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Cefedem de Normandie Formation diplômante au Diplôme d’Etat de professeur de musique Option formation vocale et instrumentale, Trompette L’utilisation de la langue par le trompettiste : Les questions qu’elle soulève dans l’apprentissage. Pascal RIEGEL Promotion 2007-2009

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Cefedem de Normandie

Formation diplômante au Diplôme d’Etat de professeur de musique

Option formation vocale et instrumentale, Trompette

L’utilisation de la langue par le trompettiste :

Les questions qu’elle soulève dans l’apprentissage.

Pascal RIEGEL

Promotion 2007-2009

Cefedem de Normandie

Formation diplômante au Diplôme d’Etat de professeur de musique

Option formation vocale et instrumentale, Trompette

L’utilisation de la langue par le trompettiste :

Les questions qu’elle soulève dans l’apprentissage.

Pascal RIEGEL

Promotion 2007-2009

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SOMMAIRE

Introduction 7

1ère Partie : Quel est le rôle de la langue dans la pratique de la trompette 9

1.1 La langue 9

1.2 La position de la langue 10

1.3 L’attaque et le détaché 10

1.3.1 Les coups de langue binaire et ternaire 12

1.4 Les mouvements de souplesse, flexibilités et hauteur de notes 13

1.5 La justesse et le bending 14

1.6 Le son et la résonnance 15

1.7 Le flatterzunge 16

1.8 La respiration 16

1.9 Résumé de la 1ère partie 16

2ème Partie : La physiologie et l’orthophonie 17

2.1 La proprioception consciente et inconsciente 17

2.1.1 La voie inconsciente 17

2.1.2 La voie consciente 17

2.2 La proprioception et la kinesthésie 17

2.3 Compte rendu de la rencontre avec l’orthophoniste Elodie Guyet 18

2.4 Résumé de la 2ème partie 19

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3ème Partie : Les savoirs 20

3.1 L’intuition et l’autonomie 20

3.2 Les deux savoirs 21

3.2.1 Le savoir « naïf » 21

3.2.2 Le savoir « scientifique » 22

3.3 La méconnaissance et le savoir « naïf » 22

3.4 Apprendre et comprendre 23

3.5 Le behaviorisme : une solution pour passer du savoir « naïf » au savoir

« scientifique » ? 24

3.6 Comment les savoirs sont-ils utilisés dans l’enseignement de la musique… 25

3.6.1 …à travers l’exemple de l’apprentissage du Jazz avant les années 70 26

3.7 Comment mon savoir à changé 27

3.8 Savoir à enseigner et savoir enseigné 28

3.9 Faut-il donner le savoir « scientifique » à l’élève ? 29

3.10 La méthode globale 29

3.11 Les stratégies d’apprentissage 31

3.12 Retour sur le savoir « naïf » et le savoir « scientifique » 32

Conclusion 33

Remerciements 35

Bibliographie 37

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Introduction :

En septembre 1991, lors de mon premier cours de trompette, je me suis trouvé face àune difficulté répandue dans la pratique de cet instrument : Il s’agissait de changerd’harmonique, donc de passer du do au sol, sans l’aide des pistons. Mon professeur m’aconseillé de déplacer ma langue comme pour passer du « A » au « I ». Je me suis exécuté et j’aiobtenu le bon résultat. Au fil du temps, ce geste est devenu automatique, inconscient puisoublié.

En juillet 2002 lors d’un stage, le professeur de trompette François Chassagnite m’aexpliqué comment fonctionnait la langue avec ses déplacements. Je n’étais pas d’accord aveclui, sans pour autant me rendre compte que c’était de cette manière que je jouais de moninstrument.

Pendant ces onze années, je n’ai jamais entendu parler de la langue dans la pratique dela trompette. Ce n’est que pendant la rédaction de ce mémoire, en participant à une master-class du trompettiste allemand Mathias Höfs, que j’ai entendu des réponses à mesinterrogations évoqués dans ces pages. Pourtant j’ai acquis cette technique bien auparavant,mais comment ?

Etant intrigué par le peu de prise de conscience de l’utilisation de la langue par lestrompettistes que j’ai rencontrés, je me demandais s’il y avait des techniques précises à cesujet. J’ai donc fait des recherches dans des méthodes de trompette, j’ai formalisé certainscours que j’ai suivi et interrogé ma propre pratique. Dans la première partie de ce mémoire, jesynthétise donc les différents rôles de la langue. Certes dans la pratique de la trompette il fauttenir compte de nombreux paramètres, tel que l’air, les lèvres, la position et le masque, maisj’ai fait le choix de me concentrer essentiellement sur le rôle de la langue, même s’il est difficileà certains moments de le dissocier de ces autres paramètres.Il y aura certainement une partie des trompettistes qui ne seront pas en accord avec montravail, et je prends en compte que dans le monde de la trompette il y a différentes écoles,mais je n’érige pas mon travail en vérité absolue et je suis conscient qu’il y a de multiplesfaçons de jouer de la trompette correctement. Je tiens simplement à formaliser ma visiond’une partie de la technique de la trompette à un instant précis de ma vie.

La deuxième partie constitue la partie physiologique et biologique de mes recherches.Un paramètre de la physiologie répond à des réflexions que j’ai eues sur la prise de conscienced’un geste. En orthophonie, une partie de la rééducation agit directement sur la langue, c’estpourquoi j’ai voulu demander à une spécialiste, Elodie Guyet, comment on agit sur la prise deconscience de la langue, et si mes réflexions lui évoquaient d’autres commentaires.

Les réponses que j’ai eues dans les recherches menées pour la première partie de cemémoire ne m’ont jamais été consciemment enseignées, alors qu’un « bon » professeur à mesyeux était un « connaisseur ». Je me posais donc la question : « Peut-on tout enseigner ? » et« Quelles sont les autres manières d’acquérir le savoir ? »

La troisième partie de ce mémoire traite de l’interrogation sur les acquisitions intuitivesqui se font au cours de notre vie : d’où viennent-elles, comment se font-elles, comment lestransmet-on et quelles sont les alternatives. Ce sujet tourne autour de deux axes : le savoir« naïf » et le savoir « scientifique », et suit l’exemple du rôle de la langue dans la pratique de la

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trompette. A certains moments je m’interroge de manière plus générale comment dansl’enseignement (de la musique) les savoirs sont dissociés.

Cette troisième partie justifie, à certains moments, les raisons pour lesquelles j’airédigé la première partie. Cela fut un plaisir de rechercher dans les domaines tels que laphysiologie, la biologie, l’anatomie, la philosophie, les sciences de l’éducation, les méthodes detrompette, la musicologie, (l’informatique) et d’interroger ma propre pratique, d’interviewerdes personnes provenants de divers spécialités, faire des liens, défaire des nœuds, « fouiller »dans les bibliothèques, questionner, questionner, questionner…

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1ère Partie : Quel est le rôle de la langue dans la pratique de la trompette

1.1 La langue :

La langue est un organe situé dans la cavité buccale, qui sert essentiellement à lamastication, à la phonation et l’expression mimique, à la gustation et à la déglutition. C'estaussi l'organe du goût. C'est un organe très vascularisé, qui est aussi le muscle le plus fort parrapport à sa taille chez l'homme.

La langue est séparée en deux parties : La partie inférieure et la partie antérieure, dontla partie buccale est celle qui nous intéresse. Celle-ci part de l'apex de la langue jusqu'au sillonterminal et est parcourue par un sillon médian.

La langue possède une triple innervation :

Sensitive : comme toute muqueuse, la surface de la langue est sensible aux stimulismécaniques, au chaud, au froid, à la douleur.

Sensorielle : la langue est l'organe du goût. Motrice : la langue possède des muscles intrinsèques (qui permettent de modifier la

forme de la langue) et extrinsèques (qui permettent de modifier la position de lalangue).

Nous allons nous concentrer essentiellement sur les muscles, qui sont utilisés pour lapratique d’un instrument à cuivre. Ces muscles sont :

1) Le Génioglosse, qui sert à la protrusion et à la dépression de la partie centrale de lalangue

2) Le Hyoglosse, qui sert à la dépression de la langue3) Le Styloglosse, qui sert à l’élévation et la rétraction de la langue4) Le Palatoglosse, qui sert à la dépression du palais mou, au déplacement des piliers

antérieurs vers la ligne médiane et à l’élévation de l’arrière de la langue.

1

1Michèle Puech, Virginie Woisard, Réhabilitation des troubles de la déglutition chez l’adulte, L’ortho-

édition, Isbergues, 1989, p.19

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La langue est un outil nécessaire dans la vie de tous les jours. Elle subit un grandnombre de petits gestes intuitifs tout au long de la journée. C’est pourquoi elle est un despremiers organes qui est concerné par les méthodes de relaxation tels le Yoga, la méthodeFeldenkrais et la méthode Alexander.En ce qui concerne la pratique d’un instrument à cuivre, Monsieur Charles Colins2 explique :

En définitive, de tous les muscles, celui qui contrôle davantage notre jeu est le musclede la langue. (…) La langue est par nature un des muscles les plus puissants et habilesde notre corps. Il a une influence directe sur l’entraînement des muscles de la gorge,du visage, de la lèvre inférieure et supérieure et du diaphragme. C’est sans aucundoute elle qui doit subir le plus un entraînement scientifique.

La plupart des instrumentistes à cuivre utilisent la langue de manière intuitive etautonome, comme on le ferait en mangeant et en parlant, sans se rendre compte de l’habilitéet la précision des mouvements qu’elle produit.

Selon Phillip Farkas3, si nous devions considérer le son produit par un cuivre commeune sorte de matériau de construction semi liquide, tel que du ciment ou de l'argile, nouspourrions alors dire que c'est la langue qui façonne ou pétrit ce matériau plastique pour enfaire des blocs ou des briques de construction. De même que l'on peut obtenir n'importe queltype de construction si l'on a à sa disposition suffisamment de briques de tailles et de formesdifférentes, on peut de la même manière exprimer toute idée musicale si l'on a à sa dispositiondes notes de longueurs, de hauteurs et de volumes sonores différents.

1.2 La position de la langue :

Elle doit être positionnée de la même manière que pour le sifflement : La partie arrièreaboutissant tout près des molaires supérieures afin de condenser la colonne d’air et donc decontrôler la vitesse d’air. Ce mouvement est généré par le Palatoglosse. De cette manière onsent l’air passer au dessus de la langue. Pour dégager la colonne d’air (ce qui est d’une grandeimportance pour phraser et avoir un jeu instrumental plus souple), l’extrémité de la langue doitdescendre derrière les dents du devant et remplir la totalité de l’arche formée par ces dents.Cette forme arquée de la langue permet à la colonne d’air d’émettre des syllabes vocales tellesdes « sifflements ».

