Six cents anciens prisonniers de guerre frangais 1 Croix-Rouge
Captivité des prisonniers de guerre français pendant la ...
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Captivité des prisonniers de guerre français pendant laSeconde guerre mondiale. Le cas des aspirants du Stalag
IA (1940-1945)Floriane Chiffoleau
To cite this version:Floriane Chiffoleau. Captivité des prisonniers de guerre français pendant la Seconde guerre mondiale.Le cas des aspirants du Stalag IA (1940-1945). Histoire. 2017. �dumas-01711060�
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UniversitéParis1–PanthéonSorbonne
UFR09
MasterHistoiredesSociétésOccidentalesContemporaines
Centred’HistoiresocialeduXXeSiècle
CAPTIVITÉDESPRISONNIERSDEGUERREFRANÇAIS
PENDANTLASECONDEGUERREMONDIALE:
LECASDESASPIRANTSDUSTALAGIA
(1940-1945)
MémoiredeMaster2recherche
PrésentéparMmeFlorianeChiffoleau
SousladirectiondeM.OlivierWieviorka
Année2017
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SouslaDirectiondeMonsieurOlivierWIEVIORKAAnnée2016–2017
CAPTIVITÉDESPRISONNIERSDEGUERREFRANÇAIS
PENDANTLASECONDEGUERREMONDIALE:
LECASDESASPIRANTSDUSTALAGIA
(1940-1945)
FlorianeCHIFFOLEAU
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ABRÉVIATIONS
AN à ArchivesNationales
AS à AmicaledeStablack
BCRA à BureauCentraldeRenseignementsetd’Action
CFLN à ComitéFrançaisdelaLibérationNationale
CICR à ComitéInternationaldelaCroix-Rouge
DSPG à DirectionduServicedesPrisonniersDeGuerre
SDPG à ServiceDiplomatiquedesPrisonniersDeGuerre
OKW à OberkommandoDerWehrmachtouOrganedeCommandementSuprêmedes
ForcesArméesAllemandes
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INTRODUCTION
«Iln’estpasimpossibleque,vers2055,unjeuneétudiantlicenciéd’histoire,àlarecherched’unsujet
de thèse, découvre quelques documents sur le camp qui exista de 1941 à 1945, aux confins de la Prusse
Orientale,souslenomd’«Aspirentenlager»,etdécidedeluiconsacreruneétude,séduitparlecôtéoriginalde
cettecréation.Onpeutsedemandercomment il ferarevivrecettecommunautédetroismilleFrançaisréunis
parunsortcontrairedansunemorneétenduedesableetdebaraques,enclosedebarbelés,etfixerapour la
petitehistoirelesapparencesdecetteréalitévivante,agissanteetsouffrantequ’aétélecampdesAspis.Selon
l’originedesdocumentsdontilseservira,n’endonnera-t-ilpasuneimagedéformée,enpartievraie,maisaussi
enpartiefausse?1»
LeCapitaineRobertMazet,recteurdel’universitédeStablackexprimeicidans lesgrandes
lignes le but de ma démarche. Mon intention est de présenter la vie des aspirants
prisonniersdeguerrefrançaisducampdeprisonniersstalagIA,situéàStablack,quisemble
êtreuncasparticulierauseindel’ensembledescampsdeprisonniersdelaSecondeGuerre
mondialemais également en tant que captivité. L’intérêt est de découvrir si leur statut a
créé une situation sans précédent pendant cette période de captivité, notamment par la
manièredontilsontvécuetsesontoccupéspendantcettecaptivité.
La réalité de «captivité de guerre» est une expérience très ancienne, remontant
jusqu’à l’Antiquité,bienqu’elleait changéeaucoursdes siècles. Le termemêmevientdu
latin«capere»qui signifie«faireprisonnier», et à cetteépoque,une foisqu’un individu
devientcaptivus, ilperd sonancien statut socialet juridiquepourainsiprendre le rôlede
captif,nedisposantdepresqueaucundroit.Letraitementdesprisonniersdeguerren’était
alors soumis à aucune règle écrite et il va donc dépendre entièrement des actions du
vainqueur,quil’afaitcaptif.Ilatoutdemêmeunrôledanscetteguerre,puisquebienqu’il
soit, en lui-même, un élément passif, il peut être utilisé pour l’avancement de la guerre2.
L’absence de règlementation sur le traitement de prisonniers de guerre n’empêche pas
l’existencedeloisfondamentalespourempêchercertainsabus,etainsi,parrespectpourles
dieux, laguerredoit rester justeetpieuse, cequiempêche l’utilisationd’une tropgrande
1MAZET Robert, «Les souvenirs du Capitaine-Recteur», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,Volume1,Paris,1991,p.792GUEYEMarianna, Captifs et Captivité dans leMonde Romain, discours littéraire et iconographique (IIIèmesiècleav.JC–IIèmesiècleaprèsJC),Paris,L’Harmattan,2013,316pages
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violence par l’armée vainqueur 3 . Par la suite, durant le Moyen-Âge, le captif était
généralement utilisé commeunemonnaie d’échange, c'est-à-dire que la libération de ces
prisonniers était soumise à une rançon, permettant ainsi l’enrichissement des chevaliers
adverses4.
Le statut de captif a évolué au fil du temps, avec notamment une amélioration de ses
conditions, par la mise en place de certaines législations. Les doctrines religieuses, qui
permettaient les bonnes conditions de vie du prisonnier deviennent des textes de lois,
comme le décret révolutionnaire de 1792, mettant les prisonniers de guerre sous la
«protectionde laNation».Par lasuite,cesont lesguerrescontemporainesquifaçonnent
cette législation. Tout d’abord, la guerre de Sécession américaine entre confédérés et
unionistesmetenplaceleLIEBERcodeen1863,interdisantlesreprésaillescontrelescaptifs.
En 1874, pour la Conférence de Bruxelles entre 15 états européens, des discussions
commencentpourpermettrelacréationd’unstatutpourlesprisonniersdeguerremaiselles
n’aboutissent pas. Finalement, c’est avec les Conférences de Paix de La Haye de 1899 et
1907quelestatutdecesprisonnierssedévelopperéellement.Cerégimevacependantse
montrerinsuffisantpendantlaPremièreGuerremondiale,nécessitantalorslamiseenplace
de nombreux accords pour gérer les prisonniers de guerre de 1914-19183. Cela entraine
alors la création de la Convention deGenève de 1929, apportant de nouvelles précisions
pour lestatutdeprisonnierdeguerreeten liendirectavec lesprisonniersdeguerredont
j’étudie le cas. Selon cette Convention, le prisonnier de guerre conserve sa personnalité
civileetsonidentité,ildoitêtretraitéavechumanitéetprotégécontrelesactesdeviolence.
S’ilestvalide, ildevratravaillerpourlapuissanceennemie,maisilesttoutefois interditde
fairedes travauxdangereuxouquipeuventaider lecoursde laguerrepour l’ennemiet il
doitêtrelibérédirectementaprèslafindeshostilités.
La captivité est un élément récurrent des guerres contemporaines, mais elle n’est qu’un
aspectdetoutcequiyestsubi,notammentpendantlaSecondeGuerremondiale.Auretour
de cette guerre, ces prisonniers, qui sont pour la plupart restés captifs pendant les cinq
3GUEYE Mariama, Captifs et Captivité dans le Monde Romain, discours littéraire et iconographique (IIIèmesiècleav.JC–IIèmesiècleaprèsJC),Paris,L’Harmattan,2013,316pages4CUVELIERBenoît,«Lerégime juridiquedesprisonniersdeguerre»,Études Internationales,volume23,n°4,1992,p.776
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années qu’a duré la guerre, sont vite oubliés5etmêlés à l’horreur qu’elle a fait endurer,
notammentdanslescampsdeconcentrationetd’extermination.Cettecaptivitédeguerrea
cependant touché 1 800 000 prisonniers de guerre français entre 1940 et 19456et ces
soldats ont été répartis dans des camps crées à travers toute l’Allemagne, les stalags ou
stammlagerquisontdes«campsdebase»pourleshommesdetroupe–ilsnepossèdent
qu’un petit nombre d’hommes dans leurs enceintes, mais administrent l’ensemble des
simples soldats et des sous-officiers, en comptant ainsi les prisonniers majoritairement
disséminésdans lesKommandos–et lesoflagsou«camppourofficiers»,quiabritent les
officiers captifs. La captivité touche aussi les soldats coloniaux, emprisonnés dans des
frontstalags,quisontdescampscréésprincipalementdanslazoneoccupéefrançaisepour
les soldats de troupes français coloniaux. Les Français n’étaient cependant pas les seuls
captifsdecetteguerre,puisquel’Allemagnenazieaaussiregroupédesprisonniersdeguerre
américains, anglais, polonais, italiens, russes et d’autres nationalités, arrêtés pendant la
guerre. Des soldats allemands ont également été faits prisonniers par des nations Alliés,
pendantlaguerremaiségalementaprèslasignaturedel’armistice7.
Cettecaptivitéreprésenteainsiunehistoirepourtantassezrichevis-à-visdetoutcequ’elle
implique,etnéanmoins,denombreux thèmesetaspectsdecettepériodedoiventencore
êtredéveloppés.
L’histoire des prisonniers de guerre s’insère dans le vaste champ de recherches
qu’estlaSecondeGuerremondialeetlesélémentstrèsdiversquilacomposent.LaFrance,
qui nous concerne ici, a étéétudiéeàdenombreuses reprises, surdes aspects comme la
Déportation,laRésistanceouencorelaCollaboration,maislecasdelaCaptivitéentre1940
et1945,pourtantaussiimportante,n’aétéquepeuétudié,cequis’expliqueainsiparYves
Durand:
«Beaucoup d’anciens P.G. ont raconté leur captivité, certains avec talent et succès. Mais aucun
historienn’acruutiledes’engagerdansuneprésentationdusujet.N’est-cepoint le reflet,d’uncôté,durôle
mineurassignéausortendemi-teintedesprisonniersdansl’ambianced’après-guerre,dominéeparl’échodela
5DURANDYves,La viequotidiennedesprisonniers deguerredans les Stalags, lesOflags et lesKommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,305pages6DURANDYves,La viequotidiennedesprisonniers deguerredans les Stalags, lesOflags et lesKommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,P.207THÉOFILAKIS Fabien, Les prisonniers de guerre allemands: France, 1944-1949, une captivité de guerre entempsdepaix,Paris,Fayard,2014,762pages
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“trahison“ de Vichy et de l’héroïsme de la Résistance; et de l’autre, et contradictoirement, de l’importance
fondamentaledel’expérienceP.G.danslaviedeceshommesquifurentprèsdedeuxmillionsetdonttantont
éprouvéetéprouventencore,individuellement,lebesoindeseraconter8?»
Ainsi,lesujetdelacaptivitédanssonensembleafaitl’objetdeplusieursrecherches,
générales9ousousunangleparticulier10etoutrecesouvrages, ilestpossibled’entrouver
desplusprécis,évoquantcettefois-cilacaptivitépendantlesdeuxguerresmondiales11.La
SecondeGuerremondiale,périodeoùsedéroulelacaptivitédesaspirants,aégalementété
unepériodeplutôtbienétudiée, bienque cela ait pris un certain temps. Toutd’abord, la
plupartdesécritssontdesmémoiresd’anciensprisonniersdeguerre,etPierreGascar,un
ancienprisonnierdeguerre,estlepremieràvéritablementfourniruneétudegénéraledela
captivité en Allemagne entre 1939 et 194512 . Par la suite, une étude beaucoup plus
approfondiesurlacaptivitédesprisonniersdeguerrefrançaisestréaliséeparYvesDurand,
agrégé d’histoire et ancien professeur d’histoire contemporaine, qui sont une référence
pourtoutcequiatraitàcethème13.Seslivrespermettentainsid’observertoutcequiaété
vécuparcessoldatsfrançaisdurantlacaptivité:leursinternements,leurconditionsdevie,
leurslibérationsetlesrépercussionsdecettecaptivitélorsduretouràlavieciviledansune
Franceaffaiblieetappauvriepar laguerre.Sesouvragesreprésentent lesseulesvéritables
référencespourtoutcequiatraitauxprisonniersdeguerrefrançaisets’ilneseconcentre
pasdansdesdétailstropprécis,iltentedefourniruneétudeexhaustivedecequ’aétélavie
decesprisonniers,grâceàl’utilisationdenombreuxtémoignagesd’ancienscaptifsainsique
demultiples sources d’archives. L’objectif demon travail est d’ailleurs de poursuivre ces
8DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.5399CAUCANAS Sylvie, CAZALS Rémy, PAYEN Pascal, Les prisonniers de guerre dans l’histoire, Contacts entrepeuplesetcultures,Toulouse,LesAudois,2003,319pagesPATHÉAnne-Marie, THÉOFILAKIS Fabien,La captivitédeguerreauXXème siècle: desarchives, deshistoires,desmémoires,Paris,ArmandColin,2012,373pages10COCHETFrançois,Soldatssansarmes:lacaptivitédeguerre,uneapprocheculturelle,Bruxelles,LGDJ,1998,463pages11GAYME Evelyne, Les prisonniers de guerre français, Enjeuxmilitaires et stratégiques (1914-1918 et 1940-1945),Paris,2010,Economica,185pagesBECKER Annette, Oubliés de la Grande Guerre: humanitaire et culture de guerre, 1914-1918: populationsoccupées,déportéscivils,prisonniersdeguerre,Paris,Pluriel,2012,395pages12GASCARPierre,Histoirede lacaptivitédesFrançaisenAllemagne (1939-1945),Paris,Gallimard,1967,317pages13DURAND Yves, La Captivité: histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,542pagesDURANDYves,Laviequotidiennedesprisonniersdeguerredanslesstalags,lesoflagsetleskommandos,1939-1945,Paris,Hachette,1987,305pages
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travaux, en fournissant un regard plus précis sur la captivité, en me concentrant sur un
groupespécifique.
Après cette étude de Durand, le sujet est retombé dans l’oubli, avant d’être à nouveau
exploréàpartirdesannées2000et2010.Lesnouvellesétudesvisentd’ailleursàexaminer
certainsaspects,considéréscommeplutôttabousàl’époqueoùétaientsortislesdernières
recherches,quecesoitparcequecelasemblaitunsujetencoresensibleaumomentde la
rédaction,telquelesprisonniersdeguerrecoloniaux14ounoncompatiblesaveclesmœurs
de l’époque15. D’autres ouvrages ont seulement pour but d’explorer plus en détail des
aspectsdelavieduprisonnierdeguerre,commelecasdesaviedefamille16,laperception
qu’il renvoie depuis la France17ou encore les actions des prisonniers de guerre après la
guerre18.
L’histoire du prisonnier de guerre et de sa captivité a donc été étudiée sous plusieurs
d’angles,cequiestmajoritairementdûaufaitqu’ellefutunepériodetrèsdocumentéeen
terme d’archives, avec notamment les dossiers officiels de la Mission Scapini et de la
Direction du service des prisonniers de guerre (DSPG). Ils contiennent les nombreux
échanges effectués par le représentant Scapini avec diverses autorités françaises tel que
Otto Abetz, ambassadeur allemand à Paris,mais également des rapports rendus par des
rapatriésdecamp,desmembresde laCroix-Rougeayanteffectuésdesvisitesdecontrôle
dans les campoude certainsdéléguésdu Servicediplomatiquedesprisonniersdeguerre
(SDPG)ayantégalementvisitélecamp.Celacomportedonclamajoritédespapiersofficiels
envoyéspendant laguerreàproposdustatutoudesconditionsdeviedesprisonniersde
guerremaisilexisteégalementd’autresarchivesessentiellesàcesrecherches,telsqueles
papiersdesorganismesissusdel’armisticede1940,quioffrentd’autrestypesderapports,
complémentairesauxdocumentsde lamissionScapini. Lapériodeestégalement richede
ses témoignages personnels, avec notamment ce qui a pu être acquis par le Comité
14CAMPA François, Les prisonniers de guerre coloniaux dans les Frontstalags landais et leurs Kommandos,1940-1944,Bordeaux,LesDossiersd’Aquitaine,2013,155pagesMABON Armelle, Prisonniers de guerre «indigènes»: visages oubliés de la France occupée, Paris, LaDécouverte,2010,297pages15THÉOFILAKISFabien,«Lasexualitéduprisonnierdeguerre.AllemandsetFrançaisencaptivité(1914-1918,1940-1948)»,VingtièmeSiècle.Revued’histoire2008/3(n°99),p.203-21916FISHMANSarah,Femmesdeprisonniersdeguerre,1940-1945,Paris,L’Harmattan,1996,280pages17BONNINNicole,Imagesduprisonniersdeguerrefrançaisàtraverslapresselocale:desdébutsdelacaptivitéaulendemaindelalibération,1976,149pages18LEWIN Christophe, Le retour des prisonniers de guerre français: naissance et développement de la FNPG,Paris,PublicationsdelaSorbonne,1986,335pages
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d’histoiredelaSecondeGuerremondialeainsiquelesdonationsdesdifférentsprisonniers
après la guerre, sur ce qu’ils ont pu conservé pendant la captivité, ce qui permet une
approchemoinsformeldecettepériodeetplusintime.Malgrél’abondancededocuments
surcecasparticulierdelaSecondeGuerremondiale,ilresteencoredenombreuxaspectsà
évoqueroudesétudesplusapprofondiesàréaliser.
Au regarddecela,quelestalors l’enjeuhistoriographiquedemarecherchedemémoire?
Bien que Yves Durand ait présenté les différents camps de prisonniers dans ses deux
ouvrages sur la captivité, chaque camp peut présenter des spécificités, des éléments
caractéristiquesoupropresàleurrégion,leurpopulationoumêmel’organisationmêmedu
camp. Que chacun soit composé d’officiers ou de simples soldats, qu’ils soient, tous,
composésenmajoritédesoldatsaméricains,anglais,polonais, russesoufrançais,qu’ilsse
trouventenzoneoccupéefrançaise,enpleincœurdel’Allemagne,dansdeszonesenvahies
parlesAllemandsoutrèsàl’Est,certainscampsprésententdesélémentsquipeuventmener
àuneexpérienceparticulièreetdoncàuneétudespécifique,commecelaapuêtrefaitpour
lecasde laPremièreGuerremondiale19.C’estcetobjectif-làque jeveuxatteindreavec le
casdustalagIA,c'est-à-diremontrerl’expériencedesaspirantsentantquecaptivitéunique
etauseind’untout,pourobserverlespossiblessimilitudesetdifférencesquiexistententre
lacaptivitéengénéraledesprisonniersetcelleplusspécifiquedesaspirants.
Unaspirantestunmilitairequi,parletermemême,aspireàentrerdanslecorpsdes
officiers. Il existe depuis le XVIIIème siècle et devient un grade officiel en 1910. Certaines
dispositionsdustatutdesofficiersluisontattribuées.C’estunofficiersubalterne,quin’apas
encoreatteintlapositiond’officierdegradesupérieuràcausedesonincapacité,danslecas
de la Seconde Guerremondiale, à finir sa formation. Cependant, il a le droit à certaines
dispositionsdestatutquivalentpourlesofficiers,etbénéficientdoncd’untraitementplutôt
particulier aux vues de sa place dans la hiérarchiemilitaire20. Sa position d’élève-officier,
destinéàdevenirrapidementunsous-lieutenant,aprèsavoircomplétersonéducation,est
l’élément déterminant dans la mise en place du camp des Aspirants ou «Aspilag» de
Stablack.
19NOUZILLE Jean, Le calvaire des prisonniers de guerre roumains en Alsace-Lorraine, 1917-1918, Bucarest,EditionsMilitaires,1991,200pages20Comité d’officiers, «Les grades– Armée de Terre», Encyclopédie des sciencesmilitaires, Site internet duministèredeladéfense:http://www.defense.gouv.fr/terre/bloc-les-essentiels/les-grades
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Dès le lancement de la Seconde Guerremondiale, etmajoritairement vers la période de
l’armistice du 22 juin 1940, 1,8 million de militaires de l’armée française sont faits
prisonnierspar lesAllemandsetdeviennent ainsi captifsdeguerre. Selon leurs grades, ils
sont répartis dans des camps de prisonniers, crées à travers toute l’Allemagne du IIIème
Reich,enfonctiondesrégionsmilitairesdupays,lesWehrkreis.Ondénombre100campsde
prisonniers (69stalags;28oflags;3campsspéciaux)21et lesofficiers sontplacésdans les
oflags – ce placement spécial étant requis par le fait qu’ils sont soumis à des
réglementations différentes vis-à-vis de leurs traitements dans les camps de prisonniers,
notammentl’interdictionpourlesallemandsdelescontraindreàdestravaux–alorsqueles
autressoldats,notammentdeshommesdetroupe,sontplacésdansdesstalags.Ainsi, les
Allemands réussissaient à organiser la captivité des français de façon ordonnée et
correctement aménagée, mais les aspirants posent un problème au regard de cette
organisation.
Le grade d’aspirant,même s’il est dument établi par lesmilitaires français, reste inconnu
pour les autorités allemandes, etprésenteun certainproblèmepour lamiseen captivité.
Selonlesautoritésfrançaises,l’aspirantestunmilitairequidevraitapparteniraugroupede
prisonniers dépendant des stalags, mais qui a le droit à certaines dispositions de statuts
extraitesdecellesaccordéesauxofficiers,cequi lerendpossiblementacceptabledans les
oflags. Ainsi, à partir de leursmises en captivité, les aspirants prisonniers de guerre sont
placéssoitdansdesstalags,soitdansdesoflags,maiscelaposedesproblèmesdanschacun
descas.Vis-à-visdesoflags,ilyagénéralementunecertainetensionentrelesofficiersetles
aspirants, et ces derniers sont quelques fois ostracisés par les officiers dans les camps et
d’autresdifficultés,liéesauxstatutsdesaspirantsetdesofficiers,sesontposés,notamment
pour les autoritésallemandes, cequi aexpliqué le faitque les aspirants aientensuiteété
transférésdansdesstalags.Cependant,lesaspirantsdanslesstalagsn’étaientpasnonplus
un système fonctionnel ; légalement, il n’était pas possible d’envoyer de force ces
prisonnierstravaillerdansdeskommandos,etcescomplicationsfirentl’objetdenombreux
courriersenvoyésentrelamissionScapinietl’OKW.
C’est alors, qu’après de nombreuses négociations, les deux autorités trouvèrent une
solution: la mise en place d’un camp spécifique où seront réunis tout ces prisonniers
21DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,1982
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aspirants.C’estainsiquevanaître lecampappelé“Aspilag“situéàStablack.Situédans le
Wehrkreis I de Königsberg, il est un des deux camps de prisonniers de la région – l’autre
étant le STALAG IB de Hohenstein – et cette «Aspilag» se partage le camp même de
Stablackavecunautregroupe,réunissantdeshommesdetroupeetdesimplessoldats.Ce
second camp est composé de prisonniers de guerre demultiples nationalités, et l’effectif
total, des deux parties du camp groupées, était estimé à 30 000 hommes, dont 4 000
seulementdanslecampetlesaspirantsétantenviron2à300022.Lesdeuxpartiesducamp
sont séparées par des barbelés, ce qui établit une véritable délimitation entre les deux,
renforcéparlefaitqueleshommesdeconfiancedésignéspourservird’autoritésentreles
prisonniers et les responsables allemands sont différents en fonction de l’“Aspilag“ et du
stalagnormal23.LalocalisationestunaspectdéterminantdecettecaptivitécarStablackest
situédansleWehrkreisleplusàl’Estdel’Allemagne,enPrusseOrientale,lafrontièredela
région était conjointe à la frontière russe, ce qui représente une perspective particulière
pourcesprisonniersdeguerre,àsavoirqu’ilssontlesprisonniers,pourlecasdesfrançais,
lespluséloignésdeleurpays.Ainsi,leproblèmedestentativesd’évasionsembleencoreplus
intense, si l’on prend en compte les chemins de retour, plus longs et plus ardus. Cette
localisation représente également un obstacle supplémentaire pour la vie en captivité,
puisqu’ilssontsoumisàunclimatplutôtdifficile,avecdeshiversgénéralementrudes,cequi
adesincidencessurlesconditionsdevieetlemoralduprisonnier.
Ainsi,lecampdesaspirantsdeStablacksemetenplaceets’organiseàpartirdemars1941,
par lebiaisde l’actionde lamissionScapiniquigère letransfertdesdifférentsprisonniers
aspirants depuis les stalags ou oflags dans lesquelles ils sont placés, et la vie du camp
s’ordonnepeuàpeu.Unespécificitépropreauxaspirantsestalorsbienmiseenavantdans
cetaménagementducamp.Lesaspirantsnepeuventpasêtrecontraintsautravailetilest
doncnécessairede leurtrouverdesactivités.L’unedesraisons invoquéesdans lacréation
ducampestlefaitquecesaspirantsontbesoindecontinuerleursétudes,danslecadrede
leur formation militaire. La mise en place du camp se fait donc en même temps que la
créationd’uneuniversitéquirégirapendantuncertaintempslaviedel’aspirantprisonnier
deguerre.D’autresactivitéssedéveloppentégalementtelsquedesactivitéssportives(de
22X–CICR,StalagIAStablack,27/10/1942,F/9/2709,MissionScapini,ArchivesNationales(AN)23MinistèredelaGuerre,Documentationsurlescampsdeprisonniersdeguerre,AmicaledeStablack(AS),AN,72AJ/2623
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nombreux sports sont pratiqués par les aspirants), des activités culturelles (ex:musique,
théâtre,cinéma)ainsiquedesactivitésreligieuses(onretrouvedenombreuxaumôniersau
camp), mais aussi la Révolution Nationale et le Mouvement Pétain, notamment avec
l’arrivéeduGénéralDidelet,quiaurad’ailleursunegrandeincidencesurl’administrationet
lavieencaptivitéaucamp.
Pourtant, tous les aspirants ne pratiquent pas que ces activités oumême, certains ne se
consacrentpasdutoutauxétudesouauxactivitéspériphériques.Parsamitoyennetéàun
camp ordinaire composé d’hommes de troupe, l’“Aspilag“ de Stablack a à proximité de
nombreuxkommandosdetravailspourlessoldatsdel’autrecampenvoyéspourytravailler.
Lekommandoestundétachementdetravailcomposéd’ungroupedeprisonniersdeguerre
envoyépourexécuteruntravaildéterminé,àl’extérieurducamp.C’estl’endroitprincipaloù
lamajoritédesprisonnierspasselacaptivité,nerestantquetrèsrarementdanslecamp.Le
kommandoest uneopposition au campmêmedes aspirants de Stablack et pourtant ils y
sontliésparlefaitqu’uncertainnombred’aspirantsaientdécidéderenonceràleurdroitde
ne pas travailler pour aller passer leur captivité dans les kommandos de travail. Ce choix
indique une direction totalement différente de ce à quoi les aspirants sont normalement
destinés,cequi symboliseégalementunaspect intéressantpour lacaptivitésupposément
particulièrequ’ontvéculesaspirants.
LecampdesaspirantsdeStablacksembledoncêtreuneparticularitéfaceàtouslescamps
deprisonniersdeguerredelaSecondeGuerremondiale,etilsoulèveainsidenombreuses
questionsquipeuventjustifieruneétudeplusapprofondiesurlesujet:Lecampest-ilaussi
spécial que sa création, son organisation et sa population laisse à penser? Comment ces
captifs ont mené leurs vies de prisonniers de guerre au regard de leur statut distinctif?
Quellepouvait être la relationentretenueentre cesaspirantsprisonniersdeguerreet les
autresprisonniersdeguerre,quecelasoitlecampd’hommesdeStablack,lesprisonniersde
guerre de leurs camps précédents ou les prisonniers d’autres nationalités? Quelles
différencesdeconditionsdeviemaisaussidetraitementspouvaientêtreobservésentrele
campdesaspirantsetlecampd’hommes?Commentsedéroulaientlesdifférentesactivités
organiséespour lesaspirantsetcommentsemettaient-ellesenœuvre?Quelsprisonniers
choisissaientd’allertravaillerdans leskommandosdetravailetcommentcelasemettait-il
enplace?Enquoilerassemblementdecesaspirantstousensembleapupermettredecréer
unevéritablecommunautétrèsliée?
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Ainsi,ilestintéressantdesedemanderdequellesmanièresonpeutdire,auregard
deleurstatutuniqueetdeleursconditionsd’internement,quel’expériencedelacaptivité
desaspirantsdustalagIAdeStablackaétéuniqueetparticulière.
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TITREI:LesdébutsdelacaptivitéUnesituationdifficileetcompliquéepourlesaspirants
Ledébutde la captivitéestuneétapeparticulièrepour leprisonnierde
guerrepuisquecelacommenceunenouvellepartiedesavie,aprèslaguerreetlefront:le
camp de prisonnier. En fonction de son grade, il doit se préparer à être interné dans un
camp pour une période relativement longue, avec seulement quelques occupations à
disposition ou il doit se préparer à partir dans un kommando, pour enchainer plusieurs
heures de travail par jour, dans des conditions généralement difficiles. Une fois arrivé au
camp,ilestemmenéetsuit lesdifférentesopérationsquidoiventavoirlieuavantd’entrer
véritablement dans le camp, tel que la fouille, l’épouillage et l’immatriculation. Cette
dernière étape est considérée comme la plus importante, puisqu’elle définit le prisonnier
pourlapériodeàveniretcetteimmatriculationestuneétapeessentielledanssacaptivité:
«LePGgarderacenumérodematricule, resteraattachéaucampoù ilaété immatriculé,
pendanttouteladuréedesacaptivité,quelsquesoientultérieurementsespérégrinationset
changementsd’affectations1».
Cependant, cetteaffirmationsemblenepasconvenirpour lesaspirants,
puisque l’Aspilag, où ils ont passé leur captivité, n’a été, pour aucun d’entre eux, leur
premierlieudecaptivité,etenaucuncas,lecampoùilsontétéimmatriculés.Leursituation
posedemultiplesproblèmesauxAllemands,quiontdesdifficultésàtrouverunesolution,et
passepardenombreusesétapes,avantdetrouverl’Aspilag.
Ainsi, ilest intéressantd’observerdequellemanière lestatutparticulier
desaspirantsainfluésurladéterminationdestermesdesacaptivitéetcommentelles’est
miseenplace.
I–Unemiseenœuvredifficiledelacaptivitédesaspirants
Si les prisonniers de guerre connaissent généralement une installation en captivité
immédiate et définitive, ce n’est pas le cas des aspirants, qui rencontrent diverses
complicationsavantleurétablissementàStablack.
1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.66
20
A–Unepremièrecaptivitédifficilepourlesaspirants
Lacaptivitédesaspirantsaconnudesdébutsplutôtcompliqués,dusàleurgradesi
particulier. Ilssontunecatégoriedemilitaires,avecunrangplusélevéqueceluidessous-
officiers,ilspeuvents’assimilerpardenombreuxaspectsauxofficiers,maisilsn’enontpas
ladénomination.Cettequalificationposeainsiproblèmepourleursplacementsencampde
prisonniersenAllemagneetilsconnaissentainsilesdeuxtypespossibles:lesoflagspuisles
stalags.
Toutd’abord,aprèsavoirétéprisparlesAllemands,lesaspirantssontenvoyésdans
desoflags, avec les autresofficiers. Eneffet, leur gradeétant inconnudesAllemands, ces
derniers les ont assimilés à des officiers, probablement car ils le sont sur de nombreux
aspects, et ainsi, leur captivité avec les officiers se met en place. Elle est plutôt simple,
notammentcar ils sontexemptsde travail, selon l’article27de laConventiondeGenève2
maisdesdifficultésseprésententrapidement.Enplusd’avoirledroitdenepastravailler,les
officiers doivent être payés avec une solde similaire à celle des officiers allemands3et les
aspirants, en tant que prisonniers de guerre assimilés aux officiers et à leur régime,
considèrent avoir également la possibilité de demander cette solde. LesAllemands, ayant
déjàdesréservesfaceàcegrademilitaireinconnud’eux,refusentderépondrepositivement
à cette demande, la considérant injustifiée et alors, la situation se complique pour les
aspirants. Deux opinions apparaissent au sein du camp face à ce traitement subi par les
aspirants:«Quelquesofficiersfontdesdémarchespournousfairerester,proposantdenous
assurer une solde grâce à une légère retenue sur la leur, d’autres assez nombreux
commencent à nos trouver gênants et trouvent tout naturel que les aspirants n’étant pas
payés,ilss’enaillenttravaillerchezlesAllemands4».Onpeutainsiobserverque,mêmeau
sein de la hiérarchie militaire française, le grade particulier des aspirants n’est pas
complètementreconnuparlesmilitairesplusgradésoubienmêmequ’ilsconsidèrentqu’ils
sontencoreinférieursàeux,etque,parconséquent,ilsnedevraientpasdisposerdumême
traitement.Endéfinitive,lesAllemandsdécidentdetrouverunesolutionàceproblèmeen2Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)3Article23,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduCICR4GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DirectionduServicedesPrisonniersdeGuerre(DSPG),AN
21
envoyant les aspirants en stalags, où ils considèrent qu’ils ont plus leur place, et où ils
pourrontlesobligeràparticiperautravail.
La captivité en stalag se passe demanière aussi compliquée pour les aspirants qu’en
oflag,maispourdifférentesraisons.S’ilsétaientenpositiond’inférioritéauseindel’oflag,ils
sontplutôtqualifiés icipour tenirunposted’hommedeconfianceoude responsabledes
hommes de troupe. Cela pose certains problèmes avec les soldats déjà désignés comme
responsablesàl’intérieurducamp,lessous-officiers,quiprennentdifficilementl’arrivéede
cesaspirants,parpeursevoir«déposséder5»deleurpouvoir.Leursrelationss’améliorent
cependantlorsquelesaspirantsapportentdesinformationsauxsous-officierspourfaciliter
leur captivité: «Pour les Aspirants, comme pour les autres sous-officiers, une question se
posebienvite, celledu travail6»,«nousavonsgêné lesAllemandsen instruisant les sous-
officiers de leur droit de refuser le travail et en incitant mes hommes à opposer la force
d’inertieauxordresdesAllemands7».Lesaspirantsassurentdoncicileurpositiond’homme
deconfiance,enaidantautantqu’ils lepeuvent lessoldats,notammenten leurapprenant
les notions de leur statut de prisonnier, pour les sous-officiers principalement, mais la
situationdégénère.LesAllemandssonttoujourssuspicieuxdesaspirants,etnotammentla
relationqu’ils entretiennentavec leshommesde troupedes stalagsdans lesquels ils sont
internés:«Lesaspissoutiennentlemoraldeshommesetlesaidentàtournerlerèglements
allemands,défendentlesdroitsetainsideviennentlesbêtesnoiresdesallemands8»,«notre
présenceétaiteneffetjugéeindésirabledanslesStalagsoùjedoisledire,unetrèsheureuse
influenceauprèsdeshommesavaitpuêtreexercéedenotrepart9»,«furentensuite[virés]
desSTALAGSenraisondu“mauvaisexemple“10».Ainsi,qu’importelescampsdanslesquels
les aspirants pouvaient être internés, la réaction des Allemands était toujours la même,
c'est-à-dire une hostilité évidente pour les aspirants et leur influence sur les autres
prisonniersdeguerre,etcelaentrainaégalementleurexpulsion.
Lesaspirantsn’ontdoncpas leurplacedans lesoflags,pourunproblèmedesolde
vis-à-visdesAllemandsmaiségalementdesprisonnierseux-mêmes,nidans lesstalags,où5SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.216SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.217SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22-238GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN9DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN10DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.11
22
ce sont les autorités allemandes qui voient d’un mauvais œil leur position. Il est donc
nécessairepourcesprisonniersdetrouveruncampparticulierpoureuxseulement.
B–Campuniversitaireoucampdereprésailles?
Les aspirants ayant étéexpulsésdesdifférentsoflagspuis stalagsoù ils avaientpu
être placés, il est maintenant nécessaire pour les autorités françaises et allemandes en
charge des prisonniers de guerre français de trouver un camp pour les interner et c’est
l’OKWquitrouvelasolution,avecl’Aspilag11.Uncampparticulieretdestinéseulementaux
aspirantsestainsimisenplace,enPrusseOrientale,oùsetientdéjàunstalag,leIA,quisera
partagéaveclesaspirants.L’organisationducampetlaraisondesamiseenplacenesont
cependantpasclairementexpliquéesetdeuxidéessontavancées:«1°Campdereprésailles
2° Réunion dans un même camp à la demande du Gouvernement Français pour que les
étudiantspuissentpoursuivreleursétudes12».Plusieursélémentspermettentdedévelopper
l’uneoul’autredespropositions.
Pendant un certain temps, après lamise en captivité, le Service Diplomatique des
PrisonniersdeGuerre(SDPG)cherchaitunmoyenpourpermettreauxétudiantsdepouvoir
continuer leursétudesmalgré lacaptivité13etcesmesuresavaientdegrandesprobabilités
deconcernerlesaspirants,puisquecelacaractérisaituneportiondecesprisonniers,c'est-à-
dire que la fin de leurs études leur permettrait de passer au rang d’officier. C’est donc,
semble-t-il, l’angle qu’utilise Scapini pour trouver une nouvelle manière d’interner les
aspirants,aveclacréationd’uncampspécialementpoureuxetleursétudes,respectantainsi
les droits qu’ils ont, de par leur statut14, mais aussi certains besoins, vis-à-vis de leur
apprentissage15.Certainstémoignagesd’aspirantspermettentd’ailleursd’observerquec’est
la raison qui leur a été donnée pour expliquer ce changement de camp: «LesA. avaient
quitté lescampsprécédentsavec lapensée,encouragéespar les lettresreçuesdeFranceà
cetteépoque,qu’onregroupaitdansunesortedecampuniversitaire16»,«quoiqu’ilaitété
11CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.47-4912GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN13SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2514SCAPINI Georges, Lettre à Son ExcellenceMonsieur Otto ABETZ sur la situation des aspirants prisonniers,30/04/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN15SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2516X,LettreàMonsieurSCAPINI,Juin1941,LieuInconnu,F/9/2272,MissionScapini,AN
23
indiqué aux aspirants qu’ils étaient rassemblés pour permettre l’installation de cours
universitaires17». Certains prisonniers partent donc vers Stablack avec l’idée que l’Aspilag
leurpermettrademenerdesétudesetderetrouverunecaptivitéprochedecequ’elleavait
puêtrelorsqu’ilsétaientenoflags,mais laréalitéestbiendifférente,etunegrandepartie
desaspirantsleperçoiventdéjà.
L’attitudehostiledesautoritésallemandesenvers lesaspirantset la volontéde les
faire partir des stalags pour interrompre leur influence sur les hommes de troupe
permettentrapidementauxdifférentsaspirantsdecomprendrequeleurexpulsionmènera
probablement à un régime plus dur, équivalent vraisemblablement à celui prévu pour les
réfractaires 18 . Plusieurs éléments permettent d’ailleurs de confirmer cette idée aux
aspirants.Toutd’abord,leurnouveaucampestlestalagIA,enPrusseOrientale,c’est-à-dire
toutàl’estduReichetavecunclimatplutôtpénible,cequipeutainsiindiqueruneintention
pour lesallemandsde rendre la captivitédesaspirantsencoreplusdifficileàvivre19,mais
égalementdediminuer leurs chancesde réussited’uneévasion, en les«éloignant leplus
possible de la frontière française20». Par la suite, c’est l’attitude pendant le transfert, où
certainessentinellesmalmènentetinjurientlesprisonniers21etsurtoutàl’arrivéeaucamp
quelesaspirantsréalisentvéritablementlerégimedereprésaillesquilesattend.Lediscours
du colonel Hartmann, commandant du camp des aspirants et futur adversaire constant,
présenteladisciplinestricteetlerégimederigueurauxquelslesaspirantsdevrontfaireface
par la suite: «Régime: représailles, pelote journalière,menace de fusillade par “l’Oberst“
HARTMANN22»,«Vousêtesdefortestêtes…onsauravousdresser…vousallezconnaîtrela
discipline allemande… interdiction de ci, interdiction de ça… s’il y en a un qui cherche à
s’enfuir, dix seront aussitôt fusillés, etc.23», «que la plus stricte discipline serait attendu
17X,StalagIA,11/06/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN18SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2319GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN20DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN21LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN22GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN23CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.47
24
d’eux, que les sentinelles allemandesavaient reçu l’ordrede tirer sur eux sans sommation
s’ilsapprochaientdesbarbelés24»
Ainsidonc,onpeutobserverquesicertainsaspirantsonteuunequelconqueillusion
d’internementdansuncampspécialuniversitaire,l’arrivéemêmeàl’Aspilagpermetdeleur
présenter rapidement la future réalité de leur captivité, et c’est donc plutôt un camp de
représailles qui est mis en place, avec à la tête un colonel, imposant rapidement une
disciplinestricte,constituéeégalementdenombreusesbrimades.
II–Unepériodeinitialecontraignantemaissupportablepourlesaspirants
Les aspirants commencent donc leur nouvelle captivité dans des conditions bien
différentes de ce qu’ils avaient pu connaitre auparavant, notamment à cause de
responsables allemands assez difficiles. Ils forment cependant une communauté solidaire,
pourmieuxsupporterlacaptivité.
A–Unedisciplinestricteetbrutale…
Le colonel Hartmann, Oberst du camp, a ainsi fait savoir aux prisonniers, dès leur
arrivéeàlagare,queleurcaptivitéseradifficile,qu’ilssontlàpourcausedereprésailleset
qu’ilapourbutdelesconformeràcequiestattendud’unprisonnierdeguerre25.
Silecolonelavaitdéjàprévudetraiterlesaspirantscommedesréfractaires,leursconditions
d’arrivée à Stablack n’améliorent pas la situation. En effet, de nombreux prisonniers ont
profitédutransfertpours’évader,etcelaseremarquedèsl’arrivée,cequiplongeal’Oberst
dans une grande fureur. Ils décident donc d’y répondre en punissant, durement, tous les
évadés rattrapés: «les cellules étaient pleines et une baraque entière fut réservée aux
punis:huitheuresdebout,sanspouvoirs’asseoir;huitheuresassis,sanspouvoirse lever;
huitheurescouché,sanspouvoirselever;quantàlanourriture,sefutléger,trèsléger.26».
Le commandant du nouveau camp des aspirants montre donc rapidement ce dont il est
capable,etceàquoilesaspirantsdevrontfaireface,encasdemauvaiscomportement.Le
régime de représailles est clairement exprimé, ce qui s’observe encore plus avec la
descriptiondecequiattendlesaspirantsunefoisleurinstallationàl’Aspilag:24DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN25FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9526SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.71
25
«1°Vous serez parqués dans des ilots de barbelés par baraque de 300 et ne pourrez communiquer
entrevoussivousn’êtespasdumêmeilot.
2°Interdictiondecommuniqueravecleshommesousous-officiersducamp.
3°Vosvêtementsetchaussuresvousserontenlevéslesoiretrenduslelendemainmatin.
4°Vousrespecterezàlalettrelerèglementsuivant:lever4heures½,etc.,4heuresd’exercicesparjour,àpeine
2heuresdeloisirs.
5°S’ilyauneinfractionunsurdixserafusillé.27»
Cesinstructionspermettentdoncderemarquerquel’Oberstchercheàisolercomplètement
les aspirants, des autres soldats à proximité mais également des autres aspirants, et il
s’assureégalementquepersonnenetented’évasions.Lesdifférentsrapportssur ledébut
de la captivité au camp, ainsi que les multiples témoignages recueillis montrent que ce
régime a effectivement été suivi par le colonel Hartmann, avec en plus, quelques autres
brimades non prévues au départ, ainsi qu’un traitement particulier, surprenant pour les
aspirants. À l’arrivée au camp, après le discours, les aspirants sont envoyés dans une des
baraques pour être tondus et épouillés. Cela n’est pas une pratique complètement
exceptionnelle dans les camps de prisonniers de guerre, puisque l’épouillage est
généralementréalisédèsl’arrivée,etilestégalementpossibledetondrelescheveuxetles
poils,pourlecompléter28.Cependant,celaestplutôtnouveaupourlesaspirants,quin’ont
jamaiseuàsubirçadanslescampsoùilsontétécaptifsauparavant,saufpourlesmalades,
etilsviennentpourtantdenombreuxcampsenAllemagne29.Celacréed’ailleursuncertain
choc pour eux, puisqu’ils sont maintenant tous les mêmes selon eux, sans possibilité de
distinction de dos par exemple30 et de plus, un aspirant explique que cela lui donne
«l’impressiondepénétrerdansunvéritablebagne31».Lasuitedesévènementsnepermet
d’ailleurspasdevraimentcontredirecetteidée,puisquelesbrimadessemultiplientpourles
aspirants, avec de nombreux appels dans la journée, jusqu’à 7 par jour32, dans le froid
27GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN28DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.6529DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN30MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.8831LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN32DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
26
difficilede laPrusseOrientale33.Lesaspirantssubissentégalementdenombreusesfouilles
intempestives, jour et nuit selon eux34, etmême parfois une diminution de la nourriture
distribuée,parune retenuedesAllemands sur les colisde laCroix-Rouge35. Ils supportent
autant qu’ils le peuvent ce régime plutôt extrême,mais certains n’y survivent pas: «Un
aspirant repris après évasion,meurt d’uneméningite tuberculeuse; durant son agonie, le
médecinallemandlefaitmettreaugarde-à-vousaupieddesonlit,àchaquefoisqu’ilentrait
danslachambre36».
Le régime des aspirants est donc très difficile et le colonel Hartmann démontre très
explicitementquesoncampestuncampderéfractaires,pourdesprisonniersdeguerrequi
méritentd’être«dresser37»,ets’ilestparfoistropextrême,dans lesdifférentesbrimades
qui sont subies, les aspirants le supportent toujours, grâce à une véritable cohésion de
groupe.
B–…quinedémoralisepaslesaspirants
Si la discipline stricte de l’Aspilag avait pour but de démoraliser les prisonniers de
guerreetdevéritablementleurrendrelavietrèsdifficile,lesautoritésallemandesn’ontpas
pris en compte un aspect particulier dans cette mise en place : la réunion de tous les
aspirantsensembleetaumêmeendroit.
Lesaspirantsontconnudenombreuxcamps,oflagsetstalags,audébutdeleurcaptivité,
et commeon a déjà pu l’observer, cela ne s’est pas bien déroulé, car ils n’étaient jamais
vraiment à leur place. Or, cette situation se transforme avec l’arrivée à Stablack et le
rassemblementdetouslessoldatsd’unemêmeclasse,l’aspirant:
«Si les Allemands ont vraiment voulu réunir les Aspirants pour mieux les prendre en main, ils ont
certainementcommisuneerreur.[…]Ilestvraiqu’ilsnes’étaientjamaissentisàl’aiseniàl’oflag,niaustalag.
ÀStablack,aucontraire,ilsavaientlasurprisederencontrerdescamaradesperdusdevuedepuisdesmoisetà
quilesrattachaientdeslienssolides,souvenirscommunsdelycée,d’étudessupérieures,d’écolesmilitaires.[…]
33BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN34GRISVARD Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN35DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN36GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN37FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.95
27
Ladisparitiondecertainscomplexesexpliquesans ladoute lasatisfactionetmême la joieque laplupartdes
Aspirantséprouvèrent.38»
Ce rassemblement des aspirants dans un même camp semble donc être l’occasion
d’organiserunevéritablecommunauté,unieetsolidairel’uneavecl’autre,maisilestquand
mêmepossible de nuancer cela. Tous les aspirants ne semblent pas avoir directement vu
l’aspect positif de cette réunion, puisque certains gardent un sentiment plutôt négatif de
leurarrivéeàStablack:«LapremièrejournéeàceStalagsedérouladansuneatmosphère
decafard.[…]M.PERSINagardéuntrèsmauvaissouvenirdel’atmosphèreducamp39».Les
difficultésde lacaptivitéontdoncsurpassé la joiedecréerunevéritablecommunauté,et
ainsi, pour certains, la captivité a vraiment été un calvaire à vivre, lors de la période de
disciplinestrictedeHartmann.SIcertainsn’ontpasétéconvaincusparcerassemblement,
d’autres en avaient déjà fait l’expérience auparavant. En effet, cela avait déjà pu être
observé précédemment lors des transferts entre oflags et stalags. Les aspirants étaient
expulsésengroupedesoflags,etdoncgénéralementenvoyésensembledansdenouveaux
camps, cequipermetde«se serrer les coudes» etd’y voir «un sort commun»40et ainsi
même,decréerungroupeuni;celaputêtrelecas,parexemple,avecles“grosshesepiens“,
petit groupe d’aspirants qui connurent les mêmes camps avant d’arriver à Stablack (et
notammentlecampdeGross-Hesepe),etquiydéveloppentdeslienstrèsforts41.
Lamajorité des aspirants ont donc vu dans ce rassemblement la possibilité de créer des
liens,derenouerdesamitiésquiexistaientdéjà lorsdeleursformationsmilitairesetainsi,
de développer une véritable communauté, soudée et unie contre l’Oberst du camp. Cela
représentedeplusunecommunautétrèsnombreuse,puisqueselonlesdifférentsrapports,
lenombred’aspirantsquiarriventàStablack,àpartirdemars1941,est240042etilyena
jusqu’à3500enavril194143.Cenombreimportantdeprisonnierspermetd’ailleursdecréer
une certaine formede résistance face auxAllemands: «[discipline] qui ne s’assouplit que
38SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.26-2739PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN40GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN41MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,153pagesVILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,59pages42SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2643X,StalagIA,11/06/1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN
28
devant la volonté de résistance de l’ensemble des Aspirants44», «amitié qui a résisté à
l’épreuvedutempsetfaited’unespritdecamaraderie,d’uncouragecollectifquin’ajamais
faibli45»,«unecapacitéderésistanceetunespritdesolidaritéquelaconstitutionducamp
fitsedévelopperrapidement46».
Unevéritable communautéestainsi crééeà l’intérieurducamp,et l’espritde l’Aspilag se
met en place47, ce qui permet alors aux aspirants de conserver leur moral, malgré les
brimadesducolonelHartmann48etcelaseremarqueencoreplusvis-à-visdesévasions.La
raisonprincipaledesbrimadesducolonelétait lesmultiplesévasions,tentéessansrelâche
par les aspirants au début de leur captivité. À chaque réalisation d’une évasion, l’Oberst
punissaitlesaspirants,parlebiaisdesanctionscollectives,probablementdansunetentative
de déstabiliser la communauté créée et d’opposer les aspirants entre eux, ce qui fut
cependantunetentativeratée:«Noussavonsqu’encasd’évasions,c’est lerégimespécial
quireviendramaisaucundenousnes’embarrassedecesconsidérations,noussommestous
prêts à aider les évasions et à en supporter les conséquences49.» De la même manière
qu’auparavant, ilexistetoujourscertainsaspirantsquisedétachentdecettecommunauté
et qui sont hostiles à ces évasions, mais ils ne représentent qu’une part infime et peu
importante,selonlemêmerapport50.
Lesaspirantssubissentdoncunrégimederigueurqui,malgréunevéritablecohésion
degroupeentreeux,auraitpuêtrefatalselonundesaspirants:«Dansl’étatdefaiblesseoù
nous nous trouvions, un pareil régime aurait certainement fait des ravages effroyables de
mortalités’ils’étaitperpétué51»,maislasituations’amélioreparlasuite,grâceàdifférentes
actions.
44BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN45LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN46SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2647CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.47-4948X,LettreauDirecteurdel’ENS,14/06/1941,LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN49GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN50GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN51LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
29
III–Unchangementprogressifdufonctionnementdel’Aspilag
Après quelques temps d’un régime strict, la situation change grâce à plusieurs
interventions, qui permettent finalement de changer complètement la situation pour les
aspirants.
A–UneaméliorationdelasituationparunduoCharrier/Didelet
Lesaspirantssubissentpendantunecertainepériode, le régimeque leur impose le
colonel Hartmann, mais ils considèrent rapidement que la situation est injuste, et ils
s’unissentdoncpourpouvoirpermettresarésolution,cequis’opèreendeuxtemps.
Toutd’abord,lesaspirantscherchent,auseindeleurgroupe,àcréerunehiérarchie
militaire et à élire un chef pour pouvoir s’opposer au colonel Hartmann: «Nous élisons
quandmême des Chefs parmi nous et avec l’esprit de camaraderie des aspis, on arrive à
concilier les choses […]Notregrandchefestnotre camarade le sous-lieutenantCHARRIER.
Charrier avait une âme de chef, conscient de ses responsabilités, d’un moral et d’une
moralitésupérieure52».Safonctionn’estpasréellementofficielle,maisilestécoutépartous
lesaspirantsetessaieaumaximumdes’opposeraucommandantducamppourfaciliterles
conditionsdeviedesaspirants.Auregarddurégimedudébutdecaptivité,sonactivitéest
plutôt ardue, et cela lui demande beaucoup de temps; il qualifie d’ailleurs sa mission
commeune«occupationquotidienne53».Sonactionestplutôtefficace,puisquedeuxmois
plustard,lerégimeestredevenunormal,aveclafindel’isolationquiavaitmisenplaceetla
possibilitédecommenceràdéveloppercertainesactivités,intellectuellesouculturelles54.
Le «duel CHARRIER-HARTMAN55» rencontre cependant quelques difficultés pendant ses
multiples négociations. Considérant le campdes aspirants commeun campd’hommes de
troupe plutôt qu’un camp d’officiers, le colonel Hartmann décide de commencer des
démarchespourpouvoirlesenvoyerautravail,cequiestainsiunepreuvesupplémentaire
de l’ignorance des Allemands sur ce statut d’aspirant, ainsi que de la volonté toujours
présentede l’Oberstd’imposer sonpouvoir sur lesaspirants.Charrier réussit cependantà
s’opposer à cela, bien qu’il dut également convaincre certains des aspirants: «Certains
camaradesétaientvenusmedireleurdésirdepartirenKommandopouréchapperàl’ennui52GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN53CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4854GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN55GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN
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ducamp.Jelesenaitoujoursdissuadés.[…]danscespremiersmois,oùtoutétaitencoreà
construire,ilnefallaitpasromprenotrehomogénéité56»Ànouveau,onpeutdoncobserver
que les aspirants tirent leur force de leur union, qui semble être un outil de résistance
efficaceetpuissantfaceauxautoritésallemandesmaiségalementqueCharriersembleêtre
unchefvéritablementcompétent,puisqu’ilpossèdeungrandeinfluencesurcesprisonniers.
Une des autres complications entre Charrier et Hartmann concerne un problème plutôt
récurrent, à savoir le cas des évasions. Chacune d’entre elles amènent à un retour à des
conditions de vie difficile pour les prisonniers de guerre, avec les sanctions et différentes
brimadesopérées parHartmann audébut, et notamment la suppressiondes activités qui
avaientpuêtredéveloppées jusqu’àcettepériode57.Unesortedeschémasemetainsien
place au seindu camp : «La vie est désormais la suivante: 15 joursàunmoisde régime
doux,évasions, représailles.DémarchesdeCHARRIER.Retourau régimedoux, réévasions,
etc.Celadevientclassique58».Selonl’aspirantSilbert,leséchangesentrelesdeuxautorités
présentent toujours le fait que selon Hartmann, il n’y a pas un esprit assez fort de
collaborationdesaspirantsetselonCharrier, lessanctionscollectivessontuneviolationde
la Convention de Genève 59 , ce qu’il affirme sans pourtant n’avoir jamais lu cette
Convention60.Cetteréflexionestcependantvuecommeunaffrontparlecolonel,quiavoue
n’avoir jamais été accusé d’avoir violé la Convention, malgré ces deux ans de
commandement61. Finalement, c’est le sous-lieutenant Charrier qui triomphe pour cette
situationetlessanctionssontlevéesdèslelendemain.Cettedémonstrationdeforcepermet
ainsidemontrerquec’estl’actiondeCharrierquiavéritablementpermisl’améliorationdu
sortdesaspirants,cequiluiad’ailleursdonnéuneréputationtrèspositiveauseinducamp
desaspirants:«Onavaitcoutumededirequepourcommanderlecampilyavaitl’Oberstet
au-dessusdel’Oberst,CHARRIER62»,maiségalementdanslecampdeshommesdetroupe,
jointàl’Aspilag:
«Le“campdeshommes“nousobservaitavecintérêtetsuivaitnotrebagarreavecsympathie.Unjour,un
camaradevientmedirequ’unhommeducampdemandaitàmeparlerauxbarbelés. J’yvaiset jetrouveun
56CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4957SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2858GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN59SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2860CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4861CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4862GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN
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garsquimepasserapidementàtraverslesfilsunebrochureetquimedit:“Monlieutenant,c’estlaConvention
deGenève;jesaisquevousenavezbesoin”63»
Le duel continuait donc d’être mené fermement par le lieutenant Charrier et les
aspirantsetenjuillet1941,uneaideofficiellearriveaucamp,legénéralDidelet,quipermet
de renforcer les mesures imposées par Charrier et qui semble également plutôt efficace
dans sa tâche: «L’arrivée de la mission DIDELET a pour première conséquence, que les
brimadescessentcomplètement64»,«Dèslelendemaindel’arrivéedugénéralDIDELET,des
améliorationsnotablesaussibienmatériellesqu’intellectuellesétaientapportésausortdes
Aspirants65».LegénéralDideletamélioredonclavieducampdediversesmanières66maisil
forme surtout une équipe très soudée avec le lieutenant Charrier, qui devient son bras
droit67.Didelet est d’ailleurs assez admiratif de l’actiondeCharrier, qui a su tenir tête au
colonelHartmannetainsi,améliorerlesortdesaspirants,etillefaitdoncsavoir:«Jedois
dire quemon travail est facilité par tout ce qui a été fait avantmon arrivée par le sous-
lieutenantCHARRIER[…]Cetofficiermérited’êtrefélicitéetsipossible,récompensé68».
Il yadonceuunchangementplutôt importantdans le campdesaspirants,mais il
restetoujoursdenombreusesdifficultésàsurpasser,notammentaveclecasdessanctions
etdurégimedurquiréapparaitàchaqueévasion,etcesontdenouvellesmesuresetactions
réalisées,quipermettentdemettrefinàcettesituation.
B–Unetransformationdufonctionnementdel’Aspilag
L’action conjointe du lieutenant Charrier et du général Didelet permettent
l’amélioration des conditions de vie des aspirants et met en œuvre le démarrage de
l’université,ainsiqueduthéâtre,del’orchestreetdesautresactivitésquelesaspirantsont
commencé à développer. Cependant, le colonel Hartmann reste toujours un facteur
problématiquedanscettesituationetuneactiondécisivependantcettecaptivitémèneàun
changementradicalpourlesaspirants.63CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4964GRISVARD Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN65DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN66LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN67GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN68DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN
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LesévasionsonttoujoursétéunproblèmepourlecolonelHartmann,quicherchaient
systématiquementà lespuniretàcontinuerdecommander lecampdesaspirantscomme
un camp de représailles, et non plus comme le campmodèle qu’il semblait être devenu.
Ainsi,ildécidedeplacerunecinquantained’aspirantsayantdéjàtentéuneévasiondansune
baraquespécialepourlesenvoyerdansunvéritablecampdereprésaillesetleurattribuent
de nombreuses erreurs et manquements aux règlements, qu’ils signalent aux hautes
autorités allemandes. Le général Didelet décide de s’opposer à cette situation, qu’il
considèrecommeallanttrop loin,et l’examendesprisonniersde la listemetenavantdes
membresdumouvementPétainetdesvolontairesautravail.LecolonelHartmannestdonc
renvoyé puis mis à la retraite, marquant ainsi la fin de son régime autoritaire sur les
aspirants69.
Lecampnepeutcependantpasrestersanscommandementallemandpourledirigeretun
nouveau commandantestdoncdésigné, le colonelVonPirsch,unautrichien70qui a laissé
uneimpressionplutôtpositivesurlesaspirantsquionttémoigné:«unhommetrèscultivé
et un homme de cœur71», «un homme courtois, compréhensif et droit72», «un colonel
autrichien bienveillant et compréhensif73», «a vraiment fait ce qu’il a pu, non pas pour
rendre mes hommes heureux […] mais pour les rendre le moins malheureux possible74».
Cetteopinionestnotammentdûauxdifférentesactionsqu’ilaeffectué,allantdanslesens
desaspirants,contrairementaucolonelHartmann.Ilaainsifaitensortedeclarifierlasuite
des évènements par rapport aux aspirants, c'est-à-dire qu’ils devaient soit se déclarer
étudiant, soit volontaire au travail, mais sans nécessité de justification pour le statut
d’étudiant75.Ilaégalementessayéd’améliorerlasituationdesaumôniersenkommandos76
etpourlecasmêmedel’Aspilag,ilaaidédupointdevuematériel,pourcequ’ilspouvaient
manquer aux aspirants, et a aussi encouragé les activités de loisirs, que les différentes
sanctions et brimades avaient complètement immobilisé. Le colonel Von Pirsch semble
69BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN70LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN71BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN72FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN73LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN74BOULANGER Julien,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN75BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN76FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN
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d’ailleurs être plutôt un commandant de camp en retrait, puisque selon un rapport, le
généralDideletareçuuneautonomiepresquetotalepourgérerlecamp77.
Ainsi,depuislerenvoiducolonelHartmann,l’Aspilagaconnuunvéritableretournement
desituationetsembleplutôtenclinàdevenirlecamppourlequelunepartiedesaspirants
avaientétéprévenuslorsdeleursdépartsdestalags,quelquesmoisplustôt,c’est-à-direun
campuniversitaire.
