CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17...

6
Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la marche pour la Journée internationale des travailleurs, organisée à l’appel de la Coalition montréalaise du 1 er mai, demandaient, parmi leurs revendications, l’augmentation du salaire minimum à 15 $. L’UPA demande l’appui des gouvernements H 2 Cannabis : la SAQ comme meilleure distributrice ? H 3 15 kilomètres pour 15 dollars. Les organisations syndicales et autres groupes de lutte contre la pau- vreté se sont donné rendez-vous le 15 octobre pro- chain pour une marche de 15 km dans les rues de Montréal afin de relancer la campagne 5-10-15, re- vendiquant entre autres un salaire minimum à 15 dollars. HÉLÈNE ROULOT-GANZMANN Collaboration spéciale «E n face de nous, nous avons le Parti libé- ral, rappelle le président de la Confédé- ration des syndicats nationaux (CSN), Jacques Létourneau. Et il semble qu’il penche plus du côté des arguments du patronat. L’aug- mentation du salaire minimum n’est pas à la hauteur de ce que nous revendiquons, mais nous persévérons. Et puis, il y a des villes américaines qui ont fixé cet objectif ou qui l’ont déjà atteint, les choses peuvent bouger… » « L’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario ont annoncé vouloir atteindre ce palier dans les prochaines années, ajoute le président de la Fédération des travail- leurs et travailleuses du Québec (FTQ), Daniel Boyer. Peut-être que le gouvernement va comprendre que nous ne pouvons faire autrement que de leur emboîter le pas. » Sur ce point-là, les centrales syndicales ne se battent d’ailleurs que peu pour leurs membres, qui bénéficient tous ou presque de conventions collectives définissant des salaires minimums au-delà de 15 dollars. Ils se bat- tent pour tous les autres, les non-syndiqués, de plus en plus nombreux, qui doivent parfois cumuler plusieurs petits emplois pour arriver à joindre les deux bouts. «Il s’agit de sortir des milliers de personnes de la pauvreté, indique M. Létourneau. Les travailleurs qui fréquentent les banques alimentaires et les comptoirs familiaux pour s’habiller sont de plus en plus nombreux. Il y a un appau- vrissement certain de la population. » Le président de la CSN ajoute que le patronat en est bien conscient, lui qui préconise de mettre en place des crédits d’impôt pour remédier à la situation. « Il sou- haite que l’ensemble de la société paie pour cela, com- mente-t-il. Mais nous, ce que nous disons, c’est que c’est aux entreprises comme Wal-Mart, McDonald’s ou Sub- way, qui en ont les moyens, de faire des gestes concrets. Quitte à mettre en place des mécanismes de soutien aux plus petites entreprises qui pourraient en souffrir. » L’idée de la grande marche du 15 octobre est donc de remettre le dossier sur la table et de mobiliser le plus grand nombre autour de cette revendication. Au mois d’août déjà, le salaire minimum à 15 dollars a fait partie du défilé de la fierté à Montréal. Plusieurs économistes et autres leaders d’opinion se sont également rangés derrière cette revendication. Le parti municipal Coali- tion Montréal a par ailleurs déposé une motion le mois dernier demandant au conseil municipal d’appuyer la revendication d’un salaire minimum de 15 $ l’heure et demandant au gouvernement du Québec de réviser les règles gouvernant le salaire minimum. « Au Québec, ce ne sont pas les villes qui fixent le sa- laire minimum, précise Jacques Létourneau, mais tout appui à la campagne est bon à prendre. » Une campagne qui ne s’en tient pas uniquement aux 15 dollars l’heure, mais qui revendique également que chacun puisse connaître son horaire cinq jours à l’avance et avoir dix jours de congé payés en cas de maladie ou de responsa- bilités familiales. Sur ces deux autres points, la FTQ veut garder es- poir. « Nous ne faisons pas partie de la campagne 5-10- 15, précise Daniel Boyer. Pas que nous soyons contre les deux autres éléments, mais parce que nous souhaitons les dissocier. Nous ne voudrions pas que Québec nous donne RENTRÉE SYNDICALE Un automne sous le signe du 5-10-15 VOIR PAGE H 6 : 5-10-15

Transcript of CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17...

Page 1: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

SyndicalismeLES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017

CAHIER SPÉCIAL H

ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR

Les participants à la marche pour la Journée internationale des travailleurs, organisée à l’appel de la Coalitionmontréalaise du 1er mai, demandaient, parmi leurs revendications, l’augmentation du salaire minimum à 15 $.

