ou de cultures spécifiques qui seront labourées au printemps et enfouies
comme engrais vert (ray grass).
En zone montagnarde, on peut procéder à la végétalisation des badlands pour les sols
sensibles à l’érosion par ravinement généralisé. L’installation d’une végétation à
croissance rapide tels que Eucalyptus, Acacia, pins, Atriplex, laurier rose, cactus,
etc. assure une amélioration de la couverture du sol et son enrichissement en matière
organique.
Figure 1.26. Végétalisation de badlands par Eucalyptus camaldulensis et
pin d’Alep sur banquettes au Maroc.
Débris végétaux: les pailles, les cannes de maïs, peuvent être incorporées
superficiellement (mulching). Les fragments de rameaux produits par la taille de la
vigne peuvent être laissés sur le sol.
Le rôle de la Végétation dans la protection contre l’érosion se résume en:
• L'interception des gouttes des pluies permet la dissipation de l'énergie cinétique, ce qui
diminue dans une large mesure l'effet "splash".
• Les plantes ralentissent les eaux de ruissellement par la rugosité qu’elles donnent au
terrain
• Elle augmente la cohésion du sol par son système racinaire
Rideaux
Un rideau se forme à la limite d'un champ en pente quand le labour est fait parallèlement à
cette limite. Des broussailles, puis des arbres y poussent et s'opposent au ruissellement et à
l'entraînement du sol.
Banquettes
Ce sont des levées de terre de faible hauteur (0.50 m) établies selon les courbes de niveau;
elles sont généralement plantées par des arbres permettant de valoriser les surfaces
marginales, de fixer les ouvrages et améliorer l'infiltration. Elles sont utilisées en DRS. Elles
sont des petites terrasses horizontales, perpendiculaires à la ligne de la plus grande pente, dans
le but est de remodeler une parcelle. Le talus à l’amont de la banquette dépasse rarement 1
mètre de haut. La largeur de la terrasse varie entre 0.5 et 2.5 mètres. S’il s’agit d’éléments de
banquette, la longueur est comprise entre 4 et 10 mètres.
Figure 1.27. Des coupes transversales de Rideaux et de banquettes.
Figure 1.28. Plantations fruitières et forestières sur banquettes.
Conception :
• Construire des petites terrasses horizontales, perpendiculaires à la ligne de plus grande
pente, dans le but de remodeler une parcelle.
• Ces ouvrages sont très souvent couplés avec la plantation d’arbre fruitier (dominance de
l’olivier, suivi du figuier, rosacées, grenadier, etc.).
Coupe transversale d’une banquette
associée à un fruitier.
Conditions d’application / Localisation / Coût:
• Cette technique s’applique sur les pentes faibles à moyennes (< 30 %), et sur des sols
relativement profonds.
• En réalité, les paysans les construisent sur des pentes très fortes (60%) et avec des
espacements très courts (1 à 2 m).
• Le coût par mètre linéaire, comprenant la plantation d’un fruitier (olivier ou figuier), se
situe généralement autour d’un HJ
• Si les plantations associées se font par l’Etat, il est important de sélectionner des espèces
qui suscitent l’intérêt des populations locales. Cela permet une bonne intégration dans le
système d’exploitation et garantit le suivi et l’entretien par le propriétaire et donc une
durabilité à moindre coût.
Suivi et entretien
• Etant peu consolidés, ces ouvrages doivent faire l’objet d’un suivi attentif.
• Un contrôle est nécessaire après chaque averse.
• Même s’il s’agit d’aménagements de l’Etat, l’entretien doit être fait par le propriétaire
bénéficiaire. Il doit veiller au maintien du bourrelet et du talus et s’occuper des arbres
mis en place. Le suivi de l’espèce fruitière dépend de l’intérêt des populations.
Levées de terre: ce sont des banquettes plus importantes (jusqu'à 1,80 m de hauteur); elles
sont plantées d'arbres.
Fossés de protection:
Ces fossés sont creusés en amont du terrain à protéger pour intercepter les eaux de
ruissellement. Ils sont enherbés. Ils débouchent dans un exutoire adéquat.
Les fossés sont construits, perpendiculairement à la plus grande pente, sur les versants pentus
(40 à 60%) afin de valoriser les terres de montagne. Par leur disposition le long des courbes
de niveau, ils permettent de réduire le ruissellement, améliorer le stockage d’eau dans le sol et
favoriser la production fruitière.
