Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

235
HAL Id: dumas-01711060 https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01711060 Submitted on 16 Feb 2018 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. Captivité des prisonniers de guerre français pendant la Seconde guerre mondiale. Le cas des aspirants du Stalag IA (1940-1945) Floriane Chiffoleau To cite this version: Floriane Chiffoleau. Captivité des prisonniers de guerre français pendant la Seconde guerre mondiale. Le cas des aspirants du Stalag IA (1940-1945). Histoire. 2017. dumas-01711060

Transcript of Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

Page 1: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

HAL Id: dumas-01711060https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01711060

Submitted on 16 Feb 2018

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinée au dépôt et à la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publiés ou non,émanant des établissements d’enseignement et derecherche français ou étrangers, des laboratoirespublics ou privés.

Captivité des prisonniers de guerre français pendant laSeconde guerre mondiale. Le cas des aspirants du Stalag

IA (1940-1945)Floriane Chiffoleau

To cite this version:Floriane Chiffoleau. Captivité des prisonniers de guerre français pendant la Seconde guerre mondiale.Le cas des aspirants du Stalag IA (1940-1945). Histoire. 2017. �dumas-01711060�

Page 2: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

1

UniversitéParis1–PanthéonSorbonne

UFR09

MasterHistoiredesSociétésOccidentalesContemporaines

Centred’HistoiresocialeduXXeSiècle

CAPTIVITÉDESPRISONNIERSDEGUERREFRANÇAIS

PENDANTLASECONDEGUERREMONDIALE:

LECASDESASPIRANTSDUSTALAGIA

(1940-1945)

MémoiredeMaster2recherche

PrésentéparMmeFlorianeChiffoleau

SousladirectiondeM.OlivierWieviorka

Année2017

Page 3: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

2

Page 4: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

3

Page 5: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

4

Page 6: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

5

SouslaDirectiondeMonsieurOlivierWIEVIORKAAnnée2016–2017

CAPTIVITÉDESPRISONNIERSDEGUERREFRANÇAIS

PENDANTLASECONDEGUERREMONDIALE:

LECASDESASPIRANTSDUSTALAGIA

(1940-1945)

FlorianeCHIFFOLEAU

Page 7: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

6

Page 8: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

7

ABRÉVIATIONS

AN à ArchivesNationales

AS à AmicaledeStablack

BCRA à BureauCentraldeRenseignementsetd’Action

CFLN à ComitéFrançaisdelaLibérationNationale

CICR à ComitéInternationaldelaCroix-Rouge

DSPG à DirectionduServicedesPrisonniersDeGuerre

SDPG à ServiceDiplomatiquedesPrisonniersDeGuerre

OKW à OberkommandoDerWehrmachtouOrganedeCommandementSuprêmedes

ForcesArméesAllemandes

Page 9: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

8

Page 10: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

9

INTRODUCTION

«Iln’estpasimpossibleque,vers2055,unjeuneétudiantlicenciéd’histoire,àlarecherched’unsujet

de thèse, découvre quelques documents sur le camp qui exista de 1941 à 1945, aux confins de la Prusse

Orientale,souslenomd’«Aspirentenlager»,etdécidedeluiconsacreruneétude,séduitparlecôtéoriginalde

cettecréation.Onpeutsedemandercomment il ferarevivrecettecommunautédetroismilleFrançaisréunis

parunsortcontrairedansunemorneétenduedesableetdebaraques,enclosedebarbelés,etfixerapour la

petitehistoirelesapparencesdecetteréalitévivante,agissanteetsouffrantequ’aétélecampdesAspis.Selon

l’originedesdocumentsdontilseservira,n’endonnera-t-ilpasuneimagedéformée,enpartievraie,maisaussi

enpartiefausse?1»

LeCapitaineRobertMazet,recteurdel’universitédeStablackexprimeicidans lesgrandes

lignes le but de ma démarche. Mon intention est de présenter la vie des aspirants

prisonniersdeguerrefrançaisducampdeprisonniersstalagIA,situéàStablack,quisemble

êtreuncasparticulierauseindel’ensembledescampsdeprisonniersdelaSecondeGuerre

mondialemais également en tant que captivité. L’intérêt est de découvrir si leur statut a

créé une situation sans précédent pendant cette période de captivité, notamment par la

manièredontilsontvécuetsesontoccupéspendantcettecaptivité.

La réalité de «captivité de guerre» est une expérience très ancienne, remontant

jusqu’à l’Antiquité,bienqu’elleait changéeaucoursdes siècles. Le termemêmevientdu

latin«capere»qui signifie«faireprisonnier», et à cetteépoque,une foisqu’un individu

devientcaptivus, ilperd sonancien statut socialet juridiquepourainsiprendre le rôlede

captif,nedisposantdepresqueaucundroit.Letraitementdesprisonniersdeguerren’était

alors soumis à aucune règle écrite et il va donc dépendre entièrement des actions du

vainqueur,quil’afaitcaptif.Ilatoutdemêmeunrôledanscetteguerre,puisquebienqu’il

soit, en lui-même, un élément passif, il peut être utilisé pour l’avancement de la guerre2.

L’absence de règlementation sur le traitement de prisonniers de guerre n’empêche pas

l’existencedeloisfondamentalespourempêchercertainsabus,etainsi,parrespectpourles

dieux, laguerredoit rester justeetpieuse, cequiempêche l’utilisationd’une tropgrande

1MAZET Robert, «Les souvenirs du Capitaine-Recteur», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,Volume1,Paris,1991,p.792GUEYEMarianna, Captifs et Captivité dans leMonde Romain, discours littéraire et iconographique (IIIèmesiècleav.JC–IIèmesiècleaprèsJC),Paris,L’Harmattan,2013,316pages

Page 11: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

10

violence par l’armée vainqueur 3 . Par la suite, durant le Moyen-Âge, le captif était

généralement utilisé commeunemonnaie d’échange, c'est-à-dire que la libération de ces

prisonniers était soumise à une rançon, permettant ainsi l’enrichissement des chevaliers

adverses4.

Le statut de captif a évolué au fil du temps, avec notamment une amélioration de ses

conditions, par la mise en place de certaines législations. Les doctrines religieuses, qui

permettaient les bonnes conditions de vie du prisonnier deviennent des textes de lois,

comme le décret révolutionnaire de 1792, mettant les prisonniers de guerre sous la

«protectionde laNation».Par lasuite,cesont lesguerrescontemporainesquifaçonnent

cette législation. Tout d’abord, la guerre de Sécession américaine entre confédérés et

unionistesmetenplaceleLIEBERcodeen1863,interdisantlesreprésaillescontrelescaptifs.

En 1874, pour la Conférence de Bruxelles entre 15 états européens, des discussions

commencentpourpermettrelacréationd’unstatutpourlesprisonniersdeguerremaiselles

n’aboutissent pas. Finalement, c’est avec les Conférences de Paix de La Haye de 1899 et

1907quelestatutdecesprisonnierssedévelopperéellement.Cerégimevacependantse

montrerinsuffisantpendantlaPremièreGuerremondiale,nécessitantalorslamiseenplace

de nombreux accords pour gérer les prisonniers de guerre de 1914-19183. Cela entraine

alors la création de la Convention deGenève de 1929, apportant de nouvelles précisions

pour lestatutdeprisonnierdeguerreeten liendirectavec lesprisonniersdeguerredont

j’étudie le cas. Selon cette Convention, le prisonnier de guerre conserve sa personnalité

civileetsonidentité,ildoitêtretraitéavechumanitéetprotégécontrelesactesdeviolence.

S’ilestvalide, ildevratravaillerpourlapuissanceennemie,maisilesttoutefois interditde

fairedes travauxdangereuxouquipeuventaider lecoursde laguerrepour l’ennemiet il

doitêtrelibérédirectementaprèslafindeshostilités.

La captivité est un élément récurrent des guerres contemporaines, mais elle n’est qu’un

aspectdetoutcequiyestsubi,notammentpendantlaSecondeGuerremondiale.Auretour

de cette guerre, ces prisonniers, qui sont pour la plupart restés captifs pendant les cinq

3GUEYE Mariama, Captifs et Captivité dans le Monde Romain, discours littéraire et iconographique (IIIèmesiècleav.JC–IIèmesiècleaprèsJC),Paris,L’Harmattan,2013,316pages4CUVELIERBenoît,«Lerégime juridiquedesprisonniersdeguerre»,Études Internationales,volume23,n°4,1992,p.776

Page 12: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

11

années qu’a duré la guerre, sont vite oubliés5etmêlés à l’horreur qu’elle a fait endurer,

notammentdanslescampsdeconcentrationetd’extermination.Cettecaptivitédeguerrea

cependant touché 1 800 000 prisonniers de guerre français entre 1940 et 19456et ces

soldats ont été répartis dans des camps crées à travers toute l’Allemagne, les stalags ou

stammlagerquisontdes«campsdebase»pourleshommesdetroupe–ilsnepossèdent

qu’un petit nombre d’hommes dans leurs enceintes, mais administrent l’ensemble des

simples soldats et des sous-officiers, en comptant ainsi les prisonniers majoritairement

disséminésdans lesKommandos–et lesoflagsou«camppourofficiers»,quiabritent les

officiers captifs. La captivité touche aussi les soldats coloniaux, emprisonnés dans des

frontstalags,quisontdescampscréésprincipalementdanslazoneoccupéefrançaisepour

les soldats de troupes français coloniaux. Les Français n’étaient cependant pas les seuls

captifsdecetteguerre,puisquel’Allemagnenazieaaussiregroupédesprisonniersdeguerre

américains, anglais, polonais, italiens, russes et d’autres nationalités, arrêtés pendant la

guerre. Des soldats allemands ont également été faits prisonniers par des nations Alliés,

pendantlaguerremaiségalementaprèslasignaturedel’armistice7.

Cettecaptivitéreprésenteainsiunehistoirepourtantassezrichevis-à-visdetoutcequ’elle

implique,etnéanmoins,denombreux thèmesetaspectsdecettepériodedoiventencore

êtredéveloppés.

L’histoire des prisonniers de guerre s’insère dans le vaste champ de recherches

qu’estlaSecondeGuerremondialeetlesélémentstrèsdiversquilacomposent.LaFrance,

qui nous concerne ici, a étéétudiéeàdenombreuses reprises, surdes aspects comme la

Déportation,laRésistanceouencorelaCollaboration,maislecasdelaCaptivitéentre1940

et1945,pourtantaussiimportante,n’aétéquepeuétudié,cequis’expliqueainsiparYves

Durand:

«Beaucoup d’anciens P.G. ont raconté leur captivité, certains avec talent et succès. Mais aucun

historienn’acruutiledes’engagerdansuneprésentationdusujet.N’est-cepoint le reflet,d’uncôté,durôle

mineurassignéausortendemi-teintedesprisonniersdansl’ambianced’après-guerre,dominéeparl’échodela

5DURANDYves,La viequotidiennedesprisonniers deguerredans les Stalags, lesOflags et lesKommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,305pages6DURANDYves,La viequotidiennedesprisonniers deguerredans les Stalags, lesOflags et lesKommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,P.207THÉOFILAKIS Fabien, Les prisonniers de guerre allemands: France, 1944-1949, une captivité de guerre entempsdepaix,Paris,Fayard,2014,762pages

Page 13: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

12

“trahison“ de Vichy et de l’héroïsme de la Résistance; et de l’autre, et contradictoirement, de l’importance

fondamentaledel’expérienceP.G.danslaviedeceshommesquifurentprèsdedeuxmillionsetdonttantont

éprouvéetéprouventencore,individuellement,lebesoindeseraconter8?»

Ainsi,lesujetdelacaptivitédanssonensembleafaitl’objetdeplusieursrecherches,

générales9ousousunangleparticulier10etoutrecesouvrages, ilestpossibled’entrouver

desplusprécis,évoquantcettefois-cilacaptivitépendantlesdeuxguerresmondiales11.La

SecondeGuerremondiale,périodeoùsedéroulelacaptivitédesaspirants,aégalementété

unepériodeplutôtbienétudiée, bienque cela ait pris un certain temps. Toutd’abord, la

plupartdesécritssontdesmémoiresd’anciensprisonniersdeguerre,etPierreGascar,un

ancienprisonnierdeguerre,estlepremieràvéritablementfourniruneétudegénéraledela

captivité en Allemagne entre 1939 et 194512 . Par la suite, une étude beaucoup plus

approfondiesurlacaptivitédesprisonniersdeguerrefrançaisestréaliséeparYvesDurand,

agrégé d’histoire et ancien professeur d’histoire contemporaine, qui sont une référence

pourtoutcequiatraitàcethème13.Seslivrespermettentainsid’observertoutcequiaété

vécuparcessoldatsfrançaisdurantlacaptivité:leursinternements,leurconditionsdevie,

leurslibérationsetlesrépercussionsdecettecaptivitélorsduretouràlavieciviledansune

Franceaffaiblieetappauvriepar laguerre.Sesouvragesreprésentent lesseulesvéritables

référencespourtoutcequiatraitauxprisonniersdeguerrefrançaisets’ilneseconcentre

pasdansdesdétailstropprécis,iltentedefourniruneétudeexhaustivedecequ’aétélavie

decesprisonniers,grâceàl’utilisationdenombreuxtémoignagesd’ancienscaptifsainsique

demultiples sources d’archives. L’objectif demon travail est d’ailleurs de poursuivre ces

8DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.5399CAUCANAS Sylvie, CAZALS Rémy, PAYEN Pascal, Les prisonniers de guerre dans l’histoire, Contacts entrepeuplesetcultures,Toulouse,LesAudois,2003,319pagesPATHÉAnne-Marie, THÉOFILAKIS Fabien,La captivitédeguerreauXXème siècle: desarchives, deshistoires,desmémoires,Paris,ArmandColin,2012,373pages10COCHETFrançois,Soldatssansarmes:lacaptivitédeguerre,uneapprocheculturelle,Bruxelles,LGDJ,1998,463pages11GAYME Evelyne, Les prisonniers de guerre français, Enjeuxmilitaires et stratégiques (1914-1918 et 1940-1945),Paris,2010,Economica,185pagesBECKER Annette, Oubliés de la Grande Guerre: humanitaire et culture de guerre, 1914-1918: populationsoccupées,déportéscivils,prisonniersdeguerre,Paris,Pluriel,2012,395pages12GASCARPierre,Histoirede lacaptivitédesFrançaisenAllemagne (1939-1945),Paris,Gallimard,1967,317pages13DURAND Yves, La Captivité: histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,542pagesDURANDYves,Laviequotidiennedesprisonniersdeguerredanslesstalags,lesoflagsetleskommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,305pages

Page 14: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

13

travaux, en fournissant un regard plus précis sur la captivité, en me concentrant sur un

groupespécifique.

Après cette étude de Durand, le sujet est retombé dans l’oubli, avant d’être à nouveau

exploréàpartirdesannées2000et2010.Lesnouvellesétudesvisentd’ailleursàexaminer

certainsaspects,considéréscommeplutôttabousàl’époqueoùétaientsortislesdernières

recherches,quecesoitparcequecelasemblaitunsujetencoresensibleaumomentde la

rédaction,telquelesprisonniersdeguerrecoloniaux14ounoncompatiblesaveclesmœurs

de l’époque15. D’autres ouvrages ont seulement pour but d’explorer plus en détail des

aspectsdelavieduprisonnierdeguerre,commelecasdesaviedefamille16,laperception

qu’il renvoie depuis la France17ou encore les actions des prisonniers de guerre après la

guerre18.

L’histoire du prisonnier de guerre et de sa captivité a donc été étudiée sous plusieurs

d’angles,cequiestmajoritairementdûaufaitqu’ellefutunepériodetrèsdocumentéeen

terme d’archives, avec notamment les dossiers officiels de la Mission Scapini et de la

Direction du service des prisonniers de guerre (DSPG). Ils contiennent les nombreux

échanges effectués par le représentant Scapini avec diverses autorités françaises tel que

Otto Abetz, ambassadeur allemand à Paris,mais également des rapports rendus par des

rapatriésdecamp,desmembresde laCroix-Rougeayanteffectuésdesvisitesdecontrôle

dans les campoude certainsdéléguésdu Servicediplomatiquedesprisonniersdeguerre

(SDPG)ayantégalementvisitélecamp.Celacomportedonclamajoritédespapiersofficiels

envoyéspendant laguerreàproposdustatutoudesconditionsdeviedesprisonniersde

guerremaisilexisteégalementd’autresarchivesessentiellesàcesrecherches,telsqueles

papiersdesorganismesissusdel’armisticede1940,quioffrentd’autrestypesderapports,

complémentairesauxdocumentsde lamissionScapini. Lapériodeestégalement richede

ses témoignages personnels, avec notamment ce qui a pu être acquis par le Comité

14CAMPA François, Les prisonniers de guerre coloniaux dans les Frontstalags landais et leurs Kommandos,1940-1944,Bordeaux,LesDossiersd’Aquitaine,2013,155pagesMABON Armelle, Prisonniers de guerre «indigènes»: visages oubliés de la France occupée, Paris, LaDécouverte,2010,297pages15THÉOFILAKISFabien,«Lasexualitéduprisonnierdeguerre.AllemandsetFrançaisencaptivité(1914-1918,1940-1948)»,VingtièmeSiècle.Revued’histoire2008/3(n°99),p.203-21916FISHMANSarah,Femmesdeprisonniersdeguerre,1940-1945,Paris,L’Harmattan,1996,280pages17BONNINNicole,Imagesduprisonniersdeguerrefrançaisàtraverslapresselocale:desdébutsdelacaptivitéaulendemaindelalibération,1976,149pages18LEWIN Christophe, Le retour des prisonniers de guerre français: naissance et développement de la FNPG,Paris,PublicationsdelaSorbonne,1986,335pages

Page 15: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

14

d’histoiredelaSecondeGuerremondialeainsiquelesdonationsdesdifférentsprisonniers

après la guerre, sur ce qu’ils ont pu conservé pendant la captivité, ce qui permet une

approchemoinsformeldecettepériodeetplusintime.Malgrél’abondancededocuments

surcecasparticulierdelaSecondeGuerremondiale,ilresteencoredenombreuxaspectsà

évoqueroudesétudesplusapprofondiesàréaliser.

Au regarddecela,quelestalors l’enjeuhistoriographiquedemarecherchedemémoire?

Bien que Yves Durand ait présenté les différents camps de prisonniers dans ses deux

ouvrages sur la captivité, chaque camp peut présenter des spécificités, des éléments

caractéristiquesoupropresàleurrégion,leurpopulationoumêmel’organisationmêmedu

camp. Que chacun soit composé d’officiers ou de simples soldats, qu’ils soient, tous,

composésenmajoritédesoldatsaméricains,anglais,polonais, russesoufrançais,qu’ilsse

trouventenzoneoccupéefrançaise,enpleincœurdel’Allemagne,dansdeszonesenvahies

parlesAllemandsoutrèsàl’Est,certainscampsprésententdesélémentsquipeuventmener

àuneexpérienceparticulièreetdoncàuneétudespécifique,commecelaapuêtrefaitpour

lecasde laPremièreGuerremondiale19.C’estcetobjectif-làque jeveuxatteindreavec le

casdustalagIA,c'est-à-diremontrerl’expériencedesaspirantsentantquecaptivitéunique

etauseind’untout,pourobserverlespossiblessimilitudesetdifférencesquiexistententre

lacaptivitéengénéraledesprisonniersetcelleplusspécifiquedesaspirants.

Unaspirantestunmilitairequi,parletermemême,aspireàentrerdanslecorpsdes

officiers. Il existe depuis le XVIIIème siècle et devient un grade officiel en 1910. Certaines

dispositionsdustatutdesofficiersluisontattribuées.C’estunofficiersubalterne,quin’apas

encoreatteintlapositiond’officierdegradesupérieuràcausedesonincapacité,danslecas

de la Seconde Guerremondiale, à finir sa formation. Cependant, il a le droit à certaines

dispositionsdestatutquivalentpourlesofficiers,etbénéficientdoncd’untraitementplutôt

particulier aux vues de sa place dans la hiérarchiemilitaire20. Sa position d’élève-officier,

destinéàdevenirrapidementunsous-lieutenant,aprèsavoircomplétersonéducation,est

l’élément déterminant dans la mise en place du camp des Aspirants ou «Aspilag» de

Stablack.

19NOUZILLE Jean, Le calvaire des prisonniers de guerre roumains en Alsace-Lorraine, 1917-1918, Bucarest,EditionsMilitaires,1991,200pages20Comité d’officiers, «Les grades– Armée de Terre», Encyclopédie des sciencesmilitaires, Site internet duministèredeladéfense:http://www.defense.gouv.fr/terre/bloc-les-essentiels/les-grades

Page 16: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

15

Dès le lancement de la Seconde Guerremondiale, etmajoritairement vers la période de

l’armistice du 22 juin 1940, 1,8 million de militaires de l’armée française sont faits

prisonnierspar lesAllemandsetdeviennent ainsi captifsdeguerre. Selon leurs grades, ils

sont répartis dans des camps de prisonniers, crées à travers toute l’Allemagne du IIIème

Reich,enfonctiondesrégionsmilitairesdupays,lesWehrkreis.Ondénombre100campsde

prisonniers (69stalags;28oflags;3campsspéciaux)21et lesofficiers sontplacésdans les

oflags – ce placement spécial étant requis par le fait qu’ils sont soumis à des

réglementations différentes vis-à-vis de leurs traitements dans les camps de prisonniers,

notammentl’interdictionpourlesallemandsdelescontraindreàdestravaux–alorsqueles

autressoldats,notammentdeshommesdetroupe,sontplacésdansdesstalags.Ainsi, les

Allemands réussissaient à organiser la captivité des français de façon ordonnée et

correctement aménagée, mais les aspirants posent un problème au regard de cette

organisation.

Le grade d’aspirant,même s’il est dument établi par lesmilitaires français, reste inconnu

pour les autorités allemandes, etprésenteun certainproblèmepour lamiseen captivité.

Selonlesautoritésfrançaises,l’aspirantestunmilitairequidevraitapparteniraugroupede

prisonniers dépendant des stalags, mais qui a le droit à certaines dispositions de statuts

extraitesdecellesaccordéesauxofficiers,cequi lerendpossiblementacceptabledans les

oflags. Ainsi, à partir de leursmises en captivité, les aspirants prisonniers de guerre sont

placéssoitdansdesstalags,soitdansdesoflags,maiscelaposedesproblèmesdanschacun

descas.Vis-à-visdesoflags,ilyagénéralementunecertainetensionentrelesofficiersetles

aspirants, et ces derniers sont quelques fois ostracisés par les officiers dans les camps et

d’autresdifficultés,liéesauxstatutsdesaspirantsetdesofficiers,sesontposés,notamment

pour les autoritésallemandes, cequi aexpliqué le faitque les aspirants aientensuiteété

transférésdansdesstalags.Cependant,lesaspirantsdanslesstalagsn’étaientpasnonplus

un système fonctionnel ; légalement, il n’était pas possible d’envoyer de force ces

prisonnierstravaillerdansdeskommandos,etcescomplicationsfirentl’objetdenombreux

courriersenvoyésentrelamissionScapinietl’OKW.

C’est alors, qu’après de nombreuses négociations, les deux autorités trouvèrent une

solution: la mise en place d’un camp spécifique où seront réunis tout ces prisonniers

21DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,1982

Page 17: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

16

aspirants.C’estainsiquevanaître lecampappelé“Aspilag“situéàStablack.Situédans le

Wehrkreis I de Königsberg, il est un des deux camps de prisonniers de la région – l’autre

étant le STALAG IB de Hohenstein – et cette «Aspilag» se partage le camp même de

Stablackavecunautregroupe,réunissantdeshommesdetroupeetdesimplessoldats.Ce

second camp est composé de prisonniers de guerre demultiples nationalités, et l’effectif

total, des deux parties du camp groupées, était estimé à 30 000 hommes, dont 4 000

seulementdanslecampetlesaspirantsétantenviron2à300022.Lesdeuxpartiesducamp

sont séparées par des barbelés, ce qui établit une véritable délimitation entre les deux,

renforcéparlefaitqueleshommesdeconfiancedésignéspourservird’autoritésentreles

prisonniers et les responsables allemands sont différents en fonction de l’“Aspilag“ et du

stalagnormal23.LalocalisationestunaspectdéterminantdecettecaptivitécarStablackest

situédansleWehrkreisleplusàl’Estdel’Allemagne,enPrusseOrientale,lafrontièredela

région était conjointe à la frontière russe, ce qui représente une perspective particulière

pourcesprisonniersdeguerre,àsavoirqu’ilssontlesprisonniers,pourlecasdesfrançais,

lespluséloignésdeleurpays.Ainsi,leproblèmedestentativesd’évasionsembleencoreplus

intense, si l’on prend en compte les chemins de retour, plus longs et plus ardus. Cette

localisation représente également un obstacle supplémentaire pour la vie en captivité,

puisqu’ilssontsoumisàunclimatplutôtdifficile,avecdeshiversgénéralementrudes,cequi

adesincidencessurlesconditionsdevieetlemoralduprisonnier.

Ainsi,lecampdesaspirantsdeStablacksemetenplaceets’organiseàpartirdemars1941,

par lebiaisde l’actionde lamissionScapiniquigère letransfertdesdifférentsprisonniers

aspirants depuis les stalags ou oflags dans lesquelles ils sont placés, et la vie du camp

s’ordonnepeuàpeu.Unespécificitépropreauxaspirantsestalorsbienmiseenavantdans

cetaménagementducamp.Lesaspirantsnepeuventpasêtrecontraintsautravailetilest

doncnécessairede leurtrouverdesactivités.L’unedesraisons invoquéesdans lacréation

ducampestlefaitquecesaspirantsontbesoindecontinuerleursétudes,danslecadrede

leur formation militaire. La mise en place du camp se fait donc en même temps que la

créationd’uneuniversitéquirégirapendantuncertaintempslaviedel’aspirantprisonnier

deguerre.D’autresactivitéssedéveloppentégalementtelsquedesactivitéssportives(de

22X–CICR,StalagIAStablack,27/10/1942,F/9/2709,MissionScapini,ArchivesNationales(AN)23MinistèredelaGuerre,Documentationsurlescampsdeprisonniersdeguerre,AmicaledeStablack(AS),AN,72AJ/2623

Page 18: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

17

nombreux sports sont pratiqués par les aspirants), des activités culturelles (ex:musique,

théâtre,cinéma)ainsiquedesactivitésreligieuses(onretrouvedenombreuxaumôniersau

camp), mais aussi la Révolution Nationale et le Mouvement Pétain, notamment avec

l’arrivéeduGénéralDidelet,quiaurad’ailleursunegrandeincidencesurl’administrationet

lavieencaptivitéaucamp.

Pourtant, tous les aspirants ne pratiquent pas que ces activités oumême, certains ne se

consacrentpasdutoutauxétudesouauxactivitéspériphériques.Parsamitoyennetéàun

camp ordinaire composé d’hommes de troupe, l’“Aspilag“ de Stablack a à proximité de

nombreuxkommandosdetravailspourlessoldatsdel’autrecampenvoyéspourytravailler.

Lekommandoestundétachementdetravailcomposéd’ungroupedeprisonniersdeguerre

envoyépourexécuteruntravaildéterminé,àl’extérieurducamp.C’estl’endroitprincipaloù

lamajoritédesprisonnierspasselacaptivité,nerestantquetrèsrarementdanslecamp.Le

kommandoest uneopposition au campmêmedes aspirants de Stablack et pourtant ils y

sontliésparlefaitqu’uncertainnombred’aspirantsaientdécidéderenonceràleurdroitde

ne pas travailler pour aller passer leur captivité dans les kommandos de travail. Ce choix

indique une direction totalement différente de ce à quoi les aspirants sont normalement

destinés,cequi symboliseégalementunaspect intéressantpour lacaptivitésupposément

particulièrequ’ontvéculesaspirants.

LecampdesaspirantsdeStablacksembledoncêtreuneparticularitéfaceàtouslescamps

deprisonniersdeguerredelaSecondeGuerremondiale,etilsoulèveainsidenombreuses

questionsquipeuventjustifieruneétudeplusapprofondiesurlesujet:Lecampest-ilaussi

spécial que sa création, son organisation et sa population laisse à penser? Comment ces

captifs ont mené leurs vies de prisonniers de guerre au regard de leur statut distinctif?

Quellepouvait être la relationentretenueentre cesaspirantsprisonniersdeguerreet les

autresprisonniersdeguerre,quecelasoitlecampd’hommesdeStablack,lesprisonniersde

guerre de leurs camps précédents ou les prisonniers d’autres nationalités? Quelles

différencesdeconditionsdeviemaisaussidetraitementspouvaientêtreobservésentrele

campdesaspirantsetlecampd’hommes?Commentsedéroulaientlesdifférentesactivités

organiséespour lesaspirantsetcommentsemettaient-ellesenœuvre?Quelsprisonniers

choisissaientd’allertravaillerdans leskommandosdetravailetcommentcelasemettait-il

enplace?Enquoilerassemblementdecesaspirantstousensembleapupermettredecréer

unevéritablecommunautétrèsliée?

Page 19: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

18

Ainsi,ilestintéressantdesedemanderdequellesmanièresonpeutdire,auregard

deleurstatutuniqueetdeleursconditionsd’internement,quel’expériencedelacaptivité

desaspirantsdustalagIAdeStablackaétéuniqueetparticulière.

Page 20: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

19

TITREI:LesdébutsdelacaptivitéUnesituationdifficileetcompliquéepourlesaspirants

Ledébutde la captivitéestuneétapeparticulièrepour leprisonnierde

guerrepuisquecelacommenceunenouvellepartiedesavie,aprèslaguerreetlefront:le

camp de prisonnier. En fonction de son grade, il doit se préparer à être interné dans un

camp pour une période relativement longue, avec seulement quelques occupations à

disposition ou il doit se préparer à partir dans un kommando, pour enchainer plusieurs

heures de travail par jour, dans des conditions généralement difficiles. Une fois arrivé au

camp,ilestemmenéetsuit lesdifférentesopérationsquidoiventavoirlieuavantd’entrer

véritablement dans le camp, tel que la fouille, l’épouillage et l’immatriculation. Cette

dernière étape est considérée comme la plus importante, puisqu’elle définit le prisonnier

pourlapériodeàveniretcetteimmatriculationestuneétapeessentielledanssacaptivité:

«LePGgarderacenumérodematricule, resteraattachéaucampoù ilaété immatriculé,

pendanttouteladuréedesacaptivité,quelsquesoientultérieurementsespérégrinationset

changementsd’affectations1».

Cependant, cetteaffirmationsemblenepasconvenirpour lesaspirants,

puisque l’Aspilag, où ils ont passé leur captivité, n’a été, pour aucun d’entre eux, leur

premierlieudecaptivité,etenaucuncas,lecampoùilsontétéimmatriculés.Leursituation

posedemultiplesproblèmesauxAllemands,quiontdesdifficultésàtrouverunesolution,et

passepardenombreusesétapes,avantdetrouverl’Aspilag.

Ainsi, ilest intéressantd’observerdequellemanière lestatutparticulier

desaspirantsainfluésurladéterminationdestermesdesacaptivitéetcommentelles’est

miseenplace.

I–Unemiseenœuvredifficiledelacaptivitédesaspirants

Si les prisonniers de guerre connaissent généralement une installation en captivité

immédiate et définitive, ce n’est pas le cas des aspirants, qui rencontrent diverses

complicationsavantleurétablissementàStablack.

1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.66

Page 21: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

20

A–Unepremièrecaptivitédifficilepourlesaspirants

Lacaptivitédesaspirantsaconnudesdébutsplutôtcompliqués,dusàleurgradesi

particulier. Ilssontunecatégoriedemilitaires,avecunrangplusélevéqueceluidessous-

officiers,ilspeuvents’assimilerpardenombreuxaspectsauxofficiers,maisilsn’enontpas

ladénomination.Cettequalificationposeainsiproblèmepourleursplacementsencampde

prisonniersenAllemagneetilsconnaissentainsilesdeuxtypespossibles:lesoflagspuisles

stalags.

Toutd’abord,aprèsavoirétéprisparlesAllemands,lesaspirantssontenvoyésdans

desoflags, avec les autresofficiers. Eneffet, leur gradeétant inconnudesAllemands, ces

derniers les ont assimilés à des officiers, probablement car ils le sont sur de nombreux

aspects, et ainsi, leur captivité avec les officiers se met en place. Elle est plutôt simple,

notammentcar ils sontexemptsde travail, selon l’article27de laConventiondeGenève2

maisdesdifficultésseprésententrapidement.Enplusd’avoirledroitdenepastravailler,les

officiers doivent être payés avec une solde similaire à celle des officiers allemands3et les

aspirants, en tant que prisonniers de guerre assimilés aux officiers et à leur régime,

considèrent avoir également la possibilité de demander cette solde. LesAllemands, ayant

déjàdesréservesfaceàcegrademilitaireinconnud’eux,refusentderépondrepositivement

à cette demande, la considérant injustifiée et alors, la situation se complique pour les

aspirants. Deux opinions apparaissent au sein du camp face à ce traitement subi par les

aspirants:«Quelquesofficiersfontdesdémarchespournousfairerester,proposantdenous

assurer une solde grâce à une légère retenue sur la leur, d’autres assez nombreux

commencent à nos trouver gênants et trouvent tout naturel que les aspirants n’étant pas

payés,ilss’enaillenttravaillerchezlesAllemands4».Onpeutainsiobserverque,mêmeau

sein de la hiérarchie militaire française, le grade particulier des aspirants n’est pas

complètementreconnuparlesmilitairesplusgradésoubienmêmequ’ilsconsidèrentqu’ils

sontencoreinférieursàeux,etque,parconséquent,ilsnedevraientpasdisposerdumême

traitement.Endéfinitive,lesAllemandsdécidentdetrouverunesolutionàceproblèmeen2Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)3Article23,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduCICR4GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DirectionduServicedesPrisonniersdeGuerre(DSPG),AN

Page 22: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

21

envoyant les aspirants en stalags, où ils considèrent qu’ils ont plus leur place, et où ils

pourrontlesobligeràparticiperautravail.

La captivité en stalag se passe demanière aussi compliquée pour les aspirants qu’en

oflag,maispourdifférentesraisons.S’ilsétaientenpositiond’inférioritéauseindel’oflag,ils

sontplutôtqualifiés icipour tenirunposted’hommedeconfianceoude responsabledes

hommes de troupe. Cela pose certains problèmes avec les soldats déjà désignés comme

responsablesàl’intérieurducamp,lessous-officiers,quiprennentdifficilementl’arrivéede

cesaspirants,parpeursevoir«déposséder5»deleurpouvoir.Leursrelationss’améliorent

cependantlorsquelesaspirantsapportentdesinformationsauxsous-officierspourfaciliter

leur captivité: «Pour les Aspirants, comme pour les autres sous-officiers, une question se

posebienvite, celledu travail6»,«nousavonsgêné lesAllemandsen instruisant les sous-

officiers de leur droit de refuser le travail et en incitant mes hommes à opposer la force

d’inertieauxordresdesAllemands7».Lesaspirantsassurentdoncicileurpositiond’homme

deconfiance,enaidantautantqu’ils lepeuvent lessoldats,notammenten leurapprenant

les notions de leur statut de prisonnier, pour les sous-officiers principalement, mais la

situationdégénère.LesAllemandssonttoujourssuspicieuxdesaspirants,etnotammentla

relationqu’ils entretiennentavec leshommesde troupedes stalagsdans lesquels ils sont

internés:«Lesaspissoutiennentlemoraldeshommesetlesaidentàtournerlerèglements

allemands,défendentlesdroitsetainsideviennentlesbêtesnoiresdesallemands8»,«notre

présenceétaiteneffetjugéeindésirabledanslesStalagsoùjedoisledire,unetrèsheureuse

influenceauprèsdeshommesavaitpuêtreexercéedenotrepart9»,«furentensuite[virés]

desSTALAGSenraisondu“mauvaisexemple“10».Ainsi,qu’importelescampsdanslesquels

les aspirants pouvaient être internés, la réaction des Allemands était toujours la même,

c'est-à-dire une hostilité évidente pour les aspirants et leur influence sur les autres

prisonniersdeguerre,etcelaentrainaégalementleurexpulsion.

Lesaspirantsn’ontdoncpas leurplacedans lesoflags,pourunproblèmedesolde

vis-à-visdesAllemandsmaiségalementdesprisonnierseux-mêmes,nidans lesstalags,où5SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.216SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.217SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22-238GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN9DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN10DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.11

Page 23: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

22

ce sont les autorités allemandes qui voient d’un mauvais œil leur position. Il est donc

nécessairepourcesprisonniersdetrouveruncampparticulierpoureuxseulement.

B–Campuniversitaireoucampdereprésailles?

Les aspirants ayant étéexpulsésdesdifférentsoflagspuis stalagsoù ils avaientpu

être placés, il est maintenant nécessaire pour les autorités françaises et allemandes en

charge des prisonniers de guerre français de trouver un camp pour les interner et c’est

l’OKWquitrouvelasolution,avecl’Aspilag11.Uncampparticulieretdestinéseulementaux

aspirantsestainsimisenplace,enPrusseOrientale,oùsetientdéjàunstalag,leIA,quisera

partagéaveclesaspirants.L’organisationducampetlaraisondesamiseenplacenesont

cependantpasclairementexpliquéesetdeuxidéessontavancées:«1°Campdereprésailles

2° Réunion dans un même camp à la demande du Gouvernement Français pour que les

étudiantspuissentpoursuivreleursétudes12».Plusieursélémentspermettentdedévelopper

l’uneoul’autredespropositions.

Pendant un certain temps, après lamise en captivité, le Service Diplomatique des

PrisonniersdeGuerre(SDPG)cherchaitunmoyenpourpermettreauxétudiantsdepouvoir

continuer leursétudesmalgré lacaptivité13etcesmesuresavaientdegrandesprobabilités

deconcernerlesaspirants,puisquecelacaractérisaituneportiondecesprisonniers,c'est-à-

dire que la fin de leurs études leur permettrait de passer au rang d’officier. C’est donc,

semble-t-il, l’angle qu’utilise Scapini pour trouver une nouvelle manière d’interner les

aspirants,aveclacréationd’uncampspécialementpoureuxetleursétudes,respectantainsi

les droits qu’ils ont, de par leur statut14, mais aussi certains besoins, vis-à-vis de leur

apprentissage15.Certainstémoignagesd’aspirantspermettentd’ailleursd’observerquec’est

la raison qui leur a été donnée pour expliquer ce changement de camp: «LesA. avaient

quitté lescampsprécédentsavec lapensée,encouragéespar les lettresreçuesdeFranceà

cetteépoque,qu’onregroupaitdansunesortedecampuniversitaire16»,«quoiqu’ilaitété

11CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.47-4912GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN13SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2514SCAPINI Georges, Lettre à Son ExcellenceMonsieur Otto ABETZ sur la situation des aspirants prisonniers,30/04/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN15SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2516X,LettreàMonsieurSCAPINI,Juin1941,LieuInconnu,F/9/2272,MissionScapini,AN

Page 24: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

23

indiqué aux aspirants qu’ils étaient rassemblés pour permettre l’installation de cours

universitaires17». Certains prisonniers partent donc vers Stablack avec l’idée que l’Aspilag

leurpermettrademenerdesétudesetderetrouverunecaptivitéprochedecequ’elleavait

puêtrelorsqu’ilsétaientenoflags,mais laréalitéestbiendifférente,etunegrandepartie

desaspirantsleperçoiventdéjà.

L’attitudehostiledesautoritésallemandesenvers lesaspirantset la volontéde les

faire partir des stalags pour interrompre leur influence sur les hommes de troupe

permettentrapidementauxdifférentsaspirantsdecomprendrequeleurexpulsionmènera

probablement à un régime plus dur, équivalent vraisemblablement à celui prévu pour les

réfractaires 18 . Plusieurs éléments permettent d’ailleurs de confirmer cette idée aux

aspirants.Toutd’abord,leurnouveaucampestlestalagIA,enPrusseOrientale,c’est-à-dire

toutàl’estduReichetavecunclimatplutôtpénible,cequipeutainsiindiqueruneintention

pour lesallemandsde rendre la captivitédesaspirantsencoreplusdifficileàvivre19,mais

égalementdediminuer leurs chancesde réussited’uneévasion, en les«éloignant leplus

possible de la frontière française20». Par la suite, c’est l’attitude pendant le transfert, où

certainessentinellesmalmènentetinjurientlesprisonniers21etsurtoutàl’arrivéeaucamp

quelesaspirantsréalisentvéritablementlerégimedereprésaillesquilesattend.Lediscours

du colonel Hartmann, commandant du camp des aspirants et futur adversaire constant,

présenteladisciplinestricteetlerégimederigueurauxquelslesaspirantsdevrontfaireface

par la suite: «Régime: représailles, pelote journalière,menace de fusillade par “l’Oberst“

HARTMANN22»,«Vousêtesdefortestêtes…onsauravousdresser…vousallezconnaîtrela

discipline allemande… interdiction de ci, interdiction de ça… s’il y en a un qui cherche à

s’enfuir, dix seront aussitôt fusillés, etc.23», «que la plus stricte discipline serait attendu

17X,StalagIA,11/06/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN18SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2319GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN20DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN21LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN22GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN23CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.47

Page 25: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

24

d’eux, que les sentinelles allemandesavaient reçu l’ordrede tirer sur eux sans sommation

s’ilsapprochaientdesbarbelés24»

Ainsidonc,onpeutobserverquesicertainsaspirantsonteuunequelconqueillusion

d’internementdansuncampspécialuniversitaire,l’arrivéemêmeàl’Aspilagpermetdeleur

présenter rapidement la future réalité de leur captivité, et c’est donc plutôt un camp de

représailles qui est mis en place, avec à la tête un colonel, imposant rapidement une

disciplinestricte,constituéeégalementdenombreusesbrimades.

II–Unepériodeinitialecontraignantemaissupportablepourlesaspirants

Les aspirants commencent donc leur nouvelle captivité dans des conditions bien

différentes de ce qu’ils avaient pu connaitre auparavant, notamment à cause de

responsables allemands assez difficiles. Ils forment cependant une communauté solidaire,

pourmieuxsupporterlacaptivité.

A–Unedisciplinestricteetbrutale…

Le colonel Hartmann, Oberst du camp, a ainsi fait savoir aux prisonniers, dès leur

arrivéeàlagare,queleurcaptivitéseradifficile,qu’ilssontlàpourcausedereprésailleset

qu’ilapourbutdelesconformeràcequiestattendud’unprisonnierdeguerre25.

Silecolonelavaitdéjàprévudetraiterlesaspirantscommedesréfractaires,leursconditions

d’arrivée à Stablack n’améliorent pas la situation. En effet, de nombreux prisonniers ont

profitédutransfertpours’évader,etcelaseremarquedèsl’arrivée,cequiplongeal’Oberst

dans une grande fureur. Ils décident donc d’y répondre en punissant, durement, tous les

évadés rattrapés: «les cellules étaient pleines et une baraque entière fut réservée aux

punis:huitheuresdebout,sanspouvoirs’asseoir;huitheuresassis,sanspouvoirse lever;

huitheurescouché,sanspouvoirselever;quantàlanourriture,sefutléger,trèsléger.26».

Le commandant du nouveau camp des aspirants montre donc rapidement ce dont il est

capable,etceàquoilesaspirantsdevrontfaireface,encasdemauvaiscomportement.Le

régime de représailles est clairement exprimé, ce qui s’observe encore plus avec la

descriptiondecequiattendlesaspirantsunefoisleurinstallationàl’Aspilag:24DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN25FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9526SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.71

Page 26: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

25

«1°Vous serez parqués dans des ilots de barbelés par baraque de 300 et ne pourrez communiquer

entrevoussivousn’êtespasdumêmeilot.

2°Interdictiondecommuniqueravecleshommesousous-officiersducamp.

3°Vosvêtementsetchaussuresvousserontenlevéslesoiretrenduslelendemainmatin.

4°Vousrespecterezàlalettrelerèglementsuivant:lever4heures½,etc.,4heuresd’exercicesparjour,àpeine

2heuresdeloisirs.

5°S’ilyauneinfractionunsurdixserafusillé.27»

Cesinstructionspermettentdoncderemarquerquel’Oberstchercheàisolercomplètement

les aspirants, des autres soldats à proximité mais également des autres aspirants, et il

s’assureégalementquepersonnenetented’évasions.Lesdifférentsrapportssur ledébut

de la captivité au camp, ainsi que les multiples témoignages recueillis montrent que ce

régime a effectivement été suivi par le colonel Hartmann, avec en plus, quelques autres

brimades non prévues au départ, ainsi qu’un traitement particulier, surprenant pour les

aspirants. À l’arrivée au camp, après le discours, les aspirants sont envoyés dans une des

baraques pour être tondus et épouillés. Cela n’est pas une pratique complètement

exceptionnelle dans les camps de prisonniers de guerre, puisque l’épouillage est

généralementréalisédèsl’arrivée,etilestégalementpossibledetondrelescheveuxetles

poils,pourlecompléter28.Cependant,celaestplutôtnouveaupourlesaspirants,quin’ont

jamaiseuàsubirçadanslescampsoùilsontétécaptifsauparavant,saufpourlesmalades,

etilsviennentpourtantdenombreuxcampsenAllemagne29.Celacréed’ailleursuncertain

choc pour eux, puisqu’ils sont maintenant tous les mêmes selon eux, sans possibilité de

distinction de dos par exemple30 et de plus, un aspirant explique que cela lui donne

«l’impressiondepénétrerdansunvéritablebagne31».Lasuitedesévènementsnepermet

d’ailleurspasdevraimentcontredirecetteidée,puisquelesbrimadessemultiplientpourles

aspirants, avec de nombreux appels dans la journée, jusqu’à 7 par jour32, dans le froid

27GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN28DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.6529DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN30MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.8831LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN32DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 27: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

26

difficilede laPrusseOrientale33.Lesaspirantssubissentégalementdenombreusesfouilles

intempestives, jour et nuit selon eux34, etmême parfois une diminution de la nourriture

distribuée,parune retenuedesAllemands sur les colisde laCroix-Rouge35. Ils supportent

autant qu’ils le peuvent ce régime plutôt extrême,mais certains n’y survivent pas: «Un

aspirant repris après évasion,meurt d’uneméningite tuberculeuse; durant son agonie, le

médecinallemandlefaitmettreaugarde-à-vousaupieddesonlit,àchaquefoisqu’ilentrait

danslachambre36».

Le régime des aspirants est donc très difficile et le colonel Hartmann démontre très

explicitementquesoncampestuncampderéfractaires,pourdesprisonniersdeguerrequi

méritentd’être«dresser37»,ets’ilestparfoistropextrême,dans lesdifférentesbrimades

qui sont subies, les aspirants le supportent toujours, grâce à une véritable cohésion de

groupe.

B–…quinedémoralisepaslesaspirants

Si la discipline stricte de l’Aspilag avait pour but de démoraliser les prisonniers de

guerreetdevéritablementleurrendrelavietrèsdifficile,lesautoritésallemandesn’ontpas

pris en compte un aspect particulier dans cette mise en place : la réunion de tous les

aspirantsensembleetaumêmeendroit.

Lesaspirantsontconnudenombreuxcamps,oflagsetstalags,audébutdeleurcaptivité,

et commeon a déjà pu l’observer, cela ne s’est pas bien déroulé, car ils n’étaient jamais

vraiment à leur place. Or, cette situation se transforme avec l’arrivée à Stablack et le

rassemblementdetouslessoldatsd’unemêmeclasse,l’aspirant:

«Si les Allemands ont vraiment voulu réunir les Aspirants pour mieux les prendre en main, ils ont

certainementcommisuneerreur.[…]Ilestvraiqu’ilsnes’étaientjamaissentisàl’aiseniàl’oflag,niaustalag.

ÀStablack,aucontraire,ilsavaientlasurprisederencontrerdescamaradesperdusdevuedepuisdesmoisetà

quilesrattachaientdeslienssolides,souvenirscommunsdelycée,d’étudessupérieures,d’écolesmilitaires.[…]

33BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN34GRISVARD Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN35DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN36GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN37FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.95

Page 28: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

27

Ladisparitiondecertainscomplexesexpliquesans ladoute lasatisfactionetmême la joieque laplupartdes

Aspirantséprouvèrent.38»

Ce rassemblement des aspirants dans un même camp semble donc être l’occasion

d’organiserunevéritablecommunauté,unieetsolidairel’uneavecl’autre,maisilestquand

mêmepossible de nuancer cela. Tous les aspirants ne semblent pas avoir directement vu

l’aspect positif de cette réunion, puisque certains gardent un sentiment plutôt négatif de

leurarrivéeàStablack:«LapremièrejournéeàceStalagsedérouladansuneatmosphère

decafard.[…]M.PERSINagardéuntrèsmauvaissouvenirdel’atmosphèreducamp39».Les

difficultésde lacaptivitéontdoncsurpassé la joiedecréerunevéritablecommunauté,et

ainsi, pour certains, la captivité a vraiment été un calvaire à vivre, lors de la période de

disciplinestrictedeHartmann.SIcertainsn’ontpasétéconvaincusparcerassemblement,

d’autres en avaient déjà fait l’expérience auparavant. En effet, cela avait déjà pu être

observé précédemment lors des transferts entre oflags et stalags. Les aspirants étaient

expulsésengroupedesoflags,etdoncgénéralementenvoyésensembledansdenouveaux

camps, cequipermetde«se serrer les coudes» etd’y voir «un sort commun»40et ainsi

même,decréerungroupeuni;celaputêtrelecas,parexemple,avecles“grosshesepiens“,

petit groupe d’aspirants qui connurent les mêmes camps avant d’arriver à Stablack (et

notammentlecampdeGross-Hesepe),etquiydéveloppentdeslienstrèsforts41.

Lamajorité des aspirants ont donc vu dans ce rassemblement la possibilité de créer des

liens,derenouerdesamitiésquiexistaientdéjà lorsdeleursformationsmilitairesetainsi,

de développer une véritable communauté, soudée et unie contre l’Oberst du camp. Cela

représentedeplusunecommunautétrèsnombreuse,puisqueselonlesdifférentsrapports,

lenombred’aspirantsquiarriventàStablack,àpartirdemars1941,est240042etilyena

jusqu’à3500enavril194143.Cenombreimportantdeprisonnierspermetd’ailleursdecréer

une certaine formede résistance face auxAllemands: «[discipline] qui ne s’assouplit que

38SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.26-2739PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN40GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN41MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,153pagesVILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,59pages42SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2643X,StalagIA,11/06/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN

Page 29: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

28

devant la volonté de résistance de l’ensemble des Aspirants44», «amitié qui a résisté à

l’épreuvedutempsetfaited’unespritdecamaraderie,d’uncouragecollectifquin’ajamais

faibli45»,«unecapacitéderésistanceetunespritdesolidaritéquelaconstitutionducamp

fitsedévelopperrapidement46».

Unevéritable communautéestainsi crééeà l’intérieurducamp,et l’espritde l’Aspilag se

met en place47, ce qui permet alors aux aspirants de conserver leur moral, malgré les

brimadesducolonelHartmann48etcelaseremarqueencoreplusvis-à-visdesévasions.La

raisonprincipaledesbrimadesducolonelétait lesmultiplesévasions,tentéessansrelâche

par les aspirants au début de leur captivité. À chaque réalisation d’une évasion, l’Oberst

punissaitlesaspirants,parlebiaisdesanctionscollectives,probablementdansunetentative

de déstabiliser la communauté créée et d’opposer les aspirants entre eux, ce qui fut

cependantunetentativeratée:«Noussavonsqu’encasd’évasions,c’est lerégimespécial

quireviendramaisaucundenousnes’embarrassedecesconsidérations,noussommestous

prêts à aider les évasions et à en supporter les conséquences49.» De la même manière

qu’auparavant, ilexistetoujourscertainsaspirantsquisedétachentdecettecommunauté

et qui sont hostiles à ces évasions, mais ils ne représentent qu’une part infime et peu

importante,selonlemêmerapport50.

Lesaspirantssubissentdoncunrégimederigueurqui,malgréunevéritablecohésion

degroupeentreeux,auraitpuêtrefatalselonundesaspirants:«Dansl’étatdefaiblesseoù

nous nous trouvions, un pareil régime aurait certainement fait des ravages effroyables de

mortalités’ils’étaitperpétué51»,maislasituations’amélioreparlasuite,grâceàdifférentes

actions.

44BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN45LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN46SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2647CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.47-4948X,LettreauDirecteurdel’ENS,14/06/1941,LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN49GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN50GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN51LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 30: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

29

III–Unchangementprogressifdufonctionnementdel’Aspilag

Après quelques temps d’un régime strict, la situation change grâce à plusieurs

interventions, qui permettent finalement de changer complètement la situation pour les

aspirants.

A–UneaméliorationdelasituationparunduoCharrier/Didelet

Lesaspirantssubissentpendantunecertainepériode, le régimeque leur impose le

colonel Hartmann, mais ils considèrent rapidement que la situation est injuste, et ils

s’unissentdoncpourpouvoirpermettresarésolution,cequis’opèreendeuxtemps.

Toutd’abord,lesaspirantscherchent,auseindeleurgroupe,àcréerunehiérarchie

militaire et à élire un chef pour pouvoir s’opposer au colonel Hartmann: «Nous élisons

quandmême des Chefs parmi nous et avec l’esprit de camaraderie des aspis, on arrive à

concilier les choses […]Notregrandchefestnotre camarade le sous-lieutenantCHARRIER.

Charrier avait une âme de chef, conscient de ses responsabilités, d’un moral et d’une

moralitésupérieure52».Safonctionn’estpasréellementofficielle,maisilestécoutépartous

lesaspirantsetessaieaumaximumdes’opposeraucommandantducamppourfaciliterles

conditionsdeviedesaspirants.Auregarddurégimedudébutdecaptivité,sonactivitéest

plutôt ardue, et cela lui demande beaucoup de temps; il qualifie d’ailleurs sa mission

commeune«occupationquotidienne53».Sonactionestplutôtefficace,puisquedeuxmois

plustard,lerégimeestredevenunormal,aveclafindel’isolationquiavaitmisenplaceetla

possibilitédecommenceràdéveloppercertainesactivités,intellectuellesouculturelles54.

Le «duel CHARRIER-HARTMAN55» rencontre cependant quelques difficultés pendant ses

multiples négociations. Considérant le campdes aspirants commeun campd’hommes de

troupe plutôt qu’un camp d’officiers, le colonel Hartmann décide de commencer des

démarchespourpouvoirlesenvoyerautravail,cequiestainsiunepreuvesupplémentaire

de l’ignorance des Allemands sur ce statut d’aspirant, ainsi que de la volonté toujours

présentede l’Oberstd’imposer sonpouvoir sur lesaspirants.Charrier réussit cependantà

s’opposer à cela, bien qu’il dut également convaincre certains des aspirants: «Certains

camaradesétaientvenusmedireleurdésirdepartirenKommandopouréchapperàl’ennui52GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN53CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4854GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN55GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN

Page 31: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

30

ducamp.Jelesenaitoujoursdissuadés.[…]danscespremiersmois,oùtoutétaitencoreà

construire,ilnefallaitpasromprenotrehomogénéité56»Ànouveau,onpeutdoncobserver

que les aspirants tirent leur force de leur union, qui semble être un outil de résistance

efficaceetpuissantfaceauxautoritésallemandesmaiségalementqueCharriersembleêtre

unchefvéritablementcompétent,puisqu’ilpossèdeungrandeinfluencesurcesprisonniers.

Une des autres complications entre Charrier et Hartmann concerne un problème plutôt

récurrent, à savoir le cas des évasions. Chacune d’entre elles amènent à un retour à des

conditions de vie difficile pour les prisonniers de guerre, avec les sanctions et différentes

brimadesopérées parHartmann audébut, et notamment la suppressiondes activités qui

avaientpuêtredéveloppées jusqu’àcettepériode57.Unesortedeschémasemetainsien

place au seindu camp : «La vie est désormais la suivante: 15 joursàunmoisde régime

doux,évasions, représailles.DémarchesdeCHARRIER.Retourau régimedoux, réévasions,

etc.Celadevientclassique58».Selonl’aspirantSilbert,leséchangesentrelesdeuxautorités

présentent toujours le fait que selon Hartmann, il n’y a pas un esprit assez fort de

collaborationdesaspirantsetselonCharrier, lessanctionscollectivessontuneviolationde

la Convention de Genève 59 , ce qu’il affirme sans pourtant n’avoir jamais lu cette

Convention60.Cetteréflexionestcependantvuecommeunaffrontparlecolonel,quiavoue

n’avoir jamais été accusé d’avoir violé la Convention, malgré ces deux ans de

commandement61. Finalement, c’est le sous-lieutenant Charrier qui triomphe pour cette

situationetlessanctionssontlevéesdèslelendemain.Cettedémonstrationdeforcepermet

ainsidemontrerquec’estl’actiondeCharrierquiavéritablementpermisl’améliorationdu

sortdesaspirants,cequiluiad’ailleursdonnéuneréputationtrèspositiveauseinducamp

desaspirants:«Onavaitcoutumededirequepourcommanderlecampilyavaitl’Oberstet

au-dessusdel’Oberst,CHARRIER62»,maiségalementdanslecampdeshommesdetroupe,

jointàl’Aspilag:

«Le“campdeshommes“nousobservaitavecintérêtetsuivaitnotrebagarreavecsympathie.Unjour,un

camaradevientmedirequ’unhommeducampdemandaitàmeparlerauxbarbelés. J’yvaiset jetrouveun

56CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4957SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2858GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN59SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2860CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4861CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4862GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN

Page 32: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

31

garsquimepasserapidementàtraverslesfilsunebrochureetquimedit:“Monlieutenant,c’estlaConvention

deGenève;jesaisquevousenavezbesoin”63»

Le duel continuait donc d’être mené fermement par le lieutenant Charrier et les

aspirantsetenjuillet1941,uneaideofficiellearriveaucamp,legénéralDidelet,quipermet

de renforcer les mesures imposées par Charrier et qui semble également plutôt efficace

dans sa tâche: «L’arrivée de la mission DIDELET a pour première conséquence, que les

brimadescessentcomplètement64»,«Dèslelendemaindel’arrivéedugénéralDIDELET,des

améliorationsnotablesaussibienmatériellesqu’intellectuellesétaientapportésausortdes

Aspirants65».LegénéralDideletamélioredonclavieducampdediversesmanières66maisil

forme surtout une équipe très soudée avec le lieutenant Charrier, qui devient son bras

droit67.Didelet est d’ailleurs assez admiratif de l’actiondeCharrier, qui a su tenir tête au

colonelHartmannetainsi,améliorerlesortdesaspirants,etillefaitdoncsavoir:«Jedois

dire quemon travail est facilité par tout ce qui a été fait avantmon arrivée par le sous-

lieutenantCHARRIER[…]Cetofficiermérited’êtrefélicitéetsipossible,récompensé68».

Il yadonceuunchangementplutôt importantdans le campdesaspirants,mais il

restetoujoursdenombreusesdifficultésàsurpasser,notammentaveclecasdessanctions

etdurégimedurquiréapparaitàchaqueévasion,etcesontdenouvellesmesuresetactions

réalisées,quipermettentdemettrefinàcettesituation.

B–Unetransformationdufonctionnementdel’Aspilag

L’action conjointe du lieutenant Charrier et du général Didelet permettent

l’amélioration des conditions de vie des aspirants et met en œuvre le démarrage de

l’université,ainsiqueduthéâtre,del’orchestreetdesautresactivitésquelesaspirantsont

commencé à développer. Cependant, le colonel Hartmann reste toujours un facteur

problématiquedanscettesituationetuneactiondécisivependantcettecaptivitémèneàun

changementradicalpourlesaspirants.63CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4964GRISVARD Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN65DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN66LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN67GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN68DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN

Page 33: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

32

LesévasionsonttoujoursétéunproblèmepourlecolonelHartmann,quicherchaient

systématiquementà lespuniretàcontinuerdecommander lecampdesaspirantscomme

un camp de représailles, et non plus comme le campmodèle qu’il semblait être devenu.

Ainsi,ildécidedeplacerunecinquantained’aspirantsayantdéjàtentéuneévasiondansune

baraquespécialepourlesenvoyerdansunvéritablecampdereprésaillesetleurattribuent

de nombreuses erreurs et manquements aux règlements, qu’ils signalent aux hautes

autorités allemandes. Le général Didelet décide de s’opposer à cette situation, qu’il

considèrecommeallanttrop loin,et l’examendesprisonniersde la listemetenavantdes

membresdumouvementPétainetdesvolontairesautravail.LecolonelHartmannestdonc

renvoyé puis mis à la retraite, marquant ainsi la fin de son régime autoritaire sur les

aspirants69.

Lecampnepeutcependantpasrestersanscommandementallemandpourledirigeretun

nouveau commandantestdoncdésigné, le colonelVonPirsch,unautrichien70qui a laissé

uneimpressionplutôtpositivesurlesaspirantsquionttémoigné:«unhommetrèscultivé

et un homme de cœur71», «un homme courtois, compréhensif et droit72», «un colonel

autrichien bienveillant et compréhensif73», «a vraiment fait ce qu’il a pu, non pas pour

rendre mes hommes heureux […] mais pour les rendre le moins malheureux possible74».

Cetteopinionestnotammentdûauxdifférentesactionsqu’ilaeffectué,allantdanslesens

desaspirants,contrairementaucolonelHartmann.Ilaainsifaitensortedeclarifierlasuite

des évènements par rapport aux aspirants, c'est-à-dire qu’ils devaient soit se déclarer

étudiant, soit volontaire au travail, mais sans nécessité de justification pour le statut

d’étudiant75.Ilaégalementessayéd’améliorerlasituationdesaumôniersenkommandos76

etpourlecasmêmedel’Aspilag,ilaaidédupointdevuematériel,pourcequ’ilspouvaient

manquer aux aspirants, et a aussi encouragé les activités de loisirs, que les différentes

sanctions et brimades avaient complètement immobilisé. Le colonel Von Pirsch semble

69BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN70LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN71BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN72FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN73LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN74BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN75BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN76FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN

Page 34: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

33

d’ailleurs être plutôt un commandant de camp en retrait, puisque selon un rapport, le

généralDideletareçuuneautonomiepresquetotalepourgérerlecamp77.

