Capitalisme et media

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CAPITALISME ET MEDIA Daniel Dufourt Professeur de Sciences Economiques IEP Lyon Programme égalité des chances Séance du 26 mai 2010

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CAPITALISME ET MEDIA

Daniel Dufourt Professeur de Sciences Economiques IEP Lyon

Programme égalité des chances

Séance du 26 mai 2010

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INTRODUCTION

Les médias, outils essentiels de la stratégie des firmes et incubateurs privilégiés des mutations du capitalisme.

- Le capitalisme moderne n’est pas celui des entreprises familiales mais celui des sociétés par actions. Ces sociétés peuvent collecter des capitaux au lieu de s’endetter auprès des banques et financer leur croissance.

- Pour faire appel à l’épargne d’autres agents, il faut qu’existe une structure juridique (la société en commandite), un marché des capitaux (la bourse) et l’accès aux informations pertinentes (via la presse)

- en quelques années, selon une évolution assez forte entre 1832 à 1836, à Paris, et peut-être sensiblement dans la même période dans les pays étrangers, on assiste à la constitution de sociétés de presse faisant appel à l’épargne publique et dont le capital social vient donc à être détenu, assez vite en totalité, et échangé en bourse, par des souscripteurs très nombreux, atomisés et qui ne se connaissent pas.

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1) L’essor de la bourse inséparable du développement et du contrôle des groupes de presse

Pour la période de douze ans entre 1826 et 1838, sur 1 106 commandites enregistrées à Paris, 401 concernent des publications de presse et quelques affaires d’imprimerie-librairie et quelques théâtres.

Dans cet essor de la bourse des valeurs les premiers journaux économiques et financiers, apparus précisément entre1836 et 1837 jouent un rôle stratégique. Ils donnent une liste de cotations. 223 cotations en décembre 1836 dans L’Actionnaire dont, formant la première catégorie, 34 valeurs du secteur de la presse. De la même façon, dans La Bourse en août 1837, il y a 38 journaux et publications parmi les 260 valeurs.

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2) Les annonces publicitaires instrument de la fidélisation des actionnaires

La presse constitue un vecteur de diffusion majeur de la publicité financière, nouveauté indispensable pour le succès des souscriptions de parts sociales

Le choix de vouloir recourir aux revenus des insertions d’annonces (essentiellement publicitaires) est, en fait, la conséquence du choix de réunir le capital social par appel au marché boursier . Il s’agit, en effet, de convaincre les investisseurs sollicités de la rentabilité de leur placement. Ainsi, l’introduction de la publicité commerciale ne semble pas correspondre à une réponse à des contraintes financières particulières propres aux entreprises de presse, mais à une recherche accrue de « lucrativité » au bénéfice des souscripteurs de parts sociales des entreprises de presse émises en bourse. L’arguement est efficace (cf. diapositive précédente)

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3) La financiarisation des groupes de presse au cœur de l’opposition entre capitalisme médiatique et libéralisme politique.

la naissance de l’opposition entre presse d’opinion et presse d’argent: « jusqu’ici on avait regardé comme le capital d’un journal son opinion politique et la foi que ses abonnés y attachent. Pour établir une entreprise de ce genre, l’argent n’était que l’agent souvent employé pour mettre l’idée nouvelle en circulation (…) Aujourd’hui on paraît considérer la chose tout autrement, et l’on se dit : réunissons de grands capitaux, associons les abonnés à notre entreprise par une diminution de prix, appliquons le principe commercial qu’abaisser les prix, c’est augmenter le nombre des consommateurs, et l’on spécule ainsi à la baisse en considérant l’opinion comme une marchandise (…). On essaye d’établir une entreprise par la puissance de l’argent . On substitue pour ainsi dire l’esprit mercantile à la place de la foi publique. On envisage le journal comme une nécessité, au lieu d’être l’expression d’une opinion. » Alexandre Baudouin, imprimeur (1836)

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1ère Partie - Les média au cœur de la diversité des capitalismes nationaux : une confrontation France-Allemagne

Dans l’entre-deux guerres, les médias en Europe s’étaient alignés sur le modèle de la presse américaine ainsi que le révèle un projet d’ enquête de Max Weber

La plupart des questions figurant dans la partie « économique » du projet sont ainsi orientées par l’idée selon laquelle la production de l’information ne relève pas (ou plus) d’un artisanat dont le journaliste serait le coeur mais d’une activité « industrielle » complexe mobilisant des entreprises de grande taille, recourant à des formes de sous-traitance (les agences de presse, les fournisseurs de petites annonces et de suppléments…), insérée dans des marchés structurés ayant une dimension institutionnelle et organisationnelle forte. Cette question sous-jacente apparaît bien dans le point du plan d’enquête qui traite de l’«américanisme »: « L’« américanisme » dans le journalisme, concernant la mise en forme de la matière, son partage, l’importance relative des rubriques particulières et de l’usage des gros titres. Influence sur le caractère du journal et sur le mode de lecture des journaux. Analyse détaillée du caractère commercial des journaux américains par rapport aux nôtres, pénétration de ce caractère chez nous, ses raisons (ou les raisons du contraire)?

Source: Gilles Bastin Un projet d’enquête de Max Weber sur les journaux et le journalisme, Réseaux, n°109, 2001

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France et Allemagne: deux marchés médiatiques aux structures très différentes

Un clivage Nord- Sud traverse l’Europe: les pays du Nord accordent une plus grande importance à la presse, les pays du Sud dont la France, à l’audiovisuel. A - LA PRESSE

En Allemagne la presse est exclusivement locale ou régionale: il s’agit de quotidiens largement rentables car les abonnements constituent 2/3 des recettes. Ces quotidiens sont très supérieurs en qualité aux « régionaux » français.