Terrasses :
On les trouve sur les versants et dans les fonds des vallées, entre les lits des oueds et le début
des fortes pentes. La construction se fait sur les sols profonds afin d’éviter d’aller dans la
roche mère. Il n’est pas recommandé de les construire sur les pentes faibles (10 %) du fait de
leur coût prohibitif. Elles ont aussi pour but de créer une SAU supplémentaire utilisable pour
les cultures vivrières qui sont associées souvent à des plantations d’arbres fruitiers.
Figure 1.29. Les oliviers sur terrasse.
Dans cette section, nous allons aborder deux types de terrasses: les terasses qui sont soutenues
par des murs en pierres sèches et cellesqui sont soutenues par le talus.
Terrasses soutenues par des murs en pierres sèches
Description:
• Cette technique s’applique aux pentes moyennes à fortes, où la charge caillouteuse est
importante.
• Les murs sont alignés suivant les courbes de niveau et dont l’espacement augmente
quand la pente diminue.
• Les dimensions des murs:
Hauteur: de 1 à 3 m
Base: de 0,4 m à 0,8 m
Longueur peut dépasser plusieurs dizaines de mètres.
• La dimension de la terrasse entre deux murs:
Largeur: de 3 m à 15 m;
• Souvent, cette technique est couplée à un système d’irrigation.
Figure 1.30. Schéma descriptif d’une terrasse irriguée.
Figure 1.31. Aménagement en terrasse associé à un système d’irrigation.
Condition d’application / Localisation / Coût
• La construction de ce type de terrasses dépend de:
- la profondeur du sol,
- l’espace disponible
- la quantité de cailloux présents sur le terrain
• Elles sont conçues pour les terrains à pentes fortes
• Selon les conditions de travail (disponibilité en pierre, les difficultés du terrain) : un
mur de 1,2 mètres de hauteur et d’une longueur entre 1 et 5 m exige 1HJ.
Conception
Il y a plusieurs manières d’aménager des terrasses selon les conditions de la zone
considérée. La première méthode est de construire le mur et d’apporter le remblai et la
terre, à l’aide de la traction animale, depuis les fonds de vallée. Cependant, si la profondeur
du sol le permet, la pente peut être entaillée ; ceci permet de limiter les volumes de remblais
et de disposer de terres.
Construction d’une terrasse.
Coupe transversale d’une terrasse en construction.
Terrasses construites sur berge et
consolidées par des murs en pierres sèches.
Suivi et entretien
• Les travaux d’entretien sont très faibles voir inexistants.
• Lors des premières années, il faut porter une attention particulière aux points sensibles
de la construction comme le sommet et les extérieurs.
• Après de fortes précipitations, surveiller les décrochements ou les éboulements
provoqués par ruissellement.
Terrasses soutenues par des talus
Description
• Les terrasses sont confectionnées selon les courbes de niveau
• Ces talus ont généralement une hauteur comprise entre 1 et 2,5 m suivant la pente du
versant
• La dimension de la terrasse:
Largeur: 4 à 10 m
• Les talus peuvent être laissés à nu sur les sols peu érodables et peu pentus.
• Les talus sont plantés d’herbacées ou d’arbres fruitiers sur les versants pentus et
sensibles à l’érosion.
Une vue sur des terrasses soutenues par des talus dans la zone de culture
du safran (Siroua au sud du Maroc).
Condition d’application / Localisation / Coût
• La construction se fait sur des sols profonds afin d’éviter d’atteindre la roche-mère lors
du terrassement
• Il n’est pas recommandé de les construire sur des pentes inférieures à 12 % du fait de
leur coût prohibitif
• Sur des pentes > à 30 %, la surface cultivable perdue devient trop importante pour
rentabiliser cette technique. Alors mieux vaut se tourner vers des terrasses soutenues
par des murettes de pierres)
• Le coût est assez important: pour réaliser entre 4 et 6 mètres de talus, il faut 1HJ.
Coupe transversale schématique des terrasses avec talus.
Suivi et entretien
• Ces talus requièrent en général peu d’entretien, surtout s’ils sont plantés en herbe ou en
arbres
• Il est nécessaire d’entretenir le sillon au pied du talus, afin de permettre le drainage et
l’évacuation des eaux excédentaires pendant les orages
• Il faut entretenir les billons ou billons cloisonnés si la parcelle en est pourvue
• Les paysans doivent laisser une marge d’au moins 50 centimètres entre le bord du talus
et le dernier labour.
Avantages des terrasses
• Permet de valoriser les terrains en pente
• Bonne infiltration et maintien des sols fertiles (terres arables) grâce à la contre-pente,
ce qui induit des rendements importants
• Ouvrages massifs résistants aux orages si le labour est bien réalisé (résistance accrue
par une consolidation avec des pierres)
• Entretien peu important et faible nécessité de matériaux de construction en cas des
terrasses sur talus.