L’organisationdelacaptivitédesaspirantsadoncétéuneactivitéplutôtlaborieuse,
avecdenombreuxobstacles,quiontcependantpermisauxaspirantsdecréerlegroupeuni
et proche qu’il continue d’être pendant la période de la captivité, et même après la
libération.Lesrelationscompliquéesaveclesautressoldats,officiersouhommesdetroupe,
ontétélaraisonprincipalederrièrelanécessitédecréercettecommunauté,etl’Aspilagest
ainsi le lieu parfait pour la captivité des aspirants. Ils ont tout de même rencontré de
nouveauxobstacles,unefoisdanslecamp,maisc’estànouveaucettecohésiondegroupe
quiapermisuneaméliorationsignificativedeleursconditionsdevie,ainsiquel’arrivéede
Didelet,qui,parlasuite,seraégalementsourced’unchangementsignificatifdanslecamp.
L’Aspilag des aspirants prisonniers de guerre est donc mis en marche et peut ainsi se
développerdediversesmanières,toutensubissantlesaléasdelacaptivité,etce,jusqu’àla
libération.
77X–SDPG,CampdesAspirantsdeStablack,29/07/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN
34
35
TITREII:LaviequotidiennedesaspirantsRégimeordinairedecaptivité
La captivité est une période subie par 1 800 000 français de 1940 à 1945 dans
différentscampsdeprisonniersoukommandosdetravail1.Chaqueprisonnierapuavoirune
captivitéunique, en fonctionde son grade, de l’activitéqu’il a occupé, du lieuoù il a été
emmené,desprisonniersqu’ilacôtoyéouencoredesgardesallemandsquis’occupaientdes
camps. Il existe cependant un certain nombre d’éléments communs, dans une certaine
mesure,àtouslesprisonniers.
La viequotidienneduprisonnieret ses activités routinières sontdesélémentsque
l’onretrouvepartout:celapeutêtredesélémentssimplescommelanourriture,lecourrier,
lelogementouencorel’hygiène,maisaussidesaspectsplusdéveloppés,quel’onretrouve
toutdemêmeenmajoritédanslestouslescampsetleskommandos,telsquedescontacts
avec des prisonniers étrangers ou l’exercice d’une vie religieuse. Ces éléments entrent
généralement en compte dans les obligations posées par la Convention de Genève aux
Allemands, ce qui expliquent leur récurrence dans la captivité, ou simplement par une
habitude liée à la guerre même. Dans tous les cas, les prisonniers de guerre vivent des
expériencessimilairessurdenombreuxpoints,qu’importeletypedeprisonnierqu’ilssont,
cequiexplique les liensquiexistententre lesprisonniersdeguerre.Mêmes’ilsn’ontpas
vécu la captivité ensemble, ils ont subi les mêmes épreuves, ce qui permet un
rapprochement plus facile. Il est cependant intéressant de savoir si cela fonctionne pour
tous les cas et notammentpourdesprisonniersdont l’objectif principal a étéde les faire
vivreunecaptivitéplutôtunique,àcausedeleurgradeunique.
Ainsi,onpeutsedemandersi laparticularitédesaspirants,entantqueprisonniers
deguerre,ainfluésurledéroulementdeleurviequotidienne?
1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.20
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I–Desconditionsdeviedifficilesmaissupportables
Le régime du camp des aspirants est très similaire à l’ensemble des camps de
prisonniers, bien que l’on retrouve tout de même quelques exceptions, inhérentes à ce
camp.
A–Unrégimedecaptivitécommun
Au sein de tous les camps de prisonniers, stalags ou oflags, mais aussi dans les
kommandos,ilexistedesélémentsbasiquesquiconstituentuneroutinepourlesprisonniers
de guerre et qui sont significatifs des temps de guerre et de captivité: la nourriture
insuffisante, lesbaraquesenmauvaisétat, lesdifficultésdans l’acheminementducourrier
ou le développement de liens avec les autres prisonniers. Si les aspirants sont considérés
commeungroupedeprisonniersdeguerrespécifique, ilsn’échappentpasàcesdifférents
aspects.
Lanourritureestl’élémentleplusproblématiquependantlapériodedecaptivitéet
les aspirants le rencontrent également. Les prisonniers de guerre ont toujours eu faim
pendant la guerre, notamment dans les camps. Officiellement, selon l’article 11 de la
ConventiondeGenève,lesAllemandsdoiventfournirunerationminimumauxprisonniers,
correspondantàcellequiestdonnéeauxsoldatsallemands2.Celan’acependantpasétéle
cas, puisque les rations des Allemands eux-mêmes étaient généralement insuffisantes, ce
quientraineuneimpossibilitédefournirauxprisonnierscedontilsontbesoin.Lesaspirants
connaissent cette difficulté, ce qui s’observe pendant toute la captivité, de 1942:
«Nourriture: ordinaire toujours insuffisant au camp3» à l’année 1944: «Nourriture du
camp insuffisante4». Ils reçoiventcependantunapprovisionnementsupplémentaire,grâce
aux colis, de laCroixRougeoude leurs familles, qui leurestnécessairepourmanger tels
qu’ils en ont besoin5. La monotonie des repas semble aussi être un problème pour ces
aspirants6,cequiserèglenéanmoinsen1942.Delamêmemanièrequ’uncertainnombre
2Article11,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR3CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN4 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN5MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN6X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN
37
d’autres camps7, lesprisonniersdu IAobtiennentdeplacerdes françaisdans les cuisines,
avecunsous-lieutenantallemand,maisdirigéparunaspirant8.Untémoignagementionne
également le fait que les aspirants réussirent à obtenir du commandant du camp des
cuisinesfrançaisesàpartirdejuillet1943,quisontmisessouslecontrôled’unaspirant9,ce
quiestconfirméparunrapportde1944:«Nourriturenettementinsuffisantemaiss’estbien
améliorée en qualité depuis que l’aspirant BOISSEL a pris la direction des cuisines10». Les
aspirants se sontdoncorganisés, commedenombreuxautresprisonniers,pouraméliorer
leuralimentationprécaire,auseinducamp.
La captivité peut également être compliquéepar les problèmesde logement. Tout
d’abord,ilyaeulecasdel’entassementdanslesbaraques,quis’observaitdanslescamps,à
l’arrivée des prisonniers. Les aspirants intègrent un camp créé spécialement, où ils sont
entassés, bien que moins nombreux que le camp adjacent11, avec environ 15012à 30013
personnes par baraque. Leurs conditions de logement s’améliorent finalement grâce à
l’arrivéedugénéralDidelet:«élargissementducantonnementdesaspirantsetaffectation
denouveauxlocauxpermettantdedesserrerl’habitat14»maisunautreproblèmeapparait.
Lagêne laplus importantepour lesaspirantsdanscedomaineest lavermine.Ellesemble
avoirétéunélémentconstantdelacaptivitéetonlaretrouvesousdifférentesformes:«Ily
a encore beaucoup de puces et de punaises, quelques fois des poux […]. Les souris
pullulent15».Pour lesautrescamps,cescasdeverminesonttendanceàapparaîtrevers la
findelacaptivité,carelleestdueaudélabrementdesbaraques16,cequiexpliquequ’elles
soienttellementnombreusesenaoût1944,conduisantd’ailleursàdesmesuresdrastiques
des aspirants: «6 août 1943: Les punaises ont fait leurs apparition à la 5.Dans d’autres
baraques, elles pullulent depuis des mois déjà. À la 12, par exemple, les camarades en
7DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.2008X–CICR,StalagIAStablack,07/05/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN9BOISSELJean,«Desrationssoussurveillance»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.99-10010 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN11FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN12PERSONHenri,AufReisen!!,1995,p.5113PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN14DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN15FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN16DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.90
38
trouventdéjàpartout,dansleursgamellesleursquarts,leurslivres.Aucund’euxnedortplus
danslabaraque17.».
Silavermineapparaitplutôtverslafindelacaptivitédelaplupartdescampscarles
baraquesenboisy sontenmoinsbonétat,àcauseduventoude l’humidité18,elles sont
beaucoupplusprésentesau IAcar lesbaraquessubissentcesélémentsbeaucoupplus tôt
pouruneraisonspécifique:leclimatdelaPrusseOrientale.
B–Unproblèmemajeur:leclimat
Bien qu’il n’y ait pas de documents pour affirmer ou infirmer cette idée, on peut
supposer que la répartition des prisonniers de guerre dans les camps s’est faite
aléatoirement, en fonction des disponibilités de camps et des captures de prisonniers.
Cependant,lecasdesaspirantsestàpartetonpeutavancerl’hypothèsequelalocalisation
ducampn’apasétéfaiteauhasard.Eneffet,commeonadéjàpul’observer,lesaspirants
auraient été emmenésdansun camp spécial pour en faire un campde représailles et les
punirdeleurmanquedecollaboration19.Ilestdonccohérentdechoisirdelesmettredans
uncampoùlesconditionsdevieserontdéjàtrèsdifficiles,duesàunclimatrude,commele
stalagIAenPrusseOrientale.Lesaspirantsledécouvrentrapidementaprèsleurarrivéeen
mars,puisqu’ilsontdes chutesdeneigeunmoisplus tard20.Par la suite, ceproblèmede
climat est mentionné dans plusieurs rapports, où les températures extérieures ou
intérieuressontévoquées,avec-23°Cà-35°CpourleNoëlde194121,-8°Clejouret-5/6°Cla
nuit en août 1942 22 et 0° dans les baraques 23 puis on retrouve beaucoup moins
d’informationssurlestempératuresmêmeparlasuite.Ilestpossibled’avancerl’idéequ’il
n’yaplusdementiondecefroiddifficilecariln’yaplusvraimentdeplaintesàcepropos.Il
estdoncpossiblequelesaspirantsaientfinipars’habitueràcestempératuresfroidesouau
17DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.13918DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.9019DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.12920DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13021DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13322FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN23LECONTEJacques,«PremierhiveràStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.56
39
moins,àlesupporterplusfacilement:«Malgrélefroidtrèsvif,beaucoupdeprisonniersde
guerredisentnepasensouffrir24».
S’habitueràcetypedetempératuredevientrapidementunenécessité,carlecampconnaît
demultiplesproblèmesvis-à-visduchauffage,quin’estnotamment jamaisassezpuissant.
Laguerreest responsabledenombreuxmanqueset lesprisonniersne sontgénéralement
pasuneprioritépourdenombreuxmatériaux,etc’estpourcelaquelapénuriedesrations
decharboncréedesdifficultésdanslecamp.Ellesemblecommencerennovembre194125
et est toujours présente en avril 194426. Cemanque de chauffage cause notamment une
grande humidité dans les baraques27, qui peut parfois mener à une inondation de la
baraque, comme cela eut lieu en 1942 pour les aspirants 28 . Cette situation permet
d’expliquerl’arrivéerapidedelaverminependantlacaptivité,puisquedetelsdésagréments
àl’intérieurdelabaraquepeuventpossiblemententrainerundélabrementplusrapideetce
froidpeutégalementêtrelesynonymederéductionoud’interruptiond’activités29.
Toutaulongdelacaptivité,lesresponsablesducamptententderésoudreceproblème:ils
essaientd’aborddes’enoccuperparrapportauxbaraques:«onadisposédupapierdans
lesplafondsetlesparoisextérieuresdesbaraquespourfairebarragecontreledroit30»,puis
pour les aspirants: «les aspirants, dont les demandes sont les exceptions, paraissent en
bonnes conditions pour aborder l’hiver31». Ils reçoivent également des pulls et vêtements
chaudsdeleursfamilles32,cequipermetdoncdevoirqu’ilyaunemobilisationpourtenter
delesaideràmieuxsupportercesconditions.
Cefroidsembledoncavoirétéunélémentrécurrentdelaviedesaspirantsetsurtout
unélémentmarquantdecettecaptivité,puisquedanstouslestémoignagesd’aprèsguerre
fournispard’anciensaspirants, ilsmentionnent ceproblèmede climat; il y anotamment
des détails sur les températures affrontées et certaines anecdotes, ce qui peut laisser
24X – CCPPG, Stalag IA, 18/03/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN25DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13326 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,04/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN27X–CICR,StalagIAStablack,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN28BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN29DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.127-14130SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN31CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN32DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.11
40
supposerquecettepartiedel’expérienceapulestraumatiser.Uneremarqued’unaspirant
permetégalementd’observerleproblèmequecettesituationpose,auregarddel’évolution
delacaptivitédesaspirants:«Cecaractèreinterrégionalqueprendlecamprenddeplusen
plusparadoxalsonmaintiendansunesituationexcentriqueparticulièrementdéfavoriséeau
pointdevueclimat33».
C–Denombreuxdépartsducamp:leslibérationsorganisés
SileclimatestplutôtrudeenPrusseOrientale,ungrandnombredeprisonniersala
possibilité d’y échapper pendant la captivité et avantmême la période de fin de guerre,
grâceauxrapatriementsetlibérationsorganisés.
QuecesoitdesrapatriementsprévusparlaconventiondeGenève,auxarticles68et
suivants, pour les grands malades et grands blessés34ou des libérations obtenues par le
régimedeVichy,uncertainnombredeprisonniersdeguerreaeulapossibilitéderejoindre
laFrancependantlapériodedecaptivitéetonretrouvedemultiplestrainsderéforme,de
relèveouautresdanslestalagIAetchezlesaspirants.
Lestrainsdelaréformesontlesplusimportantspuisqu’ilsontétélesplusnombreux
pendant cette captivité mais également ceux qui ont connu le plus de difficultés. Les
premièresmentionsdanslesrapportsofficielsévoquentuntempsd’attenteassezlong,voir
trop, entre les différents trains de la réforme, ce qui poserait problème vis-à-vis des
prisonniers très malades: «quantité de malades qui restent faute de transports. 6 mois
entre l’avantdernier et le dernierdépart […]Pour lesmalades couchés, l’hôpital enabrite
plusieurscentaines,iln’enestpointpartidepuisle16septembre35».Ilestpossibled’avancer
l’idée que c’est à la fois le manque de moyens des Allemands ou des Français pour ces
rapatriements,notammentlanécessitédetrouverdestrainsàdispositionsetladistanceà
parcourirpouropérercesretour,quiempêchentleurrégularité.Cesretoursparlaréforme
s’observent surtout à partir de 1943: il y en a un en janvier qui transporte desmalades
couchés36, enmars, avec une centaine de réformés37, en juillet, avec un train plus divers
33BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN34Articles68à74,Convention relativeau traitementdesprisonniersdeguerre, 27 juillet 1929,Genève, SiteinternetduCICR35SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN36CCPPG,Rapportquotidiendu5février1943,05/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN37CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN
41
puisqu’ilscomprenaientaussidessanitairesetdeslibéréschoisisparl’OKW38,enaoût,avec
deslibéréssimilairesauprécédent39,ainsiqu’untrainderéformésenoctobre40.Parlasuite,
en1944,denombreuxautrestrainsderéforméspartent,cequipeutprobablementmontrer
un développement des moyens à disposition pour les Allemands et les Français. Un des
trains de réformés connaît cependant des difficultés, qui semble être utilisé comme un
moyendereprésaillesparlesAllemands41.Alorsqu’untrainétaitpartidébutmai1942,ilest
obligédefairedemi-tour,commepunitionsuiteàl’évasiondugénéralGiraudetilnerepart
pasavantoctobre,aprèsavoirpasséunecontre-réforme,pourélimineruncertainnombre
demalades du train42. Ainsi, outre les problèmes techniques, ces réformés peuvent être
retenuscommemoyenderépressionoudepunitionparlesAllemands.Enparallèledeces
retours nécessaires, il existe également des libérations dues à un choix et non à une
obligationpour lesAllemands. Enplusdes sanitaires,qui accompagnentgénéralement les
réformés,lerégimedeVichyetl’OKWontpusemettred’accordsurlechoixdeprisonniers
particuliersàlibérer,parbesoinpourlaFrance43.Ainsi,pourlecasdustalagIA,onretrouve
des libérations de la Relève, que l’on évoquera par la suite, de pères de quatre enfants,
d’ancienscombattantsde1914-191844,d’ingénieurs,utilesàuntravailpour lesAllemands
enFrance45ouencoredesDieppois,«libérésenraison“delaconduitedeleursconcitoyens
lors de l’essai de débarquement anglo-canadien“46», soit les multiples cas de libérations
prévuesparlerégimedeVichy47.
Les différents rapports et témoignages ne mentionnent pas précisément lesquels de ces
retourssontceuxd’aspirants,maiscertainschiffressonttoutdemêmedonnés.Ainsi,à la
mi-avril1943,650aspirantsauraientdéjàétérapatriés48etenjanvier1944,«environletiers
desaspirantsduIAaétélibéréoumisencongédecaptivitédepuis3ans49.».Parlasuite,il
estmentionnéqu’ilyaencoredesaspirantsrapatriéstouslesmois,pourlaréformeoupar
38CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN39CCPPG,StalagIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN40CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN41DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.32542DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejourLecampdesAspirants…op.cit.,p.13743DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.324-32644DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13045CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN46DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,.13747DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.32648Secrétariat des Aspirants, Situation du camp des aspirants à lami-avril1943, Avril 1943, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN49CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN
42
l’OKW50.Les libérationsdesaspirantssemblentd’ailleursrecevoiruntraitementdefaveur,
par des demandes de France51, ce qui est probablement dû à ce que représentent les
aspirants,c'est-à-direuneéliteintellectuelleutileaurégime.
Parconséquent,denombreuxaspirantsrentrentpeuàpeuenFrance,maiscelane
signifie pas que la communauté qui s’est créé entre les aspirants pendant la captivité
disparaît,puisqu’elles’observe,mêmedepuislaFrance.
D–Unesolidaritéévidenteetmassive
Commeonadéjàpul’observer,lesaspirants,unefoisréunisensemble,formentune
communauté très unie, ce qui leur permet de supporter le régime de représailles du
commandant Hartmann et de garder un bon moral52. Il est possible, tout au long de la
captivité,d’observerdifférentsélémentsquimontrent,demanièreprécise,commentcette
communautésedéveloppeets’observe.
Tout d’abord, de la mêmemanière que tous les autres prisonniers de guerre, les
aspirants sont répartis dans des baraques, ce quimène à la créationde compagnies (une
compagniepourchaquebaraque53)etparextension,lamiseenplacedes“popotes“,c’est-à-
dire la réunionentrecamaradesdemêmesbaraquesouenpetitsgroupesprécédemment
formés,pourmangersesrationsdenourriture,c’est-à-direfaireunrepasencommun54.Si
les aspirants sont plus ou moins tous proches, car certains se connaissent déjà55ou ont
formé des liens dans les camps où ils étaient précédemment56, les “popotes“ créent des
relationsplusapprofondies:«C’estlaréuniondequelquescopainsennombrevariable,que
les circonstancesont rapprochéetquedesaffinitésontgroupé.Celadevientunpeunotre
familled’élection:c’estuneextraordinairefraternité.Toutyestcommun57».
50CCPPG,StalagIA,15/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN51CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN52SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants (I)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.2653X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN54DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.20455SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2656MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe – histoire d’uneamitié,153pages57DENQUINFrançois,«Lapopote»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.53
43
D’autresgroupessecréentégalementauseindel’Aspilag,etnotammentdesgroupements
régionaux.Lesaspirantsorganisentdes réunions regroupantd’autresaspirants,originaires
de la même région et discutent de ce qu’ils ont quitté ou ce qu’ils y avaient vécu58. Le
système s’est d’ailleurs grandement développé, puisqu’il a commencé par de simples
regroupements, et a évolué en réunions organisées, avec un thème proposé, des
conférences, ainsi qu’un salon, dédié entièrement à la pratique de ces groupements59. La
raison de ces groupements peut s’expliquer par deux idées qui s’opposent: les aspirants
cherchentàretrouverleursracinesetontlemaldupaysmaisilestégalementpossiblequ’ils
n’aient pas le désir de se mêler à d’autres aspirants et préfèrent rester dans un groupe
restreintetplusconnu.
Lespreuvesdesolidaritéquel’onpeutobserverparlasuitetendentplutôtàmontrer
quelesaspirantsformentunecommunauté,quichercheàaiderdumieuxpossiblelesautres
prisonniersdumêmegradequ’eux,maiségalementlesautresprisonniersdecamp.Comme
dansuncertainnombred’autrescampsdeprisonniers, lesaspirantsmettentenplaceune
caisse de secours, qui a pour but d’aider les prisonniers qui ne reçoivent pas de colis,
notammentcar les famillesn’enontpas lesmoyens,etd’aiderégalementces familles,en
récoltantdel’argent60.Chezlesaspirants,cesystèmeacommenomla“Partducamarade“,
qu’un aspirant décrit ainsi: «une organisation excellente […] consistant à prélever
volontairement, sur chaque colis reçu, un petit quelque chose qui alimentait une réserve
destinéeàaider,dans laplusgrandediscrétionceuxqui, sans familleoudéfavorisée,n’en
recevaient jamais ou très peu61.» Cette initiative permet par exempled’envoyer des colis
aux malades de l’hôpital pendant le Noël de l’année 194162. En parallèle, se développe
égalementunecaissed’entraideetdesecours,probablementplussimilaireàcequiétaitfait
dans les camps de prisonniers et commune à tout le IA, qui récolte une sommed’argent
conséquente,puisqu’ilsontdéjàseptmillionsàlafindel’année1943,d’aprèsunrapportde
novembre63etqu’ilspassentégalementdansleskommandosautourducamp,pourrécolter
de l’argent64. Enfin, la solidarité des aspirants s’observe d’une dernière manière, plutôt
58LePrésent,N°2,15novembre1942,72AJ/2633,AS,AN59LePrésent,N°5,15février1943,72AJ/2633,AS,AN60DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.23961DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1162DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13363CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN64LePrésent,N°5,15février1943,72AJ/2633,AS,AN
44
exceptionnelle, semble-t-il, c'est-à-dire la création dès mars 1943, d’un secrétariat des
aspirants libérés, qui a pour but d’aider les aspirants encore en captivité, par l’envoi de
lettres et de colis65. D’après un témoignage d’après-guerre, il commence comme une
amicaledesaspirants rapatriés,où lesdifférentsaspirants rentrésviennent se revoirpour
des courtes réunions, ils accueillent les nouveaux rapatriés, qui arrivent peu à peu, et
écoutentlesnouvellesducamp.Finalementilsdécidentdemettreenplacedesatelierspour
envoyer d’abord des lettres donnant des nouvelles de France, puis des colis de produits
nécessairesàcesprisonniers66.Cette initiativeaeuungrandsuccèsauseinde l’Aspilag67,
notammentgrâceauxcolis,telquel’arrivéede200colisde5kgchacunaudébutdel’année
194468. Ilsenvoientainsiquelquescolisunefoisparmoisetsontplutôtgénéreuxpour les
fêtes,puisqu’en1942-1943,lesaspirantsontreçu200colispourNoëlet300pourPâques69.
Parledéveloppementdececoncept,lesaspirantsfontdoncpreuved’unespritdesolidarité
très fort, puisque la communauté continue d’être,même après la fin de la captivité pour
certains.
Lesaspirantsviventdoncdansdesconditionsplutôtnormalesentermedecaptivité,
maisconnaissentquelquesfoisdesprivilègesoucasparticuliers,dusmajoritairementàleur
grade.
II–L’organisationd’uneviereligieuseintenseàl’intérieuretàl’extérieurducamp
Auseinducampdesaspirants,uneforteviereligieuses’estdéveloppée,notamment
parlaprésencedenombreuxprêtrescatholiquesetelles’étendmême,pendantlacaptivité,
horsdescamps.
A–Lareligionauseinducamp
Lacaptivitéestunepérioded’isolationetdedifficultéspourlesprisonniersdeguerre
etainsi,uncertainnombredecaptifschercheduréconfortdansdifférentesactivités,dontla
religion, sur laquelle s’appuie une grande quantité de croyants durant la guerre. Cela se
65CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN66VILNET Jean, «Comment fut crée le “secrétariat des Aspis libérés“», Le camp des Aspirants pendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.205-20667CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN68CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN69Secrétariat des Aspirants, Situation du camp des aspirants à lami-avril1943, Avril 1943, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN
45
traduit par une intensification des cultes dans le camp et d’autres activités théologiques
pour les pratiquants les plus poussés 70 . Il n’y a cependant que deux religions
majoritairementreprésentéesdanslecamp,lecatholicismeetleprotestantisme,lesautres
étantinterditesparlesAllemands.Ilestdoncpossiblederetrouverlecasdejuifs,maissans
aucune possibilité d’exercice de la religion et on retrouve ainsi ces trois cas au sein de
l’Aspilag.
L’activitéreligieuse,catholiqueprincipalement,auseinducampesttrès intense,ce
quipeuts’observerdediversesmanières.Toutd’abord,onpeutremarquercelaparlebiais
des nombreuses évocations de la vie religieuse dans les journaux de camp. Le journal La
Francisque présente dans ses différentes éditions le calendrier religieux, à la fois des
catholiques et des protestants, pour connaître les horaires des prochaines messes ou
conférences religieuses71. Le journal Le Présent, datant de l’année suivante, comprend à
chacune de ses publications un «Mot de l’aumônier72», rédigé par l’Aumônier principal
catholiqueducampetilexisteégalementdeséditionsspéciales,pourlesfêtesreligieuses,
tels que Noël73ou Pâques74. Ainsi, cela permet d’observer l’importance du culte pour les
aspirantspuisqu’ilsdiffusentl’informationdumieuxpossible,pourdonnerlapossibilitéàun
maximumd’aspirantsd’yassister.
Unautrecasestsignificatifdecetteactivitéreligieuse,àlafoispourlesaspirantsetpourles
allemands, puisque les prisonniers obtiennent la possibilité de créer une chapelle pour
exercerleculte,remplaçantainsilademi-baraquequ’ilsavaientauparavantàdisposition75.
Ellenécessite laparticipationd’architectesetdepeintresdegrandenotoriété76etelleest
considérée comme une grande réussite: «Le Camp possède une très belle église, ornée
d’une fresque représentant la sainte Cène et un autel décoré avec beaucoup de goût77»,
«c’estsansdoutelaplusbelleréalisationducamp78».Elleestutiliséeconstammentparla
70DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.27871LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,ANLaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN72LePrésent,72AJ/2633,AS,AN73LePrésent,N°3,15décembre1942,72AJ/2633,AS,AN74LePrésent,N°6,Pâques1943,72AJ/2633,AS,AN75ULRICHMichel (RP), «La construction de la chapelle», Le campdesAspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.7376SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5277X–CICR,StalagIAStablack,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN78X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIAau19janvier1942,19/03/1942,F/9/2287,MissionScapini,AN
46
suiteetreçoitmêmelavisiteplutôtexceptionnelledel’aumôniergénéraldesprisonniersde
guerre, l’abbéRhodain79. Elle est plutôtparticulièrepour les aspirantspuisque l’aumônier
n’apresquefaitaucunevisitependantletempsdelaguerreetcelleduIAfutdoncunedes
seuleseffectuées80,cequipeutdonneruneplusgrandeimportanceauxaspirantsetàleur
viereligieuse.
Chapelledesaspirants, avecderrière l’autel, la fresque représentant laCène,peintepar
desaspirantsducamp81
Sicertainsélémentsdelaviereligieusedesaspirantssemblentêtreplutôtcommunàcelle
des autres campsdeprisonniers, il enexisteunqui le rattacheplus à celledesoflags: la
présencedeséminaristes.Eneffet,commeonleverraparlasuite,l’Aspilagdéveloppeune
vieuniversitaireintenseetparmilescoursprofessés,onretrouveungroupedeséminaristes
suivantdescoursdethéologieoudesconférencessurlaviereligieuseetlesidéauxqu’elles
représentent,avecégalementdesexamensdefind’année82.Selon le témoignaged’après-
guerredel’aspirantSilbert,cetteprésenceconséquentedeséminaristesauraitaidéàcréer
lavie religieuse intensequ’aconnue lecampetauraitété la raisonde lavenuede l’abbé
Rhodain83.
79ULRICHMichel(RP),«Laconstructiondelachapelle»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.7580DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.28381X–AmicaledeStablack,Photographieducamp,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN82SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5283SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.52
47
Si la vie chrétienne des aspirants a donc été plutôt animée et développée, le cas du
judaïsme a plutôt posé un problème au sein du camp. Il est possible de retrouver dans
certains camps de prisonniers des soldats juifs internés en captivité. La qualification de
soldat dominant celle de juif, cette catégorie de prisonniers était généralement protégée
contrelestraitementsinfligésauxautresjuifspendantlaguerre,cequin’empêchaientpas
lesAllemandsdedisposerd’euxcomme ilsvoulaient,en tantqueprisonniersdeguerre84.
Onenretrouveseptauseinducampetilsfurentmisdansunebaraquespéciale,destinéeà
desmesuresdisciplinaires,notammentpourlesévadésreprisetilssontmêmemisàl’écart
des autres prisonniers dans cette baraque85. C’est le général Didelet qui prend cette
situation enmain et il décide de les intégrer à un convoi d’aspirants volontaires pour le
travail86. Les avis d’après-guerrementionnant cet évènement sont plutôtmitigés, puisque
certains considèrent queDidelet a tentéde les exclure au lieud’essayer de les soutenir87
alorsqued’autresontplusperçucelacommeunetentativedeprotection88.Lesdeuxavis
sontplausiblesetpeuventserejoindre,puisqu’ilestpossiblequelegénéralaittentédeles
protéger des gardes allemands et du régime qu’ils pourraient leur imposer, comme
l’obligation de rester dans la baraque disciplinaire jusqu’à la fin de la captivité, en les
excluantducamp.Cela luipermettaitégalementdenepasavoiràprendrepositionsur la
questionetdoncdegardercesbonnesrelationsaveclesAllemands.
Outrecescaslà,laviereligieusedesaspirantsadoncétéplutôtpositiveetonpeut
observerqu’elles’intensifieparlasuite,avecundéveloppementdansleskommandos.
B–Unservicereligieuxenvoyéhorsducamp
L’exercicedelaviereligieusevarieenfonctiondulieudecaptivité:lesoflagsontune
viereligieuseplutôtimportantepuisqu’ilsontletempsdeladévelopper,lesstalagsenont
généralement une bien mise en œuvre, qu’ils exercent quant ils peuvent. Enfin, la vie
84DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.35485X–CICR,StalagIAetcampdesaspirants,Stablack,24/09/1941,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN86SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6587FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN88LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
48
religieusedansleskommandosestsouventdifficilecarcesprisonniersn’ontpastoujoursle
tempsdesedédieràcetteactivité89.
Certainsprêtresessaientcependantd’aidercesprisonniersàdévelopper leur foiet
c’est le cas des aumôniers et prêtres aspirants du IA. Les premières démarches datent
d’octobre1941avecunevolontéd’envoyerlesprêtresn’ayantaucunetâchedanslecamp,
puisqu’ilsysontnombreux,dansleskommandos90.LesAllemandsdisentconsidérerl’offre,
mais enmai 1942, personne n’est encore parti91. La raison de la difficulté de ces départs
semble être le commandement du camp, puisque le colonel Hartmann s’oppose, sous le
prétextequelasituationdesaspirantsn’esttoujourspasclaire.C’estunchangementdans
cecommandementenjuillet1942quipermetledépart.Lenouveaucommandant,lecolonel
VonPirsch,«luthérienconvaincu»selaisseconvaincreparcetteinitiativeetlesaumôniers
peuvent donc partir92. Par la suite, les chiffres évoqués du nombre de prêtres dans les
kommandossemblentvarier,puisqu’ilyena50enoctobre194293,90enmars194394,70en
septembre 194395et enfin, 40 en mai 194496. Il semble donc y avoir une fluctuation du
nombredeprêtresdansceskommandos,cequipeutmontrerunattraitpourcetteinitiative
pendantlapremièremoitiédel’année1943,puisunedésillusionsurcetteactivité,quipeut
êtredueàplusieursfacteurs.Ilestpossiblequ’avecl’avancéedelaguerreetlalongueurde
la captivité, les prisonniers qui avaient décidé de reprendre leur vie religieuse s’en sont
lassés et aient décidé d’abandonner à nouveau. Ainsi, il n’est plus nécessaire d’avoir un
nombre si élevé d’aumôniers dans les kommandos, conduisant donc à la diminution de
l’effectif.
Pour lecasdesprêtresaspirantsqui restentenkommandos, ilsexercentune fonctionqui
semble aller plus loin que le simple exercice de la foi. Cette idée est développée par des
témoignagesd’après-guerreparcertainsquiont faitpartidecesenvoisoud’autresqui le
relatent simplement; il est donc difficile de connaître l’exactitude de ce qui est dit,mais
89DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.28490DUNAND(Cpt),StalagIA,03/10/41,Stablack,F/9/2709,MissionScapini,AN91X–CICR,StalagIA,Stablack,07/05/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN92MOLETTECharles(Mgr),«Desprêtresaspirantssortisducamppourexercerleurministèredanslesenvirons»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.11993X–CICR,StalagIA,Stablack,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN94X–CICR,StalagIA,Stablack,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN95X–CICR,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN96X–CICR,StalagIA,Stablack,05/05/1944,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN
49
globalement, ils ont une charge d’auxiliaires des hommes de confiance97 ou sont les
aumôniers principaux de toute une ville et même de prisonniers de guerre d’autres
nationalités98.
Parconséquent,onpeutobserverqueparlebiaisdecetteinitiative,unepartiedes
aspirants semblent remplir une fonctionplus particulièrequedesprêtres d’autres camps,
bien qu’on ne peut pas savoir si cela est dû à leur grade particulier ou à une simple
persévérancedesreligieuxdececamp-là.
III–Lecontrôledel’étatsanitairechezlesaspirants
Lasantéestundesaspects lesplus importantspour lacaptivitéd’unprisonnierde
guerreetilestnécessaired’avoiràsadispositiondesmoyenssuffisantspourveilleràl’état
sanitairedesprisonniersetàleurssurviesdansdebonnesconditions.
A–LeservicedesantédustalagIA,développémaisinsuffisant
Parmilesdispositifslesplusimportantsdontlesprisonniersdeguerreontbesoin,les
servicessanitairesarriventenpremièreposition.Lanécessitéd’avoirunservicedesantéà
disposition,avecdesmédecinscompétentspours’occuperdesprisonniersdeguerre,était
primordialepourassurer lacontinuitéde lacaptivitéet labonnetenueducamp99etdans
l’ensemble,lestalagIArépondàsesconditions.
Lesaspirantsdisposentàlafoisd’unhôpitaletd’uneinfirmerie,avecuneséparation
dans l’hôpital des baraques pour les français et pour les russes100. Il comprend plusieurs
sections,pour lesvisites, les fiévreux, lachirurgie, les tuberculeuxetuneparticulièrepour
lesmaladiescontagieuses101etpossèdeuneéquipedemédecinsplutôtefficace.Lemembre
quisemble leplusappréciédetoutecetteéquipeest ledocteurBonnefous,présentavant
l’arrivéedesaspirantsdans lecamp,etdont lesrapportssur l’hôpital fontpartdeséloges
qu’ilareçu:
«LedocteurBONNEFOUSesttoujoursl’objetdeslouangeslesplusflatteuses.Possèdelaconfianceentière
des allemands. Confianceméritée, uniquement pour sa valeur professionnelle. C’est à plusieursmilliers qu’il
97SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6198MOLETTECharles(Mgr),«Desprêtresaspirantssortisducamppourexercerleurministèredanslesenvirons»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.118-124,72AJ/2632,AS,AN99DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.264-265100POUPLARDMaurice,Mémoiresd’Outre-Rhin,SansDate,P.40101X,HôpitalStalagIA,03/10/1941,Stablack,F/9/2709,MissionScapini,AN
50
fautchiffrerlenombrederapatriablesquiluidoiventleretourenFrance.Aprocédéàplusde1000opérations.
A refusé sa libérationàplusieurs reprises. LegénéralDIDELETdéploreque lemédecinBONNEFOUSn’ait pas
encoreobtenuunerécompense102.»
Cette déclaration est probablement une des raisons majeures pour le très bon
fonctionnementdeceservicesanitaire.D’autresmédecinssontégalementprésents,masles
opinionssontplusmitigées:ledentisteseraitplutôtincompétent103,commelesignaleune
plainte déposée104, lemédecin allemand qui dirige le service sanitaire est plutôtmal vu:
«fantastiqueetcapricieux,cequifaitquebeaucoupdemaladesontpeurdelui105»etenfin,
les autres médecins du service semblent également plutôt mauvais 106 . Ces rapports
semblentdoncmontrerquec’estvéritablementledocteurBonnefousquifaittenirleservice
sanitairedu campetqui apporte leplusde soins auxprisonniers, etpourtant la situation
changeàpartirdelafindel’année1943.
Il existe au sein des camps de captivité le cas de la relève des médecins, qui consiste à
remplaceren1943-1944certainsmédecinsd’hôpitaux107etledocteurBonnefousestchoisi
pour cette Relève108, qu’il ne peut refuser comme ce fut le cas pour les propositions de
libération précédente. Il est vivement regretté109mais sa relève semble aussi compétente
que lui,puisqu’ilestaussiestimé:«Ànoter ledocteurFLABEAUquiestaudessusdetout
éloge110».Parlasuite,onretrouveégalementlemédecin-capitaineLartigueàl’infirmerieet
lecapitaineHilaireà l’hôpital111,qui semblentêtreégalement trèscompétents,maisaussi
très actifs, comme pour permettre le rapatriement des malades en France 112 . Le
fonctionnementduservicedesantésembledonctoujoursassuréparuneéquipemédicale
102X,StalagIA,12/02/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN103X – CCPPG, Stalag IA, 09/04/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal des prisonniers de guerre(CCPPG),AN104CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN105FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN106X,StalagIA,12/02/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN107DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.264-265108CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN109CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN110Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN111Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN112Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN
51
toujourscompétenteetsanscesserenouvelée,cequiexpliqueprobablementpourquoiilest
aussiconsidéréetpourquoineméritequedeséloges113.
CettebonnetenueduservicesanitaireestparticulièrementutileauseindustalagIA,
puisqu’ilsdoiventfairefaceàdenombreusesmaladiesetépidémies.
B–L’Aspilag:uncampenpartieprotégédesmaladies
Lesconditionsdevie,d’hygiène, lesarrivéesdenouveauxprisonniers, lesmanques
denourrituresontdescaspouvantconduireàlaformationdemaladieschezlesprisonniers
deguerre,quecela soitdesépidémiesoudes simplescasparticulierset le stalag IA subit
égalementcettesituation.
Au sein du camp IA, les différents rapports mentionnent deux cas de maladies
particulièrement répandues: le typhus et la tuberculose. Ce sont deux maladies très
contagieuses,cequiexplique lamultitudedecas.Letyphusest lecas lepluspréoccupant
pourlesmédecinsfrançaisetlesAllemandsetilscherchentdoncàenrayerlepluspossiblela
transmission. Tout d’abord, c’est une maladie qui vient principalement des prisonniers
russes et qui se transmet par les poux. Les mauvaises conditions dans lesquelles sont
entretenuslesRusses,commeonl’observeraplustard,expliquentprobablementcomment
la maladie se propage mais les Allemands mettent seulement en place des moyens de
protectionducôtédesprisonniersfrançais,avecunedemandedenepasentrerencontact
aveccesRusses114.Certainsprisonniersdeguerrefrançaisattrapentcependantlamaladieet
onretrouvedonc21casdetyphus,dontquatredécédésetparlasuite,ilya6casconfirmés
et 12 suspectés115. Lesmédecins du service de santémettent alors en place desmesures
effectives pour contrer ces maladies, avec notamment une vaccination en mars 1943116,
pour les prisonniers français, belges et polonais117. Ils augmentent également les services
d’hygiènedesaspirants; s’ilexistedans tous lescamps, lecascommundesdésinfections,
généralement exceptionnelle et aléatoire, pour les baraques et les prisonniers 118 , les
aspirants connaissent aussi régulièrement des cas d’épouillages. Par exemple, à la fin de
l’année 1941 et au début de l’année 1942, les aspirants passent à l’épouillage le 1er113X,StalagIA,31/11/1943,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN114X–MissionMédicale,Compterendudevisitefaitele12janvier1942,13/02/1943,AJ/41/455,AN115X–MissionMédicale,Compterendudevisitefaitele12janvier1942,13/02/1943,AJ/41/455,AN116CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN117DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.20118DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.258
52
décembre, le 31 décembre, le 13 janvier et le 14 février, où ils repassent également à la
tonte119.Ilsontégalementaccèsàladouchechaudeaumoinsunefoisparsemaineetfroide
quand ils ledésirenten1944120.Cesnombreusesmesuresdéveloppéespar lesservicesde
santé et par les Allemands, qui de plus, demandent probablement de nombreuxmoyens,
permettentdeprésenterl’hypothèsequelesconditionssanitairesducamppeuventsouvent
être problématiques, voire dangereuses, et que les aspirants ne vivent pas dans des
conditionspropicesàcequ’ilsdoiventnormalementavoir.Celapeutd’ailleursserapprocher
decequiavaitdéjàpuêtreobservédansleursconditionsdevie,c'est-à-direlaverminetrès
présentedanslesbaraques,quiaccompagnentlesrisquesdemaladies.
Parmi ces risquesdemaladies,onpeutaussi retrouver le casde la tuberculose,qui a tué
plusieursprisonniers,dontdesaspirants.S’ilsontrapidementpuéchapperautyphusgrâce
auxmoyensmisenœuvre,il leurestplusdifficiledecontrerlatuberculose.Ilsonttoutde
mêmedesmoyensdedépistage,par lebiaisde radios,commece fut lecasennovembre
1943, permettant le rapatriement de deux prisonniers atteints 121 mais certains sont
cependanttouchéssansquelesmédecinsnepuissentrienfaire.Ainsi,ilyauraiteuplusieurs
aspirantstuésdelatuberculose122etdenombreuxatteintsenquarantaineàl’hôpital123.Ce
n’estqu’en1943,queleservicedesantésembleavoirobtenuuntraitementappropriépour
permettredelessoigner124.Celapermetd’ailleursdemontrerl’efficacitéduservicedesanté
dececamp,puisquesesmembresaméliorentlefonctionnementduserviceetsontenplus
étroite collaboration avec lesAllemands, puisqu’ils semblent avoir lesmédicaments et les
traitementsdontilsontbesoin.
D’autresmaladies,moins importantes,apparaissentégalementaucamp,telque lagrippe,
due principalement au climat que les aspirants subissent125 , mais également des cas
d’angines126etdepneumonies127,cequisupposentquesilesaspirantssedisentacclimatés
aufroid,leurscorps,eux,nelesontpastoujours.
119DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.133-134120Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN121CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN122DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.20123X–CICR,StalagIAetcampdesaspirants,Stablack,21/09/1941,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN124X–CICR,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN125CCPPG,StalagIA,15/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN126CCPPG,StalagIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN127CCPPG,StalagIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN
53
On peut ainsi voir que le taux demortalité des aspirants ne semble pas voir été trop
élevé, malgré ces nombreuses maladies observées, ce qui peut s’expliquer par une
surprotectiondesaspirants,aveclesnombreusesméthodesutiliséesquel’onapuobserver,
etl’attentionparticulièreportéeauxaspirants,quel’onneremarquepaspourtouslestypes
deprisonniers.
IV–Lesaspirantsetlesprisonniersétrangers:desrelationsdiverses
LestalagIA,commedenombreuxautrescampsauseinduIIIèmeReich,neregroupe
pas uniquement des prisonniers de guerre français, et les aspirants développent ainsi
certainscontactsaveccesautresprisonniers.
A–Diversesnationalitésréuniesaucamp
Il existe de nombreuses nationalités de prisonniers de guerre pendant la Seconde
Guerremondiale.Tous lesennemisde l’Allemagneontdesprisonniersdans leReichetau
coursde la guerre, lesnouveauxennemisentrainentdenouveauxprisonniers.Au seindu
stalag IA, toutes les nationalités n’ont pas été représentées et on en trouve ainsi cinq
différentes:lesfrançais,lesbelges,lespolonais,lesrussesetlesitaliens.
Les cas les plus communs de relations de prisonniers de guerre étrangers avec les
prisonniers français sont les belges et les polonais. En effet, ces deux catégories de
prisonniers sont internées en camps avant les Français et sont donc installées dans ces
stalags et oflags lorsque les prisonniers arrivent128. Dans les deux cas, il est commun
d’observerunegrandeententeentrelesprisonniersdeguerrefrançaisetlesprisonniersde
guerredesdeuxautresnationalités,notammentcar ilsontdenombreuxpointscommuns,
telsquedesconditionsdeviesimilairesetlesmêmescontraintes129etpourtant,cen’estpas
toujourscerapportquis’observepourlecasdesaspirants.
Les Belges sont environ 1 000 au camp et les relations avec les aspirants sont plutôt
cordiales130. Il n’existe cependant que peu d’informations à ce sujet, ce qui s’explique
probablement par la situation particulière des aspirants. Ils sont coupés du camp des
hommesdetroupeetildoitdoncêtredifficilededévelopperdesrelations.128DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.422-425129PANNÉ Jean-Louis. Prisonniers de guerre français et polonais : fraternité, expériences, témoignages. In:Revuedesétudesslaves,tome75,fascicule2,2004.P.275130X,RenseignementssurlestalagIA,05/05/1944,F/9/2912,DPSG,AN
54
PourlecasdesPolonais,ilsembleégalementn’yavoirquepeuderelationsetpourtant,les
différentsavisrelevésmentionnentunsentimentd’hostilité.Celapeutsetraduireparune
simple observation: «Les Polonais sont détestés par leur commerce 131 » ou par des
observations plus particulières, d’un rapport: «ils étaient meilleurs voisins que les
Polonais132» ou du témoignage d’un aspirant: «Les polonais se révèlent peu sociables,
mœurs laissant à désirer, honnêteté douteuse (cas personnel)133». On peut cependant
observerquecestémoignagessemblentplutôtêtredesavispersonnels,etquelaremarque
plus générale mentionne que ce serait leurs actions dans le camp qui causeraient cette
hostilité envers les Polonais mais aucune allusion ultérieure n’est faite et il est donc
impossiblededéfinirlacausedecetteantagonismeenverslesPolonais.
La relation avec certains des prisonniers de guerre étrangers est donc assez faible
pour lesaspirants, cequipeuts’expliquerpar le faitque lesaspirantsont rapidementété
ostracisésàleurarrivéeaucamp,empêchanttoutdéveloppementderelationsavecd’autres
prisonniers de guerre, même français. Par la suite, les aspirants gagnent un peu plus de
liberté et de contacts avec les alentours et ainsi, la situation est différente avec les
prisonniersdeguerrequiarriventplustard.
B–Lesprisonniersrusses,uncasextrêmeetparticulier
LecasdesprisonniersrussesestuncasplutôtspécifiquependantlaSecondeguerre
mondialepuisqu’ilsnesontpassoumisauxmêmestraitementsquelesautresprisonniers.Si
lesAllemandsontobligationderespecterdesrèglesmisesenplacevis-à-visdesconditions
deviedesprisonniersqu’ilsfontcaptifs,cen’estpaslecasaveclesRusses,puisquelepays
n’a pas signé la convention de Genève. Les Allemands profitent alors de cette situation,
notammentcarilsvouentunprofondméprisàcettepopulationetlesconditionsdeviedes
Russes lors de la captivité sont presque inhumaines134. Les prisonniers de guerre français
observentcela,généralement impuissantcar interditsdetoutcontactaveccesprisonniers
etcelaestenpartielecaspourlesaspirants.
131Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,19/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN132CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN133DOIZELETPaul,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN134DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,,p.428
55
Aprèslaguerre,lesaspirantsontfaitpart,danscertainsdeleurstémoignages,dece
qu’ils ont observé lors de l’arrivée de ces prisonniers, ce qui semble correspondre aux
témoignagesgénérauxrecueillis:«En1942,sontarrivéslesRussesenénormequantité[…]
etdansunétatphysique lamentable135.»,«Jeunespour laplupart (entre18et25ans), ils
étaient squelettiques, vêtus très misérablement de capotes usées, déchirées 136 ». S’ils
arrivent dans un état lamentable, la situation ne s’améliore pas par la suite, puisque les
Allemands ne se préoccupent pas des problèmes d’hygiène qu’ils peuvent avoir et les
gardentainsidansunétat sanitaireeffroyable,quicausedenombreusesmorts137etainsi,
selonunrapport,surles7à8000prisonniersdeguerrerussesdanscetétat,ilyaentre10
et 20mortspar jour138. La raisonprincipalepour cesdécèsmassifs est le développement
d’uneépidémiedetyphuschezlesrusses,commeonadéjàpul’observer,dûégalementà
cet état sanitaire. Ils ont tout demême un hôpital pour les soigner ou pour les vacciner,
commecelaputêtrelecasdansd’autrescamps139maiscen’esttoutdemêmepassuffisant,
notamment car les Allemands ne cherchent pas à le développer ou à y installer des
instrumentsnécessairesauxmédecinsetauxsoins140.Ainsi,dûàcesnombreusesépidémies
et aux dangers sanitaires qu’elles comportent, desmesures sont prises pour protéger les
aspirantscontrecephénomèneetéviterlacontagion141,cequiestégalementunmoyende
renforcerl’interdictionposéeauxprisonniersdetoutcontactaveclesRusses142.
Cependant,lesaspirants,commedenombreuxautresprisonniersdeguerre,tentent
d’aider les prisonniers russes et de leur fournir ce qu’ils ont besoin et notamment de la
nourriture.Siaudébut,ilyaunjusteuneaidesimpledesaspirants,oùilsdonnentunpeu
de leur nourriture aux russes, ce qui peut parfois s’avérer dangereux143 , un système
d’échangesemblesemettreenplaceparlasuite.Selondeuxtémoignages,unécritpendant
lacaptivitéetunautrepostérieur, lesaspirantsauraientmisenplaceunsystèmeprenant
135JANINPierre,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN136DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.111137GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN138GABORIAUD Aspirant, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN139DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.430140DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.111-117141GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN142DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.132143ROUXMichel,Grandeuretservitudesmilitaires:1939etlasuite,1996,p.42
56
avantage du travail exercé par les russes et des ressources que possèdent les aspirants:
«[Les Russes] qui demeurent au camp travaillent toute la journée dans les environs et
rentrentlesoir.Chacund’euxrapporteunpetitfagot,d’origineinconnue,etnouslepropose
en échange de pain. Chaque popote a même le plus souvent son fournisseur attitré144».
Parmi les objets rapportés par les Russes, il y a parfois des jouets confectionnés ou des
vêtementsmaisaussiducharbonoudubois,voléspendantleurscorvées145.
Ainsi,lesaspirantsontréussiàdévelopperunerelationcontinueaveclesRusses,malgré
l’interdiction posée par les Allemands et les difficultés que cela peut représenter, de la
mêmemanièrequelefirentcertainsautresprisonniersencaptivité146.
C–Lesprisonniersitaliens:entrehostilitéetanimosité
Lesprisonniersitalienssontlesderniersprisonniersàarriver,puisqu’ilssontinternés
encampenseptembre1943,aprèslacapitulationdeMussolinietladéfectiondel’Italie147.
Cecasdes italiensestplutôtparticulierpour lesaspirantspuisqu’ilpeut se fractionneren
plusieurspériodes.
Toutd’abord,ilyalanouvelledecettesituationquiprovoqueunevivejoiechezles
prisonniers,puisqu’ilss’imaginentquecelaannonceledébutdelafinpourlesAllemands,et
ainsiunelibérationprochaine148.
Ensuite,ilyal’arrivéedesitaliensle11septembre1943,environ2000149etcelasepasseen
deux étapes. Les aspirants avaient d’abord prévu d’être hostiles envers ces prisonniers,
commeunemanière demontrer que«personnen’a oublié le “coupde poignard“ de juin
1940.Vivedonclespectacledesnouveauxvenus150»maislasituationtournevitelorsqu’ils
sont là.Eneffet, selon les témoignagesàcepropos, l’étatdans lequel les Italiensarrivent
rappellent aux aspirants et aux autres prisonniers leur propre arrivée au camp IA près de
troisansplustôtetainsi:«ilslesconsidèrentcommedesfrèresd’infortune.[…]Cenesont
plusmaintenantquedesP.G.commelesautres151»
144DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.138145DUVALJean-François,«Ledénuementdesprisonniersrusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.115146DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.430147DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.428148DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140149DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140150MANSUY Jacques, «Les Italiens aux aussi »,Le campdesAspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.117151CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN
57
Si l’arrivée de ces prisonniers n’est vue que comme une arrivée comme une autre, elle
provoquetoutdemêmedegrandschangementsauseinducamp,puisquecelacauseune
transformation du cantonnementmis en place. En effet, il est nécessaire de libérer de la
placepourlesitaliensetcelle-ciestcherchéechezlesaspirants.Ilscèdentquatrebaraques
sur les 13 qu’ils ont à disposition152et un double barbelé aurait été installé entre ces
baraques153,pourveillerànouveauàconserverunedistanceentrelesaspirantsettousles
autresprisonniers.
Par la suite, les Italiensauraientétéenvoyésau travail, comme les russes,àpartpourun
grouped’officiersitaliens154,quidemeurentàStablack,puisqu’ilssont,commelesfrançais,
exemptsdetravail.Iln’yadoncpasvraimentderelationdéveloppéeentrelesaspirantset
lesitaliens,simplementunrespectmutuel,dûàlaconditiondanslaquelleilsetrouve.
Ainsi,lesaspirantsontsucréerdesrelations,enmajoritébonnes,aveclesétrangers
encaptivitéauIA,maisilsrestenttoutdemêmedansuncampàpart,plutôtisolésdureste
desprisonniers.
Les aspirants sontdesprisonniersdeguerreparticuliers vivantune captivitéplutôt
spécifique,maiscelanes’observepasdansleurviequotidienne.Ilsn’ontpasdetraitement
de faveur ou de privilèges pour tout ce qui est en rapport avec l’existence ordinaire et
commune des prisonniers, bien qu’ils soient en partie des officiers, donc d’un grade
privilégié.Toutcommelesprisonniersdeguerredesautrescamps, ilsdoiventconnaître la
faimetlemanquedenourriture,lesdifficultésdelogementetdelibertésdanslesbaraques,
les maladies et la vermine qui se répandent, mais aussi la solidarité entre groupes de
prisonniers, le développement de la vie en communauté et lamise en place de relations
extérieures.
Ilexistecependantcertainsélémentsplutôtexceptionnelsdansleurcaptivité,quine
semblent pas entièrement dépendre de leur statut. Si le cas de l’expansion de la vie
religieusehorsdescampspeutavoirunrapportavecleurstatutd’aspirant,c’estsurtoutla
localisation de leur camp qui a été un aspect majeur des différences dans leur vie
152CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN153DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.140154CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN
58
quotidienne.Leursconditionsdeviesedégradentplusvite,lesmaladiessepropagentplus
rapidement, la communication et le ravitaillement depuis la France peuvent être plus
compliquésetlesretoursparlestrainspeuvents’avérerpluslongs.
Ainsi,demanièregénérale,l’emplacementdustalagIAenPrusseOrientaleaétéun
élémentimportantdanslaviequotidiennedesaspirants,maisdansunsensplutôtnégatif,
commeonpourra lerevoirpar lasuite,avec lesretoursdesaspirants,par lesévasionsou
pendantlalibération.Paropposition,c’estlestatutd’aspirantdecesprisonniersquipermet
d’apporterlesélémentsplutôtpositifsetattractifsdeleurcaptivité,avecledéveloppement
denombreusesactivitésassezdiversifiées.
59
TITREIII:L’expérienceDideletetlaRévolutionNationaleUnepratiquespécifiqueauxaspirants
Lamise en place du régimedeVichy et la nomination dumaréchal Pétain comme
chef de l’état amènent un changement radical en France, avec le développement d’une
nouvelle idéologie, celle de la Révolution Nationale, essentielle et nécessaire pour le
Maréchal.EllereposesurlestroispiliersdurégimedeVichy,soitleTravail, laFamilleetla
Patrieetelleconsisteà«un“retour“auxvraiestraditionsfrançaises,auxvertusdelaraceet
auxrichessesdelaTerreenFrance1».L’objectifestdereconstruirelasociétéetl’état,pour
ainsipermettrelarenaissancedelaFrance.
Si la Révolution Nationale était un objectif à atteindre avec les français présents sur le
territoire, elle était également un objectif pour les prisonniers de guerre dans les camps
d’Allemagne, où ils «étaient l’objet de sollicitations directes de la part de Vichy qui veut
obtenir leur adhésion déclarée à sa politique 2 ». Les prisonniers devaient être les
représentants fidèles de l’idéologie de Vichy et de la Révolution Nationale et cette idée
coïncideavecl’arrivéedugénéralDideletàl’Aspilag.Lecaractèreparticulierdesaspirantsa
étéchoisi,pourlaprobabilitédepouvoirenfaireuncampmodèle,parlequellaRévolution
Nationales’épanouiraitetpermettraitainsideservird’exemplepourlerestedesprisonniers
deguerre,souslenomdel’expérienceDidelet.
Ainsi, il sera intéressantdedécouvrir comment cetteexpérience s’estmiseenplaceà
l’intérieurdustalagIAetchezlesaspirants,etsielleaeffectivementeulerésultatquiétait
escompté,permettantainsideréellementfairedel’Aspilaguncampmodèle.
I–L’expérienceDidelet:unevéritabletransformationducamp
Après des débuts plutôt difficiles pour les aspirants au STALAG IA, leur captivité
prend un véritable tournant à partir de juillet 1941, avec l’arrivée du Général Didelet,
menantàunchangementradicaldansl’internementdecesprisonniers.
1DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.652DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.334
60
A–Despremierschangementssignificatifs
Commecelaadéjàpuêtreobservé,ledébutdelacaptivitédesaspirantsenPrusse
Orientale a été plutôt difficile, notamment à cause de l’action du colonel Hartmann en
chargeducamp,etlacaptivitéadoncétéassezéprouvantedepuisl’arrivéeenmars1941.
Cependant, cette situation s’améliore considérablement à partir de la venue du général
Didelet.Celaa,semble-t-il,puêtreréalisé,grâceàunedemandefaiteparlesAspirantseux-
mêmes, puisque selon un rapport, un message de protestation a été envoyé par les
aspirants,pourfairesavoirleursituation,cequiapuainsiconduireàl’arrivéeduGénéral.3
Aucunelettrefaisantétatdecemessagen’apuêtretrouvéedanslesdiversestémoignages
desautresaspirants.Ilestdoncpossiblequel’arrivéeduGénéralaitsimplementétédueà
unevolontéantérieuredel’ambassadeurScapini,d’apporterunnouveaucommandementà
l’Aspilag.
Ainsi, le Général Didelet arrive au camp pour en prendre le commandement et il est
accompagnédeplusieursautresmilitairespourl’aiderdanssatâche,telqueleLieutenant-
colonel Laureux et le Capitaine Aiby, qui sont ici avec unemission d’enseignement4. Cela
s’observenotammentavecunedespremièresactionsréaliséesparleGénéralDidelet,c’est-
à-direqu’ilnégocieaveclecolonelHartmann,pourquel’universitédécollevéritablement,ce
quin’avaitpasétélecasjusque-là.Lesconditionsdifficilesquesubissaientlesaspirantsles
empêchaientdepouvoir vraiment travailler à l’universitéet lesmoyensmisàdispositions
étaient presque nuls5. Cela change donc avec le nouveau commandement et selon le
lieutenant Birot: «Les Allemands font un effort sérieux pour les travaux de premier
équipementdelabaraqueuniversitaire.6».D’autresaméliorationssontégalementréalisées,
notamment grâce à une bonne entente qu’il y aurait eu entre le colonel Hartmann et le
généralDidelet,commeleditcedernier:
«Ons’estemployé,àtous leséchelons,àmefaciliter l’exécutiondematâche.Cettebonnevolontés’est
déjà traduite par des résultats concrets: Exemples: élargissement du cantonnement des aspirants et
affectationdes nouveaux locauxpermettant dedesserrer l’habitat et d’installer de nouvelles salles de cours.
3 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN4BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieu,Inconnu,F/9/2912,DSPG,AN5GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN6BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
61
Remplacementducommandantallemanddescompagniesd’aspirantparuncommandantfrançaisissudusein
mêmedesaspirants7»
L’arrivée du général apporte généralement un sentiment plutôt positif chez les Aspirants,
commelemontrentplusieursrapportsettémoignages.Legénérallui-mêmeconsidèreavoir
bienétéaccueilli,etexprimeune«confiancemutuelle»8avec lesaspirants.Le rapportdu
LieutenantBirot décrit l’arrivéedu général commeune«périoded’euphorie»9et certains
témoignages d’après-guerre mentionnent un enthousiasme de la part des aspirants10à
l’arrivéedugradé.Unseulpointnégatifpeutalorsêtrevéritablementrelevéautoutdébut
de la phase d’action de Didelet: le cas des évasions. En effet, dès leur arrivée, etmême
avant cela, une partie des aspirants ont comme objectif de trouver des moyens de
s’échapperdecetinternementenPrusseOrientale,pourrentrerplusrapidementchezeux.
Cela avait, comme on l’a vu, donné lieu à de sévères représailles de la part du colonel
Hartmannetc’estainsique,dèssonarrivée,Dideletdemandeauxprisonniersd’arrêterles
évasions. Il les blâme et exige donc que les aspirants arrêtent toutes tentatives pour au
moinssixsemaines,ordrequecesderniersontfinalementtendanceàsuivre,ayantl’espoir
qu’encontrepartie,unelibérationsoitproche11.Cetteinterdictiondurejusqu’àdécembrede
lamêmeannée,etarrivéàcettepériode,legénéralDideletdéclareque:«siàcemoment-
là,iln’yaninouvelles,nimissionSCAPINI,illaisserafaire12».
Outre ce problème soulevépar les aspirants, l’actiondeDidelet a un véritable impact
pour le camp, et selon un de ses rapports, ce système est toujours actif et fonctionne
parfaitement près d’un an plus tard, les différents problèmes se présentant à son arrivée
ayant été réglés13. Cela permet donc au général de s’occuper de la véritable tâche pour
laquelleilestvenuaustalagIA:leMouvementPétain.
7DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeur SCAPINI, 24/07/41, Stablack, F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN8DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeur SCAPINI, 24/07/41, Stablack, F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN9BIROT(Lt),,HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN10DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN11BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN12GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN13DIDELET Général, Rapport adressé à monsieur l’Ambassadeur SCAPINI, 31/12/1942, Stablack, F/9/2709,DélégationdeBerlin,AN
62
B–LamiseenplaceduMouvementPétain
LeMouvementPétainestunmouvementdepropagandemisenplaceau seindes
camps de prisonniers de guerre ayant pour but de répandre l’idéologie de la Révolution
Nationale et dumaréchal Pétain, par le biais de conférences et de groupes d’études. Le
véritable enjeu du généralDidelet est l’installation et l’expansion de cette politique, pour
permettre de faire de l’Aspilag un camp modèle. Les aspirants ont été choisis car ils
représententuncasexceptionnel,explicitementdécritparlegénéralDidelet:
«Vous étiez à la fois lemilieu le plus homogène et le plus divers de tous lesmilieux deprisonniers.
“Homogène“parceque tousAspirants, tousdumêmegrade cequin’existedansaucunautre camp“Divers“
parcequevousreprésenteztouteslesactivitésdupays,touteslesformations,touteslestendances.Déjà,parce
doublecaractère,vousavezattirél’attentionetsuscitél’intérêt,maiscen’estpastout.Vousêtestousjeuneset
tousappartenantàdesélites.Vousêtesdoncdestinésàparticiperàl’encadrementdelaFrancededemain.14»
Ilesttoutdemêmepossibledecontrercequ’affirmeiciDidelet,puisque,telqu’illeditlui-
mêmedansunrapportunmoisplustôt,lesaspirantsontentre20et40ansetl’âgemoyen
estde27ans,cequidésignemoinslesaspirantscommetoustrèsjeunes15.
Avec les aspirants donc, le but est de mettre en place ce que le général appelle une
«expérience»,nonpasdanslesensd’unrésultatpositifounégatif,maisplutôtdanslesens
d’un projet expérimental, qui sera par la suite étendu à d’autres camps de prisonniers16.
Selonunrapportde1941,cetteexpérienceconsisteenquatrepointsprincipauxàrespecter
pourlesaspirants:«1°ÊtrederrièreleMaréchal2°Admettresapolitique,mêmesiellenous
choque3°Êtreégoïstementfrançaisetperdretouteautrenotion4°Donnerl’impressionaux
Allemands que nous sommes collaborationnistes17». Le maréchal étant une figure aimée
parmilesprisonniersencaptivité18,lespremierspointssontplutôtbiensuivis.Pourlescas
desdeuxdernières,lesprisonniersavaienttendanceàlessuivre,puisqu’ilsavaiententêtela
récompensequiviendraitdecettepolitique,àsavoir la libération,quiétait l’objectifqu’on
leur présentait avec le développement de ce mouvement. Une grande majorité des
Aspirants y ont été fidèles dès le lancement, comme on peut l’observer selon plusieurs
14DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.6515DIDELETGénéral,RapportàMonsieur l’ambassadeurSCAPINI,24/07/41,Stablack,F/9/2679,DélégationdeBerlin,AN16DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.65-6617GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN18DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.338-342
63
rapportset l’aspirant Silbert apporteégalementplusieurs raisonspourexpliquerpourquoi
autant d’aspirants ont été si impliqués dans le mouvement de la Révolution Nationale19.
Selon lui, il y avait tout d’abord l’idée d’une «influence de la hiérarchie militaire», qui
entrainaitlesaspirantsàsuivrelegénéralDidelet.Lemouvementétaitégalementvuplutôt
comme«unmouvementciviqueetnonpolitique»,cequipermettaitd’effacerl’idéed’une
collaboration avec les Allemands. Enfin, il considère que «réagir ou manifester
ostensiblementde l’indifférencedevant lapropagandepétainiste,c’était,ne l’oublionspas,
mécontenterlesseulesautoritésdontdépendaitlesortduprisonniercellesdeVichyetcelles
deBerlin.».Celamontreainsilefaitquelesprisonniersdeguerrevouenttoujoursungrand
respect aux autorités qui sont en charge d’eux, que cela soit la tête de l’État ou les
responsablesmilitaires.
Il y eut tout de même certains réfractaires à cette politique: elles pouvaient venir
d’aspirants arrivés plus tard, comme celui qui qualifie les aspirants ayant adhérés au
mouvement«de troupeau de moutons bêlants»20ou encore certains qui décidèrent de
s’évader,choisissantégalementdenepasobéiràDidelet.Silesréfractairessontplutôtpeu
nombreux dans les rapports de l’époque, on en trouve considérablement plus dans les
témoignages d’après-guerre par d’anciens aspirants, ce qui peut s’expliquer par les
révélations,survenuesaprès laguerre,de lavéritésurPétainetsapolitique,changeant la
visiondesaspirants.Ainsi,unaspirant considèreque lamajoritédesaspirants sont restés
réfractaires21,unautreprésente legénéralDideletcommeayantétéunebonnepoire22et
d’autres, tels que les aspirants Devigne, Boulanger, Grisvard ou Labeda donnent un avis
plutôt négatif sur l’expérience Didelet et considèrent même cela comme de la
collaboration23,cequipeutêtrecontreditparlefaitqueLabedaétaitmembreducomitédu
MouvementPétainetaidaitpourl’organisationdesconférencesetautres24.
19SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants (I)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),pp.31-3420SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3421DURIEZRené,Mesprisons,S.D.,p.1522SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7323Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale,72AJ/296,AN24LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
64
LeMouvementPétainadoncpourbutd’appuyerlapolitiquedelaRévolutionNationale
etdeformerunbloc,«unecohortemasséederrièreleMaréchalPétain25»,etnotamment
parledéveloppementdegroupesd’étudesetderéflexionssurlesujet,pourdévelopperau
maximumleprojet.
II–LeMouvementPétainetlaRévolutionNationale:uneréflexionpourlesaspirants
Pourun camp telque l’Aspilag, avecungrandnombred’intellectuels,qui,deplus,
continuent à s’instruire à l’aide d’une université bien développée, la mise en place d’un
Mouvement Pétain donne lieu à une activité abondante en participants et enrichie de
nombreuxéléments.
A–Unmouvementquisedéveloppeintensément
La Révolution Nationale, symbole du pétainisme, a été développée à la fois en
France,danslerégimedeVichy,maisaussichezlesprisonniersdeguerre.Lamiseenplace
de“CerclesPétain“,quisecaractérisentpardes«cerclesd’étudesquiseproposentd’étudier
etdefaireconnaîtreladoctrineduMaréchaltelqu’elleestcontenuedanslesmessagesainsi
que dans les réformes déjà réalisées en France: secondairement d’étudier les expériences
étrangères 26 » a pour objectif de: «mettre en place un encadrement complet de la
communauté PG et de placer toute la vie de celle-ci sous le signe du Maréchal27». Ces
groupesdepropagandesemettentenplacedanstous lescampsdeprisonniers,ainsique
danscertainsdeskommandosenvironnantetsedéveloppentplusoumoins.Certainscamps
ontunetendanceplutôtréfractairefaceaumaréchalPétainetà lapropagandequi luiest
faiteetainsi,lemouvementn’ydurepaslongtemps.Dansd’autrescas,ilestpossiblequela
figure du Maréchal soit fondamentale, ce qui permet donc à la propagande de se
développer,etcelaparlebiaisdumouvement.L’Aspilagestreprésentatifdudeuxièmecas
de figure, puisque l’activité du Mouvement Pétain et de ses cercles d’études a été très
importantependantlesannées1941-1942.
Toutd’abord,grâceàunebrochuresur lesdossiersde laRévolutionNationale, ilnousest
donnéladéfinitionduMouvementPétainselonlesaspirants:
25DIDELETGénéral,«DiscoursdevantlesAspirants,15/08/1941»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.6526DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33427DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.338
65
«LaréuniondetouslesAspirantsdebonnevolonté,quivoudrontsepréparer,ens’yaidantlesunsles
autresetenprenantconscienceànouveaudeleurétat,deleurvocation,etdeleursdevoirsdeFrançaisàêtre
desserviteursdelaRévolutionNationaleetàparticiperàlareconstructiondelaFranceselonlesdirectivesdu
Maréchaletdesescollaborateurs28»
Ladéfinitioncontinuesurl’idéequelesaspirantssontungroupeparticulieretqu’ilfautfaire
actedefoienverslemaréchalPétain,cequiserapprochegrandementdudiscoursprononcé
parlegénéralDideletprèsd’unmoisaprèssonarrivée,cequipeutpenseràprouverquele
mouvementacorrectementétémisenplaceetqu’il sembleservirexactement lesprojets
qu’avait legénéral.Onpeutégalementobserver,grâceauplanconservépar lesaspirants,
quel’unedesbaraquesducampestréservéecommepermanencedumouvementPétain,ce
qui montre déjà l’importance du mouvement, qui peut ainsi s’assurer de remplir les
fonctions dont il a la charge29. Le développement important de cemouvement iramême
jusqu’àlaremisedelaFrancisqueaugénéralDidelet,poursonactionauseinduMouvement
Pétain,endécembre1942.Lacérémonieestdécritecomme«sansapparat,maisnonsans
grandeur30».Celamarquedoncunesortedeconcrétisationdel’actiondumouvement,avec
laremisedelaplusimportantemédaillevis-à-visdumaréchalPétainetdesonrégime.
Le développement considérable de ce mouvement est également dû à de nombreuses
initiatives,quisemettentenplaceensonsein,commelementionnel’aspirantSilbertdans
sonétuded’après-guerresurlecamp:
«Lecampd’aspirantssetrouvarapidementplongédanslaRévolutionNationale.Legénéralconstituaun
MouvementPétaindontl’activitéfutintense;conférencesetgroupesd’étudessedonnèrentpourbutd’étudier,
decommenter lesprincipesnouveaux.Pour lesexpliquer,on imaginamêmedefairedanschaquebaraque,à
une heure correspondant à la fin du repas du soir, des exposés de propagande baptisés “quart d’heure
Pétain“31»
Ces quarts d’heure mentionnés par Silbert sont effectivement mis en place, comme le
montrelespublicationsdeLaFrancisque,etilssontorganisésparlecomitéduMouvement
Pétainquiadoncétécrééetquipermetdegérerlesactivitésdumouvement.Pourlecasdu
début de décembre 1941, les quarts d’heure sont plutôt réservés au cas de la Charte du
Travail32, ce qui représente un des piliers de la Révolution Nationale (Travail, Famille,
28X–AmicaledeStablack,«DéfinitionduMouvementPétain»,SD,Stablack,72AJ/2633,AS,AN29X–AmicaledeStablack,«Planducampdesaspirantsprisonniers»,SD,72AJ/2632,AS,AN30SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN31SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3032LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN
66
Patrie)33mais il existe également des quarts d’heure libres, qui permettre d’aborder un
autresujet,pluslibrement.Outrecela,ontrouvedenombreuxautresgroupesd’études,tels
que des groupements jeunes, aussi appelés “groupe Chantiers“, qui s’intéressent ici aux
mouvements de jeunesse dans la France du Maréchal 34 . Ces groupes d’études sont
constitués de professeurs appartenant à l’Université, et se développent par le biais de
réunions d’équipes ou de cercles d’études. De nombreuses conférences sont également
organisées,d’uneplusgrandeampleurquelesquartsd’heurePétain,telque«L’Étatetles
forcesspirituelles»35,«Provincesetmunicipalités»36,etmêmeunCongrès,quis’esttenule
26et27janvier194237.Enfin,selonunrapportde1942,ilsecréeégalementdes“Semaines
d’études“,«constituéspardessériesdeconférencessuiviesdediscussionsetaccompagnées
de devoirs et d’interrogations» et «destinées plus particulièrement à sélectionner et à
formerdesénergiesetdesvolontés»38. Lemouvementestdoncplutôt importantchez les
aspirants, ce qui peut probablement s’expliquer par le fait que l’Aspilag a également une
universitébiendéveloppée,quipeut facilement se lierà cescerclesd’études,notamment
car les aspirants prisonniers de guerre ont l’habitude d’assister à de nombreuses
conférencesouàdescourssurdessujetsparticuliers.
B–UneimportanteparticipationpourlesAspirants
CeMouvement Pétain peut donc être considéré comme une réussite, notamment
poursondéveloppementmassifauseinducamp.Sesactivitéssesontmultipliés,lesquarts
d’heure Pétain et les conférences sont assez nombreuses, comme cela a déjà pu être vu
auparavant et un élémentmajeure est essentiel à cela, la contribution des aspirants à ce
mouvement. En effet, l’une des raisons principales de la grande réussite dumouvement,
contrairementpeut-êtreàcertainsautrescamps,est le faitquepresquetous lesaspirants
(hormiscertainesexceptions)serallientaumouvementetdécidentd’yprendrepart.Selon
les multiples rapports qui traitent du sujet, il est toujours mentionné qu’une masse
importanted’aspirantsestliéeaumouvementetytravailleactivement,bienqu’onretrouve
tousdemême,àl’intérieurdecettemasse,plusieurscatégories.Ainsi,selonunrapportde33DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.6334X–Hommedeconfiance,«Groupementjeune»,S.D.,Stablack,Hommesdeconfiance,F/9/3437,AN35LaSemaineaucamp,Semainedu30novembreau7décembre1941,72AJ/2633,AS,AN36LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN37LaFrancisque,N°4,Samedi31janvier1942,F/9/2893,DSPG,AN38X,«SituationdesaspirantsaustalagIAau7avril1942»,1942,72AJ/2623,AS,AN
67
1942, les différente réactions des aspirants au mouvement comprennent: «Quelques
sincères et actifs se mettent dans les comités. D’autres, plus nombreux, qui voient la
libérationaubout,neveulentpaslaisseréchapperunechancequasiinespéréeetdeviennent
membresactifs.Quelques-uns,peunombreux,ontconservélamentalité“assietteaubeurre“
etdeviennentégalementmembresactifs39».Ilestégalementpossibled’observer,grâceaux
témoignagesdesanciensprisonniersdeguerreduSTALAGIA,quelesaspirantsonteuune
partmajeuredanslemouvementPétain,aucontrairedessimpleshommesdetroupeduIA.
En effet, si les différents témoignages d’après-guerre des aspirants tendent àmentionner
une participation au mouvement au début de sa création, ceux des autres prisonniers
tendent plutôt à montrer une hostilité complète vis-à-vis du mouvement et de ce qu’il
représente,bienqu’il soitnécessairedetenircomptede lasituationderédaction,c’est-à-
direaprèslesrévélationssurlerégimedeVichy.Ainsi,certainsmentionnentcelacommede
lacollaboration,entendudansunsenstrèspéjoratif40etunévoquemêmelefaitque:«Le
IAétaitlecamp-pilotedelacollaboration41».
Si,parmi lesaspirants, tousnesontpascomplètement investisauregarddumessageque
transmet le Mouvement Pétain et de ce que représente la Révolution Nationale, ils
participent tout demême activement aumouvement, comme on a déjà pu le voir, et la
propagande est plutôt considérable au camp de ces prisonniers. Elle est cependant bien
acceptée par les aspirants, comme peut le témoigner les différentes réponses de
questionnaires d’anciens prisonniers: un aspirant désigne cette forme de collaboration
comme«uneprisedepositionintellectuelle»42,unautreprécisequecettepropagandeétait
«objective et intelligemment conçue» 43 et un autre qualifie la participation à cette
propagande comme celle d’une «passivité à demi complice»44. Comme on a déjà pu
l’observer, l’une des raisons principales pour laquelle les aspirants étaient si enclins à
participeràcemouvement,c’estqu’ilneprésentaitpasunaspectpolitique,cequienfaisait
39GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, Lieu inconnu,AJ/41/454,Aspirants,AN40Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la Seconde Guerre mondiale,72AJ/296,AN41COULAUDHenri,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN42JANINPierre,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN43LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN44SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.30
68
moinsunmouvementde collaboration,et cela s’alliait au faitque,poureux, ils restaient,
toutdumoinsaudébut,unmouvement totalementdétachéd’unequelconqueactiondes
Allemands.SelonSilbert,cefutd’ailleursl’unedesconditionsdecertainspourlerejoindre:
«Autre témoignage: une personnalité très éminente de la vie du camp déclare avoir fait
partieduMouvementPétainàlademandedesescamaradesetmoyennantdeuxpromesses,
celle que le mouvement serait purement civique, c'est-à-dire apolitique et celle que les
Allemandsnes’enmêleraientpas.45».SilemouvementdoitresteréloignédesAllemands,il
reste très proche des représentants français, et notamment de l’ambassadeur Scapini,
représentantofficieldePétaindanslescampsdeprisonniers.Ilestimpossibledesavoirsiles
visites étaient dues à un favoritisme vis-à-vis des aspirants prisonniers de guerre, à une
demandeparticulièredeDidelet,àunevolontédesurveillerlecamp-modèleouàunsimple
hasard.OnsaitseulementqueGeorgesScapiniestvenuàplusieursreprisesvisiterlecamp
deStablacketplusparticulièrementlesaspirants.Ilestvenuunepremièrefoisle29juillet
1941,soitquelquessemainesaprèsl’arrivéedeDidelet,puisestrevenusixmoisplustard,le
19 et 20 décembre, pour remettre au général le grade de commandeur de la légion
d’honneur 46 . Pendant cette visite, il a d’ailleurs été présenté aux responsables du
MouvementPétain.
Cetépisodeprouvedonc l’importancequepeutavoir leMouvementPétainetcelaest
encoreplusamplifiéeparlamiseenplaced’unévènement,pouvantêtreconsidérécomme
leplusremarquablepourlesaspirants.
III–L’expositiondelaRévolutionNationale:unefiertépourlesaspirants
SilesaspirantssontplutôtinvestisdansledéveloppementdumouvementPétainet
delaRévolutionNationale,leurimplicationdevientencoreplusconséquenteaveclamiseen
placedel’expositiondelaRévolutionNationale.
A–Lespréparatifsdel’exposition
LeMouvementPétains’estmisenplaceàpartirdejuin1941,etdèscemoment,les
aspirants se sont investis, le constituant de différentes conférences, cercles d’études et
autres travauxde recherches,pourexprimer l’idéologieduMaréchal, importantepour les
45SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3246LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN
69
prisonniers de guerre. Le mouvement se développe amplement, et à partir du mois de
décembre 1941, le comité duMouvement Pétain décide d’organiser une exposition de la
RévolutionNationale47.Lesobjectifsdecetteexpositionseraient:«1°Laprésentationsous
la forme de large synthèses vivantes de la doctrine et des réalisations de la Révolution
Nationale2°Larecherchedesmoyensparlesquelspeutêtrecréé,dansunecommunauté,un
climatdelaRévolutionNationale,soitparlapublicité,soitparlacréationartistique,lesplus
modestes,commelesplusélevés.48».Lavolontédemontrerdifférentstypesdetalents,pour
présenterlaRévolutionNationale,peutêtrevuecommeunrappelaudiscoursdeDidelet,à
sonarrivéeaucamp,quimettaitenavantlaparticularitédesaspirants,àlafoispopulation
homogène,parleurgrade,ethétérogène,parleursdifférentesqualifications.Onpeutainsi
avancerl’idéequecetteexpositionseraitlemoyenparfaitpourdémontrerqueDideletetles
autresresponsablesdufonctionnementduSTALAGIA,avaientraisondans leurmotivation
de faire de l’Aspilag un camp modèle, puisque la réussite de cette exposition serait un
exempleparfaitetuneconcrétisationdecequiadéjàpuêtreétabli.
Par la suite, les différentes publications de journaux des aspirants permettent d’observer
quel’expositionseprépare,avecdepremièresidéespoursacomposition,ainsiqueladate
desoninauguration.Unepremièrepublicationlaprévoitpourle15février1942,avecainsi
uneobligationd’avoirréglélesderniersdétailsle31décembre194149.Parlasuite,selonun
rapport,soninaugurationaétédéplacéeau10mai194250etfinalement,ellefutinaugurée
le5juin.Audébutdesapréparation,lecontenudel’expositionnesecomposequedetrois
classes:artisanale («créationduclimatRévolutionNationale,soitpar leurdécoration,soit
parleurcaractèreinventif,soitparleurdestination»),publicité(«touteslesréalisationsqui
peuvent servir la propagande et l’information de la Révolution Nationale») et artistique
(«servirl’espritdelaFrancenouvelleetapporterlacontributiondesAspirantsaurenouveau
de l’Art qui doit accompagner une Révolution») et dès le début de l’année 1942, une
quatrième s’est rajoutée, probablement demandée par plusieurs aspirants qui n’auraient
paspufairepartiedel’expositionsanscettecatégorie,laclassetechnique(«présenterleurs
projets, leurs réalisations communes orientées dans le sens de la Révolution Nationale»).
47LaSemaineaucamp,Semainedu7au13décembre1941,72AJ/2633,AS,AN48LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN49LaFrancisque,N°1,Samedi13décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN50MASSARD Capitaine, Rapport du Stalag IA, 23/05/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal desprisonniersdeguerre(CCPPG),AN
70
Desdéléguésdebaraquesontcréés,pourpermettrederecevoirlesrequêtesdesdifférents
aspirants qui voudraient participer à l’exposition, et une permanence était toujours
effectuée au comité du Mouvement Pétain, pour ceux qui en aurait besoin 51 . Cette
permanenceestmêmeassuréependantlapériodedeNoël,pourtantpériodedevacanceset
de suspension de l’activité pour le comité. De plus, Il est possible, pour les aspirants, de
commandertout lematérielquipeutêtrenécessairepour leurscréations52.Cesdifférents
matériauxarriventàpartirdumoisdemars,grâceàdescolisvenusde laFrance,puisen
mai, ce sont les matériaux lourds qui arrivent au camp. L’aménagement commence
rapidement et celamalgré les complications quepeuvent apporter la vie en captivité des
prisonniersdeguerre.Jusqu’àladatedel’inauguration,lesaspirantstravaillentsansrelâche,
pourêtresûrsquetoutsoitprêtàtemps,bienqu’ilsrencontrentquelquescontretemps,tels
quedesmanquesdematériaux.Tout fut cependantprêtaumomentde l’inaugurationde
l’exposition, ce qui permet demontrer la grande détermination dont font les preuves les
aspirantsvis-à-visdecetteexposition53.
Onpeutainsiobserver,grâceàcespublications,laportéequeprendl’expositionde
la Révolution Nationale pour l’Aspilag et son activité, qui en devient presque sa seule
préoccupationetsaplus importante,avecundéveloppementimportantdesmoyensmisà
disposition et du temps accordé. Enfin, selon un rapport, à partir du mois de mai,
l’exposition a occupé «300 à 400 aspirants» 54 , ce qui permet de voir également
l’implication conséquente des aspirants dans la préparation de cette exposition, prouvant
doncqu’elleétaitprobablementl’évènementleplusnotabledetouteleurcaptivité.
B–L’expositiondelaRévolutionNationale
Aprèsdesmoisdepréparations,l’expositiondelaRévolutionNationaleestinaugurée,à
la baraque 13, le vendredi 5 juin 1942, par le Général Didelet et en présence du colonel
Hartmann, commandant du camp. Selon un article de journal, la journée, ainsi que
l’exposition,sontconsacréesaumaréchalPétain:
51LaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN52LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,AN53Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN54SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN
71
«Dans le vestibule, un immense portrait du Maréchal, encadrée par une garde d’honneur portant son
fanion,accueillaitlesvisiteurset,commesymboledubutdecetteexposition,dansunsilencereligieuxetpourla
profondeémotionsdetouslesassistants,undisquefaisaitentendrelavoixmêmeduchefd’état55»
L’expositionsecomposedenombreusesinventionsetcréations,symbolesdesvaleursdela
RévolutionNationale:
«Lesnombreuxstandsreproduisentdesréalisationsfrançaises.Cesontdesmaquettesgénéralement
trèsbienconstruites: le triangle routierdeRocquencourtet l’autoroutede l’Ouest,desponts suspendus,des
barrages dont celui de Susanding sur le Niger, une gare de triage, etc. Une machine à vapeur, faite en
aluminium culé, fonctionne avec de petits morceaux de bois au grand ébahissement de tous. Une auberge
bretonneavaitétéinstalléedanslelavoir56»
Sicettedescriptionestplutôtsuccincte,avecseulementdesdétailschoisisparl’auteursur
ce qui l’a vraiment marqué dans l’exposition, un article beaucoup plus détaillé dans le
journalLeTraitd’Unionnouspermetd’apprendretoutcequ’ilyaàsavoirsurlacomposition
decetteexposition57.Ainsi,l’idéededépartprévuepourl’expositionabienétésuivie,etelle
secomposedoncdequatresectionsdistinctes,àsavoirlasectionofficielle(quiremplacela
sectionpublicité),lesarts,l’artisanatetlatechnique.Auseindecessections,denombreux
domaines sont représentés sur les multiples stands: agriculture, économie, armée,
automobile, géopolitique, constructions mécaniques, jeunesse, enseignement, famille,
beaux-arts, textile,etc.L’auteurde l’article,unaspirant,estassezprolifiquesur lesdétails
qu’ilfournit,etilsembleplusenthousiasted’unstandàl’autre,évoquantmêmelefaitqu’il
n’en dit pas assez: «Nous regrettons de ne pouvoir donner qu’un aperçu incomplet des
richessescontenuesdanslesnombreuxstandsdel’ExpositiondelaRévolutionNationaledu
campdesaspirants58.».Cetteavispeutêtrebiaisépuisqu’ililestlui-mêmeunaspirantetil
peut donc simplement faire preuve de la solidarité toujours observé chez les aspirants et
chercherainsiàneprésenterquelepositif.Deuxautresarticlesontétéécritsàproposde
cetteexpositionmaisilestégalementdifficiled’évaluerceséloges,puisqu’ilestpossibleque
les deux rédacteurs aient été chargés de rédiger ainsi ces comptes rendus de l’exposition
sousunœiltoujourspositif.Ainsi, ilss’appuientsurcertainsdétailsqui lesontmarquéset
mentionnent que l’exposition montre «des prisonniers unis derrière le Maréchal»; elle
55PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,AS,AN56DEBOUZYRoger,Àmaréebasse:chroniquedutempsdesmiradors,ÉditionsR.Debresse,Paris,p.198-19957PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN58PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN
72
permet, en plus, de développer des liens entre camarades, et un véritable intérêt59mais
également, par cette exposition, les aspirants semblent prouver que les prisonniers de
guerrefonttoujourspartiedelapatrie,queleurpeupleestdansleurcœur,etainsi,qu’elle
est comme une «Maison de France en Prusse Orientale60». Ces différents commentaires
permettentdesupposerquel’objectifprévusembleavoirétéaccomplietlemessagedela
RévolutionNationaleestdiffusé.
Outre les témoignages de personnes extérieures à l’exposition, on peut aussi trouver des
commentairesfaitspardesaspirantsayantparticipé,nouspermettantd’observerlagrande
fierté que leur a apportée la contribution à cet évènement. Ainsi, on a tout d’abord le
témoignagedeRenéDuriez,unaspirantinstituteuravantsacaptivité:
«Jetinslestanddel’Enseignementprimaireet,commebeaucoupd’officiersallemandsvinrentvisiter,j’eus
un jour le plaisir d’entendre l’un d’eux, instituteur lui-même, me confier: “Nous estimons beaucoup votre
EnseignementPrimaireetnousnouseninspironssouventpouraméliorerlenôtre.“Jen’enfuspaspeufier.61».
De son côté, plus vis-à-vis de ceque représente, enelle-même, l’exposition, l’aspirant
Silbertécrit:
«OnnoteralaconclusiondeRogerDEBOUZY,oùl’ondiscerne,malgrésonhostilitéauxthèmespolitiques,
une certaine fierté d’appartenir à collectivité qui avait réalisé cetteœuvre: “En dépit du recours fréquent à
l’Étatfrançaisdanslesplacards,affichesetpanneaux–fautedequoi,d’ailleurs,elleeûtétéréalisable,ilémane
de cette exposition une volonté de travail et une preuve de vitalité assez réconfortante après deux ans de
captivité“62»
Ainsi,grâceàcesdifférentstémoignages,onpeutobserverunevéritablefiertévis-à-vis
de l’expositionde laRévolutionNationale,decequiaétéaccomplipar lesaspirantsetce
quecelapeutreprésenterpourleurmouvementPétain.Celaestencoreplusamplifiéparla
suite,grâceàl’essorqueprendl’exposition,mêmeaprèssaclôture.
C–Unsuccèsetungrandretentissementpourlesaspirants
L’exposition de la RévolutionNationale a été un travail de longsmois, nécessitant
beaucoupd’effortsdelapartdesaspirants,commelementionnel’articleduTraitd’Union:
«Il permettra cependant de deviner l’ampleur de l’effort de ceux qui la conçurent et la
réalisèrent, prouvant ainsi, par un vivant exemple que, malgré l’exil, les prisonniers sont
59PREUXVictor,«ÀTraverslesstands»,X,S.D.,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN60SINNRené,«Baraque13,MaisondeFrance»,X,S.D.,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN61DURIEZRené,Mesprisons,S.D.,p.1662SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.50
73
richesencored’unepromessederésurrection63»,etilsenontétéamplementrécompensés,
etceux,dediversesmanières.
L’une des premières récompenses, que l’on a déjà pu observer, sont les différents éloges
rédigés dans de multiples articles de journaux, mettant en avant le grand talent des
aspirants et leur travail complet de la grande représentation de la Révolution Nationale,
symboliquepourlaFrance.
L’expositionmêmeestunexempledegranderéussite,etcelapardeuxaspectsparticuliers.
Tout d’abord, différents rapports nous apprennent que l’exposition a reçu de nombreux
visiteursetdedifférentstypes.Ainsi,selonuncompterendu:«Lechiffredesentréesade
beaucoup dépassé 10 000. Aux Aspirants et aux prisonniers du camp, se sont ajoutés de
nombreuxvisiteursAllemands,militaireset civils. L’universitédeKönigsberg,notammenta
fait, à cette occasion, une nouvelle visite officielle au camp des Aspirants64». De plus,
différentes fêtes organisées pendant la période d’ouverture de l’exposition, ont permis
d’autres milliers de visites. Ces chiffres peuvent être considérés comme encore plus
impressionnants, si l’on prend en compte le temps d’ouverture de l’exposition: elle fut
inauguréele5juinetseclôturale30juin,soitseulement25joursd’exposition,pourenviron
400visitesparjour,cequi,deplus,prendencompteunepopulationtrèsdiverse,commeon
adéjàpulevoir.Cegrandsuccès,pendantlapérioded’ouverturedel’exposition,amenéà
uneréouverturedecelle-cimaisàl’extérieurducamp.Eneffet,enseptembredelamême
année,lesresponsablesdel’expositiondécidentdelaré-ouvrir:«L’impressionproduitesur
les milieux allemands a été si considérable que l’exposition vient de se transporter pour
quinzejoursàKönigsbergmême,sousladirectiond’uncertainnombred’Aspirantsdétachés
àceteffet.65»Cetteréouvertureapporteàlafoisdesavantagesetdesinconvénientspour
lesaspirants.L’inconvénientprincipalest letransfertmatérieldel’expositiondeStablackà
Königsberg:«Ondevine lescomplicationsadministrativesquereprésente levaetvientdu
matérieletlesAspirantsentreKönigsbergetlecampsituéà40kmdedistance66»maisles
Allemandssemblentavoirtoutdemêmetentédefacilitercettetransition,pourpermettre
63PRÉJean(Aspirant),«L’expositionPétainducampdesaspirants»,LeTraitd’Union,26/07/1942,72AJ/2633,AS,AN64Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN65Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN66BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
74
ainsiuneplusgrandeefficacité67.Bienqu’ellenesoitplusà l’intérieurducamp,elle reste
toujours l’exposition de la RévolutionNationale, symbole de Pétain et des prisonniers de
guerre.Lesaspirantsonttentédebienmettrecelaenavant,parlebiaisdesonaffiche68.Les
deuxélémentslesplusfrappantssurcetteaffichesontlescouleursdudrapeaudelaFrance
etlaFrancisque.Ainsi,lesaspirantstententdemontrerrespectivementquecetteexposition
est représentative de la France, que le pays est au cœur des créationsmises en avant et
qu’elleestégalementsymboliqueduMaréchalPétainetson idéologie, la francisqueétant
l’emblèmeduMaréchal,qu’ilutilisepourdesremisesdemédailles,commepourlegénéral
Didelet69ouquiestutilisécommereprésentationdumaréchal,notammentparlesaspirants,
commeavecleurjournalLaFrancisque70.
Toutcommelorsdesapremièreouverture,cette
expositionaétéungrandsuccès: lesvisitessont
composéesdegroupestrèsvariés,principalement
carouverteaupublic, cequin’étaitpas le cas la
premièrefois.Ainsi,ontrouvedesprisonniersde
guerre d’autres camps et de kommandos,
notamment ceux du STALAG IB et les alentours,
ainsi que des Allemands habitant dans les
environs et notamment des écoliers, par le biais
de visites scolaires 71 . Cela permet d’ailleurs
d’observer que les propos tenus pendant la
conversationentre l’aspirantDuriezetunofficier
allemand pendant l’ouverture en juin se sont
confirmés;lesAllemandsemmènentleursenfantsvisiteruneexpositionquireprésenteles
valeursdelaFrance,maiségalementsestechniquesetdonc,qu’ilslesestimentconformesà
cequipeutêtreenseignésàleursenfants.
67SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN68X–Aspirantsdustalag IA,Affichede l’expositionde laRévolutionNationale,Septembre1942,Königsberg,72AJ/2633,AS,AN69SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN70LaFrancisque,F/9/2893,DSPG,AN71DirecteurdeCabinet,Noted’information,06/11/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,ANBIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,ANSecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN
75
Bienqu’ayantunsuccèssimilaireàceluidejuin,cetteréouverturenedurequequinzejours
etelle fut ferméeenoctobre1942,maiscen’estpasunefinpour l’exposition,puisqu’elle
estdenouveaudemandée,cettefois-cienFranceetsousuneformedifférente.Eneffet,à
partirdejuillet1942etjusqu’aumoisdenovembre,denombreusesfamillesdeprisonniers
deguerre (probablementaspirants,bienque lescourriersne leprécisentpas)demandent
desphotosdecetteexposition,quisembleêtretrèsimportantepoureux.Lesecrétariatdes
aspirantsduIA,àParis,faitdoncreproduirelesdifférentesphotosquiontpuêtreprises,et
lesmonétisentpourainsilesvendreauxfamilles:«La2èmesérieestconsacréeàl’Exposition
Pétain:42photos:Prix105Francsfranco.72»;selon lesdifférentesnotesdudirecteurde
cabinetde lamissionScapini, cesphotos sontdisponiblesdans lesdifférentesmaisonsde
prisonniersdeFrance73,cequipermetdoncuneaccessibilitéplutôtaisée.
L’expositionadoncétéunévènementextraordinairepourlesaspirants,ellemontre
leurattachementàlaFrance,àsesvaleursmaisaussileurplaceentantquereprésentants
delaRévolutionNationaleetduMouvementPétain,commecelaavaitpuêtre lecaspour
d’autrescamps,où«desfêtesdesvaleursfrançaises»avaientétéorganisés74oubienune
«semainePétain»,constituédemultiplesactivités75.Enmettantenavantlestroispiliersde
laRévolutionNationale,letravail,lafamilleetlapatrie76,lesaspirantsmontrentbienicileur
compréhension des méthodes et objectifs de la Révolution Nationale. Cela leur apporte
d’ailleursunecertainefierté,leurremontelemoraletleurapporteunedistraction77,preuve
ainsidel’apportbénéfiquedanstoussesaspectsdecetteexposition:
«Cette Exposition, par son succès, a redonnéune vigueur nouvelle, un sérieux soutienmoral, à toute la
communautédesAspirants, communautéqui avait beaucoup souffert dumanqued’activité pendant ce long
hiver41-42.Elleapermisàtousdefairelepoint,àchacundereprendreconsciencedesoi-même,àunmoment
oùpeut-être,lalassitudemoralepesaitlourdement.Cefutunenouvelleauroresurcecampperduaumilieudes
sablesdelaPrusseOrientale.78»
72VILNETJean,SansTitre,Août1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN73DESBONSJ.,SansTitre,11/01/1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN74DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33775DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33876DURANDYves,Vichy,1940-1944,Paris,ÉditionsBordas,1972,p.6577DURIEZRené,Mesprisons,SansDate.,p.1678Homme de confiance du IA, Situation du camp des aspirants au mois de juillet 1942, 11/08/1942, Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN
76
IV–LaRelève:unévènementdécisifdel’existenceduMouvementPétain
Enparallèleetenprolongementdel’expositiondelaRévolutionNationale,unautre
évènementmarque la captivité des aspirants, mais d’unemanière totalement différente,
voire même contraire, c’est-à-dire la Relève, un des aspects les plus importants de
l’internementàpartirdel’année1942.
A–Unespoirpourlesprisonniersdeguerre
LaRelèveestundispositifmisunepremièrefoisenplaceen1940,àl’initiativedela
France,puis,quiestréinstaurédurantl’année1942,parLaval,souspressiondesAllemands.
Ilconsisteàéchangerunprisonnierdeguerreparplusieurstravailleursfrançais,d’abordsur
volontariat,puisparlebiaisduSTO,pourainsipermettreauxAllemandsdeconserverleur
maind’œuvre,toutenacceptantleretourd’uncertainnombredeprisonniersdeguerre.Si
lechoixdestravailleursfrançaisenvoyésenAllemagneestfaitsurlasimpleconditionqu’ils
soient aptes au travail, le choix des prisonniers qui peuvent rentrer dépend d’un certain
nombredecritères79:
«Lescritèresretenusparellesétaientnaturellementconformesauxintérêtsallemands.Ilyeutuncertain
nombrededésignationsainsiopéréesauprofitd’hommesqui,danslescamps,avaientmanifestéleurespritde
“collaboration“àdes fins depropagande. Certains étaient renvoyés en Franceàdes fins depropagande […]
Aussi,bienqu’enprincipe lesrapatriésdussentêtrechoisisnotammentparmi lesagriculteurset lesplusâgés
desprisonniersdeguerreetlespèresdefamille,l’arbitraireparutsouventprévaloirauxdésignations80»
SileraisonnementpourlesretoursparlaRelèveestsuiviparlesautoritésquis’enoccupent,
lesaspirantsdevraientavoirunebonnechanced’êtresélectionnépourpouvoirrentrerchez
eux.Ilsnesontpasunesourcedemaind’œuvrepourlesAllemands,puisqueleurgradeleur
permetderefuserd’allerautravail,etunemajoritédesaspirantsexercentcedroitdepuis
leur arrivée en captivité au stalag IA. De plus, ils sont très impliqués dans leMouvement
Pétain, ce qui est une des conséquences principales de l’organisation de cette Relève. En
effet, un des ressorts dans l’adhésion au Mouvement Pétain pour les aspirants est la
possibilité d’être libéré plus facilement par cela, ce qui est en plus appuyé par le général
Dideletetlesautresautoritésquis’occupentdesaspirants:«c’estlapossibilitéqu’onlaissa
entrevoird’unelibérationrapide,silesAspirantsdonnaientlapreuvequ’ilsétaientdignesde
79DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.326-32880DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.328
77
laconfianceduchefdel’État81».Silbertexprimebienicil’idéequ’ilalui-mêmecru,entant
qu’aspirant, queparticiper activement aumouvementPétain et à l’expériencemenéepar
Dideletseraitunmoyend’être libérérapidement.Cette idéeavait souventuneffetplutôt
positif sur lemoraldesaspirants,quiétaientdoncmoins lassésouennuyéspar la longue
captivitéqu’ilssubissaient.
Cetespoirnefutd’ailleurspasenvainpuisquelecampduIAeutungrandnombredeses
aspirantsquifurentlibéréspendantlacaptivité.Toutd’abord,onsaitquelepremiertrainde
laRelèveaétépourdesprisonniersdeguerredescampsIAet IBenaoût1942,ramenant
environ 1 000 prisonniers de guerre dont 14 aspirants82. Par la suite, d’autres convois
transportèrentdesaspirantsetautresprisonniersdeguerre:«Le3èmeconvoiderelèvedu
StalagIA,ramenantunequarantained’aspirants,aquittéStablackle1erfévrieretestarrivé
àCompiègnele5à11h83».Enfin,selonunrapportdatantdudébutdel’année1944,untiers
desaspirantsaétélibérédepuis3ans,etbienquetoutesceslibérationsnesontpasduesà
la Relève (mise en congé de captivité, réformé, etc.), on peut tout de même avancer
l’hypothèse qu’elle a dû contribuer à une certaine part de ces libérations. Certaines des
libérationsd’aspirantssontd’ailleursplutôtmalvuesparleshommesdetroupe:«Ledépart
desvieillesclassesestretardéaumoisdeseptembreàcausedesmoissons; ilyapourtant
dessanitairesetdesjeunespistonnésquipartent.Voilàlajustice!84»ouencore:«Larelève
estfaiteendépitdubonsens.Lescélibatairespartentetdespèresde3enfantsetdeplusde
40 ans restent85» Il est ainsi possible d’avancer l’idée que les jeunes pistonnés ou les
célibataires qualifient les aspirants, et que, si la Relève représentait un espoir pour les
prisonniersdeguerre,ellesemblefavoriserpluslesaspirantsqueleshommesdetroupes.
B–Unerapidedésillusion
Si la Relève était probablement un moyen de libération pour un certain nombre
d’aspirantspendant la captivité, la situation tourna rapidement,poureux, àunevéritable
déceptionquiétaitàlafoisdirigéeauconceptmêmedelaRelève,maisaussiaumouvement
PétainetaugénéralDidelet.81SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.3382DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.33083SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,Situationducampdesaspirantsau1erfévrier1943,Février1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN84CCPPG,STALAGIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN85CCPPG,STALAGIA,07/06/1942,F/9/2912,DSPG,AN
78
LepremiertraindelaRelève,quiarriveenaoût1942,estl’occasionpourlesaspirantsd’une
véritabledéconvenue,quisetransformeviteenrancœur.Eneffet,alorsquedeslistesont
pourtantétéeffectuéesvis-à-visdeslibéréspourcetteRelève,l’OKWdemandeàDideletde
choisirplusieursaspirantspourêtre libérés,maiségalementpour«fairedelapropagande
ausujetdelaRelève86»etlechoixquiesteffectuéestconsidérécommen’étant«pastrès
judicieux87»etcomme«uncoupportéàcequecemouvementconservaitdeprestige88».
Huitaspirants,membresdumouvementPétain,sontchoisis,notammentcertainsayantété
àlatêteducomitédel’expositiondelaRévolutionNationale89,ainsique,danslecampdes
hommes, des membres du mouvement de la France Vivante, également mouvement en
faveurdumaréchalPétain90.Silesaspirantsespéraienteffectivementquelaparticipationau
mouvementPétainpermettraitleurlibération,ilsleuravaientétéditqueprendredesplaces
àlatêtedecelui-cin’apporteraitaucunavantagequelconquedanslalibération,etainsi,ils
sesentirenttrompésetdénoncentunvéritablefavoritisme,trèsmalvu.SelonSilbert,cela
est encore plus mal vu, car le départ de ces dirigeants: «coïncidait avec le départ à la
moisson que leMouvement Pétain avait justifié et défendu. On a pu voir ainsi un de ses
propagandistes, qui venait d’annoncer qu’il donnerait l’exemple, prendre le train pour la
France91».Ilyadoncunabusselonlesaspirantsetilslefontsavoirlorsdudépartdetrain
delaRelève:«Certainsontétésifflésparleurs“camarades“92»etmême,demanièreplus
hostile:«Pourmanifesterleurmécontentement,desprisonniersdeguerreducampavaient
construit un cercueil qui fut promené à l’intérieur du camp par des hommes porteurs de
francisquesqu’ilsavaiententourésd’unserpententrelacéetd’uneétoilefilante93».
Cette libération provoque de nombreuses rancœurs, ce qui n’empêche pas le général
DideletetlesautresorganisateursdelaRelèvedecontinuer,commeonpeutl’observersur
plusieursrapportsde1943.Enavril,unaspirantmentionnelesdifférentesmanièresdontun
prisonnierdeguerrepeutêtre libéré,etainsi,pour le casd’autresaspirants, ildit:«Ces
dernierssontdésignésparleGénéralDideletquilesprendparmiles“têtesdumondeAspi“
(secrétaires,animateursdecerclesdivers),susceptiblesderendredesservicesàlaRévolution86BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN87FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN88SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5689SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5890FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN91SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5892CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN93DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.456
79
Nationale94».Demanièresimilaire,pourlecasdelapréparationd’unconvoienmai,ilest
dit: «Le choix des partants soulève “bien des rancœurs“ et un correspondant, chef de
Kommando,entirelaconclusionqueleFrançais“abienplussoifd’égalitéquedeliberté95».
Il y a une certaine amertumeet une rancœurdans lamanièredont les propos sont donc
avancés,etcelapermetainsidevoir lemécontentementdesaspirantsfaceàceprocessus
de laRelève,maiségalementdecomprendre l’impactquecettesituationapuavoirsur le
Mouvement Pétain, ainsi que le général Didelet, qui, par leurs actions, ont déçu des
aspirantsquicroyaienteneuxpourleurlibération.
Parlasuite,laRelèveperdprogressivementl’importancequ’onluiaccordaiten1942,et
il est ainsi mentionné, pour l’année 1943, qu’elle est passée au second plan96et qu’elle
n’inspireplusqueduscepticisme97,etpourl’année1944,ellen’apparaîtmêmeplusdansles
rapports sur le camp et est à peine évoquée dans le stalag98. La Relève s’essouffle donc
doucement, et cela coïncide également avec l’essoufflement duMouvement Pétain et de
l’impactdelaRévolutionNationaleauseinducamp.
V–LafinduMouvementPétainetdelaRévolutionNationale
LeMouvementPétainaeuungrandimpactsurlecamp,notammentparlamiseen
placedenombreuxévènementsimportants,telquel’expositionoulaRelève.Cependant,il
subit aussi les affres de la captivité, qui mettent progressivement fin à l’existence du
mouvementetenconséquence,àl’expérienceDidelet.
A–Denombreusesraisonsàl’originedel’essoufflementdumouvement
Malgré la réussitede l’expositionde laRévolutionNationale, leMouvementPétain
connaît une diminution de son activité dès le début de l’année 1942. L’une des raisons
principales est le fait que l’expérience de Didelet n’a aucun résultat, selon les aspirants
prisonniers de guerre99 ; des améliorations ont pu effectivement être réalisées, mais
l’interdiction d’évasion n’a rien donné de concret en matière de libération pour les
prisonniers, et ces derniers commencent à être lassés, ce qui a une répercussion sur le94CCPPG,Rapportquotidiendu22avril1943,22/04/1943,F/9/2912,DSPG,AN95CCPPG,Rapportquotidiendu13mai1943,13/05/1943,F/9/2912,DSPG,AN96CCPPG,Rapportquotidiendu20août1943,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN97CCPPG,Rapportquotidiendu15septembre1943,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN98CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu27juillet1944,27/07/1944,F/9/2912,DSPG,AN99CCPPG,StalagIA,13/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN
80
mouvement. En effet, selon un rapport d’août: « le temps, qui émousse tout, a fini par
décourager beaucoup de bonnes volontés100» et s’y rajoute en plus le problèmequi s’est
poséaveclepremierconvoidelaRelèveetlechoixdeorganisateursduMouvementPétain,
cequi,selonlemêmerapport,créeunesuspicionà l’intérieurmêmedumouvement.Cela
peutdoncêtreuneraisonmajeureàunecessationd’activitépourlesaspirants.SilaRelève
aeffectivementétéunproblèmeconséquentpour l’aspirant, commecelaapuégalement
êtrelecaspouruncertainnombred’autrescamps,touchésaussiparl’injusticedeschoixde
libérés101, l’élémentessentielquiamisfinàlaparticipationdesaspirantsàcemouvement
estlarévélationdesonvéritableaspectpolitique,c'est-à-direunepolitiquedecollaboration,
contre laquelle lesaspirants se sont rapidementopposés. Selon l’aspirant Silbert,une fois
quelesaspirantsontétéinformésplusprécisémentdesévènementsquisedéroulaienten
France, et notamment le remplacement au pouvoir de Darlan par Laval, soit unmilitaire
remplacépar«unpoliticienpeurespecté, réputépoursapolitiquedecollaboration,etqui
avait été d’ailleurs arrêté en décembre 1940 pour cela même, apparut comme une
catastrophe.»et ainsi, selon, lui: «Il devenaitdifficilededistinguer lemouvementPétain
d’unmouvement Laval.102». Cependant, si un rapport mentionne cette hostilité qui est
ressentiepar lesaspirantsfaceà lacollaboration(«Plusieurscorrespondantsmontrentdes
opinions hostiles à la collaboration103»), les aspirants restent fidèles, pendant toute la
captivité,à la figuremêmedePétain,qu’ilconsidèrecommeleplus importantenFrance:
«entoutcas,l’unanimitéestfaitesurlenomduMaréchal;lagrandemajorité,pournepas
dire tous lesPGsontprêtsà suivresapolitique, sanschercheràdiscuter lepourquoiou le
commentdeschoses104»,«QuelquesaspirantsexprimentleurattachementàPétain105»ou
encore,«Nousn’avonsqu’unseulchef:leMaréchal106».
Si la figure du Maréchal reste toujours aussi majeure pour les aspirants, c’est son
représentant officiel au camp, le général Didelet qui subit les répercussions de cette
nouvellevisiondumouvementPétainparlesaspirants.Eneffet,deplusenplusd’aspirants
perdentlaconfiancequ’ilsontpourlegénéral,notammentparl’échecdel’expérience,qui100FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN101DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.331102SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.57103CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN104SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN105CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN106CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu27juillet1944,27/07/1944,F/9/2912,DSPG,AN
81
leur avait pourtant été présentée, par le général lui-même, comme ne pouvant échouer.
L’intensité qu’ilmit à la collaboration lui est également défavorable, particulièrement par
certains propos qu’ils avaient pu tenir, ce qui eut un impact sur les aspirants: «(ils)
doutèrent quelque peu des aptitudes politiques de leur chef.107». Par la suite, il disparut
graduellementdelaviemêmeducamp:
«Legénérallui-mêmeperditprogressivementtoutsondynamisme.Tousceuxquil’ontconnudeprèsont
été extrêmement frappés du changement qui s’opéra dans son comportement. Il avait eu sans doute la
déceptiondevoirquelesprisonniersnesuivaientpastoussesconseils.Maiscefutévidemmentl’évolutiondela
guerre qui le toucha le plus. (…) Il se désintéressa pratiquement de la vie du camp à partir de 1943,
n’intervenant que dans des cas très rares auprès des Allemands, laissant en fait la direction des affaires à
l’hommedeconfiancedesAspirantsetàceluidessoldats.108»
Ce comportement de la part de Didelet a probablement été la raison principale à
l’essoufflement et la disparition du Mouvement Pétain, puisque l’abandon total d’un
mouvement par son créateur et son plus important soutien, rajouté à la libération des
membres en charge de son fonctionnement, a probablement été le dernier élément
manquantpourmettre finà tout l’engouementqu’ilyavaitàcemouvement,qui finitpar
disparaître.
B–Unedisparitionpresquetotaledumouvement
Ainsi,diversesraisonsontmenéàlafindel’existencedumouvementPétain,etcela
s’observe,notammentparlebiaisdesdifférentsrapports,produitsentrelesannées1942et
1944,parplusieursprisonniersdeguerre.Eneffet, il estpossibled’observerun très large
contrasteentrelecontenudesrapportssur lavieducampentrelesannées1942,1943et
1944.Danschacundesrapportssurl’année1942,leMouvementPétainestundeséléments
lesplusfournis,enmatièred’informations,surlecasdesaspirants,quecelamentionneles
cercles d’études, la Relève, l’exposition de la Révolution Nationale, ou même le général
DIDELET.Pour l’année1943,celachangequelquepeu,puisque lemouvementPétainn’est
effectivement que très peu mentionné, ce qui concorde avec ce qui a déjà pu être
mentionné,c'est-à-direl’abandond’intérêtpourcedernier,àpartirdecemomentlà.Enfin,
pour l’année1944, il est seulementmentionnépour évoquer le fait qu’il n’est plus qu’un
mouvementfaible,quiexistecertesmaisquin’aplusvraimentniimpact,nieffet,d’aborden
107SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.56108SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.58
82
mars: «Le Cercle Pétain est demoins enmoins actifs109», puis en juin: «LeMouvement
Pétainn’aplusl’activitédudébut110»,enaoût:«Trèspeuoupasdepropagande;ilexiste
unMouvementPétain111»etenfinennovembre1944:«Ilestpratiquementmortdepuisla
libération des animateurs, la presque totalité des aspirants a lâché voyant le vrai but du
mouvement112 ». Cette disparition du mouvement peut également s’observer dans les
publications du camp, puisque dans les éditions de La Francisque, journal officiel des
aspirants,onretrouvaitgénéralementunepageentièredédiéeauMouvementPétainetà
son action. Cependant, en regardant les éditions de Présent, également journal des
aspirants, mais qui fut combiné à celui du Mouvement Pétain, donc qui devrait être
consacré,unminimum,àl’actiondumouvement,rienn’estévoqué,aucuneactivité,aucune
conférence,alorsquel’onsait,parunrapportd’avril1944,quelecerclePétainesttoujours
actif113.Ledésintérêtetl’absenced’informationssurledéroulementduMouvementPétain
montrent donc que la Révolution Nationale n’a plus aucun effet sur les aspirants et la
dynamiqueducamp.S’ilestvraiquedesconférencessonttoujoursorganisées,ainsiquedes
rencontresdecerclesd’études,celaestprobablementdûplusaucaractèreacadémiquede
cesprisonniersdeguerre,quiyvoientlàunautrecoursqu’ilspeuventsuivre,plutôtqu’un
attachementmêmeausujetqu’ils traitent,explorentet recherchent,commec’était lecas
en1941etaudébutde1942.
L’expérienceDidelet a étéun succèspendant ladeuxièmemoitiéde l’année1941,
avec une participation active des aspirants auMouvement Pétain et un véritable intérêt
pour les dossiers de la Révolution Nationale et les idées qui y étaient développées. Les
aspirantsétaientdédiésaumouvementetàsonexpansionetcelacontinuamêmeaudébut
de l’année 1942, avec l’organisation de nouveaux cercles d’études et autres moyens de
réflexions. Le Mouvement Pétain connut même un véritable point culminant avec
l’exposition de la Révolution Nationale, qui permettait, pour la première fois, d’atteindre
109CCPPG,StalagIA,Mars1944,F/9/2912,DSPG,AN110Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN111Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN112Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN113Serviced’accueiletd’informationauprèsdesprisonniers rapatriés,Compte rendude renseignement,Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN
83
cette idée de camp modèle que visait le général Didelet, représentative des idées du
mouvementgrâceauxnombreuxtalentsexposéessurlesstands.
Cependant, cet engouement retombe plutôt rapidement après la fin de l’exposition et,
commeonapulevoir,l’intérêtpourleMouvementPétaindisparaîtaufuretàmesurede
l’avancéedelacaptivitéetdudécouragementdesaspirants,dûàuneabsencederésultats
concrets et positifs pour leur implication au sein dumouvement. Ainsi, en 1943-1944, le
mouvement est presquemort et toute idée de l’Aspilag comme campmodèle a disparu,
faisantducampdesaspirantsunsimplestalagdeprisonniersdeguerre,commelesautres
camps,quiontégalementarrêtédeparticiperauxcerclesPétain.
SI l’échecde l’expérienceDidelet a été vu commeunedéceptionpour les aspirants,mais
qu’ilsontviteoubliépours’occuperàd’autresactivitésde leurcaptivité,cerésultataété
plusdifficileà supporterpour legénéral.Commecelaadéjàétémentionnépar l’aspirant
Silbert,ilaperdutoutintérêtàs’occuperdesaspirantsparlasuite,pensantprobablement
que cela n’avait plus aucun intérêt et a délaissé ses fonctions. Il finit par demander son
transfertpouruncampdegénérauxàlafindel’année1943,oùilfuttrèsmalaccueilli,se
faisantinjurieretmalmener.Ilfitplusieurstentativesdesuicides,persuadéqu’ilseraitfusillé
s’ilrentraitenFrance,et,enmai1945,aprèsavoirétéadmisàl’hôpital,ilmeurtensejetant
d’unefenêtre114.
114SCHWEITZERJoseph(Aspirant),LesuicidedugénéralDIDELET,15/12/1984,72AJ/2633,AS,AN
84
85
TITREIV:LavieintellectuelledesaspirantsL’universitéetsabibliothèque
Lacaptivitéestuneépreuvesouventdifficilepourlesprisonniersdeguerreetilest
nécessairededévelopperdiversesactivités,afindes’occuperlecorpsetl’esprit,pournepas
se démoraliser et tomber dans le désespoir de la captivité. L’undesmeilleursmoyens de
resteralerteestdestimuler l’esprit,cequipeutseréalisergrâceaudéveloppementd’une
activitéintellectuelle.
Cette activité intellectuelle se retrouve dans tous les lieux où les prisonniers de guerre
peuventêtreinternés(stalags,oflags,kommandos)maiselleyévoluedediversesmanières1.
L’élémentqu’ilestpossiblederetrouveràpeuprèspartoutestunebibliothèque,avecou
sans prêts des livres, et même les kommandos peuvent en avoir une à disposition,
généralementparlebiaisdebibliothèquesroulantes,dontunepartiedeslivresestextraite
delabibliothèqueducampouestdueàdesenvois.Àcôtédecela,sansavoirbesoind’un
grande quantité de matériel, il est possible d’assister à des conférences, improvisées ou
préparées dans des lieux où l’activité n’est que légèrement développée, comme pour les
kommandos.Paropposition,dansdesoflagsnotamment,uneuniversitéestsouventcréée,
composée de multiples cours, professeurs et étudiants et occupe la majeure partie du
temps.Cesontlesoflagsquidéveloppentlepluscesuniversités,carilssontceuxquienont
leplusletemps,etc’estcequis’observeégalementaveclecasdesaspirants,quil’organise
pours’occuper.
Cependant, les aspirants sont supposément un cas particulier vis-à-vis de cette activité
intellectuelle, puisqu’elle est au cœurmêmede la création de leur Aspilag: «changer de
formuleetposerl’équationaspirant=étudiant.[…]“Qu’est-cequ’unaspirant,sinonunjeune
hommequelaguerreaarrachéàsesétudespourenfaireunecandidatofficier“2»etelleest
la raisonpour le regroupementde touscesaspirants,auseindumêmecamp.Ainsi, ilest
doncpertinentdesavoircommentlavieuniversitaire,objectifprincipaldelamiseenplace
de l’Aspilag, s’est développée à l’intérieur du camp et si elle a été un élémentmajeur et
caractéristiquedel’expériencedecaptivitédesaspirants.
1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.2892MAZET Robert, «Les souvenirs du Capitaine-Recteur », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.79-80
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I–L’universitédesaspirants:unemiseenœuvrecompliquée
Si le camp des aspirants a eu comme raison officielle d’être créé pour devenir un
campuniversitaire,celaprenduncertaintempsetamènedenombreusescomplications.
A–Unlongdémarragedel’activité
Selon des documents officiels, et notamment des échanges de l’ambassadeur
SCAPINIaveccertainesautoritésallemandes3ouaveclegénéralHUNTZIGER4,laréuniondes
aspirantsdansuncampavecseulementdessoldatsdumêmegradeétaitdueaufaitqu’ils
étaientpourlaplupartdesétudiants,etqu’ilsdevaientdoncavoirlapossibilitédecontinuer
leursétudesencaptivité.Cependant,commeonadéjàpulevoir,ledébutdelacaptivitédes
aspirants s’apparentait plus à une idée de camp de représailles et ainsi, cela a retardé la
possibilitédedévelopperl’université.
Avant l’arrivée des aspirants, le stalag IA n’était pas un camp avec une activité
intellectuelle trèsdéveloppée: aucuneuniversitén’existait et la seule traceque l’onpeut
remarquerest le casd’unesallede lectureavec trèspeude livresàdisposition5etquine
s’enrichittoujourspasparlasuite6.Ainsi,lesaspirantspartentderienlorsqu’ilsarriventau
stalagetcréenttoutedesuiteleuruniversité.Cependant,cetteactivitéestmiseendifficulté
par les sanctions de représailles quemet en place le colonel Hartmann, commandant du
camp.Eneffet,silesjournauxfrançaisdécrivent,semble-t-il,l’universitédeStablackcomme
une université modèle dès le début7, la réalité en est très éloignée. En réponse à de
nombreusesévasions,lecolonelHartmannimposedessanctionsauxaspirants,setraduisant
généralementparlasuppressiondel’activitéuniversitaire.Ainsi,selonl’aspirantGaboriaud:
«Onpeut résumer le travail universitaire, de l’armisticeà Juin1941, c’est-à-dire11mois:
strictement impossible8.». Le campuniversitairen’estdoncqu’un campde représaillesau
débutdelacaptivitédesaspirants.