L’UPAdemandel’appui desgouvernementsH 2

Cannabis:

la SAQ commemeilleuredistributrice?H 3

15 kilomètres pour 15 dollars. Les organisations

syndicales et autres groupes de lutte contre la pau-

vreté se sont donné rendez-vous le 15 octobre pro-

chain pour une marche de 15 km dans les rues de

Montréal afin de relancer la campagne 5-10-15, re-

vendiquant entre autres un salaire minimum à

15dollars.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

«En face de nous, nous avons le Parti libé-ral, rappelle le président de la Confédé-ration des syndicats nationaux (CSN),Jacques Létourneau. Et il semble qu’il

penche plus du côté des arguments du patronat. L’aug-mentation du salaire minimum n’est pas à la hauteur dece que nous revendiquons, mais nous persévérons. Etpuis, il y a des villes américaines qui ont fixé cet objectifou qui l’ont déjà atteint, les choses peuvent bouger…»

« L’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario ontannoncé vouloir atteindre ce palier dans les prochainesannées, ajoute le président de la Fédération des travail-leurs et travailleuses du Québec (FTQ), Daniel Boyer.Peut-être que le gouvernement va comprendre que nousne pouvons faire autrement que de leur emboîter le pas. »

Sur ce point-là, les centrales syndicales ne se battentd’ailleurs que peu pour leurs membres, qui bénéficienttous ou presque de conventions collectives définissantdes salaires minimums au-delà de 15 dollars. Ils se bat-tent pour tous les autres, les non-syndiqués, de plus enplus nombreux, qui doivent parfois cumuler plusieurspetits emplois pour arriver à joindre les deux bouts. « Ils’agit de sortir des milliers de personnes de la pauvreté,indique M. Létourneau. Les travailleurs qui fréquententles banques alimentaires et les comptoirs familiaux pours’habiller sont de plus en plus nombreux. Il y a un appau-vrissement certain de la population. »

Le président de la CSN ajoute que le patronat en estbien conscient, lui qui préconise de mettre en place descrédits d’impôt pour remédier à la situation. « Il sou-haite que l’ensemble de la société paie pour cela, com-mente-t-il. Mais nous, ce que nous disons, c’est que c’estaux entreprises comme Wal-Mart, McDonald’s ou Sub-way, qui en ont les moyens, de faire des gestes concrets.Quitte à mettre en place des mécanismes de soutien auxplus petites entreprises qui pourraient en souffrir. »

L’idée de la grande marche du 15 octobre est donc deremettre le dossier sur la table et de mobiliser le plusgrand nombre autour de cette revendication. Au moisd’août déjà, le salaire minimum à 15dollars a fait partiedu défilé de la fierté à Montréal. Plusieurs économisteset autres leaders d’opinion se sont également rangésderrière cette revendication. Le parti municipal Coali-tion Montréal a par ailleurs déposé une motion le moisdernier demandant au conseil municipal d’appuyer larevendication d’un salaire minimum de 15 $ l’heure etdemandant au gouvernement du Québec de réviser lesrègles gouvernant le salaire minimum.

« Au Québec, ce ne sont pas les villes qui fixent le sa-laire minimum, précise Jacques Létourneau, mais toutappui à la campagne est bon à prendre. » Une campagnequi ne s’en tient pas uniquement aux 15dollars l’heure,mais qui revendique également que chacun puisseconnaître son horaire cinq jours à l’avance et avoir dixjours de congé payés en cas de maladie ou de responsa-bilités familiales.

Sur ces deux autres points, la FTQ veut garder es-poir. « Nous ne faisons pas partie de la campagne 5-10-15, précise Daniel Boyer. Pas que nous soyons contre lesdeux autres éléments, mais parce que nous souhaitons lesdissocier. Nous ne voudrions pas que Québec nous donne

RENTRÉE SYNDICALE

Un automne sousle signe du 5-10-15

VOIR PAGE H 6 : 5-10-15

Page 2: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

S Y N D I C A L I S M EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 6 E T D I M A N C H E 1 7 S E P T E M B R E 2 0 1 7H 2

La Caisse d’économie solidaire est la principale institution financière des mouvements sociaux.

organisations syndicales

millions $ investis en économie sociale

entreprises collectives

citoyensengagés

600

2�400 11�000500

1 877 647-1527 | caissesolidaire.coop

Gérald LarosePrésident

SCFP-Québec

SCFP-Québec

scfp.qc.ca

@SCFPQuebec

Le 1er janvier 2018, les Canadiens des autres provinces auront droit à une bonification du

Régime des pensions du Canada (RPC), l’équivalent de notre Régime des rentes du Qué-

bec. Le taux de remplacement maximal du revenu de travail passera de 25% à 33,3%. Les

Québécois, eux, pourraient bien être laissés pour compte, puisque le gouvernement Couil-

lard a refusé de ratifier l’entente négociée entre les provinces et le fédéral.

BONIFICATION DU RÉGIME PUBLIC DES PENSIONS

Le Québec à la traîne?