Inconvénients des terrasses
• Technique qui demande beaucoup d’investissement pour sa mise en place (parfois
besoin d’ouvriers extérieurs)
• Perte en superficie cultivable mais possibilité d’y planter des arbres
• Doit suivre les courbes de niveau
• La pente maintenue sur les terrasses doit être très faible
• Risque d’effondrement du talus si le labourage est mal réalisé
• Seules les pentes comprises entre 12 et 30 % assure une rentabilité à l’ouvrage.
Captation des eaux de ruissellement
Les exutoires servent à recueillir les eaux de ruissellement apportées par les ouvrages de
canalisation.
1. Exutoires naturels: ce sont des prairies permanentes installées dans des dépressions
pouvant être fauchées ou pâturées, des bois ou taillis sur pente faible composés d'espèces à
fort pouvoir de pompage (peupliers, saules...), des petits ravins à couvert végétal...
Exutoire naturel sous forme de petit ravin au travers
duquel de la végétaion est installée.
2. Exutoires artificiels:
a/ Les bandes d'arrêt enherbées : peuvent réduire le ruissellement de 30 ou 60 % par
rapport au témoin et l'érosion de 30 et jusqu'à 10 % du témoin (Roose et Bertrand, 1971).
L'enherbement des inter-rangs (Photo de Le Bissonnais).
L'enherbement des inter-rangs est une pratique culturale qui s'est développée comme
moyen de conservation des sols et de l'eau. L'ancrage du sol par le système racinaire
augmente sa résistance à l'arrachement par le ruissellement.
A la place de l’enherbement, on peut utiliser Plusieurs matériaux entre les inter-rangs tels
que : composts d'ordures ménagères, pailles, écorces. Le choix s'effectue en fonction des
ressources locales disponibles et d'impacts tels ceux sur le réchauffement du sol, le risque de
gelées printanières, l'apport d'azote lors de la minéralisation de la matière organique, le
risque de développement de parasites et le risque de pollution des sols par les métaux
lourds.
La bande enherbée peut de jouer un double rôle : elle permet de lutter à la fois contre
l'érosion et contre les pollutions des cours d'eau par les produits phytosanitaires d'origines
agricoles et le ruissellement des matières en suspension.
Les « bandes enherbées » protègent l'eau et jouent éventuellement
un rôle important de corridor biologique.
Exutoire artificiel sous forme de bande enherbée.
b/ Les haies vives : constituées de deux à trois lignes d'herbes ou d'arbustes plantés
en quinconce et qui fonctionnent également comme des micro-barrages perméables très
efficaces.
Figure 1.32. Haies vives renforçant le cordon de pierre.
c/ Les cordons de pierres (stone bonds) : Il s'agit de deux à trois niveaux de pierres
rangées en courbe de niveau de façon à se renforcer l'une l'autre. Ces cordons de pierres
ralentissent le ruissellement, l'étalent en nappes de telle sorte qu'il s'infiltre en moins d'une
heure, provoquant ainsi la sédimentation successive des sables, des agrégats puis des
particules fines humifères, lesquelles vont former une croûte de sédimentation. Seul
l'excédent des eaux passe au-dessus du premier niveau de pierres.
Description
• Cette technique consiste à épierrer la parcelle et à regrouper les pierres de façon à
obtenir une petite rangée (2 à 3 niveaux) alignée suivant les courbes de niveau.
• Les Grès et les calcaires conviennent bien à ce type de construction.
• Les dimensions:
- La base: varie entre 0,4 et 0,8 m
- La hauteur: 0,3 à 1 m
- La longueur: les plus longs peuvent dépasser 40 m.
• L’espacement entre deux cordons diminue lorsque la pente de la parcelle augmente.
Évolution d’un cordon pierreux.
Figure 1.33. Cordons de pierre.
Cordons de pierres suivant les courbes de niveau.
Condition d’application / Localisation / Coût
• Cette technique est favorisée par les versants pierreux, où la disponibilité et la
proximité en matière première rendent son transport facile.
• Ils sont applicables sur des pentes assez moyennes et faibles (< 30 %), où les effets
modérés de l’érosion garantissent la pérennité du système.
• Le rendement journalier est d’environ 16 mètres/homme, pour un cordon d’une
hauteur de 0,7 m.
Conception
• La conception est manuelle en disposant les pierres en lignes pour obtenir un cordon
• La construction de telle structure est progressive
• Lorsque la terre est au sommet du cordon, le propriétaire l’élève à nouveau.
• Pour rendre le cordon plus solide, le paysan peut utiliser un appui avec des souches
hautes laissées en place.