En pressant la partie arrière de la langue contre les molaires du haut, la mâchoiremonte aussi. Ceci permet de resserrer les muscles de la bouche (le masque) afin d’avoir uneplus grande résistance dans le registre aigu. Ce mouvement de langue permet donc de soitcomprimer, soit relaxer le masque en fonction des registres appliqués

1.3.1 L’attaque et le détaché :

En réalité nous pouvons commencer une note sans l'aide de la langue. On peutcommencer de la même manière que lorsque l'on siffle avec uniquement une légère poussée

2Charles Colins, Advanced Lip Flexibilities, Chas Colin, New York, 1980

3Philip Farkas, L’art de jouer les cuivres, Leduc, Paris, 1980

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d'air, une sorte d'attaque en « ha ». Le seul problème avec une telle attaque est quel'exécutant n'est jamais tout à fait certain de l'instant auquel les lèvres « s'accrochent » sur cefilet d'air et commencent à vibrer.

La langue détermine simplement le début de la période de vibration, dont la hauteurdoit avoir été déterminée au préalable par l’arrière de la langue. (cf. chapitre « Lesmouvements de souplesse, flexibilités et hauteurs de notes »)

Si l'on ne maintient pas l’arrière de la langue à la hauteur nécessaire, de manière à fairevibrer les lèvres exactement par sympathie avec la hauteur momentanée du son del'instrument, aucun coup de langue, si mesuré soit-il, ne produira d'attaque correcte. Il suffitalors seulement de syllabes telles « dou » « gou » « lou » ou même « zou » pour avoir uneattaque correcte, le temps que la hauteur de la vibration des lèvres concorde avec la hauteurde la note désirée sur l'instrument.

Le mouvement et le placement de la langue sont décrits de la même manière aussibien par Malte Burba, Louis Davidson, Claude Gordon, Rolf Quinque, Louis Maggio et PhilipFarkas4, que je me permets de citer dans le passage suivant :

Attaque Nette et Ferme Etant donnée qu'une attaque nette et ferme est la base detoutes les attaques, discutons-en d'abord. Le mot même « d'attaque » est trompeurcar il implique une projection en avant de la langue. Dans le coup de langue rapide,on a l'impression que la langue est projetée en avant pour chaque attaque, mais c'estla vitesse de cette action qui est à l'origine de cette illusion. Lorsque nous effectuonsdes coups de langue lents, nous nous apercevons que la langue monte, puis s'avancelégèrement avant l'attaque, afin de rendre hermétiquement étanche la colonne d'air,l'empêchant ainsi de continuer à travers les lèvres. « L'attaque » réelle est lemouvement produit par l'extrémité de la langue brisant cette étanchéité etpermettant à l'air de s'échapper subitement entre les lèvres, ce qui les fait vibrer à unmoment précis. On peut résumer tout ce procédé en murmurant très distinctement lasyllabe « tou ».

On pourrait considérer une série de notes exécutées au moyen d'un coup de languetout simplement comme une longue note qui serait coupée par la langue en segmentsséparés. Lorsque l'on pense de cette manière, le côté logique du mouvement del'extrémité de la langue dans le sens vertical devient apparent. Pourtant nombreuxsont les exécutants pensant à tort que la langue doit se déplacer en avant et enarrière à la manière d'un piston.(...) (L'extrémité de la langue) doit se déplacer de basen haut et de haut en bas afin de découper en segments le long filet d'air horizontal(colonne d'air). Lorsque l'on essaye ceci pour la première fois, deux choses deviennentaussitôt évidentes. Premièrement, la langue: si l'on doit la tirer de haut en bas, on nepeut pas la placer entre les dents, mais on doit la placer plus haut dans la bouche-tout contre l'endroit où les incisives supérieurs sont en contact avec les gencives.Deuxièmement , l'extrémité de la langue : lorsqu'elle se déplace de haut en bas dansle travers de la colonne d'air pendant l'attaque, elle ne ressent pas la mêmerésistance désagréable à la pression d'air contenu que celle éprouvée lorsque l'on tire

4Philip Farkas, L’art de jouer les cuivres, Leduc, Paris, 1980

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la langue en arrière contre la colonne d'air qui se déplace avec force dans la directionopposée. Nous avons tous entendu dire et redire, pour la plupart, que l'on ne doit pas« effectuer de coup de langue » entre les dents. La raison en devient à présentévidente. Un coup de langue correct est un mouvement vertical, mais lorsque l'onplace la langue entre les dents, la seule direction dans laquelle elle peut aller pourl'attaque est l'arrière…

Contrairement à Philip Farkas, Jean-Baptiste Arban5 défini le rôle de la langue dans lamanière d'articuler un son ainsi : « La langue ne donne pas de coup, le mot coup de languen'est qu'un mot de convention, car au lieu de frapper, elle opère au contraire un mouvementen arrière » (notons que pour pouvoir opérer ce mouvement il faut par ailleurs qu'elle soitcorrectement placée, comme nous l'avons précisé plus haut). On est loin de ce trop fameux« corps étranger dans la bouche qu'il faut chasser au moyen du coup de langue » dont parlenttant d'enseignants. Jean-Baptiste Arban, en 1870, savait que la langue ne donnait pas de coup.Donc si l'air part du diaphragme et passe au-dessus d'une langue ronde et molle, il suffit quecelle-ci se retire au passage de l'air et l'émission se produira. Bien sûr, il faudra que cettearticulation se fasse en conjugaison avec la ceinture abdominale qui appuiera sur notre « sacd'air » bien garni, et cela jusqu'à épuisement de l'air et même au-delà. Dès que l’expiration —donc le son — s'arrête, la langue se remet d'elle-même en place, comme une soupape, et elleest alors prête pour l'émission suivante.

En tant que consonne, nous allons utiliser de préférence « d ». Celle-ci étant moins« dure » que le « t », elle permet de plus facilement de détacher sans couper la colonne d’air.Même si le geste est le même (l’unique différence est l’utilisation des cordes vocales pour le« d »), on y associe une image de douceur, qui évite de couper la colonne d’air. Le geste dehaut en bas doit être suffisamment léger pour ne pas bloquer la colonne d’air. Il doit s’opérer« dans » le flux d’air.

En ayant un geste « de haut en bas » la langue ne doit pas bloquer le flux d’air.6

1.3.2 Les coups de langue binaire et ternaire :

Afin de faire plusieurs notes à la suite de manière rapide, il existe une technique quiconsiste à combiner deux attaques différentes. L’important est la consonne, non la voyelle, que

5Jean-Baptiste Arban, Vollständige Schule für Trompete, , Verlag Friedrich Hofmeister, Hofheim am

Taunus, 19906

http://www.bbtrumpet.com/arch.html (08/12/2008)

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nous verrons dans le chapitre suivant. La consonne « d », que nous avons déjà traité plus haut,est à combiner avec la désormais nouvelle consonne « g ». Nous préférons « g » à « k », car ellepermet de plus facilement détacher sans couper la colonne d’air. Tout comme pour les « d » etles « t », l’unique différence entre le « g » et le « k » est l’utilisation des cordes vocales pour le« g », mais là également, l’association mentale de douceur permet de moins couper la colonned’air. L’enchaînement du « d » et du « g » permet de faire le coup de langue binaire«dgdgdgdg ». Pour le coup de langue ternaire, nous utilisons deux « d » à la suite :« ddgddgddgddg ».

1.4 Les mouvement de souplesse, flexibilités et hauteur de notes :

En comparant les exercices de souplesse d’une méthode à une autre, nous remarquonsque ceux-ci se ressemblent fortement : Il s’agit de faire avec les sept positions des pistons (oude coulisse, pour le trombone) les harmoniques et les intervalles qui y correspondent :

- 1ère position, 0 pistons : do-sol-do-mi-sol-sib-do…- 2ème position, 2ème piston : si-fa#-si-ré#-fa#-la-si…- 3ème position, 1er piston : sib-fa-sib-ré-fa-lab-sib…- 4ème position, 1er et 2ème piston : la-mi-la-do#-mi-sol-la…- 5ème position, 2ème et 3ème piston : lab-mib-lab-do-mib-solb-lab…- 6ème position, 1er et 3ème piston : sol-ré-sol-si-ré-fa-sol…- 7ème position, 1er, 2ème et 3ème piston : fa#-do#-fa#-la#-do#-mi-fa#...

En restant sur chaque doigté, les exercices consistent à combiner ces notes dedifférentes manières avec différentes articulations. Certains trompettistes soutiennent que cesont essentiellement les lèvres qui permettent d’y parvenir, d’autres que c’est l’air, et unetroisième catégorie (dont je m’inclus) affirme que c’est la langue avec un grand nombre demouvements très subtils qui nous permettent d’avoir une grande souplesse. Charles Colinsintitule sa méthode « lip flexibilities »7, en n’expliquant peu l’utilité des lèvres pour cesexercices, alors qu’il ne cesse de parler du travail de la langue et détaille avec précision latechnique des syllabes. Je partage plutôt le point de vue de Louis Maggio, qui insiste sur lecontrôle de la langue, tout en gardant la lèvre relâchée.

On peut développer la souplesse, une homogénéité dans le son, la tessiture et lesnuances si on prend conscience de la position de la langue, mais en la rendant mobile. Il estindispensable d’utiliser le souffle comme une grande expiration constante (le mouvementrespiratoire qui va vers le bas). Nous allons utiliser la position de la langue détaillée plus hauten la déplaçant vers l’arrière, à proximité de la gorge comme pour utiliser les voyelles « A »,« È », « É » et « I », que l’on nomme « les écartées ». Ces voyelles permettent de réduire demanière représentative et en étapes égales la distance qui sépare la langue du palais. Sur sonsite internet, Eric Bolvin8 parle également de quatre paliers du placement de la langue. A monavis il y en a nettement plus. Ils sont infiniment petits, donc très difficiles à distinguer. Ce gestenous permet d’augmenter la vitesse de l’air, ce qui induit alors l’augmentation du nombre devibrations par minute, des lèvres. Ceci nous permet de passer d’une harmonique à la suivantesans utiliser les pistons, ce qui est une des grandes difficultés de la trompette, telle est la

7Charles Colins, Advanced Lip Flexibilities, Chas Colin, New York, 1980, p.39

8http://www.bolvinmusic.com/TongueLevel-video1.htm, 24/11/2008

technique du clairon. Il faut avouer que la trompette est un des instruments les plus« canards », ce qui est dû à un décalage entre l’instrument et la bonne vibration. Comme jel’expliquais dans le chapitre «langue à la hauteur nécessaire, de manière à faire vibrer les lèvres exactemeavec la hauteur momentanée du son de l'instrument, la note correcte ne pourra pas en résulterpour des raisons physiques. D’où la nécessité de travailler la «afin de passer d’une harmonique à une autre

Selon Louis Maggioest possible de faire plusieurs octaves sans changer de position d’embouchure. Dans saméthode, Louis Maggio indique pour chaque intervalsouligner cette technique.

