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Le célèbre centre commando de la Légion à Djibouti s'est réorienté vers le combat, particulièrement dans une optique de contre-rébellion (CREB), depuis 2004. Revue de détail de limage d'Epinal, et plongée dans la nouvelle réalité d'Arta-Plage. Texte; Jean-Marc TANGUY. Photos: Jean-Marc TANGUY, CECAP, 13e DBLE Quelques baraques, un oued et des mon- tagnes, posés devant le golfe de Tadjoura, qui accueille à cet endroit de sympathiques requins-baleines. Le décor dépouillé et naturel dans lequel les stagiaires du Centre d'entraînement au combat d'Arta-Plage (CECAP), des légionnaires dans la majorité des cas, s'immergent, en général pourtrois semaines. Le site est situé à 40 km de la capitale. 30 km de route bitumée, puis une piste à peine carrossable. Une fois passés les Ci-dessus et page suivante. La célèbre « voie de l'inconscient»: un mythe qui tient toujours. Ci-contre. L'équipe du CECAP: des sous-officiers aguerris, qui transmettent leur savoir-faire commando. Information: le CECAP recrute en permanence, aussi, pour ses effectifs propres.

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Le célèbre centre commando de la Légion à Djibouti s'estréorienté vers le combat, particulièrement dans une optique decontre-rébellion (CREB), depuis 2004. Revue de détail de limaged'Epinal, et plongée dans la nouvelle réalité d'Arta-Plage.

Texte; Jean-Marc TANGUY. Photos: Jean-Marc TANGUY, CECAP, 13e DBLE

Quelques baraques, un oued et des mon-tagnes, posés devant le golfe de Tadjoura,qui accueille à cet endroit de sympathiquesrequins-baleines. Le décor dépouillé etnaturel dans lequel les stagiaires du Centred'entraînement au combat d'Arta-Plage(CECAP), des légionnaires dans la majoritédes cas, s'immergent, en général pourtroissemaines.

Le site est situé à 40 km de la capitale.30 km de route bitumée, puis une pisteà peine carrossable. Une fois passés les

Ci-dessus et page suivante.La célèbre « voie de l'inconscient»: un mythequi tient toujours.

Ci-contre.L'équipe du CECAP: des sous-officiersaguerris, qui transmettent leur savoir-fairecommando. Information: le CECAP recrute enpermanence, aussi, pour ses effectifs propres.

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champs de tir, on entre à proprement parlerdans l'aire du CECAP. C'est le carrefour dit«de la fusée» (parce qu'il est planté d'unempennage de fusée... j qui signale qu'on afranchi une sorte de point de non-retour.

Le combatde contre-rébellion

Là, le stagiaire découvre sur les cinqderniers kilomètres l'endroit où la Légiona prévu de l'aguerrir au combat de contre-rébellion. La piste, elle-même, est en-caissée entre des falaises propices auxembuscades. La caillasse, abondante,pourrait dissimuler des IED en chaîne. Avecson crâne et ses tibias croisés floqués surla muraille, une suite de ponts de singes etde filins, un parcours d'audace que tout lemonde a fini par connaître comme « la voiede l'inconscient».

Puis, posée sur un nid d'aigle par lespionniers du 1er REG, la FOB, décrite dansnotre précédent numéro. La traverser vousamène à la plage connue comme « la plagedes Chameaux». Pour rallier la base duCECAP, il faut la laisser de côté et parcourirencore quelques kilomètres. En 2004, c'estBenoîtDurieux,chefduBOIdela13eDBLE,qui fait prendre au CECAP son virage versla contre-rébellion, l'aspect commandodevenant marginal. «Ici, on ne préparepas à l'Afghanistan, c'est un complément àl'entraînement à la contre-guérilla », prônele capitaine Damien Cabal, l'actuel chefdu centre. Exemple basique, «pour undéplacement dans un oued, on apprendraà tenir les hauts ». Ce qui s'applique à tousles théâtres où on trouve des hauts...

A la lecture du menu des stages (lirenotre tableau), on pourrait reprocher, deprime abord, une sur-spécialisation surle conflit du moment (l'Afghanistan), saufque la menace IED figure également auLiban et que le secourisme de combat estdésormais un prérequis. Après les effortsqui ont été effectués pour les GTIA et OMLTpartant en Afghanistan, il serait dangereuxde revenir en arrière, les acquis pouvantservir pour n'importe quel type d'opérations.Chaque exercice intègre donc au minimumun incident sanitaire.

