Cancer Et _dependances

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du tabac et du cannabis est, lui, bien établi. Il est important de le connaître. Le seul arrêt du tabagisme ferait reculer la mortalité par can- cer de 30 %. Aucun progrès théra- peutique ne peut aujourd’hui pro- curer un gain de cette ampleur. Avec 50substances reconnues cancéri- gènes, la fumée de tabac n’est pas seulement très toxique, elle est aussi très fortement addictive. Une preuve ? Rares sont les fumeurs occasionnels. C’est une des raisons pour laquelle les spécialistes s’ac- cordent tous à dire que le danger d’addiction existe dès la première bouffée. L heure n’est pas aux bilans, mais à un nouvel élan pour pro- gresser encore.» En donnant, en avril dernier, le coup d’envoi du second volet du Plan cancer, le pré- sident de la République présentait une nouvelle série de mesures desti- nées à faire reculer la maladie. Parmi elles, la lutte contre les addictions. Alcool, tabac, cannabis… licites ou non, ces drogues, causes majeures de cancer, sont désormais dans le col- limateur du président. Fléau numéro un : le tabac. « Un décès par cancer sur trois lui est associé rappelle le professeur Albert Hirsch, vice-président de la Ligue nationale contre le cancer. Pour autant, la fumée du tabac continue de nous intoxi- quer dans les lieux publics et nous figurons encore dans le peloton de tête des pays consommateurs d’al- cool (4 e rang en Europe, 6 e au niveau mondial). Pourquoi est-ce si difficile de s’en passer ? Parce que ces substances toxiques sont aussi psychoactives. Avant de nous tuer à petit feu, elles nous accrochent par le biais du fameux « circuit de récompense », libérant dans notre cerveau la dopamine qui nous apporte le bien-être. C’est cette sensation que l’on cherchera à retrou- ver sitôt privé de sa dose d’alcool ou de nicotine. Face à la dépendance, nous ne sommes pas égaux. Certains se révèlent moins capables que d’autres de réduire leur consomma- tion, même s’ils sont conscients des ravages que subit leur corps. « Il existe une immense variabilité biologique que l’on ne sait pas expli- quer, souligne le professeur Sylvain Dally, président du collège scienti- fique de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies. Le pro- blème est d’autant plus aigu que l’on est rarement usager d’un seul pro- duit et que l’on multiplie les risques de sombrer dans la maladie. » Mais le pouvoir de nuisance de l’alcool, Tabac : entre conscience et dépendance Aujourd’hui, le tabac est consommé de manière dangereuse par près d’un Français sur trois. Certes, les chiffres font apparaître une baisse de la consommation, qui est plus à mettre sur le compte de ceux qui s’abs- tiennent de commencer à fumer (en majorité des adolescents) que sur celui des fumeurs réguliers qui se sont arrêtés. Ces derniers sont conscients du risque qu’ils courent mais sont physiquement dépen- dants de leur poison. Le responsable ? La nicotine. C’est cette substance psychoactive qui, en se fixant au cerveau, stimule le fameux « circuit de récompense ». La dépendance s’installe. On veut retrouver le plaisir du geste, de la détente, puis c’est le corps qui réclame sa dose. Ce phénomène bio- logique, l’industrie du tabac a appris à l’orchestrer. Même si elle a nié pen- dant des années le rôle de la nico- tine dans la dépendance, on sait aujourd’hui qu’elle en a soigneu- sement ajusté les dosages dans chaque cigarette pour mieux garan- tir ses profits, causant ainsi une véri- table catastrophe sanitaire. Aujourd’hui, le tabac tue un fumeur sur deux et 90 % des cancers du Tabagisme et alcoolisme : ces deux fléaux nous font encore payer un tribut beaucoup trop lourd au cancer. Car la maladie se double le plus souvent d’une dépendance à des substances hautement toxiques. Apprenons à les reconnaître. LES ADDICTIONS prévention 28 _ VIVRE _SEPTEMBRE 2006 VIVRE _SEPTEMBRE 2006_ 29 CANCER ET DÉPENDANCES «

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L'étroite relations entre les habitudes et le cancer

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  • du tabac et du cannabis est, lui, bientabli. Il est important de leconnatre. Le seul arrt du tabagismeferait reculer la mortalit par can-cer de 30 %. Aucun progrs thra-peutique ne peut aujourdhui pro-curer un gain de cette ampleur. Avec50 substances reconnues cancri-gnes, la fume de tabac nest passeulement trs toxique, elle estaussi trs fortement addictive. Unepreuve ? Rares sont les fumeursoccasionnels. Cest une des raisonspour laquelle les spcialistes sac-cordent tous dire que le dangerdaddiction existe ds la premirebouffe.