Ainsi,depuislerenvoiducolonelHartmann,l’Aspilagaconnuunvéritableretournement

desituationetsembleplutôtenclinàdevenirlecamppourlequelunepartiedesaspirants

avaientétéprévenuslorsdeleursdépartsdestalags,quelquesmoisplustôt,c’est-à-direun

campuniversitaire.

L’organisationdelacaptivitédesaspirantsadoncétéuneactivitéplutôtlaborieuse,

avecdenombreuxobstacles,quiontcependantpermisauxaspirantsdecréerlegroupeuni

et proche qu’il continue d’être pendant la période de la captivité, et même après la

libération.Lesrelationscompliquéesaveclesautressoldats,officiersouhommesdetroupe,

ontétélaraisonprincipalederrièrelanécessitédecréercettecommunauté,etl’Aspilagest

ainsi le lieu parfait pour la captivité des aspirants. Ils ont tout de même rencontré de

nouveauxobstacles,unefoisdanslecamp,maisc’estànouveaucettecohésiondegroupe

quiapermisuneaméliorationsignificativedeleursconditionsdevie,ainsiquel’arrivéede

Didelet,qui,parlasuite,seraégalementsourced’unchangementsignificatifdanslecamp.

L’Aspilag des aspirants prisonniers de guerre est donc mis en marche et peut ainsi se

développerdediversesmanières,toutensubissantlesaléasdelacaptivité,etce,jusqu’àla

libération.

77X–SDPG,CampdesAspirantsdeStablack,29/07/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 35: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

34

Page 36: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

35

TITREII:LaviequotidiennedesaspirantsRégimeordinairedecaptivité

La captivité est une période subie par 1 800 000 français de 1940 à 1945 dans

différentscampsdeprisonniersoukommandosdetravail1.Chaqueprisonnierapuavoirune

captivitéunique, en fonctionde son grade, de l’activitéqu’il a occupé, du lieuoù il a été

emmené,desprisonniersqu’ilacôtoyéouencoredesgardesallemandsquis’occupaientdes

camps. Il existe cependant un certain nombre d’éléments communs, dans une certaine

mesure,àtouslesprisonniers.

La viequotidienneduprisonnieret ses activités routinières sontdesélémentsque

l’onretrouvepartout:celapeutêtredesélémentssimplescommelanourriture,lecourrier,

lelogementouencorel’hygiène,maisaussidesaspectsplusdéveloppés,quel’onretrouve

toutdemêmeenmajoritédanslestouslescampsetleskommandos,telsquedescontacts

avec des prisonniers étrangers ou l’exercice d’une vie religieuse. Ces éléments entrent

généralement en compte dans les obligations posées par la Convention de Genève aux

Allemands, ce qui expliquent leur récurrence dans la captivité, ou simplement par une

habitude liée à la guerre même. Dans tous les cas, les prisonniers de guerre vivent des

expériencessimilairessurdenombreuxpoints,qu’importeletypedeprisonnierqu’ilssont,

cequiexplique les liensquiexistententre lesprisonniersdeguerre.Mêmes’ilsn’ontpas

vécu la captivité ensemble, ils ont subi les mêmes épreuves, ce qui permet un

rapprochement plus facile. Il est cependant intéressant de savoir si cela fonctionne pour

tous les cas et notammentpourdesprisonniersdont l’objectif principal a étéde les faire

vivreunecaptivitéplutôtunique,àcausedeleurgradeunique.

Ainsi,onpeutsedemandersi laparticularitédesaspirants,entantqueprisonniers

deguerre,ainfluésurledéroulementdeleurviequotidienne?

1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.20

Page 37: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

36

I–Desconditionsdeviedifficilesmaissupportables

Le régime du camp des aspirants est très similaire à l’ensemble des camps de

prisonniers, bien que l’on retrouve tout de même quelques exceptions, inhérentes à ce

camp.

A–Unrégimedecaptivitécommun

Au sein de tous les camps de prisonniers, stalags ou oflags, mais aussi dans les

kommandos,ilexistedesélémentsbasiquesquiconstituentuneroutinepourlesprisonniers

de guerre et qui sont significatifs des temps de guerre et de captivité: la nourriture

insuffisante, lesbaraquesenmauvaisétat, lesdifficultésdans l’acheminementducourrier

ou le développement de liens avec les autres prisonniers. Si les aspirants sont considérés

commeungroupedeprisonniersdeguerrespécifique, ilsn’échappentpasàcesdifférents

aspects.

Lanourritureestl’élémentleplusproblématiquependantlapériodedecaptivitéet

les aspirants le rencontrent également. Les prisonniers de guerre ont toujours eu faim

pendant la guerre, notamment dans les camps. Officiellement, selon l’article 11 de la

ConventiondeGenève,lesAllemandsdoiventfournirunerationminimumauxprisonniers,

correspondantàcellequiestdonnéeauxsoldatsallemands2.Celan’acependantpasétéle

cas, puisque les rations des Allemands eux-mêmes étaient généralement insuffisantes, ce

quientraineuneimpossibilitédefournirauxprisonnierscedontilsontbesoin.Lesaspirants

connaissent cette difficulté, ce qui s’observe pendant toute la captivité, de 1942:

«Nourriture: ordinaire toujours insuffisant au camp3» à l’année 1944: «Nourriture du

camp insuffisante4». Ils reçoiventcependantunapprovisionnementsupplémentaire,grâce

aux colis, de laCroixRougeoude leurs familles, qui leurestnécessairepourmanger tels

qu’ils en ont besoin5. La monotonie des repas semble aussi être un problème pour ces

aspirants6,cequiserèglenéanmoinsen1942.Delamêmemanièrequ’uncertainnombre

2Article11,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR3CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN4 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN5MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN6X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN

Page 38: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

37

d’autres camps7, lesprisonniersdu IAobtiennentdeplacerdes françaisdans les cuisines,

avecunsous-lieutenantallemand,maisdirigéparunaspirant8.Untémoignagementionne

également le fait que les aspirants réussirent à obtenir du commandant du camp des

cuisinesfrançaisesàpartirdejuillet1943,quisontmisessouslecontrôled’unaspirant9,ce

quiestconfirméparunrapportde1944:«Nourriturenettementinsuffisantemaiss’estbien

améliorée en qualité depuis que l’aspirant BOISSEL a pris la direction des cuisines10». Les

aspirants se sontdoncorganisés, commedenombreuxautresprisonniers,pouraméliorer

leuralimentationprécaire,auseinducamp.

La captivité peut également être compliquéepar les problèmesde logement. Tout

d’abord,ilyaeulecasdel’entassementdanslesbaraques,quis’observaitdanslescamps,à

l’arrivée des prisonniers. Les aspirants intègrent un camp créé spécialement, où ils sont

entassés, bien que moins nombreux que le camp adjacent11, avec environ 15012à 30013

personnes par baraque. Leurs conditions de logement s’améliorent finalement grâce à

l’arrivéedugénéralDidelet:«élargissementducantonnementdesaspirantsetaffectation

denouveauxlocauxpermettantdedesserrerl’habitat14»maisunautreproblèmeapparait.

Lagêne laplus importantepour lesaspirantsdanscedomaineest lavermine.Ellesemble

avoirétéunélémentconstantdelacaptivitéetonlaretrouvesousdifférentesformes:«Ily

a encore beaucoup de puces et de punaises, quelques fois des poux […]. Les souris

pullulent15».Pour lesautrescamps,cescasdeverminesonttendanceàapparaîtrevers la

findelacaptivité,carelleestdueaudélabrementdesbaraques16,cequiexpliquequ’elles

soienttellementnombreusesenaoût1944,conduisantd’ailleursàdesmesuresdrastiques

des aspirants: «6 août 1943: Les punaises ont fait leurs apparition à la 5.Dans d’autres

baraques, elles pullulent depuis des mois déjà. À la 12, par exemple, les camarades en

7DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.2008X–CICR,StalagIAStablack,07/05/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN9BOISSELJean,«Desrationssoussurveillance»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.99-10010 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN11FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN12PERSONHenri,AufReisen!!,1995,p.5113PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN14DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN15FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN16DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.90

Page 39: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

38

trouventdéjàpartout,dansleursgamellesleursquarts,leurslivres.Aucund’euxnedortplus

danslabaraque17.».

Silavermineapparaitplutôtverslafindelacaptivitédelaplupartdescampscarles

baraquesenboisy sontenmoinsbonétat,àcauseduventoude l’humidité18,elles sont

beaucoupplusprésentesau IAcar lesbaraquessubissentcesélémentsbeaucoupplus tôt

pouruneraisonspécifique:leclimatdelaPrusseOrientale.

B–Unproblèmemajeur:leclimat

Bien qu’il n’y ait pas de documents pour affirmer ou infirmer cette idée, on peut

supposer que la répartition des prisonniers de guerre dans les camps s’est faite

aléatoirement, en fonction des disponibilités de camps et des captures de prisonniers.

Cependant,lecasdesaspirantsestàpartetonpeutavancerl’hypothèsequelalocalisation

ducampn’apasétéfaiteauhasard.Eneffet,commeonadéjàpul’observer,lesaspirants

auraient été emmenésdansun camp spécial pour en faire un campde représailles et les

punirdeleurmanquedecollaboration19.Ilestdonccohérentdechoisirdelesmettredans

uncampoùlesconditionsdevieserontdéjàtrèsdifficiles,duesàunclimatrude,commele

stalagIAenPrusseOrientale.Lesaspirantsledécouvrentrapidementaprèsleurarrivéeen

mars,puisqu’ilsontdes chutesdeneigeunmoisplus tard20.Par la suite, ceproblèmede

climat est mentionné dans plusieurs rapports, où les températures extérieures ou

intérieuressontévoquées,avec-23°Cà-35°CpourleNoëlde194121,-8°Clejouret-5/6°Cla

nuit en août 1942 22 et 0° dans les baraques 23 puis on retrouve beaucoup moins

d’informationssurlestempératuresmêmeparlasuite.Ilestpossibled’avancerl’idéequ’il

n’yaplusdementiondecefroiddifficilecariln’yaplusvraimentdeplaintesàcepropos.Il

estdoncpossiblequelesaspirantsaientfinipars’habitueràcestempératuresfroidesouau

17DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.13918DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.9019DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.12920DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13021DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13322FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN23LECONTEJacques,«PremierhiveràStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.56

Page 40: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

39

moins,àlesupporterplusfacilement:«Malgrélefroidtrèsvif,beaucoupdeprisonniersde

guerredisentnepasensouffrir24».

S’habitueràcetypedetempératuredevientrapidementunenécessité,carlecampconnaît

demultiplesproblèmesvis-à-visduchauffage,quin’estnotamment jamaisassezpuissant.

Laguerreest responsabledenombreuxmanqueset lesprisonniersne sontgénéralement

pasuneprioritépourdenombreuxmatériaux,etc’estpourcelaquelapénuriedesrations

decharboncréedesdifficultésdanslecamp.Ellesemblecommencerennovembre194125

et est toujours présente en avril 194426. Cemanque de chauffage cause notamment une

grande humidité dans les baraques27, qui peut parfois mener à une inondation de la

baraque, comme cela eut lieu en 1942 pour les aspirants 28 . Cette situation permet

d’expliquerl’arrivéerapidedelaverminependantlacaptivité,puisquedetelsdésagréments

àl’intérieurdelabaraquepeuventpossiblemententrainerundélabrementplusrapideetce

froidpeutégalementêtrelesynonymederéductionoud’interruptiond’activités29.

Toutaulongdelacaptivité,lesresponsablesducamptententderésoudreceproblème:ils

essaientd’aborddes’enoccuperparrapportauxbaraques:«onadisposédupapierdans

lesplafondsetlesparoisextérieuresdesbaraquespourfairebarragecontreledroit30»,puis

pour les aspirants: «les aspirants, dont les demandes sont les exceptions, paraissent en

bonnes conditions pour aborder l’hiver31». Ils reçoivent également des pulls et vêtements

chaudsdeleursfamilles32,cequipermetdoncdevoirqu’ilyaunemobilisationpourtenter

delesaideràmieuxsupportercesconditions.

Cefroidsembledoncavoirétéunélémentrécurrentdelaviedesaspirantsetsurtout

unélémentmarquantdecettecaptivité,puisquedanstouslestémoignagesd’aprèsguerre

fournispard’anciensaspirants, ilsmentionnent ceproblèmede climat; il y anotamment

des détails sur les températures affrontées et certaines anecdotes, ce qui peut laisser

24X – CCPPG, Stalag IA, 18/03/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN25DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13326 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,04/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN27X–CICR,StalagIAStablack,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN28BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN29DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.127-14130SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN31CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN32DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.11

Page 41: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

40

supposerquecettepartiedel’expérienceapulestraumatiser.Uneremarqued’unaspirant

permetégalementd’observerleproblèmequecettesituationpose,auregarddel’évolution

delacaptivitédesaspirants:«Cecaractèreinterrégionalqueprendlecamprenddeplusen

plusparadoxalsonmaintiendansunesituationexcentriqueparticulièrementdéfavoriséeau

pointdevueclimat33».

C–Denombreuxdépartsducamp:leslibérationsorganisés

SileclimatestplutôtrudeenPrusseOrientale,ungrandnombredeprisonniersala

possibilité d’y échapper pendant la captivité et avantmême la période de fin de guerre,

grâceauxrapatriementsetlibérationsorganisés.

QuecesoitdesrapatriementsprévusparlaconventiondeGenève,auxarticles68et

suivants, pour les grands malades et grands blessés34ou des libérations obtenues par le

régimedeVichy,uncertainnombredeprisonniersdeguerreaeulapossibilitéderejoindre

laFrancependantlapériodedecaptivitéetonretrouvedemultiplestrainsderéforme,de

relèveouautresdanslestalagIAetchezlesaspirants.

Lestrainsdelaréformesontlesplusimportantspuisqu’ilsontétélesplusnombreux

pendant cette captivité mais également ceux qui ont connu le plus de difficultés. Les

premièresmentionsdanslesrapportsofficielsévoquentuntempsd’attenteassezlong,voir

trop, entre les différents trains de la réforme, ce qui poserait problème vis-à-vis des

prisonniers très malades: «quantité de malades qui restent faute de transports. 6 mois

entre l’avantdernier et le dernierdépart […]Pour lesmalades couchés, l’hôpital enabrite

plusieurscentaines,iln’enestpointpartidepuisle16septembre35».Ilestpossibled’avancer

l’idée que c’est à la fois le manque de moyens des Allemands ou des Français pour ces

rapatriements,notammentlanécessitédetrouverdestrainsàdispositionsetladistanceà

parcourirpouropérercesretour,quiempêchentleurrégularité.Cesretoursparlaréforme

s’observent surtout à partir de 1943: il y en a un en janvier qui transporte desmalades

couchés36, enmars, avec une centaine de réformés37, en juillet, avec un train plus divers

33BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN34Articles68à74,Convention relativeau traitementdesprisonniersdeguerre, 27 juillet 1929,Genève, SiteinternetduCICR35SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN36CCPPG,Rapportquotidiendu5février1943,05/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN37CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 42: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

41

puisqu’ilscomprenaientaussidessanitairesetdeslibéréschoisisparl’OKW38,enaoût,avec

deslibéréssimilairesauprécédent39,ainsiqu’untrainderéformésenoctobre40.Parlasuite,

en1944,denombreuxautrestrainsderéforméspartent,cequipeutprobablementmontrer

un développement des moyens à disposition pour les Allemands et les Français. Un des

trains de réformés connaît cependant des difficultés, qui semble être utilisé comme un

moyendereprésaillesparlesAllemands41.Alorsqu’untrainétaitpartidébutmai1942,ilest

obligédefairedemi-tour,commepunitionsuiteàl’évasiondugénéralGiraudetilnerepart

pasavantoctobre,aprèsavoirpasséunecontre-réforme,pourélimineruncertainnombre

demalades du train42. Ainsi, outre les problèmes techniques, ces réformés peuvent être

retenuscommemoyenderépressionoudepunitionparlesAllemands.Enparallèledeces

retours nécessaires, il existe également des libérations dues à un choix et non à une

obligationpour lesAllemands. Enplusdes sanitaires,qui accompagnentgénéralement les

réformés,lerégimedeVichyetl’OKWontpusemettred’accordsurlechoixdeprisonniers

particuliersàlibérer,parbesoinpourlaFrance43.Ainsi,pourlecasdustalagIA,onretrouve

des libérations de la Relève, que l’on évoquera par la suite, de pères de quatre enfants,

d’ancienscombattantsde1914-191844,d’ingénieurs,utilesàuntravailpour lesAllemands

enFrance45ouencoredesDieppois,«libérésenraison“delaconduitedeleursconcitoyens

lors de l’essai de débarquement anglo-canadien“46», soit les multiples cas de libérations

prévuesparlerégimedeVichy47.

Les différents rapports et témoignages ne mentionnent pas précisément lesquels de ces

retourssontceuxd’aspirants,maiscertainschiffressonttoutdemêmedonnés.Ainsi,à la

mi-avril1943,650aspirantsauraientdéjàétérapatriés48etenjanvier1944,«environletiers

desaspirantsduIAaétélibéréoumisencongédecaptivitédepuis3ans49.».Parlasuite,il

estmentionnéqu’ilyaencoredesaspirantsrapatriéstouslesmois,pourlaréformeoupar

38CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN39CCPPG,StalagIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN40CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN41DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.32542DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejourLecampdesAspirants…op.cit.,p.13743DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.324-32644DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13045CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN46DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,.13747DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.32648Secrétariat des Aspirants, Situation du camp des aspirants à lami-avril1943, Avril 1943, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN49CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 43: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

42

l’OKW50.Les libérationsdesaspirantssemblentd’ailleursrecevoiruntraitementdefaveur,

par des demandes de France51, ce qui est probablement dû à ce que représentent les

aspirants,c'est-à-direuneéliteintellectuelleutileaurégime.

Parconséquent,denombreuxaspirantsrentrentpeuàpeuenFrance,maiscelane

signifie pas que la communauté qui s’est créé entre les aspirants pendant la captivité

disparaît,puisqu’elles’observe,mêmedepuislaFrance.

D–Unesolidaritéévidenteetmassive

Commeonadéjàpul’observer,lesaspirants,unefoisréunisensemble,formentune

communauté très unie, ce qui leur permet de supporter le régime de représailles du

commandant Hartmann et de garder un bon moral52. Il est possible, tout au long de la

captivité,d’observerdifférentsélémentsquimontrent,demanièreprécise,commentcette

communautésedéveloppeets’observe.

Tout d’abord, de la mêmemanière que tous les autres prisonniers de guerre, les

aspirants sont répartis dans des baraques, ce quimène à la créationde compagnies (une

compagniepourchaquebaraque53)etparextension,lamiseenplacedes“popotes“,c’est-à-

dire la réunionentrecamaradesdemêmesbaraquesouenpetitsgroupesprécédemment

formés,pourmangersesrationsdenourriture,c’est-à-direfaireunrepasencommun54.Si

les aspirants sont plus ou moins tous proches, car certains se connaissent déjà55ou ont

formé des liens dans les camps où ils étaient précédemment56, les “popotes“ créent des

relationsplusapprofondies:«C’estlaréuniondequelquescopainsennombrevariable,que

les circonstancesont rapprochéetquedesaffinitésontgroupé.Celadevientunpeunotre

familled’élection:c’estuneextraordinairefraternité.Toutyestcommun57».

50CCPPG,StalagIA,15/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN51CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN52SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants (I)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.2653X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN54DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.20455SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2656MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,153pages57DENQUINFrançois,«Lapopote»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.53

Page 44: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

43

D’autresgroupessecréentégalementauseindel’Aspilag,etnotammentdesgroupements

régionaux.Lesaspirantsorganisentdes réunions regroupantd’autresaspirants,originaires

de la même région et discutent de ce qu’ils ont quitté ou ce qu’ils y avaient vécu58. Le

système s’est d’ailleurs grandement développé, puisqu’il a commencé par de simples

regroupements, et a évolué en réunions organisées, avec un thème proposé, des

conférences, ainsi qu’un salon, dédié entièrement à la pratique de ces groupements59. La

raison de ces groupements peut s’expliquer par deux idées qui s’opposent: les aspirants

cherchentàretrouverleursracinesetontlemaldupaysmaisilestégalementpossiblequ’ils

n’aient pas le désir de se mêler à d’autres aspirants et préfèrent rester dans un groupe

restreintetplusconnu.

Lespreuvesdesolidaritéquel’onpeutobserverparlasuitetendentplutôtàmontrer

quelesaspirantsformentunecommunauté,quichercheàaiderdumieuxpossiblelesautres

prisonniersdumêmegradequ’eux,maiségalementlesautresprisonniersdecamp.Comme

dansuncertainnombred’autrescampsdeprisonniers, lesaspirantsmettentenplaceune

caisse de secours, qui a pour but d’aider les prisonniers qui ne reçoivent pas de colis,

notammentcar les famillesn’enontpas lesmoyens,etd’aiderégalementces familles,en

récoltantdel’argent60.Chezlesaspirants,cesystèmeacommenomla“Partducamarade“,

qu’un aspirant décrit ainsi: «une organisation excellente […] consistant à prélever

volontairement, sur chaque colis reçu, un petit quelque chose qui alimentait une réserve

destinéeàaider,dans laplusgrandediscrétionceuxqui, sans familleoudéfavorisée,n’en

recevaient jamais ou très peu61.» Cette initiative permet par exempled’envoyer des colis

aux malades de l’hôpital pendant le Noël de l’année 194162. En parallèle, se développe

égalementunecaissed’entraideetdesecours,probablementplussimilaireàcequiétaitfait

dans les camps de prisonniers et commune à tout le IA, qui récolte une sommed’argent

conséquente,puisqu’ilsontdéjàseptmillionsàlafindel’année1943,d’aprèsunrapportde

novembre63etqu’ilspassentégalementdansleskommandosautourducamp,pourrécolter

de l’argent64. Enfin, la solidarité des aspirants s’observe d’une dernière manière, plutôt

58LePrésent,N°2,15novembre1942,72AJ/2633,AS,AN59LePrésent,N°5,15février1943,72AJ/2633,AS,AN60DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.23961DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1162DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13363CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN64LePrésent,N°5,15février1943,72AJ/2633,AS,AN

Page 45: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

44

exceptionnelle, semble-t-il, c'est-à-dire la création dès mars 1943, d’un secrétariat des

aspirants libérés, qui a pour but d’aider les aspirants encore en captivité, par l’envoi de

lettres et de colis65. D’après un témoignage d’après-guerre, il commence comme une

amicaledesaspirants rapatriés,où lesdifférentsaspirants rentrésviennent se revoirpour

des courtes réunions, ils accueillent les nouveaux rapatriés, qui arrivent peu à peu, et

écoutentlesnouvellesducamp.Finalementilsdécidentdemettreenplacedesatelierspour

envoyer d’abord des lettres donnant des nouvelles de France, puis des colis de produits

nécessairesàcesprisonniers66.Cette initiativeaeuungrandsuccèsauseinde l’Aspilag67,

notammentgrâceauxcolis,telquel’arrivéede200colisde5kgchacunaudébutdel’année

194468. Ilsenvoientainsiquelquescolisunefoisparmoisetsontplutôtgénéreuxpour les

fêtes,puisqu’en1942-1943,lesaspirantsontreçu200colispourNoëlet300pourPâques69.

Parledéveloppementdececoncept,lesaspirantsfontdoncpreuved’unespritdesolidarité

très fort, puisque la communauté continue d’être,même après la fin de la captivité pour

certains.

Lesaspirantsviventdoncdansdesconditionsplutôtnormalesentermedecaptivité,

maisconnaissentquelquesfoisdesprivilègesoucasparticuliers,dusmajoritairementàleur

grade.

II–L’organisationd’uneviereligieuseintenseàl’intérieuretàl’extérieurducamp

Auseinducampdesaspirants,uneforteviereligieuses’estdéveloppée,notamment

parlaprésencedenombreuxprêtrescatholiquesetelles’étendmême,pendantlacaptivité,

horsdescamps.

A–Lareligionauseinducamp

Lacaptivitéestunepérioded’isolationetdedifficultéspourlesprisonniersdeguerre

etainsi,uncertainnombredecaptifschercheduréconfortdansdifférentesactivités,dontla

religion, sur laquelle s’appuie une grande quantité de croyants durant la guerre. Cela se

65CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN66VILNET Jean, «Comment fut crée le “secrétariat des Aspis libérés“», Le camp des Aspirants pendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.205-20667CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN68CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN69Secrétariat des Aspirants, Situation du camp des aspirants à lami-avril1943, Avril 1943, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 46: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

45

traduit par une intensification des cultes dans le camp et d’autres activités théologiques

pour les pratiquants les plus poussés 70 . Il n’y a cependant que deux religions

majoritairementreprésentéesdanslecamp,lecatholicismeetleprotestantisme,lesautres

étantinterditesparlesAllemands.Ilestdoncpossiblederetrouverlecasdejuifs,maissans

aucune possibilité d’exercice de la religion et on retrouve ainsi ces trois cas au sein de

l’Aspilag.

L’activitéreligieuse,catholiqueprincipalement,auseinducampesttrès intense,ce

quipeuts’observerdediversesmanières.Toutd’abord,onpeutremarquercelaparlebiais

des nombreuses évocations de la vie religieuse dans les journaux de camp. Le journal La

Francisque présente dans ses différentes éditions le calendrier religieux, à la fois des

catholiques et des protestants, pour connaître les horaires des prochaines messes ou

conférences religieuses71. Le journal Le Présent, datant de l’année suivante, comprend à

chacune de ses publications un «Mot de l’aumônier72», rédigé par l’Aumônier principal

catholiqueducampetilexisteégalementdeséditionsspéciales,pourlesfêtesreligieuses,

tels que Noël73ou Pâques74. Ainsi, cela permet d’observer l’importance du culte pour les

aspirantspuisqu’ilsdiffusentl’informationdumieuxpossible,pourdonnerlapossibilitéàun

maximumd’aspirantsd’yassister.

Unautrecasestsignificatifdecetteactivitéreligieuse,àlafoispourlesaspirantsetpourles

allemands, puisque les prisonniers obtiennent la possibilité de créer une chapelle pour

exercerleculte,remplaçantainsilademi-baraquequ’ilsavaientauparavantàdisposition75.

Ellenécessite laparticipationd’architectesetdepeintresdegrandenotoriété76etelleest

considérée comme une grande réussite: «Le Camp possède une très belle église, ornée

d’une fresque représentant la sainte Cène et un autel décoré avec beaucoup de goût77»,

«c’estsansdoutelaplusbelleréalisationducamp78».Elleestutiliséeconstammentparla

70DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.27871LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,ANLaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN72LePrésent,72AJ/2633,AS,AN73LePrésent,N°3,15décembre1942,72AJ/2633,AS,AN74LePrésent,N°6,Pâques1943,72AJ/2633,AS,AN75ULRICHMichel (RP), «La construction de la chapelle», Le campdesAspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.7376SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5277X–CICR,StalagIAStablack,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN78X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIAau19janvier1942,19/03/1942,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 47: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

46

suiteetreçoitmêmelavisiteplutôtexceptionnelledel’aumôniergénéraldesprisonniersde

guerre, l’abbéRhodain79. Elle est plutôtparticulièrepour les aspirantspuisque l’aumônier

n’apresquefaitaucunevisitependantletempsdelaguerreetcelleduIAfutdoncunedes

seuleseffectuées80,cequipeutdonneruneplusgrandeimportanceauxaspirantsetàleur

viereligieuse.

Chapelledesaspirants, avecderrière l’autel, la fresque représentant laCène,peintepar

desaspirantsducamp81

Sicertainsélémentsdelaviereligieusedesaspirantssemblentêtreplutôtcommunàcelle

des autres campsdeprisonniers, il enexisteunqui le rattacheplus à celledesoflags: la

présencedeséminaristes.Eneffet,commeonleverraparlasuite,l’Aspilagdéveloppeune

vieuniversitaireintenseetparmilescoursprofessés,onretrouveungroupedeséminaristes

suivantdescoursdethéologieoudesconférencessurlaviereligieuseetlesidéauxqu’elles

représentent,avecégalementdesexamensdefind’année82.Selon le témoignaged’après-

guerredel’aspirantSilbert,cetteprésenceconséquentedeséminaristesauraitaidéàcréer

lavie religieuse intensequ’aconnue lecampetauraitété la raisonde lavenuede l’abbé

Rhodain83.

79ULRICHMichel(RP),«Laconstructiondelachapelle»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.7580DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.28381X–AmicaledeStablack,Photographieducamp,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN82SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5283SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.52

Page 48: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

47

Si la vie chrétienne des aspirants a donc été plutôt animée et développée, le cas du

judaïsme a plutôt posé un problème au sein du camp. Il est possible de retrouver dans

certains camps de prisonniers des soldats juifs internés en captivité. La qualification de

soldat dominant celle de juif, cette catégorie de prisonniers était généralement protégée

contrelestraitementsinfligésauxautresjuifspendantlaguerre,cequin’empêchaientpas

lesAllemandsdedisposerd’euxcomme ilsvoulaient,en tantqueprisonniersdeguerre84.

Onenretrouveseptauseinducampetilsfurentmisdansunebaraquespéciale,destinéeà

desmesuresdisciplinaires,notammentpourlesévadésreprisetilssontmêmemisàl’écart

des autres prisonniers dans cette baraque85. C’est le général Didelet qui prend cette

situation enmain et il décide de les intégrer à un convoi d’aspirants volontaires pour le

travail86. Les avis d’après-guerrementionnant cet évènement sont plutôtmitigés, puisque

certains considèrent queDidelet a tentéde les exclure au lieud’essayer de les soutenir87

alorsqued’autresontplusperçucelacommeunetentativedeprotection88.Lesdeuxavis

sontplausiblesetpeuventserejoindre,puisqu’ilestpossiblequelegénéralaittentédeles

protéger des gardes allemands et du régime qu’ils pourraient leur imposer, comme

l’obligation de rester dans la baraque disciplinaire jusqu’à la fin de la captivité, en les

excluantducamp.Cela luipermettaitégalementdenepasavoiràprendrepositionsur la

questionetdoncdegardercesbonnesrelationsaveclesAllemands.

Outrecescaslà,laviereligieusedesaspirantsadoncétéplutôtpositiveetonpeut

observerqu’elles’intensifieparlasuite,avecundéveloppementdansleskommandos.

B–Unservicereligieuxenvoyéhorsducamp

L’exercicedelaviereligieusevarieenfonctiondulieudecaptivité:lesoflagsontune

viereligieuseplutôtimportantepuisqu’ilsontletempsdeladévelopper,lesstalagsenont

généralement une bien mise en œuvre, qu’ils exercent quant ils peuvent. Enfin, la vie

84DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.35485X–CICR,StalagIAetcampdesaspirants,Stablack,24/09/1941,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN86SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6587FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN88LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 49: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

48

religieusedansleskommandosestsouventdifficilecarcesprisonniersn’ontpastoujoursle

tempsdesedédieràcetteactivité89.

Certainsprêtresessaientcependantd’aidercesprisonniersàdévelopper leur foiet

c’est le cas des aumôniers et prêtres aspirants du IA. Les premières démarches datent

d’octobre1941avecunevolontéd’envoyerlesprêtresn’ayantaucunetâchedanslecamp,

puisqu’ilsysontnombreux,dansleskommandos90.LesAllemandsdisentconsidérerl’offre,

mais enmai 1942, personne n’est encore parti91. La raison de la difficulté de ces départs

semble être le commandement du camp, puisque le colonel Hartmann s’oppose, sous le

prétextequelasituationdesaspirantsn’esttoujourspasclaire.C’estunchangementdans

cecommandementenjuillet1942quipermetledépart.Lenouveaucommandant,lecolonel

VonPirsch,«luthérienconvaincu»selaisseconvaincreparcetteinitiativeetlesaumôniers

peuvent donc partir92. Par la suite, les chiffres évoqués du nombre de prêtres dans les

kommandossemblentvarier,puisqu’ilyena50enoctobre194293,90enmars194394,70en

septembre 194395et enfin, 40 en mai 194496. Il semble donc y avoir une fluctuation du

nombredeprêtresdansceskommandos,cequipeutmontrerunattraitpourcetteinitiative

pendantlapremièremoitiédel’année1943,puisunedésillusionsurcetteactivité,quipeut

êtredueàplusieursfacteurs.Ilestpossiblequ’avecl’avancéedelaguerreetlalongueurde

la captivité, les prisonniers qui avaient décidé de reprendre leur vie religieuse s’en sont

lassés et aient décidé d’abandonner à nouveau. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’avoir un

nombre si élevé d’aumôniers dans les kommandos, conduisant donc à la diminution de

l’effectif.

Pour lecasdesprêtresaspirantsqui restentenkommandos, ilsexercentune fonctionqui

semble aller plus loin que le simple exercice de la foi. Cette idée est développée par des

témoignagesd’après-guerreparcertainsquiont faitpartidecesenvoisoud’autresqui le

relatent simplement; il est donc difficile de connaître l’exactitude de ce qui est dit,mais

89DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.28490DUNAND(Cpt),StalagIA,03/10/41,Stablack,F/9/2709,MissionScapini,AN91X–CICR,StalagIA,Stablack,07/05/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN92MOLETTECharles(Mgr),«Desprêtresaspirantssortisducamppourexercerleurministèredanslesenvirons»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.11993X–CICR,StalagIA,Stablack,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN94X–CICR,StalagIA,Stablack,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN95X–CICR,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN96X–CICR,StalagIA,Stablack,05/05/1944,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN

Page 50: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

49

globalement, ils ont une charge d’auxiliaires des hommes de confiance97 ou sont les

aumôniers principaux de toute une ville et même de prisonniers de guerre d’autres

nationalités98.

Parconséquent,onpeutobserverqueparlebiaisdecetteinitiative,unepartiedes

aspirants semblent remplir une fonctionplus particulièrequedesprêtres d’autres camps,

bien qu’on ne peut pas savoir si cela est dû à leur grade particulier ou à une simple

persévérancedesreligieuxdececamp-là.

III–Lecontrôledel’étatsanitairechezlesaspirants

Lasantéestundesaspects lesplus importantspour lacaptivitéd’unprisonnierde

guerreetilestnécessaired’avoiràsadispositiondesmoyenssuffisantspourveilleràl’état

sanitairedesprisonniersetàleurssurviesdansdebonnesconditions.

A–LeservicedesantédustalagIA,développémaisinsuffisant

Parmilesdispositifslesplusimportantsdontlesprisonniersdeguerreontbesoin,les

servicessanitairesarriventenpremièreposition.Lanécessitéd’avoirunservicedesantéà

disposition,avecdesmédecinscompétentspours’occuperdesprisonniersdeguerre,était

primordialepourassurer lacontinuitéde lacaptivitéet labonnetenueducamp99etdans

l’ensemble,lestalagIArépondàsesconditions.

Lesaspirantsdisposentàlafoisd’unhôpitaletd’uneinfirmerie,avecuneséparation

dans l’hôpital des baraques pour les français et pour les russes100. Il comprend plusieurs

sections,pour lesvisites, les fiévreux, lachirurgie, les tuberculeuxetuneparticulièrepour

lesmaladiescontagieuses101etpossèdeuneéquipedemédecinsplutôtefficace.Lemembre

quisemble leplusappréciédetoutecetteéquipeest ledocteurBonnefous,présentavant

l’arrivéedesaspirantsdans lecamp,etdont lesrapportssur l’hôpital fontpartdeséloges

qu’ilareçu:

«LedocteurBONNEFOUSesttoujoursl’objetdeslouangeslesplusflatteuses.Possèdelaconfianceentière

des allemands. Confianceméritée, uniquement pour sa valeur professionnelle. C’est à plusieursmilliers qu’il

97SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6198MOLETTECharles(Mgr),«Desprêtresaspirantssortisducamppourexercerleurministèredanslesenvirons»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.118-124,72AJ/2632,AS,AN99DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.264-265100POUPLARDMaurice,Mémoiresd’Outre-Rhin,SansDate,P.40101X,HôpitalStalagIA,03/10/1941,Stablack,F/9/2709,MissionScapini,AN

Page 51: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

50

fautchiffrerlenombrederapatriablesquiluidoiventleretourenFrance.Aprocédéàplusde1000opérations.

A refusé sa libérationàplusieurs reprises. LegénéralDIDELETdéploreque lemédecinBONNEFOUSn’ait pas

encoreobtenuunerécompense102.»

Cette déclaration est probablement une des raisons majeures pour le très bon

fonctionnementdeceservicesanitaire.D’autresmédecinssontégalementprésents,masles

opinionssontplusmitigées:ledentisteseraitplutôtincompétent103,commelesignaleune

plainte déposée104, lemédecin allemand qui dirige le service sanitaire est plutôtmal vu:

«fantastiqueetcapricieux,cequifaitquebeaucoupdemaladesontpeurdelui105»etenfin,

les autres médecins du service semblent également plutôt mauvais 106 . Ces rapports

semblentdoncmontrerquec’estvéritablementledocteurBonnefousquifaittenirleservice

sanitairedu campetqui apporte leplusde soins auxprisonniers, etpourtant la situation

changeàpartirdelafindel’année1943.

Il existe au sein des camps de captivité le cas de la relève des médecins, qui consiste à

remplaceren1943-1944certainsmédecinsd’hôpitaux107etledocteurBonnefousestchoisi

pour cette Relève108, qu’il ne peut refuser comme ce fut le cas pour les propositions de

libération précédente. Il est vivement regretté109mais sa relève semble aussi compétente

que lui,puisqu’ilestaussiestimé:«Ànoter ledocteurFLABEAUquiestaudessusdetout

éloge110».Parlasuite,onretrouveégalementlemédecin-capitaineLartigueàl’infirmerieet

lecapitaineHilaireà l’hôpital111,qui semblentêtreégalement trèscompétents,maisaussi

très actifs, comme pour permettre le rapatriement des malades en France 112 . Le

fonctionnementduservicedesantésembledonctoujoursassuréparuneéquipemédicale

102X,StalagIA,12/02/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN103X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN104CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN105FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN106X,StalagIA,12/02/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN107DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.264-265108CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN109CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN110Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN111Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN112Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 52: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

51

toujourscompétenteetsanscesserenouvelée,cequiexpliqueprobablementpourquoiilest

aussiconsidéréetpourquoineméritequedeséloges113.

CettebonnetenueduservicesanitaireestparticulièrementutileauseindustalagIA,

puisqu’ilsdoiventfairefaceàdenombreusesmaladiesetépidémies.

B–L’Aspilag:uncampenpartieprotégédesmaladies

Lesconditionsdevie,d’hygiène, lesarrivéesdenouveauxprisonniers, lesmanques

denourrituresontdescaspouvantconduireàlaformationdemaladieschezlesprisonniers

deguerre,quecela soitdesépidémiesoudes simplescasparticulierset le stalag IA subit

égalementcettesituation.

Au sein du camp IA, les différents rapports mentionnent deux cas de maladies

particulièrement répandues: le typhus et la tuberculose. Ce sont deux maladies très

contagieuses,cequiexplique lamultitudedecas.Letyphusest lecas lepluspréoccupant

pourlesmédecinsfrançaisetlesAllemandsetilscherchentdoncàenrayerlepluspossiblela

transmission. Tout d’abord, c’est une maladie qui vient principalement des prisonniers

russes et qui se transmet par les poux. Les mauvaises conditions dans lesquelles sont

entretenuslesRusses,commeonl’observeraplustard,expliquentprobablementcomment

la maladie se propage mais les Allemands mettent seulement en place des moyens de

protectionducôtédesprisonniersfrançais,avecunedemandedenepasentrerencontact

aveccesRusses114.Certainsprisonniersdeguerrefrançaisattrapentcependantlamaladieet

onretrouvedonc21casdetyphus,dontquatredécédésetparlasuite,ilya6casconfirmés

et 12 suspectés115. Lesmédecins du service de santémettent alors en place desmesures

effectives pour contrer ces maladies, avec notamment une vaccination en mars 1943116,

pour les prisonniers français, belges et polonais117. Ils augmentent également les services

d’hygiènedesaspirants; s’ilexistedans tous lescamps, lecascommundesdésinfections,

généralement exceptionnelle et aléatoire, pour les baraques et les prisonniers 118 , les

aspirants connaissent aussi régulièrement des cas d’épouillages. Par exemple, à la fin de

l’année 1941 et au début de l’année 1942, les aspirants passent à l’épouillage le 1er113X,StalagIA,31/11/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN114X–MissionMédicale,Compterendudevisitefaitele12janvier1942,13/02/1943,AJ/41/455,AN115X–MissionMédicale,Compterendudevisitefaitele12janvier1942,13/02/1943,AJ/41/455,AN116CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN117DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.20118DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.258

Page 53: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

52

décembre, le 31 décembre, le 13 janvier et le 14 février, où ils repassent également à la

tonte119.Ilsontégalementaccèsàladouchechaudeaumoinsunefoisparsemaineetfroide

quand ils ledésirenten1944120.Cesnombreusesmesuresdéveloppéespar lesservicesde

santé et par les Allemands, qui de plus, demandent probablement de nombreuxmoyens,

permettentdeprésenterl’hypothèsequelesconditionssanitairesducamppeuventsouvent

être problématiques, voire dangereuses, et que les aspirants ne vivent pas dans des

conditionspropicesàcequ’ilsdoiventnormalementavoir.Celapeutd’ailleursserapprocher

decequiavaitdéjàpuêtreobservédansleursconditionsdevie,c'est-à-direlaverminetrès

présentedanslesbaraques,quiaccompagnentlesrisquesdemaladies.

Parmi ces risquesdemaladies,onpeutaussi retrouver le casde la tuberculose,qui a tué

plusieursprisonniers,dontdesaspirants.S’ilsontrapidementpuéchapperautyphusgrâce

auxmoyensmisenœuvre,il leurestplusdifficiledecontrerlatuberculose.Ilsonttoutde

mêmedesmoyensdedépistage,par lebiaisde radios,commece fut lecasennovembre

1943, permettant le rapatriement de deux prisonniers atteints 121 mais certains sont

cependanttouchéssansquelesmédecinsnepuissentrienfaire.Ainsi,ilyauraiteuplusieurs

aspirantstuésdelatuberculose122etdenombreuxatteintsenquarantaineàl’hôpital123.Ce

n’estqu’en1943,queleservicedesantésembleavoirobtenuuntraitementappropriépour

permettredelessoigner124.Celapermetd’ailleursdemontrerl’efficacitéduservicedesanté

dececamp,puisquesesmembresaméliorentlefonctionnementduserviceetsontenplus

étroite collaboration avec lesAllemands, puisqu’ils semblent avoir lesmédicaments et les

traitementsdontilsontbesoin.

D’autresmaladies,moins importantes,apparaissentégalementaucamp,telque lagrippe,

due principalement au climat que les aspirants subissent125 , mais également des cas

d’angines126etdepneumonies127,cequisupposentquesilesaspirantssedisentacclimatés

aufroid,leurscorps,eux,nelesontpastoujours.

119DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.133-134120Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN121CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN122DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.20123X–CICR,StalagIAetcampdesaspirants,Stablack,21/09/1941,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN124X–CICR,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN125CCPPG,StalagIA,15/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN126CCPPG,StalagIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN127CCPPG,StalagIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 54: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

53

On peut ainsi voir que le taux demortalité des aspirants ne semble pas voir été trop

élevé, malgré ces nombreuses maladies observées, ce qui peut s’expliquer par une

surprotectiondesaspirants,aveclesnombreusesméthodesutiliséesquel’onapuobserver,

etl’attentionparticulièreportéeauxaspirants,quel’onneremarquepaspourtouslestypes

deprisonniers.

IV–Lesaspirantsetlesprisonniersétrangers:desrelationsdiverses

LestalagIA,commedenombreuxautrescampsauseinduIIIèmeReich,neregroupe

pas uniquement des prisonniers de guerre français, et les aspirants développent ainsi

certainscontactsaveccesautresprisonniers.

A–Diversesnationalitésréuniesaucamp

Il existe de nombreuses nationalités de prisonniers de guerre pendant la Seconde

Guerremondiale.Tous lesennemisde l’Allemagneontdesprisonniersdans leReichetau

coursde la guerre, lesnouveauxennemisentrainentdenouveauxprisonniers.Au seindu

stalag IA, toutes les nationalités n’ont pas été représentées et on en trouve ainsi cinq

différentes:lesfrançais,lesbelges,lespolonais,lesrussesetlesitaliens.

Les cas les plus communs de relations de prisonniers de guerre étrangers avec les

prisonniers français sont les belges et les polonais. En effet, ces deux catégories de

prisonniers sont internées en camps avant les Français et sont donc installées dans ces

stalags et oflags lorsque les prisonniers arrivent128. Dans les deux cas, il est commun

d’observerunegrandeententeentrelesprisonniersdeguerrefrançaisetlesprisonniersde

guerredesdeuxautresnationalités,notammentcar ilsontdenombreuxpointscommuns,

telsquedesconditionsdeviesimilairesetlesmêmescontraintes129etpourtant,cen’estpas

toujourscerapportquis’observepourlecasdesaspirants.

Les Belges sont environ 1 000 au camp et les relations avec les aspirants sont plutôt

cordiales130. Il n’existe cependant que peu d’informations à ce sujet, ce qui s’explique

probablement par la situation particulière des aspirants. Ils sont coupés du camp des

hommesdetroupeetildoitdoncêtredifficilededévelopperdesrelations.128DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.422-425129PANNÉ Jean-Louis. Prisonniers de guerre français et polonais : fraternité, expériences, témoignages. In:Revuedesétudesslaves,tome75,fascicule2,2004.P.275130X,RenseignementssurlestalagIA,05/05/1944,F/9/2912,DPSG,AN

Page 55: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

54

PourlecasdesPolonais,ilsembleégalementn’yavoirquepeuderelationsetpourtant,les

différentsavisrelevésmentionnentunsentimentd’hostilité.Celapeutsetraduireparune

simple observation: «Les Polonais sont détestés par leur commerce 131 » ou par des

observations plus particulières, d’un rapport: «ils étaient meilleurs voisins que les

Polonais132» ou du témoignage d’un aspirant: «Les polonais se révèlent peu sociables,

mœurs laissant à désirer, honnêteté douteuse (cas personnel)133». On peut cependant

observerquecestémoignagessemblentplutôtêtredesavispersonnels,etquelaremarque

plus générale mentionne que ce serait leurs actions dans le camp qui causeraient cette

hostilité envers les Polonais mais aucune allusion ultérieure n’est faite et il est donc

impossiblededéfinirlacausedecetteantagonismeenverslesPolonais.

La relation avec certains des prisonniers de guerre étrangers est donc assez faible

pour lesaspirants, cequipeuts’expliquerpar le faitque lesaspirantsont rapidementété

ostracisésàleurarrivéeaucamp,empêchanttoutdéveloppementderelationsavecd’autres

prisonniers de guerre, même français. Par la suite, les aspirants gagnent un peu plus de

liberté et de contacts avec les alentours et ainsi, la situation est différente avec les

prisonniersdeguerrequiarriventplustard.

B–Lesprisonniersrusses,uncasextrêmeetparticulier

LecasdesprisonniersrussesestuncasplutôtspécifiquependantlaSecondeguerre

mondialepuisqu’ilsnesontpassoumisauxmêmestraitementsquelesautresprisonniers.Si

lesAllemandsontobligationderespecterdesrèglesmisesenplacevis-à-visdesconditions

deviedesprisonniersqu’ilsfontcaptifs,cen’estpaslecasaveclesRusses,puisquelepays

n’a pas signé la convention de Genève. Les Allemands profitent alors de cette situation,

notammentcarilsvouentunprofondméprisàcettepopulationetlesconditionsdeviedes

Russes lors de la captivité sont presque inhumaines134. Les prisonniers de guerre français

observentcela,généralement impuissantcar interditsdetoutcontactaveccesprisonniers

etcelaestenpartielecaspourlesaspirants.

131Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,19/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN132CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN133DOIZELETPaul,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN134DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,,p.428

Page 56: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

55

Aprèslaguerre,lesaspirantsontfaitpart,danscertainsdeleurstémoignages,dece

qu’ils ont observé lors de l’arrivée de ces prisonniers, ce qui semble correspondre aux

témoignagesgénérauxrecueillis:«En1942,sontarrivéslesRussesenénormequantité[…]

etdansunétatphysique lamentable135.»,«Jeunespour laplupart (entre18et25ans), ils

étaient squelettiques, vêtus très misérablement de capotes usées, déchirées 136 ». S’ils

arrivent dans un état lamentable, la situation ne s’améliore pas par la suite, puisque les

Allemands ne se préoccupent pas des problèmes d’hygiène qu’ils peuvent avoir et les

gardentainsidansunétat sanitaireeffroyable,quicausedenombreusesmorts137etainsi,

selonunrapport,surles7à8000prisonniersdeguerrerussesdanscetétat,ilyaentre10

et 20mortspar jour138. La raisonprincipalepour cesdécèsmassifs est le développement

d’uneépidémiedetyphuschezlesrusses,commeonadéjàpul’observer,dûégalementà

cet état sanitaire. Ils ont tout demême un hôpital pour les soigner ou pour les vacciner,

commecelaputêtrelecasdansd’autrescamps139maiscen’esttoutdemêmepassuffisant,

notamment car les Allemands ne cherchent pas à le développer ou à y installer des

instrumentsnécessairesauxmédecinsetauxsoins140.Ainsi,dûàcesnombreusesépidémies

et aux dangers sanitaires qu’elles comportent, desmesures sont prises pour protéger les

aspirantscontrecephénomèneetéviterlacontagion141,cequiestégalementunmoyende

renforcerl’interdictionposéeauxprisonniersdetoutcontactaveclesRusses142.

Cependant,lesaspirants,commedenombreuxautresprisonniersdeguerre,tentent

d’aider les prisonniers russes et de leur fournir ce qu’ils ont besoin et notamment de la

nourriture.Siaudébut,ilyaunjusteuneaidesimpledesaspirants,oùilsdonnentunpeu

de leur nourriture aux russes, ce qui peut parfois s’avérer dangereux143 , un système

d’échangesemblesemettreenplaceparlasuite.Selondeuxtémoignages,unécritpendant

lacaptivitéetunautrepostérieur, lesaspirantsauraientmisenplaceunsystèmeprenant

135JANINPierre,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN136DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.111137GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN138GABORIAUD Aspirant, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN139DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.430140DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.111-117141GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN142DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.132143ROUXMichel,Grandeuretservitudesmilitaires:1939etlasuite,1996,p.42

Page 57: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

56

avantage du travail exercé par les russes et des ressources que possèdent les aspirants:

«[Les Russes] qui demeurent au camp travaillent toute la journée dans les environs et

rentrentlesoir.Chacund’euxrapporteunpetitfagot,d’origineinconnue,etnouslepropose

en échange de pain. Chaque popote a même le plus souvent son fournisseur attitré144».

Parmi les objets rapportés par les Russes, il y a parfois des jouets confectionnés ou des

vêtementsmaisaussiducharbonoudubois,voléspendantleurscorvées145.

Ainsi,lesaspirantsontréussiàdévelopperunerelationcontinueaveclesRusses,malgré

l’interdiction posée par les Allemands et les difficultés que cela peut représenter, de la

mêmemanièrequelefirentcertainsautresprisonniersencaptivité146.

C–Lesprisonniersitaliens:entrehostilitéetanimosité

Lesprisonniersitalienssontlesderniersprisonniersàarriver,puisqu’ilssontinternés

encampenseptembre1943,aprèslacapitulationdeMussolinietladéfectiondel’Italie147.

Cecasdes italiensestplutôtparticulierpour lesaspirantspuisqu’ilpeut se fractionneren

plusieurspériodes.

Toutd’abord,ilyalanouvelledecettesituationquiprovoqueunevivejoiechezles

prisonniers,puisqu’ilss’imaginentquecelaannonceledébutdelafinpourlesAllemands,et

ainsiunelibérationprochaine148.

Ensuite,ilyal’arrivéedesitaliensle11septembre1943,environ2000149etcelasepasseen

deux étapes. Les aspirants avaient d’abord prévu d’être hostiles envers ces prisonniers,

commeunemanière demontrer que«personnen’a oublié le “coupde poignard“ de juin

1940.Vivedonclespectacledesnouveauxvenus150»maislasituationtournevitelorsqu’ils

sont là.Eneffet, selon les témoignagesàcepropos, l’étatdans lequel les Italiensarrivent

rappellent aux aspirants et aux autres prisonniers leur propre arrivée au camp IA près de

troisansplustôtetainsi:«ilslesconsidèrentcommedesfrèresd’infortune.[…]Cenesont

plusmaintenantquedesP.G.commelesautres151»

144DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.138145DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.115146DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.430147DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.428148DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140149DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140150MANSUY Jacques, «Les Italiens aux aussi »,Le campdesAspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.117151CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 58: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

57

Si l’arrivée de ces prisonniers n’est vue que comme une arrivée comme une autre, elle

provoquetoutdemêmedegrandschangementsauseinducamp,puisquecelacauseune

transformation du cantonnementmis en place. En effet, il est nécessaire de libérer de la

placepourlesitaliensetcelle-ciestcherchéechezlesaspirants.Ilscèdentquatrebaraques

sur les 13 qu’ils ont à disposition152et un double barbelé aurait été installé entre ces

baraques153,pourveillerànouveauàconserverunedistanceentrelesaspirantsettousles

autresprisonniers.

Par la suite, les Italiensauraientétéenvoyésau travail, comme les russes,àpartpourun

grouped’officiersitaliens154,quidemeurentàStablack,puisqu’ilssont,commelesfrançais,

exemptsdetravail.Iln’yadoncpasvraimentderelationdéveloppéeentrelesaspirantset

lesitaliens,simplementunrespectmutuel,dûàlaconditiondanslaquelleilsetrouve.

Ainsi,lesaspirantsontsucréerdesrelations,enmajoritébonnes,aveclesétrangers

encaptivitéauIA,maisilsrestenttoutdemêmedansuncampàpart,plutôtisolésdureste

desprisonniers.

Les aspirants sontdesprisonniersdeguerreparticuliers vivantune captivitéplutôt

spécifique,maiscelanes’observepasdansleurviequotidienne.Ilsn’ontpasdetraitement

de faveur ou de privilèges pour tout ce qui est en rapport avec l’existence ordinaire et

commune des prisonniers, bien qu’ils soient en partie des officiers, donc d’un grade

privilégié.Toutcommelesprisonniersdeguerredesautrescamps, ilsdoiventconnaître la

faimetlemanquedenourriture,lesdifficultésdelogementetdelibertésdanslesbaraques,

les maladies et la vermine qui se répandent, mais aussi la solidarité entre groupes de

prisonniers, le développement de la vie en communauté et lamise en place de relations

extérieures.

Ilexistecependantcertainsélémentsplutôtexceptionnelsdansleurcaptivité,quine

semblent pas entièrement dépendre de leur statut. Si le cas de l’expansion de la vie

religieusehorsdescampspeutavoirunrapportavecleurstatutd’aspirant,c’estsurtoutla

localisation de leur camp qui a été un aspect majeur des différences dans leur vie

152CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN153DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140154CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 59: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

58

quotidienne.Leursconditionsdeviesedégradentplusvite,lesmaladiessepropagentplus

rapidement, la communication et le ravitaillement depuis la France peuvent être plus

compliquésetlesretoursparlestrainspeuvents’avérerpluslongs.

Ainsi,demanièregénérale,l’emplacementdustalagIAenPrusseOrientaleaétéun

élémentimportantdanslaviequotidiennedesaspirants,maisdansunsensplutôtnégatif,

commeonpourra lerevoirpar lasuite,avec lesretoursdesaspirants,par lesévasionsou

pendantlalibération.Paropposition,c’estlestatutd’aspirantdecesprisonniersquipermet

d’apporterlesélémentsplutôtpositifsetattractifsdeleurcaptivité,avecledéveloppement

denombreusesactivitésassezdiversifiées.

Page 60: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

59

TITREIII:L’expérienceDideletetlaRévolutionNationaleUnepratiquespécifiqueauxaspirants

Lamise en place du régimedeVichy et la nomination dumaréchal Pétain comme

chef de l’état amènent un changement radical en France, avec le développement d’une

nouvelle idéologie, celle de la Révolution Nationale, essentielle et nécessaire pour le

Maréchal.EllereposesurlestroispiliersdurégimedeVichy,soitleTravail, laFamilleetla

Patrieetelleconsisteà«un“retour“auxvraiestraditionsfrançaises,auxvertusdelaraceet

auxrichessesdelaTerreenFrance1».L’objectifestdereconstruirelasociétéetl’état,pour

ainsipermettrelarenaissancedelaFrance.

Si la Révolution Nationale était un objectif à atteindre avec les français présents sur le

territoire, elle était également un objectif pour les prisonniers de guerre dans les camps

d’Allemagne, où ils «étaient l’objet de sollicitations directes de la part de Vichy qui veut

obtenir leur adhésion déclarée à sa politique 2 ». Les prisonniers devaient être les

représentants fidèles de l’idéologie de Vichy et de la Révolution Nationale et cette idée

coïncideavecl’arrivéedugénéralDideletàl’Aspilag.Lecaractèreparticulierdesaspirantsa

étéchoisi,pourlaprobabilitédepouvoirenfaireuncampmodèle,parlequellaRévolution

Nationales’épanouiraitetpermettraitainsideservird’exemplepourlerestedesprisonniers

deguerre,souslenomdel’expérienceDidelet.

Ainsi, il sera intéressantdedécouvrir comment cetteexpérience s’estmiseenplaceà

l’intérieurdustalagIAetchezlesaspirants,etsielleaeffectivementeulerésultatquiétait

escompté,permettantainsideréellementfairedel’Aspilaguncampmodèle.

I–L’expérienceDidelet:unevéritabletransformationducamp

Après des débuts plutôt difficiles pour les aspirants au STALAG IA, leur captivité

prend un véritable tournant à partir de juillet 1941, avec l’arrivée du Général Didelet,

menantàunchangementradicaldansl’internementdecesprisonniers.

1DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.652DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.334

Page 61: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

60

A–Despremierschangementssignificatifs

Commecelaadéjàpuêtreobservé,ledébutdelacaptivitédesaspirantsenPrusse

Orientale a été plutôt difficile, notamment à cause de l’action du colonel Hartmann en

chargeducamp,etlacaptivitéadoncétéassezéprouvantedepuisl’arrivéeenmars1941.

Cependant, cette situation s’améliore considérablement à partir de la venue du général

Didelet.Celaa,semble-t-il,puêtreréalisé,grâceàunedemandefaiteparlesAspirantseux-

mêmes, puisque selon un rapport, un message de protestation a été envoyé par les

aspirants,pourfairesavoirleursituation,cequiapuainsiconduireàl’arrivéeduGénéral.3

Aucunelettrefaisantétatdecemessagen’apuêtretrouvéedanslesdiversestémoignages

desautresaspirants.Ilestdoncpossiblequel’arrivéeduGénéralaitsimplementétédueà

unevolontéantérieuredel’ambassadeurScapini,d’apporterunnouveaucommandementà

l’Aspilag.

Ainsi, le Général Didelet arrive au camp pour en prendre le commandement et il est

accompagnédeplusieursautresmilitairespourl’aiderdanssatâche,telqueleLieutenant-

colonel Laureux et le Capitaine Aiby, qui sont ici avec unemission d’enseignement4. Cela

s’observenotammentavecunedespremièresactionsréaliséesparleGénéralDidelet,c’est-

à-direqu’ilnégocieaveclecolonelHartmann,pourquel’universitédécollevéritablement,ce

quin’avaitpasétélecasjusque-là.Lesconditionsdifficilesquesubissaientlesaspirantsles

empêchaientdepouvoir vraiment travailler à l’universitéet lesmoyensmisàdispositions

étaient presque nuls5. Cela change donc avec le nouveau commandement et selon le

lieutenant Birot: «Les Allemands font un effort sérieux pour les travaux de premier

équipementdelabaraqueuniversitaire.6».D’autresaméliorationssontégalementréalisées,

notamment grâce à une bonne entente qu’il y aurait eu entre le colonel Hartmann et le

généralDidelet,commeleditcedernier:

«Ons’estemployé,àtous leséchelons,àmefaciliter l’exécutiondematâche.Cettebonnevolontés’est

déjà traduite par des résultats concrets: Exemples: élargissement du cantonnement des aspirants et

affectationdes nouveaux locauxpermettant dedesserrer l’habitat et d’installer de nouvelles salles de cours.

3 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN4BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieu,Inconnu,F/9/2912,DSPG,AN5GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN6BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 62: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

61

Remplacementducommandantallemanddescompagniesd’aspirantparuncommandantfrançaisissudusein

mêmedesaspirants7»

L’arrivée du général apporte généralement un sentiment plutôt positif chez les Aspirants,

commelemontrentplusieursrapportsettémoignages.Legénérallui-mêmeconsidèreavoir

bienétéaccueilli,etexprimeune«confiancemutuelle»8avec lesaspirants.Le rapportdu

LieutenantBirot décrit l’arrivéedu général commeune«périoded’euphorie»9et certains

témoignages d’après-guerre mentionnent un enthousiasme de la part des aspirants10à

l’arrivéedugradé.Unseulpointnégatifpeutalorsêtrevéritablementrelevéautoutdébut

de la phase d’action de Didelet: le cas des évasions. En effet, dès leur arrivée, etmême

avant cela, une partie des aspirants ont comme objectif de trouver des moyens de

s’échapperdecetinternementenPrusseOrientale,pourrentrerplusrapidementchezeux.

Cela avait, comme on l’a vu, donné lieu à de sévères représailles de la part du colonel

Hartmannetc’estainsique,dèssonarrivée,Dideletdemandeauxprisonniersd’arrêterles

évasions. Il les blâme et exige donc que les aspirants arrêtent toutes tentatives pour au

moinssixsemaines,ordrequecesderniersontfinalementtendanceàsuivre,ayantl’espoir

qu’encontrepartie,unelibérationsoitproche11.Cetteinterdictiondurejusqu’àdécembrede

lamêmeannée,etarrivéàcettepériode,legénéralDideletdéclareque:«siàcemoment-

là,iln’yaninouvelles,nimissionSCAPINI,illaisserafaire12».