3MinistèreAllemanddesAffairesÉtrangères,MémorandumenvoyéàSCAPINI,24mai1941,Berlin,F/9/2272,MissionScapini,AN4HUNTZIGER Charles, Lettre envoyée àMonsieur l’Ambassadeur SCAPINI, 22 janvier 1941, Vichy, F/9/2272,MissionScapini,AN5ConsulatAméricain,StalagIA,27/08/1940,Königsberg,F/9/2880,DSPG,AN6ConsulatAméricain,StalagIA,30/09/1940,Königsberg,F/9/2880,DSPG,AN7GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN8 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN
87
La situation change avec l’arrivée du Général Didelet, commandant en charge des
aspirants, qui tente rapidement d’améliorer les conditions de vie de ces prisonniers. Il
s’intéressenotammentaudéveloppementdeleurvied’étudiants:«Aumoisdejuillet1941,
ungénéral (legénéralDIDELET) futenvoyécommedirecteurducampdesAspirants.Notre
camp fut alors plutôt considéré comme un camp d’étudiants9», «À son arrivée, M. Le
Général DIDELET put, grâce à son influence, obtenir de substantielles améliorations
matérielles10». À partir de cette période, l’université se développe rapidement, avec une
participationdesAllemandspouraideràsonbonfonctionnement,ainsiqu’uneassiduitéau
cours,maiscelaestdenouveauinterrompuparlecolonelHartmann.Àlasuitedenouvelles
évasions,ilsanctionnelesaspirantsenleursupprimantànouveaul’université11etlorsquele
campestdansun«régimefavorable12»,c’est-à-direqu’iln’estplusvéritablementconsidéré
comme un camp de représailles, elle se retrouve tout demême paralysée par le régime
qu’impose l’Oberst, avec notamment de nombreux appels dans la journée, qui
interrompent, à de multiples reprises, les cours des aspirants13. Cela nous permet donc
d’observerque, si le campaétédésignécommeuncampuniversitairedès ledébutde la
captivité au IA des aspirants, la réalité des faits n’est pas lamême. Il a fallu une longue
périoded’adaptationentrelesautoritésallemandes,françaisesetcesprisonniersdeguerre,
pourque leuractivitépuisseréellementsedévelopperetpermettreainsiauxaspirantsde
véritablementcontinuer leursétudes.Unrapportd’unprisonnier rapatriépermetdenous
apprendre que c’est au début de l’année 1942 que l’activité universitaire démarre
complètement et à partir de cette période, elle continue de s’amplifier et de s’enrichir,
jusqu’à«changercomplètementdecaractère»etdevenir«uncampuniversitaire»etnon
plussimplementuncampdesaspirants14.L’universitédesaspirantsestdoncvéritablement
lancée mais il existe encore de nombreux problèmes pour qu’elle puisse fonctionner
correctement.
9DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN10SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN11GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN12GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN13BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN14BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
88
B–Unbesoinderecruteruneéquipeprofessorale
Unefoisquel’universitéestlancée,lanouvelleétapeàréaliserestlerassemblement
de professeurs pour permettre l’enseignement des cours et des conférences et cela peut
s’avérer compliqué puisque cette université cherche à être amplement diversifiée, pour
permettre à tous les étudiants de travailler leurs cursus, que cela soit des domaines
généraux(droit,lettre,sciences)ouplusspécifiques(beaux-arts,technique).Celademande
doncdechercherdesprofesseursappropriéspourlesaspirants,maisquisoientégalement
disponibles et acceptables pour les autorités allemandes, qui valident les choix et les
transferts.
Toutd’abord, les responsablesde l’université, etnotamment le généralDidelet, se
tournent vers les officiers pour le recrutement, puisqu’ils sont considérés comme les plus
appropriés pour enseigner aux aspirants: «la tradition de l’armée française veut que les
officierseux-mêmessoient lesguidesimmédiatsdecesjeunescompagnonsd’armes15».Ce
choixs’expliqued’autantplusparlefaitquecesontdanslesOflagsquelesuniversitéssont
véritablementdéveloppées16:«LagammedestalentspédagogiquesréunisdanslesOflags
apermisd’organiserdescyclescompletsdepréparationàlalicence,voireàl’agrégation17.»
Ce développement notable est probablement dû au fait qu’ils ont plus le temps que les
hommes de troupe pour enrichir ces universités, et de plus, leurs professions avant la
captivité aident également pour cette activité, puisqu’on retrouve dans certains de ces
camps,desprofesseursassezéminents,telquedesprofesseursdelaSorbonne18.Ainsi,les
responsablesdel’universitérecrutentcesofficierspourleurscompétences,etfontdoncde
multiplesdemandespour les recevoiret ils semblentquecelase fasseaisément.Eneffet,
plusieurstémoignagesd’aspirantsmentionnentlesarrivéesdecesofficiersaudébutdeleur
captivité:«quelquesofficiers(universitairesdanslecivil)furentextraits19»,«professeursde
15SCAPINIGeorges,Lettreàl’AmbassadeurOttoABETZ,30avril1941,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN16X–SDPG,ListedescampsenAllemagnedanslesquelssontorganisésdesUniversités–CoursetConférences,SD,LieuInconnu,F/9/2310MissionScapini,AN17DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29018X–SDPG,ListedescampsenAllemagnedanslesquelssontorganisésdesUniversités–CoursetConférences,SD,LieuInconnu,F/9/2310MissionScapini,AN19ROUXMichel,Grandeur(?)etservitudesmilitaires:1939etlasuite(ou...«Uninnocentdanslatempête»:récitanecdotique),1996,p.38
89
valeurs venus de différents oflags20», «des professeurs vinrent des oflags21». Cependant,
d’autresdocumentspermettentdevoirqu’ilyatoutdemêmeeucertainescomplications
danscerecrutement.En1942,unrapportmentionneque:«Lapénuriedesprofesseursest
assez grande, surtout en droit, où il n’y a pas un seul agrégé22». On observe également,
qu’en 1943, après le développement de l’université et pendant sa période de bon
fonctionnement, il reste tout de même des officiers professeurs manquants, notamment
certainsquiontétérecrutésmaisquin’étaientpourtanttoujourspasarrivés23.
Les officiers sont donc une ressource utile et intéressante pour les responsables de
l’université, qui n’hésitent pas à les recruter quand ils en ont besoin, mais l’université
demande un certain nombre de professeurs, dû à une activité intensifiée, et il n’est pas
possible de recruter trop d’officiers. Ainsi, ces responsables se tournent vers une autre
ressource à leur disposition, c'est-à-dire les aspirants eux-mêmes. En effet, si le concept
original est de regrouper ces aspirants car ils doivent continuer leurs études, en réalité,
seulementunquartétaitvéritablementencoredesétudiantsavantledéclenchementdela
guerre24.Néanmoins, les autres aspirants, âgésde20à40 ans, exerçaientuneprofession
avant la captivité, et une grande partie était constituée de professeurs, que cela soit des
instituteurs pour le niveau élémentaire ou des professeurs de lycées, d’universités ou de
grandes écoles25. Ces aspirants peuvent donc être recrutés, en même temps que les
officiers, commeprofesseurspour l’université, et selon certains témoignages, ils semblent
convenirpourleposte:«Enchaquematière,desprofesseurscompétentsagrégés,licenciés
ontpuêtretrouvés,auseindesaspirants26».
L’université regroupe donc à la fois des officiers et des aspirants,mettant ainsi en
avantunecertaineélitedesmembresuniversitaires,cequipeutpermettredecomprendre
pourquoicetteuniversitédestalagapuêtreplusmiseenlumièrequed’autres,notamment
20LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DRÉCOURT Roger, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN22FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN23X–DélégationdeBerlin,StalagIA,27/03/1943,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN24SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(II)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,8eAnnée,No.29(Janvier1958),p.4925X–CampdesAspirants,«Cahiersdesprésentsaucamp»,1941-1945,STALAGIA,72AJ/2632,AS,AN26DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN
90
dans des journaux27 , ce qui peut s’expliquer à nouveau par ce statut particulier des
aspirants,dontlecaractèreuniversitaireestdécisif.
C–Unmanquedemoyensàdispositionpourlesétudiantsaspirants
Enfin, si l’université amis un certain temps à se développer correctement, dû aux
problèmesderecrutementetdecompatibilitéaveclerégimedecaptivité,ilresteundernier
problèmeàréglerpourréellementobtenirunbonfonctionnement: l’espaceetlematériel
nécessairepourmeneràbiencetteuniversité.
En effet, comme cela a déjà pu être remarqué, l’université n’existait pas avant
l’arrivée des aspirants, seule une salle de lecture existait, et les aspirants doivent donc
trouver un moyen de faire cours aisément, ce qui demande un certain espace et un
minimum de matériel, puisque de nombreux professeurs sont présents pour assurer de
nombreux cours. Pour l’espace, le début de l’université offre une installation plutôt
rudimentaireetpeupratiquepour ledéroulementdes cours: «dansun local réservéaux
loisirs,etqui,àd’autresheures,abritaitacteursetmusiciens,quelquescouvertures tendus
délimitaient symboliquement des salles de classes sans sécurité acoustique28». C’est avec
l’arrivée du général Didelet que la situation s’améliore pour les prisonniers puisqu’une
baraqueestmiseàleurdispositionavecseptsallesaménagéespourlesdifférentscours29et
ils conservent cette baraque tout au long de la captivité30. Cependant,même s’il dispose
d’un espace, celui-ci reste quelques fois trop petit pour véritablement permettre à
l’universitédefairetoutcedontelleabesoin,commepourlecasdunombreimportantde
cours : «Le petit nombre de locaux dont nous disposons, ainsi que celui des professeurs
qualifiés, nenousapaspermis et nenouspermet toujourspasd’organiser deux sériesde
coursparallèles,l’unepourlaLicence,l’autrepourl’Agrégation31».Cettevolontédefaciliter
lacaptivitéenmenantuneactivitéintellectuelle,telqu’uneuniversité,estdoncfreinéepar
27 GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,ANX – Délégation de Berlin, «Rapport pour Monsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN28X–STALAGIA,«L’universitédesAspirants»,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,29X–STALAGIA,«L’universitédesAspirants»,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,30X–CICR,StalagIA,05/05/1944,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN31MAZETRobert,LettreàM.leSecrétaired’Étatàl’ÉducationNationale,08/04/1942,F/9/2912,SDPG,AN
91
lesconditionsmêmedecettecaptivité,quiempêchedevéritablementavoiraccèsàcedont
lesprisonniersdeguerreontbesoin.
L’espace est donc un des problèmes qui touche l’université, et à celui-ci se rajoute
également leproblèmedumatérielmisà ladispositiondesprofesseursetdesélèvespour
meneràbien leursétudes.Eneffet, audébutde la captivité,on retrouvedenombreuses
demandespourunenvoidematériel,diversetvarié,pourl’université.Lemanqueprincipal
qui s’observe est celui dematériel concret, tel que du papier, des crayons oumême un
tableaunoirpourpouvoirenseignerdemanièresommaire.Onobserveceladèsledébutde
l’université, en juin 1941, où les aspirants ne disposent pas de livres, de cahiers ou de
papiers,cequientrainent,poureux,uneimpossibilitédetravailler32.Selonunautrerapport,
lepapierneseraitarrivéqu’enaoûtpourlesaspirants,alorsquedesimagesontétéprises
d’eux,pourun filmdepropagande,avecdes sallesdeclassesgarniesde tout cedont ces
étudiantsontbesoin33.Celapermetdoncd’observerquelesautoritésallemandesdisposent
eneffetdecesélémentsdontlesprisonniersdeguerreontnécessitépourpermettrelebon
fonctionnementde leuruniversité,puisqu’ilsont lapossibilitéde l’utilisercommeobjetde
propagande, mais il n’est tout de même pas distribué. Cette situation paraît d’ailleurs
étrange aux yeux des aspirants et de leurs responsables, notamment au regard de la
perceptionquiestdonnéed’euxetdeleuruniversité,dumoinsenFrance.L’universitédes
aspirantssembleavoir servidemoyendepublicitéetdepropagandepour lacaptivité,en
France,etlesaspirantsconsidèrentdoncqu’ilsdevraientenêtrerécompenséenéchange:
«LaréclamefaiteenFranceàl’Aspirantlager,alaissésupposerauxprofesseursdel’UniversitédeStablack
queleurcampserait,delapartdesAutoritésuniversitairesfrançaises, l’objetd’unesollicitudeparticulière. Ils
ontcruassezlongtempsqueM.leSecrétaired’Étatàl’Éducationnationaleleuraccorderaituneattentiontoute
spécialeetqu’illeuradresseraitenréponseàleurscommunicationsetsuggestions…uneindication34»
La situation particulière des aspirants leur laisse donc penser, en quelque sorte, à un
traitementdefaveur,depart leurgradeparticulieret leurcampuniversitaire.En1942, les
responsables de l’université des aspirants font de nombreuses demandes de matériel
spécifique, notamment pour les artistes du camp et leurs cours d’université, alors que la
situation est pourtant assez particulière: «Je n’ignore pas que l’envoi de papiers n’a pas
32X–AmicaledeStablack,«Rapportsurlaviedesaspirants»,SD,LieuInconnu,72AJ/2623,AS,AN33GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN34X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN
92
encoreétéautoriséparlesAutoritésallemandesmais,étantdonnélesconditionstout-à-fait
particulièresdu campd’Aspirants, j’estimequ’unedérogationpeut-être faite35».Quelques
semaines plus tard, ils reçoivent une réponse positive, en même temps que d’autres
camps36.Ainsi, s’ilsonteffectivementpu recevoircequ’ilsavaientdemandéetcedont ils
avaientbesoin,celan’apasétédûàuntraitementdefaveurpourcesaspirants,pourtant
caractérisés explicitement commedes étudiants, dansun camp créé comme tel,mais par
une simplemise à disposition de fond pour les prisonniers de guerre. Par la suite, il est
possible de continuer à observer cette absence de traitement de faveur, puisque les
aspirants continuent à manquer de matériel pour l’université. Ainsi, en 1943, plusieurs
rapportsmentionnentànouveaucesinsuffisances:«LeCapitaineMAZETfaitobserverque
lemanquedepapierordinaire,cahiersetcraiescomprometdefaçonsouventangoissantela
bonne marche de l’université37» ou encore «On demande des livres scientifiques et du
papierpourl’université38».Onpeutd’ailleursobserver,selonlesdifférentesréponses,que
l’aide ne vient pas des autorités françaises ou allemandes mais de comités d’aide aux
prisonniers de guerre, généralement par le biais de dons, et celamontre donc que c’est
grâce à la solidarité que les prisonniers de guerre ont pu développer leur activité
intellectuelle.
Ainsi,aprèscesmultiplescomplicationsrencontréesparlesaspirantspourmettreen
œuvreleuruniversité,lasituationsestabilise,pourmener,parlasuite,àundéveloppement
plutôt intense et un grand rendement, marquée par une participation plutôt importante
d’unegrandepartiedesaspirants.
II–Undéveloppementconséquentdel’université
L’université rencontre donc de nombreux problèmes à ses débuts, mais une fois
qu’elle est correctement lancée, elle mène à un rendement conséquent et à un
développementnotable.
35SCAPINIGeorges,LettreàMonsieurlePrésidentduCCAPG,21/21/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN36X–CCAPG,LettreàSonExcellenceM.GeorgesSCAPINI,04/02/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN37X–DélégationdeBerlin,StalagIA,27/03/1943,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN38X–CICR,StalagIA,06/03/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN
93
A–Uneparticipationenthousiasteetvariée
À partir de la fin de l’année 1941, l’université de l’Aspilag connaît une certaine
prospérité et cela est particulièrement dû au nombre important de membres que l’on y
retrouve.Leconceptoriginalpourlacréationdecetteuniversitéestunevolontéderéunir
desaspirantsquisonttousdesétudiantsayantdûarrêterleursétudesàcausedelaguerre.
Silaréalitéestdifférente,puisquelesétudiantsnesontenfaitqu’unnombreminimedeces
aspirants,celan’empêchepasqu’unegrandepartiedecesprisonniersdécidederejoindre
l’université, même s’ils n’en ont pas expressément besoin: «s’il existe une certaine
proportionassez importanted’étudiantsdu type “ candidat sérieux–méritede réussir“, il
faut ajouter qu’il y a aussi beaucoup d’amateurs qui se cultivent avec une plus oumoins
grande régularité». Ce document permet d’ailleurs de nous donner des chiffres sur les
inscriptions pour l’université, dans le cas de l’activité avant septembre 1943: «Nombre
d’étudiantsinscrits:1120totalisant2043inscriptions39».S’ilyaeffectivementunnombre
conséquent d’inscriptions à cette université, cela ne semble pas être une université
complète pour ses responsables, qui considèrent qu’il est possible d’inscrire d’autres
étudiants. Ainsi, l’université est également ouverte pour des prisonniers de guerre qui
doiventprouverleurstatutd’étudiantsavantlaguerre,pourpouvoirobteniruntransfertà
Stablack. Selon un rapport de 1942, il semble y avoir 380 demandes de prisonniers de
guerre, réparties entre 25 camps de prisonniers et qui regroupent divers types de cursus
(droit,lettres,beaux-arts,etc.)40.Lechoixpourcesprisonniersétaitd’abordfaitenfonction
de la localisation, les prisonniers du stalag IB étant pris en priorité, et par la suite, les
autoritésallemandesdécidaientquipouvaitrejoindrelecamp41.Selonunrapportdatantde
l’annéed’après, lecampcompte200étudiantsnonaspirants42,cequidémontreainsique
plusdelamoitiédesprisonniersdemandantuntransfertontpul’obtenir,enrichissantainsi
encoreplus l’université.C’estparcetteactionque lecampdeStablackpeutofficiellement
obtenirsontitrede«campuniversitaire»43,qu’ilgarderajusqu’àlafindelacaptivité.
39SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN40Inspecteur Général de l’Instruction Publique DESFORGE, Récapitulatif des étudiants prisonniers de guerreproposéspourlecampdeStablack,28/02/1942,Paris,F/9/2310,SDPG,AN41BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN42SecrétariatdesAspirants,Situationducampàlami-avril1943,Avril1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN43SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.29
94
Pourgardercettedénomination,cetteparticipationconsidérableestcomplétéeparune
listedeprofesseursplutôtfournie,avecunequantitéimportanted’officiersetd’aspirantsen
chargedesdifférentscoursprévuspourl’université.Lesrapportssontcependantdivergents
àproposdunombredeprofesseurspourl’université:unmentionnequ’ilyavaitenviron60
professeurs44,unautrementionneque«Pour136professeurs,ilyaentout155élèves45»,
cequine semblepasêtreenaccordavec lesautres rapportsdéjàexaminésàproposdes
élèves, ouencoreundernier rapport, beaucoupplusdescriptif,montrant155professeurs
pour les quatre différentes facultés de l’université46. Si les chiffres ne semblent pas se
coordonner,on sait toutdemêmequecesprofesseursétaientassezvariés,demanièreà
assurertouslescoursquepouvaitproposerl’universitéetdontavaitbesoinlesétudiants.Ils
étaientégalementassezqualifiés,puisquel’universitéregroupaitdesétudiantsduniveaude
baccalauréat jusqu’audoctorat, et principalement, desmembres d’écoles supérieures47. À
partirdelà, l’universitépeutdoncassurerunfonctionnementefficaceetcompletpourses
étudiants,ponctuédediverscoursetautresactivités.
B–Uneuniversitéfournieetcomplète
Unefoisquetouslesdifférentsélémentsnécessairesàunenormalisationdel’activité
de l’universitésontréunis, ilestpossibledecommencer l’activité,quidevientplus intense
aufuretàmesuredesmoisetcelaestprincipalementdûàlagrandediversitédecoursetde
conférencesquilacompose.
L’universitédeStablackregroupe,d’unecertainemanière,touteslesgrandesécoles
et facultés dans lequel les étudiants pouvaient étudier, lorsqu’ils étaient en France, pour
ainsi leur permettre de suivre tous les cours dont ils ont besoin, mais aussi auxquels ils
veulent assister en tant qu’auditeur libre. On retrouve, dans différents rapports, de
nombreuxchiffresàproposdecetteuniversité:«247coursprofessés,dontladiversitéest
extrême,puisqu’ilsvontde l’ÉpigraphieGrecqueauJaponais,enpassantpar laMécanique
44X–STALAGIA,«université»,S.D.,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN45X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN46X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN47X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN
95
OndulatoireetlaCivilisationmusulmane48»,«250coursprofessésparsemaine49»,«1829
heuresdecours,conférencesoutravauxpratiquesontétédonnées,réunissantuntotalde24
948 présences contrôlés d’étudiants et d’auditeurs 50 » En plus de la quantité plutôt
significativedecours,onpeutégalementvoirqu’ilssontassezbiendiversifiés,puisquesion
peut observer des formations générales, tel que du droit, des sciences, des lettres, de
l’enseignement technique ou encore des beaux-arts 51 , on peut également considérer
certains autres cours assez particuliers, tels que des cours d’assurance52 , «des cours
commerciaux, des cours de préparation à l’Inspection des Finances ou aux Affaires
coloniales53»etmêmedel’enseignementagricole,professépardesingénieursagronomes,
malgrélemanqued’élémentsdetravail54.Unautreenseignement,assezmajeurégalement,
se développe au sein de l’université, à savoir l’enseignement religieux. En effet, les
séminaristes occupent une place dans l’université et créent une section particulière pour
leurenseignement:«Ilyavaitparmi lesAspirantsunecinquantainedeséminaristes. Ilsse
groupèrenttrèsvitesousl’autoritédeprêtresqualifiéspourcontinuerleursétudes.Rejoints
pardes“étudiants“,ilsconstituèrenten1942unvéritableséminaire,deplusde100élèves,
dont les cours et les examens réguliers furent reconnus par la plupart des diocèses de
France55». Enfin, il était également possible de suivre une activité sportive, en tant que
coursde l’Université,notammentavec l’Institutd’ÉducationPhysique,qui formaitcertains
aspirants sur les techniques et tactiques du sport, dans le cas d’une aspiration à devenir
professeur d’éducation physique 56 . L’université est ainsi assez complète dans sa
constitution, ce qui est bénéfique pour ses étudiants, qui ont donc un grand choix
d’occupationsauseindecetteactivité.
48SecrétariatdesAspirantsrapatriéesduStalagIA,L’universitéduStalagIA,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN49SecrétariatdesAspirants,Situationducampàlami-avril1943,Avril1943,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN50X–SPDG,StalagIA,11/05/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN51X–CampdesAspirants,Listedesprofesseursdel’annéeuniversitaire1942-1943,S.D.,Stablack,72AJ/2633,AS,AN52CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu20avril1944,20/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN53FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN54DAVID Louis, FOHRER Henri, LAFONT Joseph, Stalag IA – Rapports de trois aspirants, 26/08/1941, LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN55SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5256LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN
96
Pour véritablementpermettre la réussitede cetteuniversité, ilmanqueundernier
élément essentiel pour les professeurs et les élèves, c'est-à-dire la bibliothèque de
l’université, utile pour se procurer des manuels ou des livres, pour approfondir ses
connaissancessurlesujetétudié.Elleaconnucertainsproblèmesaudébutdelacaptivité,
puisqu’il pouvait être dangereux d’y rester trop longtemps, à cause de conditions
défectueuses de logement et d’alimentation: «celui qui irait au delà (de 4 à 5 heures)
risquerait de compromettre gravement sa santé 57 ». Par la suite, la situation semble
s’améliorer:elleestbienchaufféeetestmêmerepeintependantl’été194258,cequiprouve
ainsiqu’ungrandsoinluiestaccordée,dûprobablementàuneutilisationintensiveparles
aspirants. Cela peut s’expliquer par le fait que c’est une bibliothèque très bien fournie,
alimentée par la Croix-Rouge59, par desmises en commun d’aspirants60ou des envois de
livres depuis la France61. Elle compte environ 3 000 livres (ce qui est considéré comme
insuffisant selon un rapport)62et se compose d’ouvrages plutôt divers, avec des livres de
droit, de musique, d’histoire-géographie, de français, de sciences, de mathématiques, de
latin,dephilosophieouencoredeslivressurl’agriculture63.Sielleestmoinsfourniequela
bibliothèqueducamp,quiaquelquesmilliersdelivresenplus,maisquileséchangeavecles
kommandos, par le biais d’une bibliothèque roulante64, elle est tout de même spéciale,
puisque c’est une bibliothèque universitaire spécialement réservée pour les étudiants de
Stablack. Elle possède une salle de lecture d’environ 200 places, pour permettre aux
aspirantsd’ytravailleraprèslescoursetavantlecouvre-feu,maiségalementunservicede
prêts65,pourdonnerlapossibilitéauxaspirantsdetravaillerenpleinairoudansleurpropre
baraque.
57FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN58SecrétariatdesAspirants,«Situationducampaudébutdedécembre1942»,09/12/1942,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN59DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1760SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7161LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN62X–SDPG,CampdesAspirantsdeStablack,29/07/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN63X, Livres d’études et divers se trouvant en rayon à la bibliothèque du camp le 12 avril 1944, 12/04/1944,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN64 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,09/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN65X–STALAGIA,«BIBLIOTHEQUE»,SD,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN
97
Photographiedelabibliothèqueuniversitairedel’Aspilag66
Les aspirants possèdent donc tous les éléments nécessaires à un fonctionnement
idéal et accompli de leur université et du déroulement de leurs études, bien qu’étant en
captivité. Leur activité est très réussie, au seinmêmedu campet il y adoncune volonté
d’étendrecetteréussite,àl’extérieurdesbarbelés.
C–Uneextensionaudelàdesbarbelésducamp
L’universitéducampadoncuneactivitériche,entermedecoursetdeconférences
professés,etelles’enrichitencoreplus,parlebiaisd’undéveloppementendehorsducamp.
Lepremieraspectdecetteextensiondel’universitéestminimemaisilatoutdemêmeune
certaine importance,puisque l’universités’étend jusquedansdeskommandos,par lebiais
de cours par correspondances ou de corrections de devoirs, pour pouvoir aider les
prisonniers concernés, qui sont obligés de travailler. Ces cours ne sont qu’une éducation
élémentaire, que l’on retrouve dans plusieurs camps et kommandos: «L’enseignement
donnédans lesuniversitésdesStalagsetparfoisdans leskommandos–visenotammentà
l’alphabétisation et au développement des connaissances “ primaires“ des prisonniers de
66X–AmicaledeStablack,Photographieducamp,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN
98
guerrequiavaienteuunescolaritéinsuffisanteavantlaguerre67».Onpeutdoncvoirquele
niveau requis pour ces cours est assez faible, bien différent des cours professés pour
l’université, mais tout de même très important, car ils permettent «d’apporter quelque
assistance à des camarades plus défavorisés par le sort68», comme avec la validation du
certificatd’étudesprimaires(CEP),observéepourcertainskommandos69.
Enparallèledecescours,l’universitéaconnuuneautreexpérience,beaucoupplusmajeure
parrapportauxactivitésdecaptivité,etquipeutêtreconsidéréecommeundeséléments
vraimentoriginauxquinesemblecaractériserque l’Aspilag:«une liaison futétablieentre
l’université du camp et celle de Königsberg. Elle fut inaugurée en novembre 1941 par une
conférence d’un professeur de philologie romane sur “Victor Hugo vu par un philosophe
allemand“70».Cejumelageimpliquaitprincipalementdesconférencesdonnéesparcertains
professeursdecetteuniversitéàcelledeStablacketceladurapendanttoutel’année1942
et194371.Selondifférentstémoignagesobservéssur lesujet,onsaitquechaquesemaine,
undesprofesseursdeKönigsbergvenait faireuneconférenceen français72, surdes sujets
particulierschoisisparlesaspirantsetenrapportavecdescoursdontilsconsidéraientque
les idéesallemandesavaientmatièreàêtreenseignées73, telque«la conceptionde l’État
National-Socialiste 74 ». Ce jumelage pouvait également fonctionner dans l’autre sens,
puisque certains des étudiants aspirants de Stablack ont pu aller visiter l’université de
Königsberg à la fin de l’année 194275, démonstration donc d’une collaboration forte et
prospèreentrelesdeuxuniversités.Lesconférencesnesontpaslesseulsrésultatsdecette
collaboration,puisque lesaspirantspeuventégalementobtenirdumatériel :«liaisonavec
l’université de Königsberg pour l’envoi de livres allemands et du matériel physique
demandé76»,«en joignantaumatériel fournipar l’universitédeKönigsberg77»,«prêtsde
67DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29268LeTraitd’Union,N°175-176-177,Pâques1942,72AJ/2633,AS,AN69Rapportdel’hommedeconfiancedukommandoE13àl’hommedeconfianceprincipal,juin1943,Stablack,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN70SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5071X–STALAGIA,«Université»,S.D.,LieuInconnu,F/9/3438,ArchivesdecampSTALAGIA,AN72SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN73BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN74CCPPG,StalagIA,29/03/1943,F/9/2912,DSPG,AN75LaFrancisque,N°4,Samedi31janvier1942,F/9/2893,DSPG,AN76X–SPDG,Lettreàl’Ambassadeur,07/10/1941,Berlin,F/9/2287,MissionScapini,AN77SCAPINI Georges, Lettre à M. le Secrétaire d’État à l’Éducation Nationale, 13/11/1941, Paris, F/9/2287,MissionScapini,AN
99
livres78».Onvoitdoncquecetteliaison,enplusd’avoircontinuépendanttoutelapériode
d’activitéintensedel’université,aétéextrêmementbénéfiquepourlesaspirants.Celaleur
apermisd’obtenirdesélémentsqued’autresn’ontpaspuavoirdans leursuniversités,et
surtout, ils ont bénéficié de conférences toutes particulières, auxquelles ils ont, pour un
large nombre, trouvé un grand intérêt. On peut contempler l’enthousiasme des aspirants
face à cette collaboration par différents témoignages personnels, qui mentionnent cette
liaisonaumilieudetous leurssouvenirssur lacaptivité79,preuvedoncquecelaaétéune
activitémarquanteetquimérited’êtreconservé.
L’universitéadoncétéuneactivitéenrichissanteetcaptivantepourlesaspirants,qui
leur a permis, de plus, de vivre certaines expériences qu’ils ne pouvaient trouver qu’en
captivité.
III–Labaissed’activitéetledéclindel’université
Lacaptivitéetlaguerreonttendanceàmeneraudéclindenombreusesactivités,et
l’activitéintellectuelledel’université,pourtantmajeureauseindel’Aspilag,n’échappepasà
cesort.
A–Desconditionsdevietropdifficilespourl’université
L’universitédel’Aspilagaconnuunegrandeactivitépendantlafindel’année1941,
ainsi que pendant l’année 1942, permettant aux aspirants de continuer autant qu’ils le
pouvaient leursétudes,ainsiquede s’occuper,parunevie intellectuelle intense,pendant
cette captivité. Cependant, si un maximum a été fait pour permettre aux aspirants de
travaillerdanslesmeilleuresconditionsmalgrécettecaptivité(baraquespéciale,matérielde
travail, jumelage avec une université à proximité, etc.), ils rencontrent tout de même
plusieursobstaclesaubondéroulementdeleuruniversité.
78LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN79PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,ANDURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.15SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.72DELASSUSJacques,Lettreécritpourl’AmicaledeStablack,04/03/1989,Poitiers,73AJ/2633,AS,AN
100
Toutd’abord,l’undesprincipauxproblèmesquiseposepourcetteuniversité,etque
l’onretrouveracommecomplicationàdenombreusesreprisesparlasuite,estleproblème
duclimat.L’AspilagestsituéenPrusseOrientale,zonetrèsà l’Estetmarquéeparunfroid
généralementintense,etcelapeutparfoiscompliquerlasituation,dedifférentesmanières:
quecelasoitpar lemoral,«Lesrigueursduclimatde laPrusseOrientaleontcontribuéen
outrependantl’hiveràentretenirlemécontentement80»,parunproblèmetechnique«Par
suitedumanquedechauffage,lescoursdel’universitéavaientétésuppriméesaumilieude
décembre81 » ou même une simple impossibilité de la situation: «L’université a peu
d’activitésdufaitqu’enhiver,lesconditionsdetravailsontdéplorables(froidetmanquede
lumière)82».Leclimatpeutégalementavoiruneffetinverseetpositif,puisqu’enété,quand
lesoleilestsorti,ilestplusagréabled’allerenpleinairquederesterenfermédansunedes
baraques pour travailler 83 . Ainsi, le climat est un facteur considérable dans le bon
déroulementdelacaptivitédanscecampdeprisonniersetpoursesdifférentesactivités,et
l’universitén’échappepasàceproblème.
Ensuite, le problème que rencontre les aspirants est celui de la captivité en elle-
mêmeetdesadurée:«il fautégalementsignalerqu’avec le temps, intervintunnouveau
facteur:lafatiguedueauprolongementdelacaptivité;celle-ciaprofondémententaméle
belenthousiasmedudébut.Lesfoulesnesebousculentplusàl’entréedescoursetnombreux
sontceuxqui[...]“ontmolli“84.»Ledécouragementsefaitdoncsentirchezcesprisonniers,
dû à une longue captivité, qui s’éternise et certains rapports mentionnent un
«enthousiasmequiesttombéprogressivement85»ouencore«laflammedel’enthousiasme
qui avait paru un moment s’allumer est bien en veilleuse86». Ainsi, la grande activité
universitaire présentée dans des rapports ou des publications a été plutôt brève, et la
captivitéet sesconditionsdevieontassurémenteuun rôledécisif,puisque lesdifficultés
80X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN81X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIA,19/01/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN82 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN83 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,28/06/1944,F/9/2912,DSPG,AN84X–SecrétariatdesAspirants,«L’UniversitéduSTALAGIA»,Septembre1943,Paris,72AJ/2623,AS,AN,85X–DSPG,StalagIA,13/03/1942,LieuInconnu,F/9/2912,SDPG,AN86BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
101
rencontréesetlalongueurdutempspasséencaptivitéentrainentunsentimentd’ennuiet
dedécouragementpourlesaspirants,quipréfèrentseconcentrersurd’autreséléments.
Unautreaspectentreencomptedanscedécouragementdesaspirants:lafinalitéde
leursétudes.L’objectifpoursuiviparcettecontinuationestd’avoirundiplômeàlafin,pour
qu’ilspuissententrerdans lemondedutravailetêtreassurésd’unebonneplace,unefois
revenus. Cependant, pour pouvoir réaliser cela, il est nécessaire d’avoir à disposition une
validationofficielle,cequenefournitpasl’universitépendantlacaptivité.Celan’estpasun
cas isolé car, dans toutes les universités de camp, il fallait passer des concours ou des
examens au retour de la captivité, pour pouvoir valider les examens déjà passés en
captivité87.Ilestdoncmentionnéqueceproblèmeaamenéàune«stabilisationréduite88»
de l’activité et un aspirantmentionne avec ironie dans un rapport: «L’universitémarche
mais on ne peut plus nous donner de certificats ou choses semblables. On nous délivrera
seulement un certificat d’assiduité qui ne nous servira à rien89.». Le terme utilisé ici est
“plus“etnon“pas“,cequipeut fairepenserqu’ilaétépossibleàunmomentdepouvoir
fairevalidercesexamens;celapeutêtremontréparuntémoignagede1942:«publication
desdécisions récentesduMinistèrede l’InstructionPublique, reconnaissantunevaleuraux
copies des examens passés en captivité90»; il est également possible que ces validations
avaient lieu pour le cas d’examens de niveau inférieur, tel que le certificat d’études
primaires, passé par plusieurs prisonniers en kommandos, pendant les cours par
correspondancesdonnésàl’université91.
L’universitéconnaîtdonctoutdemêmedesdifficultéspendantsondéroulement,et
les conditionsde viede la captivité interfèrentdemanière récurrenteen son sein, cequi
entraine un déclin de son activité, auquel se rajoute de plus des complications avec
l’administrationdel’université.
87DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.29288SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN89X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN90BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN91Rapportdel’hommedeconfiancedukommandoE13àl’hommedeconfianceprincipal,juin1943,Stablack,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN
102
B–Uneperteimportantedemembresdel’université
Sicertainesconditionsdeviedelacaptivitéontunimpactsurlebonfonctionnement
del’université,c’estvéritablementaveclesdifférentesactionsdesmembresdel’université,
professeursouélèves,quel’universitéconnaîtundéclin,quimèneàuneactivitétrèsfaible
et beaucoupmoins fournie. Ainsi, deux aspects amènent à cette situation: le départ par
obligationdeprofesseurs,ainsiquedecertainsélèves,et ledépart,volontaire,d’étudiants
aspirants.
Toutd’abord,onpeutobserverlecasdesprofesseursdel’université,essentielsàson
bondéroulementetquidisparaissentpeuàpeudel’université.Commecelaadéjàpuêtre
observé,lerecrutementdecesprofesseursofficiersapuêtredifficile,puisqu’ilafallualler
leschercherdansd’autrescamps,sousréserved’uneautorisationdesautoritésallemandes.
Par la suite, ce sont ces mêmes autorités qui posent problème: «À cette cause de
découragements’ajoute le faitqueplusieursprofesseursontdûquitter leurs fonctions soit
pour raison de santé, soit par ordre de la Kommandantur qui a fait interner dans une
baraque spéciale 4 professeurs jugés susceptibles de s’évader92.». La suspicion, toujours
importantepour lesAllemands,etnotammentdans lecampdesAspirants,dontungrand
nombreatentédes’évader,empêcheànouveaulabonnetenuedel’université,commece
fut lecasaudébutdesonexistence,avec les sanctionsde représailles.Audelàdu faitde
simplement enfermer ces professeurs pour un temps, interrompant ponctuellement un
certainnombredecours,ilexistecertainscasplusradicauxderenvois,sansraisondonnée,
des officiers dans leurs anciens camps, sans même avoir pu finir les cycles d’études
commencés,commecefutlecasen1942et194393.Ilpeutégalementarriverquecetarrêt
de cours soit simplement dû au rapatriement des professeurs pour la France94mais de
manière générale, on peut surtout observer que les allemands ne semblent pas vouloir
garder pendant trop longtemps certains professeurs. Il semble néanmoins impossible de
savoirsilerenvoiestdûàuncomportementparticulierduprofesseurdésigné,aucoursqu’il
professe à l’intérieur du camp, et qui a pu ne pas plaire aux allemands ou si cela est
simplement le faitdeproblèmes internesaucamp,dont leprisonnierrenvoyén’estpas la
cause.Cedépartd’ungrandnombredeprofesseursentrainecependantunralentissement
92X – Délégation de Berlin, «Rapport pourMonsieur l’Inspecteur Général DESFORGE», 15/04/1942, Berlin,F/9/2912,SDPG,AN93CCPPG,Rapportquotidiendu22avril1943,22/04/1943,F/9/2912,DSPG,AN94CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu20avril1944,20/04/1944,F/9/2912,DSPG,AN
103
des cours, puisqu’il est nécessaire de trouver des remplacements ou de quoi occuper les
aspirantsquisuivaientlescoursdesprofesseursrenvoyés.
Lesprofesseursnesontcependantpaslesseulsàsubirunrenvoidelapartdesallemands.
Tout d’abord, pendant l’année 1943, les transferts d’étudiants non aspirants sont
interrompus et les autorités allemandes ne prennent plus aucune demande en
considération95et par la suite, au cours de l’année, tout ce travail de développement de
l’université est abandonné: «Les “étudiants“ nonAspirants finirent par être aubout d’un
certain temps renvoyés en kommandos. Les conditions de la guerre, les besoins de main
d’œuvre et peut-être l’évolution des rapports franco-allemands ont fait tomber à l’eau ce
projet96». Les étudiants non aspirants ne sont pas les seuls à être renvoyés, puisque les
séminaristes non aspirants, faisant partie de l’université dans le cadre de l’enseignement
religieux, sont également forcés de partir, en raison d’une dissolution imminente du
séminaire97. Il ne restealorsenmajoritéquedesétudiants aspirants,mais cette situation
connaîtégalementunchangementparticulier.
Si les aspirants étudiants ont effectivement fait preuve d’un enthousiasme certain au
démarrage de l’université, ainsi que d’une inscription massive, cet engouement finit par
retomber.Leproblèmeprincipalquiseposeavecl’universitéestlesentimentqu’ilfinitpar
procurer aux aspirants, c’est-à-dire une sensation d’enfermement à cause des barbelés.
Cette présence des signes de l’internement et de la captivité entraine une réaction de
découragement et de lassitude des aspirants, qui ne cherchent alors qu’à partir pour
échapperàcesbarbelés98:«Enréalité,unebonnepartiedesAspirantsfinirentparsupporter
difficilementlavierenferméesurelle-même,l’espècederetraiteintellectuellequeleuroffrait
lecamp99.»Letravaildevientdoncunéchappatoirepourdesaspirantsquinefontplusque
subir ces cours et qui les envisagent généralement avec une certaine forme de
pessimisme100.Lecampuniversitaire,pourtantélémentcaractéristiquedesaspirants,subit
doncundéclinetunebaissed’activité,dûàunattraitdutravailpourlesaspirants,pourtant
95DirecteurdeCabinetduSDPG,Lettreenvoyéeàplusieursorganismes,17mars1942,Paris,F/9/2272,MissionScapini,AN96SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2997CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN98CCPPG,StalagIA,30/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN99SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.53100CCPPG,StalagIA,21/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN
104
exemptés de cette tâche, préférant aller subir les conditions de vie particulières des
kommandos,plutôtquederesterenferméàl’intérieurducampetdel’université.
Pendantlacaptivitédesaspirants,l’universitéareprésentéunepartmajeuredeleurs
emplois du temps et ils ont développé, autant qu’ils le pouvaient, cette activité
intellectuelle. Tous leurs moyens ont été mis à disposition pour l’université ou la
bibliothèque et ils n’ont pas ménagé leurs efforts pour permettre le déploiement de
l’université,ainsique l’accomplissementd’unprogrammefournietcompletpoursatisfaire
aumieuxlesdemandesdesétudiants.Malgrécela,l’universitéarencontrédenombreuses
complications,liéesàlacaptivitémajoritairementetauxconditionsdeviequis’yrattachent,
qui eurent des conséquences négatives, notamment sur son fonctionnement et sur sa
composition,quiamenaàunebaissed’activitéconséquente,mettantpeuàpeufinàcette
activité universitaire. Si le camp est toujours qualifié de camp universitaire pendant les
années1943et1944,plusaucunementiondel’universitén’estfaitedanslesjournauxoules
publicationsducamp,quiétaientpourtantprolifiquesauparavantàproposdecelle-ci101.
Cetteuniversitén’acependantpasétésuivieenvainparlesaspirants,puisques’ilsn’ontpas
puvaliderleursexamenspendantlacaptivité,ilsontpulefaireaprèslalibération,grâceàla
mise en place d’une Commission du Retour, par le Centre d’Entraide aux Étudiants
Mobilisés: «Essentiellement, il y est prévu la création de services d’accueil et de
renseignements qui faciliteront à ces prisonniers rapatriés le retour à la vie normale; les
aideront, les documenteront, les orienteront102 ». Les étudiants aspirants peuvent ainsi
complétercommeil lefaut leursétudesets’engageralorsdans lavoieprofessionnellequi
leur convient. L’après-captivité permet également de nous montrer que cette université
était composée de talents, puisqu’un certain nombre d’aspirants, élèves ou professeurs,
reçurentdesprixaprèsleurcaptivité,telsquedesprixdel’académiefrançaise103etilyeut
mêmeunprixGoncourten1949104.
101Présent,N°5,15février1943,Stablack,F/9/2893,DSPG,AN102Secrétaire d’État à l’ÉducationNationale et à la Jeunesse, Lettre aux Recteurs, 13 octobre 1941, Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN103X–AmicaledeStablack,Prixpourlesmembresdel’AspilagIA,S.D.,LieuInconnu,72AJ/2633,AS,AN104X,«UnprixGoncourtàStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.81,72AJ/2632,AS,AN
105
Lauréatsdediversprixauseindel’universitédeStablack105
105X–AmicaledeStablack,Prixpourlesmembresdel’AspilagIA,S.D.,LieuInconnu,72AJ/2633,AS,AN
106
107
TITREV:LesactivitésculturellesetsportivesdesaspirantsLesloisirsdelacaptivité
«Œuvre collective, elle tendità renforcer la cohésionde la communautédes captifs, en lesunissant
autourd’uneprojetstimulantquin’allaitpassansdifficultés[…]Lerésultatfutàlamesuredelapersévérance
et de l’ingéniosité desprisonniers, leur permettant d’offrir à leurs camarades éblouis desmoments d’intense
émotions,demeurésparmileurssouvenirslesplusmarquants1»
Cette définition, caractérisant le théâtre, pouvant être utilisée pour d’autres activités
artistiques, mais également pour le domaine sportif, permet de montrer en quoi la vie
culturelleetsportiveestunélémentessentielpourlacaptivitédesprisonniersdeguerre.En
tant qu’activité de loisir, de détente, ainsi que d’amusement, elle permet d’apporter un
réconfort,unmomentdetranquillité,voiremêmed’évasionmentalepourleprisonnierde
guerre,quiestenpluspartagéavecd’autresprisonniersdanslecampd’internement.C’est
laraisonpour laquelleelleestprésentedanstous lescampsdeprisonniers,mêmeparfois
les camps de réfractaires, ainsi que dans les kommandos de travail, où les prisonniers
trouventletempsd’organiser,mêmebrièvement,unspectacledevariétésouunmatchde
football.Deplus,cesactivitésprésententunegrandediversité,puisquemêmes’iln’estpas
possible de pratiquer tous les sports ou tous les arts existant, les prisonniers ont la
possibilitédemettreauminimumuneactivitéenœuvre,pourleurpropreplaisiroudevant
unpublic.
Cependant, si on les retrouve à peu près partout, la pratique de ces activités varie en
fonctiondutypedecampsoudeprisonniersdanslequelonsetrouve.Leskommandosde
travail ne permettent qu’une activité brève, par un manque conséquent de temps. Les
stalagspeuventavoiruneactivitébiendéveloppée,enfonctiondutravailauxquellesdoivent
participerlesprisonnierspendantlajournée.Enfin,lesoflagssontgénéralementlescamps
avecl’activitélaplusimportante,puisquenetravaillantpas,ilsdoiventtrouverlemoyende
s’occuper.
Lesaspirantsprisonniersdeguerresont,commeonadéjàpul’observer,unecatégorie
particulièredecaptifs,etmêmes’ilssontinternésdansunstalag,ilsconnaissentunrégime
plusprochedeceluidesoflags.Ainsi,onpeutsedemanderdequellesmanièressedéroulent
1GILLET Patricia, «Le théâtre dans les camps de prisonniers de guerre français, 1940-1945», Théâtres etspectacleshieretaujourd’hui:Époquemoderneetcontemporaine,Éditionsducomitédestravauxhistoriquesetscientifiques,Paris,1991,p.265
108
lesactivitésculturellesetsportivespourlesaspirantsetcommentelless’inscriventdansleur
expériencedelacaptivité.
I–L’Aspilagetsonintenseactivitéartistique
Bien que de nombreux camps de prisonniers aient eu une activité artistique assez
soutenue pendant la captivité, les aspirants y ont mis une participation encore plus
considérable,quia,deplus,eud’excellentsrésultats,ainsiqu’ungrandretentissement.
A–Uneoccupationculturelletoujoursprésentedanslecampetchezlesprisonniers
Lesactivités culturelles, telque le théâtre, la choraleou lesorchestres, semettent
rapidement en place dans les camps, notamment pour les prisonniers dont le grade leur
permet d’être exemptés de travail et qui doivent trouver une occupation. Les oflags
développentdonccesactivitésaudébutdelacaptivité,etcelaconcerneainsiunepartiedes
aspirants, puisqu’ils ont généralement étéplacés enoflag aumomentde leur capture. Le
meilleur exemple qui peut être donné à ce propos est celui du cas des aspirants
“grosshesepiens“, un petit groupe d’aspirants qui est resté ensemble dès le début de la
capture.Ilsontconnud’abordunoflag,puissontallésenstalag,oùilssontrestéscentjours,
avantd’êtreenvoyéàStablack,entantqu’aspirants.Dèsl’arrivéeenoflag,leVIDàMünster,
une petite troupe de variétés se crée, et les membres ne sont en aucun cas des
professionnels, puisque l’animateurdugroupeestundentiste2. L’utilitéet lanécessitéde
cette activité pour la captivité sont également expliquées par l’auteur: «La première
préoccupationdeceuxquisontchargésd’organisernotreexistencejournalièreserad’établir
un emploi du temps comportant la plus grande variété possible d’activités et utilisant au
maximum les nombreuses heures de loisirs3». Les prisonniers des oflags doivent donc
trouverunmoyendes’occuper,cequis’observeégalementpourlecasd’unautreaspirant,
qui se trouve à l’oflag XVIIA, où une troupe de théâtre s’est rapidement formée, avec
d’ailleursunebaraqueattribuée,ainsique lapossibilitéd’assisteràdescoursdemusique,
2MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.143MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.13
109
accompagné de démonstration par un quatuor4. Si le théâtre ne présente qu’un faible
intérêt pour l’aspirant, lamusique semble êtreplus passionnante, et l’auteurmentionne:
«sonpetitquatuornousfaisaitoublier,l’espaced’unmoment,notreconditiondeprisonnier
etlafaimquinoustenaillait5.».Celaestainsiunedémonstrationdel’objectifprincipalvers
lequeltendentlesactivitésartistiques,l’évasionintellectuelleetmentale.
Bien que cela soit moins évident, dû aux déploiements rapides dans les kommandos,
certainsstalagsontégalementmisenplacedesorchestresoudestroupesdethéâtresetle
casdes“grosshesepiens“peutêtredenouveauprisenexemplepourdémontrercetteidée.
Eneffet,quelquestempsaprèsledébutdeleurcaptivitéàl’oflag,leproblèmeprincipaldes
aspirants s’est poséet ils ontdoncété renvoyésdansun stalag, considéréplus approprié
pourlesautoritésallemandes.IlssontenvoyésdanslestalagVIC,nonloindelaoùilsétaient
avant et ils y découvrent un théâtre déjà existant, fonctionnant correctementet avec de
bons moyens: «Il existait déjà à notre arrivée au camp, un théâtre. Installé dans une
baraquespéciale,ilpossédaituneassezgrandescèneéquipéed’unerampe,deprojecteurs,
d’unrideaubienmaniable.[…]Lasallepouvaitcontenirapproximativement250places.6»En
parallèledecethéâtre,legrouped’aspirantstransférésréinstallentleurtroupe:«Dansun
délaiimpensable,unspectaclecompletdevariétésfutmontésousladirectiondeRaymond
THOMAS,mobilisantlesquelquesaspiscompétentsetceuxquiledevinrent,sansnégligerles
concours possibles dans le camp, afin de ménager les susceptibilités7», «parallèlement
toujours, une chorale futmontée avec une douzaine de voix correctes et équilibrés8». Le
succès de ces groupes artistiques est tel qu’ils décident de monter quelques spectacles
ensemble,mêlantleursdifférentstalentsetprovoquantunvéritableenthousiasmeaupublic
devantlequelilsseproduisent9.Sicettetroupedevariétésapuavoirungrandsuccès,onne
retrouve pas beaucoup d’autres témoignages d’activités artistiques d’aspirants avant
l’Aspilag.Onpeutainsiprésenterl’hypothèsequelescampsoùontétéinternéslesaspirants
avantleIA,etprincipalementlesstalags,étaienttropdifficilespouravoirletempsdemettre
4SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.375SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.376MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.317VILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,p.58VILNETJean,Gross-Hesepe1940-1995,1995,p.59MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond, Cent jours, quarante années, Groß-Hesepe – histoire d’uneamitié,p.33-34
110
enplacecetyped’activitésoubienquesicelaexistait,ellen’apportaitpasungrandintérêt
auxaspirantsdepassage,commelecasduprisonnierduXVIIAapulemontrer.
Demanière similaire, il est assez difficile de trouver des éléments présentant une
activitéartistiquevraimentrégulière,voirmêmeexistante,dans lestalagIAavant l’arrivée
desaspirants.Stablackétait le lieud’internementd’ungrandnombredeprisonniersavant
dedevenirenpartie l’Aspilaget il regroupaitdeshommesde troupe, simples soldatsqui,
pour la plupart, avaient été envoyés dans des kommandos. Si un certain nombre était
encoreprésentaucamppendantl’année1940etledébutdel’année1941,lesrapportsde
la Croix-Rouge ne semblent pas indiquer une grande activité artistique, que cela soit du
théâtre, de la chorale, de l’orchestre ou même des artistes, tels que peintres ou
dessinateurs.Unrapportmentionneenaoût:«Leshommespeuventfairedelamusiqueet
parmilesprisonnierssetrouventparexempleunviolonistebelgeetvirtuoseetunténorde
radio-Paris.Enfin,nousavonsvuautravailunsculpteurbelge,deBruxelles,quidisposede
vasteslocauxdanslabaraquedelacantineetoùilfaitdesplansetdesmaquettesdel’aigle
allemand10» Il est possible de relever deux éléments particuliers dans ce rapport qui
permettent de douter d’une vraie activité artistique. Tout d’abord, les exemples de
musiciens sont assez faibles, ce qui peut montrer que l’activité musicale n’est pas
développéedans le camp,puisqu’il serait possiblede trouverplusd’exemplesdans le cas
contraire.Letermede«peuventfairedelamusique»laisseaussiàpenserquelesmoyens
sont plutôt limités pour réaliser cette activité, et que s’il est donc possible de faire de la
musique, l’activitéestplutôtpeupratiquée.Ensuite, lecasdusculpteurbelgeamèneplus
l’idéed’untravaildepropagandepourlesallemands,d’oùlapermissiond’utiliserdeslocaux
particuliers.Unmoisplustard,unautrerapportavancelefaitquelecommandantducamp
amis en place un programmemusical pour et avec les prisonniers qui semblent être un
succès,mais qui n’est pasmentionné dans les rapports suivants.On peut donc présenter
l’hypothèseque leprogrammen’apas étéun succès à long termeouqu’il a fini par être
coupéparleresponsableducamp.
Ainsi, s’il est possible qu’une activité artistique ait pu exister dans le stalag IA, elle
sembleassezfaibleetc’estavecl’arrivéedesaspirantsqu’ellereçoitunregaind’énergieet
uneimportanteamélioration.
10Consulaméricain,STALAGIA,02/08/1940,Stablack,F/9/2878,DSPG,AN
111
B–Undéveloppementconsidérableetremarquabledesarts
L’arrivée des aspirants au stalag IAmarque le début d’une activité intense pour le
camp, puisque l’union d’un groupe de soldats partageant un trait commun favorise
rapidementlacréationdeliensfortsetdegrandesamitiésetcelasetraduitaussienpartie
dansledomainedesarts.Eneffet,bienqueledébutdeleurcaptivitéaitpuêtredifficile,les
aspirantsmettentenplacedèsaoûtdesactivitésdemusiqueetdedanses11.Parlasuite,en
septembre1941, le théâtredes aspirants a étémis enplaceet est considéré comme«la
plus grosse entreprise de décentralisation de l’art dramatique 12 ». Ce théâtre est
probablement l’une des activités artistiques les plus importantes développées par les
aspirants,puisqu’iloccupeuncertainnombredeprisonniersdeguerre:«Lethéâtreoccupe
en permanence 120 à 150 personnes en permanence et sort mensuellement un nouveau
spectacle.13»Cenombrepeutreprésenterlespersonnesenchargedelamiseenplacedes
décors et de la préparation du spectacle, mais aussi les acteurs de la représentation ou
encore lemetteur en scèneet sonéquipe.Deplus, à ce groupe se rajouteégalement les
membres en charge de la création des costumes, également nommé “L’atelier des
cousettes“. Selonundes responsablesde cegroupe, il comptait environune trentainede
personnes, qui s’occupaient de créer les costumes, à l’aide de tenues militaires et de
matériel envoyépar leurs familles à leurs demandes14. Ces personnes étaient enplus des
amateurs,puisqueparmieux,onretrouveun instituteur,unétudiantenchimieouencore
unélèveenaéronautique15.Àcesgroupes,peuventégalementserajouterdeuxorchestres
crééspar lesaspirants.D’abord,unorchestresymphoniqueaétémisenplaceparEugène
RochaixetPaulStefani,toutdeuxmusiciensetayantdirigéunorchestredansl’oflagoùils
étaient précédemment. L’orchestre se forme par le biais d’auditions, auxquelles se
présentent,semble-t-il,denombreuxcandidatsquisontensuitesélectionnéspourcertains
parlesdeuxresponsables16.Celapermetainsidevoirque,pourcetteseuletroupe,l’attrait
11SAINT-BRIEH.,Lettred’unaspirantrécemmentrapatrié,19/08/1941,Clermont-Ferrand,F/9/2912,DSPG,AN12HENRY Pierre, «En liberté surveillé», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale, 1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8413SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN14BERQUERPaul,«L’atelierdescousettes»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8515X–CampdesAspirants,«Cahiersdesprésentsaucamp»,STALAGIA,1941-1945,72AJ/2632,AS,AN16 STEFANI Paul, «Avec l’Orchestre Symphonique », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.87
112
estassezconséquentpourlesprisonniersetdemandentmêmeunerestrictionpourcréerun
orchestre correct. Ce dernier se développe d’ailleurs plutôt vite, notamment grâce à
l’acquisitiondenombreuxinstrumentspourleursrépétitionsetleursreprésentations:
«Petitàpetit, lenombred’instrumentsaugmenta:violonsapportéspardesAspis,ouenvoyésdeFrance
pardesfamillesoudesamis,contrebassesreçuesparl’intermédiairedelaCroix-Rouge,pianoslouéschezdes
commerçants locaux etc. Avant la fin de l’année 1941, nous avions 22 violons, 3 altos, 3 violoncelles, 2
contrebasses,2flûtes,1saxoalto,1pianotenantlieudeharpe,1grossecaisseenguisedetimbales.17»
Onvoitainsilagrandeportéequ’ontlesactivitésartistiques,quecelasoitpourlafamilledu
prisonnier ou les organismes en charge de les aider. Ils aident ainsi les prisonniers à
s’occuper et à s’évader mentalement, apportant un réconfort pendant leur captivité. Un
autreorchestre,plusparticulier, s’estégalement formédans le camp, l’orchestreargentin
Trasbot,dunomdesonchefd’orchestre,unmembrede l’Arméeactive.Si legroupeapu
connaîtrequelquesdifficultés,notammentpourlecasdesinstrumentsparticuliersqu’ilétait
nécessaired’avoirpourcetorchestre,denombreusesrépétitionsetuntravailsérieuxdeses
membres lui permit d’avoir un grand succès 18 . Cet orchestre suscita d’ailleurs
l’enthousiasmedèsleurpremièrereprésentation:«Danssachronique“Stablackaujourle
jour“, Roger DEBOUZY a noté: “ 10 novembre 1941: premier spectacle des Baladins
Baladeurs, petit équipe qui circule dans les baraques. Jazz, chants, orchestre de Tango,
musette,diseurs,prestidigitateurs.Deuxheuresagréablesd’oubli…“19»Ilpermetenplusde
révélercertains talents,notammentpour lacréationdemusique,puisque l’orchestreaeu
besoindeserenouvelerrapidement,etd’étendresonrépertoiredereprésentations,etcela
aconduitàl’apparitiondechansonniers,considéréscommeplutôttalentueux:
«De vrais chansonniers se révélaient. Ils semblaient surgir de lamisère comme des fleurs sauvages du
terreau […] tout cheznousétait inédit,authentique, improvisé, trouvantetprenant sesprétextesdu fondde
notrecommunedétresseetlaréoffrant,pourfairerire,danslegoûtpropredesonamertume.[…]Ilsfurentles
pionniersdenotrespectacle.20»
Enplusdecesdeuxorchestres,considérésprobablementcommelesplus importantspour
l’Aspilag, il existait également un orchestre de jazz, qui quitta cependant rapidement le
camp,puisqu’ilputêtreembauchéparunestationderadiopourparticiperàunprogramme
17STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8718DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1919DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1120DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.13
113
musical 21 . Enfin, dans le domaine musical, un dernier élément peut être présenté:
l’électrophone,unappareilpermettantd’écouterdelamusiqueparlebiaisdedisquesetqui
donnal’occasionauxaspirantsd’écouterparfoisdesconcertsd’uneheureet,aprèsyavoir
joint un microphone, les responsables de l’électrophone créent également des sketches
radiophoniques, pour apporter un divertissement supplémentaire aux aspirants. Cet
électrophone fut acquis grâce à un aspirant dont le père était le directeur de Thomson,
société qui vend de l’électronique. Il est fréquemment utilisé, avec au moins une
représentationparsemaine,quiregroupeenviron50à100auditeurs22.
Cesdifférentesactivitésontcoopéréensembleàplusieursreprisespendant laduréede la
captivité, puisque la troupe du théâtre a demandé la participation de l’orchestre
symphonique ou de l’orchestre argentin pour certaines représentations: «En plus des
concerts symphoniques, à raison d’un par trimestre, des membres de notre orchestre
rendaient service pour divers spectacles.23» Le théâtre des aspirants avait pu obtenir une
demi-baraque où «on y aménagea une salle en gradins, un atelier de couture, un atelier
pour les décors.24» et il était possible pour certains des autres groupes de l’emprunter,
comme ce fut le cas par exemplepour l’orchestre Trasbot25. Le théâtren’est pas la seule
activitéquiapudisposerd’unebaraque,puisqu’uncinémasecréependantlacaptivité:«À
lafinde1943,unedemi-baraquefutconfiéauxarchitectespourêtretransforméeencinéma.
Ilsenfirentunesallede250placesenviron.Elledisposaitdedeuxappareilsdeprojectionde
35mm et de deux de 16. Les Allemands fournissaient leurs actualités et les grands films
étaientlouésenAllemagneouenFrance.26»Lecinémasedéveloppeplutôtbienàl’intérieur
du camppuisque s’il est irrégulier au début, à raison d’environ une séance parmois27, le
rythmesemetpeuàpeuenplace,etseptmoisplustard,ilyatroisséancesparsemaineet
avecdesfilmsfrançaisprésentés28.