Ceci est un mécanisme que nous connaissons de la vie courante tel le tuyau d’arrosageque nous serrons afin d’avoir plus de pression. Le flux d’eau correspond à notre expiration, lepoing qui serre le tuyau à notre langue et le débit d’eau avec plus de pression est notre vitessed’air. Le contrôle de cette vitesse d’air nous permet d’avoir plus de puissance, une plus grandetessiture et une plus large palette de nuances, notamment enCette vitesse d’air nous permet également de mieux contrôler le timbre, l’intonation et labrillance dans le son. Afin de maîchromatiques et de jouer les harmontravailler la retenue) puis fortissimo.

En remontant en arrière, la langue permet d’augmenter la vitesse d’air

En travaillant l’embouchure, il est plus facile de constater les mouvements de la langue,notamment en faisant des glissandos sur une grande tessiture. On peut alors remarquer sondéplacement de l’avant et en bas à l’arrière et en haut pour passer au regisinversement.

1.5 La justesse et le bending

Comme pour la souplesse, c’est le mouvement de la langue qui modifie la justesse d’unson. Pour la souplesse, cellePour la justesse, c’est l’avant de la langue qui a un mouvement d’avant en arrière, tout en

9Carlton Macbeth, The Original Lou

10http://www.bbtrumpet.com/arch.html

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. Il faut avouer que la trompette est un des instruments les pluse qui est dû à un décalage entre l’instrument et la bonne vibration. Comme je

l’expliquais dans le chapitre « L’attaque et le détaché » : Si l'on ne maintient pas l’arrière de lalangue à la hauteur nécessaire, de manière à faire vibrer les lèvres exactemeavec la hauteur momentanée du son de l'instrument, la note correcte ne pourra pas en résulterpour des raisons physiques. D’où la nécessité de travailler la « souplesseafin de passer d’une harmonique à une autre avec plus de simplicité.

Selon Louis Maggio9 cette technique est comparable à la clef d’octave de la clarinette. Ilest possible de faire plusieurs octaves sans changer de position d’embouchure. Dans saméthode, Louis Maggio indique pour chaque intervalle les syllabes qu’il faut prononcer afin desouligner cette technique.

Ceci est un mécanisme que nous connaissons de la vie courante tel le tuyau d’arrosageque nous serrons afin d’avoir plus de pression. Le flux d’eau correspond à notre expiration, lepoing qui serre le tuyau à notre langue et le débit d’eau avec plus de pression est notre vitessed’air. Le contrôle de cette vitesse d’air nous permet d’avoir plus de puissance, une plus grandetessiture et une plus large palette de nuances, notamment en travaillant la réserve/retenue.Cette vitesse d’air nous permet également de mieux contrôler le timbre, l’intonation et la

illance dans le son. Afin de maîtriser ce mécanisme, il est conseillé de travailler des gammeschromatiques et de jouer les harmoniques sur une puis deux octaves, pianissimo (pourtravailler la retenue) puis fortissimo.

En remontant en arrière, la langue permet d’augmenter la vitesse d’air

En travaillant l’embouchure, il est plus facile de constater les mouvements de la langue,notamment en faisant des glissandos sur une grande tessiture. On peut alors remarquer sondéplacement de l’avant et en bas à l’arrière et en haut pour passer au regis

bending :

Comme pour la souplesse, c’est le mouvement de la langue qui modifie la justesse d’unson. Pour la souplesse, celle-ci a un mouvement avec sa partie arrière en direction du palet.

se, c’est l’avant de la langue qui a un mouvement d’avant en arrière, tout en

The Original Louis Maggio system for Brass, Chas Colin, New York, 1981http://www.bbtrumpet.com/arch.html (08/12/2008)

. Il faut avouer que la trompette est un des instruments les plus sujets auxe qui est dû à un décalage entre l’instrument et la bonne vibration. Comme je

Si l'on ne maintient pas l’arrière de lalangue à la hauteur nécessaire, de manière à faire vibrer les lèvres exactement par sympathieavec la hauteur momentanée du son de l'instrument, la note correcte ne pourra pas en résulter

souplesse » ou les « flexibilités »

cette technique est comparable à la clef d’octave de la clarinette. Ilest possible de faire plusieurs octaves sans changer de position d’embouchure. Dans sa

le les syllabes qu’il faut prononcer afin de

Ceci est un mécanisme que nous connaissons de la vie courante tel le tuyau d’arrosageque nous serrons afin d’avoir plus de pression. Le flux d’eau correspond à notre expiration, lepoing qui serre le tuyau à notre langue et le débit d’eau avec plus de pression est notre vitessed’air. Le contrôle de cette vitesse d’air nous permet d’avoir plus de puissance, une plus grande

travaillant la réserve/retenue.Cette vitesse d’air nous permet également de mieux contrôler le timbre, l’intonation et la

il est conseillé de travailler des gammesiques sur une puis deux octaves, pianissimo (pour

En remontant en arrière, la langue permet d’augmenter la vitesse d’air.10

En travaillant l’embouchure, il est plus facile de constater les mouvements de la langue,notamment en faisant des glissandos sur une grande tessiture. On peut alors remarquer sondéplacement de l’avant et en bas à l’arrière et en haut pour passer au registre aigu et

Comme pour la souplesse, c’est le mouvement de la langue qui modifie la justesse d’unci a un mouvement avec sa partie arrière en direction du palet.

se, c’est l’avant de la langue qui a un mouvement d’avant en arrière, tout en

Chas Colin, New York, 1981

gardant son arrière pour passer d’une harmonique à l’autre. Pour abaisser un son, la pointe dela langue s’avance horizontalement en direction de l’arrière des dents du bas, accol’ouverture de la mâchoire. Pour monter un son, elle recule, tout en refermant la mâchoire,sans pour autant bouger sa partie arrière.

Ceci est aussi le principe du bendingd’harmonique ni de doigmâchoire, ce qui nécessite l’utilisation d’vibration des lèvres n’est résolument pas en sympathie avec l’instrument. Cette techniquen’est que très rarement utilisée dans lpour « réveiller » les muscles des lèvres, de la langue et de la ceinture abdominale.

Ce geste permet de modifier le volume de la cavité buccale, ceson. A ce sujet, Rolf Quinquetimbre, de la discipline et de la patience. Il y faut encore de la réceptivité au niveau affectif etspirituel, une bonne perception de certains processusbuccale et la capacité à réagir rapidement

1.6 Le son et la résonnance

La colonne d’air passe au dessus de lproche de la gorge (mais collé contre le côd’air. Cette partie joue un rôle essentiel en déterminant le type de sEn gardant la même vitesse d’air, les subtils mouvements du Palattoglmodifier la cavité buccale et de varier les résolangue sont au niveau de la gorge, nous changeronsdu son.

Dans sa méthodeun son il est impossible de le changer sans bouger la langue. Je ne suisavec cet avis, car si on se force à ne pas bouger la langue et qu’on augmente la vitesse d’airjuste en augmentant le volume du souffle, il est possible de passer à l’harmonique du dessus.Celle-ci sera détimbrée et fausse, car les lèvres ne résonneront pas en sympathie avecl’instrument. Le fait de replacer la langue horizontalement en arrière permet de réanote.

En avançant et reculant la langue, sans la monter, on peut modifier la justesse

11Rolf Quinque, Atmung Stütze Ansatz Methode

12Claude Gordon, Tongue Level

13http://www.bbtrumpet.com/arch.html

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gardant son arrière pour passer d’une harmonique à l’autre. Pour abaisser un son, la pointe dela langue s’avance horizontalement en direction de l’arrière des dents du bas, accol’ouverture de la mâchoire. Pour monter un son, elle recule, tout en refermant la mâchoire,sans pour autant bouger sa partie arrière.

Ceci est aussi le principe du bending : Le but est de modifier la note sans changerd’harmonique ni de doigté, mais en la « forçant » avec le mouvement de la langue et de la

nécessite l’utilisation d’une plus grande quantité d’air. Dans ce cas, lavibration des lèvres n’est résolument pas en sympathie avec l’instrument. Cette technique

e très rarement utilisée dans les pièces. Elle sert plutôt comme technique de chauffe» les muscles des lèvres, de la langue et de la ceinture abdominale.

Ce geste permet de modifier le volume de la cavité buccale, ceA ce sujet, Rolf Quinque11 indique qu’« il ne suffit pas d’avoir une conception correcte du

timbre, de la discipline et de la patience. Il y faut encore de la réceptivité au niveau affectif etune bonne perception de certains processus ayant leur siège à l’intérieur de la cavité

buccale et la capacité à réagir rapidement », sans pour autant détailler davantage.

résonnance :

La colonne d’air passe au dessus de la langue. Celle-ci avec sa basea gorge (mais collé contre le côté des molaires supérieur

d’air. Cette partie joue un rôle essentiel en déterminant le type de son et la résoEn gardant la même vitesse d’air, les subtils mouvements du Palattoglosse permettent alors de

é buccale et de varier les résonnances et les timbres. Si les mouvements de laeau de la gorge, nous changerons la hauteur de la note et non pas la qualité

Dans sa méthode Tongue Level Exercises, Claude Gordon12 souligne qu’en produisantun son il est impossible de le changer sans bouger la langue. Je ne suisavec cet avis, car si on se force à ne pas bouger la langue et qu’on augmente la vitesse d’air

augmentant le volume du souffle, il est possible de passer à l’harmonique du dessus.ci sera détimbrée et fausse, car les lèvres ne résonneront pas en sympathie avec

l’instrument. Le fait de replacer la langue horizontalement en arrière permet de réa

En avançant et reculant la langue, sans la monter, on peut modifier la justesse

Atmung Stütze Ansatz Methode, BIM, Bulle, 1980, p.13Tongue Level Execises, Carl Fischer, New York, 1981

http://www.bbtrumpet.com/arch.html (08/12/2008)

gardant son arrière pour passer d’une harmonique à l’autre. Pour abaisser un son, la pointe dela langue s’avance horizontalement en direction de l’arrière des dents du bas, accompagné parl’ouverture de la mâchoire. Pour monter un son, elle recule, tout en refermant la mâchoire,

: Le but est de modifier la note sans changer» avec le mouvement de la langue et de la

une plus grande quantité d’air. Dans ce cas, lavibration des lèvres n’est résolument pas en sympathie avec l’instrument. Cette technique

es pièces. Elle sert plutôt comme technique de chauffe» les muscles des lèvres, de la langue et de la ceinture abdominale.