Lors d’une récente rencontre marquant la Rentrée syndicale agricole, l’Union des produc-

teurs agricoles (UPA), les fédérations régionales et ses groupes spécialisés ont envoyé un

message clair aux gouvernements du Québec et du Canada. Le monde agricole a besoin de

leur appui pour assurer la pérennité de l’agriculture québécoise. Plusieurs enjeux sont en

cause et exigent des interventions.

AGRICULTURE

L’UPA demande l’appui des gouvernements

M A R I LY S E H A M E L I N

Collaboration spéciale

L e refus de Québec d’adhérer à la nouvellehausse des cotisations à la caisse du régime

publique pourrait faire des Québécois « les re-traités les plus pauvres au pays», selon le secré-taire général de la Fédération des travailleurs etdes travailleuses du Québec (FTQ), Serge Ca-dieux. À conditions et salaires égaux, deux em-ployés de la même entreprise n’auront pas droitaux mêmes prestations une fois à la retraite enraison de leur province de résidence, explique-t-il.

« Prenez deux employés de la RBC [BanqueRoyale] ayant le même salaire, la même dated’embauche et de départ à la retraite, illustre-t-il.L’un se trouve à Winnipeg, l’autre à Rimouski. Àce jour, ils ont cotisé chacun le même montant àla caisse publique de retraite, mais, en raison dela bonification du régime canadien, à laquellen’a pas adhéré le Québec, le Rimouskois recevratrès exactement 2320 $ de moins par an, et ce,pour le restant de ses jours. »

Le Québec à partUne précision s’impose : le ministre des Fi-

nances du Québec, Carlos Leitão, ne s’oppose pas

complètement à la bonification du régime, maisrefuse que celle-ci s’applique aux salariés gagnantmoins de 27 500$ par année, plaidant ne pas vou-loir augmenter la cotisation des moins nantis.

Pour le secrétaire général de la FTQ, la véri-table raison de ce refus se trouve plutôt dans lediscours véhiculé par le lobby patronal, qui ditne pas avoir les moyens de cotiser davantage,le programme étant financé à 50-50 par les em-ployeurs et leurs employés.

« Les entreprises ne veulent pas payer le 1 %supplémentaire et disent qu’il en va de même ducôté des travailleurs, indique Serge Cadieux. Orc’est faux. On a commandé un sondage à lafirme Léger Marketing en mai dernier, et 88 %des répondants veulent le même régime que dansle reste du Canada, y compris la hausse de cotisa-tion de 1% de leur part. »

Le secrétaire général de la FTQ rappellequ’avant la bonification annoncée du RPC, le Ca-nada était « le pays de l’OCDE où les cotisationssont les plus faibles, derrière les États-Unis».

Un dossier délicatPour M. Cadieux, il est impossible de légiti-

mer le fait que les Québécois obtiennent unerente plus faible que les autres Canadiens.« Imaginez si la même chose se produisait pourles prestations de l’assurance emploi, il y auraitune révolution !» lance-t-il.

Il rappelle également que six travailleursquébécois sur 10 n’ont pas accès à un régimede retraite privé et doivent compter unique-ment sur le programme public du RRQ.« L’épargne volontaire, ça ne fonctionne pas,tranche-t-il. Il y a plus de 100 milliards de cotisa-tions de REER inutilisées uniquement au Qué-bec. Ça, ça veut dire que, lorsque les gens ne sontpas obligés, ils ne contribuent pas. »

Il s’agit d’un dossier à suivre puisque le mi-nistre Leitão doit déposer un projet de loi cetautomne, avant l’entrée en vigueur des modifi-cations au régime canadien en janvier. En casd’adoption d’un plan inférieur au RPC canadien,Serge Cadieux prédit une levée de boucliers dela part de la population, de même qu’un litigeconstitutionnel entre Québec et le gouverne-ment fédéral.

« Les conditions pour la création d’un ré-gime québécois distinct en 1966 comprenaientl’obligation de maintenir un régime québécoiséquivalent au régime canadien », rappelle leleader syndical.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Selon le secrétaire général de la Fédération destravailleurs et des travailleuses du Québec (FTQ),Serge Cadieux, les Québécois seraient sur le pointd’être les retraités les plus pauvres au pays.

S T É P H A N E G A G N É

Collaboration spéciale

L’agriculture québécoisepourrait connaître une

croissance impor tante d’ici2025 et créer 21 000 emplois,selon une étude commandéepar l’UPA. Le syndicat crainttoutefois qu’il soit difficile d’yarriver si on ne règle pas diversenjeux menaçant la viabilité del’agriculture québécoise.