21MASSARDCapitaine,RapportduStalagIA,30/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN22PATELJulien,Témoignagesurl’électrophone,Dateinconnue,Lieuinconnu,72AJ/2633,AS,AN23STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8724SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(II)»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,8eAnnée,No.29(Janvier1958),p.4925DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.1926SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5127 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN28 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN
114
Cesactivitésmusicales, théâtralesetcinématographiquesont laplace laplusconséquente
dans le domaine artistique à Stablack,mais il existe bien d’autres groupes, permettant à
touteslessortesd’artistesprésentsaucampdesedévelopper.Ainsi,denombreuxateliers
secréentchezlesaspirants,telsqu’unatelierd’architecture29,unatelierd’artsetMétiers,
debeaux-arts,decéramique,dereliure30,unatelierdepeinture,quidisposed’ailleursd’une
demi-baraque,partagéavecunesalledeculturephysique31ouencoreunatelierdephoto32.
Certains de ces artistes apportent d’ailleurs leur contribution à la vie du camp, puisque,
commeonadéjàpulevoir,lesarchitectesontcontribuéàlacréationdelasalledecinéma,
maisilsontégalementaidéàlamiseenplacedelasalledethéâtreetontmêmeconstruitla
chapelledesaspirants à la find’octobre1941:«Toutuneéquiped’élèvesdesBeaux-Arts,
animéeparHenryBERNARDetRogerMIENVILLE,ainstallésonatelierdanslelavoirvoisinde
la futur chapelle. À sa tête, un premier Prix deRomed’Architecture et des architectes qui
exercentdéjàdepuis plusieursannées33» et certainsdespeintresdu campont également
aidépourlaréalisationdefresquespourlachapelle34.
L’activité artistique de l’Aspilag semble donc être assez exceptionnelle par rapport
auxdifférentesexpériencesdecaptivitépourlesautresprisonniersdeguerre.Silesstalags
etoflagsonteffectivementeudifférentestroupesdethéâtre,desorchestresouencoredes
artistes, l’Aspilag semble avoir réuni tous les types d’artistes dans son camp, permettant
ainsiuneactivitéartistiqueextraordinaire,qui,deplus,connutungrandsuccès,àl’intérieur
etàl’extérieurducamp.
C–Unrayonnementetunsuccèsdecesactivitéschezlesprisonniersdeguerre
Sil’Aspilagaunnombreconséquentdegroupesartistiquesenactivitépendanttoute
laduréede la captivité, certainesactivités connaissentuneexistenceplus importanteque
d’autres, et cela s’observe notamment pour le théâtre des aspirants et les différents
orchestres créés. Les multiples témoignages d’anciens aspirants, ainsi que les nombreux
29CCPPG,StalagIA,12/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN30SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5031DUNANDCapitaine,StalagIA,04/11/1941,F/9/2709,MissionScapini,AN32MANGINFrancy,«Unlaboratoireclandestin»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.73-7533ULRICH Michel, «La construction de la Chapelle », Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.73-7534GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.12
115
rapports rédigés pour les autorités et les organismes en charge des prisonniersmontrent
uneactiviténonnégligeabledecesgroupes,ainsiqu’unvéritableengouementetungrand
enthousiasme des prisonniers de guerre pour les différentes productions qui sont
présentées.
Àl’intérieurdustalag,latroupedethéâtreréaliseplusieursreprésentationsdenombreuses
pièces de théâtre. La pièce ayant eu le plus de succès est Au temps des crinolines, une
opéretteen3actes,représentéeparlethéâtreà13reprisesentrele22janvier1942etle22
février194235.Laparticularitésupplémentairedecetteopéretteestqu’elleestunexemple
de la collaboration entre deux groupes artistiques de l’Aspilag, la troupe de théâtre
demande de l’aide à l’orchestre symphonique pour la représentation, afin d’apporter un
élémentmusical36. De nombreuses autres pièces de théâtres sont produites au camp, et
selonune liste répertoriéeparundes aspirants en chargedu théâtre, les représentations
ont eu lieu entre juillet 1941 et juillet 1944. Le répertoire compte une cinquantaine de
pièces,composéesà lafoisdecréationsd’auteursconnus,telsqueMolière,Racine,Alfred
de Musset ou Anouilh, mais aussi, semble-t-il, de créations personnelles de certains
aspirants37, représentatives ainsi des nombreux talents de l’Aspilag. Si les membres du
théâtre étaient plutôt nombreux, les spectateurs l’étaient encore plus, et ils sont tous
élogieuxsur lethéâtreetcequ’il représentait:«Unedesplusbrillantesactivités, toujours
au IA, fut le théâtre, qui produisit de grands chefs-d’œuvre avec une mise en scène de
premier ordre 38 », «J’y vis de très bonnes pièces, avec des décors et des costumes
merveilleux39», «Une équipe extrêmement dévouée d’acteurs, de metteurs en scène, de
décorateurs, de costumiers, nous a offerts pendant quatre années des spectacles que
beaucoup n’aurait certainement jamais eu l’occasion de voir40» ou encore: «spectacles
difficilementimaginablesréaliséspardesaspistalentueux41».Lagammedesspectateursdu
théâtreestélargieenplus,parlefaitquelatroupeorganiseégalementdesreprésentations
35X–ThéâtredesAspirants,Autempsdescrinolines,1942,Stablack,72AJ/2633,AS,AN,36STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.8737CHÉRIONHenri,«Unvasterépertoire»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.8638DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN39TOURNAY Gaston, Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN40DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1341GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1
116
pourl’hôpitalducamp,afind’apporterunbrefréconfortauxmalades42.Lethéâtreestainsi
uneactivitémajeuredanslecamp,quisembleavoirmarquéungrandnombredepersonnes,
etundesaspirantsexprimeainsiune idéeparticulière :«Personnellement, jenepeuxpas
direquejem’ysuistrouvéparticulièrementépanoui,n’ayantpasdedispositionsparticulières
pourlethéâtre43».Cetteopiniond’unaspirantpermetdevoirréellementl’ampleurquele
théâtreaeuedansl’occupationaucamp,puisquesionn’yportaitaucunvéritableintérêt,la
captivité n’était que l’expérience plutôt morne qu’a pu vivre un certain nombre de
prisonniers, l’objectif principal du théâtre étant d’ailleurs de s’évader pour un temps et
d’oublier cette captivité. Enfin, ce succèspeut également s’observer dans les journauxdu
camp,puisquetouslesjournauxayantététenusparlesaspirantsontmentionné,aumoins
une fois, l’activité des groupes artistiques, théâtre ou autre. La Francisque utilise les
représentationsde théâtresoud’opérettespouren faireun sujet sur leur symbolique, ce
qu’il représente, d’où ils viennent, etc.44, La semaine au camp et le Petit journal illustré
évoquelesdifférentesréorganisationsduthéâtre,ainsiquesesreprésentations45etenfin,le
Présentmentionneégalementcesreprésentations46.
Silethéâtre,lesorchestresetlesautresactivitésartistiquesconnaissentungrandsuccèsà
l’intérieur des barbelés du camp, ils connaissent également un triomphe à l’extérieur, et
notammentdansleskommandosdetravail.Eneffet,aprèsunegrandeactivitéaucamp,la
troupe de théâtre part en tournée dans les kommandos47 et en parallèle, l’orchestre
argentin de Trasbot fait demême48. La tournée du théâtre est une entreprise de grande
envergure puisqu’elle parcourt de très nombreux kilomètres et visite à peu près toute la
PrusseOrientale:«La troupe théâtrale faitencemoment la tournéedeskommandosdes
rivesdelaBaltique49»,«Latroupethéâtraleestrentréed’unetournéede1400km50»,«La
42MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN43ROUXMichel,Grandeur(?)etservitudesmilitaires:1939etlasuite,1996,p.3844LaFrancisque,N°2,Jeudi25décembre1941,F/9/2893,DSPG,ANLaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN45LaSemaineaucamp,Semainedu7au13décembre1941,72AJ/2633,AS,ANPAPAUDAndré,Petitjournalillustré,SD,Stablack,72AJ/2633,AS,AN46Présent,1942(09/10;15/11;15/12),1943(15/02;Pâques),72AJ/2633,AS,AN47CCPPG,STALAGIA,07/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN48DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.2149CCPPG,STALAGIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN50CCPPG,STALAGIA,20/08/1943,F/9/2912,DSPG,AN
117
troupethéâtraledustalagpassedetempsentempsdanschaquekommando51»,«Latroupe
du camp est en tournée dans les kommandos52» et enfin: «font des tournées dans les
kommandos53».Ainsi,onpeutobserverquecestournéesdurentjusqu’àlafin,enquelque
sorte, de la captivité des aspirants, puisque le dernier rapport date d’août 1944 et que,
commeonl’exposeraplustard,unegrandepartiedesaspirantspartentducampàlafindu
mois d’août 1944. L’activité est donc régulière et fonctionne correctement et les avis des
membresdekommandossonttrèsfavorables.Seloncertainsrapports,onpeutobserverque
latroupethéâtraleestpasséedansleskommandosdeSchlossberg,Insterburg,Angerappou
Heiligenbeil,ainsiqued’autresetlesavisrecueillissonttouspositifs:«Nousavonseuletrès
grandplaisird’avoirdansnosmurs,du23au30mars,latroupethéâtraleducamp54»,«Le
passagedelatroupeducamparéveilléetgalvanisébonnombred’énergie55»,«Partoutoù
ilsparurent,cefutlemêmetriompheéclatant[…]onnepeutques’inclinerdevantletalent
dechacun56».L’orchestreargentin,égalemententournée,parfoisaumêmeendroitquela
troupethéâtrale,reçoitégalementdenombreuxéloges,ayantunsuccèsàpeuprèssimilaire
àceluidelatroupeduthéâtre:«Le11septembre,l’orchestreargentindesAspirantsesttrès
applaudi57»etleschiffresdonnésparundesmembresdecetorchestrementionnentqu’ila
fait132représentations,32tournées,etcelaentroisans58.
Lesavissontdoncunanimessurlesdifférentesreprésentationsduthéâtreetdel’orchestre,
cequipermetainsid’observerquelethéâtreestvéritablementuneexpérienceuniquepour
les aspirants, membres ou spectateurs, d’un grand succès. De plus, on peut observer le
succès de ces représentations par le fait qu’elles s’organisent en dépit des troupes de
théâtres formées par les kommandos eux-mêmes. L’activité théâtrale est une des seules
activités artistiques que peuvent vraiment développer les prisonniers en kommandos,
puisqu’ellesnécessitentunmatérielminimeparrapportàunorchestreouàdesateliersde
peinturesouautresartsmanuelsetpourtant,lesprisonnierslaissentleursplacesàlatroupe
51Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés,Compte rendu de renseignement, Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN52CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN53 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,19/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN54Rapport de l’homme de confiance du kommando E17 à l’homme de confiance principal, 02/04/1944,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN55Servir,N°4,Janvier1943,F/9/2893,DSPG,AN56HommedeconfiancedukommandoE11,Bulletind»information,Janvier1944,F/9/2893,DSPG,AN57Servir,N°1,Octobre1942,F/9/2893,DSPG,AN58DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.53
118
duthéâtredesaspirants,prouvantainsisonimportance:«ParsuitedelavenueduThéâtre
desAspirants,notretroupen’apasdonnécemois-cidereprésentations59».
Lesgrandesactivitésartistiquesdesaspirantsconnaissentdoncunsuccèsimmense,
quecelasoitgéographiquement,puisquelestournéesfurentnombreusesettrèsétendues
enPrusseOrientale,dansladurée,puisqu’ellessubsistentpendanttoutelacaptivitéouvis-
à-vis des spectateurs eux-mêmes, puisque tous les témoignages recueillis sont élogieux. Il
estainsipossiblededirequel’activitéartistiquedesaspirantsaétéuniqueauregarddela
captivitéengénéraletfutuneexpérienceremarquable.
Figure1:OrchestreargentindeTrasbot60
Figure2:Troupedelareprésentationdel’opéretteAutempsdescrinolinesparlethéâtre
desAspirants61
59Compte-rendumensueldel’hommedeconfiancedukommandoE7àl’hommedeconfianceprincipal,Mars1943,F/9/3437,ArchivesdecampSTALAGIA,AN60X,PhotosdustalagIA,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN61X,PhotosdustalagIA,SD,Stablack,72AJ/2636,AS,AN
119
II–L’activitéphysiqueetsportive,essentiellepourlesaspirants
Pourungroupedeprisonniersexemptsdetravail,ilestnécessairedeconserverune
bonne activité physique, à la fois pour garder la forme, notamment dans des conditions
plutôtdifficiles,maisaussipours’occuper,enparallèleouàlaplacedesactivitésartistiques
ouuniversitaires.
A–Denombreuxmoyensmisàdispositiondesprisonniers
Lesportestunenécessitépour lesprisonniersdeguerre,notamment lesaspirants,
puisqu’étant dispensé de travail, ils doivent occuper leur temps tout en conservant une
bonneformephysiqueetlapratiquedusportestlameilleureméthodepourpermettrecela.
Cependant,pourvraimentavoir lapossibilitédepratiqueruneactivitébiendéveloppée, il
estnécessaireauxaspirantsd’obtenirlesmoyensderéalisercetteoccupation.
Lesaspirants,lorsdeleurarrivéeaucampIA,ontdupartirdepresquerienpourmettreen
placeleuractivitésportive,puisqueelleétaitnulle62audébutdelacaptivité,notammentcar
le camp était principalement composé d’hommes de troupe, travaillant dans des
kommandos ou autres détachements de travail, n’ayant ainsi pas le temps d’exercer un
sport63. Ainsi, dès leur arrivée, les aspirants décident de développer intensément leur
activitésportiveetilssontégalementaidésparlesresponsablesducamp,commelemontre
l’une des premières actions pour le sport, également symbolique pour les aspirants: «La
suppressiondubarbeléséparantlesblocks1et2,première“amélioration“denotrecondition
de “gefang“, marqua la naissance de l’organisation sportive du camp des Aspirants (mai
1941)64».Ainsi, une foisque les aspirantsontmisenplaceun certainordrepour le sport
danslecamp,ilsdoiventréglerlesdifférentsproblèmesquiseposentàeuxpourlapratique
même.
Lepremierproblèmequiseposeestl’espacepourréalisercesexercices:«L’emplacement
réservé aux sports n’a pas permis jusqu’ici la création d’un stade. Les aspirants disposent
néanmoins d’une place suffisante pour la pratique du basket-ball et du volley-ball. Le
commandantducampenvisagelacréationd’unterraindefootballavecpistecirculaire65.»
62X–DSPG,StalagIA,Février1941,Lieuinconnu,F/9/2878,DSPG,AN63Consulaméricain,STALAGIA,27/08/1940,Stablack,F/9/2878,DSPG,AN64CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9365SCAPINIGeorges,StalagIA,29/07/1941,StalagIA,F/9/2709,MissionScapini,AN
120
Parlasuite,lesmembresducamptententderéalisercetobjectifetdelibérerl’espace,ce
quiest finalementaccompli:«Onaaménagérécemmentungrandterrainde football66».
Plus tard, un court de tennis est également aménagé pour les aspirants67et même une
patinoirependantl’hiver,réaliséeàl’aidedesautoritésallemandes:«Laconstruirefutune
affaireetl’onvitdespompiersdistribuergénéreusementl’eaunécessaireàl’égalisationdela
surface primitivement peu propice au patinage. 68 » Ce problème d’espace ne peut
cependant pas être réglé complètement, puisqu’il est également nécessaire que l’espace
allouésoitpropiceauxsportsexercés.Ainsi,ilestmentionnéquelerugby,bienqu’ilpuisse
exister dans le camp, n’était que peu joué, puisque l’absence d’herbes sur le terrain,
probablement due aux conditions climatiques difficiles de la Prusse Orientale, est
dangereusepour lapratiquedece sport69. Le rugby sembleêtre le seulexemplede sport
véritablement impraticable à l’Aspilag, outre les sports d’eau, tel que la natation,
logiquementimpossiblepourlesaspirants,etainsi,cesdernierspurentdoncexercertousles
sportsqu’ilspouvaient70.
Cependant,pourexercercessports,undeuxièmeproblèmesepose,l’absencedematériaux
nécessaires, indispensables pour la pratique, que cela soit des ballons pour le football, le
basketballou levolleyball,des raquettespour le tenniset le tennisde tableoumêmede
l’équipementadéquat.Deuxtypesdegroupesentrentainsienjeupourobtenirl’aidedont
ilsontbesoin.Toutd’abord, l’aide laplussignificativeet laplus importanteestcellede la
famille, qui peut envoyer divers objets dans les colis, à la demande parfois même des
prisonniers, et c’est ce qu’ont fait plusieurs des aspirants, par exemplepour la patinoire:
«lespatinsétaientexpédiésparlesfamilles71»oupourletennis:«Lematériel(raquetteset
balles)futenvoyédeFranced’abordparlesfamillesdesAspisdésirantjouer72.».Ensuite,ce
sont différents organismes en charge d’aider les prisonniers de guerre qui récoltent les
moyensd’envoyerdumatérielauxprisonniers,àlasuitenotammentdedemandes,comme
66WENGERDocteur,StalagIA,27/10/1942,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN67LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9568LaFrancisque,N°3,Samedi17janvier1941,F/9/2893,DSPG,AN69CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9470 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN71PERSINLouis,Questionnaire concernant la captivité, X,PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN72LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.95
121
le firent les aspirants73. L’une des ses organisations est notamment le Comité central
d’assistance aux prisonniers de guerre et sa section “Bibliothèques et Jeux“ qui visait à
apporter auxprisonniers cequi était nécessairepour les activités de loisirs dans le camp,
avec notamment des paquets individuels et des paquets dons, groupant les dons de
différentes associations 74 . À la suite de ces demandes, les aspirants obtiennent
effectivementdenombreuxcolisdematérielpourleurexercicedusport:«Ilyadeuxmois,
ilsontreçusquelquesballons,150pairesdechaussuresdesportdontunenvoispécialde50
pairespour lesaspirantsetquelquespairesdegantsdeboxe75.»,«Leséquipementset le
matérielsontfournisparlesAspirantsquieux,lesreçoiventdelaCroix-Rouge76.»ouencore
«obtenirdesenvoisdelaFédérationdeTennisetsurtoutduTennis-ClubdeParisquimitàsa
dispositiondesraquettesetlesballesusagéesrécupérésdanslesdécombresdececlub77.»
Si les aspirants reçoivent du matériel, cela reste toujours insuffisant, comme le
soulignedenombreuses remarquesdes aspirants à cepropos78mais celane les empêche
pasd’exerceruneactivitésportiveintense.
B–Unemanièredes’occuperpendantlacaptivité
L’activité sportive des aspirants a été abondante et diversifiée, puisqu’ils ont pu
pratiquerdemultiplessports,surunelonguepériodedetempsetàunrythmesoutenu,et
celaétaitunedeleursseulesoccupations,étantexemptsdetravail.Selonundesaspirants,
lebut recherchépar cetteactivitéétait: «occuper,distraire, conserver la “forme“avec la
santé,enprévisiond’uneréadaptationàlavienormalequi,aprèscinqannéesdecaptivité,
nepouvaitmanquerd’êtrepéniblepourlamajeurepartiedesprisonniers79.»
Ainsi,pouratteindrecebut,différentsgroupesdesportémergentauseindel’Aspilag.Selon
plusieurstémoignages,lesdifférentsgroupesétaient:lefootball,lebasketball,letennis,le73CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9374Comitécentrald’assistanceauxprisonniersdeguerre,Rapportd’ensembleOctobre1940–Décembre1941,SD,Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN75 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN76 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/08/1944,F/9/2912,DSPG,AN77LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9578 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,04/02/1944,F/9/2912,DSPG,ANService d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement, Avril1944,F/9/2912,DSPG,AN79CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.94
122
tennisdetable, l’athlétisme,lejudo,l’escrime,laboxe,lalutte, lerugby,lapelotebasque,
les boules lyonnaises, le handball80et même un club de voile, où, bien que la discipline
n’étantpaspratiquée,desméthodesetastucessur lesportétaientévoquées81.Bienqu’ils
soientencaptivitéetqu’ilssonteux-mêmeschargésdel’organisationdeséquipessportives,
les aspirants restent fidèles aux règles sportives, et ainsi, il est nécessaire d’être certifié
médicalement par un des médecins français de l’infirmerie pour pouvoir participer aux
activités sportives. La plupart passent le test sans problème,mais certains, probablement
trop affaiblis par les conditions de la captivité sont restreints, voirmême interdits à une
quelconqueactivité82.Silesaspirantss’exercentàcesdifférentssportsquandilslepeuvent,
levraiintérêtquiyestportéestlorsd’évènementsparticuliers.
Pendant la durée de leur captivité, les aspirants ont instauré des fêtes sportives ou des
compétitions, n’impliquant qu’eux ou en lien avec les autres prisonniers de la région
alentour. L’un des meilleurs exemples de fêtes sportives est une réunion d’athlétisme,
prévuepourle14juillet1941.Lesaspirantsrencontrèrentdiversobstacles,notammentcar
les Allemands voyaient cela comme un moyen de célébrer leur fête patriotique, mais
réussirentàorganiser leursévènements.Celafutunegranderéussite:«Afind’augmenter
l’attraitdanschaqueépreuve,nouschoisissons laformuleparéquipesavecclassementpar
points,cequinemanquapasdestimulerl’espritd’équipe,defairevibrerlessupportersetde
“meubler“ quelques soirées par des discussions passionnées83.» L’enthousiasme que cette
rencontre créa et le succès qu’elle obtint entraine sa reconduction les deux années
suivantes, à lamême date, prouvant également que l’attrait aux sports ne faiblit pas. De
plus,descompétitionsenfootball,enbasketballoud’autressportsd’équipes’organisentet
elles sont de différents types: «Elles opposaient sous forme de tournoi les 6 baraques
d’aspis84»,«Desrencontresavaientlieuentreéquipedebaraques,deblocs,derégions,ce
quiamenaitplusdediversité85»,«LesAspirantseurentdenombreusesfoisleursréputations
80LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,ANCARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.93-9481J.M., «La voile à Stablack ou de la navigation en chambre », Le camp des Aspirants pendant la SecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.9682CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9383CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9384DEVIGNEAndré,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN85COULAUDHenri,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
123
à défendre contre des équipes du camp des hommes: française, belge et polonaise, ainsi
qu’au cours de déplacements effectués à partir de 1943 à Bartenstein, Eylau, Königsberg,
stalagIB,etc.86».Ainsi,enplusdepouvoirlesgarderenforme,lesportétaitégalementun
moyen de socialisation pour les aspirants, leur permettant, un minimum, de sortir de
l’isolationdu camp,etdoncde sedivertir, toutenétablissantdes contacts. Lesdifférents
témoignages présentent en plus le fait que les aspirants étaient compétents dans une
grandepartiedecessports, telque lebasketball:«Lasectiondebasketball s’auréolades
plusbellesvictoires.LasélectionAspis[…]semontraimbattable…enPrusseOrientale87»,le
tennis:«j’aipuobtenirdelaFédérationdeTennisàlafinde1944leclassementofficielpour
1945deplusieurs joueurs de Stablack88» ouencore le football: «Nous jouions ce jour-là,
contre la toute redoutableéquipe I desaspirants89». Il estpossibled’évoquer l’hypothèse
que ces victoires ont encore plus permis la pérennité de l’activité sportive, qui continue
jusqu’àlafindelacaptivité,contrairement,parexemple,auxéquipessportivesducampdes
hommesdetroupe90.
Figure3:Équipesdefootball
86CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9487CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9488LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9589X,«Uneruderencontrefranco-belge»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.95,72AJ/2632,AS,AN90CCPPG,StalagIA,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN
124
Avant ledébutdescompétitions, lesdifférenteséquipes,d’athlétismesetdefootball,sont
présentées au commandant du camp91, mettant ainsi en avant un aspect officiel de ces
rencontressportives.
Figure4:Équipesd’athlétisme
C–Lerattachementdusportauxétudesetàl’université
Le sport provoque un tel engouement à l’intérieur du camp des aspirants que les
autoritésenchargedecesprisonniers,ainsiquedel’université,décidentd’yprendrepartet
ainsi,demêlerlesportauxétudes.
Lapremièreétapepourinstaurercelienaétémiseenplaceen1941,enmêmetempsque
l’université. En effet, alors que les différentes sections de l’université s’organisent, une
section sportive est également établie, l’Institut d’Éducation Physique. Il est créé par un
professeur d’éducation physique, Paul Fauré, et se joignent à lui deux professeurs de la
mêmediscipline,JeanAudouyetJeanMathet,ainsiqu’unprofesseurdesciences,Bernard
Leblond92.LescoursdispenséssuiventainsilesmêmesprincipesquisontinstruitsenFrance,
parlesresponsablesdel’Éducationgénéraleetsportive(EGS),avecuneapprochethéorique
et tactique du sport et ils sont dispensés pendant toute la journée, pour tous ceux qui
91X,«Lessports»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume2Images,Paris,1995,p.61-71,72AJ/2632,AS,AN92LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physique au stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN
125
désirentyassister93.Peuderapportsexistentàproposdufonctionnementdecetinstitutet
ainsi,unseulpermetdenousinformersurletauxdefréquentationdel’Institut:«75à80%
del’effectifparticipentsoitàcescours,soitàdesjeuxsportifs94».S’iln’yaaucuneprécision
sur l’effectifdont ilestquestion, ilestpossibledeconjecturerquec’est l’effectif totaldes
aspirants prisonniers de guerre à l’Aspilag, preuve ainsi que le sport suscite un grand
enthousiasmeetunemotivationchezlesaspirants,mêmesicen’estquedusportthéorique,
parlebiaisdescours.Enplusd’apporteruneformationpourunbonnombred’aspirants,ces
courspermettentégalementd’obtenirunequalificationofficielle,telquelebrevetsportif:
«Lebrevetsportifaétédécernéàdenombreuxaspis95».
Les qualifications plus importantes, tel que le Certificat d’aptitude au professorat
d’éducation physique et sportive (CAPEPS), ne peuvent être obtenu qu’au retour de la
captivité. Cependant, cela n’empêche pas les autorités françaises demettre en place une
méthode pour y préparer les prisonniers de guerre pendant leur captivité. Ainsi, le
commissairegénéralàl’EGSdécidedoncdemettreunprogrammeenplace,dontilexplique
l’origineparlebiaisd’uncommuniqué:
«Touslesrapportsquiparviennentdescampsdeprisonniersdeguerresignalentlaplaceimportantetenue
danslesactivitésdesprisonniersparlapratiquedel’éducationphysiqueetdessports.(...)LeGouvernementde
laRévolutionNationaleaapportéuneréforme importantedans l’éducationde la jeunessepar l’introduction,
dans les programmes et emplois du temps des établissements d’enseignements de disciplines nouvelles
appelées:«Activitésd’ÉducationGénérale».(...)C’estpourquoi j’ai l’honneurdevousdemanderd’envisager
dans votre camp l’organisation de stages d’éducation générale et sportive à l’intention de vos camarades
professeursetinstituteurs96.»
Ainsi, pour réaliser cet objectif, ils distribuent un programme, constitué des différentes
qualificationsàvalider,maisonpeutobserverqu’ilnesemblepasyavoirdevolontépour
l’ajuster à la situation des prisonniers de guerre. Si les autorités françaises cherchent à
formerdesfutursmoniteurspourlaRévolutionNationale,ilsneprennentpasencompteles
conditions de captivité des prisonniers, puisque parmi les disciplines, on retrouve la
natation,seulsportimpossibleàpratiquerpourlesaspirants,dufaitdeleurcaptivitéetde
sa localisation.Cependant, il estaussipossibled’avancer l’hypothèseque lesmembresde
93SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN94SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN95SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN96Commissairegénéralàl’éducationgénéraleetauxsports,Lettreauxofficiersethommesdeconfiancedanslescampsdeprisonniersdeguerre,Vichy,10mars1942,SDPG,AN,F/9/2310
126
l’éducationnationaleontadaptéà lacaptivitécesqualifications lorsque lesprisonniersde
guerre l’ontpassé, ouque cela ademandéuneprolongationdu tempsdepréparationau
retourdelaguerre.Néanmoins,onpeutobserverquedesprocédéssontmisenœuvrepour
permettreauxaspirantsprisonniersdeguerredesepréparerauretouràlavieactiveaprès
leurretourdecaptivité.
Parconséquent,onpeutdoncobserverque lesportaeuunegrandeplacedans la
captivité des aspirants, probablement aussi importante que les activités artistiques,
puisqu’elleregroupeunepartconséquentedesprisonniersdel’Aspilag.Ellel’estégalement,
au regard de la captivité en général, puisque selon une lettre du commissaire général de
l’EGS, le stalag IA fait partie des meilleurs camps vis-à-vis du sport: «l’activité et les
réalisationssportivessontremarquables97»
III–Lesactivitésartistiquesetculturelles,rattrapéesparlesréalitésdelacaptivité
Silesaspirantsontpuaménagerleurcaptivitéetmettreàleursdispositionsdiverses
ressources pour achever cela, ils restent tout de même internés, dans des conditions
généralementdifficiles,quiserappellentàeux,àdemultiplesreprises.
A–Descomplicationscauséesparlesconditionsdevieducamp
Les activités artistiques et sportives permettent aux prisonniers de guerre de
s’occuper lecorpset l’espritetd’oublier,pendantuntemps, lacaptivitéet toutcequ’elle
implique. Elles constituent un moyen de se détacher des réalités de l’internement, mais
l’objectifn’estpastoujoursatteint,etlesconditionsdeviedifficilesducamponttendanceà
serappelerauxprisonniers.
Leproblèmemajeurdans laviedecampdesaspirantsest la localisationde leurstalag.En
effet, ce dernier est situé en Prusse Orientale, le plus à l’Est pour les Allemands et la
captivitéestdoncmarquée,commeonadéjàpulevoir,paruntempsplutôtrude,dèsque
l’étén’estpluslà.L’hiverestunesaisonfroide,quidescendàdestempératuresnégativeset
plutôt basses (jusqu’à -35°), dont les prisonniers n’ont pas l’habitude et qui, en plus de
compliquer leur situation habituelle de captivité, met également un frein aux activités
artistiquesetsportives.Dans ledomainesportif, touteactivitéestabandonnéependant la
97 Commissaire général à l’éducation générale et aux sports, Lettre à Son Excellence Monsieur Scapini,05/09/1941,Paris,F/9/2310,MissionScapini,AN
127
saison,etmêmeàl’automneetauprintemps,lestempératuresétanttoujourstropfroides:
«il fallait uneactivité sportive, toutaumoinspendant les troismoisd’été, car le restede
l’année, il était difficile de faire quoi que ce soit à l’extérieur des baraques98 », «les
conditions climatiques n’autorisent pas la pratique des disciplines sportives en dehors des
trois mois d’été99». Si ce problème est plutôt évident vis-à-vis du domaine sportif, les
températures ont également influencé la teneur des activités artistiques, se déroulant à
l’intérieurdebaraques.Durantl’hiver1941-1942,latempératuredescenditjusqu’à-25°et,
enplusd’interrompre l’université, lemanquedechauffagecauseégalement l’interruption
delatroupedethéâtre,pourtantoccupéedepuisquelquestempsàlapréparationdedeux
piècesdethéâtre100.
De nombreuses autres situations problématiques liées au camp et au déroulement de la
captivité se posent également aux prisonniers de guerre, mais elles n’ont pas toutes les
mêmesenvergures.Certainessituations,bienqu’ellessoientdésagréablesoudérangeantes
pour le prisonnier, n’empêchent pas la pratique de son activité, mais représentent
simplement un inconvénient qui n’existe qu’à cause de la situationmêmede la captivité.
Ainsi,undesaspirantsfaitpartd’uneanecdoteluiétantarrivéependantunerépétition:
«Unaprès-midi,j’étaisseuldanscetteSalle,entraindetravaillerleConcertopourflûte,enrémajeur,de
Mozart. Il faisait chaud, et jem’étaismis en short. Aubout d’un instant, je ressentis des démangeaisons au
dessousdesgenoux…etjevis,auborddemesmi-bas,plusd’unecentainedepetitspointsnoirs:c’étaientdes
puces,qui“parl’odeuralléchée“,s’étaientmisesàtableautourdesjambesduflûtistesolitaire!...Ungestede
la main, et toutes ces bestioles sautèrent dans toutes les directions, et je fus tranquille … pour quelques
instants!101»
Cetévènement,subiparleprisonnier,montreainsiquelesdifficilesconditionsdeviedela
captivité,telquel’hygièneplutôtmauvaisedesbaraques,peuts’insérerdanslapratiquedes
activités artistiques et même si elles ne les empêchent pas, elles mettent en place de
mauvaisesconditionspourpratiquersereinementcesactivités.
Si cette situation n’est qu’une simple contrariété dans la pratique des activités, d’autres
interrompentcomplètementtouteoccupationpour lesprisonniersdeguerre.Leproblème
majeurestainsil’espacedisponibleàl’intérieurducamp.Rapidement,lethéâtre,ainsique
98CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.9399LOUDCHERetVIVIER,Sport et formation universitaire en éducation physiqueau stalag de Stablack (1941-1945).Expérienced’unprisonnierdeguerre:AlbertCOUPAT,Amiens,1994,72AJ/2636,AS,AN100X,RapportsurlecampdesAspirantsdustalagIA,19/01/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN101STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.87
128
les autres activités artistiques, ont reçu une baraque, pour permettre de répéter leurs
spectaclesetdepréparerlesreprésentations.Siaudébutdelacaptivité,larépartitionentre
hommesdetroupes,aspirantsetactivitéss’estfaitesanstropdeproblème,lesannées1943
et1944impliquentl’arrivéedenouveauxprisonniersdeguerre,commeaveclacapitulation
desItaliensenseptembre1943102.L’arrivéedecesnouveauxprisonniersimpliqueuneperte
d’espace pour les aspirants: «Le camp disposait d’un théâtre bien installé et d’un
orchestre[…] Toutes ces facilités sont suppriméspour lemoment, lespiècesutiliséesà cet
effet devant servir de cantonnement pour de nouveaux arrivés. Toutes ces installations
reprendront leurs activités aussitôt que possible.103». Selon un rapport quatre mois plus
tard,lasituationnesembletoujourspascomplètementréglée:«Lemanquedeplacedans
les baraques rend les manifestations artistiques plus difficiles104». Si cela représente un
inconvénientassezsérieuxpour lesaspirants,puisqu’il limitegrandement leurspossibilités
derépétitions,uneautrecomplication,beaucoupplusimportante,seprésenteauxaspirants
etestuneconséquencemajeuredecemanquedeplace.Durant l’année1944, la sallede
musiqueesttransféréedansunedesanciennesbaraquesducampetpeuaprès,unincendie
éclate, provoquant la destruction des instruments demusique, ainsi que du piano et des
partitions105et réduisant ainsi en poussière une grande partie de l’histoiremusicale de la
captivitédesaspirants.
Enfin, un dernier problème se pose aux aspirants, mais il ne concerne que la troupe de
théâtreetl’orchestreargentin,c’est-à-direlesdeuxgroupesétantpartisentournéedansles
kommandos.Si lecampdeprisonniersest relativementprotégédescombatsde laguerre
pendant la captivité, les kommandos le sontmoins, etdes combats aériensontprovoqué
l’annulationd’unedestournéesduthéâtre:«UnautredéplacementàTilsitaétéajournée
en raisonde ladestructionde la sallede représentationpar lesbombardements106».Bien
qu’aucunautreexempledecetypenesoitdonnédanslesautresrapports,celarappelleles
aspirantsàlaréalitédelaguerreetàlasituationdanslaquelleilssont.
102DURAND Yves, La Captivité : histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,p.428103BUBBW.,StalagIA,Stablack,16/09/1943,Allemagne,F/9/2709,MissionScapini,AN104CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN105STEFANIPaul,«Avecl’OrchestreSymphonique»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.88Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN106CCPPG,STALAGIA,07/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN
129
Ainsi,l’unedescraintesobservéesdanslapratiqueduthéâtreparlesprisonniersest
: «de progressivement s’adapter à sa condition de captif, voire de l’oublier, à force de
s’adonnerà lapréparationdespectacles,etdesecouperdéfinitivementde lavieréelleen
recréantauseinde l’universdéjà facticeducampunmondedefuiteetd’illusions107».Les
différentsproblèmesd’hygiène,decantonnement,d’accidentsetdetempératuresfontque
l’aspirant n’oublie jamais qu’il est en captivité, et l’évasion qui est recherchée par cette
pratique ne dure que pour un bref moment, avant que la captivité ne rattrape les
prisonniers.
B–Desactivitésdépendantdel’immixtiondesAllemands
Lesconditionsdeviede lacaptivité jouentunrôleparticulierdans ledéroulementdes
activités des prisonniers, mais, même sans elles, ces activités peuvent rencontrer des
obstacles. En effet, les Allemands, en tant que vainqueurs de la guerre et gardiens des
prisonniers, interfèrent dans certaines des décisions des groupes d’activités ou tentent
d’imposerdesidées.
SilesAllemandsdonnentunelibertéplutôtgrandeauxprisonniersdeguerrepourorganiser
leurs activités, comme cela est évoqué dans la Convention de Genève:«Les belligérants
encourageront lepluspossible lesdistractions intellectuellesetsportivesorganiséespar les
prisonniersdeguerre108»ettelqu’ilsfontenleurfournissantunebaraquepourpratiquerou
en permettant des tournées en kommandos, ils ont également la possibilité, dès qu’ils le
veulent,d’arrêteroud’interromprel’activitéetcelaaétéfaitàplusieursreprises.
L’undesmeilleursexemplessurcepointlàestlecasdelacensure.L’idéologienazie,surle
planculturel,amèneàunerestrictiond’ungrandnombred’œuvresetd’auteursetcelapeut
ainsis’observerpourlatroupedethéâtre.Eneffet,ellechercheàprésenterunmaximumde
pièces, pour diversifier son contenu,mais tout nepeut pas être représenté, commenous
donne en exemple un des aspirants: «Cela vous amusera peut être de savoir que, en
octobre 1941, nous avons commencer à répéter “Les chevaliers de la Table Ronde“ de
107GILLET Patricia, «Le théâtre dans es camps de prisonniers de guerre français, 1940-1945», Théâtres etspectacleshieretaujourd’hui:Époquemoderneetcontemporaine,Éditionsducomitédestravauxhistoriquesetscientifiques,Paris,1991,p.265108Article17,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR
130
Cocteau,pourapprendreauboutde15jours,queCocteauétait interditenAllemagne109».
La censure touchait aussi les pièces qui montraient un sentiment pro-anglais, comme se
pouvaitêtrelecaspour“VignesduSeigneur“ou“LesupplémentauvoyagedeCook“,perçu
demanièredéfavorable,alorsquel’Angleterreetl’Allemagneétaientenguerre.Àd’autres
reprises, c’est simplement la perception qu’apportent certains moments d’une pièce qui
provoquent l’interdiction de la représentation, tel qu’une apologie au suicide dans
“Eurydice“110.Pourlecasdel’orchestreTrasbot,estmentionnélefaitquelesAllemandsleur
ontdemandédenepasfaireunsketchsurCharlotcar«IlressembletropànotreFührer»et
que cela fut «la seule et unique fois qu’une censure nous fut imposées par les autorités
allemandes111».Cettecensurepeutégalementêtreobservéed’unecertainemanièrepour
lecasdudomainesportif,notammentlorsquelesgardesallemandsvoulurentempêcherles
aspirantsd’organiser leur fête sportive le14 juillet, suivant le fait quec’est : «le prétexte
d’unrassemblementpatriotique»etcelacontinuelelendemain,lorsqu’ilsobserventlemât
dresséaucentredeterrain112.Finalement,c’estgrâceàungrandmoyendepersuasiondela
partdesaspirantsenchargequ’ilspurentorganiserleurévènement.Ainsi,silacensuren’est
pas obligatoirement imposée, les Allemands ont véritablement le pouvoir d’entraver les
actionsdesaspirants.
Outrelacensure,quinefaitqueralentirlapratiquedesactivitésartistiques,lesAllemands
utilisaient aussi ces activités comme moyen de répression. Cela pouvait concerner
simplement lesprisonniersdeguerreétrangers, commece fut le casparexemplepour la
baraqueduthéâtre.Àpartirdel’année1944,lafusionduthéâtredesaspirantsetduthéâtre
ducampfitquelabaraqueduthéâtredesaspirantsdevintégalementcelledeshommesde
troupe, cequi impliquait un trajetd’un campà l’autre. Pouréviter lesproblèmesetpour
être sûrsde faire respecter l’ordre correctement, les allemands installentune sentinelleà
l’entréedelabaraque,ainsiqu’uncontrôleaccru; lesrussesetlesitaliensontinterdiction
d’entrer dans la baraque113et il faut êtremuni d’unbillet pour avoir accès à la salle114. Il
existedonciciuncontrôlestrictdesAllemandsquipermetdelimiterunminimumcetaccès109HENRYPierre,«Enlibertésurveillé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.84110HENRYPierre,«Enlibertésurveillé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.84111DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.38112CARMEILLEMarcel,«Lesjeuxdustade»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.93113Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,06/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN114Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,25/03/1944,F/9/2912,DSPG,AN
131
aux arts, mais ce contrôle peut parfois aller plus loin. Dans un seul cas, d’après les
témoignages fournis, les gardes allemands ont utilisé les pratiques artistiques du camp
commemoyenderépression.Silesaspirantsn’ontgénéralementpasderaisondes’opposer
auxgardesallemands, celaarriva lorsdu casde lamoisson:«Estarrivée lapériodede la
moisson.Lesallemandsdemandèrentlesvolontaires,cenefutpasunsuccès,carilsvoulaient
350volontairesminimum,etn’eneurentque200.Enpunition,ilsdécidèrentdesupprimerle
cinéma aux aspirants pendant les moissons. Mais le cinéma continua pour le reste du
camp.115»Onvoitainsiiciquec’estvéritablementunepunitionciblée,quiviseàmettrela
pressionauxaspirantspourquelesAllemandspuissentobtenircequ’ilsveulent.
SilesAllemandsontdoncunpouvoirdepressionetdecontrôlesurlesprisonniersde
guerre, on peut observer qu’ils ne l’utilisent réellement que très peu. Cela peut ainsi
montrerà la foisunebonnecoopérationentre lesgardeset lesaspirants,maiségalement
peut-êtrel’attraitqueportentlesgardesallemandseux-mêmes,àcequefaitl’aspirant,soit
l’intérêtqu’ilspeuventporteràleursspectaclesoudémonstrationssportives.
Les aspirants ont donc connu une vie culturelle et sportive très intense, rythmée
notammentpar l’activité soutenueetétenduede la troupede théâtredesaspirants,ainsi
que par l’orchestre argentin Trabsot,mais également par les différentes compétitions de
basketball,footballoutennisetlesrencontresavecd’autresprisonniersdanscecadre.Par
ce rythme d’activités, on peut ainsi observer que, si certains des éléments de la vie des
aspirantspeuventquelquesfoiss’apparenteràlavied’unstalag,cetaspectparticuliertient
plutôt de la vie d’un oflag et de ses officiers. Tout comme lesmilitaires de ce grade, les
aspirantsdisposentd’unelargepériodedetempsdansleurjournéepours’entraîneroupour
répéterleursspectacles.
Cependant,s’ils ressemblentpourbeaucoupàcequefont lesofficiers,quelqueséléments
les distancent d’eux et en font à nouveau une captivité unique, au sein des camps de
prisonniers.Lesaspirantsontpratiquéàpeuprèstouslessportsquileurétaientpossibles,
commelementionnentdesrapportsetdestémoignages.Certainsdesartistesontpuêtre
employés comme travailleurs grâce à l’art qu’il pratique et de plus, certaines des troupes
115CHERONHenri,«Devantl’écrandu“Stablack-Palace“»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.92
132
connurentdegrandes tournées, allant jusqu’à faire le tourde laPrusseOrientale,n’étant
presqueplus jamaisdans lecamp,cequimontreainsiunegrandelibertéaccordéepar les
gardesallemandsauxaspirants.Deplus,lapérennitédelavieculturelle,quicommençadès
l’arrivée en captivité à Stablack et qui continua presque jusqu’au départ d’une partie des
aspirants ou l’arrivée des Russes pour la libération rend cette situation encore plus
exceptionnelle, puisque cela permet d’exposer encore plus l’importance que l’on peut lui
donner.
Cette part de l’expérience des aspirants prisonniers de guerre en captivitémontre
encoreplussonampleuraprèslafindelacaptivité,puisqu’ilsemblequelalibérationn’afait
qu’interromprelesactivitéssportivesetartistiquesdesaspirants.Eneffet,aprèsleretouren
France, les aspirants renforcent leur lien par la création de l’Amicale des Aspirants de
Stablack,aveclaquelleilsorganisentdenombreuxrassemblements,pourseremémorerleur
tempsencaptivité.Ainsi,ilsfontcelaparexempleavecunedesactivitéssportivescommele
tennis: «Jeme rappelle également qu’en 1952, Charlot avait organisé au Tennis-Club de
Levallois au tournoi Aspi116» ou avec une des activités artistiques, tel que le théâtre:
«“Princesse Aurore“ passant par Roubaix viendrait nous retrouver aujourd’hui! Quelle
chance, laporten’étaitpasbien ferméeet le“ThéâtredesAspis“ fait sa réouverture…117»
Onpeutobserverque l’enthousiasmeest toujoursprésent et les souvenirs semblent tous
heureuxet joyeux,cequipermetdoncd’expliquerà lafois laraisonde laprolongationde
ces activités pendant la captivité mais aussi l’engouement que les aspirants ressentent
toujoursàl’idéed’enreprendrelesfondements,mêmepouruncourtintervalledetemps.
116LIPSPierre,«Tournoienbarbelés»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.95117HENRYPierre,«Vuparsestroisdirecteurs»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.83
133
TITREVI:LesaspirantsetletravailUnequestiondecirconstances
«Ilapparaîtquelebutpropreetuniquedelacaptivitédeguerre,celuidepriverle
soldatennemidetoutepossibilitédecontinuerlecombatenluiassurantdesconditionsde
viesuffisantes,aétéentièrementdominéparunautre:lamassebigarréedessoldatscaptifs
devientpourl’Allemagneunfacteurimportantdesonéconomiedeguerre1»
LesAllemandsontlapossibilitédedisposerdesprisonniersdeguerrecommeilsle
veulent,pourquecelasoitbénéfiquepoureux,maisilsonttoutdemêmedeslimites.En
signantlaConventiondeGenève,ilss’obligentàrespecterlesrèglesétabliesetparmicelles-
ci,ilsdoiventopéreruneimportantedistinctionvis-à-visdelahiérarchiemilitaire.S’ils
peuventdisposercommeilsleveulentdeshommesdetroupe,ilsdoiventrespecter
certainesexigencespourlecasdesofficiersetsous-officiers,notammentlorsqu’ils’agitdu
travail2.Pourlecasdesofficiers,ilsnepeuventlesmettreautravailquesicesderniersle
demandentetsuivantleursrequêtespersonnellesetpourlessous-officiers,ilsnepeuvent
paslesforceràcertainstypesdetravaux.
Cependant,ilexisteunecatégorieentrelesdeux,inconnuedesAllemands,les
aspirants,dontlarèglementationdutravails’accordeplusàcelledespremiers,maispeut
parfoisêtreassimiléeàcelledesseconds,cequiposedenombreuxproblèmes.Toutaulong
deleurcaptivité,letravailauneplaceprépondérantepourlesaspirants,quecelasoitde
manièrecomplètementinvolontaireouparunchoixréfléchi,bienquecelanesoitpasen
accordcompletaveclesdroitsqu’ilspossèdent.Ainsi,ilestpertinentdesedemanderpour
quellesraisonslesaspirantsontdécidédes’engagerpourdiversemploishorsducamp,
comptetenudeleurpositionetleurgrade.
1BILLIGJoseph,«Lerôledesprisonniersdeguerredans l’économiedu IIIèmeReich»,Revued'histoirede laDeuxièmeGuerremondiale,10eAnnée,No.37Surlacaptivitédeguerre(Janvier1960),p.532Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR
134
I–Uneoppositionfermedutravailparlesaspirants
Danslespremierstempsdelacaptivité,lesaspirantonttoujourseuuneopinion
plutôtsemblablesurletravail,c’est-à-direqu’ilsrefusaientd’yprendrepart,considérant
quecelaallaitàl’encontredeleurplacedanslahiérarchiemilitaire.
A–Unsouvenirgénéralementdésagréabledescampsprécédents
Lesaspirantsontconnudenombreusesdifficultésavantdepouvoiratteindre
l’Aspilagetcommencerleurcaptivité,tellequ’elledevaitsedérouler.Ilsontconnutourà
tourdesoflagsetdesstalagsetleurqualificationhiérarchiqueparrapportàlaConvention
deGenèveasouventposéproblème,etnotammentpourlecasdutravail.
LasituationdesprisonniersdeguerretravailleursaétéposéeparlaConventionde
Genèveàl’article273etelledésignelesgradésquipeuventêtreexemptésdetravail.
Commeonl’adéjàvuàdenombreusesreprises,lesaspirantsétaientreconnusaudépart
commedesofficiers,puisfurentexpulsésversdesstalagscommesous-officiers.Laquestion
dutravail,pourcegradedeprisonniers,intervientàpartirdecettepériodeetlesréponses
trouvéesnesontpastoujoursfavorablesauxaspirants.Ilexistedenombreuxcasoùunefois
arrivésenstalag,lesaspirantsformentunepetitecommunauté,qu’ilssoientnombreuxou
non,laisséeenpaixparlesresponsablesducamp,quiontpucomprendreetassimiléeleur
gradeparticulieretcettecaptivitéestdoncplutôtordinairepoureuxetserapproche
probablementdecequ’ilsviventparlasuitedansl’Aspilag.Ensuite,onretrouvedescas
beaucoupplusrares,deprisonniersquiontdécidéd’allertravailler:laraisonestsouventla
mêmequel’onretrouveraparlasuitechezlesaspirants,c’est-à-direl’enviedecombattre
l’ennuiquis’installeencaptivité4.Enfin,lederniercasetceluiquiaposéleplusde
problèmesauxaspirantsaétéceluidel’obligationd’allertravailler,enfonctionducampoù
ilssetrouventinternés,commelementionneplusieursaspirantsdemanièregénérale:
«Toutdépendaitdel’intensitédelapressionallemande,deladuretédelavieaucamp,de
l’étatd’esprit[…]Uncasparticulierestcependantàsignaler,celuiduStalagIIB,oùles
aspirantsontétéexpédiésdeforceenkommandos5»ouplutôtpersonnelle:«J’aitoujours
3Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR4SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.225SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22
135
faitpartiedesréfractaires“jusqu’auboutistes“autravailpourleGrossReich.Jen’yaitété
contraintquelabaïonnettedansledos6».Sicegroupenereprésentequ’uneminoritéau
seindesaspirants,ilrestetoutdemêmeleplusimportant,puisqu’ildémontreclairementle
problèmedesaspirantspendantcettecaptivité.LesAllemandscherchentpartousles
moyensàtrouverdelamaind’œuvreetvontmêmejusqu’àpasseroutrecertainsdroits
basiquesdesprisonnierspourl’obtenir,commelesaspirantsetleurrefusdutravail.
Lasituationconnaîtcependantuntournantrapidepourlesautoritésallemandesavecle
regroupementdesaspirantsdansunmêmecamp,puisquecelametenplaceunevéritable
unionetunecommunautéentretouscesprisonniers,quidéveloppentunmeilleurmoyen
depressionpours’opposerauxAllemands,commecelaavaitpuêtrelecasdanscertains
stalagsoùavaientétéplacésdesaspirantsaudébutdelacaptivité7.
B–L’Aspilag,unmoyend’affirmersapositiondanslahiérarchiemilitairefrançaise
Aprèsdenombreusesdémarchesetplusieursdifficultés,lesAspirantssontenfin
envoyésdansuncampcrééspécialementpoureuxàpartirdemars1941etpendantles
moisquisuiventetilssaisissentcetteoccasionpourrenforcerleurstatut.
Commeonadéjàpuleremarquer,lesaspirantsavaientsupposémentétéenvoyés
danscecampdeStablackpourreprésailles,demanièreàpunirlamajoritédeleur
comportementdanslesstalags8maislasituationchangerapidementenfaveurdesfrançais.
Eneffet,parlacréationdececamp,touslesaspirantssontrassemblésaumêmeendroit,
unegrandepartieretrouvantd’ailleursdesconnaissancesdelycéesoud’écolessupérieures
etainsi,unegrandecommunautésecrée9.Celaentrainedepluslaformationd’ungroupe
depressionbeaucoupplusimportantquedanslesstalags,puisqu’ilyaunegrandeunitéet
unecohésiondegroupequidonneunpoidsplusconséquentcontrelesAllemandsetcelase
traduitnotammentpourlecasdutravail:
«Vingtfois,Hartmannm’ademandéd’insisterauprèsdesAspispourqu’ilsacceptentd’allertravailler.
AveclesCommandantsdeCompagnieetlagrandemajoritédescamarades,j’étaisd’avisquenousnedevions
pascédersurcepoint.Nousétionsenluttepourfaireadmettrenotrequalitéd’officier.Enacceptantd’aller
travailler,nousaffaiblissionsnotrethèse,nousn’étionspluslogiquesavecnous-mêmes.Certainscamarades
6DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.177SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.228SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.22-239SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.26
136
étaientvenusmedireleurdésirdepartirenkommandopouréchapperàl’ennuiducamp.Jelesenaitoujours
dissuadés.C’eutétédangereux.Plustard,lescirconstancesfurentdifférentesmaisdanscespremiersmois,où
toutétaitàconstruire,ilnefallaitpasromprenotrehomogénéité;lamoindrefissuredansnotreblocpouvait
toutfaireécrouler.Pendantcettepériode,aucunAspinepartitenkommando10.»
AveccettelogiqueutiliséeparCharrier,onpeutainsiexpliquerunedesréactionsqueles
aspirantsauraienteuesàl’arrivéed’ungroupedeprisonnier:«Ànotreconnaissance,dans
unseulstalag,leXIA,ungroupeimportant,minoritétoutefois,choisitlekommando.Ilen
résultat,d’ailleurs,lorsduregroupementdemars1941,uncertainmalaise.11».Eneffet,
pourungroupequiessaiedefairereconnaîtresonstatutd’officieretdoncd’obtenirun
certainrespectaveclesAllemands,accepterd’êtrevolontaire,engroupe,pourdutravail,
sembleêtreunemauvaisereprésentation.
IlapparaitqueCharrieraeffectivementréussiàfaireacceptercetteprérogative,puisque
lesdifférentsrapportsdedépartsenkommandosn’interviennentqu’unanplustard,alors
quelacaptivitécommenceàdevenirpluspesantepourungrandnombre12ouavecl’arrivée
duGénéralDidelet,quiestdansunepolitiquedecollaborationaveclesAllemands,donc
bienéloignédecequerecherchentlesaspirants13.Ainsi,pendantlapériodedecaptivitéqui
suitl’arrivéeaucamp,lesaspirantsn’exercentquedeuxtravails:ilsontdesresponsabilités
auseinducampquipeuventêtreconsidéréescommeunemploi,telqueletriagede
courrier14ouilspeuventsimplementêtredesétudiantsoudesprofesseursdel’université
quisedéveloppeintensémentverslafindel’année1941.
Parconséquent,unefoisarrivésàStablack,lesaspirantsprisonniersréussissentà
faireadmettreleurstatutetleursdroitsetcesystèmefonctionnecorrectementjusqu’àl’été
1942,oùlesaspirantsserontrecrutésdeforcepourlesmoissonsenPrusseOrientale.
10CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.4911SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.2212FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN13LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN14GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.15
137
II–Lesmoissons,méthodescoercitivespourfairetravaillerlesaspirants
Lamoissonaétéletravailleplusanormaldesaspirants.Ilsn’ontaucuncontrôlesur
leursdépartsdanslesfermesetpartentavecunsentimentdecolèreetd’indignation.
Cependant,auretour,lesentimentestplusvarié,puisqu’unegrandemajoritérevientavec
unavisfavorablesurcetteexpérience.
A–Unconceptmensongerde“volontaires“
Lesaspirantsontétéenvoyésàtroisreprisesdanslescampagnesprussiennespour
fairelesmoissons:en1942,1943et1944.Silamoissonde1944estplutôtordinaire,carles
Allemandssepréparentàl’évacuationd’unepartieducampetdesaspirants15,lesdeux
autresmoissonssedéroulentdifféremmentmaisontunaspectidentique:lesaspirants
n’étaientjamaisvolontairespourparticiperàcesmoissons.
Lepremierenvoipourlamoissonsedérouleàl’été1942.Lasituationaucampest
plutôtbonne,l’universités’estdéveloppée,ainsiquecertainesautresactivités,etles
aspirantsn’ontpasderaisonsdevouloirpartirautravail,alorsqu’ilbénéficied’unrégime
d’oflag,plutôtagréablepoureux.Cependant,c’estégalementlapériodeoùlesAllemands
commencentànécessiterunequantitédemaind’œuvreplusimportanteetexercentdonc
desérieusespressionspourobtenirl’aidedontilsontbesoin16.Plusieursargumentssont
employéssurlesprisonniersdeguerrepourlesobligeràseportervolontaire:«combat
communpourl’Europe[…]oisivetédesprisonniersdel’Aspilag[…]leursanténepouvait
d’ailleursqu’enprofiter17»ouencoreprendre«exempledesétudiantsallemands18».Les
aspirantsrestentfermessurleurpositionetlanotionqu’ilsn’ontpasàtravailleretrefusent
donccatégoriquementchacundesesarguments,cequin’estpaslecasduGénéralDidelet.
Cedernieresttoujoursdansunerecherched’ententeaveclesautoritésallemandes.Il
décidedoncd’inscriretouslesaspirantsducampsurlalistedevolontairespourles
moissons,enposantcependantcertainesconditions,tenantcompteducaractèreparticulier
desprisonniersenvoyésautravail19.Lesréactionsdesaspirantsfaceàcettedécisionsont
15SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5616D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.7617SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.54-5518BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN19LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
138
plutôtnégatives:«LeGénéralDIDELETafaitunefaussemanœuvreenenvoyanten1942les
Aspiscomme“volontaires“àlamoisson20»,«Personnellement,en1942,j’aiétéenvoyéde
force,commetouslesAspisréfractaires,prèsdelafrontièrerussedansunegrandeferme
pourlamémorable“moisson“21».Deplus,unepolémiqueapparaitenmêmetemps,
puisqueledépartàlamoissoncoïncideavecledépartdupremiertraindelaRelève,oùdes
membresduMouvementPétain,quis’étaientprononcésenfaveurdelamoissonetavaient
ditqu’ilsdonneraientl’exemple,sontrapatriés22.Ainsi,silesaspirantsontmalperçucette
initiative,lesAllemandsl’ontappréciéetcelaaétébénéfiquepourlegénéral:«Toutcelaa
contribuéàvaloriserlecréditduGénéralauprèsdesAllemands23.»
Finalement,ilssont1300aspirantsàpartirpourlesmoissons,pourcinqsemaines24,avecla
promessedesAllemandsdelesfairerentrerauplustardle15septembre,pourqu’ils
puissentensuiteretourneràl’université25.Celaétaitd’ailleursunedesraisonsdela
réticencedesaspirantsàpartirautravail:«Jecrainscependantqu’aprèslamoisson,cene
soitletourdespommesdeterreetquelesaspirantsneréintègrentleursbaraquesqu’au
commencementdel’hiver26»,«Maisonatoutesraisonsdeseméfier.Aprèslamoisson,ils
pourrontprésentercommetoutaussinécessairel’arrachagedespommesdeterres,des
betteraves,etc.27».Néanmoins,suivantcequiavaitétédit,lesAllemandsonteffectivement
respectélesdemandesdesresponsablesfrançaisetle16septembre,presquetousles
aspirantsétaientrentrés28.Lavieuniversitairedesaspirants,ou«viemonastique»29,
reprendainsi,sansqu’aucuneautreobligationdetravailneseprésente.
L’annéesuivante,enété1943,lasituationestdifférente,bienquecertainesopinions
soienttoujourslesmêmes.LesAllemandsdemandentencoreunequantitécertainede
prisonniersdeguerrepourlesmoissonsetlesaspirantssonttoujourscontrecetravail,mais
cettefois-ci,chacunedesdeuxpartiesapportesonpropreargument.Lesaspirants,pourne
20FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1722SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5823BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN24CCPPG,Rapportquotidiendu7septembre1942,07/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN25BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN26FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN27DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.13628DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejourLecampdesAspirants…op.cit.,p.13729DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.18
139
pasêtreobligésderetournerautravailcontreleurvolonté,mettentenavantl’article27de
laConventiondeGenève,quiprotègedutravailforcé30tandisquelesAllemandsmenacent
lesaspirantsdereprésailles,avecnotammentladissolutionpossibleducamp31:«faireun
rapportàl’OKWpourdemanderlasuppressionducampetl’expéditiondesAspirantsà
Kobierczyn,oùétaientlessous-officiersréfractaires32».Uncompromispermetderésoudre
lasituationentrelesdeuxgroupes,une«déclarationdenon-volontariat»33,signéepar300
aspirants,quisontdoncofficiellementdésignéscommedesréfractairesautravail,bienque
celaneleurporteaucunpréjudiceparlasuite.En1943,700aspirantssontainsienvoyés
danslesfermespourlamoisson34maisselonletémoignaged’unaspirant,l’atmosphèreest
particulièrependantcettemoissonetbiendifférentedecelledel’annéeprécédente:«Le
filsdufermier,sousofficiersurlefrontrusse,vintenpermission.Sonairtristemefrappa.
Aprèssondépart,lefermier,leregardfixe,parutabattu.Uneservantenecachapasqu’elle
croyaitàladéfaite35».Letournantdelaguerre,endéfaveurdesAllemands,sembledonc
affectergrandementletravaildanslarégion,cequiestconfirméparunautrerapport:«À
lasuitedesderniersévènements,lerendementauraitbeaucoupdiminué.Dansplusieurs
fermes,lesprisonniersdeguerreserait“devéritablespatrons“36».