Outre ce problème soulevépar les aspirants, l’actiondeDidelet a un véritable impact

pour le camp, et selon un de ses rapports, ce système est toujours actif et fonctionne

parfaitement près d’un an plus tard, les différents problèmes se présentant à son arrivée

ayant été réglés13. Cela permet donc au général de s’occuper de la véritable tâche pour

laquelleilestvenuaustalagIA:leMouvementPétain.

7DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeur SCAPINI, 24/07/41, Stablack, F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN8DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeur SCAPINI, 24/07/41, Stablack, F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN9BIROT(Lt),,HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN10DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN11BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN12GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN13DIDELET Général, Rapport adressé à monsieur l’Ambassadeur SCAPINI, 31/12/1942, Stablack, F/9/2709,DélégationdeBerlin,AN

Page 63: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

62

B–LamiseenplaceduMouvementPétain

LeMouvementPétainestunmouvementdepropagandemisenplaceau seindes

camps de prisonniers de guerre ayant pour but de répandre l’idéologie de la Révolution

Nationale et dumaréchal Pétain, par le biais de conférences et de groupes d’études. Le

véritable enjeu du généralDidelet est l’installation et l’expansion de cette politique, pour

permettre de faire de l’Aspilag un camp modèle. Les aspirants ont été choisis car ils

représententuncasexceptionnel,explicitementdécritparlegénéralDidelet:

«Vous étiez à la fois lemilieu le plus homogène et le plus divers de tous lesmilieux deprisonniers.

“Homogène“parceque tousAspirants, tousdumêmegrade cequin’existedansaucunautre camp“Divers“

parcequevousreprésenteztouteslesactivitésdupays,touteslesformations,touteslestendances.Déjà,parce

doublecaractère,vousavezattirél’attentionetsuscitél’intérêt,maiscen’estpastout.Vousêtestousjeuneset

tousappartenantàdesélites.Vousêtesdoncdestinésàparticiperàl’encadrementdelaFrancededemain.14»

Ilesttoutdemêmepossibledecontrercequ’affirmeiciDidelet,puisque,telqu’illeditlui-

mêmedansunrapportunmoisplustôt,lesaspirantsontentre20et40ansetl’âgemoyen

estde27ans,cequidésignemoinslesaspirantscommetoustrèsjeunes15.

Avec les aspirants donc, le but est de mettre en place ce que le général appelle une

«expérience»,nonpasdanslesensd’unrésultatpositifounégatif,maisplutôtdanslesens

d’un projet expérimental, qui sera par la suite étendu à d’autres camps de prisonniers16.

Selonunrapportde1941,cetteexpérienceconsisteenquatrepointsprincipauxàrespecter

pourlesaspirants:«1°ÊtrederrièreleMaréchal2°Admettresapolitique,mêmesiellenous

choque3°Êtreégoïstementfrançaisetperdretouteautrenotion4°Donnerl’impressionaux

Allemands que nous sommes collaborationnistes17». Le maréchal étant une figure aimée

parmilesprisonniersencaptivité18,lespremierspointssontplutôtbiensuivis.Pourlescas

desdeuxdernières,lesprisonniersavaienttendanceàlessuivre,puisqu’ilsavaiententêtela

récompensequiviendraitdecettepolitique,àsavoir la libération,quiétait l’objectifqu’on

leur présentait avec le développement de ce mouvement. Une grande majorité des

Aspirants y ont été fidèles dès le lancement, comme on peut l’observer selon plusieurs

14DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.6515DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN16DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.65-6617GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN18DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.338-342

Page 64: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

63

rapportset l’aspirant Silbert apporteégalementplusieurs raisonspourexpliquerpourquoi

autant d’aspirants ont été si impliqués dans le mouvement de la Révolution Nationale19.

Selon lui, il y avait tout d’abord l’idée d’une «influence de la hiérarchie militaire», qui

entrainaitlesaspirantsàsuivrelegénéralDidelet.Lemouvementétaitégalementvuplutôt

comme«unmouvementciviqueetnonpolitique»,cequipermettaitd’effacerl’idéed’une

collaboration avec les Allemands. Enfin, il considère que «réagir ou manifester

ostensiblementde l’indifférencedevant lapropagandepétainiste,c’était,ne l’oublionspas,

mécontenterlesseulesautoritésdontdépendaitlesortduprisonniercellesdeVichyetcelles

deBerlin.».Celamontreainsilefaitquelesprisonniersdeguerrevouenttoujoursungrand

respect aux autorités qui sont en charge d’eux, que cela soit la tête de l’État ou les

responsablesmilitaires.

Il y eut tout de même certains réfractaires à cette politique: elles pouvaient venir

d’aspirants arrivés plus tard, comme celui qui qualifie les aspirants ayant adhérés au

mouvement«de troupeau de moutons bêlants»20ou encore certains qui décidèrent de

s’évader,choisissantégalementdenepasobéiràDidelet.Silesréfractairessontplutôtpeu

nombreux dans les rapports de l’époque, on en trouve considérablement plus dans les

témoignages d’après-guerre par d’anciens aspirants, ce qui peut s’expliquer par les

révélations,survenuesaprès laguerre,de lavéritésurPétainetsapolitique,changeant la

visiondesaspirants.Ainsi,unaspirant considèreque lamajoritédesaspirants sont restés

réfractaires21,unautreprésente legénéralDideletcommeayantétéunebonnepoire22et

d’autres, tels que les aspirants Devigne, Boulanger, Grisvard ou Labeda donnent un avis

plutôt négatif sur l’expérience Didelet et considèrent même cela comme de la

collaboration23,cequipeutêtrecontreditparlefaitqueLabedaétaitmembreducomitédu

MouvementPétainetaidaitpourl’organisationdesconférencesetautres24.

19SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants (I)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),pp.31-3420SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3421DURIEZRené,Mesprisons,S.D.,p.1522SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7323Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale,72AJ/296,AN24LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 65: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

64

LeMouvementPétainadoncpourbutd’appuyerlapolitiquedelaRévolutionNationale

etdeformerunbloc,«unecohortemasséederrièreleMaréchalPétain25»,etnotamment

parledéveloppementdegroupesd’étudesetderéflexionssurlesujet,pourdévelopperau

maximumleprojet.

II–LeMouvementPétainetlaRévolutionNationale:uneréflexionpourlesaspirants

Pourun camp telque l’Aspilag, avecungrandnombred’intellectuels,qui,deplus,

continuent à s’instruire à l’aide d’une université bien développée, la mise en place d’un

Mouvement Pétain donne lieu à une activité abondante en participants et enrichie de

nombreuxéléments.

A–Unmouvementquisedéveloppeintensément

La Révolution Nationale, symbole du pétainisme, a été développée à la fois en

France,danslerégimedeVichy,maisaussichezlesprisonniersdeguerre.Lamiseenplace

de“CerclesPétain“,quisecaractérisentpardes«cerclesd’étudesquiseproposentd’étudier

etdefaireconnaîtreladoctrineduMaréchaltelqu’elleestcontenuedanslesmessagesainsi

que dans les réformes déjà réalisées en France: secondairement d’étudier les expériences

étrangères 26 » a pour objectif de: «mettre en place un encadrement complet de la

communauté PG et de placer toute la vie de celle-ci sous le signe du Maréchal27». Ces

groupesdepropagandesemettentenplacedanstous lescampsdeprisonniers,ainsique

danscertainsdeskommandosenvironnantetsedéveloppentplusoumoins.Certainscamps

ontunetendanceplutôtréfractairefaceaumaréchalPétainetà lapropagandequi luiest

faiteetainsi,lemouvementn’ydurepaslongtemps.Dansd’autrescas,ilestpossiblequela

figure du Maréchal soit fondamentale, ce qui permet donc à la propagande de se

développer,etcelaparlebiaisdumouvement.L’Aspilagestreprésentatifdudeuxièmecas

de figure, puisque l’activité du Mouvement Pétain et de ses cercles d’études a été très

importantependantlesannées1941-1942.

Toutd’abord,grâceàunebrochuresur lesdossiersde laRévolutionNationale, ilnousest

donnéladéfinitionduMouvementPétainselonlesaspirants:

25DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.6526DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33427DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.338

Page 66: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

65

«LaréuniondetouslesAspirantsdebonnevolonté,quivoudrontsepréparer,ens’yaidantlesunsles

autresetenprenantconscienceànouveaudeleurétat,deleurvocation,etdeleursdevoirsdeFrançaisàêtre

desserviteursdelaRévolutionNationaleetàparticiperàlareconstructiondelaFranceselonlesdirectivesdu

Maréchaletdesescollaborateurs28»

Ladéfinitioncontinuesurl’idéequelesaspirantssontungroupeparticulieretqu’ilfautfaire

actedefoienverslemaréchalPétain,cequiserapprochegrandementdudiscoursprononcé

parlegénéralDideletprèsd’unmoisaprèssonarrivée,cequipeutpenseràprouverquele

mouvementacorrectementétémisenplaceetqu’il sembleservirexactement lesprojets

qu’avait legénéral.Onpeutégalementobserver,grâceauplanconservépar lesaspirants,

quel’unedesbaraquesducampestréservéecommepermanencedumouvementPétain,ce

qui montre déjà l’importance du mouvement, qui peut ainsi s’assurer de remplir les

fonctions dont il a la charge29. Le développement important de cemouvement iramême

jusqu’àlaremisedelaFrancisqueaugénéralDidelet,poursonactionauseinduMouvement

Pétain,endécembre1942.Lacérémonieestdécritecomme«sansapparat,maisnonsans

grandeur30».Celamarquedoncunesortedeconcrétisationdel’actiondumouvement,avec

laremisedelaplusimportantemédaillevis-à-visdumaréchalPétainetdesonrégime.

Le développement considérable de ce mouvement est également dû à de nombreuses

initiatives,quisemettentenplaceensonsein,commelementionnel’aspirantSilbertdans

sonétuded’après-guerresurlecamp:

«Lecampd’aspirantssetrouvarapidementplongédanslaRévolutionNationale.Legénéralconstituaun

MouvementPétaindontl’activitéfutintense;conférencesetgroupesd’étudessedonnèrentpourbutd’étudier,

decommenter lesprincipesnouveaux.Pour lesexpliquer,on imaginamêmedefairedanschaquebaraque,à

une heure correspondant à la fin du repas du soir, des exposés de propagande baptisés “quart d’heure

Pétain“31»

Ces quarts d’heure mentionnés par Silbert sont effectivement mis en place, comme le

montrelespublicationsdeLaFrancisque,etilssontorganisésparlecomitéduMouvement

Pétainquiadoncétécrééetquipermetdegérerlesactivitésdumouvement.Pourlecasdu

début de décembre 1941, les quarts d’heure sont plutôt réservés au cas de la Charte du

Travail32, ce qui représente un des piliers de la Révolution Nationale (Travail, Famille,

28X–AmicaledeStablack,«DéfinitionduMouvementPétain»,SD,Stablack,72AJ/2633,AS,AN29X–AmicaledeStablack,«Planducampdesaspirantsprisonniers»,SD,72AJ/2632,AS,AN30SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN31SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3032LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN

Page 67: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

66

Patrie)33mais il existe également des quarts d’heure libres, qui permettre d’aborder un

autresujet,pluslibrement.Outrecela,ontrouvedenombreuxautresgroupesd’études,tels

que des groupements jeunes, aussi appelés “groupe Chantiers“, qui s’intéressent ici aux

mouvements de jeunesse dans la France du Maréchal 34 . Ces groupes d’études sont

constitués de professeurs appartenant à l’Université, et se développent par le biais de

réunions d’équipes ou de cercles d’études. De nombreuses conférences sont également

organisées,d’uneplusgrandeampleurquelesquartsd’heurePétain,telque«L’Étatetles

forcesspirituelles»35,«Provincesetmunicipalités»36,etmêmeunCongrès,quis’esttenule

26et27janvier194237.Enfin,selonunrapportde1942,ilsecréeégalementdes“Semaines

d’études“,«constituéspardessériesdeconférencessuiviesdediscussionsetaccompagnées

de devoirs et d’interrogations» et «destinées plus particulièrement à sélectionner et à

formerdesénergiesetdesvolontés»38. Lemouvementestdoncplutôt importantchez les

aspirants, ce qui peut probablement s’expliquer par le fait que l’Aspilag a également une

universitébiendéveloppée,quipeut facilement se lierà cescerclesd’études,notamment

car les aspirants prisonniers de guerre ont l’habitude d’assister à de nombreuses

conférencesouàdescourssurdessujetsparticuliers.

B–UneimportanteparticipationpourlesAspirants

CeMouvement Pétain peut donc être considéré comme une réussite, notamment

poursondéveloppementmassifauseinducamp.Sesactivitéssesontmultipliés,lesquarts

d’heure Pétain et les conférences sont assez nombreuses, comme cela a déjà pu être vu

auparavant et un élémentmajeure est essentiel à cela, la contribution des aspirants à ce

mouvement. En effet, l’une des raisons principales de la grande réussite dumouvement,

contrairementpeut-êtreàcertainsautrescamps,est le faitquepresquetous lesaspirants

(hormiscertainesexceptions)serallientaumouvementetdécidentd’yprendrepart.Selon

les multiples rapports qui traitent du sujet, il est toujours mentionné qu’une masse

importanted’aspirantsestliéeaumouvementetytravailleactivement,bienqu’onretrouve

tousdemême,àl’intérieurdecettemasse,plusieurscatégories.Ainsi,selonunrapportde33DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.6334X–Hommedeconfiance,«Groupementjeune»,S.D.,Stablack,Hommesdeconfiance,F/9/3437,AN35LaSemaineaucamp,Semainedu30novembreau7décembre1941,72AJ/2633,AS,AN36LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN37LaFrancisque,N°4,Samedi31janvier1942,F/9/2893,DSPG,AN38X,«SituationdesaspirantsaustalagIAau7avril1942»,1942,72AJ/2623,AS,AN

Page 68: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

67

1942, les différente réactions des aspirants au mouvement comprennent: «Quelques

sincères et actifs se mettent dans les comités. D’autres, plus nombreux, qui voient la

libérationaubout,neveulentpaslaisseréchapperunechancequasiinespéréeetdeviennent

membresactifs.Quelques-uns,peunombreux,ontconservélamentalité“assietteaubeurre“

etdeviennentégalementmembresactifs39».Ilestégalementpossibled’observer,grâceaux

témoignagesdesanciensprisonniersdeguerreduSTALAGIA,quelesaspirantsonteuune

partmajeuredanslemouvementPétain,aucontrairedessimpleshommesdetroupeduIA.

En effet, si les différents témoignages d’après-guerre des aspirants tendent àmentionner

une participation au mouvement au début de sa création, ceux des autres prisonniers

tendent plutôt à montrer une hostilité complète vis-à-vis du mouvement et de ce qu’il

représente,bienqu’il soitnécessairedetenircomptede lasituationderédaction,c’est-à-

direaprèslesrévélationssurlerégimedeVichy.Ainsi,certainsmentionnentcelacommede

lacollaboration,entendudansunsenstrèspéjoratif40etunévoquemêmelefaitque:«Le

IAétaitlecamp-pilotedelacollaboration41».

Si,parmi lesaspirants, tousnesontpascomplètement investisauregarddumessageque

transmet le Mouvement Pétain et de ce que représente la Révolution Nationale, ils

participent tout demême activement aumouvement, comme on a déjà pu le voir, et la

propagande est plutôt considérable au camp de ces prisonniers. Elle est cependant bien

acceptée par les aspirants, comme peut le témoigner les différentes réponses de

questionnaires d’anciens prisonniers: un aspirant désigne cette forme de collaboration

comme«uneprisedepositionintellectuelle»42,unautreprécisequecettepropagandeétait

«objective et intelligemment conçue» 43 et un autre qualifie la participation à cette

propagande comme celle d’une «passivité à demi complice»44. Comme on a déjà pu

l’observer, l’une des raisons principales pour laquelle les aspirants étaient si enclins à

participeràcemouvement,c’estqu’ilneprésentaitpasunaspectpolitique,cequienfaisait

39GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN40Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale,72AJ/296,AN41COULAUDHenri,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN42JANINPierre,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN43LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN44SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.30

Page 69: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

68

moinsunmouvementde collaboration,et cela s’alliait au faitque,poureux, ils restaient,

toutdumoinsaudébut,unmouvement totalementdétachéd’unequelconqueactiondes

Allemands.SelonSilbert,cefutd’ailleursl’unedesconditionsdecertainspourlerejoindre:

«Autre témoignage: une personnalité très éminente de la vie du camp déclare avoir fait

partieduMouvementPétainàlademandedesescamaradesetmoyennantdeuxpromesses,

celle que le mouvement serait purement civique, c'est-à-dire apolitique et celle que les

Allemandsnes’enmêleraientpas.45».SilemouvementdoitresteréloignédesAllemands,il

reste très proche des représentants français, et notamment de l’ambassadeur Scapini,

représentantofficieldePétaindanslescampsdeprisonniers.Ilestimpossibledesavoirsiles

visites étaient dues à un favoritisme vis-à-vis des aspirants prisonniers de guerre, à une

demandeparticulièredeDidelet,àunevolontédesurveillerlecamp-modèleouàunsimple

hasard.OnsaitseulementqueGeorgesScapiniestvenuàplusieursreprisesvisiterlecamp

deStablacketplusparticulièrementlesaspirants.Ilestvenuunepremièrefoisle29juillet

1941,soitquelquessemainesaprèsl’arrivéedeDidelet,puisestrevenusixmoisplustard,le

19 et 20 décembre, pour remettre au général le grade de commandeur de la légion

d’honneur 46 . Pendant cette visite, il a d’ailleurs été présenté aux responsables du

MouvementPétain.

Cetépisodeprouvedonc l’importancequepeutavoir leMouvementPétainetcelaest

encoreplusamplifiéeparlamiseenplaced’unévènement,pouvantêtreconsidérécomme

leplusremarquablepourlesaspirants.

III–L’expositiondelaRévolutionNationale:unefiertépourlesaspirants

SilesaspirantssontplutôtinvestisdansledéveloppementdumouvementPétainet

delaRévolutionNationale,leurimplicationdevientencoreplusconséquenteaveclamiseen

placedel’expositiondelaRévolutionNationale.

A–Lespréparatifsdel’exposition

LeMouvementPétains’estmisenplaceàpartirdejuin1941,etdèscemoment,les

aspirants se sont investis, le constituant de différentes conférences, cercles d’études et

autres travauxde recherches,pourexprimer l’idéologieduMaréchal, importantepour les

45SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3246LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN

Page 70: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

69

prisonniers de guerre. Le mouvement se développe amplement, et à partir du mois de

décembre 1941, le comité duMouvement Pétain décide d’organiser une exposition de la

RévolutionNationale47.Lesobjectifsdecetteexpositionseraient:«1°Laprésentationsous

la forme de large synthèses vivantes de la doctrine et des réalisations de la Révolution

Nationale2°Larecherchedesmoyensparlesquelspeutêtrecréé,dansunecommunauté,un

climatdelaRévolutionNationale,soitparlapublicité,soitparlacréationartistique,lesplus

modestes,commelesplusélevés.48».Lavolontédemontrerdifférentstypesdetalents,pour

présenterlaRévolutionNationale,peutêtrevuecommeunrappelaudiscoursdeDidelet,à

sonarrivéeaucamp,quimettaitenavantlaparticularitédesaspirants,àlafoispopulation

homogène,parleurgrade,ethétérogène,parleursdifférentesqualifications.Onpeutainsi

avancerl’idéequecetteexpositionseraitlemoyenparfaitpourdémontrerqueDideletetles

autresresponsablesdufonctionnementduSTALAGIA,avaientraisondans leurmotivation

de faire de l’Aspilag un camp modèle, puisque la réussite de cette exposition serait un

exempleparfaitetuneconcrétisationdecequiadéjàpuêtreétabli.

Par la suite, les différentes publications de journaux des aspirants permettent d’observer

quel’expositionseprépare,avecdepremièresidéespoursacomposition,ainsiqueladate

desoninauguration.Unepremièrepublicationlaprévoitpourle15février1942,avecainsi

uneobligationd’avoirréglélesderniersdétailsle31décembre194149.Parlasuite,selonun

rapport,soninaugurationaétédéplacéeau10mai194250etfinalement,ellefutinaugurée

le5juin.Audébutdesapréparation,lecontenudel’expositionnesecomposequedetrois

classes:artisanale («créationduclimatRévolutionNationale,soitpar leurdécoration,soit

parleurcaractèreinventif,soitparleurdestination»),publicité(«touteslesréalisationsqui

peuvent servir la propagande et l’information de la Révolution Nationale») et artistique

(«servirl’espritdelaFrancenouvelleetapporterlacontributiondesAspirantsaurenouveau

de l’Art qui doit accompagner une Révolution») et dès le début de l’année 1942, une

quatrième s’est rajoutée, probablement demandée par plusieurs aspirants qui n’auraient

paspufairepartiedel’expositionsanscettecatégorie,laclassetechnique(«présenterleurs

projets, leurs réalisations communes orientées dans le sens de la Révolution Nationale»).

47LaSemaineaucamp,Semainedu7au13décembre1941,72AJ/2633,AS,AN48LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN49LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN50MASSARD Capitaine, Rapport du Stalag IA, 23/05/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal desprisonniersdeguerre(CCPPG),AN

Page 71: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

70

Desdéléguésdebaraquesontcréés,pourpermettrederecevoirlesrequêtesdesdifférents

aspirants qui voudraient participer à l’exposition, et une permanence était toujours

effectuée au comité du Mouvement Pétain, pour ceux qui en aurait besoin 51 . Cette

permanenceestmêmeassuréependantlapériodedeNoël,pourtantpériodedevacanceset

de suspension de l’activité pour le comité. De plus, Il est possible, pour les aspirants, de

commandertout lematérielquipeutêtrenécessairepour leurscréations52.Cesdifférents

matériauxarriventàpartirdumoisdemars,grâceàdescolisvenusde laFrance,puisen

mai, ce sont les matériaux lourds qui arrivent au camp. L’aménagement commence

rapidement et celamalgré les complications quepeuvent apporter la vie en captivité des

prisonniersdeguerre.Jusqu’àladatedel’inauguration,lesaspirantstravaillentsansrelâche,

pourêtresûrsquetoutsoitprêtàtemps,bienqu’ilsrencontrentquelquescontretemps,tels

quedesmanquesdematériaux.Tout fut cependantprêtaumomentde l’inaugurationde

l’exposition, ce qui permet demontrer la grande détermination dont font les preuves les

aspirantsvis-à-visdecetteexposition53.

Onpeutainsiobserver,grâceàcespublications,laportéequeprendl’expositionde

la Révolution Nationale pour l’Aspilag et son activité, qui en devient presque sa seule

préoccupationetsaplus importante,avecundéveloppementimportantdesmoyensmisà

disposition et du temps accordé. Enfin, selon un rapport, à partir du mois de mai,

l’exposition a occupé «300 à 400 aspirants» 54 , ce qui permet de voir également

l’implication conséquente des aspirants dans la préparation de cette exposition, prouvant

doncqu’elleétaitprobablementl’évènementleplusnotabledetouteleurcaptivité.

B–L’expositiondelaRévolutionNationale

Aprèsdesmoisdepréparations,l’expositiondelaRévolutionNationaleestinaugurée,à

la baraque 13, le vendredi 5 juin 1942, par le Général Didelet et en présence du colonel

Hartmann, commandant du camp. Selon un article de journal, la journée, ainsi que

l’exposition,sontconsacréesaumaréchalPétain:

51LaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN52LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN53Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN54SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN

Page 72: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

71

«Dans le vestibule, un immense portrait du Maréchal, encadrée par une garde d’honneur portant son

fanion,accueillaitlesvisiteurset,commesymboledubutdecetteexposition,dansunsilencereligieuxetpourla

profondeémotionsdetouslesassistants,undisquefaisaitentendrelavoixmêmeduchefd’état55»

L’expositionsecomposedenombreusesinventionsetcréations,symbolesdesvaleursdela

RévolutionNationale:

«Lesnombreuxstandsreproduisentdesréalisationsfrançaises.Cesontdesmaquettesgénéralement

trèsbienconstruites: le triangle routierdeRocquencourtet l’autoroutede l’Ouest,desponts suspendus,des

barrages dont celui de Susanding sur le Niger, une gare de triage, etc. Une machine à vapeur, faite en

aluminium culé, fonctionne avec de petits morceaux de bois au grand ébahissement de tous. Une auberge

bretonneavaitétéinstalléedanslelavoir56»

Sicettedescriptionestplutôtsuccincte,avecseulementdesdétailschoisisparl’auteursur

ce qui l’a vraiment marqué dans l’exposition, un article beaucoup plus détaillé dans le

journalLeTraitd’Unionnouspermetd’apprendretoutcequ’ilyaàsavoirsurlacomposition

decetteexposition57.Ainsi,l’idéededépartprévuepourl’expositionabienétésuivie,etelle

secomposedoncdequatresectionsdistinctes,àsavoirlasectionofficielle(quiremplacela

sectionpublicité),lesarts,l’artisanatetlatechnique.Auseindecessections,denombreux

domaines sont représentés sur les multiples stands: agriculture, économie, armée,

automobile, géopolitique, constructions mécaniques, jeunesse, enseignement, famille,

beaux-arts, textile,etc.L’auteurde l’article,unaspirant,estassezprolifiquesur lesdétails

qu’ilfournit,etilsembleplusenthousiasted’unstandàl’autre,évoquantmêmelefaitqu’il

n’en dit pas assez: «Nous regrettons de ne pouvoir donner qu’un aperçu incomplet des

richessescontenuesdanslesnombreuxstandsdel’ExpositiondelaRévolutionNationaledu

campdesaspirants58.».Cetteavispeutêtrebiaisépuisqu’ililestlui-mêmeunaspirantetil

peut donc simplement faire preuve de la solidarité toujours observé chez les aspirants et

chercherainsiàneprésenterquelepositif.Deuxautresarticlesontétéécritsàproposde

cetteexpositionmaisilestégalementdifficiled’évaluerceséloges,puisqu’ilestpossibleque

les deux rédacteurs aient été chargés de rédiger ainsi ces comptes rendus de l’exposition

sousunœiltoujourspositif.Ainsi, ilss’appuientsurcertainsdétailsqui lesontmarquéset

mentionnent que l’exposition montre «des prisonniers unis derrière le Maréchal»; elle

55PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,AS,AN56DEBOUZYRoger,Àmaréebasse:chroniquedutempsdesmiradors,ÉditionsR.Debresse,Paris,p.198-19957PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN58PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN

Page 73: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

72

permet, en plus, de développer des liens entre camarades, et un véritable intérêt59mais

également, par cette exposition, les aspirants semblent prouver que les prisonniers de

guerrefonttoujourspartiedelapatrie,queleurpeupleestdansleurcœur,etainsi,qu’elle

est comme une «Maison de France en Prusse Orientale60». Ces différents commentaires

permettentdesupposerquel’objectifprévusembleavoirétéaccomplietlemessagedela

RévolutionNationaleestdiffusé.

Outre les témoignages de personnes extérieures à l’exposition, on peut aussi trouver des

commentairesfaitspardesaspirantsayantparticipé,nouspermettantd’observerlagrande

fierté que leur a apportée la contribution à cet évènement. Ainsi, on a tout d’abord le

témoignagedeRenéDuriez,unaspirantinstituteuravantsacaptivité:

«Jetinslestanddel’Enseignementprimaireet,commebeaucoupd’officiersallemandsvinrentvisiter,j’eus

un jour le plaisir d’entendre l’un d’eux, instituteur lui-même, me confier: “Nous estimons beaucoup votre

EnseignementPrimaireetnousnouseninspironssouventpouraméliorerlenôtre.“Jen’enfuspaspeufier.61».

De son côté, plus vis-à-vis de ceque représente, enelle-même, l’exposition, l’aspirant

Silbertécrit:

«OnnoteralaconclusiondeRogerDEBOUZY,oùl’ondiscerne,malgrésonhostilitéauxthèmespolitiques,

une certaine fierté d’appartenir à collectivité qui avait réalisé cetteœuvre: “En dépit du recours fréquent à

l’Étatfrançaisdanslesplacards,affichesetpanneaux–fautedequoi,d’ailleurs,elleeûtétéréalisable,ilémane

de cette exposition une volonté de travail et une preuve de vitalité assez réconfortante après deux ans de

captivité“62»

Ainsi,grâceàcesdifférentstémoignages,onpeutobserverunevéritablefiertévis-à-vis

de l’expositionde laRévolutionNationale,decequiaétéaccomplipar lesaspirantsetce

quecelapeutreprésenterpourleurmouvementPétain.Celaestencoreplusamplifiéparla

suite,grâceàl’essorqueprendl’exposition,mêmeaprèssaclôture.

C–Unsuccèsetungrandretentissementpourlesaspirants

L’exposition de la RévolutionNationale a été un travail de longsmois, nécessitant

beaucoupd’effortsdelapartdesaspirants,commelementionnel’articleduTraitd’Union:

«Il permettra cependant de deviner l’ampleur de l’effort de ceux qui la conçurent et la

réalisèrent, prouvant ainsi, par un vivant exemple que, malgré l’exil, les prisonniers sont

59PREUXVictor,«ÀTraverslesstands»,X,S.D.,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN60SINNRené,«Baraque13,MaisondeFrance»,X,S.D.,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN61DURIEZRené,Mesprisons,S.D.,p.1662SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.50

Page 74: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

73

richesencored’unepromessederésurrection63»,etilsenontétéamplementrécompensés,

etceux,dediversesmanières.

L’une des premières récompenses, que l’on a déjà pu observer, sont les différents éloges

rédigés dans de multiples articles de journaux, mettant en avant le grand talent des

aspirants et leur travail complet de la grande représentation de la Révolution Nationale,

symboliquepourlaFrance.

L’expositionmêmeestunexempledegranderéussite,etcelapardeuxaspectsparticuliers.

Tout d’abord, différents rapports nous apprennent que l’exposition a reçu de nombreux

visiteursetdedifférentstypes.Ainsi,selonuncompterendu:«Lechiffredesentréesade

beaucoup dépassé 10 000. Aux Aspirants et aux prisonniers du camp, se sont ajoutés de

nombreuxvisiteursAllemands,militaireset civils. L’universitédeKönigsberg,notammenta

fait, à cette occasion, une nouvelle visite officielle au camp des Aspirants64». De plus,

différentes fêtes organisées pendant la période d’ouverture de l’exposition, ont permis

d’autres milliers de visites. Ces chiffres peuvent être considérés comme encore plus

impressionnants, si l’on prend en compte le temps d’ouverture de l’exposition: elle fut

inauguréele5juinetseclôturale30juin,soitseulement25joursd’exposition,pourenviron

400visitesparjour,cequi,deplus,prendencompteunepopulationtrèsdiverse,commeon

adéjàpulevoir.Cegrandsuccès,pendantlapérioded’ouverturedel’exposition,amenéà

uneréouverturedecelle-cimaisàl’extérieurducamp.Eneffet,enseptembredelamême

année,lesresponsablesdel’expositiondécidentdelaré-ouvrir:«L’impressionproduitesur

les milieux allemands a été si considérable que l’exposition vient de se transporter pour

quinzejoursàKönigsbergmême,sousladirectiond’uncertainnombred’Aspirantsdétachés

àceteffet.65»Cetteréouvertureapporteàlafoisdesavantagesetdesinconvénientspour

lesaspirants.L’inconvénientprincipalest letransfertmatérieldel’expositiondeStablackà

Königsberg:«Ondevine lescomplicationsadministrativesquereprésente levaetvientdu

matérieletlesAspirantsentreKönigsbergetlecampsituéà40kmdedistance66»maisles

Allemandssemblentavoirtoutdemêmetentédefacilitercettetransition,pourpermettre

63PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN64Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN65Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN66BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 75: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

74

ainsiuneplusgrandeefficacité67.Bienqu’ellenesoitplusà l’intérieurducamp,elle reste

toujours l’exposition de la RévolutionNationale, symbole de Pétain et des prisonniers de

guerre.Lesaspirantsonttentédebienmettrecelaenavant,parlebiaisdesonaffiche68.Les

deuxélémentslesplusfrappantssurcetteaffichesontlescouleursdudrapeaudelaFrance

etlaFrancisque.Ainsi,lesaspirantstententdemontrerrespectivementquecetteexposition

est représentative de la France, que le pays est au cœur des créationsmises en avant et

qu’elleestégalementsymboliqueduMaréchalPétainetson idéologie, la francisqueétant

l’emblèmeduMaréchal,qu’ilutilisepourdesremisesdemédailles,commepourlegénéral

Didelet69ouquiestutilisécommereprésentationdumaréchal,notammentparlesaspirants,

commeavecleurjournalLaFrancisque70.

Toutcommelorsdesapremièreouverture,cette

expositionaétéungrandsuccès: lesvisitessont

composéesdegroupestrèsvariés,principalement

carouverteaupublic, cequin’étaitpas le cas la

premièrefois.Ainsi,ontrouvedesprisonniersde

guerre d’autres camps et de kommandos,

notamment ceux du STALAG IB et les alentours,

ainsi que des Allemands habitant dans les

environs et notamment des écoliers, par le biais

de visites scolaires 71 . Cela permet d’ailleurs

d’observer que les propos tenus pendant la

conversationentre l’aspirantDuriezetunofficier

allemand pendant l’ouverture en juin se sont

confirmés;lesAllemandsemmènentleursenfantsvisiteruneexpositionquireprésenteles

valeursdelaFrance,maiségalementsestechniquesetdonc,qu’ilslesestimentconformesà

cequipeutêtreenseignésàleursenfants.

67SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN68X–Aspirantsdustalag IA,Affichede l’expositionde laRévolutionNationale,Septembre1942,Königsberg,72AJ/2633,AS,AN69SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN70LaFrancisque,F/9/2893,DSPG,AN71DirecteurdeCabinet,Noted’information,06/11/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,ANBIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,ANSecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN

Page 76: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

75

Bienqu’ayantunsuccèssimilaireàceluidejuin,cetteréouverturenedurequequinzejours

etelle fut ferméeenoctobre1942,maiscen’estpasunefinpour l’exposition,puisqu’elle

estdenouveaudemandée,cettefois-cienFranceetsousuneformedifférente.Eneffet,à

partirdejuillet1942etjusqu’aumoisdenovembre,denombreusesfamillesdeprisonniers

deguerre (probablementaspirants,bienque lescourriersne leprécisentpas)demandent

desphotosdecetteexposition,quisembleêtretrèsimportantepoureux.Lesecrétariatdes

aspirantsduIA,àParis,faitdoncreproduirelesdifférentesphotosquiontpuêtreprises,et

lesmonétisentpourainsilesvendreauxfamilles:«La2èmesérieestconsacréeàl’Exposition

Pétain:42photos:Prix105Francsfranco.72»;selon lesdifférentesnotesdudirecteurde

cabinetde lamissionScapini, cesphotos sontdisponiblesdans lesdifférentesmaisonsde

prisonniersdeFrance73,cequipermetdoncuneaccessibilitéplutôtaisée.

L’expositionadoncétéunévènementextraordinairepourlesaspirants,ellemontre

leurattachementàlaFrance,àsesvaleursmaisaussileurplaceentantquereprésentants

delaRévolutionNationaleetduMouvementPétain,commecelaavaitpuêtre lecaspour

d’autrescamps,où«desfêtesdesvaleursfrançaises»avaientétéorganisés74oubienune

«semainePétain»,constituédemultiplesactivités75.Enmettantenavantlestroispiliersde

laRévolutionNationale,letravail,lafamilleetlapatrie76,lesaspirantsmontrentbienicileur

compréhension des méthodes et objectifs de la Révolution Nationale. Cela leur apporte

d’ailleursunecertainefierté,leurremontelemoraletleurapporteunedistraction77,preuve

ainsidel’apportbénéfiquedanstoussesaspectsdecetteexposition:

«Cette Exposition, par son succès, a redonnéune vigueur nouvelle, un sérieux soutienmoral, à toute la

communautédesAspirants, communautéqui avait beaucoup souffert dumanqued’activité pendant ce long

hiver41-42.Elleapermisàtousdefairelepoint,àchacundereprendreconsciencedesoi-même,àunmoment

oùpeut-être,lalassitudemoralepesaitlourdement.Cefutunenouvelleauroresurcecampperduaumilieudes

sablesdelaPrusseOrientale.78»

72VILNETJean,SansTitre,Août1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN73DESBONSJ.,SansTitre,11/01/1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN74DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33775DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33876DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.6577DURIEZRené,Mesprisons,SansDate.,p.1678Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 77: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

76

IV–LaRelève:unévènementdécisifdel’existenceduMouvementPétain

Enparallèleetenprolongementdel’expositiondelaRévolutionNationale,unautre

évènementmarque la captivité des aspirants, mais d’unemanière totalement différente,

voire même contraire, c’est-à-dire la Relève, un des aspects les plus importants de

l’internementàpartirdel’année1942.

A–Unespoirpourlesprisonniersdeguerre

LaRelèveestundispositifmisunepremièrefoisenplaceen1940,àl’initiativedela

France,puis,quiestréinstaurédurantl’année1942,parLaval,souspressiondesAllemands.

Ilconsisteàéchangerunprisonnierdeguerreparplusieurstravailleursfrançais,d’abordsur

volontariat,puisparlebiaisduSTO,pourainsipermettreauxAllemandsdeconserverleur

maind’œuvre,toutenacceptantleretourd’uncertainnombredeprisonniersdeguerre.Si

lechoixdestravailleursfrançaisenvoyésenAllemagneestfaitsurlasimpleconditionqu’ils

soient aptes au travail, le choix des prisonniers qui peuvent rentrer dépend d’un certain

nombredecritères79:

«Lescritèresretenusparellesétaientnaturellementconformesauxintérêtsallemands.Ilyeutuncertain

nombrededésignationsainsiopéréesauprofitd’hommesqui,danslescamps,avaientmanifestéleurespritde

“collaboration“àdes fins depropagande. Certains étaient renvoyés en Franceàdes fins depropagande […]

Aussi,bienqu’enprincipe lesrapatriésdussentêtrechoisisnotammentparmi lesagriculteurset lesplusâgés

desprisonniersdeguerreetlespèresdefamille,l’arbitraireparutsouventprévaloirauxdésignations80»

SileraisonnementpourlesretoursparlaRelèveestsuiviparlesautoritésquis’enoccupent,

lesaspirantsdevraientavoirunebonnechanced’êtresélectionnépourpouvoirrentrerchez

eux.Ilsnesontpasunesourcedemaind’œuvrepourlesAllemands,puisqueleurgradeleur

permetderefuserd’allerautravail,etunemajoritédesaspirantsexercentcedroitdepuis

leur arrivée en captivité au stalag IA. De plus, ils sont très impliqués dans leMouvement

Pétain, ce qui est une des conséquences principales de l’organisation de cette Relève. En

effet, un des ressorts dans l’adhésion au Mouvement Pétain pour les aspirants est la

possibilité d’être libéré plus facilement par cela, ce qui est en plus appuyé par le général

Dideletetlesautresautoritésquis’occupentdesaspirants:«c’estlapossibilitéqu’onlaissa

entrevoird’unelibérationrapide,silesAspirantsdonnaientlapreuvequ’ilsétaientdignesde

79DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.326-32880DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.328

Page 78: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

77

laconfianceduchefdel’État81».Silbertexprimebienicil’idéequ’ilalui-mêmecru,entant

qu’aspirant, queparticiper activement aumouvementPétain et à l’expériencemenéepar

Dideletseraitunmoyend’être libérérapidement.Cette idéeavait souventuneffetplutôt

positif sur lemoraldesaspirants,quiétaientdoncmoins lassésouennuyéspar la longue

captivitéqu’ilssubissaient.

Cetespoirnefutd’ailleurspasenvainpuisquelecampduIAeutungrandnombredeses

aspirantsquifurentlibéréspendantlacaptivité.Toutd’abord,onsaitquelepremiertrainde

laRelèveaétépourdesprisonniersdeguerredescampsIAet IBenaoût1942,ramenant

environ 1 000 prisonniers de guerre dont 14 aspirants82. Par la suite, d’autres convois

transportèrentdesaspirantsetautresprisonniersdeguerre:«Le3èmeconvoiderelèvedu

StalagIA,ramenantunequarantained’aspirants,aquittéStablackle1erfévrieretestarrivé

àCompiègnele5à11h83».Enfin,selonunrapportdatantdudébutdel’année1944,untiers

desaspirantsaétélibérédepuis3ans,etbienquetoutesceslibérationsnesontpasduesà

la Relève (mise en congé de captivité, réformé, etc.), on peut tout de même avancer

l’hypothèse qu’elle a dû contribuer à une certaine part de ces libérations. Certaines des

libérationsd’aspirantssontd’ailleursplutôtmalvuesparleshommesdetroupe:«Ledépart

desvieillesclassesestretardéaumoisdeseptembreàcausedesmoissons; ilyapourtant

dessanitairesetdesjeunespistonnésquipartent.Voilàlajustice!84»ouencore:«Larelève

estfaiteendépitdubonsens.Lescélibatairespartentetdespèresde3enfantsetdeplusde

40 ans restent85» Il est ainsi possible d’avancer l’idée que les jeunes pistonnés ou les

célibataires qualifient les aspirants, et que, si la Relève représentait un espoir pour les

prisonniersdeguerre,ellesemblefavoriserpluslesaspirantsqueleshommesdetroupes.

B–Unerapidedésillusion

Si la Relève était probablement un moyen de libération pour un certain nombre

d’aspirantspendant la captivité, la situation tourna rapidement,poureux, àunevéritable

déceptionquiétaitàlafoisdirigéeauconceptmêmedelaRelève,maisaussiaumouvement

PétainetaugénéralDidelet.81SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3382DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33083SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,Situationducampdesaspirantsau1erfévrier1943,Février1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN84CCPPG,STALAGIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN85CCPPG,STALAGIA,07/06/1942,F/9/2912,DSPG,AN

Page 79: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

78

LepremiertraindelaRelève,quiarriveenaoût1942,estl’occasionpourlesaspirantsd’une

véritabledéconvenue,quisetransformeviteenrancœur.Eneffet,alorsquedeslistesont

pourtantétéeffectuéesvis-à-visdeslibéréspourcetteRelève,l’OKWdemandeàDideletde

choisirplusieursaspirantspourêtre libérés,maiségalementpour«fairedelapropagande

ausujetdelaRelève86»etlechoixquiesteffectuéestconsidérécommen’étant«pastrès

judicieux87»etcomme«uncoupportéàcequecemouvementconservaitdeprestige88».

Huitaspirants,membresdumouvementPétain,sontchoisis,notammentcertainsayantété

àlatêteducomitédel’expositiondelaRévolutionNationale89,ainsique,danslecampdes

hommes, des membres du mouvement de la France Vivante, également mouvement en

faveurdumaréchalPétain90.Silesaspirantsespéraienteffectivementquelaparticipationau

mouvementPétainpermettraitleurlibération,ilsleuravaientétéditqueprendredesplaces

àlatêtedecelui-cin’apporteraitaucunavantagequelconquedanslalibération,etainsi,ils

sesentirenttrompésetdénoncentunvéritablefavoritisme,trèsmalvu.SelonSilbert,cela

est encore plus mal vu, car le départ de ces dirigeants: «coïncidait avec le départ à la

moisson que leMouvement Pétain avait justifié et défendu. On a pu voir ainsi un de ses

propagandistes, qui venait d’annoncer qu’il donnerait l’exemple, prendre le train pour la

France91».Ilyadoncunabusselonlesaspirantsetilslefontsavoirlorsdudépartdetrain

delaRelève:«Certainsontétésifflésparleurs“camarades“92»etmême,demanièreplus

hostile:«Pourmanifesterleurmécontentement,desprisonniersdeguerreducampavaient

construit un cercueil qui fut promené à l’intérieur du camp par des hommes porteurs de

francisquesqu’ilsavaiententourésd’unserpententrelacéetd’uneétoilefilante93».

Cette libération provoque de nombreuses rancœurs, ce qui n’empêche pas le général

DideletetlesautresorganisateursdelaRelèvedecontinuer,commeonpeutl’observersur

plusieursrapportsde1943.Enavril,unaspirantmentionnelesdifférentesmanièresdontun

prisonnierdeguerrepeutêtre libéré,etainsi,pour le casd’autresaspirants, ildit:«Ces

dernierssontdésignésparleGénéralDideletquilesprendparmiles“têtesdumondeAspi“

(secrétaires,animateursdecerclesdivers),susceptiblesderendredesservicesàlaRévolution86BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN87FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN88SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5689SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5890FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN91SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5892CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN93DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.456

Page 80: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

79

Nationale94».Demanièresimilaire,pourlecasdelapréparationd’unconvoienmai,ilest

dit: «Le choix des partants soulève “bien des rancœurs“ et un correspondant, chef de

Kommando,entirelaconclusionqueleFrançais“abienplussoifd’égalitéquedeliberté95».

Il y a une certaine amertumeet une rancœurdans lamanièredont les propos sont donc

avancés,etcelapermetainsidevoir lemécontentementdesaspirantsfaceàceprocessus

de laRelève,maiségalementdecomprendre l’impactquecettesituationapuavoirsur le

Mouvement Pétain, ainsi que le général Didelet, qui, par leurs actions, ont déçu des

aspirantsquicroyaienteneuxpourleurlibération.

Parlasuite,laRelèveperdprogressivementl’importancequ’onluiaccordaiten1942,et

il est ainsi mentionné, pour l’année 1943, qu’elle est passée au second plan96et qu’elle

n’inspireplusqueduscepticisme97,etpourl’année1944,ellen’apparaîtmêmeplusdansles

rapports sur le camp et est à peine évoquée dans le stalag98. La Relève s’essouffle donc

doucement, et cela coïncide également avec l’essoufflement duMouvement Pétain et de

l’impactdelaRévolutionNationaleauseinducamp.

V–LafinduMouvementPétainetdelaRévolutionNationale

LeMouvementPétainaeuungrandimpactsurlecamp,notammentparlamiseen

placedenombreuxévènementsimportants,telquel’expositionoulaRelève.Cependant,il

subit aussi les affres de la captivité, qui mettent progressivement fin à l’existence du

mouvementetenconséquence,àl’expérienceDidelet.

A–Denombreusesraisonsàl’originedel’essoufflementdumouvement

Malgré la réussitede l’expositionde laRévolutionNationale, leMouvementPétain

connaît une diminution de son activité dès le début de l’année 1942. L’une des raisons

principales est le fait que l’expérience de Didelet n’a aucun résultat, selon les aspirants

prisonniers de guerre99 ; des améliorations ont pu effectivement être réalisées, mais

l’interdiction d’évasion n’a rien donné de concret en matière de libération pour les

prisonniers, et ces derniers commencent à être lassés, ce qui a une répercussion sur le94CCPPG,Rapportquotidiendu22avril1943,22/04/1943,F/9/2912,DSPG,AN95CCPPG,Rapportquotidiendu13mai1943,13/05/1943,F/9/2912,DSPG,AN96CCPPG,Rapportquotidiendu20août1943,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN97CCPPG,Rapportquotidiendu15septembre1943,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN98CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu27juillet1944,27/07/1944,F/9/2912,DSPG,AN99CCPPG,StalagIA,13/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 81: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

80

mouvement. En effet, selon un rapport d’août: « le temps, qui émousse tout, a fini par

décourager beaucoup de bonnes volontés100» et s’y rajoute en plus le problèmequi s’est

poséaveclepremierconvoidelaRelèveetlechoixdeorganisateursduMouvementPétain,

cequi,selonlemêmerapport,créeunesuspicionà l’intérieurmêmedumouvement.Cela

peutdoncêtreuneraisonmajeureàunecessationd’activitépourlesaspirants.SilaRelève

aeffectivementétéunproblèmeconséquentpour l’aspirant, commecelaapuégalement

êtrelecaspouruncertainnombred’autrescamps,touchésaussiparl’injusticedeschoixde

libérés101, l’élémentessentielquiamisfinàlaparticipationdesaspirantsàcemouvement

estlarévélationdesonvéritableaspectpolitique,c'est-à-direunepolitiquedecollaboration,

contre laquelle lesaspirants se sont rapidementopposés. Selon l’aspirant Silbert,une fois

quelesaspirantsontétéinformésplusprécisémentdesévènementsquisedéroulaienten

France, et notamment le remplacement au pouvoir de Darlan par Laval, soit unmilitaire

remplacépar«unpoliticienpeurespecté, réputépoursapolitiquedecollaboration,etqui

avait été d’ailleurs arrêté en décembre 1940 pour cela même, apparut comme une

catastrophe.»et ainsi, selon, lui: «Il devenaitdifficilededistinguer lemouvementPétain

d’unmouvement Laval.102». Cependant, si un rapport mentionne cette hostilité qui est

ressentiepar lesaspirantsfaceà lacollaboration(«Plusieurscorrespondantsmontrentdes

opinions hostiles à la collaboration103»), les aspirants restent fidèles, pendant toute la

captivité,à la figuremêmedePétain,qu’ilconsidèrecommeleplus importantenFrance:

«entoutcas,l’unanimitéestfaitesurlenomduMaréchal;lagrandemajorité,pournepas

dire tous lesPGsontprêtsà suivresapolitique, sanschercheràdiscuter lepourquoiou le

commentdeschoses104»,«QuelquesaspirantsexprimentleurattachementàPétain105»ou

encore,«Nousn’avonsqu’unseulchef:leMaréchal106».

Si la figure du Maréchal reste toujours aussi majeure pour les aspirants, c’est son

représentant officiel au camp, le général Didelet qui subit les répercussions de cette

nouvellevisiondumouvementPétainparlesaspirants.Eneffet,deplusenplusd’aspirants

perdentlaconfiancequ’ilsontpourlegénéral,notammentparl’échecdel’expérience,qui100FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN101DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.331102SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.57103CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN104SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN105CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN106CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu27juillet1944,27/07/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 82: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

81

leur avait pourtant été présentée, par le général lui-même, comme ne pouvant échouer.

L’intensité qu’ilmit à la collaboration lui est également défavorable, particulièrement par

certains propos qu’ils avaient pu tenir, ce qui eut un impact sur les aspirants: «(ils)

doutèrent quelque peu des aptitudes politiques de leur chef.107». Par la suite, il disparut

graduellementdelaviemêmeducamp:

«Legénérallui-mêmeperditprogressivementtoutsondynamisme.Tousceuxquil’ontconnudeprèsont

été extrêmement frappés du changement qui s’opéra dans son comportement. Il avait eu sans doute la

déceptiondevoirquelesprisonniersnesuivaientpastoussesconseils.Maiscefutévidemmentl’évolutiondela

guerre qui le toucha le plus. (…) Il se désintéressa pratiquement de la vie du camp à partir de 1943,

n’intervenant que dans des cas très rares auprès des Allemands, laissant en fait la direction des affaires à

l’hommedeconfiancedesAspirantsetàceluidessoldats.108»

Ce comportement de la part de Didelet a probablement été la raison principale à

l’essoufflement et la disparition du Mouvement Pétain, puisque l’abandon total d’un

mouvement par son créateur et son plus important soutien, rajouté à la libération des

membres en charge de son fonctionnement, a probablement été le dernier élément

manquantpourmettre finà tout l’engouementqu’ilyavaitàcemouvement,qui finitpar

disparaître.

B–Unedisparitionpresquetotaledumouvement

Ainsi,diversesraisonsontmenéàlafindel’existencedumouvementPétain,etcela

s’observe,notammentparlebiaisdesdifférentsrapports,produitsentrelesannées1942et

1944,parplusieursprisonniersdeguerre.Eneffet, il estpossibled’observerun très large

contrasteentrelecontenudesrapportssur lavieducampentrelesannées1942,1943et

1944.Danschacundesrapportssurl’année1942,leMouvementPétainestundeséléments

lesplusfournis,enmatièred’informations,surlecasdesaspirants,quecelamentionneles

cercles d’études, la Relève, l’exposition de la Révolution Nationale, ou même le général

DIDELET.Pour l’année1943,celachangequelquepeu,puisque lemouvementPétainn’est

effectivement que très peu mentionné, ce qui concorde avec ce qui a déjà pu être

mentionné,c'est-à-direl’abandond’intérêtpourcedernier,àpartirdecemomentlà.Enfin,

pour l’année1944, il est seulementmentionnépour évoquer le fait qu’il n’est plus qu’un

mouvementfaible,quiexistecertesmaisquin’aplusvraimentniimpact,nieffet,d’aborden

107SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.56108SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.58

Page 83: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

82

mars: «Le Cercle Pétain est demoins enmoins actifs109», puis en juin: «LeMouvement

Pétainn’aplusl’activitédudébut110»,enaoût:«Trèspeuoupasdepropagande;ilexiste

unMouvementPétain111»etenfinennovembre1944:«Ilestpratiquementmortdepuisla

libération des animateurs, la presque totalité des aspirants a lâché voyant le vrai but du

mouvement112 ». Cette disparition du mouvement peut également s’observer dans les

publications du camp, puisque dans les éditions de La Francisque, journal officiel des

aspirants,onretrouvaitgénéralementunepageentièredédiéeauMouvementPétainetà

son action. Cependant, en regardant les éditions de Présent, également journal des

aspirants, mais qui fut combiné à celui du Mouvement Pétain, donc qui devrait être

consacré,unminimum,àl’actiondumouvement,rienn’estévoqué,aucuneactivité,aucune

conférence,alorsquel’onsait,parunrapportd’avril1944,quelecerclePétainesttoujours

actif113.Ledésintérêtetl’absenced’informationssurledéroulementduMouvementPétain

montrent donc que la Révolution Nationale n’a plus aucun effet sur les aspirants et la

dynamiqueducamp.S’ilestvraiquedesconférencessonttoujoursorganisées,ainsiquedes

rencontresdecerclesd’études,celaestprobablementdûplusaucaractèreacadémiquede

cesprisonniersdeguerre,quiyvoientlàunautrecoursqu’ilspeuventsuivre,plutôtqu’un

attachementmêmeausujetqu’ils traitent,explorentet recherchent,commec’était lecas

en1941etaudébutde1942.

L’expérienceDidelet a étéun succèspendant ladeuxièmemoitiéde l’année1941,

avec une participation active des aspirants auMouvement Pétain et un véritable intérêt

pour les dossiers de la Révolution Nationale et les idées qui y étaient développées. Les

aspirantsétaientdédiésaumouvementetàsonexpansionetcelacontinuamêmeaudébut

de l’année 1942, avec l’organisation de nouveaux cercles d’études et autres moyens de

réflexions. Le Mouvement Pétain connut même un véritable point culminant avec

l’exposition de la Révolution Nationale, qui permettait, pour la première fois, d’atteindre

109CCPPG,StalagIA,Mars1944,F/9/2912,DSPG,AN110Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN111Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN112Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN113Serviced’accueiletd’informationauprèsdesprisonniers rapatriés,Compte rendude renseignement,Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 84: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

83

cette idée de camp modèle que visait le général Didelet, représentative des idées du

mouvementgrâceauxnombreuxtalentsexposéessurlesstands.

Cependant, cet engouement retombe plutôt rapidement après la fin de l’exposition et,

commeonapulevoir,l’intérêtpourleMouvementPétaindisparaîtaufuretàmesurede

l’avancéedelacaptivitéetdudécouragementdesaspirants,dûàuneabsencederésultats

concrets et positifs pour leur implication au sein dumouvement. Ainsi, en 1943-1944, le

mouvement est presquemort et toute idée de l’Aspilag comme campmodèle a disparu,

faisantducampdesaspirantsunsimplestalagdeprisonniersdeguerre,commelesautres

camps,quiontégalementarrêtédeparticiperauxcerclesPétain.

SI l’échecde l’expérienceDidelet a été vu commeunedéceptionpour les aspirants,mais

qu’ilsontviteoubliépours’occuperàd’autresactivitésde leurcaptivité,cerésultataété

plusdifficileà supporterpour legénéral.Commecelaadéjàétémentionnépar l’aspirant

Silbert,ilaperdutoutintérêtàs’occuperdesaspirantsparlasuite,pensantprobablement

que cela n’avait plus aucun intérêt et a délaissé ses fonctions. Il finit par demander son

transfertpouruncampdegénérauxàlafindel’année1943,oùilfuttrèsmalaccueilli,se

faisantinjurieretmalmener.Ilfitplusieurstentativesdesuicides,persuadéqu’ilseraitfusillé

s’ilrentraitenFrance,et,enmai1945,aprèsavoirétéadmisàl’hôpital,ilmeurtensejetant

d’unefenêtre114.

114SCHWEITZERJoseph(Aspirant),LesuicidedugénéralDIDELET,15/12/1984,72AJ/2633,AS,AN

Page 85: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

84

Page 86: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

85

TITREIV:LavieintellectuelledesaspirantsL’universitéetsabibliothèque

Lacaptivitéestuneépreuvesouventdifficilepourlesprisonniersdeguerreetilest

nécessairededévelopperdiversesactivités,afindes’occuperlecorpsetl’esprit,pournepas

se démoraliser et tomber dans le désespoir de la captivité. L’undesmeilleursmoyens de

resteralerteestdestimuler l’esprit,cequipeutseréalisergrâceaudéveloppementd’une

activitéintellectuelle.

Cette activité intellectuelle se retrouve dans tous les lieux où les prisonniers de guerre

peuventêtreinternés(stalags,oflags,kommandos)maiselleyévoluedediversesmanières1.

L’élémentqu’ilestpossiblederetrouveràpeuprèspartoutestunebibliothèque,avecou

sans prêts des livres, et même les kommandos peuvent en avoir une à disposition,

généralementparlebiaisdebibliothèquesroulantes,dontunepartiedeslivresestextraite

delabibliothèqueducampouestdueàdesenvois.Àcôtédecela,sansavoirbesoind’un

grande quantité de matériel, il est possible d’assister à des conférences, improvisées ou

préparées dans des lieux où l’activité n’est que légèrement développée, comme pour les

kommandos.Paropposition,dansdesoflagsnotamment,uneuniversitéestsouventcréée,

composée de multiples cours, professeurs et étudiants et occupe la majeure partie du

temps.Cesontlesoflagsquidéveloppentlepluscesuniversités,carilssontceuxquienont

leplusletemps,etc’estcequis’observeégalementaveclecasdesaspirants,quil’organise

pours’occuper.

Cependant, les aspirants sont supposément un cas particulier vis-à-vis de cette activité

intellectuelle, puisqu’elle est au cœurmêmede la création de leur Aspilag: «changer de

formuleetposerl’équationaspirant=étudiant.[…]“Qu’est-cequ’unaspirant,sinonunjeune

hommequelaguerreaarrachéàsesétudespourenfaireunecandidatofficier“2»etelleest

la raisonpour le regroupementde touscesaspirants,auseindumêmecamp.Ainsi, ilest

doncpertinentdesavoircommentlavieuniversitaire,objectifprincipaldelamiseenplace

de l’Aspilag, s’est développée à l’intérieur du camp et si elle a été un élémentmajeur et

caractéristiquedel’expériencedecaptivitédesaspirants.

1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.2892MAZET Robert, «Les souvenirs du Capitaine-Recteur », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.79-80

Page 87: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

86

I–L’universitédesaspirants:unemiseenœuvrecompliquée

Si le camp des aspirants a eu comme raison officielle d’être créé pour devenir un

campuniversitaire,celaprenduncertaintempsetamènedenombreusescomplications.

A–Unlongdémarragedel’activité

Selon des documents officiels, et notamment des échanges de l’ambassadeur

SCAPINIaveccertainesautoritésallemandes3ouaveclegénéralHUNTZIGER4,laréuniondes

aspirantsdansuncampavecseulementdessoldatsdumêmegradeétaitdueaufaitqu’ils

étaientpourlaplupartdesétudiants,etqu’ilsdevaientdoncavoirlapossibilitédecontinuer

leursétudesencaptivité.Cependant,commeonadéjàpulevoir,ledébutdelacaptivitédes

aspirants s’apparentait plus à une idée de camp de représailles et ainsi, cela a retardé la

possibilitédedévelopperl’université.

Avant l’arrivée des aspirants, le stalag IA n’était pas un camp avec une activité

intellectuelle trèsdéveloppée: aucuneuniversitén’existait et la seule traceque l’onpeut

remarquerest le casd’unesallede lectureavec trèspeude livresàdisposition5etquine

s’enrichittoujourspasparlasuite6.Ainsi,lesaspirantspartentderienlorsqu’ilsarriventau

stalagetcréenttoutedesuiteleuruniversité.Cependant,cetteactivitéestmiseendifficulté

par les sanctions de représailles quemet en place le colonel Hartmann, commandant du

camp.Eneffet,silesjournauxfrançaisdécrivent,semble-t-il,l’universitédeStablackcomme

une université modèle dès le début7, la réalité en est très éloignée. En réponse à de

nombreusesévasions,lecolonelHartmannimposedessanctionsauxaspirants,setraduisant

généralementparlasuppressiondel’activitéuniversitaire.Ainsi,selonl’aspirantGaboriaud:

«Onpeut résumer le travail universitaire, de l’armisticeà Juin1941, c’est-à-dire11mois:

strictement impossible8.». Le campuniversitairen’estdoncqu’un campde représaillesau

débutdelacaptivitédesaspirants.