Ce geste permet de modifier le volume de la cavité buccale, ce qui varie la hauteur duindique qu’« il ne suffit pas d’avoir une conception correcte du

timbre, de la discipline et de la patience. Il y faut encore de la réceptivité au niveau affectif etayant leur siège à l’intérieur de la cavité

, sans pour autant détailler davantage.

ci avec sa base-arrière de la langue,té des molaires supérieures) contrôle ce passage

on et la résonance désirés.osse permettent alors de

ances et les timbres. Si les mouvements de lala hauteur de la note et non pas la qualité

souligne qu’en produisantun son il est impossible de le changer sans bouger la langue. Je ne suis pas tout à fait d’accordavec cet avis, car si on se force à ne pas bouger la langue et qu’on augmente la vitesse d’air

augmentant le volume du souffle, il est possible de passer à l’harmonique du dessus.ci sera détimbrée et fausse, car les lèvres ne résonneront pas en sympathie avec

l’instrument. Le fait de replacer la langue horizontalement en arrière permet de réajuster la

En avançant et reculant la langue, sans la monter, on peut modifier la justesse.13

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1.7 Le flatterzunge :

Cette technique particulière consiste à faire rouler le « r » afin de donner un timbreprécis au son de l’instrument. Il s’agit d’augmenter la vitesse et le volume d’air pour que lalangue puisse « flotter » dans ce flux et produire ce son particulier, qui est volontairement« sale ».

1.8 La respiration :

Pendant sa master class, Mathias Höfs (1ère trompette du German Brass et trompettesolo de l’orchestre de l’Opéra de Hambourg) énonce que la langue pour la respiration doit êtrereculée et abaissée, comme cela est le cas pendant un bâillement. La langue est directementreliée au diaphragme, et ce geste permet d’avoir une respiration au niveau de la ceintureabdominale, qui est primordiale et d’une efficacité incontestée pour la pratique de latrompette.

1.9 Résumé de la 1ère partie :

Dans les méthodes que j’ai analysées et selon mon apprentissage, la langue dutrompettiste classique doit :

- avoir une position arquée- détacher sans couper la colonne d’air avec la consonne « d »- modifier la vitesse d’air en la reculant dans le fond et en haut de la

bouche comme pour prononcer les voyelles, ce qui permet de changerd’harmonique.

- corriger la justesse en modifiant la cavité buccale avec sa partie dudevant en l’avançant et en la reculant.

- utiliser le « d » et le « g » pour les coups de langue binaire et ternaire- faire rouler les « r » quand il s’agit d’utiliser le flatterzunge- se reculer et s’abaisser (comme pour le bâillement) quand on respire.

Pourquoi, malgré tous ces paramètres, les trompettistes ont-ils une faible prise deconscience de la langue ? Une réponse est dans la physiologie, ce que l’on nomme laproprioception et/ou la kinesthésie.

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2ème Partie : La physiologie et l’orthophonie

2.1 La proprioception consciente et inconsciente

La proprioception est la sensibilité du système nerveux aux informations sur lespostures et les mouvements, venant des muscles et des articulations. Les informations gagnentle cerveau par deux sortes de voies : la voie consciente et la voie inconsciente.

2.1.1 La voie inconsciente

Les voies de la proprioception inconsciente se projettent au niveau du cervelet etinterviennent dans le contrôle de la posture et du mouvement. Leurs afférences ne parvenantpas au cortex, elles restent inconscientes. Là, elles forment deux faisceaux spino-cérébelleux :

Le faisceau direct (postérieur) qui gagne le cervelet par le pédoncule inférieur etvéhicule les afférences en provenance du tronc.

Le faisceau croisé (antérieur) qui gagne le cervelet par pédoncule cérébelleux supérieuret véhicule les afférences en provenance des membres.

Les deux faisceaux ont un premier relais spinal. Elles se distinguent des voiesconscientes, car celles-ci se projettent sur le cortex somésthésique primaire, qui nouspermettent d'avoir conscience de la position relative des parties de notre corps.

2.1.2 La voie consciente

Les voies de la proprioception consciente empruntent, comme les voies du tact fin, lesfaisceaux des colonnes dorsales de la moelle épinière puis le lemnisque médian pour rejoindrele thalamus puis, après ce relais thalamique, le cortex somesthésique primaire. Il y a descapteurs sensoriels qui sont situés dans tous les membres du corps, qui sont des extrémités dedifférents nerfs. Les messages sont transmis par des nerfs afférents (sensoriels) jusqu'aucerveau, où ils sont traités par différentes parties du cortex. Ces parties dépendent de laprovenance du message sur le corps. Le cortex, après analyse des messages provenant desnerfs afférents, renvoie une réponse par l'entremise de nerfs efférents, (effectifs, ou moteurs).

2.2 La proprioception et la kinesthésie

La kinesthésie est une sensibilité nerveuse concernant les muscles, leur position, leurtension et leur mouvement. Ce terme est souvent utilisé à la place de proprioception, bien que« kinesthésie » mette plus l'accent sur le mouvement.

La proprioception et la kinesthésie sont considérées comme étroitement liées, mais ilexiste une différenciation précise : La proprioception est la capacité à déterminer où une partiedu corps se situe exactement dans l'espace, et la kinesthésie est la sensation que telle ou tellearticulation a bougé. Ceci permet de donner à la proprioception un sens plus général et à lakinesthésie un sens plus spécifique.

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La proprioception est, un mécanisme de rétroaction : Le corps se déplace (ou estdéplacé), puis les informations à ce sujet sont renvoyées au cerveau, à la suite de quoi desajustements peuvent être apportés. La kinesthésie est un élément clé de la mémoiremusculaire (processus de mémorisation du système neuro-moteur) et de la coordination main-œil, et l'entraînement peut améliorer ce sens (par exemple, le dessin de contours en aveugle).

Dans la pratique de la trompette, la capacité à moduler la langue de multiplesmanières, de dissocier ces gestes et de les combiner demande un sens de la position, desarticulations, des muscles et des gestes finement ajustables. Ce sens doit devenir automatique(réflexe conditionné) par l'entraînement afin de permettre à la personne de se concentrer surd'autres aspects de la performance, comme la musicalité ou l’interaction.

Dans certains cas, des gestes acquis de manière inconsciente, mais qui néanmoins sontun réflexe conditionné, peuvent poser une multitude de problèmes. Ils sont alors à rééduquerpour les corriger. Il s’agit alors d’en prendre conscience, comme cela se fait en orthophonie.

2.3 Compte rendu de la rencontre avec l’orthophoniste Elodie Guyet :

Avant même la rédaction de ce mémoire, j’avais l’intention de parler de ce sujet à unorthophoniste. Le but est d’échanger et de comparer les deux approches. La rencontre avecElodie Guyet m’a permis de me rendre compte, que dans ces deux domaines la langue peutmodeler le son avec une grande habilité dans une expiration. A la trompette elle le modèleavant la vibration, (celle des lèvres) et en parlant elle modèle le son après la vibration, (celledes cordes vocales). Ceci permet de comprendre que dans les deux cas il est difficile dedissocier la langue des autres parties du corps, tels le larynx, le voile du palais, le diaphragme etla ceinture abdominale. Tous les paramètres du corps sont à prendre en compte et chaquedissociation n’est que schématique. Un exemple fréquent est la crispation, qui est souvent dû àune situation de stress. Dans les deux cas, dès qu’une crispation s’installe au niveau de lalangue, elle peut se répercuter par synergie musculaire sur une autre partie du corps, tel lesépaules, la gorge (à la trompette on entend alors chez certains trompettistes les cordesvocales), les muscles faciaux et/ou l’abdomen. Il faut alors réussir à dissocier les mouvementspour supprimer le mouvement parasite, autrement il y a un risque de répercutions, dû à unforçage, sur la partie du corps qui est directement concerné. Pour la parole il s’agit des cordesvocales et pour la pratique de la trompette il s’agit des lèvres. Ce forçage peut induire delourdes douleurs sur l’organe en question.

Connaître tous ces paramètres n’est pas d’une grande utilité si nous n’en avons pasdirectement besoin. Les savoirs sont à décomposer seulement une fois que ceux-ci nefonctionnent pas comme nous le souhaitons. Tout l’intérêt est de savoir comment ça seconstruit et d’apprendre dès le départ comment le geste est produit, avant d’arriver auproblème. Un bon trompettiste, une bonne chanteuse ne devraient pas être amenés àconsulter. La langue est leur outil de travail. Une fois que le trouble est installé c’est toute unehabitude d’utilisation de l’instrument inadéquate qui est à modifier, de fonctionnementrespiratoire et corporel qui est à découvrir. Commence alors un travail de longue haleine : Ilfaut aller à la rencontre du problème, le chercher, le détecter, le nommer, en prendreconscience, le corriger, puis autonomiser cette prise de conscience, donc installer le reflexeconditionné. C’est à ce moment que nous nous rendons compte du fonctionnement d’un

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savoir. Tant qu’une personne sait l’appliquer sans difficulté, elle n’a pas besoin de savoircomment cela fonctionne. Certains problèmes en orthophonie sont étroitement liés, tels lesproblèmes de ventilation, déglutition et articulation, car agir sur un organe aura desrépercussions sur toutes ses fonctions. Pour chacun d’entre eux il y a plusieurs exercices, maisceux-ci sont systématiquement traités dans l’ensemble. Comme pour la pratique de latrompette, pour chaque problème il existe un exercice qui est dissocié des autres et travailléindividuellement. Celui-ci est dissocié et a un objectif précis.

En orthophonie il y a un véritable travail de prise de conscience de la langue quis’effectue quand il y a un symptôme. Celui-ci est indirect dans la pratique de la trompette, car ilest, la plupart du temps, déguisé en exercice. Les trompettistes n’étant pas toujours conscientsde leur langue. Mais lorsqu’ils remarquent qu’il y a une difficulté, ils savent comment larésoudre avec des exercices précis, mais sans pour autant prendre conscience de leur langue.

2.4 Résumé de la 2ème partie :

Idéalement, dans la pratique de la trompette, un mouvement de la langue devrait êtreun geste acquis par la voie consciente et qui serait devenu un réflexe conditionné. Ceci estrarement le cas. Souvent, ce geste est acquis « par hasard », par la voie inconsciente, puis restecomme tel. Il faudrait alors, en cas de difficulté, le rendre conscient, le corriger pour qu’ildevienne par la suite un réflexe conditionné.

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3ème Partie : Les savoirs

Dans le chapitre « La justesse et le bending », Rolf Quinque14 nous parle d’«une bonneperception de certains processus ayant leur siège à l’intérieur de la cavité buccale et la capacitéà réagir rapidement. », sans pour autant nous indiquer de quoi il s’agit, ni nous démontrercomment y parvenir. Dans l’enseignement un grand nombre de sujets sont traités ainsi : « Ilfaut que tu trouves toi-même ! ». Ce sont alors les exclamations des professeurs. Maiscomment se fait-il ? Est-ce un sujet inabordable ? Il s’agit là non pas de sujets moralementincorrects ni de tabous, mais de sujets pourtant techniquement et biologiquement trèsconcrets. Pourquoi et d’où viennent ces sujets inabordables ?

