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CAUET FAITES-LE TAIRE !
E N Q U Ê T E
DROIT DECUISSAGEÀ LA MAIRIE
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38 CAUSETTE #23 CAUSETTE
Un soir d’été, à la mairie de Neuilly-sur-Marne (93).
Avant de partir, Martine, la gardienne, vérifie que les
portes et les volets sont bien fermés. En sept ans de
ronde, l’employée de 42 ans n’est plus surprise de croiser le
maire dans les couloirs du bâtiment. Ce soir, c’est différent.
Dans l’escalier, Jacques Mahéas lui « pince le mollet ». « C’est bizarre » , mais la gardienne ne s’« inquiète pas, il n’a peut-être
pas fait exprès » . Bientôt, l’élu ne se contentera plus d’un geste
déplacé... La bise matinale dérape en baiser forcé sur la
bouche. Maintenant, le maire guette le passage de la gar-
dienne. Dissimulé derrière une porte, il la surprend.« Il m’attra-
pait, raconte, haletante, Martine. Il me caressait les seins, les
fesses, et moi, j’étais tétanisée. Je me disais que si je réagis-
sais violemment, je perdrais mon logement de fonction et mes
trois enfants seraient à la rue. » Alors, Martine subit. Et subit
encore sa « séance de pelotage, vingt fois, peut-être trente ».
Elle se demande « pourquoi ? » Quels gestes a-t-elle faits pour
« lui faire croire [qu’elle] était intéressée »? Pour le décourager,
elle porte des vêtements informes. Malgré son asthme, la gar-
dienne se met à fumer, « car il ne supporte pas le tabac ». Sa
ronde devient un cauchemar, Martine sursaute au moindre
bruit, prend des antidépresseurs. À aucun moment elle n’aura
le courage de par ler. C’est une autre qui le fer a : « Le mai res’est jeté sur Samia, la secrétaire de mairie, relate Martine. Il l’a
embrassée et lui a touché la poitrine, mais elle l’a repoussé et
a fait un scandale. » C’est le déclic, la fonctionnaire se confie.
Les deux employées se rendent ensemble au commissariat
pour porter plainte : le début d’une longue procédure q
tira, en 2009, à la condamnation de Jacques Mahéas
teur et maire socialiste, pour agression sexuelle contre
En raison de « la personnalité du prévenu » qui est « d’un
niveau intellectuel [et] d’une aisance sociale certain
juges prononceront une peine de 10 000 euros d’aC’est donc en raison de son profil, établi par un exper
bunal, que les juges renoncent au sursis.
Deux ans et demi après cette décision, l’agresseur
jours maire. Martine, elle, a été poussée à prendre une
anticipée, a perdu son logement, changé de ville et
930 euros par mois. Justice est faite !
Des victimes poussées vers la sortMartine n’est pas la seule à avoir payé le prix fort po
dénoncé. Selon l’Association européenne contre
lences faites aux femmes au travail (AVFT), « quasimen
les victimes de harcèlement et d’agression sexuels p
leur emploi après avoir porté plainte. Quel que soit l
de rupture : démission, licenciement, mutation, mi
retraite » .
Dans les collectivités, la gardienne de Neuilly-sur-Ma
l’arbre qui cache la forêt. Les cas impliquant des élusen quatrième position des dossiers traités par l’AVF
des 150 dossiers annuels). Et pour une qui parle, com
taisent ? « Personne ne sait, rétorque l’association. C
particulièrement difficile de dénoncer des élus tout pui
1. Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail.
E N Q U Ê T E
Droit de cuissage
à la mairie « Troussage de domestique » dans les toilettes de l’hôtel de ville, pelotage de collaboradans l’ascenseur, baisers forcés dans les couloirs, selon les chiffres de l’AVFT 1, les élus sontle top 4 des auteurs de violences faites aux femmes au travail. Et que dire du maire-roi-efief qui couvre les agissements de son employé ? Rien. Dans les mairies comme dans les pl’omerta règne quand on mêle violences sexistes et politiques. Causette est entrée dabureaux feutrés des collectivités pour chercher les victimes, leurs agresseurs « cocardésCreusot à Maubeuge, en passant par l’Assemblée, Causette les a trouvés.