A l'origine, les étrangers étaient plutôt raresau CECAP, tout simplement faute de place etd'opportunité. Progressivement, le centre estaussi devenu un outil de relations internatio-nales pour le commandant des FFDJ. LesDjiboutiens étaient naturellement les premiers

bénéficiaires, avec trois axes très différents : lagarde républicaine, l'école d'officiers (AMIA)et le GIGN. Ce dernier a pu bénéficier, parailleurs, d'une formation dédiée au contre-ter-rorisme, prodiguée par le commando (marine)Arta, cet hiver.

A ce cercle naturel se sont ajoutés plu-sieurs invités très différents, qu'il s'agissedes forces spéciales yéménites, des forcesougandaises ou, désormais, des Américains.Deux sections de Marines ont testé le centreune semaine avant nous, et cette premièredevrait passer dans la routine, avec la volontéévidente de coopérer développée par lesAméricains depuis six mois.

LUS Army avait, quant à elle, été accueilliel'an dernier.

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Différentes étapes du parcours nautique, qui commencepar un survol de la mer, avant de goûter aux obstacles

et au sel marin.... Mis à part le début et la fin, le parcourss'effectue en collectif. Aucun obstacle ne peut d'ailleurs

être franchi seul.

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En matière d'IED, le réalisme peut en-core être accentué avec le kit acheté en« urgence opérations », dont Djibouti a étéun des quinze destinataires. Sa mise enœuvre peut être réalisée sur la petite pistedéveloppée dans l'enceinte même de la13e DBLE, ou sur les pistes IED dévelop-pées au CECAP.

De même, le développement du villagede combat, construit dans la même logiquede réalisme que la FOB, complétera-t-illes capacités en matière d'instruction àla fouille d'habitations et, plus largement,d'opérations en milieu urbain. L'emploi desmoyens 3D est facilité par la proximité desmoyens de l'armée de l'air et de l'ALAT, toutn'étant alors question que de « phasage »des activités. Les relations, à Djibouti,semblent excellentes entre les capitaines,sans considération d'armes et d'armées,au bénéfice de l'entraînement de tous. LePAC SUP des forces françaises à Djibouti(FFDJ) est donc attentif aux besoins duthéâtre, et particulièrement à ceux duCECAP.

Un guidage de poser d'assaut peut alorsêtre intégré dans un scénario, ou un lar-gage de fret, à 150 mètres d'altitude, poursix charges de 100 kg. Tout est possible,de l'eau (consommée à 9 litres quotidienspar homme, en été), à l'obus des munitions

Série de photos prises durant le premierexercice MEDIC'HOS réalisé au CECAP, avec leconcours de la 13? DBLE. Cet exercice a permisaux légionnaires et au staff médical de l'hôpitalBouffard des FFDJ de renforcer leurs pratiquesde soin, particulièrement pour les médecins,en matière de réanimation de l'avant.

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de mortier, voire des munitions inertes deMilan. Autre intérêt, la proximité immédiatede champs de tir. Tout le spectre 3D peutêtre mobilisé, du fait des synergies quasiorganiques entre les différentes compo-santes des FFDJ, notamment les chas-seurs de TEC 3.11 «Corse», le Transall del'ETOM, qui offre également des Puma,et évidemment le DETALAT et ses Pumaet Gazelle.

« Une grande partie du potentiel duDETALAT est effectuée à notre profit»,explique-t-on au CECAP. On imagine alorsla richesse des formations qui peuvent êtreoffertes, avec des scénarios se déroulantéventuellement sur plusieurs jours, avecchangement de milieu, mêlant phases detir et incidents les plus divers. En France,de tels exercices sont très difficiles à mettreen place, à cause de la dispersion des ate-liers, de la difficulté à trouver des moyensaériens, de la législation, des nuisances ; àDjibouti, c'est seulement la routine.

Un échange gagnant-gagnant«En moyenne, il faut seulement une

à deux semaines et quelques coups detéléphone pour monter un exercice com-plexe», applaudit un officier de Légion.Les aviateurs, quant à eux, apprécient depouvoir «driller» sur des scénarios com-plexes, puisqu'ils doivent, eux aussi, dansleurs scénarios, accumuler les difficultés.Il n'est pas rare d'en voir quelques-uns, del'armée de l'air ou de l'ALAT, venir s'aguer-rir à Arta-Plage, sur un stage spécialisé.La présence d'un FAC SUP, à l'état-major

Répartition de l'enseignement combat CREB

THÈME POURCENTAGE DÉVELOPPEMENTS

Tactique 50 % Reconnaissance d'oued, bouclage de zone, fouille de caches,réaction aux embuscades, patrouilles sous menace IED, renfor-cement par OHP, vie en FOB, escorte de convoi, stationnementen zone hostile, exercices de pertes massives, coordinationinterarmées des appuis.