3.1 L’intuition et l’autonomie :

Dans ce mémoire, ces deux termes sont à associer: Selon le Larousse, « l’autonomie estune liberté pour un individu de disposer librement de soi, sans en référer à un pouvoir central,à une hiérarchie ou une autorité ». L’intuition est une « perception immédiate de la vérité sansl’aide d’un raisonnement ». Quand une personne travaille de manière autonome et intuitive,cela voudrait dire qu’elle s’approprie seul un sujet juste.

Une grande partie de nos acquisitions au cours de notre vie se sont faites de manièreautonome et intuitive. Surtout en ce qui concerne la gestuelle : Personne ne nous a donné latechnique exacte des articulations et des muscles qu’il faut utiliser pour parler, marcher, sifflerou faire du vélo. On nous a simplement guidé et/ou donné l’occasion de tâtonner et essayer detrouver ces réflexes nous même, de manière intuitive. Nous avons acquis ces gestes par la voieinconsciente. Se pose alors la question comment fait-on pour les trouver et d’où nous vientcette autonomie ?

Edgar Morin dans La méthode, 2. La Vie de la Vie donne une définition orientée vers labiologie et le comportementalisme : Il y a une

autonomie d'individu qui s'affirme sur le plan de l'existence, de l'organisation, del'action. Cette autonomie s'auto-produit en se nourrissant par captation,transformation, assimilation de matière/énergie et d'informations, et en résistant pardéfenses, protections, rejets, luttes aux aléas et agressions.[...] Cette auto-détermination fait front aux déterminismes et aléas de l'environnement et établit undéterminisme intérieur lequel, comme l'avait vu Claude Bernard, permet l'existenceautonome.[...] C'est la recherche de la simplicité qui nous fait déboucher sur unecomplexité fondamentale.15

Mais malgré cette complexité fondamentale, nous gardons cette perception de lasimplicité du sujet une fois qu’il est assimilé. Il faut alors dissocier deux savoirs :

14Rolf Quinque, Atmung Stütze Ansatz Methode, BIM, Bulle, 1980, p.13

15Edgar Morin, La méthode, 2. La Vie de la Vie, Editions du Seuil, Paris, 1980, p.104

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3.2.1 Les deux savoirs :

Dans le chapitre « Oiseau vole », l’auteur16 distingue les regards que nous pouvonsporter sur une chose : Le regard « naïf » et le regard « scientifique ». C'est-à-dire que lepremier est une constatation et le deuxième une analyse.

A mon avis ces regards peuvent s’appliquer sur le savoir : Nous pouvons avoir un savoir« naïf », qui peut ne pas être constaté, et un savoir « scientifique », bien plus approfondi.

Il faut dissocier le savoir « scientifique », du savoir « naïf », de l’information et de laconnaissance. L’information est une donnée extérieure à la personne qui est assimilé par undes cinq sens et qui peut être stockée. Une fois celle-ci assimilée et personnifiée, elle devientune connaissance, qui est toujours subjective, c’est pourquoi une information peut avoirplusieurs sens. « L’information impersonnelle devient connaissance personnelle. »17 Laconnaissance est intériorisée et stockée dans la mémoire d’une personne, où elle peut êtretransformée et risque donc de ne plus être identique, si des paramètres tels le temps, uneinformation complémentaire et/ou une émotion la modifie.

Le savoir « scientifique », quand à lui, est une mise à distance de la connaissance par lapersonne. C’est un regard extérieur apporté par une théorie sur cette connaissance qui créeune rupture. Le savoir « scientifique » est un regard critique sur une connaissance. « Unetrilogie s’organise alors : des informations impersonnelles transformées en connaissancespersonnelles peuvent donner naissance à des savoirs qui, diffusés à un public, deviendront àleur tour des informations. »18

Le savoir « naïf » provient d’un cheminement différent : L’information se transformedirectement en savoir (« naïf »), car il ne passe pas par la connaissance. C’est un savoirinconscient. Cela est très souvent le cas en ce qui concerne la gestuelle, que nous nous sommesappropriés par imitation.

3.2.2 Le savoir « naïf » :

Toute activité autonome et intuitive que nous nous approprions est un mécanismebiologique incompris et est nourrie d’un savoir « naïf » sur soi-même. Ce qui est pris en compteest le résultat du procédé lui-même, et non pas la démarche. Un enfant qui essaye de marchercherche à imiter et non pas à « placer d’abord le talon pour dérouler le pied jusqu’aux orteils,tout en gardant l’équilibre grâce à l’oreille interne, etc. » Son envie est de faire comme sesréférences. Sa fierté sera le bon résultat de son action entreprise, et donc sa ressemblance àses semblables, qui eux, marchent. Le savoir « naïf » est un regard objectif, ceci permet d’avoirune place parmi une communauté de gens qui savent faire.

16Edgar MORIN, La Méthode 2, La Vie de la Vie, Editions du Seuil, Paris, 1980, p.101

17Michel DEVELAY Donner du sens à l’école, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1996, p.41

18Michel DEVELAY Donner du sens à l’école, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1996, p.41

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3.2.3 Le savoir « scientifique » :

Dès qu’il s’agit d’avoir un savoir « scientifique » sur son entreprise, c'est-à-direanalytique sur ce qu’on fait, il y a une prise de conscience de soi-même. Le sujet prend encompte ce qu’il fait et comment il le fait. Il se place dans une démarche d’assimilation et ce quicompte n’est pas le résultat, mais comment y parvenir. Sa fierté sera la compréhension de ladémarche et non pas le résultat. Il y porte un regard subjectif, car il se place lui-même dans uncontexte intérieur et prend en compte ses acquis. L’extérieur et la communauté ne sont quesecondaires. Cette démarche peut être autonome, et intuitive.

La différence majeure entre ces deux savoirs n’est pas la qualité du savoir, puisquecelui-ci est le même. Ce qui change est le regard analytique qui est propre au savoir« scientifique ». Edgar Morin dans La méthode, 2. La Vie de la Vie nous fait comprendre que

l’être vivant passe sa vie à produire, maintenir, sauvegarder sa vie, et sa vie coïncideavec son unité, son intégrité, son identité : soi-même. Est-ce simplement l’expressiond’un vouloir survivre ? Le vouloir-survivre ne se confond-il pas plutôt dans et par lemoindre de ses actes, avec un vouloir-vivre, c'est-à-dire une affirmation permanentede soi-même ? 19

Est-ce que cela voudrai dire que l’acquisition du savoir « naïf », ce qui correspond à uneauto-production d’un savoir, est purement et simplement un besoin de survie et donc uneaffirmation de soi ? Un enfant, qui est l’être le plus productif en matière d’assimilationsautonomes et intuitives, ne le fait alors que pour imposer sa personne au sein d’une société.

Dans la pratique de la trompette, les gestes exacts pour utiliser la langue ne sont pasdonnés. Il s’avère que ces gestes sont extrêmement subtils et fins, que nous ne pouvons lesacquérir qu’en imitant (en se référant au son), donc de manière autonome et intuitive, entâtonnant pour que ceux-ci deviennent un savoir.

L’acquisition de savoir de manière autonome et intuitive (savoir « naïf ») est une façonnaturelle et efficace de s’enrichir, mais elle s’avère plus négative dans des situations précises :

3.3 La méconnaissance et le savoir « naïf » :

Vladimir Jankélévitch dans Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien parle de « laméconnaissance ». Ne serait-ce pas une des dérives du savoir « naïf », celui qui croit « savoir »,alors qu’il sait mal. Selon cet auteur, « la méconnaissance » n’est pas à confondre avecl’ignorance et « l’inconnaissance ». L’ignorance c’est ne pas connaître, rien connaître.L’inconnaissance est « ne pas savoir » et le début du chemin vers la connaissance. Laméconnaissance est « mal savoir », c’est « croire savoir alors qu’on ne sait pas ».20

19Edgar Morin, La méthode, 2. La Vie de la Vie, Editions du Seuil, Paris, 1980, p.156

20Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, n°2, La méconnaissance, Editions du Seuil,

Paris, 1980, p.15

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Elle est opaque, lourde de préjugés et bardée de lieux communs ; elle récite une leçonapprise par cœur et ne s’exprime qu’en stéréotypes et idées toutes faites ; leméconnaissant s’attribue à lui-même une science qu’il ne possède pas ; mieux : il larevendique sottement. Le méconnaissant, en somme, a tord d’avoir raison.21

Cette définition correspond à une personne qui s’est appropriée un savoir « naïf »: ellea le résultat mais pas le processus pour y parvenir. Malgré tout cette personne veuttransmettre ce savoir, ce qui pose certaines difficultés.

Etant donné que dans la pratique de la trompette, le savoir concernant le rôle de lalangue est, de manière générale, un savoir « naïf », la transmission s’avère difficile. Leprofesseur étant « méconnaissant », il doit trouver une multitude de moyens, afin que l’élèvepuisse acquérir le savoir.

Une personne « méconnaissante », l’est souvent à cause d’un enseignement mal conçuou incomplet. Comment cette personne fera t’elle pour transmettre autre chose ? Peut-elleapporter autre chose que le savoir « naïf » ? Il faut donc dissocier deux termes, qui pour unegrande majorité des personnes, sont souvent liés :

3.4 Apprendre et comprendre :

Si nous analysons cette démarche dans l’enseignement à travers le schéma du triangledidactique, l’information partirait du professeur, passerait à côté du savoir « scientifique » pourarriver à l’élève.

Comment un enseignant peut-il apprendre à un élève quelque chose, qu’il n’a pas lui-même compris et analysé ? Comment un élève peut-il faire son apprentissage et comprendredans ces circonstances ?

21Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, n°2, La méconnaissance, Editions du Seuil,

Paris, 1980, p.15

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Selon Jacques Rancières dans Le maitre ignorant, il y aurait une grande quantitéd’apprentissages qui se font de cette manière. Un enfant apprend à parler, alors quenul maitre ne peut expliquer comment il doit faire.

Il faut renverser la logique du système explicateur. L’explication n’est pas nécessairepour remédier à une incapacité à comprendre. C’est au contraire cette incapacité quiest la fiction structurante de la conception explicatrice du monde. C’est l’explicateurqui a besoin de l’incapable et non l’inverse, c’est lui qui constitue l’incapable commetel. Expliquer quelque chose à quelqu’un, c’est d’abord lui démontrer qu’il ne peut pasle comprendre par lui-même.22

Cet extrait justifierait la majorité des cours de trompette, où le professeur apprend lerôle de la langue, alors qu’il n’a pas le savoir « scientifique », donc le regard analytique pourl’expliquer. Il apprend alors ce qu’il n’a lui-même pas compris, et dans la grande majorité descas cela fonctionne.