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40 CAUSETTE #23 CAUSETTE
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LE MAIRE EST UN BON VIVANT, UN GAULOIS.UNE DES PLAIGNANTES LAVAIT LES CARREAUX EN STRING
en 2004 pour agression et harcèlement sexuels sur des
employées. Julien Courdesses, l’élu divers droite est resté en
place, droit dans ses bottes, jusqu’à la fin de son mandat.
Pourquoi se gêner ? La justice ne lui a pas retiré ses droits
civiques et ses pairs minoraient : « C’est un bon vivant, un
Gaulois », « [Une des plaignantes] lavait les carreaux en
string », rigolait à l’époque son deuxième adjoint 2.
Les élus du département – un député UMP et deux séna-
teurs PRG (Parti radical de gauche) –, tous alertés, n’ont pasréagi. Et la préfecture n’a pas moufté. Pourtant, elle aurait pu.
Le Code des collectivités permet la révocation d’un maire s’il
perd son « autorité morale » 3. Un élu coupable d’« attentat à
la pudeur » en a fait les frais, il y a vingt-cinq ans. Depuis, rien.
C’est ainsi que Jacques Mahéas, l’agresseur de Neuilly-sur-
Marne, et le maire de Puylaroque ont continué d’arborer
l’écharpe tricolore en dépit de leur condamnation. Julien
Courdesses ne s’est pas représenté en 2008. Les leçons ont-
elles été tirées ? Non, dans les communes de France, dans le
silence et l’impunité, la liste des agresseurs s’allonge...
L’omerta dans les mairiesDans les bureaux de l’hôtel de ville de Maubeuge, l’horreur
aurait duré cinq ans.
Entre 2006 et 2011, Anna 4, collaboratrice du maire, le socia-
liste Rémi Pauvros, aurait subi des viols, des agressions et du
harcèlement sexuels. Causette s’est procuré le courrier de
l’AVFT qui reprend son témoignage. Tout aurait commencé
par des remarques : « J’ai vu une actrice de cul ce midi, t’es
habillée pareil. » Il serait quatre à avoir agressé l’employée en
CDD. Quatre membres du Parti socialiste, parmi lesquels des
élus, un directeur de cabinet et un salarié de la fédération du
Nord. L’un d’eux commence à la harceler « plus directement »,
jusqu’à « la pousser à […] des rapports sexuels non consentis
et non protégés. » C’est l’engrenage : l’agresseur présumé
« contraint » Anna à des « rapports de même nature avec le
directeur de cabinet ». Elle « devient alors leur objet. » Un troi-
sième entre dans la danse : il l’a « contrainte à pratiquer une
fellation ». Vient un quatrième : « À plusieurs reprises, dans le
bureau [d’Anna] ou lors de réunions, il touche sa poitrine, sesfesses. » Durant toute cette période, « Anna leur a signifié ses
refus » , mais « ils ne sont pas acceptés : “Je sais ce que tu
veux, je sais que tu aimes ça” », auraient-ils dit. Au bout d’elle-
même, la jeune collaboratrice va trouver dans la tentative de
suicide sa seule échappatoire. L’acte désespéré « aboutit à
une hospitalisation de six semaines ». C’est là qu’Anna « prend
conscience de ce qui s’était passé ». Soutenue par le person-
nel soignant et par son mari, elle osera rompre le silence et
mettre des mots sur son enfer. Anna a fait un pas, mais le plus
long est devant elle.