3MinistèreAllemanddesAffairesÉtrangères,MémorandumenvoyéàSCAPINI,24mai1941,Berlin,F/9/2272,MissionScapini,AN4HUNTZIGER Charles, Lettre envoyée àMonsieur l’Ambassadeur SCAPINI, 22 janvier 1941, Vichy, F/9/2272,MissionScapini,AN5ConsulatAméricain,StalagIA,27/08/1940,Königsberg,F/9/2880,DSPG,AN6ConsulatAméricain,StalagIA,30/09/1940,Königsberg,F/9/2880,DSPG,AN7GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN8 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN

Page 88: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

87

La situation change avec l’arrivée du Général Didelet, commandant en charge des

aspirants, qui tente rapidement d’améliorer les conditions de vie de ces prisonniers. Il

s’intéressenotammentaudéveloppementdeleurvied’étudiants:«Aumoisdejuillet1941,

ungénéral (legénéralDIDELET) futenvoyécommedirecteurducampdesAspirants.Notre

camp fut alors plutôt considéré comme un camp d’étudiants9», «À son arrivée, M. Le

Général DIDELET put, grâce à son influence, obtenir de substantielles améliorations

matérielles10». À partir de cette période, l’université se développe rapidement, avec une

participationdesAllemandspouraideràsonbonfonctionnement,ainsiqu’uneassiduitéau

cours,maiscelaestdenouveauinterrompuparlecolonelHartmann.Àlasuitedenouvelles

évasions,ilsanctionnelesaspirantsenleursupprimantànouveaul’université11etlorsquele

campestdansun«régimefavorable12»,c’est-à-direqu’iln’estplusvéritablementconsidéré

comme un camp de représailles, elle se retrouve tout demême paralysée par le régime

qu’impose l’Oberst, avec notamment de nombreux appels dans la journée, qui

interrompent, à de multiples reprises, les cours des aspirants13. Cela nous permet donc

d’observerque, si le campaétédésignécommeuncampuniversitairedès ledébutde la

captivité au IA des aspirants, la réalité des faits n’est pas lamême. Il a fallu une longue

périoded’adaptationentrelesautoritésallemandes,françaisesetcesprisonniersdeguerre,

pourque leuractivitépuisseréellementsedévelopperetpermettreainsiauxaspirantsde

véritablementcontinuer leursétudes.Unrapportd’unprisonnier rapatriépermetdenous

apprendre que c’est au début de l’année 1942 que l’activité universitaire démarre

complètement et à partir de cette période, elle continue de s’amplifier et de s’enrichir,

jusqu’à«changercomplètementdecaractère»etdevenir«uncampuniversitaire»etnon

plussimplementuncampdesaspirants14.L’universitédesaspirantsestdoncvéritablement

lancée mais il existe encore de nombreux problèmes pour qu’elle puisse fonctionner

correctement.

9DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN10SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN11GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN12GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN13BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN14BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 89: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

88

B–Unbesoinderecruteruneéquipeprofessorale

Unefoisquel’universitéestlancée,lanouvelleétapeàréaliserestlerassemblement

de professeurs pour permettre l’enseignement des cours et des conférences et cela peut

s’avérer compliqué puisque cette université cherche à être amplement diversifiée, pour

permettre à tous les étudiants de travailler leurs cursus, que cela soit des domaines

généraux(droit,lettre,sciences)ouplusspécifiques(beaux-arts,technique).Celademande

doncdechercherdesprofesseursappropriéspourlesaspirants,maisquisoientégalement

disponibles et acceptables pour les autorités allemandes, qui valident les choix et les

transferts.

Toutd’abord, les responsablesde l’université, etnotamment le généralDidelet, se

tournent vers les officiers pour le recrutement, puisqu’ils sont considérés comme les plus

appropriés pour enseigner aux aspirants: «la tradition de l’armée française veut que les

officierseux-mêmessoient lesguidesimmédiatsdecesjeunescompagnonsd’armes15».Ce

choixs’expliqued’autantplusparlefaitquecesontdanslesOflagsquelesuniversitéssont

véritablementdéveloppées16:«LagammedestalentspédagogiquesréunisdanslesOflags

apermisd’organiserdescyclescompletsdepréparationàlalicence,voireàl’agrégation17.»

Ce développement notable est probablement dû au fait qu’ils ont plus le temps que les

hommes de troupe pour enrichir ces universités, et de plus, leurs professions avant la

captivité aident également pour cette activité, puisqu’on retrouve dans certains de ces

camps,desprofesseursassezéminents,telquedesprofesseursdelaSorbonne18.Ainsi,les

responsablesdel’universitérecrutentcesofficierspourleurscompétences,etfontdoncde

multiplesdemandespour les recevoiret ils semblentquecelase fasseaisément.Eneffet,

plusieurstémoignagesd’aspirantsmentionnentlesarrivéesdecesofficiersaudébutdeleur

captivité:«quelquesofficiers(universitairesdanslecivil)furentextraits19»,«professeursde

15SCAPINIGeorges,Lettreàl’AmbassadeurOttoABETZ,30avril1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN16X–SDPG,ListedescampsenAllemagnedanslesquelssontorganisésdesUniversités–CoursetConférences,SD,LieuInconnu,F/9/2310MissionScapini,AN17DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29018X–SDPG,ListedescampsenAllemagnedanslesquelssontorganisésdesUniversités–CoursetConférences,SD,LieuInconnu,F/9/2310MissionScapini,AN19ROUXMichel,Grandeur(?)etservitudesmilitaires:1939etlasuite(ou...«Uninnocentdanslatempête»:récitanecdotique),1996,p.38

Page 90: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

89

valeurs venus de différents oflags20», «des professeurs vinrent des oflags21». Cependant,

d’autresdocumentspermettentdevoirqu’ilyatoutdemêmeeucertainescomplications

danscerecrutement.En1942,unrapportmentionneque:«Lapénuriedesprofesseursest

assez grande, surtout en droit, où il n’y a pas un seul agrégé22». On observe également,

qu’en 1943, après le développement de l’université et pendant sa période de bon

fonctionnement, il reste tout de même des officiers professeurs manquants, notamment

certainsquiontétérecrutésmaisquin’étaientpourtanttoujourspasarrivés23.

Les officiers sont donc une ressource utile et intéressante pour les responsables de

l’université, qui n’hésitent pas à les recruter quand ils en ont besoin, mais l’université

demande un certain nombre de professeurs, dû à une activité intensifiée, et il n’est pas

possible de recruter trop d’officiers. Ainsi, ces responsables se tournent vers une autre

ressource à leur disposition, c'est-à-dire les aspirants eux-mêmes. En effet, si le concept

original est de regrouper ces aspirants car ils doivent continuer leurs études, en réalité,

seulementunquartétaitvéritablementencoredesétudiantsavantledéclenchementdela

guerre24.Néanmoins, les autres aspirants, âgésde20à40 ans, exerçaientuneprofession

avant la captivité, et une grande partie était constituée de professeurs, que cela soit des

instituteurs pour le niveau élémentaire ou des professeurs de lycées, d’universités ou de

grandes écoles25. Ces aspirants peuvent donc être recrutés, en même temps que les

officiers, commeprofesseurspour l’université, et selon certains témoignages, ils semblent

convenirpourleposte:«Enchaquematière,desprofesseurscompétentsagrégés,licenciés

ontpuêtretrouvés,auseindesaspirants26».

L’université regroupe donc à la fois des officiers et des aspirants,mettant ainsi en

avantunecertaineélitedesmembresuniversitaires,cequipeutpermettredecomprendre

pourquoicetteuniversitédestalagapuêtreplusmiseenlumièrequed’autres,notamment

20LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN22FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN23X–DélégationdeBerlin,StalagIA,27/03/1943,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN24SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(II)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,8eAnnée,No.29(Janvier1958),p.4925X–CampdesAspirants,«Cahiersdesprésentsaucamp»,1941-1945,STALAGIA,72AJ/2632,AS,AN26DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 91: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

90

dans des journaux27 , ce qui peut s’expliquer à nouveau par ce statut particulier des

aspirants,dontlecaractèreuniversitaireestdécisif.

C–Unmanquedemoyensàdispositionpourlesétudiantsaspirants

Enfin, si l’université amis un certain temps à se développer correctement, dû aux

problèmesderecrutementetdecompatibilitéaveclerégimedecaptivité,ilresteundernier

problèmeàréglerpourréellementobtenirunbonfonctionnement: l’espaceetlematériel

nécessairepourmeneràbiencetteuniversité.

En effet, comme cela a déjà pu être remarqué, l’université n’existait pas avant

l’arrivée des aspirants, seule une salle de lecture existait, et les aspirants doivent donc

trouver un moyen de faire cours aisément, ce qui demande un certain espace et un

minimum de matériel, puisque de nombreux professeurs sont présents pour assurer de

nombreux cours. Pour l’espace, le début de l’université offre une installation plutôt

rudimentaireetpeupratiquepour ledéroulementdes cours: «dansun local réservéaux

loisirs,etqui,àd’autresheures,abritaitacteursetmusiciens,quelquescouvertures tendus

délimitaient symboliquement des salles de classes sans sécurité acoustique28». C’est avec

l’arrivée du général Didelet que la situation s’améliore pour les prisonniers puisqu’une

baraqueestmiseàleurdispositionavecseptsallesaménagéespourlesdifférentscours29et

ils conservent cette baraque tout au long de la captivité30. Cependant,même s’il dispose

d’un espace, celui-ci reste quelques fois trop petit pour véritablement permettre à

l’universitédefairetoutcedontelleabesoin,commepourlecasdunombreimportantde

cours : «Le petit nombre de locaux dont nous disposons, ainsi que celui des professeurs

qualifiés, nenousapaspermis et nenouspermet toujourspasd’organiser deux sériesde

coursparallèles,l’unepourlaLicence,l’autrepourl’Agrégation31».Cettevolontédefaciliter

lacaptivitéenmenantuneactivitéintellectuelle,telqu’uneuniversité,estdoncfreinéepar

27 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,ANX – Délégation de Berlin, «Rapport pour Monsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN28X–STALAGIA,«L’universitédesAspirants»,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,29X–STALAGIA,«L’universitédesAspirants»,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,30X–CICR,StalagIA,05/05/1944,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN31MAZETRobert,LettreàM.leSecrétaired’Étatàl’ÉducationNationale,08/04/1942,F/9/2912,SDPG,AN

Page 92: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

91

lesconditionsmêmedecettecaptivité,quiempêchedevéritablementavoiraccèsàcedont

lesprisonniersdeguerreontbesoin.

L’espace est donc un des problèmes qui touche l’université, et à celui-ci se rajoute

également leproblèmedumatérielmisà ladispositiondesprofesseursetdesélèvespour

meneràbien leursétudes.Eneffet, audébutde la captivité,on retrouvedenombreuses

demandespourunenvoidematériel,diversetvarié,pourl’université.Lemanqueprincipal

qui s’observe est celui dematériel concret, tel que du papier, des crayons oumême un

tableaunoirpourpouvoirenseignerdemanièresommaire.Onobserveceladèsledébutde

l’université, en juin 1941, où les aspirants ne disposent pas de livres, de cahiers ou de

papiers,cequientrainent,poureux,uneimpossibilitédetravailler32.Selonunautrerapport,

lepapierneseraitarrivéqu’enaoûtpourlesaspirants,alorsquedesimagesontétéprises

d’eux,pourun filmdepropagande,avecdes sallesdeclassesgarniesde tout cedont ces

étudiantsontbesoin33.Celapermetdoncd’observerquelesautoritésallemandesdisposent

eneffetdecesélémentsdontlesprisonniersdeguerreontnécessitépourpermettrelebon

fonctionnementde leuruniversité,puisqu’ilsont lapossibilitéde l’utilisercommeobjetde

propagande, mais il n’est tout de même pas distribué. Cette situation paraît d’ailleurs

étrange aux yeux des aspirants et de leurs responsables, notamment au regard de la

perceptionquiestdonnéed’euxetdeleuruniversité,dumoinsenFrance.L’universitédes

aspirantssembleavoir servidemoyendepublicitéetdepropagandepour lacaptivité,en

France,etlesaspirantsconsidèrentdoncqu’ilsdevraientenêtrerécompenséenéchange:

«LaréclamefaiteenFranceàl’Aspirantlager,alaissésupposerauxprofesseursdel’UniversitédeStablack

queleurcampserait,delapartdesAutoritésuniversitairesfrançaises, l’objetd’unesollicitudeparticulière. Ils

ontcruassezlongtempsqueM.leSecrétaired’Étatàl’Éducationnationaleleuraccorderaituneattentiontoute

spécialeetqu’illeuradresseraitenréponseàleurscommunicationsetsuggestions…uneindication34»

La situation particulière des aspirants leur laisse donc penser, en quelque sorte, à un

traitementdefaveur,depart leurgradeparticulieret leurcampuniversitaire.En1942, les

responsables de l’université des aspirants font de nombreuses demandes de matériel

spécifique, notamment pour les artistes du camp et leurs cours d’université, alors que la

situation est pourtant assez particulière: «Je n’ignore pas que l’envoi de papiers n’a pas

32X–AmicaledeStablack,«Rapportsurlaviedesaspirants»,SD,LieuInconnu,72AJ/2623,AS,AN33GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN34X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN

Page 93: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

92

encoreétéautoriséparlesAutoritésallemandesmais,étantdonnélesconditionstout-à-fait

particulièresdu campd’Aspirants, j’estimequ’unedérogationpeut-être faite35».Quelques

semaines plus tard, ils reçoivent une réponse positive, en même temps que d’autres

camps36.Ainsi, s’ilsonteffectivementpu recevoircequ’ilsavaientdemandéetcedont ils

avaientbesoin,celan’apasétédûàuntraitementdefaveurpourcesaspirants,pourtant

caractérisés explicitement commedes étudiants, dansun camp créé comme tel,mais par

une simplemise à disposition de fond pour les prisonniers de guerre. Par la suite, il est

possible de continuer à observer cette absence de traitement de faveur, puisque les

aspirants continuent à manquer de matériel pour l’université. Ainsi, en 1943, plusieurs

rapportsmentionnentànouveaucesinsuffisances:«LeCapitaineMAZETfaitobserverque

lemanquedepapierordinaire,cahiersetcraiescomprometdefaçonsouventangoissantela

bonne marche de l’université37» ou encore «On demande des livres scientifiques et du

papierpourl’université38».Onpeutd’ailleursobserver,selonlesdifférentesréponses,que

l’aide ne vient pas des autorités françaises ou allemandes mais de comités d’aide aux

prisonniers de guerre, généralement par le biais de dons, et celamontre donc que c’est

grâce à la solidarité que les prisonniers de guerre ont pu développer leur activité

intellectuelle.

Ainsi,aprèscesmultiplescomplicationsrencontréesparlesaspirantspourmettreen

œuvreleuruniversité,lasituationsestabilise,pourmener,parlasuite,àundéveloppement

plutôt intense et un grand rendement, marquée par une participation plutôt importante

d’unegrandepartiedesaspirants.

II–Undéveloppementconséquentdel’université

L’université rencontre donc de nombreux problèmes à ses débuts, mais une fois

qu’elle est correctement lancée, elle mène à un rendement conséquent et à un

développementnotable.

35SCAPINIGeorges,LettreàMonsieurlePrésidentduCCAPG,21/21/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN36X–CCAPG,LettreàSonExcellenceM.GeorgesSCAPINI,04/02/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN37X–DélégationdeBerlin,StalagIA,27/03/1943,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN38X–CICR,StalagIA,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN

Page 94: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

93

A–Uneparticipationenthousiasteetvariée

À partir de la fin de l’année 1941, l’université de l’Aspilag connaît une certaine

prospérité et cela est particulièrement dû au nombre important de membres que l’on y

retrouve.Leconceptoriginalpourlacréationdecetteuniversitéestunevolontéderéunir

desaspirantsquisonttousdesétudiantsayantdûarrêterleursétudesàcausedelaguerre.

Silaréalitéestdifférente,puisquelesétudiantsnesontenfaitqu’unnombreminimedeces

aspirants,celan’empêchepasqu’unegrandepartiedecesprisonniersdécidederejoindre

l’université, même s’ils n’en ont pas expressément besoin: «s’il existe une certaine

proportionassez importanted’étudiantsdu type “ candidat sérieux–méritede réussir“, il

faut ajouter qu’il y a aussi beaucoup d’amateurs qui se cultivent avec une plus oumoins

grande régularité». Ce document permet d’ailleurs de nous donner des chiffres sur les

inscriptions pour l’université, dans le cas de l’activité avant septembre 1943: «Nombre

d’étudiantsinscrits:1120totalisant2043inscriptions39».S’ilyaeffectivementunnombre

conséquent d’inscriptions à cette université, cela ne semble pas être une université

complète pour ses responsables, qui considèrent qu’il est possible d’inscrire d’autres

étudiants. Ainsi, l’université est également ouverte pour des prisonniers de guerre qui

doiventprouverleurstatutd’étudiantsavantlaguerre,pourpouvoirobteniruntransfertà

Stablack. Selon un rapport de 1942, il semble y avoir 380 demandes de prisonniers de

guerre, réparties entre 25 camps de prisonniers et qui regroupent divers types de cursus

(droit,lettres,beaux-arts,etc.)40.Lechoixpourcesprisonniersétaitd’abordfaitenfonction

de la localisation, les prisonniers du stalag IB étant pris en priorité, et par la suite, les

autoritésallemandesdécidaientquipouvaitrejoindrelecamp41.Selonunrapportdatantde

l’annéed’après, lecampcompte200étudiantsnonaspirants42,cequidémontreainsique

plusdelamoitiédesprisonniersdemandantuntransfertontpul’obtenir,enrichissantainsi

encoreplus l’université.C’estparcetteactionque lecampdeStablackpeutofficiellement

obtenirsontitrede«campuniversitaire»43,qu’ilgarderajusqu’àlafindelacaptivité.

39SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN40Inspecteur Général de l’Instruction Publique DESFORGE, Récapitulatif des étudiants prisonniers de guerreproposéspourlecampdeStablack,28/02/1942,Paris,F/9/2310,SDPG,AN41BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN42SecrétariatdesAspirants,Situationducampàlami-avril1943,Avril1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN43SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.29

Page 95: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

94

Pourgardercettedénomination,cetteparticipationconsidérableestcomplétéeparune

listedeprofesseursplutôtfournie,avecunequantitéimportanted’officiersetd’aspirantsen

chargedesdifférentscoursprévuspourl’université.Lesrapportssontcependantdivergents

àproposdunombredeprofesseurspourl’université:unmentionnequ’ilyavaitenviron60

professeurs44,unautrementionneque«Pour136professeurs,ilyaentout155élèves45»,

cequine semblepasêtreenaccordavec lesautres rapportsdéjàexaminésàproposdes

élèves, ouencoreundernier rapport, beaucoupplusdescriptif,montrant155professeurs

pour les quatre différentes facultés de l’université46. Si les chiffres ne semblent pas se

coordonner,on sait toutdemêmequecesprofesseursétaientassezvariés,demanièreà

assurertouslescoursquepouvaitproposerl’universitéetdontavaitbesoinlesétudiants.Ils

étaientégalementassezqualifiés,puisquel’universitéregroupaitdesétudiantsduniveaude

baccalauréat jusqu’audoctorat, et principalement, desmembres d’écoles supérieures47. À

partirdelà, l’universitépeutdoncassurerunfonctionnementefficaceetcompletpourses

étudiants,ponctuédediverscoursetautresactivités.

B–Uneuniversitéfournieetcomplète

Unefoisquetouslesdifférentsélémentsnécessairesàunenormalisationdel’activité

de l’universitésontréunis, ilestpossibledecommencer l’activité,quidevientplus intense

aufuretàmesuredesmoisetcelaestprincipalementdûàlagrandediversitédecoursetde

conférencesquilacompose.

L’universitédeStablackregroupe,d’unecertainemanière,touteslesgrandesécoles

et facultés dans lequel les étudiants pouvaient étudier, lorsqu’ils étaient en France, pour

ainsi leur permettre de suivre tous les cours dont ils ont besoin, mais aussi auxquels ils

veulent assister en tant qu’auditeur libre. On retrouve, dans différents rapports, de

nombreuxchiffresàproposdecetteuniversité:«247coursprofessés,dontladiversitéest

extrême,puisqu’ilsvontde l’ÉpigraphieGrecqueauJaponais,enpassantpar laMécanique

44X–STALAGIA,«université»,S.D.,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN45X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN46X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN47X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN

Page 96: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

95

OndulatoireetlaCivilisationmusulmane48»,«250coursprofessésparsemaine49»,«1829

heuresdecours,conférencesoutravauxpratiquesontétédonnées,réunissantuntotalde24

948 présences contrôlés d’étudiants et d’auditeurs 50 » En plus de la quantité plutôt

significativedecours,onpeutégalementvoirqu’ilssontassezbiendiversifiés,puisquesion

peut observer des formations générales, tel que du droit, des sciences, des lettres, de

l’enseignement technique ou encore des beaux-arts 51 , on peut également considérer

certains autres cours assez particuliers, tels que des cours d’assurance52 , «des cours

commerciaux, des cours de préparation à l’Inspection des Finances ou aux Affaires

coloniales53»etmêmedel’enseignementagricole,professépardesingénieursagronomes,

malgrélemanqued’élémentsdetravail54.Unautreenseignement,assezmajeurégalement,

se développe au sein de l’université, à savoir l’enseignement religieux. En effet, les

séminaristes occupent une place dans l’université et créent une section particulière pour

leurenseignement:«Ilyavaitparmi lesAspirantsunecinquantainedeséminaristes. Ilsse

groupèrenttrèsvitesousl’autoritédeprêtresqualifiéspourcontinuerleursétudes.Rejoints

pardes“étudiants“,ilsconstituèrenten1942unvéritableséminaire,deplusde100élèves,

dont les cours et les examens réguliers furent reconnus par la plupart des diocèses de

France55». Enfin, il était également possible de suivre une activité sportive, en tant que

coursde l’Université,notammentavec l’Institutd’ÉducationPhysique,qui formaitcertains

aspirants sur les techniques et tactiques du sport, dans le cas d’une aspiration à devenir

professeur d’éducation physique 56 . L’université est ainsi assez complète dans sa

constitution, ce qui est bénéfique pour ses étudiants, qui ont donc un grand choix

d’occupationsauseindecetteactivité.

48SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN49SecrétariatdesAspirants,Situationducampàlami-avril1943,Avril1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN50X–SPDG,StalagIA,11/05/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN51X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN52CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu20avril1944,20/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN53FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN54DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN55SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5256LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN

Page 97: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

96

Pour véritablementpermettre la réussitede cetteuniversité, ilmanqueundernier

élément essentiel pour les professeurs et les élèves, c'est-à-dire la bibliothèque de

l’université, utile pour se procurer des manuels ou des livres, pour approfondir ses

connaissancessurlesujetétudié.Elleaconnucertainsproblèmesaudébutdelacaptivité,

puisqu’il pouvait être dangereux d’y rester trop longtemps, à cause de conditions

défectueuses de logement et d’alimentation: «celui qui irait au delà (de 4 à 5 heures)

risquerait de compromettre gravement sa santé 57 ». Par la suite, la situation semble

s’améliorer:elleestbienchaufféeetestmêmerepeintependantl’été194258,cequiprouve

ainsiqu’ungrandsoinluiestaccordée,dûprobablementàuneutilisationintensiveparles

aspirants. Cela peut s’expliquer par le fait que c’est une bibliothèque très bien fournie,

alimentée par la Croix-Rouge59, par desmises en commun d’aspirants60ou des envois de

livres depuis la France61. Elle compte environ 3 000 livres (ce qui est considéré comme

insuffisant selon un rapport)62et se compose d’ouvrages plutôt divers, avec des livres de

droit, de musique, d’histoire-géographie, de français, de sciences, de mathématiques, de

latin,dephilosophieouencoredeslivressurl’agriculture63.Sielleestmoinsfourniequela

bibliothèqueducamp,quiaquelquesmilliersdelivresenplus,maisquileséchangeavecles

kommandos, par le biais d’une bibliothèque roulante64, elle est tout de même spéciale,

puisque c’est une bibliothèque universitaire spécialement réservée pour les étudiants de

Stablack. Elle possède une salle de lecture d’environ 200 places, pour permettre aux

aspirantsd’ytravailleraprèslescoursetavantlecouvre-feu,maiségalementunservicede

prêts65,pourdonnerlapossibilitéauxaspirantsdetravaillerenpleinairoudansleurpropre

baraque.

57FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN58SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN59DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1760SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7161LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN62X–SDPG,CampdesAspirantsdeStablack,29/07/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN63X, Livres d’études et divers se trouvant en rayon à la bibliothèque du camp le 12 avril 1944, 12/04/1944,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN64 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,09/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN65X–STALAGIA,«BIBLIOTHEQUE»,SD,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN

Page 98: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

97

Photographiedelabibliothèqueuniversitairedel’Aspilag66

Les aspirants possèdent donc tous les éléments nécessaires à un fonctionnement

idéal et accompli de leur université et du déroulement de leurs études, bien qu’étant en

captivité. Leur activité est très réussie, au seinmêmedu campet il y adoncune volonté

d’étendrecetteréussite,àl’extérieurdesbarbelés.

C–Uneextensionaudelàdesbarbelésducamp

L’universitéducampadoncuneactivitériche,entermedecoursetdeconférences

professés,etelles’enrichitencoreplus,parlebiaisd’undéveloppementendehorsducamp.

Lepremieraspectdecetteextensiondel’universitéestminimemaisilatoutdemêmeune

certaine importance,puisque l’universités’étend jusquedansdeskommandos,par lebiais

de cours par correspondances ou de corrections de devoirs, pour pouvoir aider les

prisonniers concernés, qui sont obligés de travailler. Ces cours ne sont qu’une éducation

élémentaire, que l’on retrouve dans plusieurs camps et kommandos: «L’enseignement

donnédans lesuniversitésdesStalagsetparfoisdans leskommandos–visenotammentà

l’alphabétisation et au développement des connaissances “ primaires“ des prisonniers de

66X–AmicaledeStablack,Photographieducamp,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN

Page 99: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

98

guerrequiavaienteuunescolaritéinsuffisanteavantlaguerre67».Onpeutdoncvoirquele

niveau requis pour ces cours est assez faible, bien différent des cours professés pour

l’université, mais tout de même très important, car ils permettent «d’apporter quelque

assistance à des camarades plus défavorisés par le sort68», comme avec la validation du

certificatd’étudesprimaires(CEP),observéepourcertainskommandos69.

Enparallèledecescours,l’universitéaconnuuneautreexpérience,beaucoupplusmajeure

parrapportauxactivitésdecaptivité,etquipeutêtreconsidéréecommeundeséléments

vraimentoriginauxquinesemblecaractériserque l’Aspilag:«une liaison futétablieentre

l’université du camp et celle de Königsberg. Elle fut inaugurée en novembre 1941 par une

conférence d’un professeur de philologie romane sur “Victor Hugo vu par un philosophe

allemand“70».Cejumelageimpliquaitprincipalementdesconférencesdonnéesparcertains

professeursdecetteuniversitéàcelledeStablacketceladurapendanttoutel’année1942

et194371.Selondifférentstémoignagesobservéssur lesujet,onsaitquechaquesemaine,

undesprofesseursdeKönigsbergvenait faireuneconférenceen français72, surdes sujets

particulierschoisisparlesaspirantsetenrapportavecdescoursdontilsconsidéraientque

les idéesallemandesavaientmatièreàêtreenseignées73, telque«la conceptionde l’État

National-Socialiste 74 ». Ce jumelage pouvait également fonctionner dans l’autre sens,

puisque certains des étudiants aspirants de Stablack ont pu aller visiter l’université de

Königsberg à la fin de l’année 194275, démonstration donc d’une collaboration forte et

prospèreentrelesdeuxuniversités.Lesconférencesnesontpaslesseulsrésultatsdecette

collaboration,puisque lesaspirantspeuventégalementobtenirdumatériel :«liaisonavec

l’université de Königsberg pour l’envoi de livres allemands et du matériel physique

demandé76»,«en joignantaumatériel fournipar l’universitédeKönigsberg77»,«prêtsde

67DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29268LeTraitd’Union,N°175-176-177,Pâques1942,72AJ/2633,AS,AN69Rapportdel’hommedeconfiancedukommandoE13àl’hommedeconfianceprincipal,juin1943,Stablack,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN70SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5071X–STALAGIA,«Université»,S.D.,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN72SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN73BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN74CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN75LaFrancisque,N°4,Samedi31janvier1942,F/9/2893,DSPG,AN76X–SPDG,Lettreàl’Ambassadeur,07/10/1941,Berlin,F/9/2287,MissionScapini,AN77SCAPINI Georges, Lettre à M. le Secrétaire d’État à l’Éducation Nationale, 13/11/1941, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 100: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

99

livres78».Onvoitdoncquecetteliaison,enplusd’avoircontinuépendanttoutelapériode

d’activitéintensedel’université,aétéextrêmementbénéfiquepourlesaspirants.Celaleur

apermisd’obtenirdesélémentsqued’autresn’ontpaspuavoirdans leursuniversités,et

surtout, ils ont bénéficié de conférences toutes particulières, auxquelles ils ont, pour un

large nombre, trouvé un grand intérêt. On peut contempler l’enthousiasme des aspirants

face à cette collaboration par différents témoignages personnels, qui mentionnent cette

liaisonaumilieudetous leurssouvenirssur lacaptivité79,preuvedoncquecelaaétéune

activitémarquanteetquimérited’êtreconservé.

L’universitéadoncétéuneactivitéenrichissanteetcaptivantepourlesaspirants,qui

leur a permis, de plus, de vivre certaines expériences qu’ils ne pouvaient trouver qu’en

captivité.

III–Labaissed’activitéetledéclindel’université

Lacaptivitéetlaguerreonttendanceàmeneraudéclindenombreusesactivités,et

l’activitéintellectuelledel’université,pourtantmajeureauseindel’Aspilag,n’échappepasà

cesort.

A–Desconditionsdevietropdifficilespourl’université

L’universitédel’Aspilagaconnuunegrandeactivitépendantlafindel’année1941,

ainsi que pendant l’année 1942, permettant aux aspirants de continuer autant qu’ils le

pouvaient leursétudes,ainsiquede s’occuper,parunevie intellectuelle intense,pendant

cette captivité. Cependant, si un maximum a été fait pour permettre aux aspirants de

travaillerdanslesmeilleuresconditionsmalgrécettecaptivité(baraquespéciale,matérielde

travail, jumelage avec une université à proximité, etc.), ils rencontrent tout de même

plusieursobstaclesaubondéroulementdeleuruniversité.

78LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN79PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,ANDURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.15SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.72DELASSUSJacques,Lettreécritpourl’AmicaledeStablack,04/03/1989,Poitiers,73AJ/2633,AS,AN

Page 101: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

100

Toutd’abord,l’undesprincipauxproblèmesquiseposepourcetteuniversité,etque

l’onretrouveracommecomplicationàdenombreusesreprisesparlasuite,estleproblème

duclimat.L’AspilagestsituéenPrusseOrientale,zonetrèsà l’Estetmarquéeparunfroid

généralementintense,etcelapeutparfoiscompliquerlasituation,dedifférentesmanières:

quecelasoitpar lemoral,«Lesrigueursduclimatde laPrusseOrientaleontcontribuéen

outrependantl’hiveràentretenirlemécontentement80»,parunproblèmetechnique«Par

suitedumanquedechauffage,lescoursdel’universitéavaientétésuppriméesaumilieude

décembre81 » ou même une simple impossibilité de la situation: «L’université a peu

d’activitésdufaitqu’enhiver,lesconditionsdetravailsontdéplorables(froidetmanquede

lumière)82».Leclimatpeutégalementavoiruneffetinverseetpositif,puisqu’enété,quand

lesoleilestsorti,ilestplusagréabled’allerenpleinairquederesterenfermédansunedes

baraques pour travailler 83 . Ainsi, le climat est un facteur considérable dans le bon

déroulementdelacaptivitédanscecampdeprisonniersetpoursesdifférentesactivités,et

l’universitén’échappepasàceproblème.

Ensuite, le problème que rencontre les aspirants est celui de la captivité en elle-

mêmeetdesadurée:«il fautégalementsignalerqu’avec le temps, intervintunnouveau

facteur:lafatiguedueauprolongementdelacaptivité;celle-ciaprofondémententaméle

belenthousiasmedudébut.Lesfoulesnesebousculentplusàl’entréedescoursetnombreux

sontceuxqui[...]“ontmolli“84.»Ledécouragementsefaitdoncsentirchezcesprisonniers,

dû à une longue captivité, qui s’éternise et certains rapports mentionnent un

«enthousiasmequiesttombéprogressivement85»ouencore«laflammedel’enthousiasme

qui avait paru un moment s’allumer est bien en veilleuse86». Ainsi, la grande activité

universitaire présentée dans des rapports ou des publications a été plutôt brève, et la

captivitéet sesconditionsdevieontassurémenteuun rôledécisif,puisque lesdifficultés

80X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN81X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIA,19/01/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN82 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN83 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN84X–SecrétariatdesAspirants,«L’UniversitéduSTALAGIA»,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN,85X–DSPG,StalagIA,13/03/1942,LieuInconnu,F/9/2912,SDPG,AN86BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 102: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

101

rencontréesetlalongueurdutempspasséencaptivitéentrainentunsentimentd’ennuiet

dedécouragementpourlesaspirants,quipréfèrentseconcentrersurd’autreséléments.

Unautreaspectentreencomptedanscedécouragementdesaspirants:lafinalitéde

leursétudes.L’objectifpoursuiviparcettecontinuationestd’avoirundiplômeàlafin,pour

qu’ilspuissententrerdans lemondedutravailetêtreassurésd’unebonneplace,unefois

revenus. Cependant, pour pouvoir réaliser cela, il est nécessaire d’avoir à disposition une

validationofficielle,cequenefournitpasl’universitépendantlacaptivité.Celan’estpasun

cas isolé car, dans toutes les universités de camp, il fallait passer des concours ou des

examens au retour de la captivité, pour pouvoir valider les examens déjà passés en

captivité87.Ilestdoncmentionnéqueceproblèmeaamenéàune«stabilisationréduite88»

de l’activité et un aspirantmentionne avec ironie dans un rapport: «L’universitémarche

mais on ne peut plus nous donner de certificats ou choses semblables. On nous délivrera

seulement un certificat d’assiduité qui ne nous servira à rien89.». Le terme utilisé ici est

“plus“etnon“pas“,cequipeut fairepenserqu’ilaétépossibleàunmomentdepouvoir

fairevalidercesexamens;celapeutêtremontréparuntémoignagede1942:«publication

desdécisions récentesduMinistèrede l’InstructionPublique, reconnaissantunevaleuraux

copies des examens passés en captivité90»; il est également possible que ces validations

avaient lieu pour le cas d’examens de niveau inférieur, tel que le certificat d’études

primaires, passé par plusieurs prisonniers en kommandos, pendant les cours par

correspondancesdonnésàl’université91.

L’universitéconnaîtdonctoutdemêmedesdifficultéspendantsondéroulement,et

les conditionsde viede la captivité interfèrentdemanière récurrenteen son sein, cequi

entraine un déclin de son activité, auquel se rajoute de plus des complications avec

l’administrationdel’université.

87DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29288SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN89X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN90BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN91Rapportdel’hommedeconfiancedukommandoE13àl’hommedeconfianceprincipal,juin1943,Stablack,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN

Page 103: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

102

B–Uneperteimportantedemembresdel’université

Sicertainesconditionsdeviedelacaptivitéontunimpactsurlebonfonctionnement

del’université,c’estvéritablementaveclesdifférentesactionsdesmembresdel’université,

professeursouélèves,quel’universitéconnaîtundéclin,quimèneàuneactivitétrèsfaible

et beaucoupmoins fournie. Ainsi, deux aspects amènent à cette situation: le départ par

obligationdeprofesseurs,ainsiquedecertainsélèves,et ledépart,volontaire,d’étudiants

aspirants.

Toutd’abord,onpeutobserverlecasdesprofesseursdel’université,essentielsàson

bondéroulementetquidisparaissentpeuàpeudel’université.Commecelaadéjàpuêtre

observé,lerecrutementdecesprofesseursofficiersapuêtredifficile,puisqu’ilafallualler

leschercherdansd’autrescamps,sousréserved’uneautorisationdesautoritésallemandes.

Par la suite, ce sont ces mêmes autorités qui posent problème: «À cette cause de

découragements’ajoute le faitqueplusieursprofesseursontdûquitter leurs fonctions soit

pour raison de santé, soit par ordre de la Kommandantur qui a fait interner dans une

baraque spéciale 4 professeurs jugés susceptibles de s’évader92.». La suspicion, toujours

importantepour lesAllemands,etnotammentdans lecampdesAspirants,dontungrand

nombreatentédes’évader,empêcheànouveaulabonnetenuedel’université,commece

fut lecasaudébutdesonexistence,avec les sanctionsde représailles.Audelàdu faitde

simplement enfermer ces professeurs pour un temps, interrompant ponctuellement un

certainnombredecours,ilexistecertainscasplusradicauxderenvois,sansraisondonnée,

des officiers dans leurs anciens camps, sans même avoir pu finir les cycles d’études

commencés,commecefutlecasen1942et194393.Ilpeutégalementarriverquecetarrêt

de cours soit simplement dû au rapatriement des professeurs pour la France94mais de

manière générale, on peut surtout observer que les allemands ne semblent pas vouloir

garder pendant trop longtemps certains professeurs. Il semble néanmoins impossible de

savoirsilerenvoiestdûàuncomportementparticulierduprofesseurdésigné,aucoursqu’il

professe à l’intérieur du camp, et qui a pu ne pas plaire aux allemands ou si cela est

simplement le faitdeproblèmes internesaucamp,dont leprisonnierrenvoyén’estpas la

cause.Cedépartd’ungrandnombredeprofesseursentrainecependantunralentissement

92X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN93CCPPG,Rapportquotidiendu22avril1943,22/04/1943,F/9/2912,DSPG,AN94CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu20avril1944,20/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 104: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

103

des cours, puisqu’il est nécessaire de trouver des remplacements ou de quoi occuper les

aspirantsquisuivaientlescoursdesprofesseursrenvoyés.

Lesprofesseursnesontcependantpaslesseulsàsubirunrenvoidelapartdesallemands.

Tout d’abord, pendant l’année 1943, les transferts d’étudiants non aspirants sont

interrompus et les autorités allemandes ne prennent plus aucune demande en

considération95et par la suite, au cours de l’année, tout ce travail de développement de

l’université est abandonné: «Les “étudiants“ nonAspirants finirent par être aubout d’un

certain temps renvoyés en kommandos. Les conditions de la guerre, les besoins de main

d’œuvre et peut-être l’évolution des rapports franco-allemands ont fait tomber à l’eau ce

projet96». Les étudiants non aspirants ne sont pas les seuls à être renvoyés, puisque les

séminaristes non aspirants, faisant partie de l’université dans le cadre de l’enseignement

religieux, sont également forcés de partir, en raison d’une dissolution imminente du

séminaire97. Il ne restealorsenmajoritéquedesétudiants aspirants,mais cette situation

connaîtégalementunchangementparticulier.

Si les aspirants étudiants ont effectivement fait preuve d’un enthousiasme certain au

démarrage de l’université, ainsi que d’une inscription massive, cet engouement finit par

retomber.Leproblèmeprincipalquiseposeavecl’universitéestlesentimentqu’ilfinitpar

procurer aux aspirants, c’est-à-dire une sensation d’enfermement à cause des barbelés.

Cette présence des signes de l’internement et de la captivité entraine une réaction de

découragement et de lassitude des aspirants, qui ne cherchent alors qu’à partir pour

échapperàcesbarbelés98:«Enréalité,unebonnepartiedesAspirantsfinirentparsupporter

difficilementlavierenferméesurelle-même,l’espècederetraiteintellectuellequeleuroffrait

lecamp99.»Letravaildevientdoncunéchappatoirepourdesaspirantsquinefontplusque

subir ces cours et qui les envisagent généralement avec une certaine forme de

pessimisme100.Lecampuniversitaire,pourtantélémentcaractéristiquedesaspirants,subit

doncundéclinetunebaissed’activité,dûàunattraitdutravailpourlesaspirants,pourtant

95DirecteurdeCabinetduSDPG,Lettreenvoyéeàplusieursorganismes,17mars1942,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN96SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2997CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN98CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN99SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.53100CCPPG,StalagIA,21/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 105: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

104

exemptés de cette tâche, préférant aller subir les conditions de vie particulières des

kommandos,plutôtquederesterenferméàl’intérieurducampetdel’université.

Pendantlacaptivitédesaspirants,l’universitéareprésentéunepartmajeuredeleurs

emplois du temps et ils ont développé, autant qu’ils le pouvaient, cette activité

intellectuelle. Tous leurs moyens ont été mis à disposition pour l’université ou la

bibliothèque et ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour permettre le déploiement de

l’université,ainsique l’accomplissementd’unprogrammefournietcompletpoursatisfaire

aumieuxlesdemandesdesétudiants.Malgrécela,l’universitéarencontrédenombreuses

complications,liéesàlacaptivitémajoritairementetauxconditionsdeviequis’yrattachent,

qui eurent des conséquences négatives, notamment sur son fonctionnement et sur sa

composition,quiamenaàunebaissed’activitéconséquente,mettantpeuàpeufinàcette

activité universitaire. Si le camp est toujours qualifié de camp universitaire pendant les

années1943et1944,plusaucunementiondel’universitén’estfaitedanslesjournauxoules

publicationsducamp,quiétaientpourtantprolifiquesauparavantàproposdecelle-ci101.

Cetteuniversitén’acependantpasétésuivieenvainparlesaspirants,puisques’ilsn’ontpas

puvaliderleursexamenspendantlacaptivité,ilsontpulefaireaprèslalibération,grâceàla

mise en place d’une Commission du Retour, par le Centre d’Entraide aux Étudiants

Mobilisés: «Essentiellement, il y est prévu la création de services d’accueil et de

renseignements qui faciliteront à ces prisonniers rapatriés le retour à la vie normale; les

aideront, les documenteront, les orienteront102 ». Les étudiants aspirants peuvent ainsi

complétercommeil lefaut leursétudesets’engageralorsdans lavoieprofessionnellequi

leur convient. L’après-captivité permet également de nous montrer que cette université

était composée de talents, puisqu’un certain nombre d’aspirants, élèves ou professeurs,

reçurentdesprixaprèsleurcaptivité,telsquedesprixdel’académiefrançaise103etilyeut

mêmeunprixGoncourten1949104.

101Présent,N°5,15février1943,Stablack,F/9/2893,DSPG,AN102Secrétaire d’État à l’ÉducationNationale et à la Jeunesse, Lettre aux Recteurs, 13 octobre 1941, Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN103X–AmicaledeStablack,Prixpourlesmembresdel’AspilagIA,S.D.,LieuInconnu,72AJ/2633,AS,AN104X,«UnprixGoncourtàStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.81,72AJ/2632,AS,AN

Page 106: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

105

Lauréatsdediversprixauseindel’universitédeStablack105

105X–AmicaledeStablack,Prixpourlesmembresdel’AspilagIA,S.D.,LieuInconnu,72AJ/2633,AS,AN

Page 107: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

106

Page 108: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

107

TITREV:LesactivitésculturellesetsportivesdesaspirantsLesloisirsdelacaptivité

«Œuvre collective, elle tendità renforcer la cohésionde la communautédes captifs, en lesunissant

autourd’uneprojetstimulantquin’allaitpassansdifficultés[…]Lerésultatfutàlamesuredelapersévérance

et de l’ingéniosité desprisonniers, leur permettant d’offrir à leurs camarades éblouis desmoments d’intense

émotions,demeurésparmileurssouvenirslesplusmarquants1»

Cette définition, caractérisant le théâtre, pouvant être utilisée pour d’autres activités

artistiques, mais également pour le domaine sportif, permet de montrer en quoi la vie

culturelleetsportiveestunélémentessentielpourlacaptivitédesprisonniersdeguerre.En

tant qu’activité de loisir, de détente, ainsi que d’amusement, elle permet d’apporter un

réconfort,unmomentdetranquillité,voiremêmed’évasionmentalepourleprisonnierde

guerre,quiestenpluspartagéavecd’autresprisonniersdanslecampd’internement.C’est

laraisonpour laquelleelleestprésentedanstous lescampsdeprisonniers,mêmeparfois

les camps de réfractaires, ainsi que dans les kommandos de travail, où les prisonniers

trouventletempsd’organiser,mêmebrièvement,unspectacledevariétésouunmatchde

football.Deplus,cesactivitésprésententunegrandediversité,puisquemêmes’iln’estpas

possible de pratiquer tous les sports ou tous les arts existant, les prisonniers ont la

possibilitédemettreauminimumuneactivitéenœuvre,pourleurpropreplaisiroudevant

unpublic.

Cependant, si on les retrouve à peu près partout, la pratique de ces activités varie en

fonctiondutypedecampsoudeprisonniersdanslequelonsetrouve.Leskommandosde

travail ne permettent qu’une activité brève, par un manque conséquent de temps. Les

stalagspeuventavoiruneactivitébiendéveloppée,enfonctiondutravailauxquellesdoivent

participerlesprisonnierspendantlajournée.Enfin,lesoflagssontgénéralementlescamps

avecl’activitélaplusimportante,puisquenetravaillantpas,ilsdoiventtrouverlemoyende

s’occuper.

Lesaspirantsprisonniersdeguerresont,commeonadéjàpul’observer,unecatégorie

particulièredecaptifs,etmêmes’ilssontinternésdansunstalag,ilsconnaissentunrégime

plusprochedeceluidesoflags.Ainsi,onpeutsedemanderdequellesmanièressedéroulent

1GILLET Patricia, «Le théâtre dans les camps de prisonniers de guerre français, 1940-1945», Théâtres etspectacleshieretaujourd’hui:Époquemoderneetcontemporaine,Éditionsducomitédestravauxhistoriquesetscientifiques,Paris,1991,p.265

Page 109: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

108

lesactivitésculturellesetsportivespourlesaspirantsetcommentelless’inscriventdansleur

expériencedelacaptivité.

I–L’Aspilagetsonintenseactivitéartistique

Bien que de nombreux camps de prisonniers aient eu une activité artistique assez

soutenue pendant la captivité, les aspirants y ont mis une participation encore plus

considérable,quia,deplus,eud’excellentsrésultats,ainsiqu’ungrandretentissement.

A–Uneoccupationculturelletoujoursprésentedanslecampetchezlesprisonniers

Lesactivités culturelles, telque le théâtre, la choraleou lesorchestres, semettent

rapidement en place dans les camps, notamment pour les prisonniers dont le grade leur

permet d’être exemptés de travail et qui doivent trouver une occupation. Les oflags

développentdonccesactivitésaudébutdelacaptivité,etcelaconcerneainsiunepartiedes

aspirants, puisqu’ils ont généralement étéplacés enoflag aumomentde leur capture. Le

meilleur exemple qui peut être donné à ce propos est celui du cas des aspirants

“grosshesepiens“, un petit groupe d’aspirants qui est resté ensemble dès le début de la

capture.Ilsontconnud’abordunoflag,puissontallésenstalag,oùilssontrestéscentjours,

avantd’êtreenvoyéàStablack,entantqu’aspirants.Dèsl’arrivéeenoflag,leVIDàMünster,

une petite troupe de variétés se crée, et les membres ne sont en aucun cas des

professionnels, puisque l’animateurdugroupeestundentiste2. L’utilitéet lanécessitéde

cette activité pour la captivité sont également expliquées par l’auteur: «La première

préoccupationdeceuxquisontchargésd’organisernotreexistencejournalièreserad’établir

un emploi du temps comportant la plus grande variété possible d’activités et utilisant au

maximum les nombreuses heures de loisirs3». Les prisonniers des oflags doivent donc

trouverunmoyendes’occuper,cequis’observeégalementpourlecasd’unautreaspirant,

qui se trouve à l’oflag XVIIA, où une troupe de théâtre s’est rapidement formée, avec

d’ailleursunebaraqueattribuée,ainsique lapossibilitéd’assisteràdescoursdemusique,

2MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.143MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.13

Page 110: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

109

accompagné de démonstration par un quatuor4. Si le théâtre ne présente qu’un faible

intérêt pour l’aspirant, lamusique semble êtreplus passionnante, et l’auteurmentionne:

«sonpetitquatuornousfaisaitoublier,l’espaced’unmoment,notreconditiondeprisonnier

etlafaimquinoustenaillait5.».Celaestainsiunedémonstrationdel’objectifprincipalvers

lequeltendentlesactivitésartistiques,l’évasionintellectuelleetmentale.

Bien que cela soit moins évident, dû aux déploiements rapides dans les kommandos,

certainsstalagsontégalementmisenplacedesorchestresoudestroupesdethéâtresetle

casdes“grosshesepiens“peutêtredenouveauprisenexemplepourdémontrercetteidée.

Eneffet,quelquestempsaprèsledébutdeleurcaptivitéàl’oflag,leproblèmeprincipaldes

aspirants s’est poséet ils ontdoncété renvoyésdansun stalag, considéréplus approprié

pourlesautoritésallemandes.IlssontenvoyésdanslestalagVIC,nonloindelaoùilsétaient

avant et ils y découvrent un théâtre déjà existant, fonctionnant correctementet avec de

bons moyens: «Il existait déjà à notre arrivée au camp, un théâtre. Installé dans une

baraquespéciale,ilpossédaituneassezgrandescèneéquipéed’unerampe,deprojecteurs,

d’unrideaubienmaniable.[…]Lasallepouvaitcontenirapproximativement250places.6»En

parallèledecethéâtre,legrouped’aspirantstransférésréinstallentleurtroupe:«Dansun

délaiimpensable,unspectaclecompletdevariétésfutmontésousladirectiondeRaymond

THOMAS,mobilisantlesquelquesaspiscompétentsetceuxquiledevinrent,sansnégligerles

concours possibles dans le camp, afin de ménager les susceptibilités7», «parallèlement

toujours, une chorale futmontée avec une douzaine de voix correctes et équilibrés8». Le

succès de ces groupes artistiques est tel qu’ils décident de monter quelques spectacles

ensemble,mêlantleursdifférentstalentsetprovoquantunvéritableenthousiasmeaupublic

devantlequelilsseproduisent9.Sicettetroupedevariétésapuavoirungrandsuccès,onne

retrouve pas beaucoup d’autres témoignages d’activités artistiques d’aspirants avant

l’Aspilag.Onpeutainsiprésenterl’hypothèsequelescampsoùontétéinternéslesaspirants

avantleIA,etprincipalementlesstalags,étaienttropdifficilespouravoirletempsdemettre

4SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.375SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.376MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.317VILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,p.58VILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,p.59MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.33-34

Page 111: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

110

enplacecetyped’activitésoubienquesicelaexistait,ellen’apportaitpasungrandintérêt

auxaspirantsdepassage,commelecasduprisonnierduXVIIAapulemontrer.

Demanière similaire, il est assez difficile de trouver des éléments présentant une

activitéartistiquevraimentrégulière,voirmêmeexistante,dans lestalagIAavant l’arrivée

desaspirants.Stablackétait le lieud’internementd’ungrandnombredeprisonniersavant

dedevenirenpartie l’Aspilaget il regroupaitdeshommesde troupe, simples soldatsqui,

pour la plupart, avaient été envoyés dans des kommandos. Si un certain nombre était

encoreprésentaucamppendantl’année1940etledébutdel’année1941,lesrapportsde

la Croix-Rouge ne semblent pas indiquer une grande activité artistique, que cela soit du

théâtre, de la chorale, de l’orchestre ou même des artistes, tels que peintres ou

dessinateurs.Unrapportmentionneenaoût:«Leshommespeuventfairedelamusiqueet

parmilesprisonnierssetrouventparexempleunviolonistebelgeetvirtuoseetunténorde

radio-Paris.Enfin,nousavonsvuautravailunsculpteurbelge,deBruxelles,quidisposede

vasteslocauxdanslabaraquedelacantineetoùilfaitdesplansetdesmaquettesdel’aigle

allemand10» Il est possible de relever deux éléments particuliers dans ce rapport qui

permettent de douter d’une vraie activité artistique. Tout d’abord, les exemples de

musiciens sont assez faibles, ce qui peut montrer que l’activité musicale n’est pas

développéedans le camp,puisqu’il serait possiblede trouverplusd’exemplesdans le cas

contraire.Letermede«peuventfairedelamusique»laisseaussiàpenserquelesmoyens

sont plutôt limités pour réaliser cette activité, et que s’il est donc possible de faire de la

musique, l’activitéestplutôtpeupratiquée.Ensuite, lecasdusculpteurbelgeamèneplus

l’idéed’untravaildepropagandepourlesallemands,d’oùlapermissiond’utiliserdeslocaux

particuliers.Unmoisplustard,unautrerapportavancelefaitquelecommandantducamp

amis en place un programmemusical pour et avec les prisonniers qui semblent être un

succès,mais qui n’est pasmentionné dans les rapports suivants.On peut donc présenter

l’hypothèseque leprogrammen’apas étéun succès à long termeouqu’il a fini par être

coupéparleresponsableducamp.

Ainsi, s’il est possible qu’une activité artistique ait pu exister dans le stalag IA, elle

sembleassezfaibleetc’estavecl’arrivéedesaspirantsqu’ellereçoitunregaind’énergieet

uneimportanteamélioration.

10Consulaméricain,STALAGIA,02/08/1940,Stablack,F/9/2878,DSPG,AN

Page 112: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

111

B–Undéveloppementconsidérableetremarquabledesarts

L’arrivée des aspirants au stalag IAmarque le début d’une activité intense pour le

camp, puisque l’union d’un groupe de soldats partageant un trait commun favorise

rapidementlacréationdeliensfortsetdegrandesamitiésetcelasetraduitaussienpartie

dansledomainedesarts.Eneffet,bienqueledébutdeleurcaptivitéaitpuêtredifficile,les

aspirantsmettentenplacedèsaoûtdesactivitésdemusiqueetdedanses11.Parlasuite,en

septembre1941, le théâtredes aspirants a étémis enplaceet est considéré comme«la

plus grosse entreprise de décentralisation de l’art dramatique 12 ». Ce théâtre est

probablement l’une des activités artistiques les plus importantes développées par les

aspirants,puisqu’iloccupeuncertainnombredeprisonniersdeguerre:«Lethéâtreoccupe

en permanence 120 à 150 personnes en permanence et sort mensuellement un nouveau

spectacle.13»Cenombrepeutreprésenterlespersonnesenchargedelamiseenplacedes

décors et de la préparation du spectacle, mais aussi les acteurs de la représentation ou

encore lemetteur en scèneet sonéquipe.Deplus, à ce groupe se rajouteégalement les

membres en charge de la création des costumes, également nommé “L’atelier des

cousettes“. Selonundes responsablesde cegroupe, il comptait environune trentainede

personnes, qui s’occupaient de créer les costumes, à l’aide de tenues militaires et de

matériel envoyépar leurs familles à leurs demandes14. Ces personnes étaient enplus des

amateurs,puisqueparmieux,onretrouveun instituteur,unétudiantenchimieouencore

unélèveenaéronautique15.Àcesgroupes,peuventégalementserajouterdeuxorchestres

crééspar lesaspirants.D’abord,unorchestresymphoniqueaétémisenplaceparEugène

RochaixetPaulStefani,toutdeuxmusiciensetayantdirigéunorchestredansl’oflagoùils

étaient précédemment. L’orchestre se forme par le biais d’auditions, auxquelles se

présentent,semble-t-il,denombreuxcandidatsquisontensuitesélectionnéspourcertains

parlesdeuxresponsables16.Celapermetainsidevoirque,pourcetteseuletroupe,l’attrait

11SAINT-BRIEH.,Lettred’unaspirantrécemmentrapatrié,19/08/1941,Clermont-Ferrand,F/9/2912,DSPG,AN12HENRY Pierre, «En liberté surveillé», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale, 1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8413SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN14BERQUERPaul,«L’atelierdescousettes»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8515X–CampdesAspirants,«Cahiersdesprésentsaucamp»,STALAGIA,1941-1945,72AJ/2632,AS,AN16 STEFANI Paul, «Avec l’Orchestre Symphonique », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.87

Page 113: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

112

estassezconséquentpourlesprisonniersetdemandentmêmeunerestrictionpourcréerun

orchestre correct. Ce dernier se développe d’ailleurs plutôt vite, notamment grâce à

l’acquisitiondenombreuxinstrumentspourleursrépétitionsetleursreprésentations:

«Petitàpetit, lenombred’instrumentsaugmenta:violonsapportéspardesAspis,ouenvoyésdeFrance

pardesfamillesoudesamis,contrebassesreçuesparl’intermédiairedelaCroix-Rouge,pianoslouéschezdes

commerçants locaux etc. Avant la fin de l’année 1941, nous avions 22 violons, 3 altos, 3 violoncelles, 2

contrebasses,2flûtes,1saxoalto,1pianotenantlieudeharpe,1grossecaisseenguisedetimbales.17»

Onvoitainsilagrandeportéequ’ontlesactivitésartistiques,quecelasoitpourlafamilledu

prisonnier ou les organismes en charge de les aider. Ils aident ainsi les prisonniers à

s’occuper et à s’évader mentalement, apportant un réconfort pendant leur captivité. Un

autreorchestre,plusparticulier, s’estégalement formédans le camp, l’orchestreargentin

Trasbot,dunomdesonchefd’orchestre,unmembrede l’Arméeactive.Si legroupeapu

connaîtrequelquesdifficultés,notammentpourlecasdesinstrumentsparticuliersqu’ilétait

nécessaired’avoirpourcetorchestre,denombreusesrépétitionsetuntravailsérieuxdeses

membres lui permit d’avoir un grand succès 18 . Cet orchestre suscita d’ailleurs

l’enthousiasmedèsleurpremièrereprésentation:«Danssachronique“Stablackaujourle

jour“, Roger DEBOUZY a noté: “ 10 novembre 1941: premier spectacle des Baladins

Baladeurs, petit équipe qui circule dans les baraques. Jazz, chants, orchestre de Tango,

musette,diseurs,prestidigitateurs.Deuxheuresagréablesd’oubli…“19»Ilpermetenplusde

révélercertains talents,notammentpour lacréationdemusique,puisque l’orchestreaeu

besoindeserenouvelerrapidement,etd’étendresonrépertoiredereprésentations,etcela

aconduitàl’apparitiondechansonniers,considéréscommeplutôttalentueux:

«De vrais chansonniers se révélaient. Ils semblaient surgir de lamisère comme des fleurs sauvages du

terreau […] tout cheznousétait inédit,authentique, improvisé, trouvantetprenant sesprétextesdu fondde

notrecommunedétresseetlaréoffrant,pourfairerire,danslegoûtpropredesonamertume.[…]Ilsfurentles

pionniersdenotrespectacle.20»

Enplusdecesdeuxorchestres,considérésprobablementcommelesplus importantspour

l’Aspilag, il existait également un orchestre de jazz, qui quitta cependant rapidement le

camp,puisqu’ilputêtreembauchéparunestationderadiopourparticiperàunprogramme

17STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8718DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1919DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1120DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.13

Page 114: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

113

musical 21 . Enfin, dans le domaine musical, un dernier élément peut être présenté:

l’électrophone,unappareilpermettantd’écouterdelamusiqueparlebiaisdedisquesetqui

donnal’occasionauxaspirantsd’écouterparfoisdesconcertsd’uneheureet,aprèsyavoir

joint un microphone, les responsables de l’électrophone créent également des sketches

radiophoniques, pour apporter un divertissement supplémentaire aux aspirants. Cet

électrophone fut acquis grâce à un aspirant dont le père était le directeur de Thomson,

société qui vend de l’électronique. Il est fréquemment utilisé, avec au moins une

représentationparsemaine,quiregroupeenviron50à100auditeurs22.

Cesdifférentesactivitésontcoopéréensembleàplusieursreprisespendant laduréede la

captivité, puisque la troupe du théâtre a demandé la participation de l’orchestre

symphonique ou de l’orchestre argentin pour certaines représentations: «En plus des

concerts symphoniques, à raison d’un par trimestre, des membres de notre orchestre

rendaient service pour divers spectacles.23» Le théâtre des aspirants avait pu obtenir une

demi-baraque où «on y aménagea une salle en gradins, un atelier de couture, un atelier

pour les décors.24» et il était possible pour certains des autres groupes de l’emprunter,

comme ce fut le cas par exemplepour l’orchestre Trasbot25. Le théâtren’est pas la seule

activitéquiapudisposerd’unebaraque,puisqu’uncinémasecréependantlacaptivité:«À

lafinde1943,unedemi-baraquefutconfiéauxarchitectespourêtretransforméeencinéma.

Ilsenfirentunesallede250placesenviron.Elledisposaitdedeuxappareilsdeprojectionde

35mm et de deux de 16. Les Allemands fournissaient leurs actualités et les grands films

étaientlouésenAllemagneouenFrance.26»Lecinémasedéveloppeplutôtbienàl’intérieur

du camppuisque s’il est irrégulier au début, à raison d’environ une séance parmois27, le

rythmesemetpeuàpeuenplace,etseptmoisplustard,ilyatroisséancesparsemaineet

avecdesfilmsfrançaisprésentés28.

21MASSARDCapitaine,RapportduStalagIA,30/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN22PATELJulien,Témoignagesurl’électrophone,Dateinconnue,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN23STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8724SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(II)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,8eAnnée,No.29(Janvier1958),p.4925DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1926SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5127 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN28 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 115: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

114

Cesactivitésmusicales, théâtralesetcinématographiquesont laplace laplusconséquente

dans le domaine artistique à Stablack,mais il existe bien d’autres groupes, permettant à

touteslessortesd’artistesprésentsaucampdesedévelopper.Ainsi,denombreuxateliers

secréentchezlesaspirants,telsqu’unatelierd’architecture29,unatelierd’artsetMétiers,

debeaux-arts,decéramique,dereliure30,unatelierdepeinture,quidisposed’ailleursd’une

demi-baraque,partagéavecunesalledeculturephysique31ouencoreunatelierdephoto32.

Certains de ces artistes apportent d’ailleurs leur contribution à la vie du camp, puisque,

commeonadéjàpulevoir,lesarchitectesontcontribuéàlacréationdelasalledecinéma,

maisilsontégalementaidéàlamiseenplacedelasalledethéâtreetontmêmeconstruitla

chapelledesaspirants à la find’octobre1941:«Toutuneéquiped’élèvesdesBeaux-Arts,

animéeparHenryBERNARDetRogerMIENVILLE,ainstallésonatelierdanslelavoirvoisinde

la futur chapelle. À sa tête, un premier Prix deRomed’Architecture et des architectes qui

exercentdéjàdepuis plusieursannées33» et certainsdespeintresdu campont également

aidépourlaréalisationdefresquespourlachapelle34.

L’activité artistique de l’Aspilag semble donc être assez exceptionnelle par rapport

auxdifférentesexpériencesdecaptivitépourlesautresprisonniersdeguerre.Silesstalags

etoflagsonteffectivementeudifférentestroupesdethéâtre,desorchestresouencoredes

artistes, l’Aspilag semble avoir réuni tous les types d’artistes dans son camp, permettant

ainsiuneactivitéartistiqueextraordinaire,qui,deplus,connutungrandsuccès,àl’intérieur

etàl’extérieurducamp.