Figure 1.34. Epierrage et ramassage des pierres autour des gros blocs évoluant en cordons le long des courbes de niveau (vue de près).
Pour une meilleure consolidation de ce type d'aménagement, les paysans utilisent des
souches végétales afin d'assurer une bonne stabilité de ces cordons de pierre comme le
montre la photo suivante:
Éléments de cordon soutenus par des souches.
Suivi et entretien
• Suivi quand c’est nécessaire • Les alignements pierreux sont sensibles aux forts épisodes orageux qui peuvent les
déstructurer et provoquer leur effondrement : Les travaux d’entretien sont donc tributaires des aléas climatiques et de la solidité de la construction.
Avantages
• Valorisation des produits de l’épierrage. • Maintien de la SAU et préservation de la productivité. • Facile à mettre en place. • Diminution du ruissellement et amélioration de l’infiltration. • Construction souple et progressive. • Technique ancestrale, largement répandue et intégrable par les populations locales. • Consolidation biologique naturelle.
Inconvénients
• Nécessite des pierres à proximité. • Infiltration insuffisante lorsqu’une pente est maintenue. • Doit suivre les courbes de niveau. • Doit couvrir la totalité de la pente. • Besoin de beaucoup de pierres à proximité pour étendre l’aménagement. • Construction sensible dans les zones orageuses.
d/ Les murettes de pierres sèches (stone walls) : Il s'agit d'un mur construit
soigneusement en empilant des pierres plates calées par de petits fragments de roche. On
en trouve fréquemment dans les massifs montagneux gréseux. Pour construire un muret de
pierres sèches, il faut d'abord creuser une tranchée en courbe de niveau jusqu'à un horizon
cohérent, mettre en place, au fond et sur la paroi de la tranchée, un filtre drainant constitué
d'une couche de sable et de gravier.
Figure 1.35. Murettes.
Conception
• Les murettes sont des structures plus stables que les cordons et donc plus adaptées aux pentes faibles et moyennes (5 - 30%).
• Elles demandent une conception et une construction plus élaborée que les cordons. • Elles sont plus pérennes que les cordons. • Elles sont souvent continues là où les pierres sont abondantes. • Les écartements entre les murettes sont très variables et sont plus étroits pour les
fortes pentes. • La longueur des murettes peut concerner la largeur de tout le versant. • Les pierres sont empilées soigneusement, mais sans ordre particulier: les grosses
doivent être mélangées aux minces pour assurer une bonne stabilité. • Les dimensions de la murette:
- La base: 50 à 60 cm
- La largeur supérieure: 40 à 50 cm.
- La hauteur: 40 à 50 cm.
Coût de construction
• Il varie en fonction de la disponibilité des matériaux. De plus, une murette est plus
compliquée à construire étant donné que ce n’est pas un simple empilement de
matériaux. Pour une murette de 1 m de hauteur, un homme réalisera à peu près 1 ou
2 m par jour.
Des murettes dans la zone sud Marocain.
Terrasses avec murettes sur chemins.
Une vue de près sur une murette.
e/ Les Bassins de sédimentation et de contrôle du débit : sont des ouvrages
fréquemment réalisés pour empêcher l'érosion des berges et l'érosion en ravins. Ils arrêtent
l'érosion causée par un écoulement concentré mais sont inefficaces contre l'érosion en
nappe. Également connus sous le nom de « terrasses en canaux », ces bassins servent en
quelque sorte de réservoirs aux eaux de crues pour les petits bassins versants. Il empêche
l'érosion des terres situées en aval en contrôlant le débit de pointe de l'écoulement du
bassin versant.
Figure 1.36. Rétention de l'eau et du sol par un bassin de sédimentation et de contrôle du débit.
Le bassin de sédimentation et de contrôle du débit peut jouer le même rôle qu'une voie
d'eau gazonnée dans un système du travail conservatoire du sol. Ces bassins qui peuvent
être des lacs collinaires peuvent jouer plusieurs rôles dont le plus important est de protéger
les infrastructures hydrauliques (barrages) situées en aval.
Conception
Avant de concevoir les bassins de sédimentation et de contrôle du débit, il faut :
- étudier la topographie du terrain
- identifier les types de sols, les caractéristiques du bassin versant et la place de l'exutoire.
Avantages
• Diminuer l’impact de l'érosion des terres situées en aval.
• Limiter la concentration des flux et le ravinement des terres
• Réduire la pollution et l'envasement des cours d'eau situés en aval.
• les sédiments se déposent au lieu d'être transportés par l'eau de ruissellement.