À sa sortie de l’hôpital, elle écrit un courrier à Rémi Pauvros et
prend rendez-vous, espérant qu’il usera de son pouvoir de
sanction disciplinaire 5. Elle sera déçue. Un seul des agres-
seurs présumés sera démissionné. Officiellement, pour se
consacrer à ses projets professionnels. « Il a reconnu une
relation consentie , justifie Nathalie Montfort, première adjointe
au maire de Maubeuge interrogée par Causette. C’était sa
seconde aventure [à l’intérieur de la mairie, ndlr]. O
demandé, que ce soit consenti ou pas, de prendre s
ponsabilités. » Et les autres ? Rien. Reçus en entretie
ont nié les faits et le dernier a reconnu « une relation c
tie » avec Anna. Pas de viol, pas d’agression. « N’oub
que ces gens sont mariés, insiste la première adjointe
prenez, on ne peut pas porter des accusations quan
des familles derrière. » En outre, « je connais la plup
collaborateurs qu’[Anna] dénonce depuis plus de vin
c’est difficile. » Et pourtant, Nathalie Montfort le recon
y a toujours un doute. »
Alors, pourquoi ne pas avoir alerté la justice ? « [Anna
précisé que son but n’était pas de déstabiliser la mairie
l’adjointe. Loin d’elle l’idée de créer un remous terr
Donc, on s’est dit qu’on allait respecter sa volonté. » Vo
ment la mairie de Maubeuge justifie son entorse à la
c’en est une : Rémi Pauvros, maire, membre du Conseil
PS et aspirant député, est tenu d’avertir « sans délai » le
reur dans les cas où il « acquiert la connaissance d’un c
d’un délit » 6. Il ne l’a pas fait.
Martine Aubry règleles affaires en famille
Alertée par la situation, l’AVFT a envoyé un courrier à
Aubry. Pas de réponse. Pourtant, la lettre n’a pas atterri
poubelle de la première secrétaire du PS, mais sur le buBenoît Hamon, son porte-parole. C’est là, en présence
sette, que ce dernier découvre le contenu du courrier.
redescend pas jusqu’à moi » , explique-t-il, sans parveni
fier le silence de sa patronne sur cette affaire.
Ce n’est pas qu’elle n’aime pas écrire, simplement
Martine Aubry décide d’intervenir, elle le fait à sa faç
famille. En 2011, au Creusot, Laura 4, une employé
piscine municipale, dénonce ses collègues auprès d
PS, de la justice et de l’AVFT. Elle dit avoir été
d’agression sexuelle, de harcèlement moral et sexue
mée par l’association, la patronne du PS ne répon
Mais de passage pour un meeting, fin août, à quelqu
mètres du Creusot, elle craint d’être interpellée. D
courrier que s’est procuré Causette, sa garde rappro
conseille d’appeler le maire afin de « voir avec lui s
faire quelque chose ». Bizarrement, le principal ag
présumé de Laura est immédiatement changé de ser
Les pressions sont fortes, ils ont le bras long et le font savoir,
les victimes se disent que personne ne va les croire. »
Même quand elles portent plainte, le plus dur reste à passer :
le procès. Leurs agresseurs sont défendus par des ténors du
barreau. Celui de Jacques Mahéas n’est autre que Jean-
Pierre Mignard, membre du Conseil national du PS et peut-
être prochain ministre de la Justice.
Enfin, « les condamnations sont rares », observe l’AVFT et les
juges concluent rarement à des peines d’inéligibilité. L’idéeprévaut que ce que le peuple a fait, seul le peuple peut le
défaire.
À Puylaroque, village du Tarn-et-Garonne, on garde le souve-
nir amer d’une mobilisation vaine, face à un maire condamné
3. Art. L2122-16 du Code général des collectivités territoriales et Conseil d’État du 12 juin 1987 ; Chalvet.4. Le prénom a été modifié.5. Le maire a un pouvoir de sanction, notamment à l’encontre d’un agent en cas de harcèlement sexuel, loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits
obligations des fonctionnaires.6. Art. 40 du Code de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiertconnaissance d’un crime ou d’un délit, est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République [...]»2. La Dépêche du Midi, octobre 2001.
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42 CAUSETTE #23 CAUSETTE
qu’elle réclame depuis des mois). Quinze jours après, elle
reçoit un étrange coup de fil du cabinet de Martine Aubry à
Lille... qui lui demande si le nécessaire a été fait. Selon
toute vraisemblance, l’intervention de l’état-major a porté
ses fruits.
Le maire du Creusot, André Billardon, nie avoir été rappelé à
l’ordre. On l’aura compris, les histoires de violences sexistes
en politique, ça se règle, dixit l’AVFT, « selon une logique de
clan, en interne ». Et quelquefois, pour éviter le scandale ou
le tribunal, les élus vont jusqu’à dégainer le chéquier...