En France, il existe une douzaine de quotidiens nationaux structurellement

déficitaires et des quotidiens régionaux dont le contenu reflète la dépendance financière ( les 2/3 des recettes sont des recettes publicitaires).

En France le lectorat jeune est séduit par les journaux gratuits alors que ceux-ci n’ont jamais réussi à s’implanter en Allemagne.

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Pourquoi ces différences?La presse d’opinion est un phénomène français. En Allemagne, la constitution prescrit à la presse un devoir d’indépendance et d’impartialité. Mais l’indépendance c’est aussi le fait de ne pas dépendre de subventions ( à contrario voir l’histoire récente de Libération et de l’Humanité).Désormais, en France les six quotidiens non spécialisés et dont la diffusion est nationale comportent, eu totalité, dans leur capital la participation de puissances industrielles et financières, ceci se traduisant pour trois d'entre deux par un contrôle ou une possibilité de contrôle direct(Le Figaro par le groupe Dassault, Libération par Edouard de Rothschild, France-Soir par la Financière Hoche). Pour les trois restant, une part significative revient maintenant à un même groupe, Lagardère, qui est présent à la fois dans la structure de détention du Parisien-Aujourd'hui (et également L'Equipe), Le Monde et L'Humanité, pour respectivement environ 25%, 16% et 9% des parts sociales. Devant cette expansion des pouvoirs financiers, les conditions d'existence d'une presse quotidienne d'opinion s'appuyant sur la constitution d'un capital indépendant apparaissent donc révolues.En Allemagne, les entreprises de presses ne sont pas possédées par des groupes industriels et financier, mais par des groupes historiquement issus des secteur de l’édition ou des industries culturelles

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France et Allemagne: deux marchés médiatiques aux structures très différentes

B- La RadioEn Allemagne il existe 200 radios privées aux côtés d’une cinquantaine de radio publiques régionales. En effet les Länder sont souverains en matière de culture et donc d’audiovisuel. Ces radios privées ont été créées par les éditeurs de presse soucieux de se diversifier dans un métier apparenté et s’assurer la mainmise sur les budgets publicitaires.En France, la radio est considérée comme un média national mais il existe 1800 radios privées apparues très tardivement qui doivent pour survivre être affiliées à une holding (NRJ, RTL, Europe 1). Ces holdings sont la propriété de groupes industriels engagés dans des stratégies plurimédias.Conclusion partielle: l’authentique exception culturelle n’existe qu’en Allemagne, pour des raisons historiques et politiques.

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France et Allemagne: deux marchés médiatiques aux structures très différentes

C – La télévisionEn Allemagne il existe une trentaine de chaînes hertziennes gratuites, moitié publiques, moitié privées. En France 6 chaînes gratuites sont disponibles dont 4 publiques.Les opérateurs allemands de télévision sont des groupes puissants, mais il ne s’agit jamais de groupes industriels et leur capital est interne à la branche des médias et/ou d’origine bancaire. L’illustration emblématique de cet état de fait est RTL Group né de la fusion de CLT (luxemburgeois) et du groupe Bertelsmann (groupe allemand qui possède la radio RTL, une grande part du capital de la chaîne M6).En France l’adossement de l’audiovisuel à des opérateurs industriels ets la règle: TF1 ets détenue par Bouygues SA, géant du BTP, Europe 1 appartient à un géant de l’armement Lagardère Group et Canal+ va sans doute passer sous le contrôle total du groupe Vivendi.L’audiovisuel public allemand détient 50% du capital d’Arte et Bertelsmann avec RTL Group est en France le seul opérateur non industriel et non français.

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2ème Partie – La concentration des médias : enjeux et modalités.

A – Enjeux: la formation de groupes de presse pluri-médias

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NTIC et restructurations industrielles: des fournisseurs de contenus aux utilisateurs. Source: michelcartier.com.

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Convergences technologiques et intégration des usages Source: michelcartier.com.

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Les mégamajors, artisans de la reconfigurationdes industries culturelles en groupes pluri-médias

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Un même contenu peut être adapté aux différents publics cibles. Ci-dessous les nouveaux métiers d une maison d’édition. Source: www.michelcartier.com

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Profits (1milliard de US $) liés à la diffusion du film Jurassic Park et de ses dérivés.

Source: www.michelcartier.com

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2ème partie: B- ModalitésEn Europe, le groupe de communication pluri-médias le plus puissant est Bertelsmann. En France à travers sa filiale Prisma Presse il possède Géo, Ca m’intéresse, Femme actuelle, Voici, Télé Loisir, Capital etc. En radio et télévision il est présent au travers de RTL GroupEn France Lagardère Groupe est le résultat de la fusion de Matra, Hachette et Filipacchi. Il se dit leader mondial de l’édition de magazines (Elle, Ici Paris etc..). Il est le numéro 3 de l’édition mondiale de livres après son rachat de Warner Publishing. Il possède Le livre de Poche, Stock, Fayard, Grasset etc.. En radio, il diffuse Europe 1, Virgin, RFM.

En distribution il détient 49% des NMPP. En télévision il détient 20% de Canal +

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3 caractéristiques:

- spécialisation et segmentation de l’offre de contenus,

- constitution d’entreprises réseaux (autonomie et concurrence: Lagardère active media ignore l’activité de Lagardère Publishing) fortement internationalisées,

- financiarisation des groupes (côtés en Bourse ces groupes ont pour actionnaires des fonds d’investissement, des fonds de pension, des banques spécialisées)