Selon Jean-Pierre Astolfi, les enseignants ont peur que les élèves ne comprennent paset donc qu’ils n’apprennent pas, qu’ils restent ignorants. Les professeurs eux-mêmes ont étudiéet détiennent le savoir, ce qui les rassure, car ils ont les réponses. Etre à nouveau confronté aunon-savoir des élèves rappelle leur propre non-savoir, ce qui effraye, surtout quand on trace aupréalable le chemin de ce qui reste à parcourir pour que les élèves détiennent le savoir. Lesapprenants tirent les enseignants vers le bas, alors que ceux-ci aspirent vers le haut. SelonBachelard : Les enseignants « ne comprennent pas que les élèves ne comprennent pas. »23

Les réactions des professeurs sont multiples : ils sanctionnent à tout va, ils se moquentou donnent les réponses eux-mêmes, donc donnent un savoir « naïf », évitant de cette manièrel’échec, tout en évitant la compréhension et l’assimilation de l’élève.

Pour éviter que l’élève ne comprenne pas, l’enseignant, tout comme le professeur detrompette, décompose les savoirs, afin que les étapes à assimiler ne soient pas trop grandes. Ala pratique de la trompette, même si le professeur n’a que le savoir « naïf », cela se répercutepar un nombre important d’exercices, dont il voit, malgré tout, les bienfaits, et que l’élève doitcontinuellement travailler en parallèle de ces morceaux. Cela fait partie d’une méthodeparticulière :

3.5 Le behaviorisme : une solution pour passer du savoir « naïf » au savoir « scientifique » ?

James Watson et Burrhus Skinner ont développé un concept, emprunté à lapsychologie dite béhavioriste qui est fondé sur le transfert à l’homme du conditionnementanimal. Ce conditionnement « opérant » consiste à faire apprendre quelque chose, mêmequand c’est complexe. Il suffit de « décomposer la difficulté en étapes élémentaires, aussiréduites qu’il sera nécessaire, et de renforcer positivement chaque acquisition partielle, plutôtpar récompense que par sanction. » 24

22Jacques RANCIERES, Le maître ignorant, Fayard, Paris, 1987, p.15

23Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1997

24Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1997

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Les points négatifs du behaviorisme sont que la réflexion de l’apprenant n’est paressence pas prise en compte, le but étant qu’il assimile le mieux possible les (petites) étapesqui lui permettent d’acquérir le savoir final. Certes, il ne fera pas d’erreurs, puisque tout lecheminement est conçu afin de les éviter, mais tout le processus intellectuel et son autonomiesont mis de côté. Le statut de l’erreur est celui d’indicateur et d’analyseur des processusintellectuel en jeu.

Dans le cas du behaviorisme, le « soi-même » de l’élève n’est pas pris en compte, alorsque dans son développement personnel il est d’une grande importance. Peut-être qu’ilacquerra le savoir « scientifique », mais pour s’affirmer au sein d’une société et pour sondéveloppement personnel il sera sans doute plus constructif de trouver la solution et/ou leprocessus par lui-même. Avec cette méthode il ne met pas ses propres capacités intellectuelleset/ou motrices en jeu pour les interroger, en prendre conscience et les manipuler. Il est juste« gavé » d’informations qu’il ne peut pas ressentir. Il détiendra peut-être le savoir« scientifique », mais celui-ci ne sera pas ancré dans sa mémoire tant qu’à ces yeux il n’a pas desens.

Le grand nombre d’exercices qui existent afin de faire travailler les différentsparamètres de la langue dans la pratique de la trompette sont en quelque sorte les (petites)étapes propre au behaviorisme. La difficulté de ces exercices est graduelle, et la multitude desrôles de la langue est décomposée. Ceci permet d’acquérir un savoir très complet et mêmeparfait, si l’élève a envie de l’acquérir. Pour que cela puisse s’opérer, le professeur doitconnaitre l’utilité et les difficultés de ces exercices. Dans l’enseignement de la musique unepartie des savoirs ne sont pas « scientifiques » et les connaissances vagues :

3.6.1 Comment les savoirs sont-ils utilisés dans l’enseignement de la musique…

Si les professeurs de musique se plaignent de se répéter durant toute leur carrièren’est-ce pas dû au fait qu’ils donnent un savoir « naïf » et non pas un savoir « scientifique » ? Si,par exemple, l’élève a réussi à « timbrer » son son, a-t-il pour autant assimilé ce savoir ? Saura-t-il le refaire la semaine ou le mois suivant ? Est-il dorénavant connaisseur ou est-il toujours« méconnaisseur » ?

Une grande partie de l’enseignement instrumental est inconsciemment guidé par cettedémarche de laisser l’élève trouver les clefs de ses acquisitions lui-même, ce que finalementconseille Philippe Merrieu25 dans « Apprendre… oui, mais comment » : Le maître doit seconsidérer « éveilleur », c'est-à-dire que « si les choses naissent par lui, elles ne naissent pas delui ». En musique cet enseignement n’est pas forcément une volonté explicite de l’enseignant,mais plutôt une tradition, un réflexe ou peut-être un échec de transmission.

Une des raisons pour un tel enseignement est que n’ayant pas analysé le geste lui-même, donc n’ayant pas le savoir « scientifique » de ce geste et ne trouvant pas les mots,l’enseignant ne peut donner les clefs. Il est alors guidé par un son ou une phrase musicale qu’ilentend et qu’il demande à son élève ou étudiant d’entendre, et parfois même d’entendre àl’avance. Pour les instrumentistes à cuivre des exemples d’exclamations peuvent être « Timbreton son ! Arrondi ton son ! », au lieu de donner des explications détaillées, approfondies et

25Philippe Merieu, Apprendre... oui, mais comment, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1987

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analysées pour pouvoir y parvenir. Si l’élève ou l’étudiant ne comprend pas, le professeurjouera peut-être lui-même en exagérant le défaut puis en démontrant ce qui est juste, afin quel’apprenti puisse comparer et être guidé par le résultat, donc imiter. Le professeur lui donnealors l’occasion de tâtonner et le résultat sera peut-être positif. Mais aussitôt sorti du coursl’apprenant n’aura plus cette référence, et ne pourra peut-être plus parvenir à ce résultat. Leprofesseur lui conseillera peut-être alors d’écouter l’enregistrement.

Dans ce cas, peut-on alors dire que le professeur détient le savoir, puisque lui-même nepeut que porter un regard « naïf » sur ce sujet. A-t-il fait comprendre ? Le savoir « naïf » suffit-ilà lui-même, ou faut-il donner le savoir « scientifique » ? Comment ?

En musique, les enseignants qui ont eues beaucoup de facilités pour apprendre (parexemple les enfants prodiges) ne sont pas ceux qui transmettent le mieux. Peut-être n’ont-ilspas assimilé le savoir « scientifique » car ils n’avaient pas besoin de comprendre pour pouvoirpratiquer de manière virtuose leur instrument. Ce raisonnement nous conduirait à dire que lesbons professeurs sont ceux qui ont acquis le savoir « scientifique », car ils en avaient besoinpour leur propre pratique, et qu’ils savent le transmettre à leurs élèves et étudiants.

3.6.2 …à travers l’exemple de l’apprentissage du Jazz avant les années 70 :

Le Jazz est une musique enseignée de manière institutionnelle seulement depuis lesannées 70. Auparavant les musiciens allaient puiser des informations dans différents domainesafin d’enrichir le leur :

Il s’agissait de récolter des informations où cela était possible, en échangeant les carnetsde grilles, en relevant des chorus, en s’imprégnant des atmosphères des concerts, pendant lesjam-sessions ou en échangeant des informations dans les orchestres.26 Ces musiciens avides desavoir allaient le chercher où bon leur semble. Certains jazzmen prenaient des cours avec desmusiciens classiques, tel Quincy Jones, qui quitta les Etats-Unis pour travailler l’écriture enFrance avec Nadia Boulanger, Dave Brubeck, qui travailla avec Darius Millhaud ou plusrécemment Dave Douglas, qui prit des cours de trompette avec Carmine Caruso2728. D’autressont allées chercher dans les musiques du monde, tel Don Cherry ou John Coltrane, dans lesmusiques latines, tel Dizzy Gillespie ou Stan Getz. Certains musiciens se sont confrontés à uneforte ségrégation de part et d’autre de ces deux cultures, ce qui créa des difficultés d’accès ausavoir (et qui a certainement freiné une partie des jazzmen) mais la soif d’informations étaitplus forte.

Pour créer un savoir propre à leur esthétique, ces musiciens sont allés le chercher loinde celle-ci. Ils ont acquis des notions dont ils ont réussi à se distancier pour les transformer etl’adapter à ce qui leur convient. Les notions acquises ailleurs leur ont apportés des idées dephrasé, d’improvisation, de composition et pour certains même de créer un nouveau courantdans l’histoire du Jazz. La démarche « d’aller voir ailleurs » leur a permis de créer un savoir« scientifique ».

26 Philippe Carles, André Clereat, Jean-Louis Comolli, Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont, 199727

Jazzman n°120, Jazz et Classique, Janvier 200628

Jazzman n°150, Dave Douglas, rédacteur en chef invité, Septembre 2008

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Cette démarche est toujours d’actualité, car le Jazz est une musique qui évolue sanscesse, dont un grand nombre de musiciens va puiser l’inspiration dans d’autres musiques.Outre la musique classique, les musiques du monde ou le rock, certains musiciens vontchercher dans des styles plus actuels, tel le hip-hop, le r ’n b, les musiques électroniques, lachanson et/ou le metal.29

Le Jazz est désormais une musique intellectualisée, qui a une grande place dans lesinstitutions. On encourage les musiciens à avoir le savoir « scientifique » et les informationssont accessibles à tous.

L’histoire du Jazz avant les années 70 nous prouve que les musiciens ce sont arrangéspour rencontrer et construire un savoir, quel que soit les concessions qu’ils ont du faire. Cecinous démontre que même sans enseignement, ces musiciens ont raisonné en fonction du sensque leur pratique avait pour eux, et ont ainsi acquis ce savoir, quel que soit son prix. On peutdonc aussi se demander si l’enseignement est toujours indispensable ? Car cet exemple nousprouve que sans être véritablement enseigné, le jazz a été transmis et construit.

Est-ce que le rôle de la langue dans la pratique de la trompette est voué au mêmesort ? C'est-à-dire, sans ouvertement en parler, est-ce que les musiciens se le transmettent àtravers divers exercices, plus qu’ils ne l’enseignent ? Le savoir du Jazz s’est construit malgré lui.Ce besoin est omniprésent. Le besoin de jouer correctement de la trompette nous oblige àutiliser la langue correctement, même si on n’en est pas conscient, d’où, généralement, laprésence d’un savoir « naïf » concernant ce sujet.