C–Unrayonnementetunsuccèsdecesactivitéschezlesprisonniersdeguerre

Sil’Aspilagaunnombreconséquentdegroupesartistiquesenactivitépendanttoute

laduréede la captivité, certainesactivités connaissentuneexistenceplus importanteque

d’autres, et cela s’observe notamment pour le théâtre des aspirants et les différents

orchestres créés. Les multiples témoignages d’anciens aspirants, ainsi que les nombreux

29CCPPG,StalagIA,12/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN30SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5031DUNANDCapitaine,StalagIA,04/11/1941,F/9/2709,MissionScapini,AN32MANGINFrancy,«Unlaboratoireclandestin»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.73-7533ULRICH Michel, «La construction de la Chapelle », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.73-7534GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.12

Page 116: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

115

rapports rédigés pour les autorités et les organismes en charge des prisonniersmontrent

uneactiviténonnégligeabledecesgroupes,ainsiqu’unvéritableengouementetungrand

enthousiasme des prisonniers de guerre pour les différentes productions qui sont

présentées.

Àl’intérieurdustalag,latroupedethéâtreréaliseplusieursreprésentationsdenombreuses

pièces de théâtre. La pièce ayant eu le plus de succès est Au temps des crinolines, une

opéretteen3actes,représentéeparlethéâtreà13reprisesentrele22janvier1942etle22

février194235.Laparticularitésupplémentairedecetteopéretteestqu’elleestunexemple

de la collaboration entre deux groupes artistiques de l’Aspilag, la troupe de théâtre

demande de l’aide à l’orchestre symphonique pour la représentation, afin d’apporter un

élémentmusical36. De nombreuses autres pièces de théâtres sont produites au camp, et

selonune liste répertoriéeparundes aspirants en chargedu théâtre, les représentations

ont eu lieu entre juillet 1941 et juillet 1944. Le répertoire compte une cinquantaine de

pièces,composéesà lafoisdecréationsd’auteursconnus,telsqueMolière,Racine,Alfred

de Musset ou Anouilh, mais aussi, semble-t-il, de créations personnelles de certains

aspirants37, représentatives ainsi des nombreux talents de l’Aspilag. Si les membres du

théâtre étaient plutôt nombreux, les spectateurs l’étaient encore plus, et ils sont tous

élogieuxsur lethéâtreetcequ’il représentait:«Unedesplusbrillantesactivités, toujours

au IA, fut le théâtre, qui produisit de grands chefs-d’œuvre avec une mise en scène de

premier ordre 38 », «J’y vis de très bonnes pièces, avec des décors et des costumes

merveilleux39», «Une équipe extrêmement dévouée d’acteurs, de metteurs en scène, de

décorateurs, de costumiers, nous a offerts pendant quatre années des spectacles que

beaucoup n’aurait certainement jamais eu l’occasion de voir40» ou encore: «spectacles

difficilementimaginablesréaliséspardesaspistalentueux41».Lagammedesspectateursdu

théâtreestélargieenplus,parlefaitquelatroupeorganiseégalementdesreprésentations

35X–ThéâtredesAspirants,Autempsdescrinolines,1942,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,36STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8737CHÉRIONHenri,«Unvasterépertoire»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8638DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN39TOURNAY Gaston, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN40DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1341GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1

Page 117: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

116

pourl’hôpitalducamp,afind’apporterunbrefréconfortauxmalades42.Lethéâtreestainsi

uneactivitémajeuredanslecamp,quisembleavoirmarquéungrandnombredepersonnes,

etundesaspirantsexprimeainsiune idéeparticulière :«Personnellement, jenepeuxpas

direquejem’ysuistrouvéparticulièrementépanoui,n’ayantpasdedispositionsparticulières

pourlethéâtre43».Cetteopiniond’unaspirantpermetdevoirréellementl’ampleurquele

théâtreaeuedansl’occupationaucamp,puisquesionn’yportaitaucunvéritableintérêt,la

captivité n’était que l’expérience plutôt morne qu’a pu vivre un certain nombre de

prisonniers, l’objectif principal du théâtre étant d’ailleurs de s’évader pour un temps et

d’oublier cette captivité. Enfin, ce succèspeut également s’observer dans les journauxdu

camp,puisquetouslesjournauxayantététenusparlesaspirantsontmentionné,aumoins

une fois, l’activité des groupes artistiques, théâtre ou autre. La Francisque utilise les

représentationsde théâtresoud’opérettespouren faireun sujet sur leur symbolique, ce

qu’il représente, d’où ils viennent, etc.44, La semaine au camp et le Petit journal illustré

évoquelesdifférentesréorganisationsduthéâtre,ainsiquesesreprésentations45etenfin,le

Présentmentionneégalementcesreprésentations46.

Silethéâtre,lesorchestresetlesautresactivitésartistiquesconnaissentungrandsuccèsà

l’intérieur des barbelés du camp, ils connaissent également un triomphe à l’extérieur, et

notammentdansleskommandosdetravail.Eneffet,aprèsunegrandeactivitéaucamp,la

troupe de théâtre part en tournée dans les kommandos47 et en parallèle, l’orchestre

argentin de Trasbot fait demême48. La tournée du théâtre est une entreprise de grande

envergure puisqu’elle parcourt de très nombreux kilomètres et visite à peu près toute la

PrusseOrientale:«La troupe théâtrale faitencemoment la tournéedeskommandosdes

rivesdelaBaltique49»,«Latroupethéâtraleestrentréed’unetournéede1400km50»,«La

42MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN43ROUXMichel,Grandeur(?)etservitudesmilitaires:1939etlasuite,1996,p.3844LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,ANLaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN45LaSemaineaucamp,Semainedu7au13décembre1941,72AJ/2633,AS,ANPAPAUDAndré,Petitjournalillustré,SD,Stablack,72AJ/2633,AS,AN46Présent,1942(09/10;15/11;15/12),1943(15/02;Pâques),72AJ/2633,AS,AN47CCPPG,STALAGIA,07/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN48DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.2149CCPPG,STALAGIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN50CCPPG,STALAGIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 118: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

117

troupethéâtraledustalagpassedetempsentempsdanschaquekommando51»,«Latroupe

du camp est en tournée dans les kommandos52» et enfin: «font des tournées dans les

kommandos53».Ainsi,onpeutobserverquecestournéesdurentjusqu’àlafin,enquelque

sorte, de la captivité des aspirants, puisque le dernier rapport date d’août 1944 et que,

commeonl’exposeraplustard,unegrandepartiedesaspirantspartentducampàlafindu

mois d’août 1944. L’activité est donc régulière et fonctionne correctement et les avis des

membresdekommandossonttrèsfavorables.Seloncertainsrapports,onpeutobserverque

latroupethéâtraleestpasséedansleskommandosdeSchlossberg,Insterburg,Angerappou

Heiligenbeil,ainsiqued’autresetlesavisrecueillissonttouspositifs:«Nousavonseuletrès

grandplaisird’avoirdansnosmurs,du23au30mars,latroupethéâtraleducamp54»,«Le

passagedelatroupeducamparéveilléetgalvanisébonnombred’énergie55»,«Partoutoù

ilsparurent,cefutlemêmetriompheéclatant[…]onnepeutques’inclinerdevantletalent

dechacun56».L’orchestreargentin,égalemententournée,parfoisaumêmeendroitquela

troupethéâtrale,reçoitégalementdenombreuxéloges,ayantunsuccèsàpeuprèssimilaire

àceluidelatroupeduthéâtre:«Le11septembre,l’orchestreargentindesAspirantsesttrès

applaudi57»etleschiffresdonnésparundesmembresdecetorchestrementionnentqu’ila

fait132représentations,32tournées,etcelaentroisans58.

Lesavissontdoncunanimessurlesdifférentesreprésentationsduthéâtreetdel’orchestre,

cequipermetainsid’observerquelethéâtreestvéritablementuneexpérienceuniquepour

les aspirants, membres ou spectateurs, d’un grand succès. De plus, on peut observer le

succès de ces représentations par le fait qu’elles s’organisent en dépit des troupes de

théâtres formées par les kommandos eux-mêmes. L’activité théâtrale est une des seules

activités artistiques que peuvent vraiment développer les prisonniers en kommandos,

puisqu’ellesnécessitentunmatérielminimeparrapportàunorchestreouàdesateliersde

peinturesouautresartsmanuelsetpourtant,lesprisonnierslaissentleursplacesàlatroupe

51Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés,Compte rendu de renseignement, Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN52CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN53 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,19/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN54Rapport de l’homme de confiance du kommando E17 à l’homme de confiance principal, 02/04/1944,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN55Servir,N°4,Janvier1943,F/9/2893,DSPG,AN56HommedeconfiancedukommandoE11,Bulletind»information,Janvier1944,F/9/2893,DSPG,AN57Servir,N°1,Octobre1942,F/9/2893,DSPG,AN58DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.53

Page 119: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

118

duthéâtredesaspirants,prouvantainsisonimportance:«ParsuitedelavenueduThéâtre

desAspirants,notretroupen’apasdonnécemois-cidereprésentations59».

Lesgrandesactivitésartistiquesdesaspirantsconnaissentdoncunsuccèsimmense,

quecelasoitgéographiquement,puisquelestournéesfurentnombreusesettrèsétendues

enPrusseOrientale,dansladurée,puisqu’ellessubsistentpendanttoutelacaptivitéouvis-

à-vis des spectateurs eux-mêmes, puisque tous les témoignages recueillis sont élogieux. Il

estainsipossiblededirequel’activitéartistiquedesaspirantsaétéuniqueauregarddela

captivitéengénéraletfutuneexpérienceremarquable.

Figure1:OrchestreargentindeTrasbot60

Figure2:Troupedelareprésentationdel’opéretteAutempsdescrinolinesparlethéâtre

desAspirants61

59Compte-rendumensueldel’hommedeconfiancedukommandoE7àl’hommedeconfianceprincipal,Mars1943,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN60X,PhotosdustalagIA,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN61X,PhotosdustalagIA,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN

Page 120: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

119

II–L’activitéphysiqueetsportive,essentiellepourlesaspirants

Pourungroupedeprisonniersexemptsdetravail,ilestnécessairedeconserverune

bonne activité physique, à la fois pour garder la forme, notamment dans des conditions

plutôtdifficiles,maisaussipours’occuper,enparallèleouàlaplacedesactivitésartistiques

ouuniversitaires.

A–Denombreuxmoyensmisàdispositiondesprisonniers

Lesportestunenécessitépour lesprisonniersdeguerre,notamment lesaspirants,

puisqu’étant dispensé de travail, ils doivent occuper leur temps tout en conservant une

bonneformephysiqueetlapratiquedusportestlameilleureméthodepourpermettrecela.

Cependant,pourvraimentavoir lapossibilitédepratiqueruneactivitébiendéveloppée, il

estnécessaireauxaspirantsd’obtenirlesmoyensderéalisercetteoccupation.

Lesaspirants,lorsdeleurarrivéeaucampIA,ontdupartirdepresquerienpourmettreen

placeleuractivitésportive,puisqueelleétaitnulle62audébutdelacaptivité,notammentcar

le camp était principalement composé d’hommes de troupe, travaillant dans des

kommandos ou autres détachements de travail, n’ayant ainsi pas le temps d’exercer un

sport63. Ainsi, dès leur arrivée, les aspirants décident de développer intensément leur

activitésportiveetilssontégalementaidésparlesresponsablesducamp,commelemontre

l’une des premières actions pour le sport, également symbolique pour les aspirants: «La

suppressiondubarbeléséparantlesblocks1et2,première“amélioration“denotrecondition

de “gefang“, marqua la naissance de l’organisation sportive du camp des Aspirants (mai

1941)64».Ainsi, une foisque les aspirantsontmisenplaceun certainordrepour le sport

danslecamp,ilsdoiventréglerlesdifférentsproblèmesquiseposentàeuxpourlapratique

même.

Lepremierproblèmequiseposeestl’espacepourréalisercesexercices:«L’emplacement

réservé aux sports n’a pas permis jusqu’ici la création d’un stade. Les aspirants disposent

néanmoins d’une place suffisante pour la pratique du basket-ball et du volley-ball. Le

commandantducampenvisagelacréationd’unterraindefootballavecpistecirculaire65.»

62X–DSPG,StalagIA,Février1941,Lieuinconnu,F/9/2878,DSPG,AN63Consulaméricain,STALAGIA,27/08/1940,Stablack,F/9/2878,DSPG,AN64CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9365SCAPINIGeorges,StalagIA,29/07/1941,StalagIA,F/9/2709,MissionScapini,AN

Page 121: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

120

Parlasuite,lesmembresducamptententderéalisercetobjectifetdelibérerl’espace,ce

quiest finalementaccompli:«Onaaménagérécemmentungrandterrainde football66».

Plus tard, un court de tennis est également aménagé pour les aspirants67et même une

patinoirependantl’hiver,réaliséeàl’aidedesautoritésallemandes:«Laconstruirefutune

affaireetl’onvitdespompiersdistribuergénéreusementl’eaunécessaireàl’égalisationdela

surface primitivement peu propice au patinage. 68 » Ce problème d’espace ne peut

cependant pas être réglé complètement, puisqu’il est également nécessaire que l’espace

allouésoitpropiceauxsportsexercés.Ainsi,ilestmentionnéquelerugby,bienqu’ilpuisse

exister dans le camp, n’était que peu joué, puisque l’absence d’herbes sur le terrain,

probablement due aux conditions climatiques difficiles de la Prusse Orientale, est

dangereusepour lapratiquedece sport69. Le rugby sembleêtre le seulexemplede sport

véritablement impraticable à l’Aspilag, outre les sports d’eau, tel que la natation,

logiquementimpossiblepourlesaspirants,etainsi,cesdernierspurentdoncexercertousles

sportsqu’ilspouvaient70.

Cependant,pourexercercessports,undeuxièmeproblèmesepose,l’absencedematériaux

nécessaires, indispensables pour la pratique, que cela soit des ballons pour le football, le

basketballou levolleyball,des raquettespour le tenniset le tennisde tableoumêmede

l’équipementadéquat.Deuxtypesdegroupesentrentainsienjeupourobtenirl’aidedont

ilsontbesoin.Toutd’abord, l’aide laplussignificativeet laplus importanteestcellede la

famille, qui peut envoyer divers objets dans les colis, à la demande parfois même des

prisonniers, et c’est ce qu’ont fait plusieurs des aspirants, par exemplepour la patinoire:

«lespatinsétaientexpédiésparlesfamilles71»oupourletennis:«Lematériel(raquetteset

balles)futenvoyédeFranced’abordparlesfamillesdesAspisdésirantjouer72.».Ensuite,ce

sont différents organismes en charge d’aider les prisonniers de guerre qui récoltent les

moyensd’envoyerdumatérielauxprisonniers,àlasuitenotammentdedemandes,comme

66WENGERDocteur,StalagIA,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN67LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9568LaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN69CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9470 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN71PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN72LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.95

Page 122: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

121

le firent les aspirants73. L’une des ses organisations est notamment le Comité central

d’assistance aux prisonniers de guerre et sa section “Bibliothèques et Jeux“ qui visait à

apporter auxprisonniers cequi était nécessairepour les activités de loisirs dans le camp,

avec notamment des paquets individuels et des paquets dons, groupant les dons de

différentes associations 74 . À la suite de ces demandes, les aspirants obtiennent

effectivementdenombreuxcolisdematérielpourleurexercicedusport:«Ilyadeuxmois,

ilsontreçusquelquesballons,150pairesdechaussuresdesportdontunenvoispécialde50

pairespour lesaspirantsetquelquespairesdegantsdeboxe75.»,«Leséquipementset le

matérielsontfournisparlesAspirantsquieux,lesreçoiventdelaCroix-Rouge76.»ouencore

«obtenirdesenvoisdelaFédérationdeTennisetsurtoutduTennis-ClubdeParisquimitàsa

dispositiondesraquettesetlesballesusagéesrécupérésdanslesdécombresdececlub77.»

Si les aspirants reçoivent du matériel, cela reste toujours insuffisant, comme le

soulignedenombreuses remarquesdes aspirants à cepropos78mais celane les empêche

pasd’exerceruneactivitésportiveintense.

B–Unemanièredes’occuperpendantlacaptivité

L’activité sportive des aspirants a été abondante et diversifiée, puisqu’ils ont pu

pratiquerdemultiplessports,surunelonguepériodedetempsetàunrythmesoutenu,et

celaétaitunedeleursseulesoccupations,étantexemptsdetravail.Selonundesaspirants,

lebut recherchépar cetteactivitéétait: «occuper,distraire, conserver la “forme“avec la

santé,enprévisiond’uneréadaptationàlavienormalequi,aprèscinqannéesdecaptivité,

nepouvaitmanquerd’êtrepéniblepourlamajeurepartiedesprisonniers79.»

Ainsi,pouratteindrecebut,différentsgroupesdesportémergentauseindel’Aspilag.Selon

plusieurstémoignages,lesdifférentsgroupesétaient:lefootball,lebasketball,letennis,le73CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9374Comitécentrald’assistanceauxprisonniersdeguerre,Rapportd’ensembleOctobre1940–Décembre1941,SD,Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN75 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN76 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN77LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9578 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,04/02/1944,F/9/2912,DSPG,ANService d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement, Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN79CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.94

Page 123: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

122

tennisdetable, l’athlétisme,lejudo,l’escrime,laboxe,lalutte, lerugby,lapelotebasque,

les boules lyonnaises, le handball80et même un club de voile, où, bien que la discipline

n’étantpaspratiquée,desméthodesetastucessur lesportétaientévoquées81.Bienqu’ils

soientencaptivitéetqu’ilssonteux-mêmeschargésdel’organisationdeséquipessportives,

les aspirants restent fidèles aux règles sportives, et ainsi, il est nécessaire d’être certifié

médicalement par un des médecins français de l’infirmerie pour pouvoir participer aux

activités sportives. La plupart passent le test sans problème,mais certains, probablement

trop affaiblis par les conditions de la captivité sont restreints, voirmême interdits à une

quelconqueactivité82.Silesaspirantss’exercentàcesdifférentssportsquandilslepeuvent,

levraiintérêtquiyestportéestlorsd’évènementsparticuliers.

Pendant la durée de leur captivité, les aspirants ont instauré des fêtes sportives ou des

compétitions, n’impliquant qu’eux ou en lien avec les autres prisonniers de la région

alentour. L’un des meilleurs exemples de fêtes sportives est une réunion d’athlétisme,

prévuepourle14juillet1941.Lesaspirantsrencontrèrentdiversobstacles,notammentcar

les Allemands voyaient cela comme un moyen de célébrer leur fête patriotique, mais

réussirentàorganiser leursévènements.Celafutunegranderéussite:«Afind’augmenter

l’attraitdanschaqueépreuve,nouschoisissons laformuleparéquipesavecclassementpar

points,cequinemanquapasdestimulerl’espritd’équipe,defairevibrerlessupportersetde

“meubler“ quelques soirées par des discussions passionnées83.» L’enthousiasme que cette

rencontre créa et le succès qu’elle obtint entraine sa reconduction les deux années

suivantes, à lamême date, prouvant également que l’attrait aux sports ne faiblit pas. De

plus,descompétitionsenfootball,enbasketballoud’autressportsd’équipes’organisentet

elles sont de différents types: «Elles opposaient sous forme de tournoi les 6 baraques

d’aspis84»,«Desrencontresavaientlieuentreéquipedebaraques,deblocs,derégions,ce

quiamenaitplusdediversité85»,«LesAspirantseurentdenombreusesfoisleursréputations

80LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,ANCARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.93-9481J.M., «La voile à Stablack ou de la navigation en chambre », Le camp des Aspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9682CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9383CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9384DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN85COULAUDHenri,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 124: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

123

à défendre contre des équipes du camp des hommes: française, belge et polonaise, ainsi

qu’au cours de déplacements effectués à partir de 1943 à Bartenstein, Eylau, Königsberg,

stalagIB,etc.86».Ainsi,enplusdepouvoirlesgarderenforme,lesportétaitégalementun

moyen de socialisation pour les aspirants, leur permettant, un minimum, de sortir de

l’isolationdu camp,etdoncde sedivertir, toutenétablissantdes contacts. Lesdifférents

témoignages présentent en plus le fait que les aspirants étaient compétents dans une

grandepartiedecessports, telque lebasketball:«Lasectiondebasketball s’auréolades

plusbellesvictoires.LasélectionAspis[…]semontraimbattable…enPrusseOrientale87»,le

tennis:«j’aipuobtenirdelaFédérationdeTennisàlafinde1944leclassementofficielpour

1945deplusieurs joueurs de Stablack88» ouencore le football: «Nous jouions ce jour-là,

contre la toute redoutableéquipe I desaspirants89». Il estpossibled’évoquer l’hypothèse

que ces victoires ont encore plus permis la pérennité de l’activité sportive, qui continue

jusqu’àlafindelacaptivité,contrairement,parexemple,auxéquipessportivesducampdes

hommesdetroupe90.

Figure3:Équipesdefootball

86CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9487CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9488LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9589X,«Uneruderencontrefranco-belge»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.95,72AJ/2632,AS,AN90CCPPG,StalagIA,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 125: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

124

Avant ledébutdescompétitions, lesdifférenteséquipes,d’athlétismesetdefootball,sont

présentées au commandant du camp91, mettant ainsi en avant un aspect officiel de ces

rencontressportives.

Figure4:Équipesd’athlétisme

C–Lerattachementdusportauxétudesetàl’université

Le sport provoque un tel engouement à l’intérieur du camp des aspirants que les

autoritésenchargedecesprisonniers,ainsiquedel’université,décidentd’yprendrepartet

ainsi,demêlerlesportauxétudes.

Lapremièreétapepourinstaurercelienaétémiseenplaceen1941,enmêmetempsque

l’université. En effet, alors que les différentes sections de l’université s’organisent, une

section sportive est également établie, l’Institut d’Éducation Physique. Il est créé par un

professeur d’éducation physique, Paul Fauré, et se joignent à lui deux professeurs de la

mêmediscipline,JeanAudouyetJeanMathet,ainsiqu’unprofesseurdesciences,Bernard

Leblond92.LescoursdispenséssuiventainsilesmêmesprincipesquisontinstruitsenFrance,

parlesresponsablesdel’Éducationgénéraleetsportive(EGS),avecuneapprochethéorique

et tactique du sport et ils sont dispensés pendant toute la journée, pour tous ceux qui

91X,«Lessports»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume2Images,Paris,1995,p.61-71,72AJ/2632,AS,AN92LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN

Page 126: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

125

désirentyassister93.Peuderapportsexistentàproposdufonctionnementdecetinstitutet

ainsi,unseulpermetdenousinformersurletauxdefréquentationdel’Institut:«75à80%

del’effectifparticipentsoitàcescours,soitàdesjeuxsportifs94».S’iln’yaaucuneprécision

sur l’effectifdont ilestquestion, ilestpossibledeconjecturerquec’est l’effectif totaldes

aspirants prisonniers de guerre à l’Aspilag, preuve ainsi que le sport suscite un grand

enthousiasmeetunemotivationchezlesaspirants,mêmesicen’estquedusportthéorique,

parlebiaisdescours.Enplusd’apporteruneformationpourunbonnombred’aspirants,ces

courspermettentégalementd’obtenirunequalificationofficielle,telquelebrevetsportif:

«Lebrevetsportifaétédécernéàdenombreuxaspis95».

Les qualifications plus importantes, tel que le Certificat d’aptitude au professorat

d’éducation physique et sportive (CAPEPS), ne peuvent être obtenu qu’au retour de la

captivité. Cependant, cela n’empêche pas les autorités françaises demettre en place une

méthode pour y préparer les prisonniers de guerre pendant leur captivité. Ainsi, le

commissairegénéralàl’EGSdécidedoncdemettreunprogrammeenplace,dontilexplique

l’origineparlebiaisd’uncommuniqué:

«Touslesrapportsquiparviennentdescampsdeprisonniersdeguerresignalentlaplaceimportantetenue

danslesactivitésdesprisonniersparlapratiquedel’éducationphysiqueetdessports.(...)LeGouvernementde

laRévolutionNationaleaapportéuneréforme importantedans l’éducationde la jeunessepar l’introduction,

dans les programmes et emplois du temps des établissements d’enseignements de disciplines nouvelles

appelées:«Activitésd’ÉducationGénérale».(...)C’estpourquoi j’ai l’honneurdevousdemanderd’envisager

dans votre camp l’organisation de stages d’éducation générale et sportive à l’intention de vos camarades

professeursetinstituteurs96.»

Ainsi, pour réaliser cet objectif, ils distribuent un programme, constitué des différentes

qualificationsàvalider,maisonpeutobserverqu’ilnesemblepasyavoirdevolontépour

l’ajuster à la situation des prisonniers de guerre. Si les autorités françaises cherchent à

formerdesfutursmoniteurspourlaRévolutionNationale,ilsneprennentpasencompteles

conditions de captivité des prisonniers, puisque parmi les disciplines, on retrouve la

natation,seulsportimpossibleàpratiquerpourlesaspirants,dufaitdeleurcaptivitéetde

sa localisation.Cependant, il estaussipossibled’avancer l’hypothèseque lesmembresde

93SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN94SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN95SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN96Commissairegénéralàl’éducationgénéraleetauxsports,Lettreauxofficiersethommesdeconfiancedanslescampsdeprisonniersdeguerre,Vichy,10mars1942,SDPG,AN,F/9/2310

Page 127: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

126

l’éducationnationaleontadaptéà lacaptivitécesqualifications lorsque lesprisonniersde

guerre l’ontpassé, ouque cela ademandéuneprolongationdu tempsdepréparationau

retourdelaguerre.Néanmoins,onpeutobserverquedesprocédéssontmisenœuvrepour

permettreauxaspirantsprisonniersdeguerredesepréparerauretouràlavieactiveaprès

leurretourdecaptivité.

Parconséquent,onpeutdoncobserverque lesportaeuunegrandeplacedans la

captivité des aspirants, probablement aussi importante que les activités artistiques,

puisqu’elleregroupeunepartconséquentedesprisonniersdel’Aspilag.Ellel’estégalement,

au regard de la captivité en général, puisque selon une lettre du commissaire général de

l’EGS, le stalag IA fait partie des meilleurs camps vis-à-vis du sport: «l’activité et les

réalisationssportivessontremarquables97»

III–Lesactivitésartistiquesetculturelles,rattrapéesparlesréalitésdelacaptivité

Silesaspirantsontpuaménagerleurcaptivitéetmettreàleursdispositionsdiverses

ressources pour achever cela, ils restent tout de même internés, dans des conditions

généralementdifficiles,quiserappellentàeux,àdemultiplesreprises.

A–Descomplicationscauséesparlesconditionsdevieducamp

Les activités artistiques et sportives permettent aux prisonniers de guerre de

s’occuper lecorpset l’espritetd’oublier,pendantuntemps, lacaptivitéet toutcequ’elle

implique. Elles constituent un moyen de se détacher des réalités de l’internement, mais

l’objectifn’estpastoujoursatteint,etlesconditionsdeviedifficilesducamponttendanceà

serappelerauxprisonniers.

Leproblèmemajeurdans laviedecampdesaspirantsest la localisationde leurstalag.En

effet, ce dernier est situé en Prusse Orientale, le plus à l’Est pour les Allemands et la

captivitéestdoncmarquée,commeonadéjàpulevoir,paruntempsplutôtrude,dèsque

l’étén’estpluslà.L’hiverestunesaisonfroide,quidescendàdestempératuresnégativeset

plutôt basses (jusqu’à -35°), dont les prisonniers n’ont pas l’habitude et qui, en plus de

compliquer leur situation habituelle de captivité, met également un frein aux activités

artistiquesetsportives.Dans ledomainesportif, touteactivitéestabandonnéependant la

97 Commissaire général à l’éducation générale et aux sports, Lettre à Son Excellence Monsieur Scapini,05/09/1941,Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN

Page 128: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

127

saison,etmêmeàl’automneetauprintemps,lestempératuresétanttoujourstropfroides:

«il fallait uneactivité sportive, toutaumoinspendant les troismoisd’été, car le restede

l’année, il était difficile de faire quoi que ce soit à l’extérieur des baraques98 », «les

conditions climatiques n’autorisent pas la pratique des disciplines sportives en dehors des

trois mois d’été99». Si ce problème est plutôt évident vis-à-vis du domaine sportif, les

températures ont également influencé la teneur des activités artistiques, se déroulant à

l’intérieurdebaraques.Durantl’hiver1941-1942,latempératuredescenditjusqu’à-25°et,

enplusd’interrompre l’université, lemanquedechauffagecauseégalement l’interruption

delatroupedethéâtre,pourtantoccupéedepuisquelquestempsàlapréparationdedeux

piècesdethéâtre100.

De nombreuses autres situations problématiques liées au camp et au déroulement de la

captivité se posent également aux prisonniers de guerre, mais elles n’ont pas toutes les

mêmesenvergures.Certainessituations,bienqu’ellessoientdésagréablesoudérangeantes

pour le prisonnier, n’empêchent pas la pratique de son activité, mais représentent

simplement un inconvénient qui n’existe qu’à cause de la situationmêmede la captivité.

Ainsi,undesaspirantsfaitpartd’uneanecdoteluiétantarrivéependantunerépétition:

«Unaprès-midi,j’étaisseuldanscetteSalle,entraindetravaillerleConcertopourflûte,enrémajeur,de

Mozart. Il faisait chaud, et jem’étaismis en short. Aubout d’un instant, je ressentis des démangeaisons au

dessousdesgenoux…etjevis,auborddemesmi-bas,plusd’unecentainedepetitspointsnoirs:c’étaientdes

puces,qui“parl’odeuralléchée“,s’étaientmisesàtableautourdesjambesduflûtistesolitaire!...Ungestede

la main, et toutes ces bestioles sautèrent dans toutes les directions, et je fus tranquille … pour quelques

instants!101»

Cetévènement,subiparleprisonnier,montreainsiquelesdifficilesconditionsdeviedela

captivité,telquel’hygièneplutôtmauvaisedesbaraques,peuts’insérerdanslapratiquedes

activités artistiques et même si elles ne les empêchent pas, elles mettent en place de

mauvaisesconditionspourpratiquersereinementcesactivités.

Si cette situation n’est qu’une simple contrariété dans la pratique des activités, d’autres

interrompentcomplètementtouteoccupationpour lesprisonniersdeguerre.Leproblème

majeurestainsil’espacedisponibleàl’intérieurducamp.Rapidement,lethéâtre,ainsique

98CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9399LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physiqueau stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN100X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIA,19/01/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN101STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.87

Page 129: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

128

les autres activités artistiques, ont reçu une baraque, pour permettre de répéter leurs

spectaclesetdepréparerlesreprésentations.Siaudébutdelacaptivité,larépartitionentre

hommesdetroupes,aspirantsetactivitéss’estfaitesanstropdeproblème,lesannées1943

et1944impliquentl’arrivéedenouveauxprisonniersdeguerre,commeaveclacapitulation

desItaliensenseptembre1943102.L’arrivéedecesnouveauxprisonniersimpliqueuneperte

d’espace pour les aspirants: «Le camp disposait d’un théâtre bien installé et d’un

orchestre[…] Toutes ces facilités sont suppriméspour lemoment, lespiècesutiliséesà cet

effet devant servir de cantonnement pour de nouveaux arrivés. Toutes ces installations

reprendront leurs activités aussitôt que possible.103». Selon un rapport quatre mois plus

tard,lasituationnesembletoujourspascomplètementréglée:«Lemanquedeplacedans

les baraques rend les manifestations artistiques plus difficiles104». Si cela représente un

inconvénientassezsérieuxpour lesaspirants,puisqu’il limitegrandement leurspossibilités

derépétitions,uneautrecomplication,beaucoupplusimportante,seprésenteauxaspirants

etestuneconséquencemajeuredecemanquedeplace.Durant l’année1944, la sallede

musiqueesttransféréedansunedesanciennesbaraquesducampetpeuaprès,unincendie

éclate, provoquant la destruction des instruments demusique, ainsi que du piano et des

partitions105et réduisant ainsi en poussière une grande partie de l’histoiremusicale de la

captivitédesaspirants.

Enfin, un dernier problème se pose aux aspirants, mais il ne concerne que la troupe de

théâtreetl’orchestreargentin,c’est-à-direlesdeuxgroupesétantpartisentournéedansles

kommandos.Si lecampdeprisonniersest relativementprotégédescombatsde laguerre

pendant la captivité, les kommandos le sontmoins, etdes combats aériensontprovoqué

l’annulationd’unedestournéesduthéâtre:«UnautredéplacementàTilsitaétéajournée

en raisonde ladestructionde la sallede représentationpar lesbombardements106».Bien

qu’aucunautreexempledecetypenesoitdonnédanslesautresrapports,celarappelleles

aspirantsàlaréalitédelaguerreetàlasituationdanslaquelleilssont.

102DURAND Yves, La Captivité : histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,p.428103BUBBW.,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN104CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN105STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.88Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN106CCPPG,STALAGIA,07/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 130: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

129

Ainsi,l’unedescraintesobservéesdanslapratiqueduthéâtreparlesprisonniersest

: «de progressivement s’adapter à sa condition de captif, voire de l’oublier, à force de

s’adonnerà lapréparationdespectacles,etdesecouperdéfinitivementde lavieréelleen

recréantauseinde l’universdéjà facticeducampunmondedefuiteetd’illusions107».Les

différentsproblèmesd’hygiène,decantonnement,d’accidentsetdetempératuresfontque

l’aspirant n’oublie jamais qu’il est en captivité, et l’évasion qui est recherchée par cette

pratique ne dure que pour un bref moment, avant que la captivité ne rattrape les

prisonniers.

B–Desactivitésdépendantdel’immixtiondesAllemands

Lesconditionsdeviede lacaptivité jouentunrôleparticulierdans ledéroulementdes

activités des prisonniers, mais, même sans elles, ces activités peuvent rencontrer des

obstacles. En effet, les Allemands, en tant que vainqueurs de la guerre et gardiens des

prisonniers, interfèrent dans certaines des décisions des groupes d’activités ou tentent

d’imposerdesidées.

SilesAllemandsdonnentunelibertéplutôtgrandeauxprisonniersdeguerrepourorganiser

leurs activités, comme cela est évoqué dans la Convention de Genève:«Les belligérants

encourageront lepluspossible lesdistractions intellectuellesetsportivesorganiséespar les

prisonniersdeguerre108»ettelqu’ilsfontenleurfournissantunebaraquepourpratiquerou

en permettant des tournées en kommandos, ils ont également la possibilité, dès qu’ils le

veulent,d’arrêteroud’interromprel’activitéetcelaaétéfaitàplusieursreprises.

L’undesmeilleursexemplessurcepointlàestlecasdelacensure.L’idéologienazie,surle

planculturel,amèneàunerestrictiond’ungrandnombred’œuvresetd’auteursetcelapeut

ainsis’observerpourlatroupedethéâtre.Eneffet,ellechercheàprésenterunmaximumde

pièces, pour diversifier son contenu,mais tout nepeut pas être représenté, commenous

donne en exemple un des aspirants: «Cela vous amusera peut être de savoir que, en

octobre 1941, nous avons commencer à répéter “Les chevaliers de la Table Ronde“ de

107GILLET Patricia, «Le théâtre dans es camps de prisonniers de guerre français, 1940-1945», Théâtres etspectacleshieretaujourd’hui:Époquemoderneetcontemporaine,Éditionsducomitédestravauxhistoriquesetscientifiques,Paris,1991,p.265108Article17,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR

Page 131: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

130

Cocteau,pourapprendreauboutde15jours,queCocteauétait interditenAllemagne109».

La censure touchait aussi les pièces qui montraient un sentiment pro-anglais, comme se

pouvaitêtrelecaspour“VignesduSeigneur“ou“LesupplémentauvoyagedeCook“,perçu

demanièredéfavorable,alorsquel’Angleterreetl’Allemagneétaientenguerre.Àd’autres

reprises, c’est simplement la perception qu’apportent certains moments d’une pièce qui

provoquent l’interdiction de la représentation, tel qu’une apologie au suicide dans

“Eurydice“110.Pourlecasdel’orchestreTrasbot,estmentionnélefaitquelesAllemandsleur

ontdemandédenepasfaireunsketchsurCharlotcar«IlressembletropànotreFührer»et

que cela fut «la seule et unique fois qu’une censure nous fut imposées par les autorités

allemandes111».Cettecensurepeutégalementêtreobservéed’unecertainemanièrepour

lecasdudomainesportif,notammentlorsquelesgardesallemandsvoulurentempêcherles

aspirantsd’organiser leur fête sportive le14 juillet, suivant le fait quec’est : «le prétexte

d’unrassemblementpatriotique»etcelacontinuelelendemain,lorsqu’ilsobserventlemât

dresséaucentredeterrain112.Finalement,c’estgrâceàungrandmoyendepersuasiondela

partdesaspirantsenchargequ’ilspurentorganiserleurévènement.Ainsi,silacensuren’est

pas obligatoirement imposée, les Allemands ont véritablement le pouvoir d’entraver les

actionsdesaspirants.

Outrelacensure,quinefaitqueralentirlapratiquedesactivitésartistiques,lesAllemands

utilisaient aussi ces activités comme moyen de répression. Cela pouvait concerner

simplement lesprisonniersdeguerreétrangers, commece fut le casparexemplepour la

baraqueduthéâtre.Àpartirdel’année1944,lafusionduthéâtredesaspirantsetduthéâtre

ducampfitquelabaraqueduthéâtredesaspirantsdevintégalementcelledeshommesde

troupe, cequi impliquait un trajetd’un campà l’autre. Pouréviter lesproblèmesetpour

être sûrsde faire respecter l’ordre correctement, les allemands installentune sentinelleà

l’entréedelabaraque,ainsiqu’uncontrôleaccru; lesrussesetlesitaliensontinterdiction

d’entrer dans la baraque113et il faut êtremuni d’unbillet pour avoir accès à la salle114. Il

existedonciciuncontrôlestrictdesAllemandsquipermetdelimiterunminimumcetaccès109HENRYPierre,«Enlibertésurveillé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.84110HENRYPierre,«Enlibertésurveillé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.84111DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.38112CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.93113Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN114Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN

Page 132: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

131

aux arts, mais ce contrôle peut parfois aller plus loin. Dans un seul cas, d’après les

témoignages fournis, les gardes allemands ont utilisé les pratiques artistiques du camp

commemoyenderépression.Silesaspirantsn’ontgénéralementpasderaisondes’opposer

auxgardesallemands, celaarriva lorsdu casde lamoisson:«Estarrivée lapériodede la

moisson.Lesallemandsdemandèrentlesvolontaires,cenefutpasunsuccès,carilsvoulaient

350volontairesminimum,etn’eneurentque200.Enpunition,ilsdécidèrentdesupprimerle

cinéma aux aspirants pendant les moissons. Mais le cinéma continua pour le reste du

camp.115»Onvoitainsiiciquec’estvéritablementunepunitionciblée,quiviseàmettrela

pressionauxaspirantspourquelesAllemandspuissentobtenircequ’ilsveulent.

SilesAllemandsontdoncunpouvoirdepressionetdecontrôlesurlesprisonniersde

guerre, on peut observer qu’ils ne l’utilisent réellement que très peu. Cela peut ainsi

montrerà la foisunebonnecoopérationentre lesgardeset lesaspirants,maiségalement

peut-êtrel’attraitqueportentlesgardesallemandseux-mêmes,àcequefaitl’aspirant,soit

l’intérêtqu’ilspeuventporteràleursspectaclesoudémonstrationssportives.

Les aspirants ont donc connu une vie culturelle et sportive très intense, rythmée

notammentpar l’activité soutenueetétenduede la troupede théâtredesaspirants,ainsi

que par l’orchestre argentin Trabsot,mais également par les différentes compétitions de

basketball,footballoutennisetlesrencontresavecd’autresprisonniersdanscecadre.Par

ce rythme d’activités, on peut ainsi observer que, si certains des éléments de la vie des

aspirantspeuventquelquesfoiss’apparenteràlavied’unstalag,cetaspectparticuliertient

plutôt de la vie d’un oflag et de ses officiers. Tout comme lesmilitaires de ce grade, les

aspirantsdisposentd’unelargepériodedetempsdansleurjournéepours’entraîneroupour

répéterleursspectacles.

Cependant,s’ils ressemblentpourbeaucoupàcequefont lesofficiers,quelqueséléments

les distancent d’eux et en font à nouveau une captivité unique, au sein des camps de

prisonniers.Lesaspirantsontpratiquéàpeuprèstouslessportsquileurétaientpossibles,

commelementionnentdesrapportsetdestémoignages.Certainsdesartistesontpuêtre

employés comme travailleurs grâce à l’art qu’il pratique et de plus, certaines des troupes

115CHERONHenri,«Devantl’écrandu“Stablack-Palace“»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.92

Page 133: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

132

connurentdegrandes tournées, allant jusqu’à faire le tourde laPrusseOrientale,n’étant

presqueplus jamaisdans lecamp,cequimontreainsiunegrandelibertéaccordéepar les

gardesallemandsauxaspirants.Deplus,lapérennitédelavieculturelle,quicommençadès

l’arrivée en captivité à Stablack et qui continua presque jusqu’au départ d’une partie des

aspirants ou l’arrivée des Russes pour la libération rend cette situation encore plus

exceptionnelle, puisque cela permet d’exposer encore plus l’importance que l’on peut lui

donner.

Cette part de l’expérience des aspirants prisonniers de guerre en captivitémontre

encoreplussonampleuraprèslafindelacaptivité,puisqu’ilsemblequelalibérationn’afait

qu’interromprelesactivitéssportivesetartistiquesdesaspirants.Eneffet,aprèsleretouren

France, les aspirants renforcent leur lien par la création de l’Amicale des Aspirants de

Stablack,aveclaquelleilsorganisentdenombreuxrassemblements,pourseremémorerleur

tempsencaptivité.Ainsi,ilsfontcelaparexempleavecunedesactivitéssportivescommele

tennis: «Jeme rappelle également qu’en 1952, Charlot avait organisé au Tennis-Club de

Levallois au tournoi Aspi116» ou avec une des activités artistiques, tel que le théâtre:

«“Princesse Aurore“ passant par Roubaix viendrait nous retrouver aujourd’hui! Quelle

chance, laporten’étaitpasbien ferméeet le“ThéâtredesAspis“ fait sa réouverture…117»

Onpeutobserverque l’enthousiasmeest toujoursprésent et les souvenirs semblent tous

heureuxet joyeux,cequipermetdoncd’expliquerà lafois laraisonde laprolongationde

ces activités pendant la captivité mais aussi l’engouement que les aspirants ressentent

toujoursàl’idéed’enreprendrelesfondements,mêmepouruncourtintervalledetemps.

116LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.95117HENRYPierre,«Vuparsestroisdirecteurs»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.83

Page 134: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

133

TITREVI:LesaspirantsetletravailUnequestiondecirconstances

«Ilapparaîtquelebutpropreetuniquedelacaptivitédeguerre,celuidepriverle

soldatennemidetoutepossibilitédecontinuerlecombatenluiassurantdesconditionsde

viesuffisantes,aétéentièrementdominéparunautre:lamassebigarréedessoldatscaptifs

devientpourl’Allemagneunfacteurimportantdesonéconomiedeguerre1»

LesAllemandsontlapossibilitédedisposerdesprisonniersdeguerrecommeilsle

veulent,pourquecelasoitbénéfiquepoureux,maisilsonttoutdemêmedeslimites.En

signantlaConventiondeGenève,ilss’obligentàrespecterlesrèglesétabliesetparmicelles-

ci,ilsdoiventopéreruneimportantedistinctionvis-à-visdelahiérarchiemilitaire.S’ils

peuventdisposercommeilsleveulentdeshommesdetroupe,ilsdoiventrespecter

certainesexigencespourlecasdesofficiersetsous-officiers,notammentlorsqu’ils’agitdu

travail2.Pourlecasdesofficiers,ilsnepeuventlesmettreautravailquesicesderniersle

demandentetsuivantleursrequêtespersonnellesetpourlessous-officiers,ilsnepeuvent

paslesforceràcertainstypesdetravaux.

Cependant,ilexisteunecatégorieentrelesdeux,inconnuedesAllemands,les

aspirants,dontlarèglementationdutravails’accordeplusàcelledespremiers,maispeut

parfoisêtreassimiléeàcelledesseconds,cequiposedenombreuxproblèmes.Toutaulong

deleurcaptivité,letravailauneplaceprépondérantepourlesaspirants,quecelasoitde

manièrecomplètementinvolontaireouparunchoixréfléchi,bienquecelanesoitpasen

accordcompletaveclesdroitsqu’ilspossèdent.Ainsi,ilestpertinentdesedemanderpour

quellesraisonslesaspirantsontdécidédes’engagerpourdiversemploishorsducamp,

comptetenudeleurpositionetleurgrade.

1BILLIGJoseph,«Lerôledesprisonniersdeguerredans l’économiedu IIIèmeReich»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,10eAnnée,No.37Surlacaptivitédeguerre(Janvier1960),p.532Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR

Page 135: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

134

I–Uneoppositionfermedutravailparlesaspirants

Danslespremierstempsdelacaptivité,lesaspirantonttoujourseuuneopinion

plutôtsemblablesurletravail,c’est-à-direqu’ilsrefusaientd’yprendrepart,considérant

quecelaallaitàl’encontredeleurplacedanslahiérarchiemilitaire.

A–Unsouvenirgénéralementdésagréabledescampsprécédents

Lesaspirantsontconnudenombreusesdifficultésavantdepouvoiratteindre

l’Aspilagetcommencerleurcaptivité,tellequ’elledevaitsedérouler.Ilsontconnutourà

tourdesoflagsetdesstalagsetleurqualificationhiérarchiqueparrapportàlaConvention

deGenèveasouventposéproblème,etnotammentpourlecasdutravail.

LasituationdesprisonniersdeguerretravailleursaétéposéeparlaConventionde

Genèveàl’article273etelledésignelesgradésquipeuventêtreexemptésdetravail.

Commeonl’adéjàvuàdenombreusesreprises,lesaspirantsétaientreconnusaudépart

commedesofficiers,puisfurentexpulsésversdesstalagscommesous-officiers.Laquestion

dutravail,pourcegradedeprisonniers,intervientàpartirdecettepériodeetlesréponses

trouvéesnesontpastoujoursfavorablesauxaspirants.Ilexistedenombreuxcasoùunefois

arrivésenstalag,lesaspirantsformentunepetitecommunauté,qu’ilssoientnombreuxou

non,laisséeenpaixparlesresponsablesducamp,quiontpucomprendreetassimiléeleur

gradeparticulieretcettecaptivitéestdoncplutôtordinairepoureuxetserapproche

probablementdecequ’ilsviventparlasuitedansl’Aspilag.Ensuite,onretrouvedescas

beaucoupplusrares,deprisonniersquiontdécidéd’allertravailler:laraisonestsouventla

mêmequel’onretrouveraparlasuitechezlesaspirants,c’est-à-direl’enviedecombattre

l’ennuiquis’installeencaptivité4.Enfin,lederniercasetceluiquiaposéleplusde

problèmesauxaspirantsaétéceluidel’obligationd’allertravailler,enfonctionducampoù

ilssetrouventinternés,commelementionneplusieursaspirantsdemanièregénérale:

«Toutdépendaitdel’intensitédelapressionallemande,deladuretédelavieaucamp,de

l’étatd’esprit[…]Uncasparticulierestcependantàsignaler,celuiduStalagIIB,oùles

aspirantsontétéexpédiésdeforceenkommandos5»ouplutôtpersonnelle:«J’aitoujours

3Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR4SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.225SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22

Page 136: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

135

faitpartiedesréfractaires“jusqu’auboutistes“autravailpourleGrossReich.Jen’yaitété

contraintquelabaïonnettedansledos6».Sicegroupenereprésentequ’uneminoritéau

seindesaspirants,ilrestetoutdemêmeleplusimportant,puisqu’ildémontreclairementle

problèmedesaspirantspendantcettecaptivité.LesAllemandscherchentpartousles

moyensàtrouverdelamaind’œuvreetvontmêmejusqu’àpasseroutrecertainsdroits

basiquesdesprisonnierspourl’obtenir,commelesaspirantsetleurrefusdutravail.

Lasituationconnaîtcependantuntournantrapidepourlesautoritésallemandesavecle

regroupementdesaspirantsdansunmêmecamp,puisquecelametenplaceunevéritable

unionetunecommunautéentretouscesprisonniers,quidéveloppentunmeilleurmoyen

depressionpours’opposerauxAllemands,commecelaavaitpuêtrelecasdanscertains

stalagsoùavaientétéplacésdesaspirantsaudébutdelacaptivité7.

B–L’Aspilag,unmoyend’affirmersapositiondanslahiérarchiemilitairefrançaise

Aprèsdenombreusesdémarchesetplusieursdifficultés,lesAspirantssontenfin

envoyésdansuncampcrééspécialementpoureuxàpartirdemars1941etpendantles

moisquisuiventetilssaisissentcetteoccasionpourrenforcerleurstatut.

Commeonadéjàpuleremarquer,lesaspirantsavaientsupposémentétéenvoyés

danscecampdeStablackpourreprésailles,demanièreàpunirlamajoritédeleur

comportementdanslesstalags8maislasituationchangerapidementenfaveurdesfrançais.

Eneffet,parlacréationdececamp,touslesaspirantssontrassemblésaumêmeendroit,

unegrandepartieretrouvantd’ailleursdesconnaissancesdelycéesoud’écolessupérieures

etainsi,unegrandecommunautésecrée9.Celaentrainedepluslaformationd’ungroupe

depressionbeaucoupplusimportantquedanslesstalags,puisqu’ilyaunegrandeunitéet

unecohésiondegroupequidonneunpoidsplusconséquentcontrelesAllemandsetcelase

traduitnotammentpourlecasdutravail:

«Vingtfois,Hartmannm’ademandéd’insisterauprèsdesAspispourqu’ilsacceptentd’allertravailler.

AveclesCommandantsdeCompagnieetlagrandemajoritédescamarades,j’étaisd’avisquenousnedevions

pascédersurcepoint.Nousétionsenluttepourfaireadmettrenotrequalitéd’officier.Enacceptantd’aller

travailler,nousaffaiblissionsnotrethèse,nousn’étionspluslogiquesavecnous-mêmes.Certainscamarades

6DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.177SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.228SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22-239SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.26

Page 137: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

136

étaientvenusmedireleurdésirdepartirenkommandopouréchapperàl’ennuiducamp.Jelesenaitoujours

dissuadés.C’eutétédangereux.Plustard,lescirconstancesfurentdifférentesmaisdanscespremiersmois,où

toutétaitàconstruire,ilnefallaitpasromprenotrehomogénéité;lamoindrefissuredansnotreblocpouvait

toutfaireécrouler.Pendantcettepériode,aucunAspinepartitenkommando10.»

AveccettelogiqueutiliséeparCharrier,onpeutainsiexpliquerunedesréactionsqueles

aspirantsauraienteuesàl’arrivéed’ungroupedeprisonnier:«Ànotreconnaissance,dans

unseulstalag,leXIA,ungroupeimportant,minoritétoutefois,choisitlekommando.Ilen

résultat,d’ailleurs,lorsduregroupementdemars1941,uncertainmalaise.11».Eneffet,

pourungroupequiessaiedefairereconnaîtresonstatutd’officieretdoncd’obtenirun

certainrespectaveclesAllemands,accepterd’êtrevolontaire,engroupe,pourdutravail,

sembleêtreunemauvaisereprésentation.

IlapparaitqueCharrieraeffectivementréussiàfaireacceptercetteprérogative,puisque

lesdifférentsrapportsdedépartsenkommandosn’interviennentqu’unanplustard,alors

quelacaptivitécommenceàdevenirpluspesantepourungrandnombre12ouavecl’arrivée

duGénéralDidelet,quiestdansunepolitiquedecollaborationaveclesAllemands,donc

bienéloignédecequerecherchentlesaspirants13.Ainsi,pendantlapériodedecaptivitéqui

suitl’arrivéeaucamp,lesaspirantsn’exercentquedeuxtravails:ilsontdesresponsabilités

auseinducampquipeuventêtreconsidéréescommeunemploi,telqueletriagede

courrier14ouilspeuventsimplementêtredesétudiantsoudesprofesseursdel’université

quisedéveloppeintensémentverslafindel’année1941.

Parconséquent,unefoisarrivésàStablack,lesaspirantsprisonniersréussissentà

faireadmettreleurstatutetleursdroitsetcesystèmefonctionnecorrectementjusqu’àl’été

1942,oùlesaspirantsserontrecrutésdeforcepourlesmoissonsenPrusseOrientale.

10CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.4911SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2212FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN13LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN14GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.15

Page 138: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

137

II–Lesmoissons,méthodescoercitivespourfairetravaillerlesaspirants

Lamoissonaétéletravailleplusanormaldesaspirants.Ilsn’ontaucuncontrôlesur

leursdépartsdanslesfermesetpartentavecunsentimentdecolèreetd’indignation.

Cependant,auretour,lesentimentestplusvarié,puisqu’unegrandemajoritérevientavec

unavisfavorablesurcetteexpérience.

A–Unconceptmensongerde“volontaires“

Lesaspirantsontétéenvoyésàtroisreprisesdanslescampagnesprussiennespour

fairelesmoissons:en1942,1943et1944.Silamoissonde1944estplutôtordinaire,carles

Allemandssepréparentàl’évacuationd’unepartieducampetdesaspirants15,lesdeux

autresmoissonssedéroulentdifféremmentmaisontunaspectidentique:lesaspirants

n’étaientjamaisvolontairespourparticiperàcesmoissons.

Lepremierenvoipourlamoissonsedérouleàl’été1942.Lasituationaucampest

plutôtbonne,l’universités’estdéveloppée,ainsiquecertainesautresactivités,etles

aspirantsn’ontpasderaisonsdevouloirpartirautravail,alorsqu’ilbénéficied’unrégime

d’oflag,plutôtagréablepoureux.Cependant,c’estégalementlapériodeoùlesAllemands

commencentànécessiterunequantitédemaind’œuvreplusimportanteetexercentdonc

desérieusespressionspourobtenirl’aidedontilsontbesoin16.Plusieursargumentssont

employéssurlesprisonniersdeguerrepourlesobligeràseportervolontaire:«combat

communpourl’Europe[…]oisivetédesprisonniersdel’Aspilag[…]leursanténepouvait

d’ailleursqu’enprofiter17»ouencoreprendre«exempledesétudiantsallemands18».Les

aspirantsrestentfermessurleurpositionetlanotionqu’ilsn’ontpasàtravailleretrefusent

donccatégoriquementchacundesesarguments,cequin’estpaslecasduGénéralDidelet.

Cedernieresttoujoursdansunerecherched’ententeaveclesautoritésallemandes.Il

décidedoncd’inscriretouslesaspirantsducampsurlalistedevolontairespourles

moissons,enposantcependantcertainesconditions,tenantcompteducaractèreparticulier

desprisonniersenvoyésautravail19.Lesréactionsdesaspirantsfaceàcettedécisionsont

15SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5616D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.7617SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.54-5518BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN19LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 139: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

138

plutôtnégatives:«LeGénéralDIDELETafaitunefaussemanœuvreenenvoyanten1942les

Aspiscomme“volontaires“àlamoisson20»,«Personnellement,en1942,j’aiétéenvoyéde

force,commetouslesAspisréfractaires,prèsdelafrontièrerussedansunegrandeferme

pourlamémorable“moisson“21».Deplus,unepolémiqueapparaitenmêmetemps,

puisqueledépartàlamoissoncoïncideavecledépartdupremiertraindelaRelève,oùdes

membresduMouvementPétain,quis’étaientprononcésenfaveurdelamoissonetavaient

ditqu’ilsdonneraientl’exemple,sontrapatriés22.Ainsi,silesaspirantsontmalperçucette

initiative,lesAllemandsl’ontappréciéetcelaaétébénéfiquepourlegénéral:«Toutcelaa

contribuéàvaloriserlecréditduGénéralauprèsdesAllemands23.»

Finalement,ilssont1300aspirantsàpartirpourlesmoissons,pourcinqsemaines24,avecla

promessedesAllemandsdelesfairerentrerauplustardle15septembre,pourqu’ils

puissentensuiteretourneràl’université25.Celaétaitd’ailleursunedesraisonsdela

réticencedesaspirantsàpartirautravail:«Jecrainscependantqu’aprèslamoisson,cene

soitletourdespommesdeterreetquelesaspirantsneréintègrentleursbaraquesqu’au

commencementdel’hiver26»,«Maisonatoutesraisonsdeseméfier.Aprèslamoisson,ils

pourrontprésentercommetoutaussinécessairel’arrachagedespommesdeterres,des

betteraves,etc.27».Néanmoins,suivantcequiavaitétédit,lesAllemandsonteffectivement

respectélesdemandesdesresponsablesfrançaisetle16septembre,presquetousles

aspirantsétaientrentrés28.Lavieuniversitairedesaspirants,ou«viemonastique»29,

reprendainsi,sansqu’aucuneautreobligationdetravailneseprésente.

L’annéesuivante,enété1943,lasituationestdifférente,bienquecertainesopinions

soienttoujourslesmêmes.LesAllemandsdemandentencoreunequantitécertainede

prisonniersdeguerrepourlesmoissonsetlesaspirantssonttoujourscontrecetravail,mais

cettefois-ci,chacunedesdeuxpartiesapportesonpropreargument.Lesaspirants,pourne

20FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1722SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5823BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN24CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN25BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN26FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN27DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.13628DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejourLecampdesAspirants…op.cit.,p.13729DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.18

Page 140: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

139

pasêtreobligésderetournerautravailcontreleurvolonté,mettentenavantl’article27de

laConventiondeGenève,quiprotègedutravailforcé30tandisquelesAllemandsmenacent

lesaspirantsdereprésailles,avecnotammentladissolutionpossibleducamp31:«faireun

rapportàl’OKWpourdemanderlasuppressionducampetl’expéditiondesAspirantsà

Kobierczyn,oùétaientlessous-officiersréfractaires32».Uncompromispermetderésoudre

lasituationentrelesdeuxgroupes,une«déclarationdenon-volontariat»33,signéepar300

aspirants,quisontdoncofficiellementdésignéscommedesréfractairesautravail,bienque

celaneleurporteaucunpréjudiceparlasuite.En1943,700aspirantssontainsienvoyés

danslesfermespourlamoisson34maisselonletémoignaged’unaspirant,l’atmosphèreest

particulièrependantcettemoissonetbiendifférentedecelledel’annéeprécédente:«Le

filsdufermier,sousofficiersurlefrontrusse,vintenpermission.Sonairtristemefrappa.

Aprèssondépart,lefermier,leregardfixe,parutabattu.Uneservantenecachapasqu’elle

croyaitàladéfaite35».Letournantdelaguerre,endéfaveurdesAllemands,sembledonc

affectergrandementletravaildanslarégion,cequiestconfirméparunautrerapport:«À

lasuitedesderniersévènements,lerendementauraitbeaucoupdiminué.Dansplusieurs

fermes,lesprisonniersdeguerreserait“devéritablespatrons“36».

Lamoissonsembledoncavoirétéungrandsujetdediscordeentrelesaspirants,les

Allemandsetmêmelesresponsablesfrançais,maissilesaspirantsysontpartisavecun

sentimentd’hostilitétotale,tousnereviennentpasaveccetétatd’esprit.

B–Unavismitigésurletravaildesmoissons

Lamoissonétaitunévènementappréhendépartouslesaspirantsàl’Aspilagetilss’y

rendentparcontrainteetsansaucunemotivation,maisunefoisarrivésdanslesfermespour

leurtravail,plusieursétatsd’espritss’observent.

30SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5531CCPPG,StalagIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN32SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5533SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5534CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN35LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN36CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN

Page 141: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

140

Toutd’abord,onretrouvelecasd’aspirantsquifontle“travailduprisonnier“,c'est-à-

diretravaillerdelamanièrelapluslenteetlaplusinefficacepossible37.Sansêtreuneforme

ostensibledesabotage,c’estunemanièredefreinerlesrendementsdel’Allemagneetde

montrerqu’iln’yapasdecollaboration.Ellepeuts’effectuerdedeuxfaçons:ellepeutêtre

faiteentouteconnaissancedecause:«J’aifait,commemescamarades,lamoissonau

rythme“langsam“sabotant,chaquefoisquejepouvais:renversantunecharrette,pleinede

bottesdeblé,sciantdebellesplanchesdeboisaulieudebûches38».Cetémoignagedate

cependantd’aprèslaguerre,doncilestdifficiled’évaluerlavéracitédecettedéclaration.

Ellepeutégalementêtreréaliséesansquecelasoitunevéritablevolontédutravailleur.En

effet,ce“travail“peutêtrel’exempled’unmanquedetechnique,sansdécisiond’apprendre

laméthodeenparallèle39,cequipeuts’expliquerpourlecasdel’aspirant,puisqu’ilfaisait

souventpartied’uneélite,généralementintellectuelle,quin’étaitpasforméeàcetypede

besogne:«lesmoissonsseferontsansnous,oumalgrénous:commentconfierlesattelages

oulesoutilsprécieuxàdepareilsfantaisistes…quisontvenuslàpourd’autresfins40.»

Ensuite,ilestpossiblederemarquerque,commecelaestprobablementlecaspourle

restedesprisonniersdeguerre,l’appréciationdel’activitéparlesaspirantsdépend

totalementdutypedefermesoùilsontpuêtreplacéspourlamoisson:

«Cetteexpériencedelamoissonestfaited’uneinfinitédecasparticuliers.Etnousréalisonsqu’iln’yapas

“lavieenkommando“,quechaquekommandoàsaviepropre,avecquelquesélémentsimmuablesnéanmoins.