Le silence, ça s’achète À cinq reprises dans sa carrière, Jean-François Cassant a
reçu des assistantes parlementaires qui se plaignaient
d’être harcelées sexuellement par leur député. Ce repré-
sentant du syndicat des collaborateurs parlemen-
taires (USCP-UNSA-AN) l’a constaté : « Pour quatre d’entre
elles, cela s’est réglé par une transaction financière. » Cau-
sette a eu copie d’une version de l’un de ces « protocoles
transactionnels », passé entre un député UMP – toujours en
place – et sa collaboratrice. En échange de quelques mil-
liers d’euros, le député s’assure du silence de sa salariée.
Dans le compte rendu de l’entretien préalable à son licen-
ciement, celle-ci mentionne « une parure de table, un cof-
fret à cigarettes électr onique, une étole... » que lui aurait
offerts le député. Rien n’est écrit sur la contrepartie de cescadeaux, mais l’élu fait remarquer, avant de prendre cong é :
« Vous ne savez pas rester discrète sur de s éléments
d’ordre privé, c’est un mauvais point pour travailler dans
notre univers politique. » Grillée, l’attachée qui a osé se
plaindre ? Peut-être pas, puisqu’elle a choisi de ne pas aller
devant la justice. Et comment lui en vouloir...
« Les auteurs de violences sexistes ont une conscience
assez nette de leur impunité, commente l’AVFT. Les juges les Une socialiste, qui souhaite garder l’anonymat, va plus loin : « Quand un cas se présente,
c’est le déni. On se cache les yeux. C’est l’omerta la plus totale. » Et l’AVFT d’ajouter : « S’il
n’y a pas de pression médiatique ou de mobilisation de l’opinion publique, les partis ne
réagissent pas. » Il a fallu que Benoît Hamon soit interpellé publiquement pour que
Jacques Mahéas, condamné depuis deux ans déjà, fasse l’objet d’une procédure d’ex-
clusion – une première dans l’histoire du PS. Malin, le maire s’est « mis en congé » du Parti.
Un tour de passe-passe qui lui permet de claironner, dans une lettre à ses administrés :
« Je n’ai pas démissionné du Parti socialiste. » Au fait, Dominique Strauss-Kahn non plus.
Pourtant, le parquet de Paris a estimé, dans un communiqué, que « des faits pouvant
être qualifiés d’agression sexuelle » contre Tristane Banon avaient eu lieu. En passant,Causette a vérifié : le presque candidat est toujours membre du Parti.
Leila MINANO et J ulia PASCUAL — PHOTOS : Franck JUÉRY pour Causette
Note de la rédaction : contactés par Causette, Jacques Mahéas et Martine Aubry n’ont pas donné
suite à nos demandes d’interview.
VOUS NE SAVEZ PAS
RESTER DISCRÈTESUR DES ÉLÉMENTS
D’ORDRE PRIVÉ, C’ESTUN MAUVAIS POINTPOUR TRAVAILLER
DANS NOTRE UNIVERSPOLITIQUE
UMP :QUAND UN ANCSECRÉTAIRE D’ÉT
SE PREND POUCOLUMBO
À l’UMP, on préfère joules enquêteurs. Dans u
commune tenue par uancien secrétaire d’ÉtaLéa1 est venue se plaindu harcèlement sexuedu chef de la policemunicipale. L’employéa réuni les e-mails,les photos et vidéospornographiques quelui a envoyés son chefainsi que ses protestatécrites. Elle révèle ausque son supérieur luipropose une arme (de7e catégorie, non létaleen échange de ses favsexuelles. Preuvesinsuffisantes pour la
mairie, qui lui conseillde faire mine d’acceptla transaction pourrécupérer le pistolet.Une manière « de dispo
d’un élément matériel l
permettant d’étayer un
dépôt de plainte ultérie
justifie le maire. Léas’exécute, mais le chefde police est blanchi econseil de disciplineet la plainte déposée,classée sans suite...Raison invoquée :prise d’une « sanction
alternative de nature
non pénale » (sic) . Il y a
neuf mois, Léa a déposune nouvelle plainte, qest en cours d’instructi
1. Par peur d’éventuellesreprésailles, la victime nous demandé de modifier son pret de taire le nom de la comm
condamnent rarement à l’inéligibilité et l’État ne les révoque
pas. » Quant aux partis politiques, ils rechignent à faire le
ménage dans leurs propres rangs. À droite et à gauche, onse défend : « Nous ne sommes pas des instances judi-
ciaires ! » On fait moins de manières quand il s’agit d’exclure
Georges Frêche du PS pour ses multiples sorties racistes, ou
quand on menace le député UMP Christian Vanneste de le
faire après qu’il ait tenu des propos homophobes.