    L heure nest pas aux bilans, mais un nouvel lan pour pro-gresser encore.En donnant,en avril dernier, le coup denvoi dusecond volet du Plan cancer, le pr-sident de la Rpublique prsentaitune nouvelle srie de mesures desti-nes faire reculer la maladie. Parmielles, la lutte contre les addictions.Alcool, tabac, cannabis licitesou non, ces drogues, causes majeuresde cancer, sont dsormais dans le col-limateur du prsident.Flau numroun : le tabac. Un dcspar cancer sur trois lui est associ ! rappelle le professeur Albert Hirsch,vice-prsident de la Ligue nationale

    contre le cancer. Pour autant, la fumedu tabac continue de nous intoxi-quer dans les lieux publics et nousfigurons encore dans le peloton dette des pays consommateurs dal-cool (4e rang en Europe, 6e au niveaumondial). Pourquoi est-ce si difficile de senpasser ? Parce que ces substancestoxiques sont aussi psychoactives.Avant de nous tuer petit feu, ellesnous accrochent par le biais du fameux circuit de rcompense , librantdans notre cerveau la dopamine quinous apporte le bien-tre. Cest cettesensation que lon cherchera retrou-ver sitt priv de sa dose dalcool

    ou de nicotine. Face la dpendance,nous ne sommes pas gaux. Certainsse rvlent moins capables quedautres de rduire leur consomma-tion, mme sils sont conscients desravages que subit leur corps. Il existe une immense variabilitbiologique que lon ne sait pas expli-quer, souligne le professeur SylvainDally, prsident du collge scienti-fique de lObservatoire franais desdrogues et toxicomanies. Le pro-blme est dautant plus aigu que lonest rarement usager dun seul pro-duit et que lon multiplie les risquesde sombrer dans la maladie. Maisle pouvoir de nuisance de lalcool,

    Tabac : entre conscience et dpendanceAujourdhui, le tabac est consommde manire dangereuse par prs dunFranais sur trois. Certes, les chiffresfont apparatre une baisse de laconsommation, qui est plus mettresur le compte de ceux qui sabs-tiennent de commencer fumer (enmajorit des adolescents) que surcelui des fumeurs rguliers qui sesont arrts. Ces derniers sontconscients du risque quils courentmais sont physiquement dpen-dants de leur poison.Le responsable ? La nicotine. Cestcette substance psychoactive qui,

    en se fixant au cerveau, stimule lefameux circuit de rcompense .La dpendance sinstalle. On veutretrouver le plaisir du geste, de ladtente, puis cest le corps quirclame sa dose. Ce phnomne bio-logique, lindustrie du tabac a appris lorchestrer. Mme si elle a ni pen-dant des annes le rle de la nico-tine dans la dpendance, on saitaujourdhui quelle en a soigneu-sement ajust les dosages danschaque cigarette pour mieux garan-tir ses profits, causant ainsi une vri-table catastrophe sanitaire.Aujourdhui, le tabac tue un fumeursur deux et 90 % des cancers du

    Tabagisme et alcoolisme : ces deux flauxnous font encore payer un tribut

    beaucoup trop lourd au cancer. Car lamaladie se double le plus souvent dune

    dpendance des substances hautementtoxiques. Apprenons les reconnatre.

    LES ADDICTIONS

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    CANCER ET DPENDANCES

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    poumon lui sont associs. Il est aussi lorigine de bien dautres cancers,comme celui de la gorge, de la bouche,des lvres, du pancras, des reins,de la vessie, de lutrus et aussi celuide lsophage, frquent en cas das-sociation tabac-alcool.Peut-on fumer donc sans tomberdans la dpendance ? La rponse estnon. Le tabac a un trs fort poten-tiel addictif et la dpendance estconfirme chez la plupart desfumeurs. Surtout, plus on commence fumer tt, plus le risque est grandcar le risque dtre victime dun can-cer dpend du nombre de cigarettesfumes, mais surtout de lancien-

    net de son tabagisme : Il est quatrefois plus dangereux de fumer dix ciga-rettes par jour pendant vingt ans quevingt cigarettes par jour pendant dixans , indique le professeur AlbertHirsch. Il faut donc se convaincrequil y a un gain rel arrter defumer. En effet, 24 heures aprs ladernire cigarette, le corps necontient plus de nicotine et les pou-mons commencent liminer lesrsidus de fume. Cinq ans aprs, lerisque de cancer du poumon dimi-nue presque de moiti. Dix quinzeans aprs, lesprance de vie rede-vient identique celle des personnesnayant jamais fum.