Certainsontmalréussi,quisonttombésdansdesfermesd’État,pargroupedequinzeouvingt,sorted’usines,

oùlapitanceestmaigreetletravailharassant.D’autresonteuplusdechancequiontéchouédansunepetite

fermetranquille,chezdespaysansquasi-universelsavecleursdéfautsetaussileursqualités.Dansl’ensemble,

onconstatequeles“contents“sontplusnombreuxqueles“mécontents“.41»

Cetteidéeestd’ailleursreprésentativedel’oppositionqu’ilexisteentreleskommandosde

travailetlesaspirants,etquipeutexpliquerlaréticencedecesprisonniers.L’Aspilagestun

campoùtouslesprisonnierssontégaux,carilsdisposentdesmêmesdroitsetilsformentun

groupehomogèneetsolidaire.Lorsdesmoissons,ilssontdisperséscontreleurvolontéet

doiventsubir,pendantunecertainepériodedetemps,cettesituation.LecolonelVonPirsch,

37DURAND Yves, La Captivité : histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,p.13338DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1739DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.13340DUGASBernard,«Greta»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.10141DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.137

Page 142: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

141

commandantducamptented’ailleursderéglerceproblèmelorsdesvolontariatspourla

moissonde1943,endéclarantêtreàl’écoutedesdemandesd’affectationsspécifiques42.

Ainsi,unemajoritéapprécieleurtempspendantlesmoissons,notammentgrâceàl’entente

aveclesemployeurs43,quis’observemêmepourlecasdetravailleursincompétents44ou

grâceauconfortparfoisretrouvé45etunepartiedecesaspirantsdécided’ailleursderester:

«ilyena200qui,aumomentdemondépart,demandaientàretournerdemeurerdansles

fermesquilesoccupaientpendantlesvacances46»,«Certains,enchantésducontactqu’ils

avaienteuavecl’extérieur,demandèrentàrepartircommetravailleurs47».Cechoixpeut

êtrevucommeunactederedditiondelapartdesaspirants,quidécidentd’abandonnerleur

statutparticulier,pourseposerdansunecaptivitéplusroutinièreetplusordinaireeten

quittantcettecommunautéquis’étaitformée.Lesautresaspirantsn’yvoientcependantpas

unactedécevant,commecelaavaitpuêtrelecasaudébutdelacaptivité48maisune

décisioncompréhensible,aprèscelongtempspasséencaptivité49.Certains,àl’inverse,

refusentdepoursuivrecetravail,pourcontinueràappuyerleurposition:«Quelquesuns,

trèssatisfaitsdeleursemployeurs,seraientrestésavecleurplaisir;maisilsauraientdû

signeruncontratdetravailde6mois,qu’ilsontrefuséparprincipe50»

Danslamajoritédescasdonc,bienquelamoissonaitétéuneactivitéréaliséeà

contrecœur,lesavisrésultantssontplutôtpositifs.Siunemajoritéchoisitderentrerau

camp,ilsonttousconsidérésquecelaavaitétébénéfiquepourleursanté51etquecelaleur

avaitchangélesidéesdelacaptivité52,conduisantprobablementàunedistractionbien

différentedelavieuniversitaireplutôtmonotone,commeletermede«viemonastique»53

utiliséparl’aspirantDuriezpeutfairepenser.

42VONPIRSCH(Col.),Notesurlamoissonde1943,16/07/1943,Stablack,72AJ/2633,AS,AN43CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN44DUGASBernard,«Greta»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.10145CCPPG,Rapportquotidiendu15septembre1943,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN46BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN47SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5548CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4949DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1750CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN51LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN52CapitaineMASSARD,RapportduStalagIA,30/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN53DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.18

Page 143: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

142

III–Unregarddifférentetpositifsurletravail

Pendantlacaptivité,l’attraitdutravaildevientdeplusenplusimportantpourles

aspirantsetilsdécidentdoncdequitterleurcampetsesconditionsparticulièrespourles

emploisdel’Allemagne,cequiseprésentedediversesmanières.

A–Unattraitdeplusenplusimportantpourdesactivitéshorsducamp

Lacaptivité,commeonapulevoiràdenombreusesreprises,asouventtendanceà

devenirpesantepourleprisonnierdeguerre,quiabesoindetrouveruneactivitépour

s’échapper.Silesprisonniersdeguerrenongradéstrouventrefugedanslamiseenplace

d’unevieintellectuelleouculturelle,lorsqu’ilsontfinileursjournéesdetravail,lerecours

desaspirantssembleplutôtêtreletravail,aprèsavoirpasséunelonguepériodeenfermée

derrièredesbarbelés,rendantcertainsquelquepeuclaustrophobiques54.

Laraisonprincipalepourundépartautravail,selonunemajoritédetémoignages,est

l’évasion,bienquecelas’observesurtoutendébutdecaptivité.Letravailesteneffetle

meilleurmoyenpourprépareruneévasion,puisquelasurveillanceesthabituellement

beaucoupmoinsaccruequedanslescampsetilestdoncplusfaciledepartirsansêtre

remarqué55.Onpeutd’ailleursprendrecommeexemplelecasd’unconvoimisenœuvreen

février1942,quidoitpartirpourunstalagquelquepartenAllemagneetquiestutilisé

commeexcused’évasionparplusieursdesaspirantsquitémoignentaprèslaguerre:«On

demandedestravailleursvolontairespourallerdanslaRégionXII[…]Noussommessixcents

volontaires[…]Siondéplacedesaspisversl’Ouest,lesvolontairesquisemanifestentn’ont

qu’uneidée…foutrelecamp!56»,«Ilnousfutannoncéunbeaujourquecertainsaspirants

avaientlapossibilitédequitterlecampduIApourrejoindreunStalag,quelqueparten

Allemagne.[…]Iln’ajamaisétéquestiond’êtrevolontaireautravail[…]j’étaisdécidéà

partiretàquittercetterégionhostile,envuedetenteruneévasion57.».L’évasionestdonc

perçuecommeunejustificationpourledépartautravaildesaspirants,cequipeutlaisserà

penserquelesautresaspirantsneveulentpascroire,aumoinsaudébutdelacaptivité,que

lesprisonnierspeuventvouloirpartirautravail,pourlasimpleraisondevouloiréchapperau

camp.54SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5355DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.13656PERSONHenri,AufReisen!!,1995,p.5857ROUSSELJean,Demacaptivité1940-1945,quelquessouvenirs,1991,p.7

Page 144: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

143

Pourtant,rapidement,cetteidéedoitêtreassimilée,puisquelenombred’aspirants

partantautravail,enkommandosprincipalement,devientplusconsidérable,commele

montrentdenombreuxrapportsde1942:enmai,«Denombreuxaspirantsontcédéaux

offresdesautoritésallemandeslessollicitantautravail;unecentaine,selonun

correspondant58»,enjuin,«denombreuxaspirantspartentcommevolontairestravailleren

usineetdanslesfermesoùilsbénéficientdecertainsavantages59»,enjuillet«Plusdesix

centssontpartisjusqu’ici.Soitlequartdenotreeffectifinitial60»etenfin,enaoût,«ilyaà

peuprès800aspirantsquitravaillent61».1942sembled’ailleursêtrel’annéedesdépartsles

plusnombreuxetonpeutsupposerquecelas’expliquepardifférentséléments:les

aspirantssontmaintenantàl’Aspilagdepuisunan,lecampestdonccomplètementmisen

placemaisilsnesontfinalementpasintéressésparlesactivitésdéveloppées,préférantle

travail;lesAllemandsontunbesoindemaind’œuvrebeaucoupplusconséquent,cequi

inclueunchoixplusdiversifiédanslesemploisproposés,plusattractifdoncpourles

aspirants62;enfin,lavieenkommandooffreunelibertéplusimportantepourle

prisonnier63,nonnégligeable,sionprendencompteladisciplinequiestimposéeaucamp,

ainsiquedemeilleursconditionsdevie,notammentpourlanourriture64.Parconséquent,

suiteàcesnombreuxdéparts,l’effectifdiminueamplement,offrantuneopportunitépour

lesresponsablesdel’université,quidécidentd’ouvrirlecampàdesétudiantsd’autres

stalagsvoulantpoursuivreleursétudes65.Parcettedémarche,onpeutavancerl’hypothèse

quelecampdesaspirantssemblesetransformer,pourdevenirunvéritablecamp

universitaire,nonplusspécifiqueàungradeparticulierdelahiérarchiemilitairemaisàtous

lesétudiantsquienontbesoin.Celapeutsecomprendreparlefaitquelesaspirantsqui

avaientétéréunispourpouvoirbénéficierdeleurrégimeparticuliern’ysontplusattachéset

rejoignentlesrangsdessimpleshommesdetroupedansleskommandos.

58MASSARD Capitaine, Rapport du Stalag IA, 23/05/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal desprisonniersdeguerre(CCPPG),AN59MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN60DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13661FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN62D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.7663CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN64CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN65X–SDPG,Notepourl’O.K.W.,14/12/1942,Berlin,F/9/2272,MissionScapini,AN

Page 145: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

144

Unedernièreétapevientcomplétercetteidée,toutenlacontestant:la

transformationentravailleurlibre.LaTransformationestunemesuremiseenplacepar

LavaletSauckel,pouraméliorerlerendementdesprisonniersdeguerreenleuroffrantla

libertéetuncontratdetravailavecunsalaireavantageux66etencontrepartie,ilscessentde

porterl’uniformeetdoiventporterunemarquedistinctive,indiquantleurnationalité67.Le

généralDidelet,conformémentàlapolitiquequ’ilavaitassumédepuissonarrivéeaustalag

IA,estfavorableàcettemesureettentedeconvaincrelesaspirantsd’êtretransformés68.

Selonletémoignaged’unaspirant,elleestplutôtmalperçueparlesaspirants:«Lagrande

majoritéblâmecetteattitude,jugeantsévèrementceuxqui,enpleineguerre,

abandonneraientleuruniforme69.»etpourtantlesrapportsquiyfontallusionévoquent

plutôtunavispositifsurlaquestion70.Deplus,ilsemblequ’unegrandemajoritéaitdécidé

d’êtretransforméecarcelaleuroffraitunesituationtrèsenviable71.

Siunemajeurepartiedesprisonniersdeguerreaétéplutôtméfiantefaceàceprocédéet

répondnégativementàlatransformation72,ungrandnombred’aspirantsacceptecarleur

transformationsembledifférentedesautresprisonniersdeguerre:«Ilnes’agitpasde

transformationscivilsmaisdemisesencongésdecaptivitésurplace,lesprisonniersrestant

prisonniersquoiquejouissantdesavantagesdescivils.Lesaspirantsbénéficiairesdela

mesuretiennent,quoiqu’encongé,àmontrerqu’ilsn’oublientpasqu’ilssontmilitaires73»Si

celanesembleêtrequ’uneprésentationenthéoried’unprocédé,ilsemblequedansla

pratique,cesconditionsextraordinairesontétéplutôtrespectées,commelemontre,par

exemple,lesobsèquesd’unaspiranttransformé,où80aspirantstransformésyontpourtant

assistéentenuemilitaire74.D’aprèscerapportsurlaTransformation,enavril1944,700

66D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.8067DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,68LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN69LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN70CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN71SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5472D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.8073Secrétariat des Aspirants du Stalag IA,À propos des prisonniers «transformés» en travailleurs civils, Avril1944,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN74SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.54

Page 146: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

145

aspirantsontététransformés,alorsque900sontrestésaucamp75.Ainsi,cequiavaitpu

êtrevucommemenaçantpourlamajoritédesprisonniersdeguerre,aétéaccueilli

positivementparlesaspirants,maisunélémentmajeursedressedansceraisonnement.Il

esttrèsprobablequelesaspirantsontacceptécetteTransformationcarcelaleurfournissait

unprivilègenonnégligeable,dûàleurgrade.Siunecentained’aspirantschoisissentde

partagerlesortdesautresprisonniersdeguerreenpartantpourleskommandos,ceuxqui

partentparlasuitelefontprincipalementparcequelasituationesttrèsenviableetcumule

lesavantagesqu’ilsavaientpuavoirdanslecamp,toutenabandonnantl’enfermementdes

barbelés.Celaleuroffreunesituationdeprivilégié,quel’onretrouveàdenombreuses

reprisesparlasuite,notammentdansleursemploischoisis.

B–Untraitementprivilégiéetdespostesàresponsabilitéspourlesaspirants

Lesaspirantsconnaissentàdeuxreprises,pendantlacaptivité,untraitement

privilégiépourlechoixdeleurtravail:d’aborden1942,aveclamiseenplaced’unservice

detravail,puisverslafindel’année1943etledébutdel’année1944,aveclacréationdes

postesd’officiers-conseilsetd’encadrants.

Toutd’abord,versledébutdel’année1942,legénéralDideletdécidedecréerun

servicefrançaisdutravail,demanièreàaiderunepartiedesaspirants.Eneffet,c’estla

périodeoùlecommandantducampchercheàsolliciterdessous-officierspourletravailet

réalisequelamajoritédesaspirantsnesontpasdesétudiants,etqu’ilpourraitessayerde

lesastreindreautravail,enutilisantànouveauleprétextedustatutdesous-officiers76.Le

généralinstauredoncunsystèmetrèsavantageuxpourlesaspirants,quiapourbutdeles

détermineràpartirautravail,commelemontrediversrapportsd’avril:«Ilaétéoffertaux

aspirantsdetravaillerdanslesconditionsdesofficiersvolontaires,c'est-à-direchacundans

saspécialitéavectraitementd’unouvrierfaisantlemêmetravail77.»etdeseptembre:«un

statutparticulieraétéobtenuparlesaspirants.Lestechniciens,enparticulier,ontpupartir

commeingénieursettouchentenprincipe,50%dusalairedel’employéallemanddontils

75Secrétariat des Aspirants du Stalag IA,À propos des prisonniers «transformés» en travailleurs civils, Avril1944,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN76BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN77CCPPG,StalagIA,09/04/1942,F/9/3277,Commissiondecontrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN

Page 147: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

146

tiennentlaplace78»,ainsiquel’expliquel’étudedeSilbert:«Ilrecevaitlesdemandesde

maind’œuvredesAllemandsetlestransmettaientauxAspirants.Ceuxquivoulaientpartir

faisaientlechoixd’unesituationquileurconvenait79».Onpeutremarquerqueceservice

permetdetraiterlesaspirantscommedesofficiers,suivantalorsl’article27dela

ConventiondeGenève:«silesofficiersetassimilésdemandentuntravailquileur

convienne,celui-cileurseraprocurédansmesuredupossible80».Leursprivilègesne

s’arrêtentcependantpaslà,puisques’ilestpossible,pourlesaspirants,d’exercerlemétier

quileurconvient,ilsontaussiledroitdelequitterdèsqu’ilsn’ensontplussatisfaitsou

qu’ilssontfatiguésdeleursituation81.Cesystèmesembled’ailleursavoirétéplutôtapprécié

parlesaspirants,probablementparcequ’iln’obligepasàs’attacheràunprojetpourun

tempsindéfinietleservicereçoitrapidemententre5à600demandes82,bienqu’aucun

rapportnenouspermettedesavoirsichacunedecesdemandesaobtenuuneréponse

positiveetsilesexpériencesdesaspirantsontétésatisfaisantes.Plusaucunementionn’en

aitfaiteparlasuite,cequipeuts’expliquerparledépartduchefdeceservice,leCapitaine

Aibypourunautrestalag83,maisilestégalementpossiblequelesdépartsenkommandos,

observésplustôt,aientétélerésultatd’unplacementparceservice.Parlasuite,avecles

moissonsnotamment,laquestiond’untraitementprivilégiépourletravailsemble

disparaitrequelquepeu,jusqu’àuneréapparitionverslafindel’année1943,aveclamiseen

placed’unpostespécifiqueauxaspirants.

Enparallèledeshommesdeconfiance,s’étaitdéveloppée,verslamoitiédela

périodedelacaptivité,laqualificationd’officier-conseil.Surlesdifférentsrapportsofficielsà

proposdesvisitesaustalagIA,leGénéralDideletestlui-mêmedésignécommel’officier-

conseilducamp,c'est-à-direqu’ilaunepositiondifférentedel’hommedeconfiance,plutôt

supérieuràeuxdanssoncas;celadésignesouventdesassistantsetdesresponsablesmisen

placepouraiderl’hommedeconfiance,pourréalisercertainestâchesqu’iln’apastoujours

letempsd’accomplirlui-même,tellequelavisitedeskommandosdelarégion84.Sileposte

78SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN79SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5380Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR81SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5482BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN83SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN84GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.20

Page 148: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

147

s’étaitprincipalementdéveloppépourlesofficiers,demanièreàleurdonneruntravailqui

correspondàleurgrade,celas’estégalementétenduauxaspirants,montrantànouveau

queleurstatutparticulierestassimilé,aumoinsenpartie,parlesAllemands.

IlssontunepetitequinzaineàtenirceposteenPrusseOrientale85etleurtravailpeutse

résumerainsi:«lelienindispensableentrel’Équipedeconfiancequenousavionsconstituée

etlescamaradesautravailquenousavionsmissiondereprésenter86».S’ilsnesontpas

nombreuxàêtredes«Aspirantsconseils»87pourlesprisonniersdeguerre,lesystèmese

développeplusintensémentpourlecasdesjeunestravailleurscivils:

«BeaucoupplusgrandfutlenombredesAspirantsquiquittèrentlecamppouroccuperdespostes

danslesservicesdelamaind’œuvrefrançaisenAllemagne[…]Ils’agissaitessentiellementdedéfendrele

mieuxpossiblelestravailleursfrançaisenAllemagne,d’améliorerleursort,deleurpermettredetraversersans

encombreladifficilepériodequis’annonçaitpourramener,sommetoute,lemaximumd’hommedansle

meilleurétat88.»

Cetteinitiativeetcechoixdesaspirantspeuventserattacheràleuropiniongénéralement

favorablepourlatransformationentravailleurscivilsetonobserveànouveaul’absencede

visionoud’opinionpolitiquechezlesaspirants,puisqu’ilsnevoyaientaucunedifférence

entrelefaitd’aiderunprisonnierdeguerreouuntravailleurcivil,lebutétantsimplement

devenirenaideàuntravailleurfrançaisenAllemagne89.Lesaspirantssontd’ailleurstrès

appliquésàcetravail,puisqu’ilssuiventunstage,lespréparantàleurspostesdeconseiller90.

Ilsquittentégalementleurcampetlesconditionsdeviedontilsontl’habitude,certains

partantjusqu’àBerlinouKiel,soità1000kmdel’Aspilag.Enfin,enparallèledecette

activité,maiségalementdanssonprolongement,lesaspirantssontdésignéspourêtreles

encadrantsdesjeunesdesChantiersdejeunesse,ungroupeforméparVichypourpermettre

leredressementnationaletquisetraduitsurtoutparunservicecivilobligatoire,dirigévers

lajeunessefrançaise91.Lesaspirantsonticiunemissionplutôtéducative,cequiestune

manièreàlafoisderesterdansundomainequ’ilsontconnupendanttouteleurcaptivitéau

stalagIA,maiségalementdeserapprocherunpeuplusdelafonctiond’officier.Eneffet,

85CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN86MATHIEUMarcel,«Un“officier-conseil“àHeidelberg»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.12687SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6188SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.62-6389SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6390CCPPG,StalagIA,15/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN91PÉCOUTChristophe,«Leschantiersdelajeunesse(1940-1944):uneexpériencedeservicecivilobligatoire»,Agoradébats/jeunesses2008/1(N°47),p.25

Page 149: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

148

l’officierdevaitavoirunrôledeformateurpourl’aspirant:«latraditiondel’arméefrançaise

veutquelesofficierseux-mêmessoientlesguidesimmédiatsdecesjeunescompagnons

d’armes92»,cequis’esttraduitparlasuitepardesofficiersprofesseursàl’universitéde

Stablack,etcettefois-ci,cesontlesaspirantsquisontàlaplacedesofficiersouentravailde

collaborationaveceux,cequipeutêtreadmiscommeunepremièreétapeàl’obtentiondu

graded’officierpourlesaspirants.L’offreconvaincuncertainnombred’aspirantsqui

partentaufuretàmesuredel’année1944,dejanvier93àmai94.

L’Aspilagadoncperduunegrandepartiedesesprisonniers,quiontpréféréchoisir

d’allerautravail,bienqu’ilexisteiciunéquilibre,puisqueletravailchoisin’estpascontraire

delaqualitéd’aspirantetpermetdemontrerleurvaleur,parlebiaisdespostesà

responsabilitésobservés.

«Toutcequenousvenonsdediresurleproblèmedutravailillustreonnepeut

mieuxl’originalitéducasdesAspirants.Nousnecroyonspasqu’aucunautrecampaiteuune

histoiretantsoitpeuanalogue.Lesoflags,quiluisontcomparables,n’ontrienconnudetel.

Onnepeuts’empêcherdepenserquel’équivoquepolitiquequipesasurlecampfavorisa

cettesituation95»

Cetteréflexiondel’aspirantSilbertpeuteffectivementseconfirmerparcequel’ona

remarquéàproposdesaspirants.Leursituationparrapportautravailsembleassez

ambiguë.Ilsluttentaudébutpourobtenirleurdroitderefuserletravail,puisilssontsoumis

autravail,àplusieursreprises,aveclesmoissons,pourlesquellesilsn’ontd’ailleursaucune

formationouaptitudeetenfin,ilsdécident,presquedanslamoitiédescas,desortirdu

camp,pourprendreunemploiauseinduReich.Sicelapeutsembleranormal,onpeuttout

demêmeobserverqu’ilyauncertainphénomènedeconstancechezlesaspirants.Toutau

longdelacaptivité,ilss’appuientsurleurstatutd’aspirantpourexpliquerleurrefusde

travailetlorsqu’ilsdécident,aucontraire,d’allertravailler,c’estànouveauens’appuyant

surleurstatut,puisquecesontdesemploisd’officiersouderesponsableshiérarchiques

qu’ilsrejoignent.Ilestpossiblecependantdeprésenteruneobjectionàcetteréflexion,avec

92SCAPINIGeorges,LettreàOttoABETZ,30/04/1941,Paris,SDPG,AN,F/9/227293CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN94CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN95SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.56

Page 150: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

149

lecas,plutôtnombreux,d’aspirantsquisontpartisdansdessimpleskommandospourfaire

untravailbasiqueetordinaire,cequivaàl’encontredurestedesprisonniers.

Ainsi,sid’unpointdevuegénérale,ilestpossibled’avancerl’idéequelesaspirants

ontenmajoritéfaitcommetouslesautresprisonniersdeguerrenongradésetsont

simplementpartisautravail,d’unpointdevueplusprécis,ilsontété,pourunecertaine

quantité,desofficiersdanslamajeurepartiedecesemplois.

Page 151: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

150

Page 152: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

151

TITREVII:LesévasionsActivitéindividuelleouorganisationcollective

«Devait-ons’évaderourestercaptif?1»Denombreuxprisonniersdeguerreontdû

seposercettequestionaucoursdeleurcaptivitémaislesconclusionsn’ontpastoujoursété

lesmêmes.

Les évadés représentent une minorité au sein des captifs de la Seconde Guerre

mondiale et cela peut s’expliquer par de nombreux facteurs. En effet, si les perspectives

d’évasionspeuventêtreagréables,commelefaitdepouvoirenfinretrouversalibertéetsa

famille, les risques liés sont considérables et plutôt élevés. Cela nécessite une grande

préparation, avec une attention particulière aux détails pour empêcher d’être repris et la

mise en place de nombreux plans, au cas où les choses tournent mal. De plus, il est

nécessairedeprendreencompteplusieurséléments,telquelalocalisationdel’endroitd’où

ons’évadeainsique lesmoyensque l’onaàsadisposition. Ilexistedeuxtypesd’évadés:

ceuxqui s’évadent seulou ceuxqui fontpartied’ungroupeoud’un réseaude libération,

fonctionnantàplusgrandeéchelle2.

Dans le cadre des évasions, les aspirants peuvent être un exemple particulier,

notammentpourl’endroitoùilsontétéplacésencaptivité,puisquelaPrusseOrientaleest

lelieulepluséloignédelafrontièrefrançaise.Ilspeuventégalementl’êtrepourletypede

camp dans lequel ils sont, puisque, selon Yves Durand, les évasions dépendent des

circonstancesdecaptivité,etonobserveraplusd’évasionsdansunkommandoquedansun

oflag. L’Aspilag s’apparentait sur de nombreux points à un oflag, ce qui pourrait avoir

tendanceàdiminuerlestentativesd’évasions.

Ainsi, on peut s’interroger de quelles manières les évasions ont pu être une part

importantedel’expériencedecaptivitédesaspirants.

1LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN2DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.156-174

Page 153: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

152

I–L’évasion,uneactivitépratiquéeàdifférentesfréquencesetpardemultiplesmoyens

parlesaspirants

Des évasions ont été réalisées à demultiples reprises par les aspirants,mais elles

n’ontpastoujoursétéperçuesdelamêmemanière,etellesn’ontpasnonplusnécessitéles

mêmeséléments.

A–Unopinionindécisesurlesévasions

Lesaspirantsontconnudesévasionstoutaulongdeleurcaptivité,etcelaasurtout

étéunélémentconséquentaudébutde leurcaptivitéà l’Aspilag,puisqu’ellesavaientune

incidencesurlesconditionsdecaptivitéetonpeutdoncobservertroispériodesdistinctesà

cemoment.

Dans un premier temps, les tentatives d’évasions sont omniprésentes dans la

captivité,quecelasoitauseinducampouavantd’yarriver.Eneffet,letransfertàStablacka

nécessité de nombreux convois, puisque les aspirants venaient de nombreux camps

différents,etcesconvoissontconstammentarrivés incomplets3.Unedecesévasionss’est

même accompagnée d’un sabotage, qui a fait grand bruit dans le camp, et qui est

mentionnéeparuncertainnombredesaspirantsquitémoignent:«Lorsdenotretraversée

delaPologne,àpartlesévadésduconvoi,quifurentasseznombreux,ledernierwagonde

notreconvoiquiabritaitnossentinellesavaitétédétaché.NoussommesarrivésàStablack

avecdeuxgardiensseulementquis’étaientperchés,avantledécrochage,danslaguéritede

serre-frein4.».Silestémoignagesnesontjamaiscertains,ilstendentfréquemmentàpenser

quecesont lesPolonaisquiauraientsabotéletrain,etnondesprisonniersfrançais.Ainsi,

lesaspirantsneparticipentpasausabotage,maisnombred’entreeuxsontdéjàdesévadés,

bien qu’ils aient tous été repris par la suite, généralement enmauvaises conditions: «La

plupart des camardes qui s’étaient enfuis furent capturés à nouveau, affamés, transis, et

atteintsdegeluresplusoumoinsgraves,aprèsavoirerréplusieursjoursdanslacampagne

polonaise 5 ». Les premières évasions ne sont donc pas une réussite et les aspirants

découvrent en plus un des éléments décisifs, qui ne fut pas pris en compte dans ces

improvisations d’évasions, à savoir le climat auquel ils doiventmaintenant faire face, très3SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.234CLARENSONJean,Mémoiresdecaptivité,textedactylographié,SansDate,p.75FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.95

Page 154: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

153

froidetdifficileàsupporter.Celanesemblecependantpasdécourageruncertainnombre,

puisqu’après être arrivés au camp, avoir entendu le discours réprobateur du nouveau

commandantducampets’être installésdans leursnouvellesbaraques,plusieursaspirants

continuent de tenter de s’évader, généralement avec l’approbation et l’encouragement

d’unemajoritéd’autresaspirants6.

Lasituationprendcependantunnouveautournantavecl’arrivéeduGénéralDidelet.

Commeonadéjàpulevoir,ilprendlecommandementfrançaisducamp,aveclavolontéde

lanceruneexpériencesurlesaspirants,pourqu’ilsdeviennentunexemplepourlerestedes

prisonniers de guerre, et les évasions ont un grand rôle là-dedans 7 . En effet, cette

expérienceapourbutdeprésenterunmodèle,uneéliteaveccommeobjectifunepossible

libération dans un futur proche, et une quelconque évasion à cette période aurait

probablementdes conséquencesnéfastes sur lebondéroulementdecetteexpérience. Le

général demande donc un arrêt des tentatives d’évasions, ce qui est plutôt bien reçu,

puisquelaperspectived’unelibérationcollectiveprocherendl’évasioninutile8.Lesaspirants

qui envisageaient toujours l’évasion étaient généralement insultés, «d’égoïstes et de

lâches»9, ce qui eut l’effet recherché, puisque il n’y eut que très peu d’évasions sur la

périodedejuilletàoctobre1941.

L’illusion d’une quelconque libération est cependant rapidement brisée pour les

aspirants,etlesperspectivesderetourenFranceparunrapatriementofficieldisparaissent

complètement, ce qui conduit à la réapparition des évasions. Le colonel Hartmann,

commandantducamp,agitdemanièreàlesarrêter,parlebiaisdemesuresdereprésailles10

et leGénéralDideletsepositionnetoujourscontre lesévasions,sansréellementtenterde

les arrêter, comprenant que les aspirants n’ont plus confiance: «Les Aspis candidats à

l’évasion qui avaient accepté de ne pas contrarier le Général commencent à crier au

chantage […] on a complètement marre des bobards, des discours, des sermons

moralisateurs11»,«Legénéralcontinuedeblâmerlesévadés,sansjamaisleursignifierune

interdictionformelle12.»,«Iln’ajamaisdonnél’ordreauxaspirantsdenepass’évader,ille

6GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN7BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN8BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN9SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN10BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN11GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN12BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 155: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

154

leurasimplementconseiller,etdanscertainscasparticuliers, ilaadmislesévasions13».Le

Général Didelet n’est d’ailleurs pas le seul à permettre les évasions, puisque certains

officiers en charge des aspirants, ainsi que des chefs de baraques les laissaient faire, et

parfoismêmelesencourageaient,pour,parexemple,donneruneleçonaucommandantdu

camp,poursesreprésaillesquiincitaientparfoisàl’évasion14.

Les évasions ont donc pris une certaine ampleur au début de l’année 1942, sans

moyenvéritablementefficaceducommandantducamppourréussirà lesarrêter,avecde

plus certaines aidesdonnées à ces évadés, et donc, denombreux stratagèmesetmoyens

sontmisenœuvrepourpermettreceslibérationsducamp.

B–Denombreusestechniquestrouvéespourpermettrelesévasions

Lesaspirantsontutiliséuncertainnombred’astucespourréussiràs’évader,avecou

sans l’aided’autresaspirantsetavecousans lanécessitéd’avoirdenouveauxpapiers;de

multiplestémoignagesd’aprèsguerred’aspirantspermettentdenousenapprendreplussur

cesdifférentestechniques.Cependant,l’évasionestuneactivitéclandestine,quin’estconnu

qu’une fois qu’elle est réalisée, mais sans jamais dévoiler les détails, pour empêcher de

démasquer plus tard des prisonniers de guerre qui pourraient tenter d’utiliser le même

stratagème.Lestémoignagessurcesdiversesévasionsnepeuventdoncdaterqued’aprèsla

guerre,etsanstémoinautrequel’évadé,lorsqu’ils’agitd’uneévasionindividuelle,etilest

doncdifficilede jugerde lavéracitédecequipeutêtrerelaté.Deplus,certaineshistoires

d’évasions racontéesontétépossiblement répanduespardiversespersonnes, cequipeut

meneràunealtérationdesfaits,sansquelenarrateurnelesache.Onpeuttoutdemême

en observer un certain nombre, dont le schéma revient à plusieurs reprises ou qui

demandentunevéritablepréparationouunegrandeoriginalité.

Parmi les techniques qui ont pu être répandues pour l’évasion, le cas des

rapatriements officiels a été utilisé à plusieurs reprises. C’est probablement l’une des

méthodes les plus efficaces pour l’aspirant, notamment en considérant la distance entre

Stablacketlafrontièrefrançaise,1705km15etlefaitquecesoitdesvoyagesentrain,avec

un trajet généralement direct vers la France. Pour pouvoir utiliser ces trains, il faut13FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN14SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5715GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.3

Page 156: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

155

cependanttrouverlemoyend’yrentrer,etdoncsoitdes’yintroduireclandestinement,soit

de se faire inscrire sur une liste pour pouvoir être rapatrié “officiellement“. Il est parfois

nécessaire pour être inscrit sur ces listes d’avoir l’aide d’un des médecins de l’hôpital,

comme celle de Lartigue vers la fin de la captivité 16 ou alors d’avoir des papiers

correspondant à la raison du rapatriement, comme montrer un justificatif d’étude en

médecine pour un rapatriement d’étudiants en médecine17. Les aspirants semblent être

pleinderessourcesdanscecaslà,puisqu’ilexistaitunaspirantquis’étaitspécialisédansla

créationde faux-papiers, l’aspirantBrunet,qui fitégalementpartied’un réseaud’évasion,

commeonleverraparlasuite18.Certainsavaientégalementeux-mêmeslacapacitédefaire

des faux-papiers,pourainsi assurerunpeuplus leurdépartdans les trains19. La suitedes

évènements dépendait alors de nombreux facteurs, qui pouvaient ou non permettre de

réussir l’évasion: l’aspirant Janintenta laréformepour insolationetréussitàrentrerchez

lui20,alorsque l’aspirantDurintentaàdeuxreprisesdese faire inscriredansunecertaine

catégoriedeprisonniersquidevaientêtrerapatriés,maiscelan’aboutitàriendanslesdeux

cas21.

Uneautreméthodeamplementutiliséefutcelledel’évasionparletravail.Siunepartiedes

aspirants fut réellement intéressée par l’idée d’aller au travail pendant leur captivité,

certainsnedemandèrentàyparticiperquepourpouvoirfaciliterleursévasions,sansavoirà

organiser la sortie du camp, beaucoupplus surveillé, avec les sentinelles et lesmiradors:

«Quelquesunssansdoutepensaientpouvoirs’évaderplusfacilement.Ilestdifficilededire

quelest lepourcentagedesévadésparmi les travailleurs.Cequiest sûr, c’estquecertains

kommandos étaient le refuge des candidats à l’évasion, les hôpitaux de Königsberg en

particulier22.»,«Ondiscerne trèsévidemment […] l’influencedes transformationsencivils,

quiontgrandement facilité les choses23».Celapouvaitégalementêtrepossiblepar le fait

d’emprunterune identitédetravailleurcivildeKönigsberg,si lesaspirantsne l’étaientpas

16FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9617DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.125-13318GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1319DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.125-13320JANINPierre,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DURINLucien,D’uneprisonl’autre,SansDate,p.125-13322SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5323SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68

Page 157: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

156

vraiment et d’utiliser des papiers, forgés par Brunet, pour s’enfuir24. On peut d’ailleurs

trouverlecas,assezoriginal,d’unaspirant,quiaréussiàsefairepasserpouruntravailleur

enpartantducamp,s’estfaitescorterparlecommandantducampquipensaitl’emmenerà

sontravailetaréussiàprendreletrainetàrentrerchezluideuxjoursplustard25.

Enfin, une autre des techniques utilisées fut celle du déguisement, pour s’enfuir plus

facilementetenétantmoinsremarquéqu’avecdesvêtementsmilitaires,maisquidemande

tout de même une certaine préparation. Cette technique ne doit pas être due à une

improvisation, comme pour le cas de deux aspirants partis après une représentation

théâtrale,dansleurscostumes26etnedoitpasoubliercertainsdétails,commecefutlecas

pourun autreprisonnier, parti déguisé en femme27. Cesdeuxévasions échouent, et c’est

égalementlecaspouruncertainautrenombred’évasionsd’aspirants.

Oncomptebeaucoupplusde tentativesd’évasionsqued’évasions réussies,commece

futd’ailleurslecaspouruncertainnombred’autrescampsdeprisonniersdeguerre28eton

peutobserverquelesaspirantsnelaissentrienlesdécourageretilsutilisentdenombreuses

autrestechniques:«Touslessystèmesd’évasionsontétéutilisés,depuislanicheàchiende

l’ExpressKönigsberg-Bruxelles[…]jusqu’auxmoyenslesplussimples,telqueceluide2aspis

faisant semblant demesurer la Strasse avec une chaine d’arpenteur et passant devant la

sentinellequileuraouvertlaportedesortie,sansméfiance29».

Les aspirants nemanquent donc pas de ressources et semblent surtout persévérants,

commelemontrel’imaginationdestechniquesd’évasionsetleurniveaudedifficulté,etcela

provoqueuneréactionplutôtnégativede lapartdesautoritésallemandes,etnotamment

ducommandantducamp.

II–LesmoyensderépressiondesAllemandscontrelesévasions

Les aspirants tentent donc de nombreuses évasions, réussies ou non, mais les

Allemands ne restent pas inopérants face à ce phénomène, et utilisent donc différentes

techniques,pourlesfaireéchouer.24GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1325R.F., «En uniforme », Le camp des Aspirants pendant la SecondeGuerremondiale, 1939-1945, volume 1,Paris,1991,p.16226SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7427DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.10128DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.15829DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.19

Page 158: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

157

A–Menaces,brimadesetsuspicions

«S’évader,ouaidersimplementdescamaradesàtenterl’évasion,c’estmobiliserune

part dupotentiel de guerre allemandque les dirigeants duReich et de l’arméeallemande

préfèreraientutiliserailleurs,surlefront30.»Ainsi,afindecontrercephénomène,lesgardes

allemandsontlapossibilitédetrouverdiversesmanièresd’empêchercesévasions,cequia

nettementétéutilisépar lescommandantsducampde l’Aspilag,etnotamment lecolonel

Hartmann,plutôtdifficiledansladisciplinequ’ilimpose,commeonadéjàpulevoir.

Toutd’abord,laméthodelaplusutiliséesurlesaspirantsaétécelledessanctionset

des représailles, par le biais de diverses brimades. Lamesure la plus importante dans ce

domaine a été le cas de la saisie des vêtements le soir, système qui commence dès le

premier jour au campet pendantune certainepériodede tempsprobablement suite aux

tentatives d’évasions pendant le transfert31. Cette technique est de circonstancepour ces

prisonniers,puisque les températuresbaissent jusqu’à -35°etellepeutdoncdissuaderde

s’évader.Celapeutseconfirmerparlecasdesévadésduconvoidetransfert,quireviennent

avecdesengelures32.L’autretechniquegrandementutiliséeestlamultiplicationdesappels

danslajournée;demanièrerégulière, lesappelssefontlematinet lesoir,àdeshoraires

fixes,mais lors d’évasions, le commandant du camp punit les aspirants enmultipliant les

appels:«Lesreprésaillesétaientennombred’appelssupérieurà lanormaleallant jusqu’à

633»,«Àlasuited’uneévasion,lesPGsontsoumisàseptappelsparjouraulieudedeux34».

Deplus,cettemultiplicationauneffetdomino,puisqueparcesnombreuxappels,laviedu

campestparalysée,interrompantoucausantlafermeturetemporairedesactivitésquisont

suiviesparlesaspirants,telsquel’université,lethéâtreoulecinéma35.Cependant,ellepeut

quelques fois avoir l’effet inverse de l’objectif recherché, puisque les appels sont réalisés

pour blâmer les évasions, mais ils permettent parfois leurs réalisations : «Les évasions

suscitent des représailles du commandant allemand qui multiplie les appels, tout en

30DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.17831LAMAT Jack,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN32FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9533SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN34CCPPG,StalagIA,15/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN35X,LettreàMonsieurl’Ambassadeur,09/12/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 159: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

158

négligeant les précautions les plus élémentaires pour empêcher la sortie du camp36». Les

aspirantsprofitentdoncdecetteoccasionpours’évaderducamp,cequientraineainside

nombreusesautresbrimadesparlecommandantducamp,cequiauraitpourobjectifpour

les Allemands, selon l’aspirant Gaboriaud : «de rendre inopérant tout ce qu’ils ont eu la

générositédenousaccorder37».LesAllemandsvoientainsi iciuneméthodededémontrer

qu’ils sont en charge des prisonniers, que c’est eux les vainqueurs et les dirigeants de ce

campetdonc,quelesaspirantsn’aurontpasledessus.

IlestpossibleparfoisquelesAllemandscherchentégalementàdétruirelacohésionde

groupe qui a pu se former, comme ce fut le cas pour les aspirants, avec une nouvelle

technique,lamenaceoulechantage.Sil’évasionestsouventuneopérationindividuelle,elle

peutquelquesfoisêtreréaliséegrâceàlaparticipationd’ungrouped’autresprisonniersde

guerre, ou ce groupe peut simplement avoir été prévenu, pour qu’il puisse, par exemple,

couvrir l’évadé lorsd’unappel.C’est lecaspourunegrandequantitéd’aspirantsetcelaa

été remarqué par le commandant du camp, qui décide d’utiliser cette information à son

avantage. Il est possible par exemple de citer le cas de la tentative d’évasion de François

Denquin,le13avril1943.Alorsqu’iltentedemonterdansuntrainsanitaire,ilestreprispar

desgardesallemands,mais lorsqu’ilsreviennentaucamp, il réussitàrejoindresabaraque

pendant l’appel. Iléchappedoncàdesreprésaillesdirectes,mais lecommandantducamp

saitqu’ilmanque,bienqu’ilneconnaissepassonidentité.Celadonnelieuàunediscussion

entreleGénéralDideletetl’aspirantDenquin,oùlepremiertentedeconvaincrelesecond

desedénoncer,enmettantenavantlechantageopéréparlecommandantallemand:«sije

continuaisàmecacher, ils supprimeraient les“avantages“donnésaucamp[…]Legénéral

insisteenmedisantquelesreprésailless’étendrontauxcommandos[…]Mêmesilerisquede

voirlesmenacesdesAllemandsexécutéesestréduit,iln’estpasnuletjenepensepasavoir

ledroitd’obérerlasituationdeskommandosparcetteépreuvedeforce38».Lechantageest

doncconcluant icipuisqu’il sedénonce,etcelapermetànouveaudevoir la solidaritéqui

existechezlesaspirants,mêmepourlesautresprisonniersdeguerre,puisqueDenquinest

prêtàsubirdesreprésailles,pournepasrendre lasituationdeskommandosplusdifficile.

36BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN37GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN38DENQUINFrançois,«Legénéralet l’évadé»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.157

Page 160: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

159

Uneautre idéequ’il évoquedans son témoignageest plutôt révélatricedu régimequ’ont

subilesaspirants:«S’ilnes’étaitagiqueduCampdesAspis,jeledisfranchement,j’aurais

répondu négativement. Nous n’en étions pas à un durcissement près et j’avais pour moi

l’opinion des gens qui m’intéressaient39». Les aspirants semblent donc habitués à ces

brimadesetsanctionsetn’ensontplusgênés,préférantaiderlesautresprisonniersqueles

dénoncer,commelecasdeDenquincontinuedeleprouver;unecentained’aspirantsétait

aucourantdecequ’ilsepassaitetdel’identitédel’évadéreprisetaprèsqu’ilaitétémisen

détention,ilsfontpressionsurlesAllemands,ensuspendantcertainesdesactivitésdeloisirs

auxquelles participent certains gardes. Cela fonctionne, puisque Denquin est libéré plus

tôt40.Ainsi,onpeut remarquerquemême lorsque lesAllemands tententde reprendreen

main la situation, les aspirants réussissent toujours à les faire reculer à nouveau, preuve

supplémentairedelacommunautéquis’estmiseenplace.

Enfin, si lesAllemandsagissent souventaprès la réalisationdesévasionsou tentatives

d’évasions,ilsfontquelquesfoispreuvedesuspicionavantmêmeunequelconqueactionet

procèdentainsiàdifférentstypesdecontrôlespourempêchercesévasions.Toutd’abord,

onpeutobservercettesuspicionpourlecasdesprisonniersetaspirantsquiontlalibertéde

sortirhorsducamp:«Onnousannonçadoncainsique,désormais,demarsàoctobre,une

semainesurdeux,nous“tournerions“commedesprofessionnels,destalagenstalagetde

kommandos en kommandos, selon les demandes reçues par le camp […] Il est évident en

revanchequ’onnousdemanda l’engagementdenepasprofiterde cesdéplacementspour

s’évader41»,«Lespromenadeshebdomadairesparbataillonsonttoujoursautorisées,mais

lesaspirantsontdûs’engagersurl’honneurànepastenterdes’évader42»,«Jem’engage,

pourladuréedemamission:ànepasutiliser la libertédemouvementquim’estaccordée

pour tenterdem’évader43».Onvoitdoncque lemoindremouvementhorsdu campdoit

êtreapprouvéparlecommandantducamp,pourainsiéviterquelesaspirantsprofitentde

cette opportunité pour partir. Enfin, la dernière méthode utilisée par les Allemands

concernent les fouilles, plutôt récurrentes pendant le régime de représailles du colonel

Hartmann au début de la captivité à l’Aspilag. Elles peuvent d’ailleurs avoir parfois un

39DENQUINFrançois,«Legénéraletl’évadé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.15740DENQUINFrançois,«Legénéraletl’évadé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.15841DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.2242X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN43DIDELETGénéral,Déclarationdemission,29/07/1941,Berlin,F/9/2287,MissionScapini,AN

Page 161: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

160

résultat négatif pour les aspirants, puisque l’un d’eux a eu son trousseau d’effets civils,

préparé pour une future évasion, découvert pendant une fouille aléatoire44. La suspicion

peut donc être payante pour les Allemands, et ainsi, elle leur permet de démasquer des

futuresévasions,maispeutégalementsetraduiredemanièreplusextrême,aveclecasdela

baraquedesévadés.

B–Labaraque29,baraquedesévadés

Ungrandnombredetentativesd’évasionséchouent45,cequisignifiequelesévadés

repris repartent à leur campde captivité et à partir de là, le commandant décidede leur

sort.Pourl’AspilagetlestalagIAengénéral,cesprisonniersétaientenvoyésdanslabaraque

29, considérée comme la baraque disciplinaire: «Ceux-ci sont groupés dans une baraque

gardéepardes sentinellesetnepeuvent sortirautourdecelle-ci,dansunespace restreint

strictementdélimité,qu’½heure lematinet½ lesoir. Ilsnepeuventdece faitparticiperà

aucundesavantagesmorauxoumatérielsconsentisà l’ensembledesprisonniersducamp.

En ce qui concerne le service postal et la nourriture, ils bénéficient desmêmes règles que

celles appliquées aux autres prisonniers46.» Ainsi, s’il y a une volonté d’isolation et de

punition pour les aspirants, aucun article de la convention de Genève n’est violé par ce

régime,commecelaavaitpuêtrelecaspourlessanctionscollectives,réaliséesaudébutde

la captivitéetn’ayanteuaucun résultat sur lesévasions47. La sélectiondesprisonniersde

guerreenvoyésdans cettebaraqueest cependantplutôt arbitraireet ad’ailleursposéde

nombreuxproblèmes,notammentcarelleagitnonpascommeunepunitionmais comme

une mesure préventive, qui n’a souvent aucun fondement. Cela s’observe avec un cas

particulier, où le commandant du camp décide d’interner un peu plus de cinquante

aspirants,ainsiquedessous-officiers,surdesfondementsinjustesettotalementaléatoires.

Danslecasdecesarrestations,lebutétaitd’utiliserlabaraquesimplementcommeunlieu

d’attenteavantuntransfert.Eneffet,ilexistaitdescampsdereprésaillesouderéfractaires

dans le Reich, où les conditions de vie étaient généralement très difficiles et presque

44DUPRIEZAndré-Jean,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN45DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.15846X,NotepourlaDienststelleRibbentrop,14/04/1942,LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN47FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN

Page 162: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

161

insupportablespour lesprisonniersdeguerre48etoùétaientmajoritairementenvoyésdes

prisonniersdeguerreévadés,commemotifdepunition.Ainsi,unefoisqu’ilréalisequeson

camp supposément de représailles devient un campmodèle, le colonel Hartmann décide

d’envoyerlesprisonniersdeguerreévadésdansunvéritablecampdereprésailles49.Certains

connurent réellement la procédurede transfert, commece fut le casdesdeuxévadésen

costumes de théâtre, bien qu’ils réussirent à s’enfuir pendant le trajet50. Le cas de la

cinquantained’aspirantsdésignéspouruntransfertdevientcependantuncontre-exemple,

puisque de nombreuses incohérences apparaissent dans ces choix de prisonniers: «Les

inspecteurs vont examiner les suspects candidats au camp de représailles; ils découvrent

parmieuxdesmembresdirecteursduMouvementPétain,denombreuxvolontairespour le

travail51», «a) un certain nombre d’aspirants qui avaient passé plusieurs mois dans un

détachement de travail et auraient facilement pu prendre la fuite si tel encore était leur

dessin;b)quelquesaspirantsrapatriablespourraisonsdesanté,tuberculeuxeninstancede

départ,quinepeuventvraimentpasêtrejugésuspectsdevouloirs’évader52»,«plusdes2/3

avaient fait leur tentative avant la création du camp des Aspirants53 ». On peut ainsi

observer que cette baraque semblait servir principalement à donner une incidence aux

suspicionsdesAllemands,etnotammentducommandantducamp,quichercheàpunirles

aspirants,parn’importequelstratagème.Celafinitcependantparluiêtrenéfaste,puisque

celaentraîne,commeonadéjàpu levoir,sonrenvoicommecommandantducampetsa

miseàlaretraiteforcéedel’arméeallemande54.

LestechniquesutiliséesparlesAllemandssontdoncnombreusesmaisgénéralement

peuefficacesetàpartunsentimentd’isolationpourquelquesaspirants, labaraque29ne

semblepasêtrecontraignantepourlesaspirants.Ainsi, lesaspirantstententdetrouverde

nouveaux moyens pour améliorer leurs chances de réussies, ce qui se traduit par

l’organisationderéseauxd’évasions.

48DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.179-18149BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN50SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7451BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN52BRUCKERMédecin-Lieutenant,RapportStalagIA,06/05/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN53DIDELETGénéral,LettreàMonsieurl’AmbassadeurSCAPINI,08/04/1942,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN54BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN

Page 163: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

162

III–Lamiseenœuvrederéseauxd’évasionparlesaspirants

Pourpermettred’augmenterlepourcentagederéussited’évasionsdesaspirants,et

quelquesfoismême,commeunemanièred’entrerenRésistance,lesaspirantsmontentdes

réseaux d’évasions, au camp et dans ses alentours, pour aider les autres prisonniers de

guerre.

A–Uneparticipationimportanted’aspirantsauxréseauxd’évasions

Ilestcommun,danslesstalags,oflagsetkommandos,quedesfilièresd’évasionsse

forment pour aider,même de lamanière la plus simple qu’il soit, certains prisonniers de

guerre à s’échapper du camp55. L’Aspilag n’échappe pas à cette règle et on peut alors

observerdansplusieurstémoignages,l’organisationdechaînesouréseauxd’évasions.

Onpeuttoutd’abordobserverlecasd’unaspirantquiaffirmeavoiraidéàl’évasion

de troisprisonniersdeguerreetavoirété témoind’unevingtained’autres56.Aucunedate

n’est fournieaveccecas,donc ilest impossibledesavoirsicelareprésenteréellementun

système mis en place pour permettre des évasions en chaîne ou si cela est simplement

l’exempled’uneaidecollectivedeplusieursprisonniersdeguerrependant lacaptivité.Un

autretémoignage,mentionnantcettefois-cilecasd’unechained’évasions,maissansavoir

d’autres témoignages pour corroborer l’histoire, évoque le nombre d’environ cent

prisonniers de guerre évadés57. Si un aspirant est effectivement le chef de ce réseau

d’évasions, ilsembleégalementêtre leseul,etmêmeleseul français,puisqu’ilmentionne

avoirmontésonréseauavecdescamaradesbelges.Cesréseauxparaissentplutôtsecrets,

puisqu’il n’en est fait mention dans aucun des rapports officiels sur le camp ou les

kommandos qui s’y rattachent, et pourtant, le témoignage de Fichetmontre qu’il y en a

d’autres: «Je dois signaler particulièrement l’activité de mon camarade l’Aspirant Roger

BEDOUETquis’estdévouésanscompterpoursonréseaud’évasion,ainsiquetoutel’équipe

du “Königsberg Zeitung“58», «unpetit groupe animépar BRUNETa fait du bon travail et

s’occupe activement d’évasions: la radio clandestine nous fournit ses communiqués

55DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.169-17056SOULIERGuy,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN57FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN58FICHETLucien,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN

Page 164: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

163

quotidiens59».S’il est impossibled’attester de la véracitéde ces groupesd’évasions, sans

témoignagesupplémentaireàcepropos,ilestpossibled’avancerl’hypothèsequelegroupe

deBrunetexistaitvraiment,puisqu’iladéjàétécitéentantqu’undesmeilleursfaussaires

pour les faux-papiers utiles à l’évasion60. Enfin, il existe un dernier groupe d’aspirants

investis dans la volonté d’en aider d’autres, ainsi que des prisonniers de guerre, et il est

possibledecroireen lavéracitédeces faits,puisqu’ils sont relatésparuncertainnombre

d’aspirants. Ilsmettentégalementenavantdesaspirantsplutôt importants,commelecas

deMichelMenu,résistantfrançais,détenteurdela légiond’honneuretde lamédailledes

évadés, et aspirant évadé, travaillant dans un groupe d’évasions depuis la France61. S’il

travaillesurleréseaudelibérationdepuisLyonetlaFrance,ilestencollaborationavecune

«Organisation d’évasion de Stablack62», ainsi qu’une de Königsberg, et chacune semblait

travailleravecoupouraiderl’autre:«Àlafinde1943,onpeutconsidérerquetroisgroupes

s’occupaientdesévasions,unàKönigsbergmême,unaucampayantdescorrespondantsà

Königsberg, le service du BCRA enfin. La liaison entre les deux premiers groupes existait,

consciemment ou non, du fait que les prisonniers belges travaillant à Königsberg, qui

jouèrentunrôleactif,étaientenrapportavecl’unetl’autre.LaliaisonaveclaFrancefut,par

contre,trèslongueàétablir63».

Il existe donc quelques réseaux d’évasion qui semblent s’être bien développés

pendant la captivité, et qui sont avérés par plusieurs personnes,mais pour permettre un

fonctionnementefficace,ilsdemandentdenombreusesressourcesetprennentrapidement

del’ampleur.

59FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN60GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1361DERREMAUX Antoine, «Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers», Le camp desAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.14862MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.146-14763SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.67

Page 165: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

164

B–Uneorganisationdegrandeenvergure

Les évasions individuelles, réalisées généralement au début de la captivité,

demandaient de la préparation mais étaient plutôt insignifiantes à grande échelle. Au

contraire,lesréseauxd’évasionsontunphénomènemajeurpendantlaguerreetmettenten

causeunequantiténonnégligeabledepersonnes,prisonniersdeguerreouhautesautorités.

Tout d’abord, ces réseaux nécessitent une certaine quantité de matériel, ce qui

entraineunelonguepréparationavantmêmedepouvoirlanceruneévasion.Eneffet,pour

être véritablement efficace, il est nécessaire de créer différents plans et méthodes pour

pouvoiracheminerl’évadéjusqu’àlaFrance,sansêtrerepéréouarrêté,etsansqu’aufuret

à mesure des évasions, les techniques soient démasquées64. Pour ces réseaux, le plus

importantestd’avoiràdispositiondes fauxpapiers,pourpouvoir transporter l’évadésans

qu’il soit arrêté. Comme on a déjà pu le voir, l’aspirant Brunet était reconnu comme le

faussaireofficielàStablack65etpourl’Organisationd’évasionsdeStablack,cesfauxpapiers

venaientgénéralementdeFrance,parlebiaisduserviced’évasionduBCRAbaséàLyonet

étaientassezdiversifiés:«travailleurcivil réformé, travailleurvolontaireen findecontrat,

accompagnateur de convois de déportés retournant en France, sa mission remplie,

séminariste renvoyé en France par ordre de la police allemande.Nous pouvons ainsi avec

touscespapiersinventertoutessortesdesituationspournosévadés66».Ilaégalementété

possible pour le réseau, d’obtenir une grosse quantité de papiers nécessaires à l’évasion,

grâce à l’action d’un aspirant évadé,AntoineDerremaux, qui repart vers Königsberg pour

apporter deux valises contenant ces fameux papiers 67 : «En mai, un épisode assez

sensationnelseproduisit.UnAspirantévadé,troissemainesaprèssonarrivée,repartitpour

Königsbergavecdeuxvalisesenboisdontlesparoistruquéescontenaientdespasseports.Il

accomplit sa mission sans encombre et regagne Lyon68». On peut ainsi observer que la

64DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.169-17465GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1366MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.14767MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.147BARBIERHenri,«Lavalisedurevenant»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.150-15268SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68

Page 166: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

165

plupart des aspirants ralliés à ces réseaux sont très dévoués à leur cause et se dédient

complètementàleurtâche.

Sil’actiondesmembresdesréseauxd’évasionsdemandentgénéralementunelongue

période de préparation, la période qui suit, avec les évadés, demandent cette fois-ci une

longue période d’attente. En effet, l’évasion est une opération discrète, réfléchie et

patiente,pourempêcherd’êtrerepris,àcaused’unmanqued’attentionoud’unevolontéde

tropaccélérer leprocessus.Enplusdepréparerdespapierspour lesévadés, lesmembres

desréseauxdoiventégalementtrouverdescachettes,detoustypes,danslecampoudans

lesvillesvoisines,pour sedissimuler,avantque le train, transportmajoritairementutilisé,

arrivepourlerapatriement:«Àcausedelafréquencedesappelsàla29,lesévadésétaient

signalé deux ou trois heures après leur départ. Il fallait donc les cacher dans le camp et

plusieurs cachettes furent utilisées, dont les plus usitées furent les toits des lavabos de la

baraque5etlespiliersenisoreldelachapelle[…]Lasortieducamp,quelquesjoursaprès,

étaitgénéralementfacile69»,«engénéral,ilsallaienttoutsimplementaukommandovoisin

d’Eylau,oùexistaitunecachettequinefutjamaisdécouverte70».L’attentepeutmêmedurer

plusieursannées,commecefutlecasd’unaspirant,évadécarcondamnédansuntribunal

pour une attaque contre un garde allemand et qui dut se cacher dans un maquis à

Königsberg,carilavaitétésignalédanstouteslesgaresparlesAllemands.Ilneputsortirde

sacachettequedeuxansplustard,aumomentdelalibération71.

On peut ainsi observer, notamment grâce à ce dernier cas, un esprit de révolte et de

résistancechezlesaspirants,contrelesAllemands,quiad’ailleurspermislaréalisationd’un

grandnombred’évasions,maisquiaégalementétédangereuxàdenombreuses reprises,

aveclaprésencedelaGestapo.Eneffet,si lesgardesetsentinellesallemandess’occupent

des évasions à l’intérieur du camp, la Gestapo est en charge de démanteler les réseaux

d’évasions et d’arrêter, voire tuer, ses responsables. Les différents réseaux d’évasion de

Königsberg et Stablack ont connu, à plusieurs reprises, des dysfonctionnements dans leur

système, des arrestations, quelques fois violentes et même desmorts: «Par suite d’une

imprudence d’un camarade de théâtre nommé CORVAISIER (mort en prison des suites

d’interrogatoire), je suis moi-même arrêté enmars 1944 […] Au bout de 15 jours, je suis

69MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.14670SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6771SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68

Page 167: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

166

libéré faute de preuve […] certain “passage à tabac“ m’a laissé un avant-goût de ce qui

m’attendait si j’étais repris72», «Ce fut seulement en mai 44 que cette organisation fut

bouleversée par suite de la dénonciation d’un PG que nous avions fait évader. Repris en

Belgique, malmené par la Gestapo, il avait cru sauver sa vie en donnant le nom de ses

complices[…]Ils’étaitmalrappelélesnomsdesautresintermédiaires,maisavaitdonnédes

renseignements tels que toute la chaîne était compromise 73 ». La Gestapo n’a donc

majoritairementpasréussiàemprisonneroucondamnerlesaspirantsenchargedesréseaux

d’évasions, ce qui est une bonne démonstration du développement conséquent de ce

réseau,toutenconservantlesecretdesonfonctionnement.

Ainsi, les aspirants ont pris une part considérable au sein des réseaux d’évasions de

Résistancedescampsetontdoncpermis la libérationd’unbonnombredeprisonniersde

guerre, aspirant ounon,malgré les difficultés et la distancede retour à effectuerpour le

prisonnier.

Lesévasionsapparaissentdoncdemanièrecontinuedanslacaptivitédesaspirants:

elless’exécutentavantmêmel’arrivéeaucamp,ellescontinuentunefoislesconditionsde

viedel’Aspilagdécouvertes,ellessontlesymboled’unesolidaritéetd’uneconfianceentre

eux,paruneabsencededénonciation,deladéterminationdesaspirantsetellessontmême

l’exemple d’une poursuite de la guerre après la captivité, avec le développement des

réseauxd’évasionspouraiderlesprisonniersdeguerreencoreinternés.

L’Aspilag a donc été le lieu de nombreuses évasions, qui ont de plus eu un impact sur le

déroulementdelacaptivité.Ellesjouentsurlerapportentrelecommandantducampetles

aspirants prisonniers de guerre, avec, en plus, une influence sur les conditions de vie du

camp au début de la captivité. Elles semblent également motiver des aspirants pourtant

libérés,quidécidentdecontinueràsebattre,mêmedepuis laFrance.L’éloignementdela

frontière françaisene semblemêmepas avoir étéunobstacle vu le nombre considérable

d’évasionsréussies:

72FICHETLucien,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN73MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.147

Page 168: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

167

«LeserviceBCRAestimeà300environlenombredeprisonniersquiréussitàrentrerparsessoins.La

majorité des évadés venaient du IA […] Quant au nombre des Aspirants ayant, depuis 1941, réussi, il doit

atteindre la centaine.Nous enavons, en tout cas, identifiés cinquante-trois […] Cequi est très remarquable,

c’estquequinzedecescinquante-troisévasionsréussiseurentlieudanslesecondsemestrede1943etvingtde

janvieràaoût194474.»

Les évasions ont dont été une occupation à part entière dans la captivité des

aspirantsetellesdémontrentànouveaulasolidaritéet lacommunautéquisesontcréées

entrecesaspirants,etmêmeaprès laguerre.Eneffet,selonuntémoignage, lesmembres

desgroupesd’évasionsdeStablack,Königsberg,ParisetLyonfurentl’objetdecitationspour

lacroixdeguerreàlaLibérationpourleursactivités75;mêmesionnepeutattesterquede

l’attribution de cette croix à Michel Menu, avec également, dans son cas, la légion

d’honneuretlamédailledesévadés.

74SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6875DERREMAUX Antoine, «Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers», Le camp desAspirants…op.cit.,p.148

Page 169: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

168

Page 170: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

169

TITREVII:LalibérationdesaspirantsdustalagIADemultiplesretoursdecaptivité

La libérationestunedesétapes lesplus importantespour leprisonnierde guerre,

puisqu’elle marque la fin de la longue captivité subie par le prisonnier. Cependant, elle

représenteégalementunedesétapes lesplus fastidieusescarellen’estpas immédiateet

s’étendmajoritairementsurune longuepériodedansdesconditionsplutôtdifficiles.Cette

libérationad’ailleursétéassezdifférenteenfonctiondelalocalisationdesstalagsetoflags,

etplusieursdesarméesalliéesontpermis la libération,àsavoir lesarméesaméricaineset

soviétiques principalement, la première plutôt à l’ouest et la seconde plutôt à l’est,mais

aussilesarméesbritanniquesetfrançaises1.

Cettepériodeestunévènementspécialdelaviedesprisonniersdeguerreetilsont

ainsi laissé de nombreux témoignages: des journaux de bord détaillés et écrits en temps

réel.Celapermetd’obtenirdenombreusesinformationssurlespériplesdecesprisonniers,

qui ont été nombreux et très différents. Les aspirants sont un bon exemple de cela,

puisqu’ilsontconnudenombreusesformesde libération,découpésenplusieurspériodes,

pardifférentsmoyensetavecunretourenFranceàdestemporalitésdifférentes.

Ainsi,ilestintéressantdesedemanderdequellesmanièreslesaspirantsontvécula

libérationetquelsmoyensontétéutiliséspourpermettreleretourenFrance.

I–Lebataillond’aspirants:unpremiertempsdelibération

Dansunpremiertemps,ungroupedeprisonniersaspirantsquitte lestalag IApour

connaître une libération par l’Ouest, la seule pour les aspirants, qui se fait en plusieurs

étapes,avecdemultiplesobstaclesetdifficultésetsuruneduréeassezlongue.

A–Lecheminementdesaspirantsversl’Ouest

L’année 1944 représente un tournant majeur dans le déroulement de la Seconde

Guerremondiale.LedébarquementdesAméricainsetdesAnglaissur lesplagesfrançaises

occupelefrontdel’OuestetlesvictoiressuccessivesdesSoviétiquesdepuisplusieursmois

1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.492

Page 171: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

170

permettent une avancée importante de l’Armée rouge vers l’Ouest et marque donc leur

dominationsur lefrontde l’Est2.Ainsi,auregarddecettesituation, lesAllemandssentent

leurdéfaiteimminenteetdécidentdecommencerl’évacuationdecampsdeprisonniers.

LecampIAdesaspirantsdeStablackestlecampsituéleplusàl’estdesfrontièresduReich,

avecégalementlestalagIB.IlssonttousdeuxétablisenPrusseOrientale,àlapériphériedu

Reich et dans une des régions les plus menacées par l’Armée Rouge, justifiant donc

l’évacuationplutôtprécocede Stablack3. Eneffet, dès lemoisd’août1944, lesAllemands

lancent une évacuation partielle du stalag IA, partielle puisqu’un certain nombre de

prisonniersdeguerre,etnotammentd’aspirants,n’yprendpaspart.Oncomptenotamment

desprisonniersblessésoumalades,setrouvantàl’hôpital,etnepouvantdoncpasfairele

déplacementàcemoment-làetlesresponsablesdecethôpital.Ilyaégalementuncertain

nombred’autresprisonniersquineparticipentpasà l’évacuation, commeceuxencoreen

kommandoetquelques-unsconnaissentmêmeunelibérationsansaucunlienaveccellesde

l’Aspilag,telquel’AspirantGrisvard4.

L’évacuation se fait en septembre 1944 et les Allemands décident de déplacer ces

prisonniers vers plusieurs stalags du Wehrkreis III beaucoup plus à l’Ouest, comme le

racontel’aspirantFanon:«Àlafind’août1944lorsdel’avancéedesblindéssoviétiquesvers

Memel et Tilsitt, unpremier convoi de875aspirants du campde Stablack, fut évacuépar

voieferrée,enwagonàbestiaux,surleStalagIII-CàKüstrin,puisle10octobresurleStalag

III-B à Fürstenberg-sur-Oder5.» La surveillance des gardes allemands reste très soutenue

pendantcesmomentsd’évacuation,maisleurattentionserelâchequelquepeuàpartirdu

départdu stalag IIIB, cequi estprobablementdûà laprogressionde l’armée soviétique :

«Les aspirants étaient évacués à pied vers l’ouest, avec ordre formel de ne les laisser en

aucuncasrejoindreparlestroupessoviétiques6.»Deplus,leurmanquedevigilancepermet

à certains aspirants de quitter le groupe demarche, et de tenter de rejoindre les lignes

soviétiques. Les Allemands rattrapent tout demême certains de ces aspirants, grâce à la

mise en place d’un groupe de SS appelé en renforts, pour les récupérer et pour faire

2KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.403DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.4724 Aspirant Roger GRISVARD, Questionnaire des prisonniers du STALAG IA, 72AJ/296, Papiers du Comitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN5FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.1676FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.167

Page 172: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

171

respecterladiscipline,avecordredetirersurlesprisonniersquiralentissentlegroupe7.Par

cet ordre, ils semblent vouloirmontrer qu’ils sont toujours ceux qui dominent,mais cela

montreaussileurpeur,puisqu’ilsveulentàtoutprixéchapperauxSoviétiques.

Par la suite, les Allemands procèdent à une dispersion des prisonniers, par la

formation de plusieurs groupes, à disséminer à divers endroits dans les alentours de

Luckenwalde, dernier lieu d’internement pour ces prisonniers. Les aspirants y retrouvent

alorsunsemblantdecaptivitéenattendantleurlibération8.

B–Unelongueattenteavantlavéritablelibération

a) L’arrivéeversLuckenwalde

Le groupe d’aspirants prisonniers de guerre arrive donc dans la région de

Luckenwalde, situéeàunesoixantainedekilomètresau suddeBerlin, zoneoùse situe le

stalagIIIA,oùsetrouventdiversprisonniers.

C’est la fin dumois de février pour les prisonniers de guerre et ils ont commencé

cettemarche audébut dumois, sous les ordres dumédecin capitaine Lartigue, qu’ils ont

eux-mêmeschoisis,notammentpoursesactions.Eneffet, ilauraitdéjàfaitpreuved’actes

derésistanceavantlacaptivité,avecunréseaudepasseursenEspagnepourdesjeunesdu

STO9etdèssanominationetsonarrivéecommemédecin-chefdel’infirmeriedustalagIA,il

recommenceavec lamiseenplaced’un réseaude renseignements et d’évasions. Il serait

d’ailleurs reconnu comme l’«auteur de 180 évasions», dont Louis Fages, qui relate cet

évènementdanssonouvrageJournaldemarched’unaspirantd’infanterie10.

LecapitaineLartigueprendainsilatêtedugroupede850aspirantsenfévrier1945,

les séparent en huit compagnies, auxquelles ils assignent un commandant, similaire aux

chefs de baraque au début de la captivité et ils les laissent ensuite s’autogérer11. Selon

Lartigue,ceschefsdecompagniesauraienteuuncomportementexemplaireetméritentune

récompense, ce dont il aurait posé la demande, par le biais de multiples lettres12, mais

7LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.9,72AJ/2634,AS,AN8LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,72AJ/2634,AS,AN9FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16710FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9611FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16812LARTIGUEMédecinCommandant,LettreauMinistèredelaGuerre,SansDate.,Lieuinconnu,72AJ/2634,AS,AN

Page 173: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

172

l’absencederéponseouderécompensesurcesujetempêchedevéritablementconnaîtrele

dénouementdecetteaffaire.

Lamise en place de ces groupes a donc été très utile puisque Lartigue connaît plusieurs

problèmes pendant la longue marche amenant à Luckenwalde. Pendant cette période, il

risquaàdenombreusesreprisesd’êtrearrêté,carilessaieàtoutmomentdefaciliterlavie

desesaspirants,dontlesconditionsdeviesesontdégradéesdufaitdel’évacuation13etcela

luicausecertainsproblèmes.Lesautoritésallemandes luireprochentdeprésentertropde

réclamations,cequ’ilfaitdepuisledébutmêmedel’évacuation,puisqu’ilétaitdéjàcontre

ledépartdecertainsprisonniersmalades,qu’iljugeaitcommeinaptesàpartir,maisilnefut

cependant pas écouté. S’inquiétant toujours des conditions des prisonniers, il continue à

s’opposerauxdécisionsqu’ilconsidèretropdangereusespourcertainsprisonniersetcette

situationamèneàunordreplutôtradicalducolonelquicommandelestalagIIIB:

«À10hdumatin,lecolonelWAGNER,furieuxdesplaintesqueleCapitaineLARTIGUEavaitadresséau

CICR à Berlin, vint annoncer que 85 aspirants, «1 sur 10», et le Capitaine Lartigue seraient fusillés à la

prochaineréclamation.Or, laveille, lecommandantdel’AbwehrduSTALAGIIIBavaitrefuséunevoiturepour

transporter24maladesetblesséstrèsgravesetavaitinterdittouteévacuation,cequiauraitcondamnéàmort

un Aspirant en cas de crise d’appendicite. Dans l’après-midi, le Capitaine Lartigue déposait une nouvelle

réclamation14.»

Lafusilladefutévitéegrâceàl’actiond’unAllemandaidantdepuisledébutdel’évacuation

lesaspirantsdansleurcaptivitéetayantcréécertainsliensd’amitiéavecquelques-uns.Cet

Allemandest leSonderführerWensch,unpasteurprotestantquiétaitgardedans lestalag

IIIBetquiétaitdoncsouslesordresdeWagner.Ildécidad’aiderLartigue,àsademande15et

serenditàBerlin,pourfaireannulercettefusillade,cequ’ilobtint16.Onpeutainsiobserver

quemêmevers la finde la captivitéet à l’approchede ladéfaitedesAllemands, certains

schémas remarqués pendant la captivité, d’Allemands difficiles et violents et d’Allemands

compatissants,sonttoujoursprésents,commecefutlecaspourlesaspirantsaveclesdeux

typesdecommandantsdecampqu’ilsonteu.

13LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.14,72AJ/2634,AS,AN14FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16815LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.10,72AJ/2634,AS,AN16FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.168

Page 174: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

173

b) L’emprisonnementd’unepartieduBataillon

AprèslesdifficultésquisesontprésentéesàLartigueetaubataillond’aspirants,l’arrivée

à Luckenwalde amène une nouvelle épreuve. Lartigue ainsi que d’autres prisonniers,

notamment des membres importants du bataillon, sont emprisonnés dans une baraque

disciplinaire, sans qu’aucune véritable justification ne soit donnée et cela durera cinq

semaines17. Leurs conditions de vie sont très mauvaises, pires que pendant l’évacuation,

puisqu’ilyaiciuneviolationdelaConventiondeGenève.Toutd’abord,l’espacedanslequel

ilssontconfinésestextrêmementpetitetnepermetpasunehygiènedevieconvenable18.

L’accèsauxsoinsdentairesestsupprimépendantlestroispremièressemaines,mêmepour

lescasgraves,etenfin,leravitaillementestconsidérablementbaissé.Iln’estpaspossiblede

dire, avec certitude, si cela est dû aux conditions mêmes d’emprisonnement ou à la

diminutiondesdenréesquepossèdentlesAllemands,puisquelazoneestdevenueunezone

deguerreactiveetquelapopulationelle-mêmevoitsesconditionsdevies’aggraver,dansle

domaine médical ou celui du logement19. Cependant, selon le témoignage de Lartigue,

certainsdesaspirantsréussirentàpasserclandestinementunpeuplusdenourritureaux150

prisonniers,bienquelaquantiténesoitpasénorme,cequiestdenouveauuneobservation

delagrandesolidaritéquiexisteentrelesaspirants,mêmelorsqu’ilsnesontplusdansleurs

camps.Lesdeuxhypothèsessontdoncpossibles,puisque lesAllemandspeuventmanquer

derationsetdéciderd’engardercertainesenbaissantcellesdesprisonniers.Quelquesoit

lecas,cemanquederavitaillementauneffetnégatifsurlesprisonniers:«Unepeséefaite

unmoisaprès l’arrivée indiquaunamaigrissementmoyende6kilos20.»Cesconditionsde

vieviolentplusieursarticlesdelaConventiondeGenèvesurlespunitionsdisciplinaires,tels

que l’article56, sur lesconditionsd’hygiènedu logement21et l’article58, sur lapossibilité

pour les prisonniers de guerre de passer, quand ils le demandent, une visite médicale22.

SelonlecapitaineLartigue,cesmesuresfurentmisesenplacepourpuniruncertaingroupe

deprisonniers,commeceluiluiauraitétéconfirméparlasuiteparcertainsrenseignements17FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16818LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN19KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.14720LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.20,72AJ/2634,AS,AN21Article56,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)22Article58,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)

Page 175: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

174

officiels23. Ilestégalementpossiblequecelasoitdûaucontextegénéralde findeguerre,

auquelfurentconfrontésuncertainnombredeprisonniersdeguerre24.

LesAllemandsveillentàcequelasurveillancedecesprisonnierssoittoujoursassurée,pour

empêchertoutcontactaveclesautresmembresdubataillond’aspirants,cequin’empêche

pas,seloncertainstémoignages, l’établissementde liaisonsclandestineset laconservation

d’unmoralexcellentpourlesaspirants25.

Pendanttoutecettepériode,leCapitaineLartiguecontinueàpenseràsesprisonniers

ettented’améliorerleursconditionsetlessiennes,enrédigeantplusieursrapportspointant

lesviolationsde laConventiondeGenève,etmentionnant lesmoyensquipourraientêtre

déployéspouraméliorer letraitementdesprisonniers.Sicesdemandesnesontpasprises

en compte, la situation semble s’améliorer, grâce à l’action du Sonderführer Wensch. Il

relaie plusieurs réclamations, comme la libération de Lartigue et l’amélioration de ses

conditions,pourqu’il puisseaider les aspirants.Auboutd’unmois, il obtient satisfaction.

Libérés,leCapitaineLartigueetl’AspirantBillebaultpeuventalorsreprendreleursfonctions.

c) LaviedesaspirantsàLuckenwald

Pendantqu’unepartiedesprisonniersétaientmisen isolement, lesautres, répartisen

plusieursgroupes,furentenvoyésdansdifférentskommandospourseremettreautravail,la

captivitén’étantpasencore finie. Selon le Journaldemarche, cela sedéroulademanière

assezsimilaireauxmoissonsenPrusseOrientale:certainsn’obligentpasunvrai travail, la

plupart des aspirants n’étant pas formés pour cela et d’autres rencontrent une discipline

plutôtdureetunecontrainteau travail26.Par la suite,uncertainnombred’aspirants sont

renvoyésaucampdeLuckenwalde,pourrefusdetravailler,oupourlecasparexemple,d’un

travailagricoledanscertainskommandos,oùlesaspirantssontsipeuproductifsqu’ilssont

expulsésdukommandos27.

Aprèssa libération,Lartigue,accompagnédel’aspirantBillebault,rendvisiteàtousses

aspirants, répartisdans lesdifférentskommandos28et lebataillonse reformepeuàpeuà

l’approchedescombatsetdelafindelaguerre.Eneffet,lesbombardementssontdeplus

23LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.20,72AJ/2634,AS,AN24DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.47225LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN26LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN27LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN.28FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.168

Page 176: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

175

en plus fréquents et surtout de plus en plus proches. Ils touchent même certains

prisonniers; fin mars, une bombe explose dans une aile d’hôpital, ce qui cause son

effondrementetlamortdedeuxaspirants,BouveetSabatier,entraitementàcethôpital29.

Celaentraineà la fois le rapatriementdecertainsaspirantsdans lecampdeLuckenwalde

maisaussil’ordrederesterenkommandopourcertains,oùilsseraientplusensécurité.Àla

mi-avril,lalibération,parlesSoviétiquestoutproches,sembleimminenteetdanslanuitdu

20 au 21 avril, les différents groupes reçoivent l’ordre d’évacuer leurs zones, et Lartigue

tentedeconvaincrelesautoritésducampdelaisserentrerceuxquiarriveront30.Parmices

tentatives, une d’elles représente ce qui fut considéré comme «un des évènements

marquants dans l’histoire des Aspis31». Une des compagnies se trouve prise entre des

échanges de feu, dans un combat violent et seulement un des aspirants semble blessé.

Cependant, lelendemain,enretournantsurlelieudescombats, ilsdécouvrentlecorpsde

l’aspirantFrayssinet,mortpendantleséchanges32.Unedescriptiondonnéducorpsmontre

laviolencedeséchangesmaiségalementlaréalitédelaguerre,puisquecommecelaarrive

quelques fois, les Soviétiques ne font pas toujours la distinction entre les prisonniers de

guerre libérés et les Allemands33, ce qui s’observe également avec le fait que le corps de

l’aspirantaitétépillédetoussesobjetspersonnels,cequelesSoviétiquessontplutôtenclin

àfairesurlecorpsdel’ennemi.

Onassisteainsi,àLuckenwalde,auxderniersmortsauseindesprisonniersdeguerreet

aux derniers affrontements entre Soviétiques et Allemands, avant la libération tant

attendue.

C–L’arrivéedesSoviétiques:unelibérationofficielle

a) Lespréparatifspourlalibération

Le 21 avril, les Allemands, connaissant la proximité des Soviétiques et l’imminence de

leur arrivée dans le camp, partent précipitamment en abandonnant le camp. Certains

groupesallemandsrestentcependantàproximitéducamp,avecuneartillerieprêteàfaire

feu sur les Soviétiques. À partir de là, il est du ressort des personnes en présence de

29LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.22,72AJ/2634,AS,AN30LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.27-28,72AJ/2634,AS,AN31AUDRAINÉmile,Mortd’AntoineFrayssinet,24/04/1945,Luckenwald,72AJ/2634,AS,AN32AUDRAINÉmile,Mortd’AntoineFrayssinet,24/04/1945,Luckenwald,72AJ/2634,AS,AN33DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.492

Page 177: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

176

s’occuper de la mise en place d’une organisation du camp et de désigner une autorité

compétente,commecelas’effectuedansdenombreuxcampsàcettepériode.Descadresde

chaque autorité militaire sont désignés et prennent contact avec ceux des autres

nationalités34. Le commandement français est remis au Capitaine Henri Leymarie35et la

veilledelaLibération, ilprendcontactaveclesautresétats-majors,soit lesaméricains, les

britanniques, les yougoslaves et les norvégiens et ce groupe est sous le commandement

général de l’officier le plus gradé du camp, à savoir le général norvégien Rugge36. Les

Soviétiques laissentauxcommandeslegénéraljusqu’àsondépart,puisilestremplacé,par

lasuite,parlegénéralanglaisCollard,commandantdelaRAF37.

Sous les ordres de Leymarie se forme un «Régiment français» : «Au total, ce sont

12.000 de nos compatriotes que regroupera cet éphémère «régiment»: des militaires

libéréssurplaceouvenusdesKommandos[…]maisaussidescivilsqui,parmilliers,affluent

en désordre des villes voisines pour retrouver la protection du drapeau national38.» Les

aspirantssontplutôtproductifsdanscetteorganisation,puisqu’ilsaidentàdenombreuses

tâches, commenotamment l’aide au ravitaillement et la supervisiondepersonnel dans la

ville de Luckenwaldemême39,mettant ainsi en avant la responsabilité qu’ils avaient déjà

pourlaplupartassumédanslesstalags,avantlacaptivitéàStablack,ainsiquedanscertains

deleurspostesenPrusseOrientale.

b) Lalibérationducampparlestroupessoviétiques

Lalibérationalieule22avril1945pourlesaspirantsetlesautresprisonniersdeguerre

présents à Luckenwalde. Elle commence très tôt dans la journée et se fait en plusieurs

étapes,enfonctiondesarrivéesrusses:

«Lapremièrevoitureblindéerusseentreà5heuresdanslecampqu’ellequitteunedemi-heureplustard

avec le général RUGGE qu’elle emmène à Luckenwalde. […] À 10 heures, des tanks et des voitures blindées

russes pénètrent dans le camp. Entre 10 heures et 11 heures, la ville fut occupée par les troupes russes en

nombre importantmais lamajoriténefitcependantque latraverser.Miseàpartquelquescoupsdefusilset

34DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.49735LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.17136LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirants…op.cit.,p.17137LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN38LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirants…op.cit.,p.17139LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN

Page 178: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

177

unelégèrerésistancel’usinedeNorddeutschequifutrapidementmaitrisée, l’occupationsefitrapidementet

efficacement. Deux sources d’informations indépendantes et sérieuses déclarèrent que la discipline et le

maintiendestroupesrussesfurent–augrandétonnementdesAllemands–correctsàtoutpointdevue40»

Cettelibérationpermetauxaspirantsdoncdetousseregrouper,puisque550sontdéjàau

campoudans lesenvirons,àpartirdu22avril,9h30et les271autressontdansdepetits

villages àmoinsde20 km41. Commeon adéjàpu le voir, avec la libération, une certaine

organisation semetenplaceet elleoccupepleinement les aspirants, qui sont chargésde

s’occuperdesFrançaisprésents.

LespremierstempsdelaLibérationnemarquentcependantpaslafindescombats.

Ainsi,unegrandepartiedestroupessoviétiques ayantlibérélecampsebattentpourfaire

plierlesAllemandsquineserendentpas,cequipeutexpliquerquelecommandementdu

camp et sa gestion aient été remis à d’anciens prisonniers d’autres nationalités, les

Soviétiques nedisposantpasdutempsnécessairepours’enoccuper.Plusieurstémoignages

recueillismentionnenteffectivementunepoursuitedescombats,pendantlalibération42ou

quelquesjoursaprès43.AprèscetteLibération,leshabitantsdeLuckenwalde,prisonniersde

guerreetcivilstententdereprendreunevienormale.Lesaspirantsprofitentparexempledu

retouraucalmepourenterreretrendrehommageàl’AspirantFrayssinet,mortle21avril:

«Le lundi23avril,à14hont lieu lesobsèquesdeFrayssinet.Unenombreusedélégationd’aspirants,

conduite par le Médecin capitaine LARTIGUE, assiste au service religieux célébré par le pasteur WALLET à

l’hôpital;lecercueilrecouvertdudrapeauretrouvéàJanickendorf,estportéaucimetièreparsesamisCRUARD,

DULAC,DUCHEMIN,LUCAS,RASPIetd’autrescamarades.Aprèslacérémonie,ledrapeauestramenéaubureau

dubataillon44.»

Lasituationrestecependantcompliquée,notammentpourlescivilsallemands,quisont

maintenantdansune situationplutôtdifficile, comme lemontrentplusieurs témoignages.

Ainsi, certains Allemands profitent, par exemple, de la libération de Luckenwalde, pour

piller45.Onpeutsupposerparlecontenudesdenréesetautresproduitssubtilisésquec’est

une réaction de nécessité pour les Allemands, et cela peut ainsi permettre d’observer

l’ampleur de la détresse dupeuple allemand, et du régimede fin de guerre qu’ils ont pu

40X – Amicale de Stablack, «La Libération du IIIA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.173-174AS,AN,72AJ/263241LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.34,72AJ/2634,AS,AN42FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16943LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN44LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43,72AJ/2634,AS,AN45X – Amicale de Stablack, «La Libération du IIIA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.173-174

Page 179: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

178

subir,avecprobablementunmanquederavitaillement,similaireàcequelesprisonniersde

guerreontpusubir.D’autresallemands,etnotamment les femmes,connaissent l’horreur,

commel’évoquedesaspirantsaprèsunerencontreavecuneAllemande:«Elleleurexpliqua

que s’il [le Soviétique] étaitmontéaupremier étage, elle se serait jetépar le fenêtre. Elle

avaitdéjàétévioléeunequinzainedefoisetellen’auraitpaspusupporterdel’êtreunefois

deplus.»46LesviolsdesfemmesparlesSoviétiques sontasseznombreuxpendantlafinde

laguerreet la réactionde cette femmen’estpasunique,beaucoupde femmespréférant

souventlamortplutôtqueleviol47,cequelesaspirantsdécouvrenticipourlapremièrefois,

cequiestaussidémonstratifdelaviolencedelaguerre.

Les aspirants vivent ainsi unepérioded’après-libération, sansquelconqueavancement

ouévénementsignificatif,puisilsentrentdansunenouvellepériode:lerapatriement.

D–L’organisationduretouretsaréalisation:lerapatriement

a) Lapréparationd’unrapatriementpourlesaspirants

Lamiseenplacedurapatriementpourlesprisonniersàl’Ouestestsouventassezrapide,

lesmoyensàdispositionétantplusfacilementatteignables48etpourtant,lapréparationdu

rapatriementdesaspirantssembleavoirprésentéquelquesdifficultés.

Très tôt, le Capitaine Lartigue tente d’entreprendre des négociations ou même de

discuteraveclesSoviétiquespouropérerunrapatriementenFrance.Denombreusesidées

et rumeurs courent dans le camp, laissant croire à plusieurs types possibles de

rapatriement49etaudébutdumoisdemai, lesAméricainsenorganiseun. Lartigueet les

autres aspirants tentent de négocier pour trouver une place dans les camions mis à

dispositionpour l’occasion,mais ils fontfaceàdenombreuxrefusde lapartdesautorités

russes,quifinissentmêmeparrecevoir,le7mai,desinstructionsleurinterdisantdelaisser

passerquiquecesoitenzoneaméricaine50.Parlasuite,l’ordreestdonnéauxaspirantsde

tous se regrouper à Forst-Zinna pour limiter l’encombrement important à Luckenwalde51.

46DE SOUZA José, «Dans les rues de Luckenwalde», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.174-17547KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.455NAIMARKNorman,«RussesetAllemands:violsdeguerreetmémoirespostsoviétiques»,Violsentempsdeguerre,Paris,ÉditionsPayot,2011,p.207-22748DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.50249LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41-43,72AJ/2634,AS,AN50LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.48,72AJ/2634AS,AN51LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43-44,72AJ/2634,AS,AN

Page 180: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

179

Les aspirants continuent à suivre l’organisation administrative mise en place depuis les

débuts, et s’occupent de préparer leurs retours, par l’inscription sur des listes de

rapatriements.Unepremièreétapeàcetévènementtantattenduàlieuàpartirdu20mai

1945,oùplusieursinformationssontcommuniquées,surunpossibledépart,serépartissant

surplusieursjours52.Lamiseenplacedecerapatriementesttrèslaborieuseetconnaîtde

nombreuxpasenarrière,quilaisseàsupposerquelerapatriementquisuitlalibérationest

faitsansunegrandeorganisation,aucontrairedelapériodedecaptivité,dûprobablementà

laprécipitationdesévènementsàlafindecetteguerre,donnantlieuàdesdécisionshâtives

etdoncparfoisremisesenquestion.Celapourraitexpliquerl’absencededocumentsofficiels

sur la libération. Ces rapatriementsne semblentpas revêtir un aspect totalementofficiel,

commepeutd’ailleurslemontrerlesdifficultésquelesAméricainsetlesSoviétiques ontà

s’entendresurcesretours.

b) LedépartdeForst-ZinnaetleretourenFrance

Le23mai,lesaspirants,presqueaucomplet,quittentenfinlarégiondeLuckenwaldeet

plusparticulièrementlecampForstZinna,pourpasserenzoneaméricaineetainsi,pouvoir

retournerenFrance.Ilsrencontrentcependantdenouveauxproblèmes.Ilssontarrêtésau

campdeWittenberg,àunecinquantainedekilomètresausud-ouestdeLuckenwalde,oùils

séjourneront pendant deux semaines53. Les aspirants, fidèles à leurs habitudes et à leur

rigueur,remettentànouveauenplaceleursystèmed’organisation,dontLartigueredevient

le chef, et ils s’organisent donc pendant l’attente de leur prochaine libération. Tous les

aspirantsn’auraientpaseuuncomportementirréprochablependantcettepériode54,cequi

pourraits’expliquerparl’impatienceetl’exaspérationfaceàcettelongueurduretour.Outre

cela, la vie de campàWittemberg est assez similaire à celle de Luckenwalde, puisque les

aspirantssonttoujoursenmanquedenombreuxélémentsbasiques,telsquedes lits55.De

plus, de nombreuses fausses informations ou fausses alertes de rapatriements circulent

parfoisdanslecamp,cequicauseuncertainénervement.

52LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43-44,72AJ/2634,AS,AN53LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.55-57,72AJ/2634,AS,AN54LARTIGUEMédecinCapitaine,NotedeService,28/05/1945,Wittemberg,AS,AN,72AJ/263455LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.55,AS,AN,72AJ/2634

Page 181: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

180

Finalement, après quinze jours àWittemberg, plusieursmissions de reconnaissance à

bicycletteetlarencontreavecplusieurshautesautorités,lepassageenzoneaméricaineest

définitivementprêt,malgréquelquesnouveauxcontretemps:

«Ordre de départ pour 15h, à pied, en direction de Dessau; la nouvelle fait immédiatement le tour du

camp.Lajoieestgrande,bienquel’étapecomporteunetrentainedekilomètressansaucunevoiturepourles

malades et les blessés qui doivent rester sur place. À 16h40, les huit compagnies d’aspirants sortent de la

caserne. […] La longuecolonne traverseWittemberg.RencontreduLieutenantVILMORINquiannonceque le

retourenFrance,àpartirdelazoneaméricaine,seferaenavion:cettenouvelleprovoqueunvifenthousiasme.

[…] Le Commandant du camp deWittemberg revenant de Dessau transmet l’ordre de faire immédiatement

demi-touretdereveniràCoswigenraisondel’encombrementaubureaudecontrôle.LeCapitaineLARTIGUE

refuse formellement […]; après le départ du Commandant il fait continuer la marche. L’Elbe est franchie à

23h40.»56Le10juin,à14h20,«LeBataillonfranchitlaMuldesurunpontdebateau,entreenzoneaméricaine

etdéfileenrangsetenordreimpeccable,drapeauentête,danslesruinesdeDessau57.»

Aprèsunretarddûaumauvaistemps,lesaspirantssontaffrétésdansunavionle14juinà

12hetdansl’après-midi,ilsarriventauBourget58marquantainsilafindeleurcaptivité.

c) Unrapatriementalternatifpourungroupedeprisonniers

Touslesaspirantsn’ontcependantpasdécidédesuivrelamajoritédesaspirantsetont

préféré faire comme certains autres prisonniers de guerre, qui ont choisis de rentrer en

Franceparleurspropresmoyens59.SelonYvesDurand,lamajoritédecesgroupessemblent

échoueravantlafin,maiscelanesemblepaslecaspourcegrouped’aspirants:

«Unecolonnedénomméeavecoptimisme«détachementprécurseur»,composéd’aspirantsetd’hommes

detroupesqui,aprèsleurlibérationparl’arméesoviétique,atentédegagnerl’Elbeparsespropresmoyenset

gagnerlazoned’occupationaméricaine.[…]Cettecolonne,nonseulementatteignitl’Elbe,maislatraversa,et

sursa lancée,finitparaboutirsur lesrivesde laSeine.Ellemitpoursefaireuncertaintemps,maisdonnale

plaisiràsesparticipantsdepouvoirattendreleurscamaradesrapatriésàleurdescented’avion60.»

Ce retour, assez extraordinaire, a été l’objet de coups de chance et d’une grande

débrouille de la part des prisonniers de guerre, qui ont su dépasser les obstacles qui se

présentaientetpoursuivreleurcheminjusqu’aubout.Ilssont74àpartir,dont27aspirants,

etilssontéquipésaudépart,detroistracteurs,sixremorques,sixfûtsdegasoilde170kg,

56LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.57,72AJ/2634,AS,AN57FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17058LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.62,72AJ/2634,AS,AN59DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.49460MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.176

Page 182: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

181

ainsi que d’un ravitaillement alimentaire. Au fur et àmesure du chemin, ils perdent une

partiedeleuréquipement,ainsiquedeshommes,certainsn’ayantpluslaforcedecontinuer

levoyage61.Leurtrajetsefaitsanstropd’obstacles,notammentgrâceauxfauxpapiersen

leurpossession,leurpermettantdepasserlespointsdecontrôlesansproblème.

Cette colonne fit d’ailleurs quelques rencontres particulières. Début mai, Moignard

raconte que l’équipage a été doublé par un tracteur qui, après l’arrêt, a laissé voir qu’il

transportaitScapinietdesprochesquitentaientdefuirversleSuddel’Allemagne,suivide

prèsparunconvoideFrançaisenuniformequilerecherchait,cequisemblecorrespondreà

lafuitedeBerlinaudébutdel’année1945.Plustard,aprèsavoirtraverséleRhin,ilscroisent

«desrescapésdecampdeconcentration,encorerevêtusdeleurpyjamasrayés.Lesquelques

conversationsquenouspûmesavoiraveceuxnousfirentcomprendrecombiennousavions

étéprivilégiés,etquellechancenousavionseu62.» Ilestcependantdifficilede jugercette

confession,puisquecerécitn’aétéécritquequaranteansplustard,alorsquetoutceque

lesdéportésavaientsubiavaientétérendupublic.Ilestdoncimpossibledesavoirsicelaest

ditaumomentdel’écrituredutémoignageetavecunesincéritéréelleressentie lorsdela

rencontreaveclesdéportés.

Enfin,le13mai,lafrontièreestpasséeetle16,lacolonnearriveàParisetretrouveleurs

familles63,mettantainsifinàleurcaptivité,prèsd’unmoisavantlegroupedeWittemberg.

II–UnelibérationplustardivepourlerestedesaspirantsaustalagIAetalentours

En parallèle du bataillon d’aspirants, un autre groupe d’aspirants attendait sa

libérationetdelamêmemanièrequepourlebataillon,ilyaunedivisionentreprisonniers

etdifférentestemporalitésdelibération.

A–ÀStablack,enattentedelalibération

Après le départ des 850 aspirants en août-septembre 1944, il reste un certain

nombred’aspirantsprisonniersaucampdeStablack,généralementblessésoumaladeset

placésà l’hôpitaloucertainsrestéspour lesaider.Poureux, lacaptivitécontinuedans les

61MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17662MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17863MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.179

Page 183: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

182

mêmesconditionsquependant lesannéesprécédentes64etseloncertainstémoignages, la

régiondevientunezonedecombatassezrapidementetilestpossibledesupposerquecela

continua, s’accentuant au fur et à mesure de l’approche de plus en plus imminente des

Soviétiques.

La fin du mois de janvier est le déclencheur de la libération, notamment à cause de

l’encerclement de Stablack par les Soviétiques 65 , bien qu’elle ne se réalise pas

immédiatementetlesAllemandssontquelquespeuperdus:«Le25janvier,profondément

surprisparl’évacuationetladéfaiterendueàleursportes,lesAllemandsperdaientlaface,le

belordreallemandagonisait. Ladistributiondesvivresde laCroix-Rougedonna lieuàdes

scènesdepillagepardesprisonniersdetoutesnationalitéssansaucunessaiderépressionde

la part de nos gardiens 66 .» La situation semble donc complètement aux mains des

Soviétiques. Les Allemands décident alors d’agir et de lancer une évacuation partielle,

commecelaavaitétéfaitavecledépartdubataillond’aspirantsetdepuisle21janvier,pour

lestalagIB67.Ilseproduitalorsunenouvelleséparationpourlesaspirants,scindésendeux

groupes: les«aptesàlamarche»partentavecunemajoritédesgardesallemandsversle

campdeLübeck;lesautres,tropmaladespourbougeretceuxquis’occupentd’eux,restent

aucamp.Unefoislesdeuxgroupescréés,lalibérationseréaliseàdespériodesdifférentes

pourchacundesdeuxetdansdesconditionstoujoursparticulières.

B–Les«aptesàlamarche»:unlongexodeavantlalibérationparlesAnglais

Legrouped’aspirantsquipart,dès la fin janvier1945,deStablackconnaîtunparcours

assez similaire à celui du bataillon Lartigue, puisqu’ils partent avec un groupe de gardes

allemands,versl’ouest,pouréchapperàl’avancéedesSoviétiques.Ilssubissentunelongue

marcheetarrivésàdestination, ilsdoiventencorepatienteravantd’êtreenfin libéréspar

l’arméeanglaise.

64 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN65BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.19266PHILLIPE Abbé Michel, «Les derniers jours du IA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.18667SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackpar lesRusses»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.188

Page 184: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

183

Le groupe qui prend le départ le 26 janvier 1945 à 4 heures dumatin est qualifié de

groupedes«aptesàlamarche»,soitlesmembresducampdesaspirantsdeStablackrestés

audépartdupremiergroupeenseptembre1945,carblessésetdoncconfinésà l’hôpital,

mais désormais assez rétablis pour pouvoir entreprendre un voyage pour échapper à

l’avancée russe68. Le départ du groupe se fait dans le froidet dans des conditions assez

misérables et cela ne s’améliore pas, transformant l’exode en un long calvaire: on peut

observercelaenjanvier:«Lesmalades,desblessésauxpiedsgeléssontobligésderesterà

l’infirmerie du camp69», puis en février : «Nous installons l’infirmerie dans un local assez

minableoùquelquesAnglaisessaientdes’agitersurleurspiedsgelésetoùlesmédecinsfont

des quantités de pansements70.». La situation semble s’améliorer le 7 février: «Belle

chaussée.Onmarcheraitmaintenantpresque facilement,n’étaient lesblessuresauxpieds.

Les traineaux ont complètement disparus71», le beau temps est revenu, et les traineaux,

jusqu’alorsundesélémentsindispensablesdansl’attiraildesprisonniers,nesemblentplus

être d’aucune utilité. Le repos n’est cependant que de courte durée pour les prisonniers

puisqu’ilretrouvelaneigele12février,puislapluiele14,etenfinlaboueenfindemois72.

Cen’estqueverslafindemarsqueletempstourneenleurfaveur,cequilesaccompagne

ensuitejusqu’àleurarrivéeàl’oflagdeLübeck,lemercredi11avril194573.

Lesdifficultésmétéorologiquesnesontpaslesseulescomplicationsrencontréespar

le groupe pendant cet exode, puisque les gardes allemands qui les accompagnent et les

surveillentsontsourcedecontrariété,commecelaputdéjàêtrelecaspendantlacaptivité.

Ilssontassezrudesetbrutauxetfontpreuvelaplupartdutempsd’uncomportementassez

hostile, notamment avec les prisonniers soviétiques74. On remarque d’ailleurs qu’il y a

toujoursunehaineprofondeobservéecontrecesSoviétiques, représentativede l’aversion

de l’Allemagne nazie pour l’Union Soviétique, fruit d’une importante propagande nazie75.

Cettehaineexistaitdéjàlorsdelacaptivité,puisquelesSoviétiques étaient,commeonapu

le voir, traités plus durement que les prisonniers d’autres nationalités. Il est également

68BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19269BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19270BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19371BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19372BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19473BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.195-19674BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19475KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,665pages

Page 185: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

184

possible d’avancer l’idée que cette haine semanifeste plus intensément à cemoment, à

causedel’évacuation,renduenécessaireparl’arrivéedel’arméesoviétique.

Leparcoursdecettecolonnen’estcependantpasseulementmarquépardesdifficultés;des

rencontresfaitesaufilduvoyageremontentlemoraldesprisonniers.Ainsi,celaapuêtrele

casaucontactdecivilschezquilesprisonniersontprisrefugependantunarrêt.Unefamille

polonaiseenaccueilleunepartie le4 février, cequidonne lieuàdesadieux touchants le

lendemain;uncoupledepersonnesâgéeslesaccueillependantunesemaineetlesnourrit

volontiers pendant toute la période; s’ajoutent les retrouvailles avec des compagnons,

comme le mardi 27 février: «Nous retrouvons des figures connues: des officiers et des

employésdeStablack,l’équipeBrassier,Hébrard,GarreauetleGénéral»ouàlafindumois

demars:«Nousrecevonslavisited’Aspisarrivésle18mars76.»

Enfin ilsembleque,pendanttoute laduréedutrajet, lesprisonniersnesontquetrèspeu

misaucourantdudéroulementenparallèledelaguerre;laseuleinformationreçuedaterait

du 12 février: «De vagues nouvelles: l’offensive russe serait arrêtée, une attaque anglo-

américainesedévelopperaitsurleRhin77».Deplus,cen’estqueverslafinqu’ilssetrouvent

àproximitédeszonesdecombataérienetdesbombardements78.

Finalement,le12avril,trèstôt,legroupedeprisonniersarriveenfinàl’oflagdeLubeck,

oùilssontaccueillispardesofficiers,aprèsavoireffectuéunemarched’environtroismois

etestiméà1100kilomètres.La libérationn’aura lieuquequelquessemainesplustard, le

mercredi2mai,parunecolonneblindéeanglaise79,cequipermetdevoirquelàoùleplus

difficile pour le bataillon d’aspirants a été l’attente à Luckenwalde, ce qui est le sujet

principalduJournaldeMarche,pourcegroupe-ci,c’estlepériplejusqu’àLubeckquiaétéle

plusimportant.

C–Lesprisonniersàl’Aspilag:unelibérationrussesuivied’unelongueattente

En parallèle du groupe des «aptes à la marches» partant pour Lubeck, le reste des

aspirantsencoreprésentsàStablackdemeurentaucamp,aveclesprisonnierstropblessés

pourbougeretlespersonnesdésignéescommeresponsablesetquiconsidèrentcommeleur

76BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19577BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19478BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19579BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.196

Page 186: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

185

devoirderester80.À lasuitedudépartdugroupe le25 janvier, lecampsevideet il reste

alors1200prisonniers,dontseulement200Françaisetdeplus,lesprisonniersrestentseuls,

puisque la garde allemande ne sera pas relevée81 . Cette absence de relève pourrait

s’expliquerparl’arrivéedeslibérateursetdesennemisauxportesducamp,faisantpeuraux

Allemands,quiontdécidédenepluss’occuperducamp,lamajeurepartiedesprisonniers

étantpartispourLubeck.CettepeurdesAllemandsesttrèsprésenteencettefindeguerre,

comme le remarque Saint-Chamand: «LesAllemands du camp sont graves et inquiets, au

demeurantassezplats,ilsontpeur:lereversdelamédailled’unepropagandequin’estplus

làpourlessoutenir82.»

Les prisonniers du IA se trouvant alors seuls, ils s’organisent, notamment vis-à-vis de

l’hôpital,qu’ilscherchentàprotéger,enplaçantdesgardesàsesportes,ainsiqu’àcellesdes

baraques et des magasins83. Les aspirants et les autres prisonniers de guerre tentent

égalementdes’accommoderaveclesconditionsdeviequileursontimposées,notamment

le ravitaillement toujours aussi faible 84 , bien qu’ils trouvent certains méthodes pour

améliorer leurquotidien85.D’autresdifficultés seprésententégalement:outre lemanque

denourriture,lesréservesd’eauducamparriventàleurfinetilfautallerlapuiserdansun

ruisseauàproximité.L’électricitéfinitégalementparêtrecoupée,cequiposeproblème,à

l’hôpital notammentet les prisonniers se débrouillent alors en installant un éclairage de

fortune86.

Jusqu’à l’arrivéedesSoviétiques, lequotidiendes résidentsdeStablackest rythméparun

élément en particulier, la guerre et ses affrontements. Ils se multiplient et deviennent

quelquesfoisdangereux,puisqueplusieursbombardementstouchentlecampetsurtoutla

80SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18881PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18682SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18883SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18884SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18885SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18986SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.189

Page 187: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

186

périphérie de l’hôpital, bien qu’il ne soit jamais touché 87 . Plusieurs bâtiments sont

cependant atteints, telle que la baraque des Belges le 31 janvier, ou la baraque de la

pharmacie, le 8 février et de nombreuses douilles tombent dans le camp ainsi que dans

l’hôpital.Ilyaégalementdesblessés,commeaveclecasducapitaineSaint-Hilaire,militaire

françaisenchargedans lecampetquiestblessédansuneattaque,qui faitégalementde

nombreuses victimes88. Le camp subit aussi des pertes parmi ses prisonniers, lors d’une

attaquele9février:

«Quelquesprojectilestombentdansl’enceintedel’hôpital;l’und’euxheurteunecheminéedelabaraque

5etexplosedansunepièceoccupéeparungroupedeprisonniersvalidesquiavaientvoululierleursortàcelui

del’hôpital.Lescinqoccupantssonttués:2françaiset3Belges,évacuésdelacompagnied’Angerapp;le6ème

membredecepetitgroupeétaitsortiquelquesinstantsauparavantpourallervisiterunamilégèrementblessé

quelquesjoursplustôt89.»

LesSoviétiquescontinuentalorsleuravancéeetlesamedi10février1945,aumatin,

c’est la libérationdeStablack90etelleest ressentieavecune joieplus forteencorepar les

prisonniers russes, qui souffraient toujours d’un traitement hostile de la part des

allemands91. À partir de la libération, une cohabitation se met en place, les Soviétiques

prennentlecontrôleducampetdel’hôpitalet lerégimedesSoviétiques esttoutdesuite

observé comme étant meilleur que celui des allemands, notamment pour la nourriture:

«LesRussesnousapportent600grammesdepainparjourens’excusantdenepouvoirfaire

plus,troisfoiscequenousdonnaientlesAllemandsdanslesdernierstemps92».

Pour les Français,la situation est assez spéciale et quelques fois difficile, puisque les

Soviétiques ontuncomportementassezbrutalaveclequelilsontdumalàs’accommoder;

l’un des aspects qui ressort le plus des témoignages est le fait que les Soviétiques ont

tendanceàpillerlesmontres,commecelaarriveàSant-Chamandàdeuxreprises93.L’ivresse

semble également assez courante chez les Soviétiques, avec notamment l’organisationde

célébration, comme pour l’anniversaire de l’Armée Rouge fêtée au camp avec certains

87SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18988PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18789PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18790SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18991PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18792SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.19093SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.190

Page 188: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

187

aspirants94.CetteattitudedelapartdesSoviétiques sembleêtreassezcommune,etellese

retrouvenotammentdanslestémoignagesdelapopulationallemandevivantàl’Est95.

Enparallèle, lessuitesdela libérations’organisent,etaufuretàmesuredesjours,

plusieursgroupesdeprisonnierspartentducamppourlancerleursfutursrapatriements,en

fonctiondeleurssituationsmédicales(s’ilssontaptesounonpourletransport).Unpremier

groupe s’en va le 14 février: «Un convoi de 93 malades (Français, Belges, Polonais et

Italiens),aptesàlamarche,partentàpied[…]Nousrestonsà150environ,dontlecapitaine

HILAIREetledocteurLERNOUT,l’abbéPHILIPPE,l’aspiRAYMONDetmoi,ainsiquelesRusses

intransportables96.»Ensuite,le25février,cesontdesmaladesquientreprennentcettefois-

ci un voyage97. Finalement, c’est le 8 mars, que les derniers aspirants quittent le camp,

marquantainsilalibérationdéfinitiveducampdeStablack:«À17h,départenvoiturepour

Eylau.Laporteducamps’ouvrepourlaisserpasserlesdeuxderniersaspisduIA,RAYMOND

etmoi,verscequ’ilscroyaientêtrelaliberté.»98

Le camp de Stablack a donc officiellement et définitivement été vidé de ses

aspirants; ilafalluprèsd’unmois,aprèsl’arrivéedesSoviétiques,pourquelasituationse

résolve. Cette Libération n’est cependant que symbolique, puisque bien qu’ils partent du

camp, levéritableretourenFrancenesefaitpasavantun longuepériodedetempsetce

n’estquerétrospectivementquecettelibérationpeutêtreconsidéréecommetelle,comme

lerésumel’AbbéPHILIPPE:

«JoiedelaLibération!Maistellementcomplexequ’onn’arrivepasàleréaliser!Est-ilpossiblequece

jourauquelona si souventpensépendantcinqans soitenfinarrivé.Etpuis ilnous surprendsi loindenotre

France,dontnousséparentdescentainesdekilomètresdechampdebataille!

Il y a des centaines de camarades allongés sur leurs lits depuis bien longtemps et pour de longues

semainesencore.

IlyaceuxpourquilejourdelaLibérationneseraqu’unjourdesouffranceajoutéàtantd’autres,en

attendantledernierenterreétrangère.

Ilyanosmortsàquiilvafalloirdonnerunesépulture.

94SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackparlesRusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19195KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.45696SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.19097SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackparlesRusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19198SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.191

Page 189: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

188

Tous ces sentiments contradictoires, dans notremilieu de souffrants, font qu’il faudra un certain temps

pourréalisertoutelasignificationpourlescaptifsdeStablackdece10février194599.»

III–Uneétapelongueetcompliquée:lerapatriementdesaspirantsvenantdustalagIA

Une dernière étape se met en place pour les prisonniers encore à l’Est: le

rapatriement.PourcesaspirantsencoredanslazoneprochedeStablackouplutôtàl’Estdu

territoire du IIIème Reich, ainsi que d’autres prisonniers présents également avec eux, la

libération est organisée par les Soviétiques, à deux endroits principaux : Odessa (Sud de

l’Ukraine)ouMourmansk(Nord-OuestdelaRussie).

A–UnrapatriementparleSud:leretourd’Odessa

LepremierlieuderapatriementleplusimportantetleplusutiliséparlesSoviétiques

estOdessa.LavillesesituesurlamerNoireetauraitaccueillienviron19000prisonniersde

guerrefrançais,venusdedifférentspaysdel’Est100.

LesgroupesdeprisonniersrapatriésparOdessaontpourpointcommund’avoirétélibérés

par les Soviétiques. Cependant, la plupart s’arrêtèrent d’abord à des camps de

rassemblementetdetransit,quiservaientd’arrêtavantleretour,commelefutlecampde

WittenbergpourlebataillonLartigue.Lecampmentionnédansleplusdetémoignagesest

celuideBialystok,àl’estdelaPologne,ducôtédelafrontièrebiélorusseetà1000kmau

Nordd’Odessa.Selonl’aspirantGeliot,lepremierconvoideprisonniersquiquittalestalagIB

partitpourBialystokle15janvier1945;lesecond,dontilfaisaitpartie,devaitaussiyêtre

acheminé mais continua finalement jusqu’à Odessa101. Selon le témoignage de l’aspirant

Persin, le camp aurait également été un lieu de captivité pour des prisonniers de guerre

allemands102.IlestenvoyépourOdessa,avec6autresaspirantset1500hommes,cequileur

pritcinqjoursetletrainallaversl’est,puisausud,cequilaisseàsupposerqu’aucuntrajet

direct n’existait entre les deux points, mais également que la guerre avait pu détruire

certaines voies ferroviaires notamment par les nombreux bombardements103. Les deux

99PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.187100DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.502101GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.180102PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN103DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.500

Page 190: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

189

autres témoignagesdisponibles sur le rapatriement àOdessapeuvent également appuyer

cette idée,puisque lesdeuxaspirants,chacunde leurcôté,semblentavoirprisunchemin

différent avec leur convoi, les descriptions qu’ils font du paysage extérieur étant plutôt

distinctesl’unedel’autre,bienquecelapuisseégalementêtredûàunétatd’espritdifférent

pourlesprisonniers104.

Demanièrecomparable,lecheminduretourdepuisOdessaaégalementtendanceà

nejamaisêtrelemême.Eneffet,onretrouveplusieurstémoignagesdifférentsdegroupes

d’aspirants ayant été rapatrié par Odessa, mais qui connaissent chacun des itinéraires

distincts. On peut alors supposer que cela est dû à des déroutements causés par des

attaques de forces ennemies ou à des complications pendant le trajet. Le témoignage de

l’aspirantGeliotmentionnelecasdedeuxconvois,bienqu’ilyaitpuenavoireuplus,mais

l’auteurfaitlui-mêmepartiedudeuxième,cequiluipermetd’êtrederetourenFrancele21

avril,parMarseille,aprèsavoirtraversé:«leBosphore,lelongdescôtessuddelaCrêteet

descôtesnord-estdelaSicile,dominéparle‘’Stromboli’’105.»L’aspirantJanody,desoncôté,

apumontédansunbateauassezvite,maissontrajetaconnudescomplications,obligeant

uneescaleenÉgypte.IlsarriventfinalementàNaples,oùilauraitétéretenuquelquestemps

en tant que représentant des prisonniers de guerre français en Italie, avant de pouvoir

repartirpourlaFranceenavril106.

SilescheminsdelalibérationversOdessaetd’OdessaauretourenFrancediffèrent

en fonction des prisonniers, les témoignages s’accordent sur un point: le traitement à

Odessaoù ils expérimentent une sorte de nouvelle captivité. En effet, les Soviétiques ne

laissèrent pas une grande liberté aux prisonniers; cela aurait été comme un nouvel

internement107,avecune interdictiondesortie108,maisavecdesconditionsdevie toutde

même bonnes, semblables à la captivité, comme par exemple l’accès à la messe109et le

contact avec un curé110. Selon certains chiffres transmis par les aspirants qui témoignent,

104GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.181105GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181106JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.182107GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180108JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181109PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN110GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180

Page 191: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

190

une quantité plutôt importante d’aspirants ont connu un rapatriement parOdessa et ont

d’ailleurs été rapatriés plus tôt que la plupart des autres aspirants111: Louis Persin a

embarquéle2avril1945112,NicolasGeliotestpartimi-avriletestarrivé le21avril1945à

Marseille113et enfin, Jean Janodydit avoir enfinpupartird’Italie le4avril 1945114, cequi

veutdirequeleconvoimêmeavaitdûpartirfinfévrierouàlami-mars,puisqu’ilestrestéun

certaintempsenItalie.Onpeutdoncobserverquecesontdesrapatriementsplutôtavancés

pourcesprisonniersetilsconnaissentunesituationadaptéeàl’époqueetauxmoyensmisà

disposition.Selon les informationsque l’onaàproposduretourdesautresprisonniersde

guerre,onpeutsupposerqu’OdessaaétélepointderapatriementdesSoviétiques pendant

unecertainepériode,etquecelanefutpluspossibleparlasuite,probablementàcausedes

développements de la guerre ou de problèmes par le sud. Ainsi, après avril, les

rapatriementssefontplutôtparlenord,etnotammentparMourmansk.

B–Unrapatriementtardif:unretourdeMourmansketKandalakcha

Après les rapatriements par Odessa, les Soviétiques utilisent Mourmansk comme

point de rapatriement. Cela concerne surtout le cas des prisonniers de guerrequi étaient

retenus captifs dans des camps plutôt à l’est et donc libérés par l’Armée Rouge, qui les

achemine versMourmansketKandalakcha.Ce lieude rapatriement concernenotamment

lesaspirantsprisonniersdeguerrerestésàStablackaprèsledépartdugroupedu25janvier

libéréplustardàLubeck.

Tout d’abord, un nombre important de prisonniers de guerre captifs en Prusse

Orientaleontétéacheminésdansuncampdetransit,Gumbinnen.Lavillesesitueaunord-

estdeStablack,àenviron200kmetaservidecampderassemblementparl’Arméerouge

pour lesprisonniersdeguerre115,avecenviron10000prisonniersdeguerreprésents116et

notammentceuxdescampsIAetIB.LedépartpourleNords’estfaitendeuxgroupes:«Le

premierd’uneffectifde11officierset1495hommesdont150civils,etlesecondgroupant2

111JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181-182112PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN113GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181114JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.182115FOUINBernard,«ParMourmansket laMerBlanche»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.182116MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632

Page 192: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

191

officiers et 502 hommes, sont partis du centre de rassemblement de Gumbinnen,

respectivementauxdatesdu28et30marsetarrivésàKandalakchales5et7avril1945117.»

Lesdeuxconvoissemblentavoireuuntrajetsimilaire,marquénotammentparunmanque

deconfort118,avecunarrêtàLeningradpourdéposerdesprisonnierstropmaladespourle

transportetuns’arrêteàKandalakcha,alorsquel’autrecontinuejusqu’àMourmansk119.

Aprèscettearrivée,unenouvelleviedecamps’installe,dansdesconditionsplutôtbonnes.

Toutd’abord, ilsontreçuunnouveluniforme,auxcouleurssoviétiques120,puis ilspassent

par une visite médicale121et les Soviétiques les font soigner dans un hôpital où ils sont

emmenéssinécessaire,commec’est lecaspour l’aspirantFouinquiy resteunmoispour

faire soigner sa sciatique122. Le ravitaillement est également bon, avec une ration plutôt

importantedonnéeparl’ArméeRougeetl’étatsanitaireestsatisfaisant,bienqueleclimat

puissecauserquelquesproblèmes123,commecelafutlecasàStablack.Aucamp,lesactivités

se résument surtout à des séancesde cinémaet à quelques corvées, cequi permetdonc

d’observerquelesaspirants,pendantcetteattenteàMourmanskouKandalakcha,semblent

retrouverlaviedecaptivitéqu’ilsavaientàl’Aspilag.

L’attenteestassez longueavant leurrapatriement,puisqu’ilsarriventdébutavrilet

nepartentqu’audébutdumoisd’aoûtetcelaestenpartiedûàuneactiondesSoviétiques

qui semblent aller à l’encontrede la volontédes Français. Toutd’abord, l’existencede ce

campnesemblepasavoirétédévoiléauxautorités françaisesenchargedesprisonniersà

cettepériode124,cequisupposelepeudepréparationsdontontfaitpreuvelesSoviétiquesà

propos de ces rapatriements. Il est aussi possible d’avancer l’idée qu’ils n’ont pas été

informés, car les Soviétiques veulent retarder le départ des Français, sentiment qui a été

ressentiparcertainsdesaspirantsàMourmansk125.Celaamenamêmeàuneatmosphèrede

117MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632118FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183119MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632120FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183121MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632122FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183123MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632124MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632125FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184

Page 193: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

192

tensionetdesuspicionaveclesRusses,quis’ajoutaitenplusàl’impatiencedesprisonniers

pour le retour en France. L’arrivée d’autorités françaises permet alors de faciliter le

rapatriementdesdeuxgroupesdeprisonniersfrançais:ilsréussissentàcalmerl’impatience

desprisonniersetàgérerlasituationaveclesSoviétiques,quisemblaientfaireensortede

ralentirledépart126,bienqu’aucunejustificationpourcecomportementnesoitdonnée.

Après une certaine période de temps, les deux groupes arrivent tout de même à

prendreunbateaupourlerapatriement,le18juilletsurle«JougWillem»pourunepartie

du groupe deMoineau127, dont lui-même et au début dumois d’août pour le groupe de

Fouin128. Les groupes font tous deux un arrêt enNorvège, dans la ville de Tromsø, où ils

restentdu23juilletau4aoûtpourlespremiersetdu4aoûtau28pourlesseconds,cequi

sembleavoir étéuneescaleagréablepour lesprisonniers129. Le restedu trajetne futpas

dénuéd’obstacles,puisqueMoineauexplique:«denombreusesavariesnousobligèrentà

troisescalesenNorvègeetuneenÉcosse130»etl’embarquementdeFouindutfaireuncourt

stationnement enmer au niveau de l’Écosse131. Les deux groupes de prisonniers arrivent

respectivement le 20 août à Dieppe et le 10 septembre au Havre, sous un accueil

chaleureux,quisembleavoirmarquécesdeuxprisonniers.

Ainsi, l’odyssée s’achèvepour les derniers prisonniers n’étant pas encore rentrées,

mettantainsifindéfinitivementàlacaptivitédesaspirantsprisonniersdeguerreduSTALAG

IAdeStablack.

126FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184127MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632128FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184129MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632130MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632131FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,P.184

Page 194: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

193

Les différents chemins du retour par l’Est des aspirants encore au stalag IA lors de la

libérationducampparlesSoviétiques

L’année1945marquedoncletempsdelalibérationpourlesprisonniersdeguerre,

mettantfinàcinqannéesdecaptivité,dansdesconditionssouventdifficileset laissant les

prisonniersgénéralementheureuxcarcelasignifieunretourchezeux.Maiscesentimenta

pusetransformervite,puisquel’attenteestl’élémentprincipaldecettelibération,cequia

pesé sur les nerfs d’un certain nombre de prisonniers. Les aspirants ont cependant fait

preuve, pendant cette période, d’organisation et de solidarité, comme ils l’ont démontré

pendanttouteleurcaptivité.LeretourenFranceestuntempsdejoie,commelesdifférents

témoignages lemontrent dès l’arrivéemarquant généralement la fin de la captivité et le

retour,enthéorie,àlavied’avant.

Page 195: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

194

Cette libérationposetoutdemêmeunproblèmedupointdevuedes informations

transmises.Silacaptivitéaétéunepérioderéguléepardenombreuxéchanges,courrierset

rapports entre différentes autorités français et allemandes, la libération est une période

beaucoupplusdésordonnéeetbeaucoupmoinsdocumentée.Lescaspertinentpourl’étude

decesretourssontdestémoignagespersonnelsdeprisonniersetsicertainsontétéécrits

pendant lapériodevécue, laplupart sontpostérieursà laguerreet il estdoncdifficilede

vérifierl’authenticitédespropos.Deplus,cesrécitsnesontpastoujourstrèsnombreux,ce

qui empêche de véritablement obtenir une image sous différents angles d’une même

situation,commecelaapus’observerpourlesaspirantspendantlesdifférentespériodesde

libération.

Cerécitdelalibérationetduretourestdoncessentiellepourl’expériencequ’estla

captivitépourlesaspirants,puisquel’onapuobserverquecequ’ilsontpufairealorsqu’ils

étaientencaptivitéàl’Aspilag,telsques’organiserpourunemeilleuregestiondelapériode

d’attenteavantlalibérationouleretour.Ilsavaientdéjàréalisécelaalorsqu’ilsavaientété

envoyés au stalag IA et cela permet donc de montrer qu’ils sont une communauté

structurée,quelquesoitl’endroitoùilssetrouvent.

Page 196: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

195

CONCLUSION

L’aspirantaétéunélémentproblématiquepour lesautoritésallemandesetpour la

missionScapinipendantune longuepériodeaudébutde lacaptivité; iladonné lieuàde

nombreuxéchangesentrelesdiversesautoritéspourtrouverunesolutionàleursituationet

répondreàlaquestiondeleurplacedanslahiérarchie,toutensatisfaisantetenrespectant

lesnécessitésdecesprisonniers.Enmars1941,lesaspirantssontenvoyésdansuncampmis

en place spécialement pour eux, le stalag IA, renommé Aspilag, ce qui conduit à une

captivitéunique, au regardde l’expérience communedesprisonniersde guerre, bienque

certainsaspectscontredissentcesentimentparticulier.