Inconvénients
• Les réseaux de bassins de sédimentation et de contrôle du débit doivent être
soigneusement conçus par des personnes compétentes avant d'être construits.
Lac collinaire dans la région nord Marocain installé pour contrer le problème d'envasement d'un barrage en aval.
* Protection des pentes contre l’érosion
a/ travaux selon courbes de niveau: culture en courbes de niveaux (action de cultiver la terre
en suivant le relief plutôt que la pente). En ce faisant, on oriente la rugosité du sol due aux
mottes et aux petits creux, on les oriente perpendiculairement à la pente de telle sorte que
l'on ralentit au maximum la nappe d'eau qui pourrait ruisseler. Ce procédé utilisé comme
moyen de conservation des sols et de l’eau, n’est efficace que sur les pentes faibles ne
dépassant pas 4%. Sur ces pentes, les travaux selon les courbes de niveau suffisent pour
contrecarrer l’érosion en nappe (sheet erosion) que l’on ne perçoit pas toujours dans ses
débuts.
Cultures parallèles aux courbes de niveau.
b/ culture en bandes alternantes: « strip cropping » (action d'alterner en bandes étroites des
cultures labourées, perpendiculairement à une longue pente. C’est un procédé de culture en
bandes parallèles (le plus souvent parallèles aux courbes de niveau) qui est utilisé lorsque la
pente augmente et que le labour selon les courbes de niveau ne suffit pas pour arrêter
l’érosion. On peut distinguer deux types de bandes alternantes : les bandes alternantes
selon les courbes de niveau et les bandes alternantes transversales continues. La largeur des
bandes dépend de la pente, de la perméabilité du sol et de son érodibilité.
Bandes alternantes.
* Correction torrentielle
Elle s’applique au ravinement et aux torrents. Les torrents sont des cours d’eau à régime
spasmodique, à pente forte et qui travaillent dans des matériaux faciles à affouiller. Ils
provoquent beaucoup de dégâts et menacent les villages, les champs cultivés, les voies de
communication, etc
Bien que limitée dans l'espace, l'érosion en ravine est importante par les volumes de terre
mis en jeu, et par les risques qu'elle fait courir à la stabilité des ouvrages situés en amont. De
plus, les ravines servent fréquemment d'exutoires aux eaux évacuées par un réseau de
diversion.
La conception d'une installation de lutte contre le ravinement comporte trois étapes :
1. L'inspection du ravin pour déceler les causes de l'érosion : Quels changements ont-ils
pu se produire qui ont aggravé le problème? Le lit du ravin cache-t-il une source?
2. L'estimation du débit maxima de l'eau se déversant dans le ravin. Ce débit est
fonction de la topographie du bassin versant, de sa superficie, de sa végétation, du
type de sol et de la capacité du bassin de retenue des eaux. Cette étape fait appel à
des compétences techniques.
3. La mesure approximative de la longueur et de la pente du ravin. Une fois muni de ces
renseignements, on peut passer au choix de l'installation de lutte contre le
ravinement.
1. Cas des petites ravines
L'activité des petites ravines est très variable d'une région à l'autre en fonction du stade de
dégradation atteint.
Dans cette section, nous allons aborder les différentes de mesure pour lutter contre les
petits ravins à savoir la correction par la fixation biologique et par des diguettes en pierre
sèche.
Correction par fixation biologique
La fixation biologique par implantation d’une végétation arborée ou herbacée peut
constituer une armure défendant les bas-fonds. Ces types d'aménagement a deux objectifs
majeurs à savoir premièrement l'amélioration de la productivité agricole ou forestière et
deuxièmement la réduction du débit solide et la régularisation des écoulements. L'outil de
base est un seuil placé en travers de la ravine et constitué par du matériel végétal vivant.
Objectif :
• Valorisation des terrains où le ravinement commence à réduire la SAU et donc diminuer la productivité
• Limitation de l’élargissement et du creusement des ravins.
Conception / Description / Coût :
• La végétation (herbes annuelles ou pérennes, arbustes et arbres) est plantée ou
laissée pousser naturellement au fond et sur les berges des ravins. C’est un vrai
pansement biologique des plaies qu’avaient ouvert l’érosion du sol.
• Il s’agit souvent de végétation naturelle maintenue à une grande densité (chêne vert,
lentisque, oléastre, laurier rose, Tamarix, herbes, etc.) sur les fonds et les berges des
ravins.
• Parfois, - on peut planter des arbres fruitiers ou arbustes sur les berges : olivier,
figuier, vigne, agave, cactus, etc.