Lamoissonsembledoncavoirétéungrandsujetdediscordeentrelesaspirants,les
Allemandsetmêmelesresponsablesfrançais,maissilesaspirantsysontpartisavecun
sentimentd’hostilitétotale,tousnereviennentpasaveccetétatd’esprit.
B–Unavismitigésurletravaildesmoissons
Lamoissonétaitunévènementappréhendépartouslesaspirantsàl’Aspilagetilss’y
rendentparcontrainteetsansaucunemotivation,maisunefoisarrivésdanslesfermespour
leurtravail,plusieursétatsd’espritss’observent.
30SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5531CCPPG,StalagIA,29/06/1943,F/9/2912,DSPG,AN32SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5533SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5534CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN35LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN36CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN
140
Toutd’abord,onretrouvelecasd’aspirantsquifontle“travailduprisonnier“,c'est-à-
diretravaillerdelamanièrelapluslenteetlaplusinefficacepossible37.Sansêtreuneforme
ostensibledesabotage,c’estunemanièredefreinerlesrendementsdel’Allemagneetde
montrerqu’iln’yapasdecollaboration.Ellepeuts’effectuerdedeuxfaçons:ellepeutêtre
faiteentouteconnaissancedecause:«J’aifait,commemescamarades,lamoissonau
rythme“langsam“sabotant,chaquefoisquejepouvais:renversantunecharrette,pleinede
bottesdeblé,sciantdebellesplanchesdeboisaulieudebûches38».Cetémoignagedate
cependantd’aprèslaguerre,doncilestdifficiled’évaluerlavéracitédecettedéclaration.
Ellepeutégalementêtreréaliséesansquecelasoitunevéritablevolontédutravailleur.En
effet,ce“travail“peutêtrel’exempled’unmanquedetechnique,sansdécisiond’apprendre
laméthodeenparallèle39,cequipeuts’expliquerpourlecasdel’aspirant,puisqu’ilfaisait
souventpartied’uneélite,généralementintellectuelle,quin’étaitpasforméeàcetypede
besogne:«lesmoissonsseferontsansnous,oumalgrénous:commentconfierlesattelages
oulesoutilsprécieuxàdepareilsfantaisistes…quisontvenuslàpourd’autresfins40.»
Ensuite,ilestpossiblederemarquerque,commecelaestprobablementlecaspourle
restedesprisonniersdeguerre,l’appréciationdel’activitéparlesaspirantsdépend
totalementdutypedefermesoùilsontpuêtreplacéspourlamoisson:
«Cetteexpériencedelamoissonestfaited’uneinfinitédecasparticuliers.Etnousréalisonsqu’iln’yapas
“lavieenkommando“,quechaquekommandoàsaviepropre,avecquelquesélémentsimmuablesnéanmoins.
Certainsontmalréussi,quisonttombésdansdesfermesd’État,pargroupedequinzeouvingt,sorted’usines,
oùlapitanceestmaigreetletravailharassant.D’autresonteuplusdechancequiontéchouédansunepetite
fermetranquille,chezdespaysansquasi-universelsavecleursdéfautsetaussileursqualités.Dansl’ensemble,
onconstatequeles“contents“sontplusnombreuxqueles“mécontents“.41»
Cetteidéeestd’ailleursreprésentativedel’oppositionqu’ilexisteentreleskommandosde
travailetlesaspirants,etquipeutexpliquerlaréticencedecesprisonniers.L’Aspilagestun
campoùtouslesprisonnierssontégaux,carilsdisposentdesmêmesdroitsetilsformentun
groupehomogèneetsolidaire.Lorsdesmoissons,ilssontdisperséscontreleurvolontéet
doiventsubir,pendantunecertainepériodedetemps,cettesituation.LecolonelVonPirsch,
37DURAND Yves, La Captivité : histoire des prisonniers de guerre français, 1939-1945, Paris, FNCPG-CATM,1982,p.13338DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1739DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.13340DUGASBernard,«Greta»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.10141DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.137
141
commandantducamptented’ailleursderéglerceproblèmelorsdesvolontariatspourla
moissonde1943,endéclarantêtreàl’écoutedesdemandesd’affectationsspécifiques42.
Ainsi,unemajoritéapprécieleurtempspendantlesmoissons,notammentgrâceàl’entente
aveclesemployeurs43,quis’observemêmepourlecasdetravailleursincompétents44ou
grâceauconfortparfoisretrouvé45etunepartiedecesaspirantsdécided’ailleursderester:
«ilyena200qui,aumomentdemondépart,demandaientàretournerdemeurerdansles
fermesquilesoccupaientpendantlesvacances46»,«Certains,enchantésducontactqu’ils
avaienteuavecl’extérieur,demandèrentàrepartircommetravailleurs47».Cechoixpeut
êtrevucommeunactederedditiondelapartdesaspirants,quidécidentd’abandonnerleur
statutparticulier,pourseposerdansunecaptivitéplusroutinièreetplusordinaireeten
quittantcettecommunautéquis’étaitformée.Lesautresaspirantsn’yvoientcependantpas
unactedécevant,commecelaavaitpuêtrelecasaudébutdelacaptivité48maisune
décisioncompréhensible,aprèscelongtempspasséencaptivité49.Certains,àl’inverse,
refusentdepoursuivrecetravail,pourcontinueràappuyerleurposition:«Quelquesuns,
trèssatisfaitsdeleursemployeurs,seraientrestésavecleurplaisir;maisilsauraientdû
signeruncontratdetravailde6mois,qu’ilsontrefuséparprincipe50»
Danslamajoritédescasdonc,bienquelamoissonaitétéuneactivitéréaliséeà
contrecœur,lesavisrésultantssontplutôtpositifs.Siunemajoritéchoisitderentrerau
camp,ilsonttousconsidérésquecelaavaitétébénéfiquepourleursanté51etquecelaleur
avaitchangélesidéesdelacaptivité52,conduisantprobablementàunedistractionbien
différentedelavieuniversitaireplutôtmonotone,commeletermede«viemonastique»53
utiliséparl’aspirantDuriezpeutfairepenser.
42VONPIRSCH(Col.),Notesurlamoissonde1943,16/07/1943,Stablack,72AJ/2633,AS,AN43CCPPG,Rapportquotidiendu11octobre1943,11/10/1943,F/9/2912,DSPG,AN44DUGASBernard,«Greta»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.10145CCPPG,Rapportquotidiendu15septembre1943,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN46BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN47SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5548CHARRIERRené,«Lesdébutsducamp»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.4949DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.1750CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN51LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN52CapitaineMASSARD,RapportduStalagIA,30/09/1942,F/9/2912,DSPG,AN53DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.18
142
III–Unregarddifférentetpositifsurletravail
Pendantlacaptivité,l’attraitdutravaildevientdeplusenplusimportantpourles
aspirantsetilsdécidentdoncdequitterleurcampetsesconditionsparticulièrespourles
emploisdel’Allemagne,cequiseprésentedediversesmanières.
A–Unattraitdeplusenplusimportantpourdesactivitéshorsducamp
Lacaptivité,commeonapulevoiràdenombreusesreprises,asouventtendanceà
devenirpesantepourleprisonnierdeguerre,quiabesoindetrouveruneactivitépour
s’échapper.Silesprisonniersdeguerrenongradéstrouventrefugedanslamiseenplace
d’unevieintellectuelleouculturelle,lorsqu’ilsontfinileursjournéesdetravail,lerecours
desaspirantssembleplutôtêtreletravail,aprèsavoirpasséunelonguepériodeenfermée
derrièredesbarbelés,rendantcertainsquelquepeuclaustrophobiques54.
Laraisonprincipalepourundépartautravail,selonunemajoritédetémoignages,est
l’évasion,bienquecelas’observesurtoutendébutdecaptivité.Letravailesteneffetle
meilleurmoyenpourprépareruneévasion,puisquelasurveillanceesthabituellement
beaucoupmoinsaccruequedanslescampsetilestdoncplusfaciledepartirsansêtre
remarqué55.Onpeutd’ailleursprendrecommeexemplelecasd’unconvoimisenœuvreen
février1942,quidoitpartirpourunstalagquelquepartenAllemagneetquiestutilisé
commeexcused’évasionparplusieursdesaspirantsquitémoignentaprèslaguerre:«On
demandedestravailleursvolontairespourallerdanslaRégionXII[…]Noussommessixcents
volontaires[…]Siondéplacedesaspisversl’Ouest,lesvolontairesquisemanifestentn’ont
qu’uneidée…foutrelecamp!56»,«Ilnousfutannoncéunbeaujourquecertainsaspirants
avaientlapossibilitédequitterlecampduIApourrejoindreunStalag,quelqueparten
Allemagne.[…]Iln’ajamaisétéquestiond’êtrevolontaireautravail[…]j’étaisdécidéà
partiretàquittercetterégionhostile,envuedetenteruneévasion57.».L’évasionestdonc
perçuecommeunejustificationpourledépartautravaildesaspirants,cequipeutlaisserà
penserquelesautresaspirantsneveulentpascroire,aumoinsaudébutdelacaptivité,que
lesprisonnierspeuventvouloirpartirautravail,pourlasimpleraisondevouloiréchapperau
camp.54SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5355DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.13656PERSONHenri,AufReisen!!,1995,p.5857ROUSSELJean,Demacaptivité1940-1945,quelquessouvenirs,1991,p.7
143
Pourtant,rapidement,cetteidéedoitêtreassimilée,puisquelenombred’aspirants
partantautravail,enkommandosprincipalement,devientplusconsidérable,commele
montrentdenombreuxrapportsde1942:enmai,«Denombreuxaspirantsontcédéaux
offresdesautoritésallemandeslessollicitantautravail;unecentaine,selonun
correspondant58»,enjuin,«denombreuxaspirantspartentcommevolontairestravailleren
usineetdanslesfermesoùilsbénéficientdecertainsavantages59»,enjuillet«Plusdesix
centssontpartisjusqu’ici.Soitlequartdenotreeffectifinitial60»etenfin,enaoût,«ilyaà
peuprès800aspirantsquitravaillent61».1942sembled’ailleursêtrel’annéedesdépartsles
plusnombreuxetonpeutsupposerquecelas’expliquepardifférentséléments:les
aspirantssontmaintenantàl’Aspilagdepuisunan,lecampestdonccomplètementmisen
placemaisilsnesontfinalementpasintéressésparlesactivitésdéveloppées,préférantle
travail;lesAllemandsontunbesoindemaind’œuvrebeaucoupplusconséquent,cequi
inclueunchoixplusdiversifiédanslesemploisproposés,plusattractifdoncpourles
aspirants62;enfin,lavieenkommandooffreunelibertéplusimportantepourle
prisonnier63,nonnégligeable,sionprendencompteladisciplinequiestimposéeaucamp,
ainsiquedemeilleursconditionsdevie,notammentpourlanourriture64.Parconséquent,
suiteàcesnombreuxdéparts,l’effectifdiminueamplement,offrantuneopportunitépour
lesresponsablesdel’université,quidécidentd’ouvrirlecampàdesétudiantsd’autres
stalagsvoulantpoursuivreleursétudes65.Parcettedémarche,onpeutavancerl’hypothèse
quelecampdesaspirantssemblesetransformer,pourdevenirunvéritablecamp
universitaire,nonplusspécifiqueàungradeparticulierdelahiérarchiemilitairemaisàtous
lesétudiantsquienontbesoin.Celapeutsecomprendreparlefaitquelesaspirantsqui
avaientétéréunispourpouvoirbénéficierdeleurrégimeparticuliern’ysontplusattachéset
rejoignentlesrangsdessimpleshommesdetroupedansleskommandos.
58MASSARD Capitaine, Rapport du Stalag IA, 23/05/1942, F/9/3277, Commission de contrôle postal desprisonniersdeguerre(CCPPG),AN59MASSARD Capitaine, Rapport quotidien du 15 juin 1942, 15/06/1942, F/9/3277, Commission de contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN60DEBOUZYRoger,«ÀStablack,aujourlejour»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.13661FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN62D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.7663CCPPG,Rapportquotidiendu21juillet1943,21/07/1943,F/9/2912,DSPG,AN64CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN65X–SDPG,Notepourl’O.K.W.,14/12/1942,Berlin,F/9/2272,MissionScapini,AN
144
Unedernièreétapevientcomplétercetteidée,toutenlacontestant:la
transformationentravailleurlibre.LaTransformationestunemesuremiseenplacepar
LavaletSauckel,pouraméliorerlerendementdesprisonniersdeguerreenleuroffrantla
libertéetuncontratdetravailavecunsalaireavantageux66etencontrepartie,ilscessentde
porterl’uniformeetdoiventporterunemarquedistinctive,indiquantleurnationalité67.Le
généralDidelet,conformémentàlapolitiquequ’ilavaitassumédepuissonarrivéeaustalag
IA,estfavorableàcettemesureettentedeconvaincrelesaspirantsd’êtretransformés68.
Selonletémoignaged’unaspirant,elleestplutôtmalperçueparlesaspirants:«Lagrande
majoritéblâmecetteattitude,jugeantsévèrementceuxqui,enpleineguerre,
abandonneraientleuruniforme69.»etpourtantlesrapportsquiyfontallusionévoquent
plutôtunavispositifsurlaquestion70.Deplus,ilsemblequ’unegrandemajoritéaitdécidé
d’êtretransforméecarcelaleuroffraitunesituationtrèsenviable71.
Siunemajeurepartiedesprisonniersdeguerreaétéplutôtméfiantefaceàceprocédéet
répondnégativementàlatransformation72,ungrandnombred’aspirantsacceptecarleur
transformationsembledifférentedesautresprisonniersdeguerre:«Ilnes’agitpasde
transformationscivilsmaisdemisesencongésdecaptivitésurplace,lesprisonniersrestant
prisonniersquoiquejouissantdesavantagesdescivils.Lesaspirantsbénéficiairesdela
mesuretiennent,quoiqu’encongé,àmontrerqu’ilsn’oublientpasqu’ilssontmilitaires73»Si
celanesembleêtrequ’uneprésentationenthéoried’unprocédé,ilsemblequedansla
pratique,cesconditionsextraordinairesontétéplutôtrespectées,commelemontre,par
exemple,lesobsèquesd’unaspiranttransformé,où80aspirantstransformésyontpourtant
assistéentenuemilitaire74.D’aprèscerapportsurlaTransformation,enavril1944,700
66D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.8067DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,68LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN69LAMBERT Maurice,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN70CCPPG,StalagIA,15/09/1943,F/9/2912,DSPG,AN71SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5472D’HOOP Jean-Marie, «La main d’œuvre française au service de l’Allemagne », Revue d'histoire de laDeuxièmeGuerremondiale,21eAnnée,No.81,LaFrancedanslaGuerre(Janvier1971),p.8073Secrétariat des Aspirants du Stalag IA,À propos des prisonniers «transformés» en travailleurs civils, Avril1944,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN74SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.54
145
aspirantsontététransformés,alorsque900sontrestésaucamp75.Ainsi,cequiavaitpu
êtrevucommemenaçantpourlamajoritédesprisonniersdeguerre,aétéaccueilli
positivementparlesaspirants,maisunélémentmajeursedressedansceraisonnement.Il
esttrèsprobablequelesaspirantsontacceptécetteTransformationcarcelaleurfournissait
unprivilègenonnégligeable,dûàleurgrade.Siunecentained’aspirantschoisissentde
partagerlesortdesautresprisonniersdeguerreenpartantpourleskommandos,ceuxqui
partentparlasuitelefontprincipalementparcequelasituationesttrèsenviableetcumule
lesavantagesqu’ilsavaientpuavoirdanslecamp,toutenabandonnantl’enfermementdes
barbelés.Celaleuroffreunesituationdeprivilégié,quel’onretrouveàdenombreuses
reprisesparlasuite,notammentdansleursemploischoisis.
B–Untraitementprivilégiéetdespostesàresponsabilitéspourlesaspirants
Lesaspirantsconnaissentàdeuxreprises,pendantlacaptivité,untraitement
privilégiépourlechoixdeleurtravail:d’aborden1942,aveclamiseenplaced’unservice
detravail,puisverslafindel’année1943etledébutdel’année1944,aveclacréationdes
postesd’officiers-conseilsetd’encadrants.
Toutd’abord,versledébutdel’année1942,legénéralDideletdécidedecréerun
servicefrançaisdutravail,demanièreàaiderunepartiedesaspirants.Eneffet,c’estla
périodeoùlecommandantducampchercheàsolliciterdessous-officierspourletravailet
réalisequelamajoritédesaspirantsnesontpasdesétudiants,etqu’ilpourraitessayerde
lesastreindreautravail,enutilisantànouveauleprétextedustatutdesous-officiers76.Le
généralinstauredoncunsystèmetrèsavantageuxpourlesaspirants,quiapourbutdeles
détermineràpartirautravail,commelemontrediversrapportsd’avril:«Ilaétéoffertaux
aspirantsdetravaillerdanslesconditionsdesofficiersvolontaires,c'est-à-direchacundans
saspécialitéavectraitementd’unouvrierfaisantlemêmetravail77.»etdeseptembre:«un
statutparticulieraétéobtenuparlesaspirants.Lestechniciens,enparticulier,ontpupartir
commeingénieursettouchentenprincipe,50%dusalairedel’employéallemanddontils
75Secrétariat des Aspirants du Stalag IA,À propos des prisonniers «transformés» en travailleurs civils, Avril1944,Paris,F/9/2287,MissionScapini,AN76BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN77CCPPG,StalagIA,09/04/1942,F/9/3277,Commissiondecontrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN
146
tiennentlaplace78»,ainsiquel’expliquel’étudedeSilbert:«Ilrecevaitlesdemandesde
maind’œuvredesAllemandsetlestransmettaientauxAspirants.Ceuxquivoulaientpartir
faisaientlechoixd’unesituationquileurconvenait79».Onpeutremarquerqueceservice
permetdetraiterlesaspirantscommedesofficiers,suivantalorsl’article27dela
ConventiondeGenève:«silesofficiersetassimilésdemandentuntravailquileur
convienne,celui-cileurseraprocurédansmesuredupossible80».Leursprivilègesne
s’arrêtentcependantpaslà,puisques’ilestpossible,pourlesaspirants,d’exercerlemétier
quileurconvient,ilsontaussiledroitdelequitterdèsqu’ilsn’ensontplussatisfaitsou
qu’ilssontfatiguésdeleursituation81.Cesystèmesembled’ailleursavoirétéplutôtapprécié
parlesaspirants,probablementparcequ’iln’obligepasàs’attacheràunprojetpourun
tempsindéfinietleservicereçoitrapidemententre5à600demandes82,bienqu’aucun
rapportnenouspermettedesavoirsichacunedecesdemandesaobtenuuneréponse
positiveetsilesexpériencesdesaspirantsontétésatisfaisantes.Plusaucunementionn’en
aitfaiteparlasuite,cequipeuts’expliquerparledépartduchefdeceservice,leCapitaine
Aibypourunautrestalag83,maisilestégalementpossiblequelesdépartsenkommandos,
observésplustôt,aientétélerésultatd’unplacementparceservice.Parlasuite,avecles
moissonsnotamment,laquestiond’untraitementprivilégiépourletravailsemble
disparaitrequelquepeu,jusqu’àuneréapparitionverslafindel’année1943,aveclamiseen
placed’unpostespécifiqueauxaspirants.
Enparallèledeshommesdeconfiance,s’étaitdéveloppée,verslamoitiédela
périodedelacaptivité,laqualificationd’officier-conseil.Surlesdifférentsrapportsofficielsà
proposdesvisitesaustalagIA,leGénéralDideletestlui-mêmedésignécommel’officier-
conseilducamp,c'est-à-direqu’ilaunepositiondifférentedel’hommedeconfiance,plutôt
supérieuràeuxdanssoncas;celadésignesouventdesassistantsetdesresponsablesmisen
placepouraiderl’hommedeconfiance,pourréalisercertainestâchesqu’iln’apastoujours
letempsd’accomplirlui-même,tellequelavisitedeskommandosdelarégion84.Sileposte
78SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN79SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5380Article27,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,27juillet1929,Genève,SiteinternetduCICR81SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5482BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN83SecrétariatdesAspirantsduStalagIA,NotegénéralesurlestalagIA,12/09/1942,Paris,F/9/2912,DSPG,AN84GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.20
147
s’étaitprincipalementdéveloppépourlesofficiers,demanièreàleurdonneruntravailqui
correspondàleurgrade,celas’estégalementétenduauxaspirants,montrantànouveau
queleurstatutparticulierestassimilé,aumoinsenpartie,parlesAllemands.
IlssontunepetitequinzaineàtenirceposteenPrusseOrientale85etleurtravailpeutse
résumerainsi:«lelienindispensableentrel’Équipedeconfiancequenousavionsconstituée
etlescamaradesautravailquenousavionsmissiondereprésenter86».S’ilsnesontpas
nombreuxàêtredes«Aspirantsconseils»87pourlesprisonniersdeguerre,lesystèmese
développeplusintensémentpourlecasdesjeunestravailleurscivils:
«BeaucoupplusgrandfutlenombredesAspirantsquiquittèrentlecamppouroccuperdespostes
danslesservicesdelamaind’œuvrefrançaisenAllemagne[…]Ils’agissaitessentiellementdedéfendrele
mieuxpossiblelestravailleursfrançaisenAllemagne,d’améliorerleursort,deleurpermettredetraversersans
encombreladifficilepériodequis’annonçaitpourramener,sommetoute,lemaximumd’hommedansle
meilleurétat88.»
Cetteinitiativeetcechoixdesaspirantspeuventserattacheràleuropiniongénéralement
favorablepourlatransformationentravailleurscivilsetonobserveànouveaul’absencede
visionoud’opinionpolitiquechezlesaspirants,puisqu’ilsnevoyaientaucunedifférence
entrelefaitd’aiderunprisonnierdeguerreouuntravailleurcivil,lebutétantsimplement
devenirenaideàuntravailleurfrançaisenAllemagne89.Lesaspirantssontd’ailleurstrès
appliquésàcetravail,puisqu’ilssuiventunstage,lespréparantàleurspostesdeconseiller90.
Ilsquittentégalementleurcampetlesconditionsdeviedontilsontl’habitude,certains
partantjusqu’àBerlinouKiel,soità1000kmdel’Aspilag.Enfin,enparallèledecette
activité,maiségalementdanssonprolongement,lesaspirantssontdésignéspourêtreles
encadrantsdesjeunesdesChantiersdejeunesse,ungroupeforméparVichypourpermettre
leredressementnationaletquisetraduitsurtoutparunservicecivilobligatoire,dirigévers
lajeunessefrançaise91.Lesaspirantsonticiunemissionplutôtéducative,cequiestune
manièreàlafoisderesterdansundomainequ’ilsontconnupendanttouteleurcaptivitéau
stalagIA,maiségalementdeserapprocherunpeuplusdelafonctiond’officier.Eneffet,
85CCPPG,StalagIA,05/11/1943,F/9/2912,DSPG,AN86MATHIEUMarcel,«Un“officier-conseil“àHeidelberg»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.12687SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6188SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.62-6389SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6390CCPPG,StalagIA,15/02/1944,F/9/2912,DSPG,AN91PÉCOUTChristophe,«Leschantiersdelajeunesse(1940-1944):uneexpériencedeservicecivilobligatoire»,Agoradébats/jeunesses2008/1(N°47),p.25
148
l’officierdevaitavoirunrôledeformateurpourl’aspirant:«latraditiondel’arméefrançaise
veutquelesofficierseux-mêmessoientlesguidesimmédiatsdecesjeunescompagnons
d’armes92»,cequis’esttraduitparlasuitepardesofficiersprofesseursàl’universitéde
Stablack,etcettefois-ci,cesontlesaspirantsquisontàlaplacedesofficiersouentravailde
collaborationaveceux,cequipeutêtreadmiscommeunepremièreétapeàl’obtentiondu
graded’officierpourlesaspirants.L’offreconvaincuncertainnombred’aspirantsqui
partentaufuretàmesuredel’année1944,dejanvier93àmai94.
L’Aspilagadoncperduunegrandepartiedesesprisonniers,quiontpréféréchoisir
d’allerautravail,bienqu’ilexisteiciunéquilibre,puisqueletravailchoisin’estpascontraire
delaqualitéd’aspirantetpermetdemontrerleurvaleur,parlebiaisdespostesà
responsabilitésobservés.
«Toutcequenousvenonsdediresurleproblèmedutravailillustreonnepeut
mieuxl’originalitéducasdesAspirants.Nousnecroyonspasqu’aucunautrecampaiteuune
histoiretantsoitpeuanalogue.Lesoflags,quiluisontcomparables,n’ontrienconnudetel.
Onnepeuts’empêcherdepenserquel’équivoquepolitiquequipesasurlecampfavorisa
cettesituation95»
Cetteréflexiondel’aspirantSilbertpeuteffectivementseconfirmerparcequel’ona
remarquéàproposdesaspirants.Leursituationparrapportautravailsembleassez
ambiguë.Ilsluttentaudébutpourobtenirleurdroitderefuserletravail,puisilssontsoumis
autravail,àplusieursreprises,aveclesmoissons,pourlesquellesilsn’ontd’ailleursaucune
formationouaptitudeetenfin,ilsdécident,presquedanslamoitiédescas,desortirdu
camp,pourprendreunemploiauseinduReich.Sicelapeutsembleranormal,onpeuttout
demêmeobserverqu’ilyauncertainphénomènedeconstancechezlesaspirants.Toutau
longdelacaptivité,ilss’appuientsurleurstatutd’aspirantpourexpliquerleurrefusde
travailetlorsqu’ilsdécident,aucontraire,d’allertravailler,c’estànouveauens’appuyant
surleurstatut,puisquecesontdesemploisd’officiersouderesponsableshiérarchiques
qu’ilsrejoignent.Ilestpossiblecependantdeprésenteruneobjectionàcetteréflexion,avec
92SCAPINIGeorges,LettreàOttoABETZ,30/04/1941,Paris,SDPG,AN,F/9/227293CCPPG,StalagIA,21/01/1944,F/9/2912,DSPG,AN94CCPPG,Rapportstatistiquequotidiendu2mai1944,02/05/1944,F/9/2912,DSPG,AN95SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.56
149
lecas,plutôtnombreux,d’aspirantsquisontpartisdansdessimpleskommandospourfaire
untravailbasiqueetordinaire,cequivaàl’encontredurestedesprisonniers.
Ainsi,sid’unpointdevuegénérale,ilestpossibled’avancerl’idéequelesaspirants
ontenmajoritéfaitcommetouslesautresprisonniersdeguerrenongradésetsont
simplementpartisautravail,d’unpointdevueplusprécis,ilsontété,pourunecertaine
quantité,desofficiersdanslamajeurepartiedecesemplois.
150
151
TITREVII:LesévasionsActivitéindividuelleouorganisationcollective
«Devait-ons’évaderourestercaptif?1»Denombreuxprisonniersdeguerreontdû
seposercettequestionaucoursdeleurcaptivitémaislesconclusionsn’ontpastoujoursété
lesmêmes.
Les évadés représentent une minorité au sein des captifs de la Seconde Guerre
mondiale et cela peut s’expliquer par de nombreux facteurs. En effet, si les perspectives
d’évasionspeuventêtreagréables,commelefaitdepouvoirenfinretrouversalibertéetsa
famille, les risques liés sont considérables et plutôt élevés. Cela nécessite une grande
préparation, avec une attention particulière aux détails pour empêcher d’être repris et la
mise en place de nombreux plans, au cas où les choses tournent mal. De plus, il est
nécessairedeprendreencompteplusieurséléments,telquelalocalisationdel’endroitd’où
ons’évadeainsique lesmoyensque l’onaàsadisposition. Ilexistedeuxtypesd’évadés:
ceuxqui s’évadent seulou ceuxqui fontpartied’ungroupeoud’un réseaude libération,
fonctionnantàplusgrandeéchelle2.
Dans le cadre des évasions, les aspirants peuvent être un exemple particulier,
notammentpourl’endroitoùilsontétéplacésencaptivité,puisquelaPrusseOrientaleest
lelieulepluséloignédelafrontièrefrançaise.Ilspeuventégalementl’êtrepourletypede
camp dans lequel ils sont, puisque, selon Yves Durand, les évasions dépendent des
circonstancesdecaptivité,etonobserveraplusd’évasionsdansunkommandoquedansun
oflag. L’Aspilag s’apparentait sur de nombreux points à un oflag, ce qui pourrait avoir
tendanceàdiminuerlestentativesd’évasions.
Ainsi, on peut s’interroger de quelles manières les évasions ont pu être une part
importantedel’expériencedecaptivitédesaspirants.
1LABEDA Jean,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN2DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.156-174
152
I–L’évasion,uneactivitépratiquéeàdifférentesfréquencesetpardemultiplesmoyens
parlesaspirants
Des évasions ont été réalisées à demultiples reprises par les aspirants,mais elles
n’ontpastoujoursétéperçuesdelamêmemanière,etellesn’ontpasnonplusnécessitéles
mêmeséléments.
A–Unopinionindécisesurlesévasions
Lesaspirantsontconnudesévasionstoutaulongdeleurcaptivité,etcelaasurtout
étéunélémentconséquentaudébutde leurcaptivitéà l’Aspilag,puisqu’ellesavaientune
incidencesurlesconditionsdecaptivitéetonpeutdoncobservertroispériodesdistinctesà
cemoment.
Dans un premier temps, les tentatives d’évasions sont omniprésentes dans la
captivité,quecelasoitauseinducampouavantd’yarriver.Eneffet,letransfertàStablacka
nécessité de nombreux convois, puisque les aspirants venaient de nombreux camps
différents,etcesconvoissontconstammentarrivés incomplets3.Unedecesévasionss’est
même accompagnée d’un sabotage, qui a fait grand bruit dans le camp, et qui est
mentionnéeparuncertainnombredesaspirantsquitémoignent:«Lorsdenotretraversée
delaPologne,àpartlesévadésduconvoi,quifurentasseznombreux,ledernierwagonde
notreconvoiquiabritaitnossentinellesavaitétédétaché.NoussommesarrivésàStablack
avecdeuxgardiensseulementquis’étaientperchés,avantledécrochage,danslaguéritede
serre-frein4.».Silestémoignagesnesontjamaiscertains,ilstendentfréquemmentàpenser
quecesont lesPolonaisquiauraientsabotéletrain,etnondesprisonniersfrançais.Ainsi,
lesaspirantsneparticipentpasausabotage,maisnombred’entreeuxsontdéjàdesévadés,
bien qu’ils aient tous été repris par la suite, généralement enmauvaises conditions: «La
plupart des camardes qui s’étaient enfuis furent capturés à nouveau, affamés, transis, et
atteintsdegeluresplusoumoinsgraves,aprèsavoirerréplusieursjoursdanslacampagne
polonaise 5 ». Les premières évasions ne sont donc pas une réussite et les aspirants
découvrent en plus un des éléments décisifs, qui ne fut pas pris en compte dans ces
improvisations d’évasions, à savoir le climat auquel ils doiventmaintenant faire face, très3SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants(I)»,Revued'histoiredelaDeuxièmeGuerremondiale,7eAnnée,No.28(Octobre1957),p.234CLARENSONJean,Mémoiresdecaptivité,textedactylographié,SansDate,p.75FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.95
153
froidetdifficileàsupporter.Celanesemblecependantpasdécourageruncertainnombre,
puisqu’après être arrivés au camp, avoir entendu le discours réprobateur du nouveau
commandantducampets’être installésdans leursnouvellesbaraques,plusieursaspirants
continuent de tenter de s’évader, généralement avec l’approbation et l’encouragement
d’unemajoritéd’autresaspirants6.
Lasituationprendcependantunnouveautournantavecl’arrivéeduGénéralDidelet.
Commeonadéjàpulevoir,ilprendlecommandementfrançaisducamp,aveclavolontéde
lanceruneexpériencesurlesaspirants,pourqu’ilsdeviennentunexemplepourlerestedes
prisonniers de guerre, et les évasions ont un grand rôle là-dedans 7 . En effet, cette
expérienceapourbutdeprésenterunmodèle,uneéliteaveccommeobjectifunepossible
libération dans un futur proche, et une quelconque évasion à cette période aurait
probablementdes conséquencesnéfastes sur lebondéroulementdecetteexpérience. Le
général demande donc un arrêt des tentatives d’évasions, ce qui est plutôt bien reçu,
puisquelaperspectived’unelibérationcollectiveprocherendl’évasioninutile8.Lesaspirants
qui envisageaient toujours l’évasion étaient généralement insultés, «d’égoïstes et de
lâches»9, ce qui eut l’effet recherché, puisque il n’y eut que très peu d’évasions sur la
périodedejuilletàoctobre1941.
L’illusion d’une quelconque libération est cependant rapidement brisée pour les
aspirants,etlesperspectivesderetourenFranceparunrapatriementofficieldisparaissent
complètement, ce qui conduit à la réapparition des évasions. Le colonel Hartmann,
commandantducamp,agitdemanièreàlesarrêter,parlebiaisdemesuresdereprésailles10
et leGénéralDideletsepositionnetoujourscontre lesévasions,sansréellementtenterde
les arrêter, comprenant que les aspirants n’ont plus confiance: «Les Aspis candidats à
l’évasion qui avaient accepté de ne pas contrarier le Général commencent à crier au
chantage […] on a complètement marre des bobards, des discours, des sermons
moralisateurs11»,«Legénéralcontinuedeblâmerlesévadés,sansjamaisleursignifierune
interdictionformelle12.»,«Iln’ajamaisdonnél’ordreauxaspirantsdenepass’évader,ille
6GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN7BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN8BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN9SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN10BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN11GABORIAUDMichel,Récitdesconditionsdecaptivitédesaspirants,26/12/41,Agen,F/9/2912,DSPG,AN12BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
154
leurasimplementconseiller,etdanscertainscasparticuliers, ilaadmislesévasions13».Le
Général Didelet n’est d’ailleurs pas le seul à permettre les évasions, puisque certains
officiers en charge des aspirants, ainsi que des chefs de baraques les laissaient faire, et
parfoismêmelesencourageaient,pour,parexemple,donneruneleçonaucommandantdu
camp,poursesreprésaillesquiincitaientparfoisàl’évasion14.
Les évasions ont donc pris une certaine ampleur au début de l’année 1942, sans
moyenvéritablementefficaceducommandantducamppourréussirà lesarrêter,avecde
plus certaines aidesdonnées à ces évadés, et donc, denombreux stratagèmesetmoyens
sontmisenœuvrepourpermettreceslibérationsducamp.
B–Denombreusestechniquestrouvéespourpermettrelesévasions
Lesaspirantsontutiliséuncertainnombred’astucespourréussiràs’évader,avecou
sans l’aided’autresaspirantsetavecousans lanécessitéd’avoirdenouveauxpapiers;de
multiplestémoignagesd’aprèsguerred’aspirantspermettentdenousenapprendreplussur
cesdifférentestechniques.Cependant,l’évasionestuneactivitéclandestine,quin’estconnu
qu’une fois qu’elle est réalisée, mais sans jamais dévoiler les détails, pour empêcher de
démasquer plus tard des prisonniers de guerre qui pourraient tenter d’utiliser le même
stratagème.Lestémoignagessurcesdiversesévasionsnepeuventdoncdaterqued’aprèsla
guerre,etsanstémoinautrequel’évadé,lorsqu’ils’agitd’uneévasionindividuelle,etilest
doncdifficilede jugerde lavéracitédecequipeutêtrerelaté.Deplus,certaineshistoires
d’évasions racontéesontétépossiblement répanduespardiversespersonnes, cequipeut
meneràunealtérationdesfaits,sansquelenarrateurnelesache.Onpeuttoutdemême
en observer un certain nombre, dont le schéma revient à plusieurs reprises ou qui
demandentunevéritablepréparationouunegrandeoriginalité.
Parmi les techniques qui ont pu être répandues pour l’évasion, le cas des
rapatriements officiels a été utilisé à plusieurs reprises. C’est probablement l’une des
méthodes les plus efficaces pour l’aspirant, notamment en considérant la distance entre
Stablacketlafrontièrefrançaise,1705km15etlefaitquecesoitdesvoyagesentrain,avec
un trajet généralement direct vers la France. Pour pouvoir utiliser ces trains, il faut13FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN14SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5715GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.3
155
cependanttrouverlemoyend’yrentrer,etdoncsoitdes’yintroduireclandestinement,soit
de se faire inscrire sur une liste pour pouvoir être rapatrié “officiellement“. Il est parfois
nécessaire pour être inscrit sur ces listes d’avoir l’aide d’un des médecins de l’hôpital,
comme celle de Lartigue vers la fin de la captivité 16 ou alors d’avoir des papiers
correspondant à la raison du rapatriement, comme montrer un justificatif d’étude en
médecine pour un rapatriement d’étudiants en médecine17. Les aspirants semblent être
pleinderessourcesdanscecaslà,puisqu’ilexistaitunaspirantquis’étaitspécialisédansla
créationde faux-papiers, l’aspirantBrunet,qui fitégalementpartied’un réseaud’évasion,
commeonleverraparlasuite18.Certainsavaientégalementeux-mêmeslacapacitédefaire
des faux-papiers,pourainsi assurerunpeuplus leurdépartdans les trains19. La suitedes
évènements dépendait alors de nombreux facteurs, qui pouvaient ou non permettre de
réussir l’évasion: l’aspirant Janintenta laréformepour insolationetréussitàrentrerchez
lui20,alorsque l’aspirantDurintentaàdeuxreprisesdese faire inscriredansunecertaine
catégoriedeprisonniersquidevaientêtrerapatriés,maiscelan’aboutitàriendanslesdeux
cas21.
Uneautreméthodeamplementutiliséefutcelledel’évasionparletravail.Siunepartiedes
aspirants fut réellement intéressée par l’idée d’aller au travail pendant leur captivité,
certainsnedemandèrentàyparticiperquepourpouvoirfaciliterleursévasions,sansavoirà
organiser la sortie du camp, beaucoupplus surveillé, avec les sentinelles et lesmiradors:
«Quelquesunssansdoutepensaientpouvoirs’évaderplusfacilement.Ilestdifficilededire
quelest lepourcentagedesévadésparmi les travailleurs.Cequiest sûr, c’estquecertains
kommandos étaient le refuge des candidats à l’évasion, les hôpitaux de Königsberg en
particulier22.»,«Ondiscerne trèsévidemment […] l’influencedes transformationsencivils,
quiontgrandement facilité les choses23».Celapouvaitégalementêtrepossiblepar le fait
d’emprunterune identitédetravailleurcivildeKönigsberg,si lesaspirantsne l’étaientpas
16FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9617DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.125-13318GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1319DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.125-13320JANINPierre,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN21DURINLucien,D’uneprisonl’autre,SansDate,p.125-13322SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.5323SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68
156
vraiment et d’utiliser des papiers, forgés par Brunet, pour s’enfuir24. On peut d’ailleurs
trouverlecas,assezoriginal,d’unaspirant,quiaréussiàsefairepasserpouruntravailleur
enpartantducamp,s’estfaitescorterparlecommandantducampquipensaitl’emmenerà
sontravailetaréussiàprendreletrainetàrentrerchezluideuxjoursplustard25.
Enfin, une autre des techniques utilisées fut celle du déguisement, pour s’enfuir plus
facilementetenétantmoinsremarquéqu’avecdesvêtementsmilitaires,maisquidemande
tout de même une certaine préparation. Cette technique ne doit pas être due à une
improvisation, comme pour le cas de deux aspirants partis après une représentation
théâtrale,dansleurscostumes26etnedoitpasoubliercertainsdétails,commecefutlecas
pourun autreprisonnier, parti déguisé en femme27. Cesdeuxévasions échouent, et c’est
égalementlecaspouruncertainautrenombred’évasionsd’aspirants.
Oncomptebeaucoupplusde tentativesd’évasionsqued’évasions réussies,commece
futd’ailleurslecaspouruncertainnombred’autrescampsdeprisonniersdeguerre28eton
peutobserverquelesaspirantsnelaissentrienlesdécourageretilsutilisentdenombreuses
autrestechniques:«Touslessystèmesd’évasionsontétéutilisés,depuislanicheàchiende
l’ExpressKönigsberg-Bruxelles[…]jusqu’auxmoyenslesplussimples,telqueceluide2aspis
faisant semblant demesurer la Strasse avec une chaine d’arpenteur et passant devant la
sentinellequileuraouvertlaportedesortie,sansméfiance29».
Les aspirants nemanquent donc pas de ressources et semblent surtout persévérants,
commelemontrel’imaginationdestechniquesd’évasionsetleurniveaudedifficulté,etcela
provoqueuneréactionplutôtnégativede lapartdesautoritésallemandes,etnotamment
ducommandantducamp.
II–LesmoyensderépressiondesAllemandscontrelesévasions
Les aspirants tentent donc de nombreuses évasions, réussies ou non, mais les
Allemands ne restent pas inopérants face à ce phénomène, et utilisent donc différentes
techniques,pourlesfaireéchouer.24GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1325R.F., «En uniforme », Le camp des Aspirants pendant la SecondeGuerremondiale, 1939-1945, volume 1,Paris,1991,p.16226SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7427DURINLucien,D’uneprisonàl’autre,SansDate,p.10128DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.15829DURIEZRené,Mesprisons,S.D,p.19
157
A–Menaces,brimadesetsuspicions
«S’évader,ouaidersimplementdescamaradesàtenterl’évasion,c’estmobiliserune
part dupotentiel de guerre allemandque les dirigeants duReich et de l’arméeallemande
préfèreraientutiliserailleurs,surlefront30.»Ainsi,afindecontrercephénomène,lesgardes
allemandsontlapossibilitédetrouverdiversesmanièresd’empêchercesévasions,cequia
nettementétéutilisépar lescommandantsducampde l’Aspilag,etnotamment lecolonel
Hartmann,plutôtdifficiledansladisciplinequ’ilimpose,commeonadéjàpulevoir.
Toutd’abord,laméthodelaplusutiliséesurlesaspirantsaétécelledessanctionset
des représailles, par le biais de diverses brimades. Lamesure la plus importante dans ce
domaine a été le cas de la saisie des vêtements le soir, système qui commence dès le
premier jour au campet pendantune certainepériodede tempsprobablement suite aux
tentatives d’évasions pendant le transfert31. Cette technique est de circonstancepour ces
prisonniers,puisque les températuresbaissent jusqu’à -35°etellepeutdoncdissuaderde
s’évader.Celapeutseconfirmerparlecasdesévadésduconvoidetransfert,quireviennent
avecdesengelures32.L’autretechniquegrandementutiliséeestlamultiplicationdesappels
danslajournée;demanièrerégulière, lesappelssefontlematinet lesoir,àdeshoraires
fixes,mais lors d’évasions, le commandant du camp punit les aspirants enmultipliant les
appels:«Lesreprésaillesétaientennombred’appelssupérieurà lanormaleallant jusqu’à
633»,«Àlasuited’uneévasion,lesPGsontsoumisàseptappelsparjouraulieudedeux34».
Deplus,cettemultiplicationauneffetdomino,puisqueparcesnombreuxappels,laviedu
campestparalysée,interrompantoucausantlafermeturetemporairedesactivitésquisont
suiviesparlesaspirants,telsquel’université,lethéâtreoulecinéma35.Cependant,ellepeut
quelques fois avoir l’effet inverse de l’objectif recherché, puisque les appels sont réalisés
pour blâmer les évasions, mais ils permettent parfois leurs réalisations : «Les évasions
suscitent des représailles du commandant allemand qui multiplie les appels, tout en
30DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.17831LAMAT Jack,Questionnaire concernant la captivité, X, Papiers du Comité d’Histoire de la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN32FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9533SORDET(DU)Jean,StalagIA,13/03/1942,F/9/2912,DSPG,AN34CCPPG,StalagIA,15/02/1943,F/9/2912,DSPG,AN35X,LettreàMonsieurl’Ambassadeur,09/12/1941,F/9/2287,MissionScapini,AN
158
négligeant les précautions les plus élémentaires pour empêcher la sortie du camp36». Les
aspirantsprofitentdoncdecetteoccasionpours’évaderducamp,cequientraineainside
nombreusesautresbrimadesparlecommandantducamp,cequiauraitpourobjectifpour
les Allemands, selon l’aspirant Gaboriaud : «de rendre inopérant tout ce qu’ils ont eu la
générositédenousaccorder37».LesAllemandsvoientainsi iciuneméthodededémontrer
qu’ils sont en charge des prisonniers, que c’est eux les vainqueurs et les dirigeants de ce
campetdonc,quelesaspirantsn’aurontpasledessus.
IlestpossibleparfoisquelesAllemandscherchentégalementàdétruirelacohésionde
groupe qui a pu se former, comme ce fut le cas pour les aspirants, avec une nouvelle
technique,lamenaceoulechantage.Sil’évasionestsouventuneopérationindividuelle,elle
peutquelquesfoisêtreréaliséegrâceàlaparticipationd’ungrouped’autresprisonniersde
guerre, ou ce groupe peut simplement avoir été prévenu, pour qu’il puisse, par exemple,
couvrir l’évadé lorsd’unappel.C’est lecaspourunegrandequantitéd’aspirantsetcelaa
été remarqué par le commandant du camp, qui décide d’utiliser cette information à son
avantage. Il est possible par exemple de citer le cas de la tentative d’évasion de François
Denquin,le13avril1943.Alorsqu’iltentedemonterdansuntrainsanitaire,ilestreprispar
desgardesallemands,mais lorsqu’ilsreviennentaucamp, il réussitàrejoindresabaraque
pendant l’appel. Iléchappedoncàdesreprésaillesdirectes,mais lecommandantducamp
saitqu’ilmanque,bienqu’ilneconnaissepassonidentité.Celadonnelieuàunediscussion
entreleGénéralDideletetl’aspirantDenquin,oùlepremiertentedeconvaincrelesecond
desedénoncer,enmettantenavantlechantageopéréparlecommandantallemand:«sije
continuaisàmecacher, ils supprimeraient les“avantages“donnésaucamp[…]Legénéral
insisteenmedisantquelesreprésailless’étendrontauxcommandos[…]Mêmesilerisquede
voirlesmenacesdesAllemandsexécutéesestréduit,iln’estpasnuletjenepensepasavoir
ledroitd’obérerlasituationdeskommandosparcetteépreuvedeforce38».Lechantageest
doncconcluant icipuisqu’il sedénonce,etcelapermetànouveaudevoir la solidaritéqui
existechezlesaspirants,mêmepourlesautresprisonniersdeguerre,puisqueDenquinest
prêtàsubirdesreprésailles,pournepasrendre lasituationdeskommandosplusdifficile.
36BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN37GABORIAUD Michel, Rapport sur la situation des aspirants prisonniers du IA, 05/12/1941, AJ/41/454,Aspirants,AN38DENQUINFrançois,«Legénéralet l’évadé»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.157
159
Uneautre idéequ’il évoquedans son témoignageest plutôt révélatricedu régimequ’ont
subilesaspirants:«S’ilnes’étaitagiqueduCampdesAspis,jeledisfranchement,j’aurais
répondu négativement. Nous n’en étions pas à un durcissement près et j’avais pour moi
l’opinion des gens qui m’intéressaient39». Les aspirants semblent donc habitués à ces
brimadesetsanctionsetn’ensontplusgênés,préférantaiderlesautresprisonniersqueles
dénoncer,commelecasdeDenquincontinuedeleprouver;unecentained’aspirantsétait
aucourantdecequ’ilsepassaitetdel’identitédel’évadéreprisetaprèsqu’ilaitétémisen
détention,ilsfontpressionsurlesAllemands,ensuspendantcertainesdesactivitésdeloisirs
auxquelles participent certains gardes. Cela fonctionne, puisque Denquin est libéré plus
tôt40.Ainsi,onpeut remarquerquemême lorsque lesAllemands tententde reprendreen
main la situation, les aspirants réussissent toujours à les faire reculer à nouveau, preuve
supplémentairedelacommunautéquis’estmiseenplace.
Enfin, si lesAllemandsagissent souventaprès la réalisationdesévasionsou tentatives
d’évasions,ilsfontquelquesfoispreuvedesuspicionavantmêmeunequelconqueactionet
procèdentainsiàdifférentstypesdecontrôlespourempêchercesévasions.Toutd’abord,
onpeutobservercettesuspicionpourlecasdesprisonniersetaspirantsquiontlalibertéde
sortirhorsducamp:«Onnousannonçadoncainsique,désormais,demarsàoctobre,une
semainesurdeux,nous“tournerions“commedesprofessionnels,destalagenstalagetde
kommandos en kommandos, selon les demandes reçues par le camp […] Il est évident en
revanchequ’onnousdemanda l’engagementdenepasprofiterde cesdéplacementspour
s’évader41»,«Lespromenadeshebdomadairesparbataillonsonttoujoursautorisées,mais
lesaspirantsontdûs’engagersurl’honneurànepastenterdes’évader42»,«Jem’engage,
pourladuréedemamission:ànepasutiliser la libertédemouvementquim’estaccordée
pour tenterdem’évader43».Onvoitdoncque lemoindremouvementhorsdu campdoit
êtreapprouvéparlecommandantducamp,pourainsiéviterquelesaspirantsprofitentde
cette opportunité pour partir. Enfin, la dernière méthode utilisée par les Allemands
concernent les fouilles, plutôt récurrentes pendant le régime de représailles du colonel
Hartmann au début de la captivité à l’Aspilag. Elles peuvent d’ailleurs avoir parfois un
39DENQUINFrançois,«Legénéraletl’évadé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.15740DENQUINFrançois,«Legénéraletl’évadé»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.15841DENQUINFrançois,ROMERStefan,Dutangodanslesbarbelés,souvenirs,éditionsAdrac,SansDate,p.2242X–CCPG,RapportduStalag IA, 18/03/1942, F/9/3277,Commissionde contrôlepostaldesprisonniersdeguerre(CCPPG),AN43DIDELETGénéral,Déclarationdemission,29/07/1941,Berlin,F/9/2287,MissionScapini,AN
160
résultat négatif pour les aspirants, puisque l’un d’eux a eu son trousseau d’effets civils,
préparé pour une future évasion, découvert pendant une fouille aléatoire44. La suspicion
peut donc être payante pour les Allemands, et ainsi, elle leur permet de démasquer des
futuresévasions,maispeutégalementsetraduiredemanièreplusextrême,aveclecasdela
baraquedesévadés.
B–Labaraque29,baraquedesévadés
Ungrandnombredetentativesd’évasionséchouent45,cequisignifiequelesévadés
repris repartent à leur campde captivité et à partir de là, le commandant décidede leur
sort.Pourl’AspilagetlestalagIAengénéral,cesprisonniersétaientenvoyésdanslabaraque
29, considérée comme la baraque disciplinaire: «Ceux-ci sont groupés dans une baraque
gardéepardes sentinellesetnepeuvent sortirautourdecelle-ci,dansunespace restreint
strictementdélimité,qu’½heure lematinet½ lesoir. Ilsnepeuventdece faitparticiperà
aucundesavantagesmorauxoumatérielsconsentisà l’ensembledesprisonniersducamp.
En ce qui concerne le service postal et la nourriture, ils bénéficient desmêmes règles que
celles appliquées aux autres prisonniers46.» Ainsi, s’il y a une volonté d’isolation et de
punition pour les aspirants, aucun article de la convention de Genève n’est violé par ce
régime,commecelaavaitpuêtrelecaspourlessanctionscollectives,réaliséesaudébutde
la captivitéetn’ayanteuaucun résultat sur lesévasions47. La sélectiondesprisonniersde
guerreenvoyésdans cettebaraqueest cependantplutôt arbitraireet ad’ailleursposéde
nombreuxproblèmes,notammentcarelleagitnonpascommeunepunitionmais comme
une mesure préventive, qui n’a souvent aucun fondement. Cela s’observe avec un cas
particulier, où le commandant du camp décide d’interner un peu plus de cinquante
aspirants,ainsiquedessous-officiers,surdesfondementsinjustesettotalementaléatoires.
Danslecasdecesarrestations,lebutétaitd’utiliserlabaraquesimplementcommeunlieu
d’attenteavantuntransfert.Eneffet,ilexistaitdescampsdereprésaillesouderéfractaires
dans le Reich, où les conditions de vie étaient généralement très difficiles et presque
44DUPRIEZAndré-Jean,Questionnaire concernant la captivité, X, PapiersduComitéd’Histoirede la SecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN45DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.15846X,NotepourlaDienststelleRibbentrop,14/04/1942,LieuInconnu,F/9/2287,MissionScapini,AN47FOLLIETJoseph(Aspirant),Rapport,16/08/1942,Lyon,F/9/2912,DSPG,AN
161
insupportablespour lesprisonniersdeguerre48etoùétaientmajoritairementenvoyésdes
prisonniersdeguerreévadés,commemotifdepunition.Ainsi,unefoisqu’ilréalisequeson
camp supposément de représailles devient un campmodèle, le colonel Hartmann décide
d’envoyerlesprisonniersdeguerreévadésdansunvéritablecampdereprésailles49.Certains
connurent réellement la procédurede transfert, commece fut le casdesdeuxévadésen
costumes de théâtre, bien qu’ils réussirent à s’enfuir pendant le trajet50. Le cas de la
cinquantained’aspirantsdésignéspouruntransfertdevientcependantuncontre-exemple,
puisque de nombreuses incohérences apparaissent dans ces choix de prisonniers: «Les
inspecteurs vont examiner les suspects candidats au camp de représailles; ils découvrent
parmieuxdesmembresdirecteursduMouvementPétain,denombreuxvolontairespour le
travail51», «a) un certain nombre d’aspirants qui avaient passé plusieurs mois dans un
détachement de travail et auraient facilement pu prendre la fuite si tel encore était leur
dessin;b)quelquesaspirantsrapatriablespourraisonsdesanté,tuberculeuxeninstancede
départ,quinepeuventvraimentpasêtrejugésuspectsdevouloirs’évader52»,«plusdes2/3
avaient fait leur tentative avant la création du camp des Aspirants53 ». On peut ainsi
observer que cette baraque semblait servir principalement à donner une incidence aux
suspicionsdesAllemands,etnotammentducommandantducamp,quichercheàpunirles
aspirants,parn’importequelstratagème.Celafinitcependantparluiêtrenéfaste,puisque
celaentraîne,commeonadéjàpu levoir,sonrenvoicommecommandantducampetsa
miseàlaretraiteforcéedel’arméeallemande54.
LestechniquesutiliséesparlesAllemandssontdoncnombreusesmaisgénéralement
peuefficacesetàpartunsentimentd’isolationpourquelquesaspirants, labaraque29ne
semblepasêtrecontraignantepourlesaspirants.Ainsi, lesaspirantstententdetrouverde
nouveaux moyens pour améliorer leurs chances de réussies, ce qui se traduit par
l’organisationderéseauxd’évasions.
48DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.179-18149BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN50SACONNEYJean-Louis,Lesannéesnoires,1994,p.7451BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN52BRUCKERMédecin-Lieutenant,RapportStalagIA,06/05/1942,LieuInconnu,F/9/2709,MissionScapini,AN53DIDELETGénéral,LettreàMonsieurl’AmbassadeurSCAPINI,08/04/1942,Stablack,F/9/2912,DSPG,AN54BIROT(Lt),HistoriqueducampdesAspirants,23/10/1942,Lieuinconnu,F/9/2912,DSPG,AN
162
III–Lamiseenœuvrederéseauxd’évasionparlesaspirants
Pourpermettred’augmenterlepourcentagederéussited’évasionsdesaspirants,et
quelquesfoismême,commeunemanièred’entrerenRésistance,lesaspirantsmontentdes
réseaux d’évasions, au camp et dans ses alentours, pour aider les autres prisonniers de
guerre.
A–Uneparticipationimportanted’aspirantsauxréseauxd’évasions
Ilestcommun,danslesstalags,oflagsetkommandos,quedesfilièresd’évasionsse
forment pour aider,même de lamanière la plus simple qu’il soit, certains prisonniers de
guerre à s’échapper du camp55. L’Aspilag n’échappe pas à cette règle et on peut alors
observerdansplusieurstémoignages,l’organisationdechaînesouréseauxd’évasions.
Onpeuttoutd’abordobserverlecasd’unaspirantquiaffirmeavoiraidéàl’évasion
de troisprisonniersdeguerreetavoirété témoind’unevingtained’autres56.Aucunedate
n’est fournieaveccecas,donc ilest impossibledesavoirsicelareprésenteréellementun
système mis en place pour permettre des évasions en chaîne ou si cela est simplement
l’exempled’uneaidecollectivedeplusieursprisonniersdeguerrependant lacaptivité.Un
autretémoignage,mentionnantcettefois-cilecasd’unechained’évasions,maissansavoir
d’autres témoignages pour corroborer l’histoire, évoque le nombre d’environ cent
prisonniers de guerre évadés57. Si un aspirant est effectivement le chef de ce réseau
d’évasions, ilsembleégalementêtre leseul,etmêmeleseul français,puisqu’ilmentionne
avoirmontésonréseauavecdescamaradesbelges.Cesréseauxparaissentplutôtsecrets,
puisqu’il n’en est fait mention dans aucun des rapports officiels sur le camp ou les
kommandos qui s’y rattachent, et pourtant, le témoignage de Fichetmontre qu’il y en a
d’autres: «Je dois signaler particulièrement l’activité de mon camarade l’Aspirant Roger
BEDOUETquis’estdévouésanscompterpoursonréseaud’évasion,ainsiquetoutel’équipe
du “Königsberg Zeitung“58», «unpetit groupe animépar BRUNETa fait du bon travail et
s’occupe activement d’évasions: la radio clandestine nous fournit ses communiqués
55DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.169-17056SOULIERGuy,Questionnaire concernant la captivité,X,PapiersduComitéd’Histoirede laSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN57FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN58FICHETLucien,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN
163
quotidiens59».S’il est impossibled’attester de la véracitéde ces groupesd’évasions, sans
témoignagesupplémentaireàcepropos,ilestpossibled’avancerl’hypothèsequelegroupe
deBrunetexistaitvraiment,puisqu’iladéjàétécitéentantqu’undesmeilleursfaussaires
pour les faux-papiers utiles à l’évasion60. Enfin, il existe un dernier groupe d’aspirants
investis dans la volonté d’en aider d’autres, ainsi que des prisonniers de guerre, et il est
possibledecroireen lavéracitédeces faits,puisqu’ils sont relatésparuncertainnombre
d’aspirants. Ilsmettentégalementenavantdesaspirantsplutôt importants,commelecas
deMichelMenu,résistantfrançais,détenteurdela légiond’honneuretde lamédailledes
évadés, et aspirant évadé, travaillant dans un groupe d’évasions depuis la France61. S’il
travaillesurleréseaudelibérationdepuisLyonetlaFrance,ilestencollaborationavecune
«Organisation d’évasion de Stablack62», ainsi qu’une de Königsberg, et chacune semblait
travailleravecoupouraiderl’autre:«Àlafinde1943,onpeutconsidérerquetroisgroupes
s’occupaientdesévasions,unàKönigsbergmême,unaucampayantdescorrespondantsà
Königsberg, le service du BCRA enfin. La liaison entre les deux premiers groupes existait,
consciemment ou non, du fait que les prisonniers belges travaillant à Königsberg, qui
jouèrentunrôleactif,étaientenrapportavecl’unetl’autre.LaliaisonaveclaFrancefut,par
contre,trèslongueàétablir63».
Il existe donc quelques réseaux d’évasion qui semblent s’être bien développés
pendant la captivité, et qui sont avérés par plusieurs personnes,mais pour permettre un
fonctionnementefficace,ilsdemandentdenombreusesressourcesetprennentrapidement
del’ampleur.
59FICHETLucien,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN60GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1361DERREMAUX Antoine, «Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers», Le camp desAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.14862MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.146-14763SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.67
164
B–Uneorganisationdegrandeenvergure
Les évasions individuelles, réalisées généralement au début de la captivité,
demandaient de la préparation mais étaient plutôt insignifiantes à grande échelle. Au
contraire,lesréseauxd’évasionsontunphénomènemajeurpendantlaguerreetmettenten
causeunequantiténonnégligeabledepersonnes,prisonniersdeguerreouhautesautorités.
Tout d’abord, ces réseaux nécessitent une certaine quantité de matériel, ce qui
entraineunelonguepréparationavantmêmedepouvoirlanceruneévasion.Eneffet,pour
être véritablement efficace, il est nécessaire de créer différents plans et méthodes pour
pouvoiracheminerl’évadéjusqu’àlaFrance,sansêtrerepéréouarrêté,etsansqu’aufuret
à mesure des évasions, les techniques soient démasquées64. Pour ces réseaux, le plus
importantestd’avoiràdispositiondes fauxpapiers,pourpouvoir transporter l’évadésans
qu’il soit arrêté. Comme on a déjà pu le voir, l’aspirant Brunet était reconnu comme le
faussaireofficielàStablack65etpourl’Organisationd’évasionsdeStablack,cesfauxpapiers
venaientgénéralementdeFrance,parlebiaisduserviced’évasionduBCRAbaséàLyonet
étaientassezdiversifiés:«travailleurcivil réformé, travailleurvolontaireen findecontrat,
accompagnateur de convois de déportés retournant en France, sa mission remplie,
séminariste renvoyé en France par ordre de la police allemande.Nous pouvons ainsi avec
touscespapiersinventertoutessortesdesituationspournosévadés66».Ilaégalementété
possible pour le réseau, d’obtenir une grosse quantité de papiers nécessaires à l’évasion,
grâce à l’action d’un aspirant évadé,AntoineDerremaux, qui repart vers Königsberg pour
apporter deux valises contenant ces fameux papiers 67 : «En mai, un épisode assez
sensationnelseproduisit.UnAspirantévadé,troissemainesaprèssonarrivée,repartitpour
Königsbergavecdeuxvalisesenboisdontlesparoistruquéescontenaientdespasseports.Il
accomplit sa mission sans encombre et regagne Lyon68». On peut ainsi observer que la
64DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.169-17465GELIOT Nicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné de Nancy à Marseille par Königsberg etOdessa1940-1945,1991,p.1366MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.14767MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.147BARBIERHenri,«Lavalisedurevenant»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.150-15268SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68
165
plupart des aspirants ralliés à ces réseaux sont très dévoués à leur cause et se dédient
complètementàleurtâche.