LesaspirantsontétéenvoyésàStablack,enPrusseOrientale,dansunezoneplutôtdifficile

vis-à-vis du climat et des conditions de vie, en représailles, pour le comportement

supposémentrévoltantdontilsauraientfaitpreuve.C’estleurstatutuniquequilesamène

danscestalagetquiapportedonclespremiersélémentsd’unespécificitédeleurcaptivité,

c’est-à-dire la localisation et la grandedistance jusqu’à la France, qui jouent un rôle dans

leur internementbienqueminime faceà l’élément leplus important: lesavantagesde la

conditiond’aspirant.

Si lesconditionsdeviedeStablackontpuposerunproblèmependantun tempspour les

aspirants, notamment à cause du régime de représailles imposé par le commandant

Hartmann, ces prisonniers de guerredéveloppent rapidement, par la suite, un régimequi

s’assimile en grande partie à un oflag, bien qu’il n’en soit pas un. Ainsi, ces aspirants

développent une activité au sein du camp pouvant être qualifiée d’omniprésente et

d’intense:duthéâtre,ducinéma,dusport,desétudes,dela lecture,delapolitique,dela

propagandeetde la religion. Tous les sujetsqui avaientpuêtreobservésunparundans

diverscampssontorganisésauseindel’Aspilagetlesaspirantsyparticipentenmasse.De

nombreuxétudiantss’inscriventàl’université,demultipleséquipessportives,théâtralesou

musicalesse formentetplusieursmembresdesaspirantsprennent la têtedumouvement

Pétain et de ses cercles d’études. Cette captivité est encore plus unique par l’expansion

qu’elleconnaîtà l’intérieurducamp,avec l’arrivéedeplusieursprisonniersdeguerrenon

aspirants pour l’université qui a été développée mais également hors de ses barbelés,

évènementplutôt rare,àcausede laméfiancedesAllemands.Ainsi,desprêtresaspirants

Page 197: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

196

partentpourassurerlecultedansleskommandos,certainestroupesartistiquess’envonten

tournée en Prusse orientale et certains aspirants prennent des postes d’officiers-conseils

auprès des hommes de confiance des alentours. Ainsi, leur statut d’aspirants semble leur

donneruneplusgrandelibertéetunemeilleureautonomie,àl’intérieuretàl’extérieurde

camp.

Ce caractère unique peut tout demême être nuancé par certains éléments apparaissant

après une certaine période de captivité. Si les aspirants ont connu une activité très

développéeaudébutdeleurarrivéeàStablack,lafindel’année1942etledébutdel’année

1943 semblentmarquerun tournantdans cette situation, par l’essoufflement et la baisse

d’activités, voir la disparition, d’un certain nombre d’occupations ainsi que certains

changementsauseinducamp.LeMouvementPétaindelaRévolutionNationalesemblene

plusexisteràpartirdelafindel’année1942,l’activitéuniversitairediminuegrandementau

débutdel’année1943etdeplusenplusd’aspirantspartenttravaillerdansdeskommandos,

sans véritablement prendre d’emplois en accord avec leur statut. Bien qu’ils reçoivent un

traitementparticuliersansêtreprivilégiés,lesaspirants,commetouslesautresprisonniers

deguerre,expérimententlafatigue,l’ennuietlaclaustrophobiedel’enfermementdansles

camps et partent donc travailler, mettant fin à ces conditions particulières et montrant

égalementqu’ellesn’apportentpasquedespointspositifs.

Enfin,silesconditionsd’internemententantqu’aspirantonteuunimpactsurlacaptivitéde

cesprisonniers,c’estprincipalementleurstatutuniquequiestl’élémentessentielàprendre

en compte dans cette période et ce qu’elle a apporté. L’aspirant est un élève-officier, un

sous-officierquin’apasencore trouvésaplacedéfinitiveauseinde lahiérarchiemilitaire

françaiseetquisedifférenciedoncnettementdesautressoldats.Malvusparleshommes

de troupe, considérés comme inférieurs par les officiers, le début de leur captivité a été

douloureux, dû à cette absence de position vis-à-vis de ces autres militaires, mais c’est

égalementgrâceàsonstatutquelasituationprenduntournantpositif.Parl’envoidetous

lessoldatsdumêmegradeaumêmeendroit,lesautoritésfrançaisesetallemandesmettent

en place une communauté qui prend des proportions insoupçonnées. Dès le début de la

captivité,ilss’unissentcontrelerégimedereprésaillesetfontpreuvedesolidaritélorsdes

différentessanctions imposéespar lecolonelHartmann.Pendant lacaptivité, ilsmontrent

leurs volontés d’aide et de coopération, par le biais de leur caisse d’entraide, la Part du

camarade,aveclepartagedematériaux,costumesetautresobjetsenvoyésparlesfamilles

Page 198: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

197

pour les activités culturelles et sportives. Ils mettent également en place des réseaux

d’évasions, pour aider les différents aspirants ainsi que d’autres prisonniers de guerre à

s’évaderavecmoinsderisquesquelorsquelestentativesétaientprévuesindividuellement.

Cette solidarité s’observe même une fois hors du camp, puisque pendant la libération,

malgrél’absencedel’Aspilagquilesréunissaitentreeux,ilscontinuentdeformerungroupe

soudé, qui s’organise et s’entraide, dans les rapatriements à l’est et à l’ouest. Enfin, le

véritableexempledel’importancedecestatutpourlesaspirantsestcequisepasseaprèsla

libération.Pourlesaspirantslibérésavantlafindelacaptivité,leretourenFrancen’apaseu

commeconséquenceunoubli totaldesongradeetdesescamarades.Commeonapu le

voir,lasolidaritédesaspirantscontinuemêmeaprèsleretour,quecelasoitparlacréation

d’uncomitépourenvoyerdesvivresoudesobjetspourlesaspirantsencoreencaptivitéou

parl’adhésionàdescomitésderésistanceetdeserviced’évasionspouraiderlesaspirants

qui tententégalementdemettre finà leurcaptivitéplus tôt.Lasolidaritéadonc toujours

été un élément principal du caractère des aspirants entre eux et avec certains autres

prisonniersdeguerreetonpeutl’observermêmeaprèslafindelaguerre.

Leretouràlavieciviledesaspirantsconduitàuneextensiondusecrétariatquiavait

été créé par les aspirants rapatriés et ainsi, le 10 novembre 1945 est créée l’Amicale du

campdesAspirants,quiconnaîtuneactivitétrèsintensependantplusd’undemi-siècle.Les

aspirantscréentunjournalbimensuelL’Aspi1,mentionnantàlafoislasituationdesaspirants

depuis la fin de la captivité, certains souvenirs de la période à l’Aspilag, ainsi que des

informationssur ledéroulementde l’amicale. Ilendécoule larédactiondedeuxouvrages,

unlivresurlacaptivité,reprenantlaplupartdestémoignagesrecueillisparL’Aspietunlivre

présentantdesphotosdecettecaptivité. Ilsmettentégalementenplacedescongrèstous

lescinqans,de1955à2000,oùseretrouventunemajoritédesaspirants,ainsiqueplusieurs

journées culturelles, sportives ou des cérémonies d’hommages. L’évènement majeur de

cetteAmicaleaétél’organisationd’unvoyageretouràStablackenjuin1994,50ansaprès,

pourunevingtained’aspirants,pourrevoir les lieuxoù,entre1941et1945,plusde2000

d’entreeuxontvéculeurcaptivité2.

1L’Aspi,N°1àN°326,1946-2002,72AJ/2628,AS,AN2X–AmicaledesAspirants,Stablack1995,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume2,Images,1995,p.91

Page 199: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...
Page 200: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

199

ÉTATDESSOURCES

I–Archives

LesArchivesNationales

Les archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine renferment le plus d’informations

permettantd’étudier lacaptivitédesprisonniersdeguerre,etplusparticulièrement lecas

desaspirantsduSTALAGIAdeStablack.Lesdocumentsutilesàl’étudesedivisentenquatre

parties: les affaires militaires, le fonds captivité de guerre dans les papiers du Comité

d’histoiredelaSecondeGuerremondiale,lesdocumentsdesprisonniersdeguerredansles

archives des organismes issus de l’armistice de 1940 et enfin, le fonds de l’Amicale de

Stablack. Chacun apporte des informations différentes qui permet de rendre l’étude plus

complète.

Lefondsdesaffairesmilitaires(F/9)regroupelamajoritédesdocumentspermettantdevoir

lecampdeStablackauregardsdesautoritésquis’ensontoccupées,quecelasoitlamission

Scapini,leshommesdeconfianceoulesdifférentsservicesencharged’unepartieducamp.

Cela représente l’aspect officiel des affaires du camp. Le fonds de l’Amicale de Stablack

(72AJ/2623 à 2636) apporteplutôt des informationsplus personnelles, puisque l’on a des

documentsdatantdel’époquedelacaptivité,surledéroulementmêmedesactivités,ainsi

quedestémoignagesd’époquesurdifférentsévènementsquiontmarqués lecamp.Cette

partiepermetdoncd’enapprendreplus,nonpas sur le camp,mais sur sapopulation, les

aspirantsmajoritairement,contrairementau fondsmilitairequi, lui,estgénéralementplus

formel dans les informations apportées. Le fonds des papiers des organismes issus de

l’armistice de 1941 (AJ/41) est composé de certains documents sur lesmaladies dans les

camps, ainsi que des rapports sur les aspirants et leur statut. Enfin, le fonds Captivité de

guerredespapiersduComitéd’histoiredelaSecondeGuerremondiale(72AJ/296)permet

d’apprendre des informations d’une manière bien différente des autres. Il comprend les

réponses à un questionnaire assez complet sur la captivité, envoyé par le Comité aux

prisonniers de guerre, et cela permet d’en apprendre plus sur la captivité, de façon

individuelle. L’un des principaux problèmes de ce fonds est que ce sont des témoignages

postérieurs à la captivité et à la fin de guerre, et on peut donc douter de la véracité des

informations, comme notamment le ressenti du prisonnier, mais aussi ce qu’il a pu

Page 201: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

200

apprendre après la fin de la guerre qui pourrait faire changer son jugement, ou encore

l’impossibilitédevérifiersitouslespropossontsincèresousicertainesinformationsnesont

pasinventésparmanquedesouvenirdequelquesmomentsdecaptivité.

A–FondsF/9Affairesmilitaires

Lefondsdesaffairesmilitairesdesarchivesnationalesregroupetouslesdocumentsofficiels

surlacaptivitédeguerre,notammentpendantlesdeuxguerresmondiales.PourlaSeconde,

les nombreux courriers envoyés par les différents services en charge de la captivité de

guerreontàpeuprès touspuêtre conservés, et ils sont triéspar serviceetparordrede

camps.LecampdeStablackregroupedenombreuxéchanges,notammentpour laMission

Scapini, et cela est encore plus spécial par le fait que la particularité de la population

d’aspirants à Stablack a augmenté le nombre de documents officiels à propos du camp,

permettantainsid’enapprendreplussurledéroulementmêmed’uncampdecaptivité.

1–Servicediplomatiquedesprisonniersdeguerre(SDPG)oumissionScapini,1940-1944

a) Cabinet

A° Bureau d’études: organisation correspondances, documentation, congés de captivité,

libérationdesprisonniers,traitementdesprisonniers:F/9/2272,2287,2310,2334

1°Organisation:F/9/2272

a) Principe

Création–Organisation–TravaildesAspirants

b) Transfert

2°Correspondance:F/9/2287

Page 202: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

201

3°Documentation:F/9/2310

a) DossierdePrincipe

Liste des camps d’universités – Rapport sur l’organisation des camps – Communiqué aux

prisonniersdeguerre–Aidesauprisonniersdeguerre–Demandesdetransferts–Examens

–Lettresdel’ÉducationNationale–ServicedesSports

b) Mutationsd’étudiantsàStablack

Documentsgénéraux–Demandesparordrealphabétique

4°Traitementdesprisonniersdeguerre:F/9/2334

B°Servicedel’inspectiondescamps:F/9/2349

C°CorrespondancesetNotesdesHommesdeConfiance:F/9/2570

b) DélégationdeBerlin

A°Organisation,correspondances,documentation:F/9/2679

B°Inspectiondescamps:F/9/2709

2–Directionduservicedesprisonniersdeguerre(DSPG),1940-1944

A°1erBureau

- Renseignementssurlescampsd’Allemagne,1940-1941:F/9/2878

- VisitedescampsdeprisonniersdeguerreenAllemagne,1939-1940:F/9/2878

- Rapportsdevisitesdescamps:F/9/2880

B°Journauxdecamps:F/9/2893

a) Confins(JournaldesprisonniersdeguerrefrançaisetbelgesdukommandoE17)

- 1943:N°1février–N°2mars–N°3avril–N°4mai/juin–N°5juillet–N°6août–N°9

décembre

- 1944:N°1janvier/février–N°2mars/avril–N°3mai/juin/juillet

Page 203: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

202

b) Entrenous(JournaldesprisonniersdeguerrefrançaisetbelgesdukommandoE14)

- N°5

c) Flambeau(JournalmensuelduKommando8)

- 1942:N°1Octobre

- 1943:janvier–novembre–décembre

d) FranceVivante(MouvementPétain)

- 15janvier1942

e) SEPT(Bulletinmensueld’informationsdesprisonniersdeguerrebelgesetfrançaisdu

kommandoE7)

- 1942: N°1 15 juin – N°2 1er juillet – N°3 et 4 15 juillet/1er août – N°7 et 8 15

septembre/1eroctobre–N°9et1015et30octobre–N°1115novembre–Numéro

SpécialNoël

- 1943:Numéro Spécial Pâques –N°201er juin –N°2115 juin –Numéro Spécial 15

juillet–N°2215août–N°2315septembre–N°2415octobre–N°2515novembre–

NuméroSpécialNoël

- 1944:N°2715février–N°28mars/avril–N°29mai/juin

f) LaFrancisque(L’hebdomadairedesaspirants)

- 1941:N°1Samedi13décembre–N°2Jeudi25décembre

- 1942:N°3Samedi17janvier–N°4Samedi31janvier

g) LeChi-cos(JournalduKommandoE44)

- 1943:N°2février43–N°3mars43

h) LePetitGerdauennois(JournaldesprisonniersdeguerredukommandoE10)

- 1943:N°3octobre–N°4novembre–N°5décembre43

- 1944:N°6janvier–N°8et9mars/avril–N°10mai44N°11juin44–N°12juillet44

Page 204: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

203

i) MouvementPétain–Bouteillon5(Bulletinmensueldesprisonniersdeguerrefrançais

etbelgesdela5èmecompagnie)

- 1942:1ermars–15mars–1eravril–1ermai–15mai–1erjuin–15juin–1erjuillet–

15juillet–1eraoût–15août–1erseptembre–15septembre–1eroctobre–Noël

- 1943:1erjanvier–15janvier–15février–15mars–Pâques–15juin–15juillet–

15août–15septembre–15octobre–15novembre–Noël

- 1944:Janvier–Avril–Mai-Juin

j) Nous(JournaldukommandoE9)

- Editorial

- N°125octobre42

- N°3août/septembre43

k) Présent(MouvementPétain)

- 1943:N°515février

- 1944:N°15février–N°17avril–N°18mai–N°19juin

l) Servir(Journalmensueldela4èmecompagnie)

- 1942:N°1octobre–N°2novembre–NuméroSpécialNoël

- 1943:N°4janvier–N°5février

m) Tenir(BulletindukommandoE34)

Numéros1–2–3–4–5–6–7–8–9–10–11

n) Autresnuméros

- Listesdesjournauxdecamp

- Bulletindel’hommedeconfianceprincipal

- Notedel’hommedeconfianceE11

- Circulairedel’hommedeconfianceE20

C°Renseignementssurlescampsdeprisonniers:F/9/2912

- Comptesrendus1942

Page 205: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

204

- Comptesrendus1943

- Comptesrendus1944

- Rapports

D°3èmeBureau:F/9/2919

3–Commissariatsauxprisonniers,déportésetréfugiésduComitéfrançaisdelaLibération

Nationale(CFLN),1943-1944

- Organisation, correspondances, documentation, service des contrôle techniques:

F/9/3114

4–MinistèredesPrisonniers,DéportésetRéfugiés,1944-1946

- MissionàLondres,serviced’actionetdepropagande(SAP):F/9/3277

- MissionfrançaisederapatriementenAllemagne(MFRA):F/9/3315

5–Archivesdescampsdeprisonniersdeguerre,classésparoflagetstalag,1940-1945

ArchivesdustalagIA:F/9/3437,3438,3439et3440

1°Hommesdeconfiance:F/9/3436

- Correspondance

- RapportKommando

2°Kommandantur:F/9/3437

3°Délégationofficiellefrançaisedeslandesbauernschaffen:F/9/3438

Intellectuelles–Juridiques–Lestalag–Organisation–Organisationdeladivisiondefrançais

–Rapportsavecl’Allemagne

4°Questionsmatérielles:F/9/3439

Fiches – Intellectuelles – Le stalag – Logements – Matériaux – Moraux – Nourriture &

Hygiène–Organisation–Tabac–Travail–Vêtements

Page 206: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

205

5°Divers:F/9/3440

Aide&Protection–Moraux–Physique-Travail

B–FondsAJ/41desorganismesissusdel’armisticede1940

A°Aspirants:AJ/41/454

B°Malades:AJ/41/455

C – Fonds 72AJ de la Captivité de guerre par le Comité d’histoire de la SecondeGuerre

mondiale

TémoignagesetréponsesauquestionnaireduComitéd’histoire:72AJ/296

AMANS–BANOUN–BARON–BEAL–BEAUDELOT–BOULANGER–BULTEZ–COULAUD–

DEVIGNE–DOIZELET–DOLOY-DRECOURT–DUPRIEZ–FICHET–FILHO–GELIS–GRANSARD

– GRISVARD – HAEHL – JANIN – LABEDA – LAMAT – LAMBERT – MASSE – MASSETTE –

MICHAUX–MOLITOR–MORISSET–PERSIN–POTIEZ–SOULIER–SPY–TOURNAY

D–Fonds72AJdel’AmicaleducampdesaspirantsdustalagIA

Lefondsdel’AmicaleducampdesaspirantssurSTALAGIAapporteuncontrasteintéressant

parrapportauxdocumentsquel’onretrouvedanslefondsdesaffairesmilitaires.Cefonds

del’Amicaleapportedesinformations,soitcomplémentaires(commed’autresjournauxde

camp),soitnouvellessurlavieducamp,ledéroulementetd’autresélémentsqui,bienque

nonofficiellesetdoncnonprésentesdanslesaffairesmilitaires,sontutilespourl’étudedu

camp des aspirants. Ainsi, bien qu’il est nécessaire de trier les informations que l’on

retrouve,notammentparcequ’uncertainnombrecomprenddesdocumentsdatantd’après

lacaptivitéetnesontpasenrelationaveclecampmême(c’est-à-diretoutcequiaunlien

avecl’activitémêmedel’Amicaleentre1946et2002),letravailsérieuxqu’afournil’Amicale

et les souvenirs gardés par d’anciens aspirants sont essentiels pour créer l’histoire de ces

aspirants.

1–SecrétariatdesAspirantsduStalagIA

1°Documentationsurlesprisonniersdeguerre:72AJ/2623

Page 207: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

206

2°Secrétariat1942–1945:72AJ/2623

- Rapports,documents,correspondanceremisen2003

- Rapports,correspondances,divers

- Rapportssurlecampmars1942–novembre1944

- Statuts,création

2–AmicaledesAspirants:secrétariat

1°Bulletinsd’adhésionàl’Amicale:72AJ/2624à2626

2°Annuairesdel’Amicales:72AJ/2627

- Année1946

- Année1951

- Année1980

- Année1998

3–Activitésdel’Amicale

1°JournalL’Aspi:72AJ/2628,2629

- 1946:janvier–avril–juin–septembre–novembre–décembre

- 1947:février–avril–juillet–septembre–décembre

- 1948:avril–juillet–octobre

- 1949:janvier–mars–juin–septembre

- 1950:février–avril–juin–août–octobre–décembre

- 1951à2002:janvier–mars–mai–juillet–novembre

2°Congrès,cérémoniescommémoratives,manifestationsdiverses:72AJ/2630

- Congrèsdel’Amicale

- Journéedulivreetdel’ArtdesAspis1989

- Rapatriementdescorpsetlistedescorpsrapatriés1970

- Soiréesdegala,rencontresdiverses:

- VoyageàStablackdejuin1994

3°Photographiesdel’Amicale:72AJ/2631

Page 208: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

207

4–Dossiersurlacaptivité

1°LecampdesaspirantsauStalagIA:généralités:72AJ/2632

- Cartes

- DessinsGustaveLeclaire

- Étudedel’AspirantSilbert

- Fiches

- RussesauStalag

2°LaviequotidienneaucampdesAspirants:72AJ/2633

a) InfosPresse

- Brochurepourcomprendrelesprisonniersdeguerre,JosephFolliet

- JournalParlé

- Lasemaineaucamp

- PetitJournalIllustré

b) MouvementPétain–GénéralDidelet

- Correspondances,témoignagessurDidelet,1984-1993

- Épuration,listedesprisonniersdeguerresuspectésetcorrespondancesde1997

- Étudesurlecampetla«RévolutionNationale»,DiscoursprononcéparDideletle14

août1941

- Expositiondela«RévolutionNationale»de1942

- VisitedeScapini

c) Panneaud’uneexposition(incomplet)

d) Presse

- FranceVivante

- LeTraitd’Union

- Présent

Page 209: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

208

e) Travail

- Comitéd’entraidedestravailleursfrançaisàKönigsberg

- Travailleursfrançaisdécédésdepuisle20janvier1945

- Correspondanced’AndréTartarin,ancienaspirant,1945-1946

f) Université

- Cours,certificats,notes(documentsoriginaux)

- Généralités,corpsprofessionnel

g) Vieculturelleetsportive

- Menusdefêtes

- Spectacles

- SportetformationuniversitaireenEPSàStablack1941-1945,CNSHS1994

3°LaLibération:72AJ/2634

- AspirantsmortspourlaFranceen1945

- BiographiedupasteurWalterWensh,Sonderführerauprèsdesaspirantsévacuésdu

stalagIIICaustalagIIIA

- JournaldemarcheduBataillonLartigue1945-1953

- Récits et témoignages d’anciens aspirants: Le camp de transit de Kandalakcha –

Derniers joursd’exilsdu21/01/45au28/08/45–Extraitd’unrécitsur laLibération

deLuckenwalde–LesiègedeKönigsbergen1945–Lesderniersmoisdelaguerreen

PrusseOrientalePoméranie

- Documentsdivers

4°Documentsprovenantd’autrescampsdeprisonniers:72AJ/2635

- OflagIIB:Listealphabétiquedesprisonniersdeguerreen1940

- OflagIVD:Renseignementsfournisparunofficierancienprisonnierdeguerre1940

- OflagXVIIA:Brochurefilmsetdessinslatrines

- Stalag369

- StalagXVIIA:Dessins

Page 210: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

209

5°PhotographiesducampdesAspirantsetdelaLibération:72AJ/2636

Cinéma – Concerts – Exposition – Le camp –Opérettes – Photos de groupe – Remise de

légiond’honneuràDideletle5décembre1941–Spectacles–SpectaclesDivers–Sport–Vie

aucamp/Libération/Retour–Viereligieuse

II–SourcesImprimées

I–Lesprisonniersdeguerre

A–Recueilderécits

CATHERINEJean-Claude,Troisartistesaustalag:PierreLaville,FélixLeSaint,PierrePéron:

autraversdesbarbelés:lacaptivitédesprisonniersdeguerre,1939-1945,Lorient,Direction

delamémoire,dupatrimoine,desarchives,2005,84pages

CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, Prisonniers de la liberté: l’odyssée des 218 évadés par

l’URSS,1940-1941,Paris,ÉditionsGallimard,2004,408pages

DUHARD Jean-Pierre,Écritsdeguerreetde captivité1939-1945, Tome1, Laguerre, Paris,

l’Harmattan,2015,551pages

DUHARD Jean-Pierre, Écrits de guerre et de captivité 1939-1945, Tome 2, Les prisonniers,

Paris,l’Harmattan,2015,591pages

FRAISSE Paul, Écrits de captivité, 1940-1943, Paris, Éditions de lamaison des sciences de

l’homme,1991,175pages

GAILLARD Lucien, Histoire de la guerre 1939-1945: La captivité, Coopérative de

l’enseignementlaïc,1958,24pages

Page 211: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

210

B–Témoignages

1. ParlesAmicales

AMICALEDESSTALAGSVB-XA,B,C,Laguerreet lacaptivité,1939-1945: textes,photoset

dessinsdesanciensprisonniersdeguerre,Paris,ÉditionsdesAmicaledesstalags,1995,123

pages

SIMON Jean,La captivitéenPoméraniedans lesoflags IID-IIB: 1940-1945, Paris,Amicales

desoflagsIIB-IID-XXIB,2000,101pages

2. Parlesprisonniersdeguerre

ALTHUSSER Louis, Journal de Captivité: Stalag XA, 1940-1945, carnets, correspondances,

textes,Paris,Stock,1992,355pages

ARNAUDClaude,Guerreetcaptivité:10mai1940-15avril1945,souvenirsvécusetinédits,

Saint-Flaive-Des-Loups,C.Arnaud,1977,350pages

BRUSTIERJean-Joseph,MesannéesdecaptivitédansleReichhitlérien,Paris,lesÉditionsLa

Bruyère,1997,394pages

CARDINAUD Roger, Médecin en captivité: mémoires, août 1939-septembre 1943, La

Rochelle,Rumeurdesâges,1990,125pages

CHASSAIGNONAndré,RetourverslaFrance,récitsdelacaptivité,Paris,Éditionslittéraireset

artistiques,1944,158pages

DAUDEYMichel,Souvenirsdeguerreetdecaptivité,Besançon,Caracter’s,1996,254pages

DIDIERJean-Charles,Ilnousfauttenir!:Souvenirsdeguerreetdecaptivité,Lille,JCDidier,

1982,118pages

DUVERNEMaurice,Mémoire de guerre: 1940-1945, Mercurey, Veuve Duverne, 1996, 41

pages

Page 212: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

211

GLADIN Emma et Robert, Lettres de captivité: correspondance 1939-1945, Paris, L’Ours

Blanc,2007,155pages

PLÉRené,Matricule467:prisonnierdeguerreenAllemagne,Brest,ÉditionsleTélégramme,

2003,310pages

PRIEUR Félix,Matricule 68.881VIIA:mémorial de guerre et de captivité,Montréal, Fides,

1948,418pages

SAGNESJoseph,Souvenirsdecaptivité1940-1945,SI,1989,116pages

TRONCY Jean, Mémoires de guerre et de captivité, 1939-1945, La Chapelle-sous-Dun, J

Troncy,1990,66pages

II–LesaspirantsAMICALE DU CAMP DES ASPIRANTS, Le camp des Aspirants pendant la Deuxième Guerre

mondiale1939-1945,Paris,Volume1,1991,216pages

AMICALE DU CAMP DES ASPIRANTS, Le camp des Aspirants pendant la Deuxième Guerre

mondiale1939-1945,Paris,Volume2Images,1995,91pages

BARBIERHenri,Tenterlabelle,2èmeéditiondactylographiée,1989,306pages

CLARENSONJean,Mémoiresdecaptivité,textedactylographié,SansDate,83pages

DEBOUZYRoger,Àmaréebasse:chroniquedutempsdesmiradors,Paris,R.Debresse,1949,

320pages

DENQUIN François, ROMER Stefan,Du tango dans les barbelés, souvenirs, éditions Adrac,

SansDate,53pages

Page 213: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

212

DURIEZRené,Mesprisons,SansDate,32pages

DURINLucien,D’uneprisonl’autre,SansDate,402pages

DUPRIEZAndré-Jean,Libérationpar lesRusses, ou les tribulationsd’unaspirant isolédans

unefermedeTannenberg(exPrusseOrientale),1980,43pages

FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,

1996,100pages

GELIOTNicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné deNancy àMarseille par

KönigsbergetOdessa1940-1945,1991,49pages

GOUAZELucien,Poèmesensous-sol,SansDate,44pages

GRANGEAndré,Routesdel’Est,Fontenay-aux-Roses,éditionsMatoGrosso,1970,94pages

LERMINIERGeorges,-35°,recueildetextesetpoèmes,15pages

MOIGNARDJohn-Edwin,L’anquarante,SansDate,31pages

MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond,Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe –

histoired’uneamitié,153pages

PERSONHenri,AufReisen!!,1995,89pages

POUPLARDMaurice,Mémoiresd’Outre-Rhin,SansDate,120pages

ROUSSELJean,Demacaptivité1940-1945,quelquessouvenirs,1991,32pages

ROUXMichel,Grandeur (?) et servitudesmilitaires : 1939 et la suite (ou... «Un innocent

danslatempête»:récitanecdotique),1996,104pages

Page 214: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

213

SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,197pages

SILBERT Albert, «Le camp des aspirants (I) », Revue d'histoire de la Deuxième Guerre

mondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),pp.16-34

SILBERT Albert, «Le camp des aspirants (II) », Revue d'histoire de la Deuxième Guerre

mondiale,8eAnnée,No.29(Janvier1958),pp.49-72

TRUCHOTGeorges,Souvenirs,1997,70pages

VILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,59pages

Page 215: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

214

BIBLIOGRAPHIEI–Ouvragegénéraux

A–LaSecondeGuerremondiale

AMOUROUXHenri,LaviedesFrançaisde l’Occupationà laLibération,Paris,Fayard,1961,

577pages

DURANDYves,LaFrancedanslaSecondeGuerremondiale,1939-1945,Paris,ArmandColin,

1989,191pages

DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,Bordas,1972,175pages

HOOP (D’) Jean-Marie, «La Main d’œuvre française au service de l’Allemagne», Revue

d'histoire de la Deuxième Guerremondiale, 21e Année, No. 81, La France dans la guerre

(Janvier1971),PressesUniversitairesdeFrance,p.73-88

KERSHAWIan,Lafin:Allemagne,1944-1945,Paris,Point,2012,665pages

ROUSSOHenry,Pétainetlafindelacollaboration:Sigmaringen,1944-1945,Paris,Presses

UniversitairesdeFrance,1984,441pages

B–Lacaptivité

CAUCANAS Sylvie, CAZALS Rémy, PAYEN Pascal, Les prisonniers de guerre dans l’histoire,

Contactsentrepeuplesetcultures,Toulouse,LesAudois,2003,319pages

COCHET François, Soldats sans armes: la captivité de guerre, une approche culturelle,

Bruxelles,LGDJ,1998,463pages

Page 216: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

215

II–Ouvragesspécifiques

A–Lesprisonniersdeguerredansl’histoire

1) AvantleXXèmesiècle

GUEYE Marianna, Captifs et Captivité dans le Monde Romain, discours littéraire et

iconographique (IIIème siècleav. JC– IIème siècleaprès JC), Paris, L’Harmattan,2013,316

pages

2) XXèmesiècle

GAYMEEvelyne,Lesprisonniersdeguerre français,Enjeuxmilitairesetstratégiques (1914-

1918et1940-1945),Paris,2010,Economica,185pages

PATHÉ Anne-Marie, THÉOFILAKIS Fabien, La captivité de guerre au XXème siècle: des

archives,deshistoires,desmémoires,Paris,ArmandColin,2012,373pages

3) PremièreGuerremondiale

ABBALOdon,Soldatsoubliés:lesprisonniersdeguerrefrançais,Bez-et-Esparon,E&C,2001,

261pages

BECKERAnnette,OubliésdelaGrandeGuerre:humanitaireetculturedeguerre,1914-1918:

populationsoccupées,déportéscivils,prisonniersdeguerre,Paris,Pluriel,2012,395pages

HAZUKI Tate, Rapatrier les prisonniers de guerre: la politique des Alliés et de l’action

humanitaireduComitéInternationaledelaCroix-Rouge(1919-1928),Thèsededoctoratsous

ladirectiondeGérardNoiriel,EHESS,Paris,1volume,680pages,2016

JONESHeather,ViolenceagainstprisonersofwarintheFirstWorldWar:Britain,Franceand

Germany,1914-1920,Cambridge,CambridgeUniversityPress,2011,451pages

NOUZILLE Jean, Le calvaire des prisonniers de guerre roumains en Alsace-Lorraine, 1917-

1918,Bucarest,EditionsMilitaires,1991,200pages

Page 217: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

216

4) SecondeGuerremondiale

BIESSFrank,Homecomings:returningPOWsandthelegaciesofdefeatinpostwarGermany,

NewJersey,PrincetonUniversityPress,2006,367pages

CAMPAFrançois,Lesprisonniersdeguerre coloniauxdans lesFrontstalags landaiset leurs

Kommandos,1940-1944,Bordeaux,LesDossiersd’Aquitaine,2013,155pages

MABONArmelle,Prisonniersdeguerre«indigènes»:visagesoubliésdelaFranceoccupée,

Paris,LaDécouverte,2010,297pages

MARGOLINJean-Louis,L’arméedel’empereur,violencesetcrimesduJaponenguerre,1937-

1945,Paris,ArmandColin,2007,479pages

THÉOFILAKISFabien,Lesprisonniersdeguerreallemands:France,1944-1949,unecaptivité

deguerreentempsdepaix,Paris,Fayard,2014,762pages

WALLACEGeoffreyP.R.,LifeandDeathincaptivity:theabuseofprisonersduringwar,New

York,CornellUniversityPress,2015,280pages

B–LesprisonniersdeguerrefrançaisdanslaSecondeGuerremondiale

1) Généralités

CATHERINE Jean-Claude,Lacaptivitédesprisonniersdeguerre,1939-1945:histoire,artet

mémoire:pouruneapprocheeuropéenne,Rennes,PressesUniversitairesdeRennes,2008,

239pages

DURAND Yves, La Captivité: histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris,

FNCPG-CATM,1982,542pages

DURANDYves,Laviequotidiennedesprisonniersdeguerredanslastalags,lesoflagsetles

kommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,305pages

Page 218: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

217

GASCAR Pierre, Histoire de la captivité des Français en Allemagne (1939-1945), Paris,

Gallimard,1967,317pages

2) Viequotidiennedesprisonniersdeguerre

BILLIGJoseph,«Lerôledesprisonniersdeguerredansl’économieduIIIèmeReich»,Revue

d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale, 10eAnnée,No. 37, Sur la captivité de guerre

(Janvier1960),pp.53-76,PressesUniversitairesdeFrance

DEBONSDelphine, L’assistance spirituelle aux prisonniers de guerre: un aspect de l’action

humanitairedurantlaSecondeGuerremondiale,Paris,LesÉditionsduCerf,2012,452pages

GILLETPatricia,«Lethéâtredanslescampsdeprisonniersdeguerrefrançais,1940-1945»,

Théâtresetspectacleshieretaujourd’hui:Époquemoderneetcontemporaine,Éditionsdu

comitédestravauxhistoriquesetscientifiques,Paris,1991,p.265-271

GOMETDoriane,Sportsetpratiquescorporelleschez lesdéportés,prisonniersdeguerreet

requis français en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), Thèse de

doctorat sous la direction de Thierry Terret etWolfram Pyta, Université Claude Bernard,

Lyon,2012,3volumes,1250pages

PANNÉ Jean-Louis. «Prisonniers de guerre français et polonais : fraternité, expériences,

témoignages»In:Revuedesétudesslaves,tome75,fascicule2,2004.pp.271-284.

MOREAU Jean-Bernard, Attitudes, moral et opinions des officiers français prisonniers de

guerre en Allemagne (1940-1945), Thèse de doctorat sous la direction de Dominique

BARJOT,UniversitéParis4,2001,790pages

PATHÉAnne-Marie,THÉOFILAKISFabien,POTINYann,Archivesd’unecaptivité,1939-1945:

l’évasionlittéraireducapitaineMontgrédien,Paris,Textuel,2010,156pages

Page 219: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

218

QUINTONLaurent,Digérer ladéfaite: récitsdecaptivitédesprisonniersdeguerre français

delaSecondeGuerremondiale,1940-1953,Rennes,PressesUniversitairesdeRennes,2014,

355pages

THÉOFILAKIS Fabien, «La sexualité du prisonnier de guerre. Allemands et Français en

captivité(1914-1918,1940-1948)»,VingtièmeSiècle.Revued’histoire2008/3(n°99),p.203-

219

3) Régimejuridique

COMITÉ INTERNATIONALEDE LA CROIX-ROUGE,Convention deGenève du 27 juillet 1929,

Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,1929,98articles

CUVELIERBenoît,«Lerégimejuridiquedesprisonniersdeguerre»,ÉtudesInternationales,

volume23,n°4,1992,pages773-796

4) LesprisonniersdeguerredepuislaFrance

BONNIN Nicole, Images du prisonnier de guerre français à travers la presse locale: des

débutsde lacaptivitéau lendemainde la libération,Mémoiresous ladirectiondeJacques

Droz,UniversitéParis1Panthéon-Sorbonne,1976,149pages

CHABORDMarie-Thérèse,«Lesorganismesfrançaischargésdesprisonniersdeguerresous

legouvernementdeVichy»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,10eAnnée,

No.37,Surlacaptivitédeguerre(Janvier1960),pp.3-14

DERMENJIANGeneviève,FISHMANSarah,«“LaGuerredescaptives”et lesassociationsde

femmesdeprisonniersenFrance (1941-1945). In:VingtièmeSiècle, revued’histoire,n°49,

janvier-mars1996,p.98-109.

FISHMANSarah,Femmesdeprisonniersdeguerre,1940-1945,Paris,L’Harmattan,1996,280

pages

Page 220: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

219

VÉDRINE Jean,Dossier les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance, 1940-1945, Paris,

Fayard,2013,931pages

5) Leretourdesprisonniersdeguerre

CABANES Bruno, PIKETTY Guillaume, Retour à l’intime: au sortir de la guerre, Paris,

Tallandier,2009,315pages

COCHET François, Les exclus de la victoire. Histoire des prisonniers de guerre, déportés et

S.T.O.(1945-1985),Paris,1992,S.P.M.,272pages

LEWINChristophe,Leretourdesprisonniersdeguerrefrançais:naissanceetdéveloppement

delaFNPG,Paris,PublicationsdelaSorbonne,1986,335pages

Page 221: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

220

DÉFINITIONS

ASPILAG:

Aspirentenlageroucampdesaspirants.Désignationcourantedelasectiondustalag

IAdeStablackregroupantlesaspirants.

ASPIRANT:

Danssontermemême,l’aspirantestunmilitairequiaspireàentrerdanslecorpsdes

officiers. Ilexistedepuis leXVIIIèmesiècle,devientofficielen1910pourdésigner lesélèves

officiersquiontaccompliunandeformationetcertainesdispositionsdustatutdesofficiers

luisontattribuées.C’est legrades leplusélevédesdesous-officierset ilestdonnéàtitre

transitoireàdesjeunesgensqueleurséducationsetleursinstructionsantérieuresdestinent

àbrefdélaiàdevenirofficieraveclegradedesous-lieutenant.

PendantlaguerreetaustalagIA,ilexistedeuxtypesd’aspirants:d’activeouderéserve.Les

aspirants d’active gardent toujours leurs statuts d’aspirants lorsqu’ils se réengagent, et

jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau supérieur, alors que les aspirants de réserve restent

aspirants jusqu’à leur démobilisation et pour son réengagement, il repasse au grade de

sergentoud’adjudant-chefenfonctiondeleurssituationsderéserviste.

CHANTIERSDEJEUNESSE:

Créé en juillet 1940, cela s’intègre à la création de multiples mouvements de

jeunesses mis en place dans le cadre de la Révolution Nationale. C’est un service civil

obligatoire,destinéàdes jeuneshommesd’unevingtained’annéesetd’uneduréedehuit

mois,ayantcommeobjectifdedévelopperleuréducationmoraleparlavieencommun,le

brassagesocial,ledéveloppementphysiqueetdestravauxd’intérêtgénéral.L’enjeuestàla

fois politique, idéologique et économique puisque ces jeunes hommes sont l’avenir de la

nouvelleFranceetilsdoiventdoncêtreforméspourcefutur.

Page 222: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

221

FRONTSTALAG:

Ce sont des camps créés principalement dans la zone occupée française pour les

soldatsde troupes français coloniaux,parpeur, pour lesAllemands,de ceque les soldats

«indigènes»pourraientameneraveceuxcommemaladieouautres.

HOMMEDECONFIANCE:

L’hommedeconfianceestàlatêtedel’administrationducamp,etdoncdustalag.Il

est en relation avec le commandant allemand du camp, et sert d’intermédiaire entre les

prisonniers de guerre et leurs gardiens. À partir de 1941, ils sont élus par les chefs de

baraquede camp,mais devaient toujours être vérifiés par les autorités allemandes. Il est

également à la tête de l’administration des Kommandos dépendant du stalag, qui ont

chacununhommedeconfiancefaisantlesrapportsàl’hommedeconfianceprincipal.Dans

laplupartdesstalags,lerôledel’hommedeconfianceétaitconfiésàdesaspirants,jusqu’à

leurstransfertsàStablack.

KOMMANDO:

Arbeitskommandosoudétachementdetravail,ilconstitueungroupedeprisonniers

de guerre dépendant d’un camp de prisonniers et détaché pour exécuter un travail

déterminéàl’extérieurducamp.Celapouvaitêtreparexempleletravaildansdesfermes,

desusinesoudes réseaux ferrés. Le kommandoest l’endroitoù laplus grandepartiedes

prisonniers de guerre ont vécu leur captivité. Ce sont surtout les agriculteurs qui y sont

envoyés, mais beaucoup d’autres prisonniers ont choisis cette position. En effet, le

kommando représentait en grande partie un soulagement moral, permettant ainsi de se

sortirdesbarbelésducamp.Cependant,lesconditionsdetravailetmêmedevie,pouvaient

se dégrader, le travail devenant très dur, à cause de la mentalité même des allemands

employeurs.

MOUVEMENTPÉTAIN:

Mouvementciviqueetpolitiquedepropagandemisenplaceauseindescampsde

prisonniersdeguerreayantpourbutderépandrel’idéologiedelaRévolutionNationale,du

maréchalPétainetdurégimedeVichyparlebiaisdeconférencesetdegroupesd’études.

Page 223: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

222

OFFICIER:

L’officier supérieur, qui peut être commandant, lieutenant-colonel et colonel, est

celuiquiestàlatêted’unetroupe,d’unserviceoud’unesituationmilitaire.Ilestlà,àlafois,

pour être chef, instructeur et éducateur.De part leur gradeplus élevé, ils possèdent une

distinction,quileurdonnentuntraitementspécialdanslecasdemiseencaptivité,àsavoir

queselonlaConventiondeGenèveetsesarticles21et23,lesofficiersdoiventêtretraités

avec«l’égardquiestdûàleursgrades»,etilsdoiventrecevoir«delaPuissancedétentrice,

la même solde que les officiers de grade correspondant dans les armées de cette

Puissance.»

OFLAG:

Offizierlager oucamppourofficier. Ils abritent lesofficiers captifsetgénéralement

touspuisque cesderniers, contrairement aux sous-officiers et soldatsde troupes, ne sont

pasexhortésàtravaillerselonlesconventionsmisesenplace.

PRISONNIERDEGUERRE:

Soldatmisencaptivitédanslecasd’uneguerre,alorsquelescombatssonttoujours

actifs.Lestatutdesprisonniersdeguerreabeaucoupchangédepuissacréation.Pendantla

SecondeGuerremondiale,ilestprotégéparlaConventiondeGenèvede1929.Ilconserve

sapersonnalitécivileetsonidentité.Ildoitêtretraitéavechumanitéetprotégécontreles

actes de violence. S’il est valide, il devra travailler pour la puissance ennemie,mais il est

toutefoisinterditdefairedestravauxdangereuxouquipeuventaiderlecoursdelaguerre

pour l’ennemi. Ils doivent être libérés directement après la fin des hostilités, àmoins de

circonstancescontraires.Ceprisonnierdeguerreestgénéralementunmembredes forces

armées,oudoitaumoinsfairepartied’unehiérarchieétabliequisebatdansleconflit.

RÉFORME:

La Réforme a pour but de rapatrier les malades et les blessés, après un contrôle

médicalparlesmédecinsdesservicesdesantéducamp,selonlesarticles68etsuivantsde

laConventiondeGenèvesurlerapatriementdirectetl’hospitalisationenpaysneutre.

Page 224: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

223

RELÈVE:

Processuscréepourremplacerlesprisonniersdeguerrepardestravailleursfrançais.

Leprincipeestderéunirunemaind’œuvre,lenombreétantdécidéenfonctiondesintérêts

allemands,payépar l’industrielemployeurou legouvernementallemandmaisà lacharge

dugouvernementfrançais.Encontrepartie,certainsprisonniersdeguerreontledroitàun

congé de captivité, le nombre étant décidé en accord entre les deux gouvernements et

surtoutparrapportàlamaind’œuvredonnée.CelaestlapremièreRelèvemiseenplacepar

SCAPINI et Vichy en 1940. Le processus est remis en place et changé avec une mise en

œuvreen1942parLAVAL.Lerecrutementaudébutsefaitparvolontariat,maislesrésultats

sontdécevantsetc’estfinalementavecl’instigationduSTOquelestravailleurssontchoisis.

Ainsi,en1943,250000travailleurssontenvoyésenAllemagne, leSTOremplaçantalors la

Relève.Pour lesprisonniersdeguerre, lerecrutementest faitselondes listesétablies.Les

critères de libération sont comme toujours un moyen de servir les intérêts allemands,

puisquelalibérationconcernedes«collaborationnistes»pourlapropagandenotamment.

LaRelèveapermis la libérationd’environ90000prisonniersmais aaussi créé, autreque

l’espoir, lasuspicionchezlesprisonniers,parrapportauxcomportementsdecertainspour

essayerd’assurerleurdépart.

RÉVOLUTIONNATIONALE:

Projet de redressement national du régime de Vichy dont l’objectif est de

reconstruirelasociétéetl’étatparunretourauxtraditionsfrançaisesetauxtroispiliersde

la France: la famille, le travail et la patrie. Le but est d’instaurer un «État national,

autoritaire, hiérarchique et social» quimet l’accent sur la personnalité du chef de l’État,

condamneladémocratieparlementaire, lecapitalismeetlebolchévismeetrejettelesjuifs

horsdelacommunauténationale.

L’objectif ultime de cette révolution est de permettre la renaissance de la France en

s’appuyantnotammentsurlesjeunesgénérations,aveclamiseenplacedemouvementsde

jeunessedont l’objectifétaitde façonnerunhommenouveaupourpermettreunmeilleur

futurnational.

Page 225: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

224

SERVICEDETRAVAILOBLIGATOIRE(STO):

L’idéeduSTOestenclenchéeparune loidu4 septembre1942quiautorisait l’État

françaisà réquisitionnerdeshommesâgéesde18à50ansetdes femmescélibataireset

sansenfants,âgéesde21à35anspour«effectuertous lestravauxque legouvernement

jugerautilesdans l’intérêt supérieurde lanation.»C’estaprèsplusieursnégociationsque

LAVALinstaureleSTOle16février1943quiobligeleshommesnésentrele1erjanvier1920

etle31décembre1922àparticiperetàsoutenirparsontravail,l’effortdeguerrenazi.

Ilétaitdifficiled’enéchapper,uncommissariatayantétémisenplacepourveilleràceque

laloisoitappliquéeetchaquehommede18à50ansdevaitfourniruncertificatdetravail.

Aprèsunexamenmédical, le travailleur recevait uneaffectation, et ledépart vers celle-ci

étaitsurveillépardesgroupesmobilesderéserve(GMR)etdessoldatsallemands.Unefois

là-bas,lesemployeurschoisissaientlerequisqu’ilsvoulaient,etlestravailleursétaientalors

soumisàdesconditionsrudesdetravailcompenséparunmaigrepécule.Celaaétéundes

éléments de création de Résistants, qui préféraient s’engager dans la clandestinité plutôt

qued’allersubirletravail.Cettemesureagrémentaitégalementl’impopularitédeLAVALet

del’ÉtatdeVichy.

STALAG:

Mannschaftstammlager ou plus simplement stammlager est un «camp de base»

pourleshommesdetroupe,ilsnepossèdentqu’unpetitnombred’hommesdetroupesdans

leurs enceintesmais administrent l’ensemble des simples soldats et des sous-officiers, en

comptantainsi lesprisonniersdisséminésdans lesKommandos.Cescamps,avec lesoflags

également,sontrépartisdanstoutleReichenfonctiondesWehrkreisetquisereconnaîtà

unnombre,etunelettres’ilyenaplusieursdanslamêmerégionmilitaire.

Ilexistecependantdescasspéciauxdestalagsayantdesbutsparticuliers.Ainsi,onretrouve,

parexemple, lestalag IAdeStablack,conçuspécialementpour lesaspirants français,mais

aussi le stalag 325, situé près de Rawa-Ruska, qui est un camp de représailles, où sont

envoyéslesprisonniersdeguerreconsidérantcommerécalcitrants(tropd’évasions,mesure

disciplinaires,etc.)parleshautesautoritésallemandes.

Page 226: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

225

TRANSFORMATION:

Mise en place en 1943, pour résoudre lemême problème que la Relève, c’est un

moyenlancéparLavalpourempêcherl’envoideplusdejeunestravailleursfrançaisetainsi,

l’idéeestdetransformeren«travailleurs libres»desprisonniersdeguerre. Ilssontplacés

dans les endroits où ils travaillaient déjà, mais ont un statut similaire à celui des autres

travailleurs de la Relève et du STO. La différence est qu’ils abandonnent leur statut de

soldat, mettent des vêtements de civils, touchent un salaire similaire à celui d’ouvriers

allemandsavecunelibertédecirculer.Ilsnesontplusconsidéréscommesoldatcequifait

pesercertainscasdeconscience,puisqu’ilsnesontplusensituationdesoldattombésous

lesmainsd’unbelligérantquiresteunennemi.Leprincipemêmen’apastoujoursétésimple

nonplus, parcequ’il y aquandmêmeeudespressionspourobliger la transformationde

certains.

WEHRKREIS:

Sous la République de Weimar puis sous le Troisième Reich, cela représente une

régionmilitaire. Les premières divisons de territoires datent de l’Empire allemand, et au

débutde laguerre, ilexistequinzerégionsetavec laconquêtede laPologne, leReichest

subdiviséen19régionsàlafindel’année1942.

Page 227: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

226

CHRONOLOGIE

Année1941

- Finmars:ArrivéedesaspirantsàStablack

- Mai:Dernierstransfertsd’aspirants(depuisl’oflagXIIIA)

Premièresévasionsdesprisonniersdeguerre

Naissancedel’organisationsportiveducampdesaspirants

- 17juillet:ArrivéeduGénéralDideletdepuisl’oflagoùilétaitprisonnier

FindelapremièrepériodedecaptivitédesAspirants

- 29juillet:VisitedeScapiniaucamp

- Août:DébutdumouvementdelaRévolutionNationale

Arrivéed’officiersenvoyéscommeprofesseurspourl’université

MazetestnomméRecteur

- 20octobre:Débutdestravauxdeconstructiondelachapelle(achevéeàNoël)

- 19-20décembre:VisitedeScapinipouruneremisedemédailleaugénéralDidelet

Année1942

- Janvier-Février:Envoidesous-officiersethommesdetroupescommeprofesseurset

élèvesàl’Aspilag

- 12 février: Départ des premiers aspirants volontaires pour le travail dans les

kommandos

- 5juin:Ouverturedel’expositiondelaRévolutionNationale

- Juillet: L’administration allemande du camp change; le colonel Hartmann, un

prussien à la discipline brutale est remplacé par le colonel Von Pirsch, autrichien

luthérien,moinsdifficile

- 28juillet:LesAllemandsconsententàenvoyerlesaumôniersdansleskommandos;

environ80prêtrespartent

- Été:Envoide«volontaires»pourlamoisson

Évasionsdeviennentdeplusenpluscourantes

- Août:LesorganisateursdelaRévolutionNationalesontenpartislibérés

- 14août:Premierconvoidela«Relève»pourlesaspirants

Page 228: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

227

- 22septembre:Transfertdel’expositiondelaRévolutionNationaleàKönigsberg

- Novembre: Inauguration d’une liaison entre l’université des aspirants et celle de

Königsberg

- Noël:Visitedel’aumôniergénéraldesprisonniersdeguerre,l’abbéRhodain

Année1943

- Janvier-Février:PremierscontactsaveclesRusses

Resserrementducontrôledeslibérationsparleshommesdeconfiance

- 24juin:Arrivéedenouveauxaspirantsdepuisl’OflagXVIIA

- Été:Envoideprisonniersdeguerrepour lamoisson(700); listederéfractairesqui

refusentcatégoriquement(300)

Miseencontactd’unancienaspirantlibéré,MichelMenu,avecLondresetleBCRA;

devientchefdu«servicedesévasions»àLyon

- Septembre:Apparitiond’uneradioàl’intérieurducamp

- 11septembre:Arrivéed’environ2000italiens

- Hiver:Constructionducinémaducamp(environ250places)

Tournéedelatroupedethéâtre

Année1944

- Finaoût:Évacuationd’ungrouped’aspirantsauStalagIIIC

- 10octobre:Envoidugrouped’aspirantsauStalagIIIB

Année1945

- 25janvier-1eravril:Exodedes«Aptesàlamarche»jusqu’àElbeetLübeck

- 2février:Départdugrouped’aspirantspourlestalagIIIA

- 10février:LibérationdustalagIAparlesRusses

- 8mars:LesderniersaspirantsquittentlestalagIA

- 22avril:LibérationdustalagIIIAparlesRusses

- 2mai:LibérationdeLübeckparlesAnglais

- 10novembre:Créationdel’AmicaleducampdesAspirants

Page 229: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

228

CARTES

RépartitiondescampsdeprisonniersdeguerreauseinduIIIèmeReich1

1X–AmicaledeStablack,LacartedescampsdeprisonniersenAllemagne,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.11

Page 230: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

229

Planschématiquedel’Aspilagétablien1942parunaspirant2

2 CHÉRION Henri, «Plan schématique de l’Aspilag», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume2,Paris,1995,p.15

Page 231: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

230

Page 232: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

231

TABLEDESMATIÈRES

ABRÉVIATIONS...................................................................................................................7

INTRODUCTION..................................................................................................................9

TITREI:Lesdébutsdelacaptivité....................................................................................19I–Unemiseenœuvredifficiledelacaptivitédesaspirants......................................................19

A–Unepremièrecaptivitédifficilepourlesaspirants................................................................20B–Campuniversitaireoucampdereprésailles?........................................................................22

II–Unepériodeinitialecontraignantemaissupportablepourlesaspirants..............................24A–Unedisciplinestricteetbrutale…..........................................................................................24B–…quinedémoralisepaslesaspirants....................................................................................26

III–Unchangementprogressifdufonctionnementdel’Aspilag................................................29A–UneaméliorationdelasituationparunduoCharrier/Didelet..............................................29B–Unetransformationdufonctionnementdel’Aspilag.............................................................31

TITREII:Laviequotidiennedesaspirants........................................................................35I–Desconditionsdeviedifficilesmaissupportables.................................................................36

A–Unrégimedecaptivitécommun............................................................................................36B–Unproblèmemajeur:leclimat..............................................................................................38C–Denombreuxdépartsducamp:leslibérationsorganisés....................................................40D–Unesolidaritéévidenteetmassive........................................................................................42

II–L’organisationd’uneviereligieuseintenseàl’intérieuretàl’extérieurducamp..................44A–Lareligionauseinducamp....................................................................................................44B–Unservicereligieuxenvoyéhorsducamp.............................................................................47

III–Lecontrôledel’étatsanitairechezlesaspirants.................................................................49A–LeservicedesantédustalagIA,développémaisinsuffisant.................................................49B–L’Aspilag:uncampenpartieprotégédesmaladies..............................................................51

IV–Lesaspirantsetlesprisonniersétrangers:desrelationsdiverses.......................................53A–Diversesnationalitésréuniesaucamp...................................................................................53B–Lesprisonniersrusses,uncasextrêmeetparticulier.............................................................54C–Lesprisonniersitaliens:entrehostilitéetanimosité..............................................................56

TITREIII:L’expérienceDideletetlaRévolutionNationale................................................59I–L’expérienceDidelet:unevéritabletransformationducamp...............................................59

A–Despremierschangementssignificatifs.................................................................................60B–LamiseenplaceduMouvementPétain................................................................................62

II–LeMouvementPétainetlaRévolutionNationale:uneréflexionpourlesaspirants............64A–Unmouvementquisedéveloppeintensément.....................................................................64B–UneimportanteparticipationpourlesAspirants...................................................................66

III–L’expositiondelaRévolutionNationale:unefiertépourlesaspirants...............................68A–Lespréparatifsdel’exposition...............................................................................................68B–L’expositiondelaRévolutionNationale.................................................................................70C–Unsuccèsetungrandretentissementpourlesaspirants.....................................................72

IV–LaRelève:unévènementdécisifdel’existenceduMouvementPétain..............................76A–Unespoirpourlesprisonniersdeguerre...............................................................................76B–Unerapidedésillusion............................................................................................................77

V–LafinduMouvementPétainetdelaRévolutionNationale.................................................79A–Denombreusesraisonsàl’originedel’essoufflementdumouvement.................................79

Page 233: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

232

B–Unedisparitionpresquetotaledumouvement.....................................................................81

TITREIV:Lavieintellectuelledesaspirants.....................................................................85I–L’universitédesaspirants:unemiseenœuvrecompliquée..................................................86

A–Unlongdémarragedel’activité.............................................................................................86B–Unbesoinderecruteruneéquipeprofessorale.....................................................................88C–Unmanquedemoyensàdispositionpourlesétudiantsaspirants........................................90

II–Undéveloppementconséquentdel’université....................................................................92A–Uneparticipationenthousiasteetvariée...............................................................................93B–Uneuniversitéfournieetcomplète.......................................................................................94C–Uneextensionaudelàdesbarbelésducamp........................................................................97

III–Labaissed’activitéetledéclindel’université.....................................................................99A–Desconditionsdevietropdifficilespourl’université............................................................99B–Uneperteimportantedemembresdel’université..............................................................102

TITREV:Lesactivitésculturellesetsportivesdesaspirants............................................107I–L’Aspilagetsonintenseactivitéartistique..........................................................................108

A–Uneoccupationculturelletoujoursprésentedanslecampetchezlesprisonniers............108B–Undéveloppementconsidérableetremarquabledesarts..................................................111C–Unrayonnementetunsuccèsdecesactivitéschezlesprisonniersdeguerre....................114

II–L’activitéphysiqueetsportive,essentiellepourlesaspirants............................................119A–Denombreuxmoyensmisàdispositiondesprisonniers.....................................................119B–Unemanièredes’occuperpendantlacaptivité...................................................................121C–Lerattachementdusportauxétudesetàl’université.........................................................124

III–Lesactivitésartistiquesetculturelles,rattrapéesparlesréalitésdelacaptivité...............126A–Descomplicationscauséesparlesconditionsdevieducamp............................................126B–Desactivitésdépendantdel’immixtiondesAllemands.......................................................129

TITREVI:Lesaspirantsetletravail................................................................................133I–Uneoppositionfermedutravailparlesaspirants...............................................................134

A–Unsouvenirgénéralementdésagréabledescampsprécédents..........................................134B–L’Aspilag,unmoyend’affirmersapositiondanslahiérarchiemilitairefrançaise...............135

II–Lesmoissons,méthodescoercitivespourfairetravaillerlesaspirants...............................137A–Unconceptmensongerde“volontaires“.............................................................................137B–Unavismitigésurletravaildesmoissons............................................................................139

III–Unregarddifférentetpositifsurletravail........................................................................142A–Unattraitdeplusenplusimportantpourdesactivitéshorsducamp................................142B–Untraitementprivilégiéetdespostesàresponsabilitéspourlesaspirants........................145

TITREVII:Lesévasions...................................................................................................151I–L’évasion,uneactivitépratiquéeàdifférentesfréquencesetpardemultiplesmoyensparlesaspirants.................................................................................................................................152

A–Unopinionindécisesurlesévasions....................................................................................152B–Denombreusestechniquestrouvéespourpermettrelesévasions.....................................154

II–LesmoyensderépressiondesAllemandscontrelesévasions............................................156A–Menaces,brimadesetsuspicions.........................................................................................157B–Labaraque29,baraquedesévadés.....................................................................................160

III–Lamiseenœuvrederéseauxd’évasionparlesaspirants..................................................162A–Uneparticipationimportanted’aspirantsauxréseauxd’évasions......................................162B–Uneorganisationdegrandeenvergure................................................................................164

TITREVII:LalibérationdesaspirantsdustalagIA..........................................................169I–Lebataillond’aspirants:unpremiertempsdelibération...................................................169

A–Lecheminementdesaspirantsversl’Ouest.........................................................................169

Page 234: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

233

B–Unelongueattenteavantlavéritablelibération.................................................................171C–L’arrivéedesSoviétiques:unelibérationofficielle..............................................................175D–L’organisationduretouretsaréalisation:lerapatriement................................................178

II–UnelibérationplustardivepourlerestedesaspirantsaustalagIAetalentours................181A–ÀStablack,enattentedelalibération.................................................................................181B–Les«aptesàlamarche»:unlongexodeavantlalibérationparlesAnglais......................182C–Lesprisonniersàl’Aspilag:unelibérationrussesuivied’unelongueattente.....................184

III–Uneétapelongueetcompliquée:lerapatriementdesaspirantsvenantdustalagIA.......188A–UnrapatriementparleSud:leretourd’Odessa.................................................................188B–Unrapatriementtardif:unretourdeMourmansketKandalakcha...................................190

CONCLUSION..................................................................................................................195

ÉTATDESSOURCES........................................................................................................199I–Archives..............................................................................................................................199II–SourcesImprimées............................................................................................................209

BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................214

DÉFINITIONS..................................................................................................................220

CHRONOLOGIE...............................................................................................................226

CARTES..........................................................................................................................228

TABLEDESMATIÈRES.....................................................................................................231

Page 235: Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...

234