- ou planter des arbres à forte densité d’Acacia cyanophylla, d’Eucalyptus, de pin, d’agave, d’Atriplex, de laurier rose, de Tamarix, de rétama, de cactus, etc. • Dans les zones défrichées et érodées, ces ravins végétalisés, naturellement ou
artificiellement, constituent une sorte d’oasis linéaires.
• Le coût est très variable. A titre indicatif, pour le cas du Maroc, 100 ml de ravin
végétalisé coûte entre 3000 à 6000 dh.
Figure 1.37. Ravin végétalisé (Maroc).
Correction par des diguettes en pierres sèches
Par ailleurs, l’utilisation des petits seuils en pierres sèches peut jouer un rôle provisoire dans
la correction de ravinement avant la mise en place des seuils biologiques par de la
végétation. Ces seuils peuvent créer par leur atterrissement un milieu favorable à
l'installation des plants.
Objectif :
Il permet d’éviter le creusement du sol et l’agrandissement des ravines et rigoles de petites
dimensions aboutissant à des ravins et rigoles de grandes dimensions (50 cm de large et 20 à
30 cm de profondeur) que le ruissellement non contrôlé avait entaillé, endommageant les
parcelles et réduisant la SAU céréalière.
Conception / Description / Coût : • Les pierres sont collectées et transportées sur la parcelle à traiter. Les emplacements
sont localisés en fonction de l’ouverture de la ravine et la présence de souche sur les
berges.
• Les pierres sont déposées sur le sol sans architecture spéciale et on continue à
construire la diguette jusqu’à une hauteur qui dépasse de 10 à 15 cm du niveau initial
du sol avant l’incision par érosion.
• Les espacements varient de 2 à plus de 20 m selon l’importance de la ravine, la
disponibilité en pierres et la pente du versant.
• Le volume du travail est fonction de l’état de ravinement du champ et de la
disponibilité des pierres.
• Les paysans estiment un rdt de 6 ml/HJt.
Figure 1.38. Ravin aménagé dans un champ de céréale : seuils en pierres sèches.
2. Cas des grosses ravines
Souvent on a recours au traitement par génie mécanique. Ce type d'aménagement peut
avoir deux objectifs:
a/ Stabiliser le profil en long de la ravine dans les secteurs où la tendance générale est au
surcreusement. Ces ouvrages retiennent surtout la partie du versant qui serait peu à peu
descendue dans la ravine (par sapement de berges et par glissement) si l'incision s'était
poursuivie. Ils arrêtent l'érosion régressive au niveau de la ravine ainsi traitée. L'objectif
n'est donc pas ici de retenir beaucoup de sédiments, mais de limiter l'approfondissement de
la ravine.
b/ Retenir les sédiments dans les sections en transit où l'incision est faible.
Les principes généraux de l'aménagement des grosses ravines sont les suivants:
- Les barrages doivent avoir une grande durée de vie puisque la végétation ne pourra pas
venir prendre immédiatement le relais. Ce seront des ouvrages en dur: en gabions mais
surtout en maçonnerie de grosses pierres au mortier de ciment.
- La végétation joue un rôle important même si les barrages sont ici la partie centrale de
l'aménagement. La végétalisation des atterrissements, sauf dans la partie centrale du canal
laissée libre pour faciliter l'écoulement des crues:
• consolide les atterrissements, leur donne une pente plus forte, ce qui se traduit par un
volume d'alluvions stockés supérieur;
• canalise et recentre les écoulements et évite ainsi les sapements de berges et le
contournement des ouvrages;
• suivant le choix des espèces utilisées produit du bois, du fourrage ou des fruits dans un
milieu par ailleurs peu propice aux cultures annuelles compte tenu de la torrentialité.
- Les ouvrages doivent s'appuyer les uns sur les autres, l'écartement étant calculé en tenant
compte de la pente de compensation, c'est à dire de la pente observée au fond des ravines
sur le terrain où l'on ne constate ni arrachement, ni sédimentation. Le principe de la
correction en escalier doit être respecté si l'on veut assurer la pérennité de l'aménagement.
Un écartement trop important ou la destruction d'un ouvrage compromet à terme la
stabilité de tous les ouvrages supérieurs. En effet l'érosion régressive est particulièrement
rapide lorsqu'une masse d'alluvions tapisse le lit de la ravine. Lorsque l'écartement entre les
ouvrages est trop important, la base d'un barrage est affouillée, le coût de l'opération est
élevé (reprise de la maçonnerie en sous-oeuvre, construction d'un contre-barrage). Il est
donc économiquement plus rentable de déterminer l'écartement entre les ouvrages de telle
façon que le risque d'affouillement soit minimisé.