Sil’actiondesmembresdesréseauxd’évasionsdemandentgénéralementunelongue
période de préparation, la période qui suit, avec les évadés, demandent cette fois-ci une
longue période d’attente. En effet, l’évasion est une opération discrète, réfléchie et
patiente,pourempêcherd’êtrerepris,àcaused’unmanqued’attentionoud’unevolontéde
tropaccélérer leprocessus.Enplusdepréparerdespapierspour lesévadés, lesmembres
desréseauxdoiventégalementtrouverdescachettes,detoustypes,danslecampoudans
lesvillesvoisines,pour sedissimuler,avantque le train, transportmajoritairementutilisé,
arrivepourlerapatriement:«Àcausedelafréquencedesappelsàla29,lesévadésétaient
signalé deux ou trois heures après leur départ. Il fallait donc les cacher dans le camp et
plusieurs cachettes furent utilisées, dont les plus usitées furent les toits des lavabos de la
baraque5etlespiliersenisoreldelachapelle[…]Lasortieducamp,quelquesjoursaprès,
étaitgénéralementfacile69»,«engénéral,ilsallaienttoutsimplementaukommandovoisin
d’Eylau,oùexistaitunecachettequinefutjamaisdécouverte70».L’attentepeutmêmedurer
plusieursannées,commecefutlecasd’unaspirant,évadécarcondamnédansuntribunal
pour une attaque contre un garde allemand et qui dut se cacher dans un maquis à
Königsberg,carilavaitétésignalédanstouteslesgaresparlesAllemands.Ilneputsortirde
sacachettequedeuxansplustard,aumomentdelalibération71.
On peut ainsi observer, notamment grâce à ce dernier cas, un esprit de révolte et de
résistancechezlesaspirants,contrelesAllemands,quiad’ailleurspermislaréalisationd’un
grandnombred’évasions,maisquiaégalementétédangereuxàdenombreuses reprises,
aveclaprésencedelaGestapo.Eneffet,si lesgardesetsentinellesallemandess’occupent
des évasions à l’intérieur du camp, la Gestapo est en charge de démanteler les réseaux
d’évasions et d’arrêter, voire tuer, ses responsables. Les différents réseaux d’évasion de
Königsberg et Stablack ont connu, à plusieurs reprises, des dysfonctionnements dans leur
système, des arrestations, quelques fois violentes et même desmorts: «Par suite d’une
imprudence d’un camarade de théâtre nommé CORVAISIER (mort en prison des suites
d’interrogatoire), je suis moi-même arrêté enmars 1944 […] Au bout de 15 jours, je suis
69MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.14670SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6771SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.68
166
libéré faute de preuve […] certain “passage à tabac“ m’a laissé un avant-goût de ce qui
m’attendait si j’étais repris72», «Ce fut seulement en mai 44 que cette organisation fut
bouleversée par suite de la dénonciation d’un PG que nous avions fait évader. Repris en
Belgique, malmené par la Gestapo, il avait cru sauver sa vie en donnant le nom de ses
complices[…]Ils’étaitmalrappelélesnomsdesautresintermédiaires,maisavaitdonnédes
renseignements tels que toute la chaîne était compromise 73 ». La Gestapo n’a donc
majoritairementpasréussiàemprisonneroucondamnerlesaspirantsenchargedesréseaux
d’évasions, ce qui est une bonne démonstration du développement conséquent de ce
réseau,toutenconservantlesecretdesonfonctionnement.
Ainsi, les aspirants ont pris une part considérable au sein des réseaux d’évasions de
Résistancedescampsetontdoncpermis la libérationd’unbonnombredeprisonniersde
guerre, aspirant ounon,malgré les difficultés et la distancede retour à effectuerpour le
prisonnier.
Lesévasionsapparaissentdoncdemanièrecontinuedanslacaptivitédesaspirants:
elless’exécutentavantmêmel’arrivéeaucamp,ellescontinuentunefoislesconditionsde
viedel’Aspilagdécouvertes,ellessontlesymboled’unesolidaritéetd’uneconfianceentre
eux,paruneabsencededénonciation,deladéterminationdesaspirantsetellessontmême
l’exemple d’une poursuite de la guerre après la captivité, avec le développement des
réseauxd’évasionspouraiderlesprisonniersdeguerreencoreinternés.
L’Aspilag a donc été le lieu de nombreuses évasions, qui ont de plus eu un impact sur le
déroulementdelacaptivité.Ellesjouentsurlerapportentrelecommandantducampetles
aspirants prisonniers de guerre, avec, en plus, une influence sur les conditions de vie du
camp au début de la captivité. Elles semblent également motiver des aspirants pourtant
libérés,quidécidentdecontinueràsebattre,mêmedepuis laFrance.L’éloignementdela
frontière françaisene semblemêmepas avoir étéunobstacle vu le nombre considérable
d’évasionsréussies:
72FICHETLucien,Questionnaireconcernant lacaptivité,X,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,72AJ/296,AN73MILLEJean,BARBIERHenri,BRUNETJean,«Cequefut l’Organisationd’évasiondeStablack»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.147
167
«LeserviceBCRAestimeà300environlenombredeprisonniersquiréussitàrentrerparsessoins.La
majorité des évadés venaient du IA […] Quant au nombre des Aspirants ayant, depuis 1941, réussi, il doit
atteindre la centaine.Nous enavons, en tout cas, identifiés cinquante-trois […] Cequi est très remarquable,
c’estquequinzedecescinquante-troisévasionsréussiseurentlieudanslesecondsemestrede1943etvingtde
janvieràaoût194474.»
Les évasions ont dont été une occupation à part entière dans la captivité des
aspirantsetellesdémontrentànouveaulasolidaritéet lacommunautéquisesontcréées
entrecesaspirants,etmêmeaprès laguerre.Eneffet,selonuntémoignage, lesmembres
desgroupesd’évasionsdeStablack,Königsberg,ParisetLyonfurentl’objetdecitationspour
lacroixdeguerreàlaLibérationpourleursactivités75;mêmesionnepeutattesterquede
l’attribution de cette croix à Michel Menu, avec également, dans son cas, la légion
d’honneuretlamédailledesévadés.
74SILBERTAlbert,«Lecampdesaspirants»op.cit.,p.6875DERREMAUX Antoine, «Les aspis du Service Action et le réseau lyonnais de faux papiers», Le camp desAspirants…op.cit.,p.148
168
169
TITREVII:LalibérationdesaspirantsdustalagIADemultiplesretoursdecaptivité
La libérationestunedesétapes lesplus importantespour leprisonnierde guerre,
puisqu’elle marque la fin de la longue captivité subie par le prisonnier. Cependant, elle
représenteégalementunedesétapes lesplus fastidieusescarellen’estpas immédiateet
s’étendmajoritairementsurune longuepériodedansdesconditionsplutôtdifficiles.Cette
libérationad’ailleursétéassezdifférenteenfonctiondelalocalisationdesstalagsetoflags,
etplusieursdesarméesalliéesontpermis la libération,àsavoir lesarméesaméricaineset
soviétiques principalement, la première plutôt à l’ouest et la seconde plutôt à l’est,mais
aussilesarméesbritanniquesetfrançaises1.
Cettepériodeestunévènementspécialdelaviedesprisonniersdeguerreetilsont
ainsi laissé de nombreux témoignages: des journaux de bord détaillés et écrits en temps
réel.Celapermetd’obtenirdenombreusesinformationssurlespériplesdecesprisonniers,
qui ont été nombreux et très différents. Les aspirants sont un bon exemple de cela,
puisqu’ilsontconnudenombreusesformesde libération,découpésenplusieurspériodes,
pardifférentsmoyensetavecunretourenFranceàdestemporalitésdifférentes.
Ainsi,ilestintéressantdesedemanderdequellesmanièreslesaspirantsontvécula
libérationetquelsmoyensontétéutiliséspourpermettreleretourenFrance.
I–Lebataillond’aspirants:unpremiertempsdelibération
Dansunpremiertemps,ungroupedeprisonniersaspirantsquitte lestalag IApour
connaître une libération par l’Ouest, la seule pour les aspirants, qui se fait en plusieurs
étapes,avecdemultiplesobstaclesetdifficultésetsuruneduréeassezlongue.
A–Lecheminementdesaspirantsversl’Ouest
L’année 1944 représente un tournant majeur dans le déroulement de la Seconde
Guerremondiale.LedébarquementdesAméricainsetdesAnglaissur lesplagesfrançaises
occupelefrontdel’OuestetlesvictoiressuccessivesdesSoviétiquesdepuisplusieursmois
1DURANDYves,LaCaptivité:histoiredesprisonniersdeguerrefrançais,1939-1945,Paris,FNCPG-CATM,1982,p.492
170
permettent une avancée importante de l’Armée rouge vers l’Ouest et marque donc leur
dominationsur lefrontde l’Est2.Ainsi,auregarddecettesituation, lesAllemandssentent
leurdéfaiteimminenteetdécidentdecommencerl’évacuationdecampsdeprisonniers.
LecampIAdesaspirantsdeStablackestlecampsituéleplusàl’estdesfrontièresduReich,
avecégalementlestalagIB.IlssonttousdeuxétablisenPrusseOrientale,àlapériphériedu
Reich et dans une des régions les plus menacées par l’Armée Rouge, justifiant donc
l’évacuationplutôtprécocede Stablack3. Eneffet, dès lemoisd’août1944, lesAllemands
lancent une évacuation partielle du stalag IA, partielle puisqu’un certain nombre de
prisonniersdeguerre,etnotammentd’aspirants,n’yprendpaspart.Oncomptenotamment
desprisonniersblessésoumalades,setrouvantàl’hôpital,etnepouvantdoncpasfairele
déplacementàcemoment-làetlesresponsablesdecethôpital.Ilyaégalementuncertain
nombred’autresprisonniersquineparticipentpasà l’évacuation, commeceuxencoreen
kommandoetquelques-unsconnaissentmêmeunelibérationsansaucunlienaveccellesde
l’Aspilag,telquel’AspirantGrisvard4.
L’évacuation se fait en septembre 1944 et les Allemands décident de déplacer ces
prisonniers vers plusieurs stalags du Wehrkreis III beaucoup plus à l’Ouest, comme le
racontel’aspirantFanon:«Àlafind’août1944lorsdel’avancéedesblindéssoviétiquesvers
Memel et Tilsitt, unpremier convoi de875aspirants du campde Stablack, fut évacuépar
voieferrée,enwagonàbestiaux,surleStalagIII-CàKüstrin,puisle10octobresurleStalag
III-B à Fürstenberg-sur-Oder5.» La surveillance des gardes allemands reste très soutenue
pendantcesmomentsd’évacuation,maisleurattentionserelâchequelquepeuàpartirdu
départdu stalag IIIB, cequi estprobablementdûà laprogressionde l’armée soviétique :
«Les aspirants étaient évacués à pied vers l’ouest, avec ordre formel de ne les laisser en
aucuncasrejoindreparlestroupessoviétiques6.»Deplus,leurmanquedevigilancepermet
à certains aspirants de quitter le groupe demarche, et de tenter de rejoindre les lignes
soviétiques. Les Allemands rattrapent tout demême certains de ces aspirants, grâce à la
mise en place d’un groupe de SS appelé en renforts, pour les récupérer et pour faire
2KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.403DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.4724 Aspirant Roger GRISVARD, Questionnaire des prisonniers du STALAG IA, 72AJ/296, Papiers du Comitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN5FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.1676FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.167
171
respecterladiscipline,avecordredetirersurlesprisonniersquiralentissentlegroupe7.Par
cet ordre, ils semblent vouloirmontrer qu’ils sont toujours ceux qui dominent,mais cela
montreaussileurpeur,puisqu’ilsveulentàtoutprixéchapperauxSoviétiques.
Par la suite, les Allemands procèdent à une dispersion des prisonniers, par la
formation de plusieurs groupes, à disséminer à divers endroits dans les alentours de
Luckenwalde, dernier lieu d’internement pour ces prisonniers. Les aspirants y retrouvent
alorsunsemblantdecaptivitéenattendantleurlibération8.
B–Unelongueattenteavantlavéritablelibération
a) L’arrivéeversLuckenwalde
Le groupe d’aspirants prisonniers de guerre arrive donc dans la région de
Luckenwalde, situéeàunesoixantainedekilomètresau suddeBerlin, zoneoùse situe le
stalagIIIA,oùsetrouventdiversprisonniers.
C’est la fin dumois de février pour les prisonniers de guerre et ils ont commencé
cettemarche audébut dumois, sous les ordres dumédecin capitaine Lartigue, qu’ils ont
eux-mêmeschoisis,notammentpoursesactions.Eneffet, ilauraitdéjàfaitpreuved’actes
derésistanceavantlacaptivité,avecunréseaudepasseursenEspagnepourdesjeunesdu
STO9etdèssanominationetsonarrivéecommemédecin-chefdel’infirmeriedustalagIA,il
recommenceavec lamiseenplaced’un réseaude renseignements et d’évasions. Il serait
d’ailleurs reconnu comme l’«auteur de 180 évasions», dont Louis Fages, qui relate cet
évènementdanssonouvrageJournaldemarched’unaspirantd’infanterie10.
LecapitaineLartigueprendainsilatêtedugroupede850aspirantsenfévrier1945,
les séparent en huit compagnies, auxquelles ils assignent un commandant, similaire aux
chefs de baraque au début de la captivité et ils les laissent ensuite s’autogérer11. Selon
Lartigue,ceschefsdecompagniesauraienteuuncomportementexemplaireetméritentune
récompense, ce dont il aurait posé la demande, par le biais de multiples lettres12, mais
7LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.9,72AJ/2634,AS,AN8LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,72AJ/2634,AS,AN9FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16710FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,1996,p.9611FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16812LARTIGUEMédecinCommandant,LettreauMinistèredelaGuerre,SansDate.,Lieuinconnu,72AJ/2634,AS,AN
172
l’absencederéponseouderécompensesurcesujetempêchedevéritablementconnaîtrele
dénouementdecetteaffaire.
Lamise en place de ces groupes a donc été très utile puisque Lartigue connaît plusieurs
problèmes pendant la longue marche amenant à Luckenwalde. Pendant cette période, il
risquaàdenombreusesreprisesd’êtrearrêté,carilessaieàtoutmomentdefaciliterlavie
desesaspirants,dontlesconditionsdeviesesontdégradéesdufaitdel’évacuation13etcela
luicausecertainsproblèmes.Lesautoritésallemandes luireprochentdeprésentertropde
réclamations,cequ’ilfaitdepuisledébutmêmedel’évacuation,puisqu’ilétaitdéjàcontre
ledépartdecertainsprisonniersmalades,qu’iljugeaitcommeinaptesàpartir,maisilnefut
cependant pas écouté. S’inquiétant toujours des conditions des prisonniers, il continue à
s’opposerauxdécisionsqu’ilconsidèretropdangereusespourcertainsprisonniersetcette
situationamèneàunordreplutôtradicalducolonelquicommandelestalagIIIB:
«À10hdumatin,lecolonelWAGNER,furieuxdesplaintesqueleCapitaineLARTIGUEavaitadresséau
CICR à Berlin, vint annoncer que 85 aspirants, «1 sur 10», et le Capitaine Lartigue seraient fusillés à la
prochaineréclamation.Or, laveille, lecommandantdel’AbwehrduSTALAGIIIBavaitrefuséunevoiturepour
transporter24maladesetblesséstrèsgravesetavaitinterdittouteévacuation,cequiauraitcondamnéàmort
un Aspirant en cas de crise d’appendicite. Dans l’après-midi, le Capitaine Lartigue déposait une nouvelle
réclamation14.»
Lafusilladefutévitéegrâceàl’actiond’unAllemandaidantdepuisledébutdel’évacuation
lesaspirantsdansleurcaptivitéetayantcréécertainsliensd’amitiéavecquelques-uns.Cet
Allemandest leSonderführerWensch,unpasteurprotestantquiétaitgardedans lestalag
IIIBetquiétaitdoncsouslesordresdeWagner.Ildécidad’aiderLartigue,àsademande15et
serenditàBerlin,pourfaireannulercettefusillade,cequ’ilobtint16.Onpeutainsiobserver
quemêmevers la finde la captivitéet à l’approchede ladéfaitedesAllemands, certains
schémas remarqués pendant la captivité, d’Allemands difficiles et violents et d’Allemands
compatissants,sonttoujoursprésents,commecefutlecaspourlesaspirantsaveclesdeux
typesdecommandantsdecampqu’ilsonteu.
13LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.14,72AJ/2634,AS,AN14FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16815LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.10,72AJ/2634,AS,AN16FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.168
173
b) L’emprisonnementd’unepartieduBataillon
AprèslesdifficultésquisesontprésentéesàLartigueetaubataillond’aspirants,l’arrivée
à Luckenwalde amène une nouvelle épreuve. Lartigue ainsi que d’autres prisonniers,
notamment des membres importants du bataillon, sont emprisonnés dans une baraque
disciplinaire, sans qu’aucune véritable justification ne soit donnée et cela durera cinq
semaines17. Leurs conditions de vie sont très mauvaises, pires que pendant l’évacuation,
puisqu’ilyaiciuneviolationdelaConventiondeGenève.Toutd’abord,l’espacedanslequel
ilssontconfinésestextrêmementpetitetnepermetpasunehygiènedevieconvenable18.
L’accèsauxsoinsdentairesestsupprimépendantlestroispremièressemaines,mêmepour
lescasgraves,etenfin,leravitaillementestconsidérablementbaissé.Iln’estpaspossiblede
dire, avec certitude, si cela est dû aux conditions mêmes d’emprisonnement ou à la
diminutiondesdenréesquepossèdentlesAllemands,puisquelazoneestdevenueunezone
deguerreactiveetquelapopulationelle-mêmevoitsesconditionsdevies’aggraver,dansle
domaine médical ou celui du logement19. Cependant, selon le témoignage de Lartigue,
certainsdesaspirantsréussirentàpasserclandestinementunpeuplusdenourritureaux150
prisonniers,bienquelaquantiténesoitpasénorme,cequiestdenouveauuneobservation
delagrandesolidaritéquiexisteentrelesaspirants,mêmelorsqu’ilsnesontplusdansleurs
camps.Lesdeuxhypothèsessontdoncpossibles,puisque lesAllemandspeuventmanquer
derationsetdéciderd’engardercertainesenbaissantcellesdesprisonniers.Quelquesoit
lecas,cemanquederavitaillementauneffetnégatifsurlesprisonniers:«Unepeséefaite
unmoisaprès l’arrivée indiquaunamaigrissementmoyende6kilos20.»Cesconditionsde
vieviolentplusieursarticlesdelaConventiondeGenèvesurlespunitionsdisciplinaires,tels
que l’article56, sur lesconditionsd’hygiènedu logement21et l’article58, sur lapossibilité
pour les prisonniers de guerre de passer, quand ils le demandent, une visite médicale22.
SelonlecapitaineLartigue,cesmesuresfurentmisesenplacepourpuniruncertaingroupe
deprisonniers,commeceluiluiauraitétéconfirméparlasuiteparcertainsrenseignements17FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16818LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN19KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.14720LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.20,72AJ/2634,AS,AN21Article56,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)22Article58,Conventionrelativeautraitementdesprisonniersdeguerre,Genève,27juillet1929,SiteinternetduComitéInternationaldelaCroixRouge(CICR)
174
officiels23. Ilestégalementpossiblequecelasoitdûaucontextegénéralde findeguerre,
auquelfurentconfrontésuncertainnombredeprisonniersdeguerre24.
LesAllemandsveillentàcequelasurveillancedecesprisonnierssoittoujoursassurée,pour
empêchertoutcontactaveclesautresmembresdubataillond’aspirants,cequin’empêche
pas,seloncertainstémoignages, l’établissementde liaisonsclandestineset laconservation
d’unmoralexcellentpourlesaspirants25.
Pendanttoutecettepériode,leCapitaineLartiguecontinueàpenseràsesprisonniers
ettented’améliorerleursconditionsetlessiennes,enrédigeantplusieursrapportspointant
lesviolationsde laConventiondeGenève,etmentionnant lesmoyensquipourraientêtre
déployéspouraméliorer letraitementdesprisonniers.Sicesdemandesnesontpasprises
en compte, la situation semble s’améliorer, grâce à l’action du Sonderführer Wensch. Il
relaie plusieurs réclamations, comme la libération de Lartigue et l’amélioration de ses
conditions,pourqu’il puisseaider les aspirants.Auboutd’unmois, il obtient satisfaction.
Libérés,leCapitaineLartigueetl’AspirantBillebaultpeuventalorsreprendreleursfonctions.
c) LaviedesaspirantsàLuckenwald
Pendantqu’unepartiedesprisonniersétaientmisen isolement, lesautres, répartisen
plusieursgroupes,furentenvoyésdansdifférentskommandospourseremettreautravail,la
captivitén’étantpasencore finie. Selon le Journaldemarche, cela sedéroulademanière
assezsimilaireauxmoissonsenPrusseOrientale:certainsn’obligentpasunvrai travail, la
plupart des aspirants n’étant pas formés pour cela et d’autres rencontrent une discipline
plutôtdureetunecontrainteau travail26.Par la suite,uncertainnombred’aspirants sont
renvoyésaucampdeLuckenwalde,pourrefusdetravailler,oupourlecasparexemple,d’un
travailagricoledanscertainskommandos,oùlesaspirantssontsipeuproductifsqu’ilssont
expulsésdukommandos27.
Aprèssa libération,Lartigue,accompagnédel’aspirantBillebault,rendvisiteàtousses
aspirants, répartisdans lesdifférentskommandos28et lebataillonse reformepeuàpeuà
l’approchedescombatsetdelafindelaguerre.Eneffet,lesbombardementssontdeplus
23LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.20,72AJ/2634,AS,AN24DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.47225LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN26LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN27LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.19,72AJ/2634,AS,AN.28FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.168
175
en plus fréquents et surtout de plus en plus proches. Ils touchent même certains
prisonniers; fin mars, une bombe explose dans une aile d’hôpital, ce qui cause son
effondrementetlamortdedeuxaspirants,BouveetSabatier,entraitementàcethôpital29.
Celaentraineà la fois le rapatriementdecertainsaspirantsdans lecampdeLuckenwalde
maisaussil’ordrederesterenkommandopourcertains,oùilsseraientplusensécurité.Àla
mi-avril,lalibération,parlesSoviétiquestoutproches,sembleimminenteetdanslanuitdu
20 au 21 avril, les différents groupes reçoivent l’ordre d’évacuer leurs zones, et Lartigue
tentedeconvaincrelesautoritésducampdelaisserentrerceuxquiarriveront30.Parmices
tentatives, une d’elles représente ce qui fut considéré comme «un des évènements
marquants dans l’histoire des Aspis31». Une des compagnies se trouve prise entre des
échanges de feu, dans un combat violent et seulement un des aspirants semble blessé.
Cependant, lelendemain,enretournantsurlelieudescombats, ilsdécouvrentlecorpsde
l’aspirantFrayssinet,mortpendantleséchanges32.Unedescriptiondonnéducorpsmontre
laviolencedeséchangesmaiségalementlaréalitédelaguerre,puisquecommecelaarrive
quelques fois, les Soviétiques ne font pas toujours la distinction entre les prisonniers de
guerre libérés et les Allemands33, ce qui s’observe également avec le fait que le corps de
l’aspirantaitétépillédetoussesobjetspersonnels,cequelesSoviétiquessontplutôtenclin
àfairesurlecorpsdel’ennemi.
Onassisteainsi,àLuckenwalde,auxderniersmortsauseindesprisonniersdeguerreet
aux derniers affrontements entre Soviétiques et Allemands, avant la libération tant
attendue.
C–L’arrivéedesSoviétiques:unelibérationofficielle
a) Lespréparatifspourlalibération
Le 21 avril, les Allemands, connaissant la proximité des Soviétiques et l’imminence de
leur arrivée dans le camp, partent précipitamment en abandonnant le camp. Certains
groupesallemandsrestentcependantàproximitéducamp,avecuneartillerieprêteàfaire
feu sur les Soviétiques. À partir de là, il est du ressort des personnes en présence de
29LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.22,72AJ/2634,AS,AN30LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.27-28,72AJ/2634,AS,AN31AUDRAINÉmile,Mortd’AntoineFrayssinet,24/04/1945,Luckenwald,72AJ/2634,AS,AN32AUDRAINÉmile,Mortd’AntoineFrayssinet,24/04/1945,Luckenwald,72AJ/2634,AS,AN33DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.492
176
s’occuper de la mise en place d’une organisation du camp et de désigner une autorité
compétente,commecelas’effectuedansdenombreuxcampsàcettepériode.Descadresde
chaque autorité militaire sont désignés et prennent contact avec ceux des autres
nationalités34. Le commandement français est remis au Capitaine Henri Leymarie35et la
veilledelaLibération, ilprendcontactaveclesautresétats-majors,soit lesaméricains, les
britanniques, les yougoslaves et les norvégiens et ce groupe est sous le commandement
général de l’officier le plus gradé du camp, à savoir le général norvégien Rugge36. Les
Soviétiques laissentauxcommandeslegénéraljusqu’àsondépart,puisilestremplacé,par
lasuite,parlegénéralanglaisCollard,commandantdelaRAF37.
Sous les ordres de Leymarie se forme un «Régiment français» : «Au total, ce sont
12.000 de nos compatriotes que regroupera cet éphémère «régiment»: des militaires
libéréssurplaceouvenusdesKommandos[…]maisaussidescivilsqui,parmilliers,affluent
en désordre des villes voisines pour retrouver la protection du drapeau national38.» Les
aspirantssontplutôtproductifsdanscetteorganisation,puisqu’ilsaidentàdenombreuses
tâches, commenotamment l’aide au ravitaillement et la supervisiondepersonnel dans la
ville de Luckenwaldemême39,mettant ainsi en avant la responsabilité qu’ils avaient déjà
pourlaplupartassumédanslesstalags,avantlacaptivitéàStablack,ainsiquedanscertains
deleurspostesenPrusseOrientale.
b) Lalibérationducampparlestroupessoviétiques
Lalibérationalieule22avril1945pourlesaspirantsetlesautresprisonniersdeguerre
présents à Luckenwalde. Elle commence très tôt dans la journée et se fait en plusieurs
étapes,enfonctiondesarrivéesrusses:
«Lapremièrevoitureblindéerusseentreà5heuresdanslecampqu’ellequitteunedemi-heureplustard
avec le général RUGGE qu’elle emmène à Luckenwalde. […] À 10 heures, des tanks et des voitures blindées
russes pénètrent dans le camp. Entre 10 heures et 11 heures, la ville fut occupée par les troupes russes en
nombre importantmais lamajoriténefitcependantque latraverser.Miseàpartquelquescoupsdefusilset
34DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.49735LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.17136LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirants…op.cit.,p.17137LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN38LAUZANNE Bertrand, «Le capitaine LEYMARIE et le «Régiment français» de Luckenwalde», Le camp desAspirants…op.cit.,p.17139LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN
177
unelégèrerésistancel’usinedeNorddeutschequifutrapidementmaitrisée, l’occupationsefitrapidementet
efficacement. Deux sources d’informations indépendantes et sérieuses déclarèrent que la discipline et le
maintiendestroupesrussesfurent–augrandétonnementdesAllemands–correctsàtoutpointdevue40»
Cettelibérationpermetauxaspirantsdoncdetousseregrouper,puisque550sontdéjàau
campoudans lesenvirons,àpartirdu22avril,9h30et les271autressontdansdepetits
villages àmoinsde20 km41. Commeon adéjàpu le voir, avec la libération, une certaine
organisation semetenplaceet elleoccupepleinement les aspirants, qui sont chargésde
s’occuperdesFrançaisprésents.
LespremierstempsdelaLibérationnemarquentcependantpaslafindescombats.
Ainsi,unegrandepartiedestroupessoviétiques ayantlibérélecampsebattentpourfaire
plierlesAllemandsquineserendentpas,cequipeutexpliquerquelecommandementdu
camp et sa gestion aient été remis à d’anciens prisonniers d’autres nationalités, les
Soviétiques nedisposantpasdutempsnécessairepours’enoccuper.Plusieurstémoignages
recueillismentionnenteffectivementunepoursuitedescombats,pendantlalibération42ou
quelquesjoursaprès43.AprèscetteLibération,leshabitantsdeLuckenwalde,prisonniersde
guerreetcivilstententdereprendreunevienormale.Lesaspirantsprofitentparexempledu
retouraucalmepourenterreretrendrehommageàl’AspirantFrayssinet,mortle21avril:
«Le lundi23avril,à14hont lieu lesobsèquesdeFrayssinet.Unenombreusedélégationd’aspirants,
conduite par le Médecin capitaine LARTIGUE, assiste au service religieux célébré par le pasteur WALLET à
l’hôpital;lecercueilrecouvertdudrapeauretrouvéàJanickendorf,estportéaucimetièreparsesamisCRUARD,
DULAC,DUCHEMIN,LUCAS,RASPIetd’autrescamarades.Aprèslacérémonie,ledrapeauestramenéaubureau
dubataillon44.»
Lasituationrestecependantcompliquée,notammentpourlescivilsallemands,quisont
maintenantdansune situationplutôtdifficile, comme lemontrentplusieurs témoignages.
Ainsi, certains Allemands profitent, par exemple, de la libération de Luckenwalde, pour
piller45.Onpeutsupposerparlecontenudesdenréesetautresproduitssubtilisésquec’est
une réaction de nécessité pour les Allemands, et cela peut ainsi permettre d’observer
l’ampleur de la détresse dupeuple allemand, et du régimede fin de guerre qu’ils ont pu
40X – Amicale de Stablack, «La Libération du IIIA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.173-174AS,AN,72AJ/263241LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.34,72AJ/2634,AS,AN42FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.16943LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41,72AJ/2634,AS,AN44LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43,72AJ/2634,AS,AN45X – Amicale de Stablack, «La Libération du IIIA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.173-174
178
subir,avecprobablementunmanquederavitaillement,similaireàcequelesprisonniersde
guerreontpusubir.D’autresallemands,etnotamment les femmes,connaissent l’horreur,
commel’évoquedesaspirantsaprèsunerencontreavecuneAllemande:«Elleleurexpliqua
que s’il [le Soviétique] étaitmontéaupremier étage, elle se serait jetépar le fenêtre. Elle
avaitdéjàétévioléeunequinzainedefoisetellen’auraitpaspusupporterdel’êtreunefois
deplus.»46LesviolsdesfemmesparlesSoviétiques sontasseznombreuxpendantlafinde
laguerreet la réactionde cette femmen’estpasunique,beaucoupde femmespréférant
souventlamortplutôtqueleviol47,cequelesaspirantsdécouvrenticipourlapremièrefois,
cequiestaussidémonstratifdelaviolencedelaguerre.
Les aspirants vivent ainsi unepérioded’après-libération, sansquelconqueavancement
ouévénementsignificatif,puisilsentrentdansunenouvellepériode:lerapatriement.
D–L’organisationduretouretsaréalisation:lerapatriement
a) Lapréparationd’unrapatriementpourlesaspirants
Lamiseenplacedurapatriementpourlesprisonniersàl’Ouestestsouventassezrapide,
lesmoyensàdispositionétantplusfacilementatteignables48etpourtant,lapréparationdu
rapatriementdesaspirantssembleavoirprésentéquelquesdifficultés.
Très tôt, le Capitaine Lartigue tente d’entreprendre des négociations ou même de
discuteraveclesSoviétiquespouropérerunrapatriementenFrance.Denombreusesidées
et rumeurs courent dans le camp, laissant croire à plusieurs types possibles de
rapatriement49etaudébutdumoisdemai, lesAméricainsenorganiseun. Lartigueet les
autres aspirants tentent de négocier pour trouver une place dans les camions mis à
dispositionpour l’occasion,mais ils fontfaceàdenombreuxrefusde lapartdesautorités
russes,quifinissentmêmeparrecevoir,le7mai,desinstructionsleurinterdisantdelaisser
passerquiquecesoitenzoneaméricaine50.Parlasuite,l’ordreestdonnéauxaspirantsde
tous se regrouper à Forst-Zinna pour limiter l’encombrement important à Luckenwalde51.
46DE SOUZA José, «Dans les rues de Luckenwalde», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.174-17547KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.455NAIMARKNorman,«RussesetAllemands:violsdeguerreetmémoirespostsoviétiques»,Violsentempsdeguerre,Paris,ÉditionsPayot,2011,p.207-22748DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.50249LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.41-43,72AJ/2634,AS,AN50LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.48,72AJ/2634AS,AN51LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43-44,72AJ/2634,AS,AN
179
Les aspirants continuent à suivre l’organisation administrative mise en place depuis les
débuts, et s’occupent de préparer leurs retours, par l’inscription sur des listes de
rapatriements.Unepremièreétapeàcetévènementtantattenduàlieuàpartirdu20mai
1945,oùplusieursinformationssontcommuniquées,surunpossibledépart,serépartissant
surplusieursjours52.Lamiseenplacedecerapatriementesttrèslaborieuseetconnaîtde
nombreuxpasenarrière,quilaisseàsupposerquelerapatriementquisuitlalibérationest
faitsansunegrandeorganisation,aucontrairedelapériodedecaptivité,dûprobablementà
laprécipitationdesévènementsàlafindecetteguerre,donnantlieuàdesdécisionshâtives
etdoncparfoisremisesenquestion.Celapourraitexpliquerl’absencededocumentsofficiels
sur la libération. Ces rapatriementsne semblentpas revêtir un aspect totalementofficiel,
commepeutd’ailleurslemontrerlesdifficultésquelesAméricainsetlesSoviétiques ontà
s’entendresurcesretours.
b) LedépartdeForst-ZinnaetleretourenFrance
Le23mai,lesaspirants,presqueaucomplet,quittentenfinlarégiondeLuckenwaldeet
plusparticulièrementlecampForstZinna,pourpasserenzoneaméricaineetainsi,pouvoir
retournerenFrance.Ilsrencontrentcependantdenouveauxproblèmes.Ilssontarrêtésau
campdeWittenberg,àunecinquantainedekilomètresausud-ouestdeLuckenwalde,oùils
séjourneront pendant deux semaines53. Les aspirants, fidèles à leurs habitudes et à leur
rigueur,remettentànouveauenplaceleursystèmed’organisation,dontLartigueredevient
le chef, et ils s’organisent donc pendant l’attente de leur prochaine libération. Tous les
aspirantsn’auraientpaseuuncomportementirréprochablependantcettepériode54,cequi
pourraits’expliquerparl’impatienceetl’exaspérationfaceàcettelongueurduretour.Outre
cela, la vie de campàWittemberg est assez similaire à celle de Luckenwalde, puisque les
aspirantssonttoujoursenmanquedenombreuxélémentsbasiques,telsquedes lits55.De
plus, de nombreuses fausses informations ou fausses alertes de rapatriements circulent
parfoisdanslecamp,cequicauseuncertainénervement.
52LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.43-44,72AJ/2634,AS,AN53LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.55-57,72AJ/2634,AS,AN54LARTIGUEMédecinCapitaine,NotedeService,28/05/1945,Wittemberg,AS,AN,72AJ/263455LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.55,AS,AN,72AJ/2634
180
Finalement, après quinze jours àWittemberg, plusieursmissions de reconnaissance à
bicycletteetlarencontreavecplusieurshautesautorités,lepassageenzoneaméricaineest
définitivementprêt,malgréquelquesnouveauxcontretemps:
«Ordre de départ pour 15h, à pied, en direction de Dessau; la nouvelle fait immédiatement le tour du
camp.Lajoieestgrande,bienquel’étapecomporteunetrentainedekilomètressansaucunevoiturepourles
malades et les blessés qui doivent rester sur place. À 16h40, les huit compagnies d’aspirants sortent de la
caserne. […] La longuecolonne traverseWittemberg.RencontreduLieutenantVILMORINquiannonceque le
retourenFrance,àpartirdelazoneaméricaine,seferaenavion:cettenouvelleprovoqueunvifenthousiasme.
[…] Le Commandant du camp deWittemberg revenant de Dessau transmet l’ordre de faire immédiatement
demi-touretdereveniràCoswigenraisondel’encombrementaubureaudecontrôle.LeCapitaineLARTIGUE
refuse formellement […]; après le départ du Commandant il fait continuer la marche. L’Elbe est franchie à
23h40.»56Le10juin,à14h20,«LeBataillonfranchitlaMuldesurunpontdebateau,entreenzoneaméricaine
etdéfileenrangsetenordreimpeccable,drapeauentête,danslesruinesdeDessau57.»
Aprèsunretarddûaumauvaistemps,lesaspirantssontaffrétésdansunavionle14juinà
12hetdansl’après-midi,ilsarriventauBourget58marquantainsilafindeleurcaptivité.
c) Unrapatriementalternatifpourungroupedeprisonniers
Touslesaspirantsn’ontcependantpasdécidédesuivrelamajoritédesaspirantsetont
préféré faire comme certains autres prisonniers de guerre, qui ont choisis de rentrer en
Franceparleurspropresmoyens59.SelonYvesDurand,lamajoritédecesgroupessemblent
échoueravantlafin,maiscelanesemblepaslecaspourcegrouped’aspirants:
«Unecolonnedénomméeavecoptimisme«détachementprécurseur»,composéd’aspirantsetd’hommes
detroupesqui,aprèsleurlibérationparl’arméesoviétique,atentédegagnerl’Elbeparsespropresmoyenset
gagnerlazoned’occupationaméricaine.[…]Cettecolonne,nonseulementatteignitl’Elbe,maislatraversa,et
sursa lancée,finitparaboutirsur lesrivesde laSeine.Ellemitpoursefaireuncertaintemps,maisdonnale
plaisiràsesparticipantsdepouvoirattendreleurscamaradesrapatriésàleurdescented’avion60.»
Ce retour, assez extraordinaire, a été l’objet de coups de chance et d’une grande
débrouille de la part des prisonniers de guerre, qui ont su dépasser les obstacles qui se
présentaientetpoursuivreleurcheminjusqu’aubout.Ilssont74àpartir,dont27aspirants,
etilssontéquipésaudépart,detroistracteurs,sixremorques,sixfûtsdegasoilde170kg,
56LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.57,72AJ/2634,AS,AN57FANONJean,«L’odysséedubataillonLartigue»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17058LARTIGUEMédecinCapitaine,JournaldemarcheduBataillonLartigue,1945,p.62,72AJ/2634,AS,AN59DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.49460MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.176
181
ainsi que d’un ravitaillement alimentaire. Au fur et àmesure du chemin, ils perdent une
partiedeleuréquipement,ainsiquedeshommes,certainsn’ayantpluslaforcedecontinuer
levoyage61.Leurtrajetsefaitsanstropd’obstacles,notammentgrâceauxfauxpapiersen
leurpossession,leurpermettantdepasserlespointsdecontrôlesansproblème.
Cette colonne fit d’ailleurs quelques rencontres particulières. Début mai, Moignard
raconte que l’équipage a été doublé par un tracteur qui, après l’arrêt, a laissé voir qu’il
transportaitScapinietdesprochesquitentaientdefuirversleSuddel’Allemagne,suivide
prèsparunconvoideFrançaisenuniformequilerecherchait,cequisemblecorrespondreà
lafuitedeBerlinaudébutdel’année1945.Plustard,aprèsavoirtraverséleRhin,ilscroisent
«desrescapésdecampdeconcentration,encorerevêtusdeleurpyjamasrayés.Lesquelques
conversationsquenouspûmesavoiraveceuxnousfirentcomprendrecombiennousavions
étéprivilégiés,etquellechancenousavionseu62.» Ilestcependantdifficilede jugercette
confession,puisquecerécitn’aétéécritquequaranteansplustard,alorsquetoutceque
lesdéportésavaientsubiavaientétérendupublic.Ilestdoncimpossibledesavoirsicelaest
ditaumomentdel’écrituredutémoignageetavecunesincéritéréelleressentie lorsdela
rencontreaveclesdéportés.
Enfin,le13mai,lafrontièreestpasséeetle16,lacolonnearriveàParisetretrouveleurs
familles63,mettantainsifinàleurcaptivité,prèsd’unmoisavantlegroupedeWittemberg.
II–UnelibérationplustardivepourlerestedesaspirantsaustalagIAetalentours
En parallèle du bataillon d’aspirants, un autre groupe d’aspirants attendait sa
libérationetdelamêmemanièrequepourlebataillon,ilyaunedivisionentreprisonniers
etdifférentestemporalitésdelibération.
A–ÀStablack,enattentedelalibération
Après le départ des 850 aspirants en août-septembre 1944, il reste un certain
nombred’aspirantsprisonniersaucampdeStablack,généralementblessésoumaladeset
placésà l’hôpitaloucertainsrestéspour lesaider.Poureux, lacaptivitécontinuedans les
61MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17662MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.17863MOIGNARDJohn,«Parlesmoyensdubord»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.179
182
mêmesconditionsquependant lesannéesprécédentes64etseloncertainstémoignages, la
régiondevientunezonedecombatassezrapidementetilestpossibledesupposerquecela
continua, s’accentuant au fur et à mesure de l’approche de plus en plus imminente des
Soviétiques.
La fin du mois de janvier est le déclencheur de la libération, notamment à cause de
l’encerclement de Stablack par les Soviétiques 65 , bien qu’elle ne se réalise pas
immédiatementetlesAllemandssontquelquespeuperdus:«Le25janvier,profondément
surprisparl’évacuationetladéfaiterendueàleursportes,lesAllemandsperdaientlaface,le
belordreallemandagonisait. Ladistributiondesvivresde laCroix-Rougedonna lieuàdes
scènesdepillagepardesprisonniersdetoutesnationalitéssansaucunessaiderépressionde
la part de nos gardiens 66 .» La situation semble donc complètement aux mains des
Soviétiques. Les Allemands décident alors d’agir et de lancer une évacuation partielle,
commecelaavaitétéfaitavecledépartdubataillond’aspirantsetdepuisle21janvier,pour
lestalagIB67.Ilseproduitalorsunenouvelleséparationpourlesaspirants,scindésendeux
groupes: les«aptesàlamarche»partentavecunemajoritédesgardesallemandsversle
campdeLübeck;lesautres,tropmaladespourbougeretceuxquis’occupentd’eux,restent
aucamp.Unefoislesdeuxgroupescréés,lalibérationseréaliseàdespériodesdifférentes
pourchacundesdeuxetdansdesconditionstoujoursparticulières.
B–Les«aptesàlamarche»:unlongexodeavantlalibérationparlesAnglais
Legrouped’aspirantsquipart,dès la fin janvier1945,deStablackconnaîtunparcours
assez similaire à celui du bataillon Lartigue, puisqu’ils partent avec un groupe de gardes
allemands,versl’ouest,pouréchapperàl’avancéedesSoviétiques.Ilssubissentunelongue
marcheetarrivésàdestination, ilsdoiventencorepatienteravantd’êtreenfin libéréspar
l’arméeanglaise.
64 Service d’accueil et d’information auprès des prisonniers rapatriés, Compte rendu de renseignement,31/11/1944,F/9/2912,DSPG,AN65BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.19266PHILLIPE Abbé Michel, «Les derniers jours du IA», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.18667SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackpar lesRusses»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.188
183
Le groupe qui prend le départ le 26 janvier 1945 à 4 heures dumatin est qualifié de
groupedes«aptesàlamarche»,soitlesmembresducampdesaspirantsdeStablackrestés
audépartdupremiergroupeenseptembre1945,carblessésetdoncconfinésà l’hôpital,
mais désormais assez rétablis pour pouvoir entreprendre un voyage pour échapper à
l’avancée russe68. Le départ du groupe se fait dans le froidet dans des conditions assez
misérables et cela ne s’améliore pas, transformant l’exode en un long calvaire: on peut
observercelaenjanvier:«Lesmalades,desblessésauxpiedsgeléssontobligésderesterà
l’infirmerie du camp69», puis en février : «Nous installons l’infirmerie dans un local assez
minableoùquelquesAnglaisessaientdes’agitersurleurspiedsgelésetoùlesmédecinsfont
des quantités de pansements70.». La situation semble s’améliorer le 7 février: «Belle
chaussée.Onmarcheraitmaintenantpresque facilement,n’étaient lesblessuresauxpieds.
Les traineaux ont complètement disparus71», le beau temps est revenu, et les traineaux,
jusqu’alorsundesélémentsindispensablesdansl’attiraildesprisonniers,nesemblentplus
être d’aucune utilité. Le repos n’est cependant que de courte durée pour les prisonniers
puisqu’ilretrouvelaneigele12février,puislapluiele14,etenfinlaboueenfindemois72.
Cen’estqueverslafindemarsqueletempstourneenleurfaveur,cequilesaccompagne
ensuitejusqu’àleurarrivéeàl’oflagdeLübeck,lemercredi11avril194573.
Lesdifficultésmétéorologiquesnesontpaslesseulescomplicationsrencontréespar
le groupe pendant cet exode, puisque les gardes allemands qui les accompagnent et les
surveillentsontsourcedecontrariété,commecelaputdéjàêtrelecaspendantlacaptivité.
Ilssontassezrudesetbrutauxetfontpreuvelaplupartdutempsd’uncomportementassez
hostile, notamment avec les prisonniers soviétiques74. On remarque d’ailleurs qu’il y a
toujoursunehaineprofondeobservéecontrecesSoviétiques, représentativede l’aversion
de l’Allemagne nazie pour l’Union Soviétique, fruit d’une importante propagande nazie75.
Cettehaineexistaitdéjàlorsdelacaptivité,puisquelesSoviétiques étaient,commeonapu
le voir, traités plus durement que les prisonniers d’autres nationalités. Il est également
68BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19269BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19270BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19371BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19372BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19473BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.195-19674BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19475KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,665pages
184
possible d’avancer l’idée que cette haine semanifeste plus intensément à cemoment, à
causedel’évacuation,renduenécessaireparl’arrivéedel’arméesoviétique.
Leparcoursdecettecolonnen’estcependantpasseulementmarquépardesdifficultés;des
rencontresfaitesaufilduvoyageremontentlemoraldesprisonniers.Ainsi,celaapuêtrele
casaucontactdecivilschezquilesprisonniersontprisrefugependantunarrêt.Unefamille
polonaiseenaccueilleunepartie le4 février, cequidonne lieuàdesadieux touchants le
lendemain;uncoupledepersonnesâgéeslesaccueillependantunesemaineetlesnourrit
volontiers pendant toute la période; s’ajoutent les retrouvailles avec des compagnons,
comme le mardi 27 février: «Nous retrouvons des figures connues: des officiers et des
employésdeStablack,l’équipeBrassier,Hébrard,GarreauetleGénéral»ouàlafindumois
demars:«Nousrecevonslavisited’Aspisarrivésle18mars76.»
Enfin ilsembleque,pendanttoute laduréedutrajet, lesprisonniersnesontquetrèspeu
misaucourantdudéroulementenparallèledelaguerre;laseuleinformationreçuedaterait
du 12 février: «De vagues nouvelles: l’offensive russe serait arrêtée, une attaque anglo-
américainesedévelopperaitsurleRhin77».Deplus,cen’estqueverslafinqu’ilssetrouvent
àproximitédeszonesdecombataérienetdesbombardements78.
Finalement,le12avril,trèstôt,legroupedeprisonniersarriveenfinàl’oflagdeLubeck,
oùilssontaccueillispardesofficiers,aprèsavoireffectuéunemarched’environtroismois
etestiméà1100kilomètres.La libérationn’aura lieuquequelquessemainesplustard, le
mercredi2mai,parunecolonneblindéeanglaise79,cequipermetdevoirquelàoùleplus
difficile pour le bataillon d’aspirants a été l’attente à Luckenwalde, ce qui est le sujet
principalduJournaldeMarche,pourcegroupe-ci,c’estlepériplejusqu’àLubeckquiaétéle
plusimportant.
C–Lesprisonniersàl’Aspilag:unelibérationrussesuivied’unelongueattente
En parallèle du groupe des «aptes à la marches» partant pour Lubeck, le reste des
aspirantsencoreprésentsàStablackdemeurentaucamp,aveclesprisonnierstropblessés
pourbougeretlespersonnesdésignéescommeresponsablesetquiconsidèrentcommeleur
76BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19577BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19478BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19579BOUZEAURené,«DeStablackàLübeck»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.196
185
devoirderester80.À lasuitedudépartdugroupe le25 janvier, lecampsevideet il reste
alors1200prisonniers,dontseulement200Françaisetdeplus,lesprisonniersrestentseuls,
puisque la garde allemande ne sera pas relevée81 . Cette absence de relève pourrait
s’expliquerparl’arrivéedeslibérateursetdesennemisauxportesducamp,faisantpeuraux
Allemands,quiontdécidédenepluss’occuperducamp,lamajeurepartiedesprisonniers
étantpartispourLubeck.CettepeurdesAllemandsesttrèsprésenteencettefindeguerre,
comme le remarque Saint-Chamand: «LesAllemands du camp sont graves et inquiets, au
demeurantassezplats,ilsontpeur:lereversdelamédailled’unepropagandequin’estplus
làpourlessoutenir82.»
Les prisonniers du IA se trouvant alors seuls, ils s’organisent, notamment vis-à-vis de
l’hôpital,qu’ilscherchentàprotéger,enplaçantdesgardesàsesportes,ainsiqu’àcellesdes
baraques et des magasins83. Les aspirants et les autres prisonniers de guerre tentent
égalementdes’accommoderaveclesconditionsdeviequileursontimposées,notamment
le ravitaillement toujours aussi faible 84 , bien qu’ils trouvent certains méthodes pour
améliorer leurquotidien85.D’autresdifficultés seprésententégalement:outre lemanque
denourriture,lesréservesd’eauducamparriventàleurfinetilfautallerlapuiserdansun
ruisseauàproximité.L’électricitéfinitégalementparêtrecoupée,cequiposeproblème,à
l’hôpital notammentet les prisonniers se débrouillent alors en installant un éclairage de
fortune86.
Jusqu’à l’arrivéedesSoviétiques, lequotidiendes résidentsdeStablackest rythméparun
élément en particulier, la guerre et ses affrontements. Ils se multiplient et deviennent
quelquesfoisdangereux,puisqueplusieursbombardementstouchentlecampetsurtoutla
80SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18881PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18682SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18883SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18884SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18885SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18986SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.189
186
périphérie de l’hôpital, bien qu’il ne soit jamais touché 87 . Plusieurs bâtiments sont
cependant atteints, telle que la baraque des Belges le 31 janvier, ou la baraque de la
pharmacie, le 8 février et de nombreuses douilles tombent dans le camp ainsi que dans
l’hôpital.Ilyaégalementdesblessés,commeaveclecasducapitaineSaint-Hilaire,militaire
françaisenchargedans lecampetquiestblessédansuneattaque,qui faitégalementde
nombreuses victimes88. Le camp subit aussi des pertes parmi ses prisonniers, lors d’une
attaquele9février:
«Quelquesprojectilestombentdansl’enceintedel’hôpital;l’und’euxheurteunecheminéedelabaraque
5etexplosedansunepièceoccupéeparungroupedeprisonniersvalidesquiavaientvoululierleursortàcelui
del’hôpital.Lescinqoccupantssonttués:2françaiset3Belges,évacuésdelacompagnied’Angerapp;le6ème
membredecepetitgroupeétaitsortiquelquesinstantsauparavantpourallervisiterunamilégèrementblessé
quelquesjoursplustôt89.»
LesSoviétiquescontinuentalorsleuravancéeetlesamedi10février1945,aumatin,
c’est la libérationdeStablack90etelleest ressentieavecune joieplus forteencorepar les
prisonniers russes, qui souffraient toujours d’un traitement hostile de la part des
allemands91. À partir de la libération, une cohabitation se met en place, les Soviétiques
prennentlecontrôleducampetdel’hôpitalet lerégimedesSoviétiques esttoutdesuite
observé comme étant meilleur que celui des allemands, notamment pour la nourriture:
«LesRussesnousapportent600grammesdepainparjourens’excusantdenepouvoirfaire
plus,troisfoiscequenousdonnaientlesAllemandsdanslesdernierstemps92».
Pour les Français,la situation est assez spéciale et quelques fois difficile, puisque les
Soviétiques ontuncomportementassezbrutalaveclequelilsontdumalàs’accommoder;
l’un des aspects qui ressort le plus des témoignages est le fait que les Soviétiques ont
tendanceàpillerlesmontres,commecelaarriveàSant-Chamandàdeuxreprises93.L’ivresse
semble également assez courante chez les Soviétiques, avec notamment l’organisationde
célébration, comme pour l’anniversaire de l’Armée Rouge fêtée au camp avec certains
87SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18988PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18789PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18790SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.18991PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.18792SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.19093SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.190
187
aspirants94.CetteattitudedelapartdesSoviétiques sembleêtreassezcommune,etellese
retrouvenotammentdanslestémoignagesdelapopulationallemandevivantàl’Est95.
Enparallèle, lessuitesdela libérations’organisent,etaufuretàmesuredesjours,
plusieursgroupesdeprisonnierspartentducamppourlancerleursfutursrapatriements,en
fonctiondeleurssituationsmédicales(s’ilssontaptesounonpourletransport).Unpremier
groupe s’en va le 14 février: «Un convoi de 93 malades (Français, Belges, Polonais et
Italiens),aptesàlamarche,partentàpied[…]Nousrestonsà150environ,dontlecapitaine
HILAIREetledocteurLERNOUT,l’abbéPHILIPPE,l’aspiRAYMONDetmoi,ainsiquelesRusses
intransportables96.»Ensuite,le25février,cesontdesmaladesquientreprennentcettefois-
ci un voyage97. Finalement, c’est le 8 mars, que les derniers aspirants quittent le camp,
marquantainsilalibérationdéfinitiveducampdeStablack:«À17h,départenvoiturepour
Eylau.Laporteducamps’ouvrepourlaisserpasserlesdeuxderniersaspisduIA,RAYMOND
etmoi,verscequ’ilscroyaientêtrelaliberté.»98
Le camp de Stablack a donc officiellement et définitivement été vidé de ses
aspirants; ilafalluprèsd’unmois,aprèsl’arrivéedesSoviétiques,pourquelasituationse
résolve. Cette Libération n’est cependant que symbolique, puisque bien qu’ils partent du
camp, levéritableretourenFrancenesefaitpasavantun longuepériodedetempsetce
n’estquerétrospectivementquecettelibérationpeutêtreconsidéréecommetelle,comme
lerésumel’AbbéPHILIPPE:
«JoiedelaLibération!Maistellementcomplexequ’onn’arrivepasàleréaliser!Est-ilpossiblequece
jourauquelona si souventpensépendantcinqans soitenfinarrivé.Etpuis ilnous surprendsi loindenotre
France,dontnousséparentdescentainesdekilomètresdechampdebataille!
Il y a des centaines de camarades allongés sur leurs lits depuis bien longtemps et pour de longues
semainesencore.
IlyaceuxpourquilejourdelaLibérationneseraqu’unjourdesouffranceajoutéàtantd’autres,en
attendantledernierenterreétrangère.
Ilyanosmortsàquiilvafalloirdonnerunesépulture.
94SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackparlesRusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19195KERSHAWIan,LaFin,Allemagne1944-1945,Paris,ÉditionsduSeuil,2012,p.45696SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.19097SAINT-CHAMANDHenri(de),«LaLibérationdeStablackparlesRusses»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.19198SAINT-CHAMANDHenri (de), «La Libération de Stablack par les Russes », Le campdesAspirants…op.cit.,p.191
188
Tous ces sentiments contradictoires, dans notremilieu de souffrants, font qu’il faudra un certain temps
pourréalisertoutelasignificationpourlescaptifsdeStablackdece10février194599.»
III–Uneétapelongueetcompliquée:lerapatriementdesaspirantsvenantdustalagIA
Une dernière étape se met en place pour les prisonniers encore à l’Est: le
rapatriement.PourcesaspirantsencoredanslazoneprochedeStablackouplutôtàl’Estdu
territoire du IIIème Reich, ainsi que d’autres prisonniers présents également avec eux, la
libération est organisée par les Soviétiques, à deux endroits principaux : Odessa (Sud de
l’Ukraine)ouMourmansk(Nord-OuestdelaRussie).
A–UnrapatriementparleSud:leretourd’Odessa
LepremierlieuderapatriementleplusimportantetleplusutiliséparlesSoviétiques
estOdessa.LavillesesituesurlamerNoireetauraitaccueillienviron19000prisonniersde
guerrefrançais,venusdedifférentspaysdel’Est100.
LesgroupesdeprisonniersrapatriésparOdessaontpourpointcommund’avoirétélibérés
par les Soviétiques. Cependant, la plupart s’arrêtèrent d’abord à des camps de
rassemblementetdetransit,quiservaientd’arrêtavantleretour,commelefutlecampde
WittenbergpourlebataillonLartigue.Lecampmentionnédansleplusdetémoignagesest
celuideBialystok,àl’estdelaPologne,ducôtédelafrontièrebiélorusseetà1000kmau
Nordd’Odessa.Selonl’aspirantGeliot,lepremierconvoideprisonniersquiquittalestalagIB
partitpourBialystokle15janvier1945;lesecond,dontilfaisaitpartie,devaitaussiyêtre
acheminé mais continua finalement jusqu’à Odessa101. Selon le témoignage de l’aspirant
Persin, le camp aurait également été un lieu de captivité pour des prisonniers de guerre
allemands102.IlestenvoyépourOdessa,avec6autresaspirantset1500hommes,cequileur
pritcinqjoursetletrainallaversl’est,puisausud,cequilaisseàsupposerqu’aucuntrajet
direct n’existait entre les deux points, mais également que la guerre avait pu détruire
certaines voies ferroviaires notamment par les nombreux bombardements103. Les deux
99PHILIPPEAbbéMichel,«LesderniersjoursduIA»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.187100DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.502101GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.180102PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN103DURANDYves,Lacaptivité…op.cit.,p.500
189
autres témoignagesdisponibles sur le rapatriement àOdessapeuvent également appuyer
cette idée,puisque lesdeuxaspirants,chacunde leurcôté,semblentavoirprisunchemin
différent avec leur convoi, les descriptions qu’ils font du paysage extérieur étant plutôt
distinctesl’unedel’autre,bienquecelapuisseégalementêtredûàunétatd’espritdifférent
pourlesprisonniers104.
Demanièrecomparable,lecheminduretourdepuisOdessaaégalementtendanceà
nejamaisêtrelemême.Eneffet,onretrouveplusieurstémoignagesdifférentsdegroupes
d’aspirants ayant été rapatrié par Odessa, mais qui connaissent chacun des itinéraires
distincts. On peut alors supposer que cela est dû à des déroutements causés par des
attaques de forces ennemies ou à des complications pendant le trajet. Le témoignage de
l’aspirantGeliotmentionnelecasdedeuxconvois,bienqu’ilyaitpuenavoireuplus,mais
l’auteurfaitlui-mêmepartiedudeuxième,cequiluipermetd’êtrederetourenFrancele21
avril,parMarseille,aprèsavoirtraversé:«leBosphore,lelongdescôtessuddelaCrêteet
descôtesnord-estdelaSicile,dominéparle‘’Stromboli’’105.»L’aspirantJanody,desoncôté,
apumontédansunbateauassezvite,maissontrajetaconnudescomplications,obligeant
uneescaleenÉgypte.IlsarriventfinalementàNaples,oùilauraitétéretenuquelquestemps
en tant que représentant des prisonniers de guerre français en Italie, avant de pouvoir
repartirpourlaFranceenavril106.
SilescheminsdelalibérationversOdessaetd’OdessaauretourenFrancediffèrent
en fonction des prisonniers, les témoignages s’accordent sur un point: le traitement à
Odessaoù ils expérimentent une sorte de nouvelle captivité. En effet, les Soviétiques ne
laissèrent pas une grande liberté aux prisonniers; cela aurait été comme un nouvel
internement107,avecune interdictiondesortie108,maisavecdesconditionsdevie toutde
même bonnes, semblables à la captivité, comme par exemple l’accès à la messe109et le
contact avec un curé110. Selon certains chiffres transmis par les aspirants qui témoignent,
104GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.181105GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181106JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.182107GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180108JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181109PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN110GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.180
190
une quantité plutôt importante d’aspirants ont connu un rapatriement parOdessa et ont
d’ailleurs été rapatriés plus tôt que la plupart des autres aspirants111: Louis Persin a
embarquéle2avril1945112,NicolasGeliotestpartimi-avriletestarrivé le21avril1945à
Marseille113et enfin, Jean Janodydit avoir enfinpupartird’Italie le4avril 1945114, cequi
veutdirequeleconvoimêmeavaitdûpartirfinfévrierouàlami-mars,puisqu’ilestrestéun
certaintempsenItalie.Onpeutdoncobserverquecesontdesrapatriementsplutôtavancés
pourcesprisonniersetilsconnaissentunesituationadaptéeàl’époqueetauxmoyensmisà
disposition.Selon les informationsque l’onaàproposduretourdesautresprisonniersde
guerre,onpeutsupposerqu’OdessaaétélepointderapatriementdesSoviétiques pendant
unecertainepériode,etquecelanefutpluspossibleparlasuite,probablementàcausedes
développements de la guerre ou de problèmes par le sud. Ainsi, après avril, les
rapatriementssefontplutôtparlenord,etnotammentparMourmansk.