Il faut croire qu’en politique, les violences sexistes sont un
non-sujet. « On considère ce genre de cas avec complai-
sance », se désespère la sénatrice UMP Chantal Jouanno.
ENQUÊTE
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44 CAUSETTE #23 CAUSETTE
ON EST PRIS EN OTAGE, CAR ON NE VEUT PAS DÉSTABILISEL’ÉQUIPE MUNICIPALE EN PLEINE CAMPAGNE PRÉSIDENTIELL
Y acine Chaouat, maire adjoint PS du 19
e
arrondis-sement de Paris, chargé de la médiation, a été
condamné, fin 2011, à six mois de prison avec sursis
pour violences conjugales. Plusieurs mois après la décision,
des élus verts réclament sa démission, mais la mairie PS ne
lâche pas son adjoint. Dans un communiqué, elle défend « un
jeune élu socialiste, issu de la diversité [sic] , mis en cause
pour des faits privés » . Interrogé par Médiapart, Roger Madec,
le maire, va plus loin : « C’est pas quelqu’un de violent, […] la
peine était disproportionnée. […] Il y a peut-être un geste
regrettable, mais dans cette affaire, il y a deux victimes. »
Regrettable, le geste ? Fatma Chaouat, 21 ans, a été battue
à coups de ceinture, puis retenue à son domicile (quatorze
jours d’incapacité temporaire de travail). « C’est horrible ! réa-
git un élu PS de l’arrondissement, les communiqués du maire
n’ont pas été discutés. On n’est pas d’accord, mais on est
pris en otage, car on ne veut pas déstabiliser l’équipe muni-
cipale en pleine campagne présidentielle. »Quant à EELV, qui joue les redresseurs de torts à la mairie du
19e, le Parti n’a pas de leçon à donner. Stéphane Pocrain,
membre de la garde rapprochée d’Eva Joly, a été condamné
pour violences conjugales en 2008 et, il y a deux mois, pour
abandon de famille et non-paiement de la pension alimen-
taire. Dans un courrier interne, une cinquantaine de militants
verts réclament que le collaborateur « soit écarté des cerclesofficiels et officieux de la campagne d’Eva Joly au plus vite ».
« C’est un vrai problème pour un Parti qui a un positionne-
ment clairement féministe », justifie, dépitée, une des signa-
taires de la lettre. Quatre mois après le courrier, Stéphane
Pocrain est toujours dans les petits papiers d’Eva.
Quand on veut, on peutEn dépit de cette distinction vie privée/vie publique, utilisée
comme bouclier par le maire du 19e – et par d’autres élus
quand un de leurs pairs est condamné –, il arrive pourtant
que des représentants de la nation soient démissionnés pour
des faits relevant de leur vie privée.
En avril 2011, Guy Rouveyre, conseiller général PCF et pre-
mier adjoint d’Échirolles (38), a ainsi été contraint à démis-
sionner de ses mandats après que son maire a découvert sa
condamnation en 2010 pour deux agressions sexuelles sur
mineur de 16 ans. De même, le conseiller municipal UMP duMesnil-Saint-Denis (78), Maurice Gutman, condamné en
2010 à deux mois avec sursis pour proposition sexuelle à une
mineure de 15 ans, a, selon la mairie, « démissionné immé-
diatement ». L’élu aurait même... « changé de ville ».
L. M. et J. P.
La vie (très) privéedes élus de la République
Le devoir d’exemplarité des élus s’arrête-t-il à la porte de la mairie, du conseil général ou de leurpermanence parlementaire ? Non, répondent en chœur les partis. Dans sa vie privée, comme
dans l’exercice de ses fonctions, le comportement d’un élu doit être conforme aux valeurs duParti. Mais il faut confronter ces déclarations à la réalité...
ENQUÊTE