Lorsque l'objectif est de stabiliser le profil, il faut traiter les sections où l'incision joue
réellement un rôle. Dans ce cas, il suffit souvent d'installer des ouvrages de taille modeste
pour cesser cette incision. Lorsque l'objectif est de stocker des sédiments, on intervient
généralement plus à l'aval dans des sections à pentes faibles, ce qui permet de retenir un
volume d'alluvions plus important pour une même hauteur d'ouvrage. Cet objectif conduit à
donner une hauteur plus importante aux ouvrages.
Les travaux de correction torrentielle décrits constituent une technologie à la fois coûteuse
et fragile. Le coût est lié à l'emploi de matériaux durables (gabion et maçonnerie) et à la
nécessité de dimensionner largement les ouvrages pour leur permettre de résister aux
diverses contraintes et risques (chocs de gros blocs, cisaillement des berges instables, etc...).
La fragilité provient de ce que la destruction d'un ouvrage provoque souvent la ruine des
ouvrages situés en amont sous l'effet de l'érosion régressive.
Les barrages en gabions
Objectif: • Réduire la vitesse de ruissellement, retenir les sédiments et protéger les
infrastructures socio-économiques en aval.
• Ils sont utiles pour la correction des ravins à largeur importante.
Description / coût: • Ce sont des seuils en pierres sèches empilées dans des caisses de grillage métallique
galvanisé dites gabions.
• Ils sont implantés dans les lits de ravins.
• Les gabions sont recommandés pour les sols argileux ou argilo-limoneux.
• Les gabions ont les dimensions suivantes: 1m de largeur, 1m de hauteur et 1 à 4 m de
longueur.
Mur en gabions, construit par l’Etat (Tizgui au Maroc).
Correction par des seuils en maçonnerie
• Les ravins développés sur les formations calcaires ou marno-calcaires souffrant
d’érosion active par entailles linéaires sont traités mécaniquement par des seuils en
maçonnerie en attendant une végétalisation de leurs fonds, berges et impluviums.
• Le but des paysans est de limiter leur évolution et éviter la généralisation du
ravinement sur la parcelle.
• Elle consiste à réduire la vitesse de ruissellement, retenir les sédiments et protéger les
infrastructures socio-économiques en aval.
Description: • Ce sont des seuils en maçonnerie, qui forment des barrages implantés
transversalement dans les lits des ravins.
• Ils se prêtent pour la correction des ravins très larges.
• Les dimensions de l’alignement pierreux peuvent varier de 0.2 – 0.7 m pour la base et
de 0.5-1.5 m pour la hauteur. La longueur peut aller jusqu’à 10 m.
• En amont des alignements le ravin peut être fixé par des plantations (fruitières,
forestières,…etc) qui bénéficient de l’infiltration de l’eau sur les terrasses formées.
Conception / Description / Coût : • Quand le ravin s’étend sur une grande distance le long du versant, on installe une série
de seuils à des intervalles plus ou moins réguliers pour limiter l’action du
ruissellement et faire atterrir les sédiments.
• L’entretien est fondamental pour la pérennité des ces ouvrages.
• Ces barrages ne doivent jamais être très élevés (2 à 3 m).
• Ils ne devront pas être établis dans les terrains très argileux.
• Les coûts de réalisation se situent au niveau des travaux de creusement, du transport
des pierres et de la construction du mur.
• Le coût moyen est de 600 à 1000 dh/m3.
Figure 1.39. Seuil édifié sur l’affluent Tighzirt au Maroc et comblé par la charge solide des
crues.
Un zoom sur un seuil construit en maçonnerie sur un ravin dans la région rifaine au Maroc.
Série de seuils en maçonnerie.
L'originalité de la démarche des traitements des ravines est non seulement de bloquer
l'érosion linéaire qui creuse les ravines, de stocker quelques dizaines de m3 de sédiments
derrière les petits seuils, mais c'est aussi de valoriser l'eau stockée entre les sédiments
captés derrière les seuils.
DIX REGLES POUR L'AMENAGEMENT DES RAVINES (par Roose, 1994):
1. Tant qu'on n'a pas amélioré l'infiltration sur le bassin versant, il ne faut pas tenter de
reboucher la ravine (sinon elle trouvera un autre lit), mais prévoir un canal stable capable
d'évacuer les débits de pointe de la crue décennale (au minimum).
2. L'aménagement mécanique et biologique d'une ravine peut être réalisé progressivement
en 1 à 6 ans, mais il doit concerner tout le bassin dès la première année. La fixation
biologique d'une ravine vient consolider les versants et le fond de ravine stabilisé par
différents types de seuils; si on inverse l'ordre, les plantes sont emportées avec les terres
lors des crues.