Piste 20 % Piste d'audace, parcours nautique, séances « explo » et TIOR.Tec-Tac 30 % Entraînement sanitaire, emploi 3D (héliportage, appui feu, posers

d'assaut, largage par air), sensibilisation et réaction à la menaceIED, tirs spécifiques (en site positif et négatif, de saturation, tirembarqué).

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interarmes (EMIA) des FFDJ, est un plusévident. D'autant plus pour ce navigateursur Mirage 2000, qui a aussi officié enKapisa, avec le 27e BCA.

L'échange est gagnant-gagnant pour leséquipages, qui peuvent ainsi effectuer desmissions plus tactiques. Les équipages duDETALAT viennent même régulièrements'aguerrir au sol, au CECAP, comme ils lefont aussi, pour la survie désertique, auCAIDD, armé par le 5e RIAOM. La FOBtient désormais une grande place dans lecentre. « Dès qu'on les fait sortir de cetteFOB, ils sont en zone dangereuse, expliquele capitaine Cabal. Le but, dès lors, est dene jamais baisser la garde, de vraimentcasser la routine. » La topographie, faitede défilés rappelant singulièrement la routeKaboul-Tora, est particulièrement propiceà l'embuscade. Les stagiaires peuventapprendre aussi bien à poser l'embuscade,qu'à s'en sortir.

L'évolution, c'est aussi d'offrir des plas-trons le plus réalistes possible. Ici, on n'estpas au CENTAC, donc pas question demobiliser une FORAD en permanence ; parcontre, la famille d'un employé djiboutienest mise à contribution... Cette présencepermettant aussi de mieux s'entraîner à lacollecte du renseignement humain (ici, parle déclenchement de réflexes), essentielledans la contre-guérilla.

Le CECAP offre chaque année huit sta-ges combat de trois semaines, permettantd'accueillir à chaque fois deux sectionsd'infanterie et une section de génie. Làaussi, une évolution structurelle, qui traduit,de fait, les engagements du génie à la

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pointe, ces dernières années, particuliè-rement en Afghanistan. C'est le cas pourles groupes d'ouverture d'itinéraires, maisaussi les composantes génie des GTIA, etdans les équipes de mentors (OMLT). En2009, le CECAP a reçu 1100 stagiaires en36 semaines de stages, si l'on intègre lesinstructions spéciales.

Les stages d'entraînement au combatdurent trois semaines. Seize stages de cetype ont été organisés en 2009, permettantd'accueillir seize sections d'infanterie et huitsections de génie. Douze stages de combatadapté, d'une semaine chacun, ont aussiété effectués au profit de douze sectionsde la compagnie de commandement et desoutien (CCS) et de la CIMAT (compagniedu matériel) de la 13e DBLE, ou de compo-santes des FFDJ.

Les lieutenants de l'EAI viennent aussipour une semaine.

Cependant, les populations accueilliesau CECAP se diversifient de plus en plus,comme en témoignent les visiteurs deces toutes dernières semaines. Le stageMEDIC'HOS prodigué par le Centre d'ins-truction des techniques de réanimation del'avant (CITERA) de Lyon est venu en fé-vrier. Là aussi, même si la préparation a né-cessité un gros travail de la part du CITERA,

Page précédente et ci-dessus.Outre la «voie de l'inconscient», le CECAPhéberge une multiplicité de pistes collectives.

Ci-contre.Vue aérienne du cadre idyllique du CECAP.

Certains stages commencent par un largagepara, pour ceux qui ont la qualification.

le segment pratique de l'instruction, joué auCECAP, a pu être réalisé très facilement. Ladiversité des décors a permis, par ailleurs,d'effectuer une instruction réaliste, particu-lièrement en ce qui concerne la restitutiondes ambiances de combat.

Le groupe de commandos parachutistes(GCP) de la 11e BP est aussi venu, presqueau grand complet, tout comme le 13e RDPet les commandos parachutistes de l'Air(CPA). En quelque sorte, le vent de l'his-toire : destiné au départ aux seuls légionnai-

res, le centre s'est ouvert progressivementsur l'extérieur. A l'image des évolutions quidevraient concerner les forces françaises àDjibouti, dans les tout prochains mois.

Le commandement de la force terrestre(CFT) l'a reconnu, il y a peu : le potentiel d'en-traînement disponible à Djibouti est sous-évalué. La venue, en avril, d'un groupe am-phibie et d'éléments des FAZSOI (2e RPIManotamment), pour l'exercice Amitié, traduitpeut-être cette volonté de mieux utiliser,désormais, ce pôle d'excellence. D

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