B–Unrapatriementtardif:unretourdeMourmansketKandalakcha
Après les rapatriements par Odessa, les Soviétiques utilisent Mourmansk comme
point de rapatriement. Cela concerne surtout le cas des prisonniers de guerrequi étaient
retenus captifs dans des camps plutôt à l’est et donc libérés par l’Armée Rouge, qui les
achemine versMourmansketKandalakcha.Ce lieude rapatriement concernenotamment
lesaspirantsprisonniersdeguerrerestésàStablackaprèsledépartdugroupedu25janvier
libéréplustardàLubeck.
Tout d’abord, un nombre important de prisonniers de guerre captifs en Prusse
Orientaleontétéacheminésdansuncampdetransit,Gumbinnen.Lavillesesitueaunord-
estdeStablack,àenviron200kmetaservidecampderassemblementparl’Arméerouge
pour lesprisonniersdeguerre115,avecenviron10000prisonniersdeguerreprésents116et
notammentceuxdescampsIAetIB.LedépartpourleNords’estfaitendeuxgroupes:«Le
premierd’uneffectifde11officierset1495hommesdont150civils,etlesecondgroupant2
111JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181-182112PERSINLouis,Questionnaireconcernantlacaptivité,X,72AJ/296,PapiersduComitéd’HistoiredelaSecondeGuerremondiale,AN113GELIOTNicolas,«ParOdessaetlaMerNoire»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.181114JANODYJean,«Parlecheminlepluslong»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.182115FOUINBernard,«ParMourmansket laMerBlanche»,LecampdesAspirantspendant laSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.182116MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632
191
officiers et 502 hommes, sont partis du centre de rassemblement de Gumbinnen,
respectivementauxdatesdu28et30marsetarrivésàKandalakchales5et7avril1945117.»
Lesdeuxconvoissemblentavoireuuntrajetsimilaire,marquénotammentparunmanque
deconfort118,avecunarrêtàLeningradpourdéposerdesprisonnierstropmaladespourle
transportetuns’arrêteàKandalakcha,alorsquel’autrecontinuejusqu’àMourmansk119.
Aprèscettearrivée,unenouvelleviedecamps’installe,dansdesconditionsplutôtbonnes.
Toutd’abord, ilsontreçuunnouveluniforme,auxcouleurssoviétiques120,puis ilspassent
par une visite médicale121et les Soviétiques les font soigner dans un hôpital où ils sont
emmenéssinécessaire,commec’est lecaspour l’aspirantFouinquiy resteunmoispour
faire soigner sa sciatique122. Le ravitaillement est également bon, avec une ration plutôt
importantedonnéeparl’ArméeRougeetl’étatsanitaireestsatisfaisant,bienqueleclimat
puissecauserquelquesproblèmes123,commecelafutlecasàStablack.Aucamp,lesactivités
se résument surtout à des séancesde cinémaet à quelques corvées, cequi permetdonc
d’observerquelesaspirants,pendantcetteattenteàMourmanskouKandalakcha,semblent
retrouverlaviedecaptivitéqu’ilsavaientàl’Aspilag.
L’attenteestassez longueavant leurrapatriement,puisqu’ilsarriventdébutavrilet
nepartentqu’audébutdumoisd’aoûtetcelaestenpartiedûàuneactiondesSoviétiques
qui semblent aller à l’encontrede la volontédes Français. Toutd’abord, l’existencede ce
campnesemblepasavoirétédévoiléauxautorités françaisesenchargedesprisonniersà
cettepériode124,cequisupposelepeudepréparationsdontontfaitpreuvelesSoviétiquesà
propos de ces rapatriements. Il est aussi possible d’avancer l’idée qu’ils n’ont pas été
informés, car les Soviétiques veulent retarder le départ des Français, sentiment qui a été
ressentiparcertainsdesaspirantsàMourmansk125.Celaamenamêmeàuneatmosphèrede
117MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632118FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183119MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632120FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183121MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632122FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.183123MOINEAU Bertrand, «Rapport sur la formation et l’organisation du camp de transit de Kandalakcha(URSS)»,Dateetlieuinconnu,AS,AN,72AJ/2632124MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632125FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184
192
tensionetdesuspicionaveclesRusses,quis’ajoutaitenplusàl’impatiencedesprisonniers
pour le retour en France. L’arrivée d’autorités françaises permet alors de faciliter le
rapatriementdesdeuxgroupesdeprisonniersfrançais:ilsréussissentàcalmerl’impatience
desprisonniersetàgérerlasituationaveclesSoviétiques,quisemblaientfaireensortede
ralentirledépart126,bienqu’aucunejustificationpourcecomportementnesoitdonnée.
Après une certaine période de temps, les deux groupes arrivent tout de même à
prendreunbateaupourlerapatriement,le18juilletsurle«JougWillem»pourunepartie
du groupe deMoineau127, dont lui-même et au début dumois d’août pour le groupe de
Fouin128. Les groupes font tous deux un arrêt enNorvège, dans la ville de Tromsø, où ils
restentdu23juilletau4aoûtpourlespremiersetdu4aoûtau28pourlesseconds,cequi
sembleavoir étéuneescaleagréablepour lesprisonniers129. Le restedu trajetne futpas
dénuéd’obstacles,puisqueMoineauexplique:«denombreusesavariesnousobligèrentà
troisescalesenNorvègeetuneenÉcosse130»etl’embarquementdeFouindutfaireuncourt
stationnement enmer au niveau de l’Écosse131. Les deux groupes de prisonniers arrivent
respectivement le 20 août à Dieppe et le 10 septembre au Havre, sous un accueil
chaleureux,quisembleavoirmarquécesdeuxprisonniers.
Ainsi, l’odyssée s’achèvepour les derniers prisonniers n’étant pas encore rentrées,
mettantainsifindéfinitivementàlacaptivitédesaspirantsprisonniersdeguerreduSTALAG
IAdeStablack.
126FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184127MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632128FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,p.184129MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632130MOINEAUBertrand,Télégrammeàl’ambassadeurdeFranceàMoscou,30avril1945,Kandalakcha,AS,AN,72AJ/2632131FOUINBernard,«ParMourmansketlaMerBlanche»,LecampdesAspirants…op.cit.,P.184
193
Les différents chemins du retour par l’Est des aspirants encore au stalag IA lors de la
libérationducampparlesSoviétiques
L’année1945marquedoncletempsdelalibérationpourlesprisonniersdeguerre,
mettantfinàcinqannéesdecaptivité,dansdesconditionssouventdifficileset laissant les
prisonniersgénéralementheureuxcarcelasignifieunretourchezeux.Maiscesentimenta
pusetransformervite,puisquel’attenteestl’élémentprincipaldecettelibération,cequia
pesé sur les nerfs d’un certain nombre de prisonniers. Les aspirants ont cependant fait
preuve, pendant cette période, d’organisation et de solidarité, comme ils l’ont démontré
pendanttouteleurcaptivité.LeretourenFranceestuntempsdejoie,commelesdifférents
témoignages lemontrent dès l’arrivéemarquant généralement la fin de la captivité et le
retour,enthéorie,àlavied’avant.
194
Cette libérationposetoutdemêmeunproblèmedupointdevuedes informations
transmises.Silacaptivitéaétéunepérioderéguléepardenombreuxéchanges,courrierset
rapports entre différentes autorités français et allemandes, la libération est une période
beaucoupplusdésordonnéeetbeaucoupmoinsdocumentée.Lescaspertinentpourl’étude
decesretourssontdestémoignagespersonnelsdeprisonniersetsicertainsontétéécrits
pendant lapériodevécue, laplupart sontpostérieursà laguerreet il estdoncdifficilede
vérifierl’authenticitédespropos.Deplus,cesrécitsnesontpastoujourstrèsnombreux,ce
qui empêche de véritablement obtenir une image sous différents angles d’une même
situation,commecelaapus’observerpourlesaspirantspendantlesdifférentespériodesde
libération.
Cerécitdelalibérationetduretourestdoncessentiellepourl’expériencequ’estla
captivitépourlesaspirants,puisquel’onapuobserverquecequ’ilsontpufairealorsqu’ils
étaientencaptivitéàl’Aspilag,telsques’organiserpourunemeilleuregestiondelapériode
d’attenteavantlalibérationouleretour.Ilsavaientdéjàréalisécelaalorsqu’ilsavaientété
envoyés au stalag IA et cela permet donc de montrer qu’ils sont une communauté
structurée,quelquesoitl’endroitoùilssetrouvent.
195
CONCLUSION
L’aspirantaétéunélémentproblématiquepour lesautoritésallemandesetpour la
missionScapinipendantune longuepériodeaudébutde lacaptivité; iladonné lieuàde
nombreuxéchangesentrelesdiversesautoritéspourtrouverunesolutionàleursituationet
répondreàlaquestiondeleurplacedanslahiérarchie,toutensatisfaisantetenrespectant
lesnécessitésdecesprisonniers.Enmars1941,lesaspirantssontenvoyésdansuncampmis
en place spécialement pour eux, le stalag IA, renommé Aspilag, ce qui conduit à une
captivitéunique, au regardde l’expérience communedesprisonniersde guerre, bienque
certainsaspectscontredissentcesentimentparticulier.
LesaspirantsontétéenvoyésàStablack,enPrusseOrientale,dansunezoneplutôtdifficile
vis-à-vis du climat et des conditions de vie, en représailles, pour le comportement
supposémentrévoltantdontilsauraientfaitpreuve.C’estleurstatutuniquequilesamène
danscestalagetquiapportedonclespremiersélémentsd’unespécificitédeleurcaptivité,
c’est-à-dire la localisation et la grandedistance jusqu’à la France, qui jouent un rôle dans
leur internementbienqueminime faceà l’élément leplus important: lesavantagesde la
conditiond’aspirant.
Si lesconditionsdeviedeStablackontpuposerunproblèmependantun tempspour les
aspirants, notamment à cause du régime de représailles imposé par le commandant
Hartmann, ces prisonniers de guerredéveloppent rapidement, par la suite, un régimequi
s’assimile en grande partie à un oflag, bien qu’il n’en soit pas un. Ainsi, ces aspirants
développent une activité au sein du camp pouvant être qualifiée d’omniprésente et
d’intense:duthéâtre,ducinéma,dusport,desétudes,dela lecture,delapolitique,dela
propagandeetde la religion. Tous les sujetsqui avaientpuêtreobservésunparundans
diverscampssontorganisésauseindel’Aspilagetlesaspirantsyparticipentenmasse.De
nombreuxétudiantss’inscriventàl’université,demultipleséquipessportives,théâtralesou
musicalesse formentetplusieursmembresdesaspirantsprennent la têtedumouvement
Pétain et de ses cercles d’études. Cette captivité est encore plus unique par l’expansion
qu’elleconnaîtà l’intérieurducamp,avec l’arrivéedeplusieursprisonniersdeguerrenon
aspirants pour l’université qui a été développée mais également hors de ses barbelés,
évènementplutôt rare,àcausede laméfiancedesAllemands.Ainsi,desprêtresaspirants
196
partentpourassurerlecultedansleskommandos,certainestroupesartistiquess’envonten
tournée en Prusse orientale et certains aspirants prennent des postes d’officiers-conseils
auprès des hommes de confiance des alentours. Ainsi, leur statut d’aspirants semble leur
donneruneplusgrandelibertéetunemeilleureautonomie,àl’intérieuretàl’extérieurde
camp.
Ce caractère unique peut tout demême être nuancé par certains éléments apparaissant
après une certaine période de captivité. Si les aspirants ont connu une activité très
développéeaudébutdeleurarrivéeàStablack,lafindel’année1942etledébutdel’année
1943 semblentmarquerun tournantdans cette situation, par l’essoufflement et la baisse
d’activités, voir la disparition, d’un certain nombre d’occupations ainsi que certains
changementsauseinducamp.LeMouvementPétaindelaRévolutionNationalesemblene
plusexisteràpartirdelafindel’année1942,l’activitéuniversitairediminuegrandementau
débutdel’année1943etdeplusenplusd’aspirantspartenttravaillerdansdeskommandos,
sans véritablement prendre d’emplois en accord avec leur statut. Bien qu’ils reçoivent un
traitementparticuliersansêtreprivilégiés,lesaspirants,commetouslesautresprisonniers
deguerre,expérimententlafatigue,l’ennuietlaclaustrophobiedel’enfermementdansles
camps et partent donc travailler, mettant fin à ces conditions particulières et montrant
égalementqu’ellesn’apportentpasquedespointspositifs.
Enfin,silesconditionsd’internemententantqu’aspirantonteuunimpactsurlacaptivitéde
cesprisonniers,c’estprincipalementleurstatutuniquequiestl’élémentessentielàprendre
en compte dans cette période et ce qu’elle a apporté. L’aspirant est un élève-officier, un
sous-officierquin’apasencore trouvésaplacedéfinitiveauseinde lahiérarchiemilitaire
françaiseetquisedifférenciedoncnettementdesautressoldats.Malvusparleshommes
de troupe, considérés comme inférieurs par les officiers, le début de leur captivité a été
douloureux, dû à cette absence de position vis-à-vis de ces autres militaires, mais c’est
égalementgrâceàsonstatutquelasituationprenduntournantpositif.Parl’envoidetous
lessoldatsdumêmegradeaumêmeendroit,lesautoritésfrançaisesetallemandesmettent
en place une communauté qui prend des proportions insoupçonnées. Dès le début de la
captivité,ilss’unissentcontrelerégimedereprésaillesetfontpreuvedesolidaritélorsdes
différentessanctions imposéespar lecolonelHartmann.Pendant lacaptivité, ilsmontrent
leurs volontés d’aide et de coopération, par le biais de leur caisse d’entraide, la Part du
camarade,aveclepartagedematériaux,costumesetautresobjetsenvoyésparlesfamilles
197
pour les activités culturelles et sportives. Ils mettent également en place des réseaux
d’évasions, pour aider les différents aspirants ainsi que d’autres prisonniers de guerre à
s’évaderavecmoinsderisquesquelorsquelestentativesétaientprévuesindividuellement.
Cette solidarité s’observe même une fois hors du camp, puisque pendant la libération,
malgrél’absencedel’Aspilagquilesréunissaitentreeux,ilscontinuentdeformerungroupe
soudé, qui s’organise et s’entraide, dans les rapatriements à l’est et à l’ouest. Enfin, le
véritableexempledel’importancedecestatutpourlesaspirantsestcequisepasseaprèsla
libération.Pourlesaspirantslibérésavantlafindelacaptivité,leretourenFrancen’apaseu
commeconséquenceunoubli totaldesongradeetdesescamarades.Commeonapu le
voir,lasolidaritédesaspirantscontinuemêmeaprèsleretour,quecelasoitparlacréation
d’uncomitépourenvoyerdesvivresoudesobjetspourlesaspirantsencoreencaptivitéou
parl’adhésionàdescomitésderésistanceetdeserviced’évasionspouraiderlesaspirants
qui tententégalementdemettre finà leurcaptivitéplus tôt.Lasolidaritéadonc toujours
été un élément principal du caractère des aspirants entre eux et avec certains autres
prisonniersdeguerreetonpeutl’observermêmeaprèslafindelaguerre.
Leretouràlavieciviledesaspirantsconduitàuneextensiondusecrétariatquiavait
été créé par les aspirants rapatriés et ainsi, le 10 novembre 1945 est créée l’Amicale du
campdesAspirants,quiconnaîtuneactivitétrèsintensependantplusd’undemi-siècle.Les
aspirantscréentunjournalbimensuelL’Aspi1,mentionnantàlafoislasituationdesaspirants
depuis la fin de la captivité, certains souvenirs de la période à l’Aspilag, ainsi que des
informationssur ledéroulementde l’amicale. Ilendécoule larédactiondedeuxouvrages,
unlivresurlacaptivité,reprenantlaplupartdestémoignagesrecueillisparL’Aspietunlivre
présentantdesphotosdecettecaptivité. Ilsmettentégalementenplacedescongrèstous
lescinqans,de1955à2000,oùseretrouventunemajoritédesaspirants,ainsiqueplusieurs
journées culturelles, sportives ou des cérémonies d’hommages. L’évènement majeur de
cetteAmicaleaétél’organisationd’unvoyageretouràStablackenjuin1994,50ansaprès,
pourunevingtained’aspirants,pourrevoir les lieuxoù,entre1941et1945,plusde2000
d’entreeuxontvéculeurcaptivité2.
1L’Aspi,N°1àN°326,1946-2002,72AJ/2628,AS,AN2X–AmicaledesAspirants,Stablack1995,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume2,Images,1995,p.91
199
ÉTATDESSOURCES
I–Archives
LesArchivesNationales
Les archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine renferment le plus d’informations
permettantd’étudier lacaptivitédesprisonniersdeguerre,etplusparticulièrement lecas
desaspirantsduSTALAGIAdeStablack.Lesdocumentsutilesàl’étudesedivisentenquatre
parties: les affaires militaires, le fonds captivité de guerre dans les papiers du Comité
d’histoiredelaSecondeGuerremondiale,lesdocumentsdesprisonniersdeguerredansles
archives des organismes issus de l’armistice de 1940 et enfin, le fonds de l’Amicale de
Stablack. Chacun apporte des informations différentes qui permet de rendre l’étude plus
complète.
Lefondsdesaffairesmilitaires(F/9)regroupelamajoritédesdocumentspermettantdevoir
lecampdeStablackauregardsdesautoritésquis’ensontoccupées,quecelasoitlamission
Scapini,leshommesdeconfianceoulesdifférentsservicesencharged’unepartieducamp.
Cela représente l’aspect officiel des affaires du camp. Le fonds de l’Amicale de Stablack
(72AJ/2623 à 2636) apporteplutôt des informationsplus personnelles, puisque l’on a des
documentsdatantdel’époquedelacaptivité,surledéroulementmêmedesactivités,ainsi
quedestémoignagesd’époquesurdifférentsévènementsquiontmarqués lecamp.Cette
partiepermetdoncd’enapprendreplus,nonpas sur le camp,mais sur sapopulation, les
aspirantsmajoritairement,contrairementau fondsmilitairequi, lui,estgénéralementplus
formel dans les informations apportées. Le fonds des papiers des organismes issus de
l’armistice de 1941 (AJ/41) est composé de certains documents sur lesmaladies dans les
camps, ainsi que des rapports sur les aspirants et leur statut. Enfin, le fonds Captivité de
guerredespapiersduComitéd’histoiredelaSecondeGuerremondiale(72AJ/296)permet
d’apprendre des informations d’une manière bien différente des autres. Il comprend les
réponses à un questionnaire assez complet sur la captivité, envoyé par le Comité aux
prisonniers de guerre, et cela permet d’en apprendre plus sur la captivité, de façon
individuelle. L’un des principaux problèmes de ce fonds est que ce sont des témoignages
postérieurs à la captivité et à la fin de guerre, et on peut donc douter de la véracité des
informations, comme notamment le ressenti du prisonnier, mais aussi ce qu’il a pu
200
apprendre après la fin de la guerre qui pourrait faire changer son jugement, ou encore
l’impossibilitédevérifiersitouslespropossontsincèresousicertainesinformationsnesont
pasinventésparmanquedesouvenirdequelquesmomentsdecaptivité.
A–FondsF/9Affairesmilitaires
Lefondsdesaffairesmilitairesdesarchivesnationalesregroupetouslesdocumentsofficiels
surlacaptivitédeguerre,notammentpendantlesdeuxguerresmondiales.PourlaSeconde,
les nombreux courriers envoyés par les différents services en charge de la captivité de
guerreontàpeuprès touspuêtre conservés, et ils sont triéspar serviceetparordrede
camps.LecampdeStablackregroupedenombreuxéchanges,notammentpour laMission
Scapini, et cela est encore plus spécial par le fait que la particularité de la population
d’aspirants à Stablack a augmenté le nombre de documents officiels à propos du camp,
permettantainsid’enapprendreplussurledéroulementmêmed’uncampdecaptivité.
1–Servicediplomatiquedesprisonniersdeguerre(SDPG)oumissionScapini,1940-1944
a) Cabinet
A° Bureau d’études: organisation correspondances, documentation, congés de captivité,
libérationdesprisonniers,traitementdesprisonniers:F/9/2272,2287,2310,2334
1°Organisation:F/9/2272
a) Principe
Création–Organisation–TravaildesAspirants
b) Transfert
2°Correspondance:F/9/2287
201
3°Documentation:F/9/2310
a) DossierdePrincipe
Liste des camps d’universités – Rapport sur l’organisation des camps – Communiqué aux
prisonniersdeguerre–Aidesauprisonniersdeguerre–Demandesdetransferts–Examens
–Lettresdel’ÉducationNationale–ServicedesSports
b) Mutationsd’étudiantsàStablack
Documentsgénéraux–Demandesparordrealphabétique
4°Traitementdesprisonniersdeguerre:F/9/2334
B°Servicedel’inspectiondescamps:F/9/2349
C°CorrespondancesetNotesdesHommesdeConfiance:F/9/2570
b) DélégationdeBerlin
A°Organisation,correspondances,documentation:F/9/2679
B°Inspectiondescamps:F/9/2709
2–Directionduservicedesprisonniersdeguerre(DSPG),1940-1944
A°1erBureau
- Renseignementssurlescampsd’Allemagne,1940-1941:F/9/2878
- VisitedescampsdeprisonniersdeguerreenAllemagne,1939-1940:F/9/2878
- Rapportsdevisitesdescamps:F/9/2880
B°Journauxdecamps:F/9/2893
a) Confins(JournaldesprisonniersdeguerrefrançaisetbelgesdukommandoE17)
- 1943:N°1février–N°2mars–N°3avril–N°4mai/juin–N°5juillet–N°6août–N°9
décembre
- 1944:N°1janvier/février–N°2mars/avril–N°3mai/juin/juillet
202
b) Entrenous(JournaldesprisonniersdeguerrefrançaisetbelgesdukommandoE14)
- N°5
c) Flambeau(JournalmensuelduKommando8)
- 1942:N°1Octobre
- 1943:janvier–novembre–décembre
d) FranceVivante(MouvementPétain)
- 15janvier1942
e) SEPT(Bulletinmensueld’informationsdesprisonniersdeguerrebelgesetfrançaisdu
kommandoE7)
- 1942: N°1 15 juin – N°2 1er juillet – N°3 et 4 15 juillet/1er août – N°7 et 8 15
septembre/1eroctobre–N°9et1015et30octobre–N°1115novembre–Numéro
SpécialNoël
- 1943:Numéro Spécial Pâques –N°201er juin –N°2115 juin –Numéro Spécial 15
juillet–N°2215août–N°2315septembre–N°2415octobre–N°2515novembre–
NuméroSpécialNoël
- 1944:N°2715février–N°28mars/avril–N°29mai/juin
f) LaFrancisque(L’hebdomadairedesaspirants)
- 1941:N°1Samedi13décembre–N°2Jeudi25décembre
- 1942:N°3Samedi17janvier–N°4Samedi31janvier
g) LeChi-cos(JournalduKommandoE44)
- 1943:N°2février43–N°3mars43
h) LePetitGerdauennois(JournaldesprisonniersdeguerredukommandoE10)
- 1943:N°3octobre–N°4novembre–N°5décembre43
- 1944:N°6janvier–N°8et9mars/avril–N°10mai44N°11juin44–N°12juillet44
203
i) MouvementPétain–Bouteillon5(Bulletinmensueldesprisonniersdeguerrefrançais
etbelgesdela5èmecompagnie)
- 1942:1ermars–15mars–1eravril–1ermai–15mai–1erjuin–15juin–1erjuillet–
15juillet–1eraoût–15août–1erseptembre–15septembre–1eroctobre–Noël
- 1943:1erjanvier–15janvier–15février–15mars–Pâques–15juin–15juillet–
15août–15septembre–15octobre–15novembre–Noël
- 1944:Janvier–Avril–Mai-Juin
j) Nous(JournaldukommandoE9)
- Editorial
- N°125octobre42
- N°3août/septembre43
k) Présent(MouvementPétain)
- 1943:N°515février
- 1944:N°15février–N°17avril–N°18mai–N°19juin
l) Servir(Journalmensueldela4èmecompagnie)
- 1942:N°1octobre–N°2novembre–NuméroSpécialNoël
- 1943:N°4janvier–N°5février
m) Tenir(BulletindukommandoE34)
Numéros1–2–3–4–5–6–7–8–9–10–11
n) Autresnuméros
- Listesdesjournauxdecamp
- Bulletindel’hommedeconfianceprincipal
- Notedel’hommedeconfianceE11
- Circulairedel’hommedeconfianceE20
C°Renseignementssurlescampsdeprisonniers:F/9/2912
- Comptesrendus1942
204
- Comptesrendus1943
- Comptesrendus1944
- Rapports
D°3èmeBureau:F/9/2919
3–Commissariatsauxprisonniers,déportésetréfugiésduComitéfrançaisdelaLibération
Nationale(CFLN),1943-1944
- Organisation, correspondances, documentation, service des contrôle techniques:
F/9/3114
4–MinistèredesPrisonniers,DéportésetRéfugiés,1944-1946
- MissionàLondres,serviced’actionetdepropagande(SAP):F/9/3277
- MissionfrançaisederapatriementenAllemagne(MFRA):F/9/3315
5–Archivesdescampsdeprisonniersdeguerre,classésparoflagetstalag,1940-1945
ArchivesdustalagIA:F/9/3437,3438,3439et3440
1°Hommesdeconfiance:F/9/3436
- Correspondance
- RapportKommando
2°Kommandantur:F/9/3437
3°Délégationofficiellefrançaisedeslandesbauernschaffen:F/9/3438
Intellectuelles–Juridiques–Lestalag–Organisation–Organisationdeladivisiondefrançais
–Rapportsavecl’Allemagne
4°Questionsmatérielles:F/9/3439
Fiches – Intellectuelles – Le stalag – Logements – Matériaux – Moraux – Nourriture &
Hygiène–Organisation–Tabac–Travail–Vêtements
205
5°Divers:F/9/3440
Aide&Protection–Moraux–Physique-Travail
B–FondsAJ/41desorganismesissusdel’armisticede1940
A°Aspirants:AJ/41/454
B°Malades:AJ/41/455
C – Fonds 72AJ de la Captivité de guerre par le Comité d’histoire de la SecondeGuerre
mondiale
TémoignagesetréponsesauquestionnaireduComitéd’histoire:72AJ/296
AMANS–BANOUN–BARON–BEAL–BEAUDELOT–BOULANGER–BULTEZ–COULAUD–
DEVIGNE–DOIZELET–DOLOY-DRECOURT–DUPRIEZ–FICHET–FILHO–GELIS–GRANSARD
– GRISVARD – HAEHL – JANIN – LABEDA – LAMAT – LAMBERT – MASSE – MASSETTE –
MICHAUX–MOLITOR–MORISSET–PERSIN–POTIEZ–SOULIER–SPY–TOURNAY
D–Fonds72AJdel’AmicaleducampdesaspirantsdustalagIA
Lefondsdel’AmicaleducampdesaspirantssurSTALAGIAapporteuncontrasteintéressant
parrapportauxdocumentsquel’onretrouvedanslefondsdesaffairesmilitaires.Cefonds
del’Amicaleapportedesinformations,soitcomplémentaires(commed’autresjournauxde
camp),soitnouvellessurlavieducamp,ledéroulementetd’autresélémentsqui,bienque
nonofficiellesetdoncnonprésentesdanslesaffairesmilitaires,sontutilespourl’étudedu
camp des aspirants. Ainsi, bien qu’il est nécessaire de trier les informations que l’on
retrouve,notammentparcequ’uncertainnombrecomprenddesdocumentsdatantd’après
lacaptivitéetnesontpasenrelationaveclecampmême(c’est-à-diretoutcequiaunlien
avecl’activitémêmedel’Amicaleentre1946et2002),letravailsérieuxqu’afournil’Amicale
et les souvenirs gardés par d’anciens aspirants sont essentiels pour créer l’histoire de ces
aspirants.
1–SecrétariatdesAspirantsduStalagIA
1°Documentationsurlesprisonniersdeguerre:72AJ/2623
206
2°Secrétariat1942–1945:72AJ/2623
- Rapports,documents,correspondanceremisen2003
- Rapports,correspondances,divers
- Rapportssurlecampmars1942–novembre1944
- Statuts,création
2–AmicaledesAspirants:secrétariat
1°Bulletinsd’adhésionàl’Amicale:72AJ/2624à2626
2°Annuairesdel’Amicales:72AJ/2627
- Année1946
- Année1951
- Année1980
- Année1998
3–Activitésdel’Amicale
1°JournalL’Aspi:72AJ/2628,2629
- 1946:janvier–avril–juin–septembre–novembre–décembre
- 1947:février–avril–juillet–septembre–décembre
- 1948:avril–juillet–octobre
- 1949:janvier–mars–juin–septembre
- 1950:février–avril–juin–août–octobre–décembre
- 1951à2002:janvier–mars–mai–juillet–novembre
2°Congrès,cérémoniescommémoratives,manifestationsdiverses:72AJ/2630
- Congrèsdel’Amicale
- Journéedulivreetdel’ArtdesAspis1989
- Rapatriementdescorpsetlistedescorpsrapatriés1970
- Soiréesdegala,rencontresdiverses:
- VoyageàStablackdejuin1994
3°Photographiesdel’Amicale:72AJ/2631
207
4–Dossiersurlacaptivité
1°LecampdesaspirantsauStalagIA:généralités:72AJ/2632
- Cartes
- DessinsGustaveLeclaire
- Étudedel’AspirantSilbert
- Fiches
- RussesauStalag
2°LaviequotidienneaucampdesAspirants:72AJ/2633
a) InfosPresse
- Brochurepourcomprendrelesprisonniersdeguerre,JosephFolliet
- JournalParlé
- Lasemaineaucamp
- PetitJournalIllustré
b) MouvementPétain–GénéralDidelet
- Correspondances,témoignagessurDidelet,1984-1993
- Épuration,listedesprisonniersdeguerresuspectésetcorrespondancesde1997
- Étudesurlecampetla«RévolutionNationale»,DiscoursprononcéparDideletle14
août1941
- Expositiondela«RévolutionNationale»de1942
- VisitedeScapini
c) Panneaud’uneexposition(incomplet)
d) Presse
- FranceVivante
- LeTraitd’Union
- Présent
208
e) Travail
- Comitéd’entraidedestravailleursfrançaisàKönigsberg
- Travailleursfrançaisdécédésdepuisle20janvier1945
- Correspondanced’AndréTartarin,ancienaspirant,1945-1946
f) Université
- Cours,certificats,notes(documentsoriginaux)
- Généralités,corpsprofessionnel
g) Vieculturelleetsportive
- Menusdefêtes
- Spectacles
- SportetformationuniversitaireenEPSàStablack1941-1945,CNSHS1994
3°LaLibération:72AJ/2634
- AspirantsmortspourlaFranceen1945
- BiographiedupasteurWalterWensh,Sonderführerauprèsdesaspirantsévacuésdu
stalagIIICaustalagIIIA
- JournaldemarcheduBataillonLartigue1945-1953
- Récits et témoignages d’anciens aspirants: Le camp de transit de Kandalakcha –
Derniers joursd’exilsdu21/01/45au28/08/45–Extraitd’unrécitsur laLibération
deLuckenwalde–LesiègedeKönigsbergen1945–Lesderniersmoisdelaguerreen
PrusseOrientalePoméranie
- Documentsdivers
4°Documentsprovenantd’autrescampsdeprisonniers:72AJ/2635
- OflagIIB:Listealphabétiquedesprisonniersdeguerreen1940
- OflagIVD:Renseignementsfournisparunofficierancienprisonnierdeguerre1940
- OflagXVIIA:Brochurefilmsetdessinslatrines
- Stalag369
- StalagXVIIA:Dessins
209
5°PhotographiesducampdesAspirantsetdelaLibération:72AJ/2636
Cinéma – Concerts – Exposition – Le camp –Opérettes – Photos de groupe – Remise de
légiond’honneuràDideletle5décembre1941–Spectacles–SpectaclesDivers–Sport–Vie
aucamp/Libération/Retour–Viereligieuse
II–SourcesImprimées
I–Lesprisonniersdeguerre
A–Recueilderécits
CATHERINEJean-Claude,Troisartistesaustalag:PierreLaville,FélixLeSaint,PierrePéron:
autraversdesbarbelés:lacaptivitédesprisonniersdeguerre,1939-1945,Lorient,Direction
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CRÉMIEUX-BRILHAC Jean-Louis, Prisonniers de la liberté: l’odyssée des 218 évadés par
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DUHARD Jean-Pierre,Écritsdeguerreetde captivité1939-1945, Tome1, Laguerre, Paris,
l’Harmattan,2015,551pages
DUHARD Jean-Pierre, Écrits de guerre et de captivité 1939-1945, Tome 2, Les prisonniers,
Paris,l’Harmattan,2015,591pages
FRAISSE Paul, Écrits de captivité, 1940-1943, Paris, Éditions de lamaison des sciences de
l’homme,1991,175pages
GAILLARD Lucien, Histoire de la guerre 1939-1945: La captivité, Coopérative de
l’enseignementlaïc,1958,24pages
210
B–Témoignages
1. ParlesAmicales
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dessinsdesanciensprisonniersdeguerre,Paris,ÉditionsdesAmicaledesstalags,1995,123
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SIMON Jean,La captivitéenPoméraniedans lesoflags IID-IIB: 1940-1945, Paris,Amicales
desoflagsIIB-IID-XXIB,2000,101pages
2. Parlesprisonniersdeguerre
ALTHUSSER Louis, Journal de Captivité: Stalag XA, 1940-1945, carnets, correspondances,
textes,Paris,Stock,1992,355pages
ARNAUDClaude,Guerreetcaptivité:10mai1940-15avril1945,souvenirsvécusetinédits,
Saint-Flaive-Des-Loups,C.Arnaud,1977,350pages
BRUSTIERJean-Joseph,MesannéesdecaptivitédansleReichhitlérien,Paris,lesÉditionsLa
Bruyère,1997,394pages
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CHASSAIGNONAndré,RetourverslaFrance,récitsdelacaptivité,Paris,Éditionslittéraireset
artistiques,1944,158pages
DAUDEYMichel,Souvenirsdeguerreetdecaptivité,Besançon,Caracter’s,1996,254pages
DIDIERJean-Charles,Ilnousfauttenir!:Souvenirsdeguerreetdecaptivité,Lille,JCDidier,
1982,118pages
DUVERNEMaurice,Mémoire de guerre: 1940-1945, Mercurey, Veuve Duverne, 1996, 41
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211
GLADIN Emma et Robert, Lettres de captivité: correspondance 1939-1945, Paris, L’Ours
Blanc,2007,155pages
PLÉRené,Matricule467:prisonnierdeguerreenAllemagne,Brest,ÉditionsleTélégramme,
2003,310pages
PRIEUR Félix,Matricule 68.881VIIA:mémorial de guerre et de captivité,Montréal, Fides,
1948,418pages
SAGNESJoseph,Souvenirsdecaptivité1940-1945,SI,1989,116pages
TRONCY Jean, Mémoires de guerre et de captivité, 1939-1945, La Chapelle-sous-Dun, J
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mondiale1939-1945,Paris,Volume1,1991,216pages
AMICALE DU CAMP DES ASPIRANTS, Le camp des Aspirants pendant la Deuxième Guerre
mondiale1939-1945,Paris,Volume2Images,1995,91pages
BARBIERHenri,Tenterlabelle,2èmeéditiondactylographiée,1989,306pages
CLARENSONJean,Mémoiresdecaptivité,textedactylographié,SansDate,83pages
DEBOUZYRoger,Àmaréebasse:chroniquedutempsdesmiradors,Paris,R.Debresse,1949,
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DENQUIN François, ROMER Stefan,Du tango dans les barbelés, souvenirs, éditions Adrac,
SansDate,53pages
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DURIEZRené,Mesprisons,SansDate,32pages
DURINLucien,D’uneprisonl’autre,SansDate,402pages
DUPRIEZAndré-Jean,Libérationpar lesRusses, ou les tribulationsd’unaspirant isolédans
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FAGESLouis,Journaldemarched’unAspirantd’Infanterie,campagnedeFrance1939-1940,
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GELIOTNicolas,Mémoire d’un aspirant en voyage accompagné deNancy àMarseille par
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GOUAZELucien,Poèmesensous-sol,SansDate,44pages
GRANGEAndré,Routesdel’Est,Fontenay-aux-Roses,éditionsMatoGrosso,1970,94pages
LERMINIERGeorges,-35°,recueildetextesetpoèmes,15pages
MOIGNARDJohn-Edwin,L’anquarante,SansDate,31pages
MOIGNARD John-Edwin, THOMAS Raymond,Cent jours, quarante années, Gross-Hesepe –
histoired’uneamitié,153pages
PERSONHenri,AufReisen!!,1995,89pages
POUPLARDMaurice,Mémoiresd’Outre-Rhin,SansDate,120pages
ROUSSELJean,Demacaptivité1940-1945,quelquessouvenirs,1991,32pages
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TRUCHOTGeorges,Souvenirs,1997,70pages
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PANNÉ Jean-Louis. «Prisonniers de guerre français et polonais : fraternité, expériences,
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PATHÉAnne-Marie,THÉOFILAKISFabien,POTINYann,Archivesd’unecaptivité,1939-1945:
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THÉOFILAKIS Fabien, «La sexualité du prisonnier de guerre. Allemands et Français en
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pages
219
VÉDRINE Jean,Dossier les prisonniers de guerre, Vichy et la Résistance, 1940-1945, Paris,
Fayard,2013,931pages
5) Leretourdesprisonniersdeguerre
CABANES Bruno, PIKETTY Guillaume, Retour à l’intime: au sortir de la guerre, Paris,
Tallandier,2009,315pages
COCHET François, Les exclus de la victoire. Histoire des prisonniers de guerre, déportés et
S.T.O.(1945-1985),Paris,1992,S.P.M.,272pages
LEWINChristophe,Leretourdesprisonniersdeguerrefrançais:naissanceetdéveloppement
delaFNPG,Paris,PublicationsdelaSorbonne,1986,335pages
220
DÉFINITIONS
ASPILAG:
Aspirentenlageroucampdesaspirants.Désignationcourantedelasectiondustalag
IAdeStablackregroupantlesaspirants.
ASPIRANT:
Danssontermemême,l’aspirantestunmilitairequiaspireàentrerdanslecorpsdes
officiers. Ilexistedepuis leXVIIIèmesiècle,devientofficielen1910pourdésigner lesélèves
officiersquiontaccompliunandeformationetcertainesdispositionsdustatutdesofficiers
luisontattribuées.C’est legrades leplusélevédesdesous-officierset ilestdonnéàtitre
transitoireàdesjeunesgensqueleurséducationsetleursinstructionsantérieuresdestinent
àbrefdélaiàdevenirofficieraveclegradedesous-lieutenant.
PendantlaguerreetaustalagIA,ilexistedeuxtypesd’aspirants:d’activeouderéserve.Les
aspirants d’active gardent toujours leurs statuts d’aspirants lorsqu’ils se réengagent, et
jusqu’à ce qu’ils atteignent le niveau supérieur, alors que les aspirants de réserve restent
aspirants jusqu’à leur démobilisation et pour son réengagement, il repasse au grade de
sergentoud’adjudant-chefenfonctiondeleurssituationsderéserviste.
CHANTIERSDEJEUNESSE:
Créé en juillet 1940, cela s’intègre à la création de multiples mouvements de
jeunesses mis en place dans le cadre de la Révolution Nationale. C’est un service civil
obligatoire,destinéàdes jeuneshommesd’unevingtained’annéesetd’uneduréedehuit
mois,ayantcommeobjectifdedévelopperleuréducationmoraleparlavieencommun,le
brassagesocial,ledéveloppementphysiqueetdestravauxd’intérêtgénéral.L’enjeuestàla
fois politique, idéologique et économique puisque ces jeunes hommes sont l’avenir de la
nouvelleFranceetilsdoiventdoncêtreforméspourcefutur.
221
FRONTSTALAG:
Ce sont des camps créés principalement dans la zone occupée française pour les
soldatsde troupes français coloniaux,parpeur, pour lesAllemands,de ceque les soldats
«indigènes»pourraientameneraveceuxcommemaladieouautres.
HOMMEDECONFIANCE:
L’hommedeconfianceestàlatêtedel’administrationducamp,etdoncdustalag.Il
est en relation avec le commandant allemand du camp, et sert d’intermédiaire entre les
prisonniers de guerre et leurs gardiens. À partir de 1941, ils sont élus par les chefs de
baraquede camp,mais devaient toujours être vérifiés par les autorités allemandes. Il est
également à la tête de l’administration des Kommandos dépendant du stalag, qui ont
chacununhommedeconfiancefaisantlesrapportsàl’hommedeconfianceprincipal.Dans
laplupartdesstalags,lerôledel’hommedeconfianceétaitconfiésàdesaspirants,jusqu’à
leurstransfertsàStablack.
KOMMANDO:
Arbeitskommandosoudétachementdetravail,ilconstitueungroupedeprisonniers
de guerre dépendant d’un camp de prisonniers et détaché pour exécuter un travail
déterminéàl’extérieurducamp.Celapouvaitêtreparexempleletravaildansdesfermes,
desusinesoudes réseaux ferrés. Le kommandoest l’endroitoù laplus grandepartiedes
prisonniers de guerre ont vécu leur captivité. Ce sont surtout les agriculteurs qui y sont
envoyés, mais beaucoup d’autres prisonniers ont choisis cette position. En effet, le
kommando représentait en grande partie un soulagement moral, permettant ainsi de se
sortirdesbarbelésducamp.Cependant,lesconditionsdetravailetmêmedevie,pouvaient
se dégrader, le travail devenant très dur, à cause de la mentalité même des allemands
employeurs.
MOUVEMENTPÉTAIN:
Mouvementciviqueetpolitiquedepropagandemisenplaceauseindescampsde
prisonniersdeguerreayantpourbutderépandrel’idéologiedelaRévolutionNationale,du
maréchalPétainetdurégimedeVichyparlebiaisdeconférencesetdegroupesd’études.
222
OFFICIER:
L’officier supérieur, qui peut être commandant, lieutenant-colonel et colonel, est
celuiquiestàlatêted’unetroupe,d’unserviceoud’unesituationmilitaire.Ilestlà,àlafois,
pour être chef, instructeur et éducateur.De part leur gradeplus élevé, ils possèdent une
distinction,quileurdonnentuntraitementspécialdanslecasdemiseencaptivité,àsavoir
queselonlaConventiondeGenèveetsesarticles21et23,lesofficiersdoiventêtretraités
avec«l’égardquiestdûàleursgrades»,etilsdoiventrecevoir«delaPuissancedétentrice,
la même solde que les officiers de grade correspondant dans les armées de cette
Puissance.»
OFLAG:
Offizierlager oucamppourofficier. Ils abritent lesofficiers captifsetgénéralement
touspuisque cesderniers, contrairement aux sous-officiers et soldatsde troupes, ne sont
pasexhortésàtravaillerselonlesconventionsmisesenplace.
PRISONNIERDEGUERRE:
Soldatmisencaptivitédanslecasd’uneguerre,alorsquelescombatssonttoujours
actifs.Lestatutdesprisonniersdeguerreabeaucoupchangédepuissacréation.Pendantla
SecondeGuerremondiale,ilestprotégéparlaConventiondeGenèvede1929.Ilconserve
sapersonnalitécivileetsonidentité.Ildoitêtretraitéavechumanitéetprotégécontreles
actes de violence. S’il est valide, il devra travailler pour la puissance ennemie,mais il est
toutefoisinterditdefairedestravauxdangereuxouquipeuventaiderlecoursdelaguerre
pour l’ennemi. Ils doivent être libérés directement après la fin des hostilités, àmoins de
circonstancescontraires.Ceprisonnierdeguerreestgénéralementunmembredes forces
armées,oudoitaumoinsfairepartied’unehiérarchieétabliequisebatdansleconflit.
RÉFORME:
La Réforme a pour but de rapatrier les malades et les blessés, après un contrôle
médicalparlesmédecinsdesservicesdesantéducamp,selonlesarticles68etsuivantsde
laConventiondeGenèvesurlerapatriementdirectetl’hospitalisationenpaysneutre.
223
RELÈVE:
Processuscréepourremplacerlesprisonniersdeguerrepardestravailleursfrançais.
Leprincipeestderéunirunemaind’œuvre,lenombreétantdécidéenfonctiondesintérêts
allemands,payépar l’industrielemployeurou legouvernementallemandmaisà lacharge
dugouvernementfrançais.Encontrepartie,certainsprisonniersdeguerreontledroitàun
congé de captivité, le nombre étant décidé en accord entre les deux gouvernements et
surtoutparrapportàlamaind’œuvredonnée.CelaestlapremièreRelèvemiseenplacepar
SCAPINI et Vichy en 1940. Le processus est remis en place et changé avec une mise en
œuvreen1942parLAVAL.Lerecrutementaudébutsefaitparvolontariat,maislesrésultats
sontdécevantsetc’estfinalementavecl’instigationduSTOquelestravailleurssontchoisis.
Ainsi,en1943,250000travailleurssontenvoyésenAllemagne, leSTOremplaçantalors la
Relève.Pour lesprisonniersdeguerre, lerecrutementest faitselondes listesétablies.Les
critères de libération sont comme toujours un moyen de servir les intérêts allemands,
puisquelalibérationconcernedes«collaborationnistes»pourlapropagandenotamment.
LaRelèveapermis la libérationd’environ90000prisonniersmais aaussi créé, autreque
l’espoir, lasuspicionchezlesprisonniers,parrapportauxcomportementsdecertainspour
essayerd’assurerleurdépart.
RÉVOLUTIONNATIONALE:
Projet de redressement national du régime de Vichy dont l’objectif est de
reconstruirelasociétéetl’étatparunretourauxtraditionsfrançaisesetauxtroispiliersde
la France: la famille, le travail et la patrie. Le but est d’instaurer un «État national,
autoritaire, hiérarchique et social» quimet l’accent sur la personnalité du chef de l’État,
condamneladémocratieparlementaire, lecapitalismeetlebolchévismeetrejettelesjuifs
horsdelacommunauténationale.
L’objectif ultime de cette révolution est de permettre la renaissance de la France en
s’appuyantnotammentsurlesjeunesgénérations,aveclamiseenplacedemouvementsde
jeunessedont l’objectifétaitde façonnerunhommenouveaupourpermettreunmeilleur
futurnational.
224
SERVICEDETRAVAILOBLIGATOIRE(STO):
L’idéeduSTOestenclenchéeparune loidu4 septembre1942quiautorisait l’État
françaisà réquisitionnerdeshommesâgéesde18à50ansetdes femmescélibataireset
sansenfants,âgéesde21à35anspour«effectuertous lestravauxque legouvernement
jugerautilesdans l’intérêt supérieurde lanation.»C’estaprèsplusieursnégociationsque
LAVALinstaureleSTOle16février1943quiobligeleshommesnésentrele1erjanvier1920
etle31décembre1922àparticiperetàsoutenirparsontravail,l’effortdeguerrenazi.
Ilétaitdifficiled’enéchapper,uncommissariatayantétémisenplacepourveilleràceque
laloisoitappliquéeetchaquehommede18à50ansdevaitfourniruncertificatdetravail.
Aprèsunexamenmédical, le travailleur recevait uneaffectation, et ledépart vers celle-ci
étaitsurveillépardesgroupesmobilesderéserve(GMR)etdessoldatsallemands.Unefois
là-bas,lesemployeurschoisissaientlerequisqu’ilsvoulaient,etlestravailleursétaientalors
soumisàdesconditionsrudesdetravailcompenséparunmaigrepécule.Celaaétéundes
éléments de création de Résistants, qui préféraient s’engager dans la clandestinité plutôt
qued’allersubirletravail.Cettemesureagrémentaitégalementl’impopularitédeLAVALet
del’ÉtatdeVichy.
STALAG:
Mannschaftstammlager ou plus simplement stammlager est un «camp de base»
pourleshommesdetroupe,ilsnepossèdentqu’unpetitnombred’hommesdetroupesdans
leurs enceintesmais administrent l’ensemble des simples soldats et des sous-officiers, en
comptantainsi lesprisonniersdisséminésdans lesKommandos.Cescamps,avec lesoflags
également,sontrépartisdanstoutleReichenfonctiondesWehrkreisetquisereconnaîtà
unnombre,etunelettres’ilyenaplusieursdanslamêmerégionmilitaire.
Ilexistecependantdescasspéciauxdestalagsayantdesbutsparticuliers.Ainsi,onretrouve,
parexemple, lestalag IAdeStablack,conçuspécialementpour lesaspirants français,mais
aussi le stalag 325, situé près de Rawa-Ruska, qui est un camp de représailles, où sont
envoyéslesprisonniersdeguerreconsidérantcommerécalcitrants(tropd’évasions,mesure
disciplinaires,etc.)parleshautesautoritésallemandes.
225
TRANSFORMATION:
Mise en place en 1943, pour résoudre lemême problème que la Relève, c’est un
moyenlancéparLavalpourempêcherl’envoideplusdejeunestravailleursfrançaisetainsi,
l’idéeestdetransformeren«travailleurs libres»desprisonniersdeguerre. Ilssontplacés
dans les endroits où ils travaillaient déjà, mais ont un statut similaire à celui des autres
travailleurs de la Relève et du STO. La différence est qu’ils abandonnent leur statut de
soldat, mettent des vêtements de civils, touchent un salaire similaire à celui d’ouvriers
allemandsavecunelibertédecirculer.Ilsnesontplusconsidéréscommesoldatcequifait
pesercertainscasdeconscience,puisqu’ilsnesontplusensituationdesoldattombésous
lesmainsd’unbelligérantquiresteunennemi.Leprincipemêmen’apastoujoursétésimple
nonplus, parcequ’il y aquandmêmeeudespressionspourobliger la transformationde
certains.
WEHRKREIS:
Sous la République de Weimar puis sous le Troisième Reich, cela représente une
régionmilitaire. Les premières divisons de territoires datent de l’Empire allemand, et au
débutde laguerre, ilexistequinzerégionsetavec laconquêtede laPologne, leReichest
subdiviséen19régionsàlafindel’année1942.
226
CHRONOLOGIE
Année1941
- Finmars:ArrivéedesaspirantsàStablack
- Mai:Dernierstransfertsd’aspirants(depuisl’oflagXIIIA)
Premièresévasionsdesprisonniersdeguerre
Naissancedel’organisationsportiveducampdesaspirants
- 17juillet:ArrivéeduGénéralDideletdepuisl’oflagoùilétaitprisonnier
FindelapremièrepériodedecaptivitédesAspirants
- 29juillet:VisitedeScapiniaucamp
- Août:DébutdumouvementdelaRévolutionNationale
Arrivéed’officiersenvoyéscommeprofesseurspourl’université
MazetestnomméRecteur
- 20octobre:Débutdestravauxdeconstructiondelachapelle(achevéeàNoël)
- 19-20décembre:VisitedeScapinipouruneremisedemédailleaugénéralDidelet
Année1942
- Janvier-Février:Envoidesous-officiersethommesdetroupescommeprofesseurset
élèvesàl’Aspilag
- 12 février: Départ des premiers aspirants volontaires pour le travail dans les
kommandos
- 5juin:Ouverturedel’expositiondelaRévolutionNationale
- Juillet: L’administration allemande du camp change; le colonel Hartmann, un
prussien à la discipline brutale est remplacé par le colonel Von Pirsch, autrichien
luthérien,moinsdifficile
- 28juillet:LesAllemandsconsententàenvoyerlesaumôniersdansleskommandos;
environ80prêtrespartent
- Été:Envoide«volontaires»pourlamoisson
Évasionsdeviennentdeplusenpluscourantes
- Août:LesorganisateursdelaRévolutionNationalesontenpartislibérés
- 14août:Premierconvoidela«Relève»pourlesaspirants
227
- 22septembre:Transfertdel’expositiondelaRévolutionNationaleàKönigsberg
- Novembre: Inauguration d’une liaison entre l’université des aspirants et celle de
Königsberg
- Noël:Visitedel’aumôniergénéraldesprisonniersdeguerre,l’abbéRhodain
Année1943
- Janvier-Février:PremierscontactsaveclesRusses
Resserrementducontrôledeslibérationsparleshommesdeconfiance
- 24juin:Arrivéedenouveauxaspirantsdepuisl’OflagXVIIA
- Été:Envoideprisonniersdeguerrepour lamoisson(700); listederéfractairesqui
refusentcatégoriquement(300)
Miseencontactd’unancienaspirantlibéré,MichelMenu,avecLondresetleBCRA;
devientchefdu«servicedesévasions»àLyon
- Septembre:Apparitiond’uneradioàl’intérieurducamp
- 11septembre:Arrivéed’environ2000italiens
- Hiver:Constructionducinémaducamp(environ250places)
Tournéedelatroupedethéâtre
Année1944
- Finaoût:Évacuationd’ungrouped’aspirantsauStalagIIIC
- 10octobre:Envoidugrouped’aspirantsauStalagIIIB
Année1945
- 25janvier-1eravril:Exodedes«Aptesàlamarche»jusqu’àElbeetLübeck
- 2février:Départdugrouped’aspirantspourlestalagIIIA
- 10février:LibérationdustalagIAparlesRusses
- 8mars:LesderniersaspirantsquittentlestalagIA
- 22avril:LibérationdustalagIIIAparlesRusses
- 2mai:LibérationdeLübeckparlesAnglais
- 10novembre:Créationdel’AmicaleducampdesAspirants
228
CARTES
RépartitiondescampsdeprisonniersdeguerreauseinduIIIèmeReich1
1X–AmicaledeStablack,LacartedescampsdeprisonniersenAllemagne,LecampdesAspirantspendantlaSecondeGuerremondiale,1939-1945,volume1,Paris,1991,p.11
229
Planschématiquedel’Aspilagétablien1942parunaspirant2
2 CHÉRION Henri, «Plan schématique de l’Aspilag», Le camp des Aspirants pendant la Seconde Guerremondiale,1939-1945,volume2,Paris,1995,p.15
230
231
TABLEDESMATIÈRES
ABRÉVIATIONS...................................................................................................................7
INTRODUCTION..................................................................................................................9
TITREI:Lesdébutsdelacaptivité....................................................................................19I–Unemiseenœuvredifficiledelacaptivitédesaspirants......................................................19
A–Unepremièrecaptivitédifficilepourlesaspirants................................................................20B–Campuniversitaireoucampdereprésailles?........................................................................22
II–Unepériodeinitialecontraignantemaissupportablepourlesaspirants..............................24A–Unedisciplinestricteetbrutale…..........................................................................................24B–…quinedémoralisepaslesaspirants....................................................................................26
III–Unchangementprogressifdufonctionnementdel’Aspilag................................................29A–UneaméliorationdelasituationparunduoCharrier/Didelet..............................................29B–Unetransformationdufonctionnementdel’Aspilag.............................................................31
TITREII:Laviequotidiennedesaspirants........................................................................35I–Desconditionsdeviedifficilesmaissupportables.................................................................36
A–Unrégimedecaptivitécommun............................................................................................36B–Unproblèmemajeur:leclimat..............................................................................................38C–Denombreuxdépartsducamp:leslibérationsorganisés....................................................40D–Unesolidaritéévidenteetmassive........................................................................................42
II–L’organisationd’uneviereligieuseintenseàl’intérieuretàl’extérieurducamp..................44A–Lareligionauseinducamp....................................................................................................44B–Unservicereligieuxenvoyéhorsducamp.............................................................................47
III–Lecontrôledel’étatsanitairechezlesaspirants.................................................................49A–LeservicedesantédustalagIA,développémaisinsuffisant.................................................49B–L’Aspilag:uncampenpartieprotégédesmaladies..............................................................51
IV–Lesaspirantsetlesprisonniersétrangers:desrelationsdiverses.......................................53A–Diversesnationalitésréuniesaucamp...................................................................................53B–Lesprisonniersrusses,uncasextrêmeetparticulier.............................................................54C–Lesprisonniersitaliens:entrehostilitéetanimosité..............................................................56
TITREIII:L’expérienceDideletetlaRévolutionNationale................................................59I–L’expérienceDidelet:unevéritabletransformationducamp...............................................59
A–Despremierschangementssignificatifs.................................................................................60B–LamiseenplaceduMouvementPétain................................................................................62
II–LeMouvementPétainetlaRévolutionNationale:uneréflexionpourlesaspirants............64A–Unmouvementquisedéveloppeintensément.....................................................................64B–UneimportanteparticipationpourlesAspirants...................................................................66
III–L’expositiondelaRévolutionNationale:unefiertépourlesaspirants...............................68A–Lespréparatifsdel’exposition...............................................................................................68B–L’expositiondelaRévolutionNationale.................................................................................70C–Unsuccèsetungrandretentissementpourlesaspirants.....................................................72
IV–LaRelève:unévènementdécisifdel’existenceduMouvementPétain..............................76A–Unespoirpourlesprisonniersdeguerre...............................................................................76B–Unerapidedésillusion............................................................................................................77
V–LafinduMouvementPétainetdelaRévolutionNationale.................................................79A–Denombreusesraisonsàl’originedel’essoufflementdumouvement.................................79
232
B–Unedisparitionpresquetotaledumouvement.....................................................................81
TITREIV:Lavieintellectuelledesaspirants.....................................................................85I–L’universitédesaspirants:unemiseenœuvrecompliquée..................................................86
A–Unlongdémarragedel’activité.............................................................................................86B–Unbesoinderecruteruneéquipeprofessorale.....................................................................88C–Unmanquedemoyensàdispositionpourlesétudiantsaspirants........................................90
II–Undéveloppementconséquentdel’université....................................................................92A–Uneparticipationenthousiasteetvariée...............................................................................93B–Uneuniversitéfournieetcomplète.......................................................................................94C–Uneextensionaudelàdesbarbelésducamp........................................................................97
III–Labaissed’activitéetledéclindel’université.....................................................................99A–Desconditionsdevietropdifficilespourl’université............................................................99B–Uneperteimportantedemembresdel’université..............................................................102
TITREV:Lesactivitésculturellesetsportivesdesaspirants............................................107I–L’Aspilagetsonintenseactivitéartistique..........................................................................108
A–Uneoccupationculturelletoujoursprésentedanslecampetchezlesprisonniers............108B–Undéveloppementconsidérableetremarquabledesarts..................................................111C–Unrayonnementetunsuccèsdecesactivitéschezlesprisonniersdeguerre....................114
II–L’activitéphysiqueetsportive,essentiellepourlesaspirants............................................119A–Denombreuxmoyensmisàdispositiondesprisonniers.....................................................119B–Unemanièredes’occuperpendantlacaptivité...................................................................121C–Lerattachementdusportauxétudesetàl’université.........................................................124
III–Lesactivitésartistiquesetculturelles,rattrapéesparlesréalitésdelacaptivité...............126A–Descomplicationscauséesparlesconditionsdevieducamp............................................126B–Desactivitésdépendantdel’immixtiondesAllemands.......................................................129
TITREVI:Lesaspirantsetletravail................................................................................133I–Uneoppositionfermedutravailparlesaspirants...............................................................134
A–Unsouvenirgénéralementdésagréabledescampsprécédents..........................................134B–L’Aspilag,unmoyend’affirmersapositiondanslahiérarchiemilitairefrançaise...............135
II–Lesmoissons,méthodescoercitivespourfairetravaillerlesaspirants...............................137A–Unconceptmensongerde“volontaires“.............................................................................137B–Unavismitigésurletravaildesmoissons............................................................................139
III–Unregarddifférentetpositifsurletravail........................................................................142A–Unattraitdeplusenplusimportantpourdesactivitéshorsducamp................................142B–Untraitementprivilégiéetdespostesàresponsabilitéspourlesaspirants........................145
TITREVII:Lesévasions...................................................................................................151I–L’évasion,uneactivitépratiquéeàdifférentesfréquencesetpardemultiplesmoyensparlesaspirants.................................................................................................................................152
A–Unopinionindécisesurlesévasions....................................................................................152B–Denombreusestechniquestrouvéespourpermettrelesévasions.....................................154
II–LesmoyensderépressiondesAllemandscontrelesévasions............................................156A–Menaces,brimadesetsuspicions.........................................................................................157B–Labaraque29,baraquedesévadés.....................................................................................160
III–Lamiseenœuvrederéseauxd’évasionparlesaspirants..................................................162A–Uneparticipationimportanted’aspirantsauxréseauxd’évasions......................................162B–Uneorganisationdegrandeenvergure................................................................................164
TITREVII:LalibérationdesaspirantsdustalagIA..........................................................169I–Lebataillond’aspirants:unpremiertempsdelibération...................................................169
A–Lecheminementdesaspirantsversl’Ouest.........................................................................169
233
B–Unelongueattenteavantlavéritablelibération.................................................................171C–L’arrivéedesSoviétiques:unelibérationofficielle..............................................................175D–L’organisationduretouretsaréalisation:lerapatriement................................................178
II–UnelibérationplustardivepourlerestedesaspirantsaustalagIAetalentours................181A–ÀStablack,enattentedelalibération.................................................................................181B–Les«aptesàlamarche»:unlongexodeavantlalibérationparlesAnglais......................182C–Lesprisonniersàl’Aspilag:unelibérationrussesuivied’unelongueattente.....................184
III–Uneétapelongueetcompliquée:lerapatriementdesaspirantsvenantdustalagIA.......188A–UnrapatriementparleSud:leretourd’Odessa.................................................................188B–Unrapatriementtardif:unretourdeMourmansketKandalakcha...................................190
CONCLUSION..................................................................................................................195
ÉTATDESSOURCES........................................................................................................199I–Archives..............................................................................................................................199II–SourcesImprimées............................................................................................................209
BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................214
DÉFINITIONS..................................................................................................................220
CHRONOLOGIE...............................................................................................................226
CARTES..........................................................................................................................228
TABLEDESMATIÈRES.....................................................................................................231
234