3.7 Comment mon savoir a changé :

Avoir un savoir « naïf » consiste à connaître le sujet et peut être même à le maîtriser,sans savoir comment il fonctionne, sans pouvoir manipuler les théories qui y sont lieés.Concernant le sujet de la langue dans la pratique de la trompette, dans ma propre expérience,en travaillant avec Laurent Bourdon, celui-ci m’a conseillé de travailler beaucoup de gammessur une tessiture très étendue. A force de persévérance, j’ai commencé à avoir plus de facilitésentre autres pour l’aigu, la souplesse, la justesse. Il a alors évoqué la langue concernant letimbre et la qualité du son. Remarquant que je n’avais pas forcément travaillé la musculaturede mes lèvres, ni augmenté ma quantité de souffle (même si j’avais pris conscience dumouvement respiratoire, qui doit être constant et descendant), la langue commençait alors àm’intriguer.Je n’avais pas assimilé l’étendue de l’utilisation de la langue, mais je savais que celle-ci estd’une grande importance. Je commençais alors à observer la technique de la langue dans mapropre pratique et a en parler à mes collègues : Tous les avis étaient différents les uns desautres. D’où mon envie d’approfondir davantage en écrivant ce mémoire.

Depuis la rédaction de ce mémoire, donc depuis que je me suis approprié ces notions,je n’ai pas forcément fait de progrès dans la pratique de mon instrument, et je n’ai pas laprétention de dire que j’ai acquis le savoir « scientifique ». J’ai désormais le plaisir d’avoiracquis des notions qui ont un sens pour moi, d’avoir répondu à des questions qui m’intriguaientet de m’être enrichi. Là où à mon avis dans le monde de la trompette, de manière générale,

29Jazzman n°146, Jazz et Hip.Hop, Mai 2008

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l’utilisation de la langue est un savoir « naïf » et/ou une « méconnaissance », je pense pouvoirrépondre à des questions. Mais comment puis-je l’enseigner et que dois-je enseigner ?

3.8 Savoir à enseigner et savoir enseigné :

Force est de constater que le savoir qu’on doit enseigner n’est pas celui qu’onenseigne. Un savoir à enseigner est une compréhension d’un sujet par une personne à unmoment précis. Celui-ci peut évoluer en fonction des informations apportées à d’autresmoments. Pour transmettre un savoir à enseigner, un enseignant d’instrument doit l’adapteren prenant en compte d’une multitude de paramètres, tels les méthodes existantes, lescompétences supposées des élèves, les attentes réelles ou supposées des collègues et desclasses d’instruments environnants et ses convictions personnelles. Enfin l’enseignant pourrafaire un travail de didactisation. Celui-ci doit être combiné au savoir assimilé de l’élève pourqu’il y ait une mémorisation, un travail d’application puis un transfert du savoir. En quelquesorte il faut déconstruire pour être reconstruit. Il s’agit là non pas de décomposer les savoirs ensoi, mais de prendre en compte différents paramètres avec lesquelles le savoir doit être associépour qu’il puisse être assimilé, c'est-à-dire décomposer et recontextualiser la méthoded’acquisition du savoir. Il s’agit alors de donner un sens au savoir à enseigner. Un élève nevoudra et ne pourra assimiler un savoir seulement si celui-ci a du sens pour lui. Le professeurdevra alors trouver un moyen pour que ceci s’opère.

En ce qui concerne le cours de trompette, les savoirs à enseigner sont par exemple, lerôle de la langue, c'est-à-dire le placement, le détaché, la vitesse d’air/les changementsd’harmonique, la justesse et les coups de langue, le flatterzunge et la respiration. La plupart dutemps, le savoir se réduit qu’en un grand nombre d’exercices qui aux yeux des élèves ne fontsens que « parce que c’est pour son bien ! », mais dont le fondement n’est pas compris. L’élèveexerce alors son « métier d’élève » qui consiste à écouter des cours magistraux, lire, faire desexercices et résoudre des problèmes. Ceci a pour but de stimuler la compréhension, lamémorisation, la consolidation des acquis, la généralisation de certaines notions, méthodes ouconnaissances. Ces activités sont censées provoquer des apprentissages, alors que la notion dusens pour l’élève est laissée de côté. Cette notion pourtant permet d’acquérir un savoir plusprofond, plus riche et plus ancré. Certes, en exerçant son « métier d’élève », celui-ci peutacquérir une multitude de savoirs, notamment le savoir « scientifique », mais ceux-ci n’ont pasde sens pour lui et s’encreront difficilement dans leur mémoire. Dans le langage courant onparle de « motivation ». Si un élève est motivé, l’apprentissage se fait de manière autonome etil acquiert un savoir qui a du sens pour lui et qu’il retiendra.

Souvent, en cours de trompette, les élèves acceptent de faire ces exercices, car ilsveulent jouer correctement de la trompette, mais ils n’intègrent pas les raisons du bien fondéde ces exercices. Ils peuvent alors acquérir le savoir « scientifique » sans qu’il ait du sens pourlui, comme cela se fait dans un fonctionnement behavioriste.

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3.9 Faut-il donner le savoir « scientifique » à l’élève ?

Avec ces informations se pose alors la question : que faut-il transmettre et comment ?

Au sein d’un cours de trompette, désormais, je donne les informations de la premièrepartie du mémoire aux élèves. Mais ce n’est pas d’une grande utilité, car ils n’intègrent pas cesinformations. Est-ce trop complexe ? Est-ce trop abstrait ? Alors je les laisse tâtonner, je donnedes informations plus imagés et moins abstraites, donc plus abordables afin de les aider,jusqu’à ce qu’ils y parviennent.

Cet exemple démontre alors que le savoir « scientifique », même s’il est plus complet,ne donne pas forcément les outils nécessaires pour parvenir à un résultat. N’a-t-on alors pasd’autres solutions que de laisser l’élève acquérir le savoir qui lui convient ? Est-il alors plusriche ?

Est-ce utile de donner le savoir « scientifique » à un élève ? Prenons l’exemple de mescours de trompette : l’élève est sans doute confronté à un jeu, en essayant de trouvercomment changer d’harmonique, ce qui a plus de sens pour lui, que si je lui parle dumouvement horizontal du palatoglosse. Le fait d’imiter un référent démontre une certainevolonté d’acquisition, une curiosité, donc un sens pour l’élève.

Même si l’élève est dépassé par des termes qui ont peu de sens à ces yeux, il n’estcertainement pas inutile de lui donner toutes les informations qui lui permettront de construireson savoir. Cela fait partie d’une méthode précise :

3.10 La méthode globale :

Olivier Reboul dans Qu’est-ce qu’apprendre ?, nous décrit brièvement la méthodeglobale : « au lieu de partir d’exercices partiels pour construire progressivement l’acte àapprendre, on part de celui-ci »30. Celle-ci s’oppose à la méthode analytique du behaviourisme,qui est axée sur la décomposition et la recomposition des actes à apprendre : on apprendséparément à manier la théorie et la pratique, ce qui décontextualise totalement lesapprentissages musicaux.

Un savoir complexe serait une somme d’éléments simples qu’il suffirait d’apprendreséparément et progressivement : on apprend d’abord le placement de la langue, ensuite ledétaché, ensuite la régulation de la pression d’air… c’est en jouant de la musique que l’on vacomprendre l’importance et l’utilité de ces savoirs. Et à trop les décomposer, les savoirsperdent leur sens : il n’en reste que des exercices accessibles mais inintéressants en soi et jugéspeu utiles. Bien des savoirs musicaux ne s’apprécient que conjointement et en temps réel : ilssemblent peu compatibles avec un principe de décomposition en unités élémentaires isolées ethiérarchisées. C’est peut être une des raisons qui expliquerait que le rôle de la langue n’estjamais détaillé comme je l’ai fait dans la première partie.

Voici un extrait de « La méthode globale, cette galeuse ! » de Célestin Freinet :

30Olivier Reboul, Qu’est-ce qu’apprendre ?, PUF, Paris, 1997

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Que dit la tradition ? Que dit la VIE ?Elle dit que la première vision de l'individu est toute globale et syncrétique. L'enfantentend un pas, voit une ombre : « Maman ! ». L'Ecole redoute cette vertu de l'êtred'appréhender toutes choses par la complexité subtile des biais si divers qui s'offrentà la nature humaine. Elle a, depuis toujours, posé en préalable une démarche qu'ellecroit unique et universelle. Elle pense que la vie se construit comme se monte un mur,pierre à pierre, et que l'enfant ne saurait reconnaître sa maman si on ne lui a donné,par l'instruction, les éléments de cette reconnaissance, en un processus dedémonstration apparemment logique : cette ombre est une femme... elle a despantoufles usagées qui raclent le parquet, un corsage avec trois boutons, les yeuxmarrons et une mèche de cheveux frisant autour de l'oreille : « C'est tamaman ! ». Alors que l'enfant suit naturellement le processus inverse. Maman ! Il nepeut pas se tromper ; c'est sûr et définitif. Tous les éléments de vie concourentmystérieusement à cette reconnaissance. Il reconnaît maman comme le chevreaureconnaît sa mère au milieu du troupeau. Ce n'est que lorsque s'est faitel'identification, que l'esprit, l'œil et l'oreille et une infinité d'autres sens qu'on a tort denégliger peuvent se préoccuper du détail analytique : la pantoufle, les boutons ducorsage ou la mèche de cheveux. Et ce second stade n'est même pas toujoursnécessaire. Je ne me souviens plus combien il y a de marches devant ma vieille maisonnatale. Mais je puis y arriver de nuit : mes pas n'en manqueront pas une parce qu'ilsles ont comptées et inscrites dans ma mémoire des pas. C'est tout cela le processusretrouvé de la méthode globale. Il ne s'agit même pas de discuter s'il est juste ou fauxou efficient. Nous sommes obligés de constater que dans la vie, il n'y en a pasd'autre.31

Si nous voulons suivre cette méthode il faudrait donc donner le savoir « scientifique » àl’élève, afin qu’il se construise sa propre référence du sujet. De même qu’il faudrait lui donnertoutes les références que nous avons à ce sujet, même celles avec lesquelles nous ne sommespas d’accord. L’élève risque alors de se perdre, ce qui est une des grandes craintes de chaqueenseignant. Mais se perdre c’est aussi « errer » !