3. L'emplacement des seuils doit être choisi avec soin selon l'objectif visé. Si on cherche
seulement à rehausser le fond de ravine pour que les versants atteignent la pente d'équilibre
naturel, il faut choisir un verrou, une gorge étroite où de nombreux seuils légers pourront
s'appuyer sur des versants solides.
Si on cherche à fixer le maximum de sédiments ou à récupérer des espaces cultivables, il faut
choisir les zones à faible pente, les confluents de ravines secondaires, les versants évasés et
construire de gros ouvrages-poids qui seront rehaussés progressivement.
4. L'écartement entre les seuils est fonction de la pente du terrain. Le déversoir aval doit
être à la même altitude que la base du seuil amont, à la pente de compensation près (1 à 10
% selon la nature du fond de ravine) qui peut s'observer sur place (zone stable sans
creusement ni sédimentation). Dans un pemier temps on peut doubler cet écartement et
construire les seuils intermédiaires dès que la première génération de seuil est comblée de
sédiments: stabiliser immédiatement les sédiments piégés avec des plantes basses dans
l'axe d'écoulement et des arbres sur les versants.
5. Pour éviter la pression hydrostatique des coulées, il vaut mieux drainer les seuils (grillage,
chicanes ou pierres libres).
6. Les seuils doivent être ancrés dans le fond et les flancs de ravine (tranchée de fondation)
pour éviter les renards et contournements. Au contact entre le sol limono-argileux et les
pierres des seuils, il faut prévoir une couche filtrante de sable et de gravier pour éviter que
les sous-pressions n'entraînent les particules fines et la formation de renards.
7. Le courant d'eau doit être bien centré dans l'axe de la ravine par les ailes du seuil, plus
élevées que le déversoir central. Ce déversoir doit être renforcé par de grosses pierres plates
+ cimentées ou par des ferrailles pour résister à la force d'arrachement des sables, galets et
roches qui dévalent à vive allure au fond des ravines.
8. L'énergie de chute de l'eau qui saute du déversoir doit être amortie par une bavette
(enrochement, petit gabion, grillage + touffes d'herbes) ou par un contre-barrage (cuvette
d'eau) pour éviter les renards sous le seuil ou le basculement du seuil.
9. Tenir le bétail à l'écart de l'aménagement: il aurait vite fait de détruire les seuils et de
dégrader la végétation. En compensation, on peut permettre des prélèvements de fruits, de
fourrages et plus tard de bois, en échange de l'entretien de l'aménagement.
10. L'aménagement mécanique n'est terminé que quand on a éteint les sources de
sédiments, stabilisé les têtes de ravine et les versants. La végétalisation doit alors se faire
naturellement si on a atteint la pente d'équilibre, mais on peut aider la nature en couvrant
rapidement les sédiments (herbe) et en les fixant à l'aide d'arbres choisis pour leurs
aptitudes écologiques et leur production. Il faut passer de la simple gestion des sédiments à
la valorisation des aménagements.
Figure 1.40. Méthodes simples d'étude du ravinement en Algérie (Roose, 2000).
- Piquets de fer à béton de 12 mm torsadé de 80 cm de long, témoins du volume creux ;
- échelle de crue gardant le témoin de la hauteur maximale en crue ;
- galets colorés mesurés, pesés, servant à estimer la vitesse maximale atteinte en crue ;
- peigne à aiguilles coulissantes pour évaluer la rugosité de la surface du sol ;
- seuils pour évaluer les sédiments « trappés ».
VI.3. L’intégration de l’approche participative dans la planification des programmes de
lutte antiérosive
Souvent, la population est généralement la ressource non sollicitée
Sans l’action participative rien de durable ne sera achevé
Il faut intégrer la population locale et ce,
* en commençant par la reconnaissance des traditions et du savoir faire des paysans
* en identifiant les besoins de la population ainsi que les contraintes et les potentialités du milieu
Il est important que les projets de la lutte antiérosive soient flexibles et s’ajustent aux
priorités paysannes quant à l’unité d’intervention. La lutte anti-érosive réalisée par des
paysans sur leur propre terrain et selon leur initiative propre est généralement bien
entretenue. Cependant, l’aménagement du territoire demeure sous l’emprise de l’état qui
dispose en plus des ingénieurs compétents, des moyens suffisants pour mener des actions
tels que la reforestation des montagnes, l’aménagement des rivières, la stabilisation des
zones de glissements de terrain et la correction torrentielle. Actuellement, la RTM et la CES
restent des stratégies valables mais qui devraient tenir compte des intérêts des paysans.