    Alcool : pas besoin dtre ivrepour en mourirLa plupart du temps, labus dalcoolest associ livresse. Or, ce nest paslivresse qui cre la dpendance, cestau contraire une trop grande tol-rance individuelle et sociale lalcool. Mme si, au dpart, un verrede vin grise plus quune cigarette,son potentiel addictif est pluttmoins lev que celui du tabac. Maisle pige de laddiction dont onestime que 10 % des Franais envi-ron sont aujourdhui victimes rsideaussi dans le poids de nos habitudessociales et culturelles. Pour justi-fier sa consommation, le buveur

    excessif invoque dailleurs souventson got du terroir, de la fte, de laconvivialit. Or, cest justement cettetendance bien supporter lal-cool qui est dangereuse, car elle signi-fie que le verre de vin ou le doigt dewhisky, qui procuraient tant de plai-sir au dbut, sont devenus inop-rants. Il faut alors augmenter lesdoses pour ressentir leffet psycho-trope. Voil comment la dpendancesinstalle, sans mme quon en aitconscience, avec, long terme, deseffets dvastateurs sur la sant.Outre les nombreuses pathologies(cardiovasculaires, du systme ner-veux et psychiques, etc.) quil gnre,

    lalcool a un effet cancrigne directsur les muqueuses bouche, gorge,appareil digestif avec lesquelles ilest en contact. En moyenne, lesrisques de cancer de la bouche et dela gorge sont multiplis par deuxchez un grand buveur, ceux de l-sophage par trois. Cest aussi un vri-

    table poison du foie, dont il dtruitles cellules, entranant des cirrhosesqui voluent parfois en cancer. Lerisque est encore accru par son asso-ciation au tabac. Par rapport auxabstinents, les grands buveurs, quisont aussi de grands fumeurs,multiplient les risques par 40.

    Le tabac : un dcs parcancer sur trois, premirecause de cancer vitable.

    Drogues info service :0 800 23 13 13Appel gratuit depuis un poste fixe.A partir dun portable, composezle 0170231313, prix dunecommunication ordinaire.

    Ecoute cannabis : 0 811 91 20 20, 7 j/7 de 8 h 20h, prix dun appel local.

    Ecoute alcool :0 811 91 30 30,7 j/7 de 14 h 2h, prix dun appel local.

    Et aussi :Tabac info service : 0 825 309 310, du lundi au samedi de 8 h 20 h, 0,15/min.La ligne mise en place par le ministre de la Sant et lInpes propose unaccompagnement personnalisaux fumeurs avec des tabacologues diplms. La personne peut tre rappele, si elle le souhaite, pour tresoutenue dans sa dmarche.

    Drogues alcool tabac info service (Datis) est un service nationaldaccueil tlphonique dclin en trois nouveaux numros quisinscrivent dans le plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicites, lalcool et le tabac :

    AIDE,INFOS,CONSEILS AU BOUT DU FIL

    DES TUDES SUR LA CONSOMMATION DE CANNABIS RVLENT DE PLUS EN PLUS DE CAS DE DPENDANCE CHEZ LES JEUNES.

    prvention Les addictions

  • NOTRE SANT PUBLIQUE EXIGE UNE ACTION MASSIVE

    3 QUESTIONS AU PROFESSEUR ALBERT HIRSCH,ancien chef du service de pneumologie de lhpital Saint-Louis Paris, vice-prsident de la Ligue nationale contre le cancer

    VIVRE_SEPTEMBRE 2006_3332_VIVRE_SEPTEMBRE 2006

    Seulement voil : alors que plus de40 000 personnes meurent chaqueanne victimes de leur alcoolisme dont 10 000 par cancer , on estencore trop nombreux croire quelon meurt davantage dun accidentde la route provoqu par une ivresseque dune consommation rgulirede plus de quatre verres par jour.Peut-on donc boire de lalcool sanstomber dans la dpendance ? Mal-gr de nombreuses recherches, onnexplique pas pourquoi la plupartdes gens qui apprcient un verre detemps en temps nen deviennentjamais dpendants alors que dautressont incapables de rguler leur

    consommation. Mais on sait que cinqmillions de Franais sont en diffi-cult avec lalcool. Ces excs sur-viennent parfois la dfaveur dunecrise existentielle, tel un deuil. Dansce cas, la surconsommation peut treponctuelle. Mais il y a aussi des per-sonnes qui entrent dans un proces-sus infernal. Dans un premier temps, elles boi-vent trop, puis essaient de contr-ler la situation pour finalementperdre le contrle et sombrer dansune vritable alcoolo-dpendance.Il faut donc faire attention aux pr-tendues vertus (cardiovasculairesou autres) de lalcool ! Le vin, cest