Errer retrouve ici son étymologie latine d’ « errer ça et là », et seulement au sensfiguré, celui d’incertitude, d’ignorance, et même d’hérésie, car l’erreur a pu menerjusqu’au bûcher… Comment ne pas « errer » quand l’on ne connait pas déjà lechemin ? Si quelqu’un nous le désigne, nous savons bien que la première fois que nousserons seul, nous n’éviterons pas d’avoir à nous approprier, en première personne, cequi faisait jusque-là l’objet du guidage.32

Dans l’apprentissage du Jazz, les musiciens se confrontent souvent les uns aux autresdans les jam-sessions. Ceci est « une réunion de musiciens ne travaillant pas habituellementensemble et qui, sans leader, sans programme défini (…) improvisent à partir de thèmes ou destructures harmoniques connus de tous »33. Dans cette démarche les jazzmen se trouvent, avecles gammes et théories travaillées indépendamment, dans une situation proche du concertdans un espace « sécurisé ». Ils s’y laissent la possibilité de « confronter techniques, styles et

31http://www.amisdefreinet.org/textes/methode-globale/methode-globale-galeuse.html (26/03/09)

32Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1997, p.20

33Philippe Carles, André Clereat, Jean-Louis Comolli, Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont, Paris, 1997

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idées voire de risquer ou tester certaines innovations »34. Ceci ressemble fortement à uneméthode globale, car les musiciens doivent errer et organiser la multitude de savoirs,décomposés au préalable lors d’un travail personnel. Pendant les jam sessions, tous lesparamètres nécessaires sont en place afin de restituer la « réalité »du concert, à tel point qu’àcertains moments jam-session et concert sont difficiles à dissocier, car les deux sont à la foislieu de laboratoire et vitrine du musicien35.

Pour appliquer cette méthode à la pratique de la trompette, soit il faudrait donneraucun exercice et que des pièces à jouer, soit il faut « perdre » l’élève en lui donnant unmaximum de références. De cette manière l’élève aura multitudes d’informations pourfaçonner le savoir comme bon lui semble, même si à la fin le résultat ne sera qu’un savoir« naïf », ce sera quand même un « savoir ». N’est-ce pas ce qui compte ? Mais comment unélève acquiert-il un savoir ?

3.11 Les stratégies d’apprentissage :

Une stratégie dans l’enseignement est une situation d’apprentissage, où « un sujetmobilise une ou des capacités qu’il fait entrer en interaction avec ses compétences. »36

L’enseignant doit alors mettre des paramètres en place pour que l’élève puisse avoir cettedémarche personnelle, qui lui permet de construire des bases afin de créer d’autres stratégieset donc d’intégrer d’autres savoirs. Chaque être a sa propre structure cognitive. Sesacquisitions se feront en articulant autour de cette structure. Il ne pourra assimiler si oncontourne ou neutralise sa propre stratégie. L’enseignement doit être conçu afin de permettreà chaque sujet de personnaliser sa démarche d’assimilation du savoir. « L’action didactiquedoit-elle enrichir le répertoire méthodologique des sujets en s’appuyant sur les compétencesacquises (…). »37

Si nous prenons en compte cette réflexion, alors il n’est pas important de savoir s’il fautenseigner le savoir « naïf » ou « scientifique », mais plutôt quel savoir peut-être acquis par unélève précis. Pour savoir cela, il faut lui donner l’occasion d’acquérir un des savoirs, que ce soità travers une méthode globale, behavioriste ou autre, lui-même élabora sa stratégie pourl’assimiler.

Quel que soit le savoir que le maître détienne, il peut établir des procédures afin queces élèves aient de meilleurs résultats et qu’ils puissent apprendre :

Selon Jean Pierre Astolfi38 dans L’erreur, un outil pour enseigner, une perception intimeet pénible pour les enseignants, c’est « que les erreurs repérées chez les élèves les remettenteux-mêmes en question à travers un certain constat d’inefficacité de l’enseignement donné ».En donnant le « résultat », est-ce que le professeur se protège d’une éventuelle erreur del’élève durant le procédé ? Toujours est-il que cette stratégie est courante, surtout enmusique : En lui montrant quel doit être le but, le professeur est attentif au procédé(le

34Philippe Carles, André Clereat, Jean-Louis Comolli, Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont, Paris, 1997

35Jazzman n°156, Alex Dutilh, La présence et l’urgence, Avril 2009

36Philippe Merrieu, Apprendre…oui, mais comment, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1996, p.133

37Philippe Merrieu, Apprendre…oui, mais comment, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1996

38Jean-Pierre Astolfi, L’erreur, un outil pour enseigner, ESF, Issy-les-Moulinaux, 1997

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« comment ») et non à la démarche (le « pourquoi »). L’important c’est que l’élève parvienne àses finalités. L’échec est peu envisageable, car l’élève a le résultat, il peut y parvenir de lamanière dont il le souhaite et l’erreur est de son recours, pas celui de l’enseignant. C’estcomparable au professeur de mathématiques qui donne le résultat 9 et les élèves ont lapossibilité de construire leur problème : « 4+5 », « 3x3 », « 7+2 » ou « 3² ». Le professeurdonne alors l’occasion de manipuler le savoir afin qu’il soit assimilé. La question n’est plus desavoir si le savoir est « naïf » ou « scientifique », mais d’admettre que le savoir est utilisé etqu’il a du sens pour l’élève.

3.12 Retour sur le savoir « scientifique » et le savoir « naïf »

Admettons qu’en tant que professeur nous détenons le savoir « scientifique » : Nousne pouvons donner à l’élève que le savoir « naïf » s’il est avide d’informations et de naturecurieuse. Nous ne pouvons non plus lui donner le savoir « scientifique » si cela ne l’intéressepas. Si nous détenons que le savoir « naïf », donner le savoir « scientifique » à l’élève estimpossible (il trouvera les moyens lui-même s’il le souhaite), et donner le savoir « naïf » se feraavec du bon sens, comme cela se fait en grande partie.

Le savoir « scientifique » nous permet d’avoir un regard plus analytique sur notreentreprise, ceci nous permettra peut-être d’anticiper un éventuel problème et/ou de le corrigerplus rapidement. Si un savoir « scientifique » est endoctriné, comme c’est souvent le cas dansle « métier d’élève » à travers un apprentissage tel le behaviorisme, ce savoir ne sera pas ancré,donc éphémère.

Le savoir « naïf » est souvent né d’une volonté autonome et intuitive d’affirmation desoi et de recherche de simplicité à travers une méthode globale. Ce savoir pose certainesdifficultés quand il s’agit de le corriger et/ou de le transmettre.

Quand un élève acquiert le savoir « scientifique » de manière autonome, c’est que lesujet avait un sens pour lui. Il avait une certaine curiosité à l’aborder, le creuser afin d’assimilerles théories et à le manipuler. Une fois ce savoir acquis, il aura certainement peu de difficultés àcorriger ses erreurs si cela est nécessaire, car grâce aux compétences assimilées avec cesthéories, il pourra l’admettre et la rectifier. C’est pourquoi ce procédé doit être ce à quoichaque enseignant doit conduire ces élèves.

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Conclusion :

Je pense avoir trouvé des éléments de réponse aux questions qui m’ont conduits à larédaction de ce mémoire. « Peut-on tout enseigner ? » et « Quelles sont les autres manièresd’acquérir le savoir ? ». Je suis parti de ma propre expérience concernant l’utilisation de lalangue dans la pratique de la trompette, et je l’ai développée dans la première partie pourcomprendre l’importance de l’acquisition d’un savoir « scientifique ». La deuxième partie m’apermis de comprendre le fonctionnement de la prise de conscience. Suite à cela, enm’interrogeant comment on m’a transmis ce sujet et comment je le transmets, puis enanalysant la réaction de l’enseigné, j’en viens à la conclusion suivante :

Durant ce mémoire je me suis concentré sur ces deux savoirs. Peut-être y en a-t-ild’autres. Toujours est-il que la mise en parallèle du savoir « scientifique » et du savoir « naïf »me permet de dire que les deux ont la même valeur, mais que chaque personne retient cellequi a plus de sens à ses yeux. Quelque soit le savoir que nous voulons et pouvons transmettre,si l’élève n’a pas les récepteurs adéquats, cela ne pourra s’opérer, et si nous ne pouvonsrépondre à ses attentes, il ira se chercher les réponses ailleurs.

Je pense qu’on peut tout enseigner à tout moment à tout le monde. Il convient demoduler le sujet afin que celui-ci devienne un centre d’intérêt pour l’enseigné et qu’il y trouveun sens. Si cela est le cas, il ira chercher des réponses par lui-même et n’attendra pas tout del’enseignement.

Ce fonctionnement nous permet de prendre un peu de distance vis-à-vis de

l’enseignement, admettre les limites de l’explication et se dire que chaque savoir a la place qui

lui convient et que chaque personne s’approprie le savoir dont elle a besoin.

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Remerciements :

Au directeur de ce mémoire : Jean-Luc Tamby

A l’orthophoniste Elodie Guyet

Aux trompettistes Manfred Niezgoda, Salvador Estelles, Georges Beckerich, Eric Aubier, LaurentBourdon.

Aux trompettistes : Alain Vankenhove, Malte Burba, Gabriele Cassone, Pierre Dutot, FranckPulcini, Thierry Caens, Dominique Brunet, Marc Geujon, Eric Planté, Alain Loustalot, BrunoVasseur, Antoine Curé, Frank Paque, Guy Messler, Gérard Boulanger, Guy Touvron, DominiqueDerasse, François Chassagnite, Gilles Mercier, Hannes Läubin, Joe Burgstaller, Bruno Tomba,André Jung, David Guerrier, Mathias Höfs, Anthony Plog.

Au jazzman Briag Derouet

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Bibliographie:

Méthodes d’instrument:

- ARBAN, Jean-Baptiste, Vollständige Schule für Cornet à Pistons und Flügelhorn, VerlagFriedrich Hofmeister, Hofheim am Taunus, 1990

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Livres:

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- http://www.ulaval.ca/phares/vol5-automne04/texte03.html (23/04/2009)

Magazines :

- Jazzman n°146, Jazz et Hip.Hop, Mai 2008- Jazzman n°120, Jazz et Classique, Janvier 2006- Jazzman n°150, Dave Douglas, rédacteur en chef invité, Septembre 2008- Jazzman n°156, Alex Dutilh, La présence et l’urgence, Avril 2009

Dictionnaires :

- Philippe Carles, André Clereat, Jean-Louis Comolli, Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont,1997

- Larousse, Le petit illustré, 2004- Larousse, Dictionnaire en 1 volume, 1988- Larousse, Grand Dictionnaire Langenscheidt II, Allemand-Français, 1979

Mots clés : Rôle de la langue à la pratique de la trompette, proprioception, kinesthésie, savoir« naïf », savoir « scientifique », behaviorisme, méthode globale

Résumé : Dans une première partie, ce mémoire décrit l’anatomie de la langue puis distingueles différentes utilisations de la langue à la pratique de la trompette. La deuxième partieconcerne l’interrogation sur la prise de conscience de la langue et dresse des parallèles avec laphysiologie puis l’orthophonie. La troisième partie traite du même sujet, s’interroge sur lesproblèmes que cela peut induire dans l’enseignement et cherche des réponses dans laphilosophie, les sciences de l’éducation et la musicologie.