    bon pour la sant, boire protgemon cur ces arguments, abu-sivement employs par le lobbyalcoolier, ne sapplique et encore,avec modration ! quaux per-sonnes prsentant un risque car-diovasculaire. En ralit, consommer de lalcool neprsente aucun intrt pour la santde la plupart dentre nous.Si lon veut viter le cancer, le plussr est encore de ne jamais en boire.Autrement, on considre quau-des-sus de trois verres par jour pour leshommes et deux pour les femmes, lerisque est rel. Cest la dose ne pasdpasser.

    Les drogues illicites : un danger croissantSur le cannabis, la communautscientifique est partage. Il existemoins dtudes sur les effets de cettedrogue illicite, dont lusage, moinsrpandu, semble galement pluspassager. Ce sont en effet en majo-rit des jeunes qui recherchent dansle cannabis un plaisir interdit. On alongtemps dit quil ne crait pasdaddiction comparable celle delhrone, de la cocane ou mme dutabac. Reste que des cas de dpen-dance ont t relevs chez desconsommateurs rguliers, en majo-rit des 15-24 ans. Or, selon lOb-

    servatoire franais des drogues etdpendances, 1,2 million de per-sonnes en fumeraient rgulire-ment dont 550 000 quotidienne-ment. De plus en plus de chercheursexpriment leur inquitude. Aujour-dhui, certains produits consommssont entre deux et cinq fois plus dan-gereux quil y a trente ans, salarme

    le professeur Sylvain Dally. Lesconcentrations en THC (ttrahydro-cannabinol, principale substancepsychoactive), qui accentuentlivresse et la dpendance, sont bienplus importantes. Les dangers dune consommationrgulire sont donc rels. Dabordparce que le cannabis se fume le plussouvent mlang du tabac, seseffets sur la sant sajoutent ceuxde ce dernier. Ensuite, parce quilest reconnu que la fume de can-nabis contient des substances can-crignes et augmente donc lesrisques de cancer de la gorge et dupoumon. CORINNE THERMES

    Plus on tientlalcool,plus le risqueaugmente.

    Le prsident de laRpublique a annonc la mise en place decentres daddiction dans chaque centrehospitalier universitaire.Cette dcision voussatisfait-elle ?Le terme daddiction renvoie avant tout la personnalit. Onsintresse au penchantdune personne consommer un produit, avoir un comportementdont elle ne peut plus sepasser, comme le jeu ou lavitesse. Mais il ne suffit pasde thoriser sur les aspectspsychologiques desaddictions. Le danger vientaussi des produits !

    Quelles actionsprconiseriez-vous pour toucher le plusgrand nombre?En sintressant aussi tous ceux les plusnombreux ! qui ne vontpas ou niront jamais uneconsultation daddiction.Les industries du tabac et de lalcool ne cessent de manipuler lopinionpour sattirer la plus largeclientle possible. Nousdevons lutter sur le mmeterrain, toucher le plusgrand nombre par de largescampagnes dinformation.Lopinion est pleine de bon sens. Si vous vouscontentez de parler quelquun dapptence, dedpendance, il ne peroitpas clairement ledanger. Mais si

    vous lui expliquez ce quecontient prcisment lafume dune cigarette etcomment lindustrie dutabac le manipule pour le tuer petit feu, il comprend lurgence quil y a modifier soncomportement !

    Linformation devraitdonc, selon vous, gagneren efficacit ?Les consultationsspcialises sadressentaux plus dpendants. Mais une grande majoritde fumeurs, pour ne citerqueux, cessent leurconsommation sans passerpar le systme de soins. Ils y sont incits parlaugmentation du prix du

    tabac, linterdiction de fumer dans

    certains lieux publics, lescampagnes dinformationqui contribuent dnormaliser le produit. En outre, si nos60000mdecinsgnralistes, plusaccessibles que leursconfrres addictologues,prodiguaient un conseilminimal lors de leursconsultations, cela auraitun impact autrement plusimportant ! En sinformantsimplement de laconsommation de tabac etdalcool de leurs patients,le mdecin parviendrait en dcider chaque anne2% 3% de sarrter, soit plusieurs centaines demilliers ! Je le rpte, notre efficacit trouvera sa mesure par notre actiondans la population !

    prvention Les addictions

    550000personnes

    consommeraient, en France, du cannabis

    tous les jours