Des terres livrées au plus offrant

Il y a d’abord le projet de loi85, qui vise à implanter le longde l’autoroute 30 deux pôleslogistiques et un corridor dedéveloppement économique,ainsi que des zones indus-trialo-portuaires dans la régionde Montréal. Pour ce faire, onsoustrairait 600 hectares assu-jettis à la Loi sur la protectiondu territoire et des activitésagricoles. L’UPA s’insurgecontre cette façon de faire quiréduirait la super ficie debonnes ter res agricoles etpourrait ouvrir la porte à d’au-tres dézonages.

L’UPA, la Fondation Suzukiet la Fédération de la relèveagricole s’inquiètent aussi del’achat de terres agricoles pardes fonds d’investissement àdes fins spéculatives. Ils dénon-cent notamment les initiativesprises par le PANGEA (unfonds créé par la Caisse de dé-pôt et placement et le Fonds desolidarité FTQ) qui a acquis de-puis 2012 près de 5000 hectaresde terres, soit l’équivalent de 50fermes. «Ces transactions créentune surenchère sur la valeur desterres, rendent plus dif ficiles larelève agricole et le transfert desfermes d’une génération à l’au-tre», déplore Marcel Groleau,président de l’UPA.

L’UPA et les groupes qui lasoutiennent proposent doncde limiter les achats à 100 hec-tares par année pour les troisprochaines années, le tempsde réfléchir à des solutions etd’analyser la situation. M. Gro-leau rappelle que la Saskatche-wan a déjà interdit l’achat deterres agricoles par des fondsde pension.

L’intérêt des fonds d’inves-tissement pour les terres agri-coles est en outre attribuable àla croissance impor tante deleur valeur (800 % de hausseen 20 ans). Un phénomène quicrée un fardeau fiscal supplé-mentaire pour les agriculteurs.L’UPA aimerait donc que le

gouvernement réunisse les in-tervenants impliqués dans cedossier (UPA, Fédération qué-bécoise des municipalités etministères concernés) pourtrouver des solutions durablesà la fiscalité foncière agricole.

Pour une meilleureprotection de l’environnement

Un autre enjeu impor tantconcerne l’agroenvironnement.L’UPA est consciente que lesconsommateurs sont de plusen plus exigeants à propos dela qualité des produitsagricoles et de la pro-tection de l’environne-ment. Le syndicat de-mande donc l’adoptiond’un Plan concerté surl’agroenvironnement.« Ce plan devrait en-courager la recherched e s o l u t i o n s d e r e -change aux pesticides,le développement de méthodesde lutte contre les espèces enva-hissantes et d’outils pour répon-dre aux enjeux que posent leschangements climatiques», pro-pose M. Groleau.

L’UPA aimerait aussi queses membres ne soient pas lesseuls à faire les frais des me-sures qu’ils prennent pour pro-téger l’environnement. Parexemple, un agriculteur quiaccepte de laisser en fricheune bande riveraine pour pro-téger un cours d’eau devra su-bir une perte de revenu. À cechapitre, M. Groleau croit quel’on devrait prendre exemplesur l’Europe. « Sur ce conti-nent, les agriculteurs sont sub-ventionnés pour modifier leurspratiques agricoles, note-t-il.En Suisse, les producteurs sontrémunérés pour ne pas cultivercertaines surfaces. »

Hausse possible du salaire minimum

Côté fiscalité, la hausse possi-ble du salaire minimum à 15dol-lars l’heure préoccupe aussil’UPA. Selon une étude com-mandée par l’UPA, une haussetrop brutale du salaire mini-mum aurait un impact majeur,notamment sur la rentabilité dusecteur hor ticole (légumes,fruits, etc.). «Ce sont des coûtsque les agriculteurs seraient in-capables de transférer au mar-ché», déplore M. Groleau.

Importation de fromages européens

Dans le cadre de l’Accordéconomique et commercial

global entre le Canada etl’Union européenne, le Canadaa accepté l’importation accruede fromages européens. Or,l’entrée en vigueur de cet ac-cord risque d’entraîner despertes considérables pour lesfromagers québécois (qui pro-duisent plus de la moitié desfromages canadiens et 60 %des fromages fins et ar tisa-naux), selon l’UPA.

À l ’époque, le gouver ne-ment Harper avait annoncéun programme d’indemnisa-tion d’un milliard de dollars

destinés aux produc-teurs laitiers. Or, cep r o g r a m m e a é t éabandonné par les li-béraux, une fois aupouvoir, et remplacépar un pr ogrammed’ inv e s t i s s e m e n td e 250 mill ions surc i n q a n s p o u r l e sfermes laitières. « En

plus d’y perdre au change, lesfonds de ce programme sontdéjà épuisés, déplore FrançoisDumontier, directeur adjoint,relations publiques et gouver-nementales chez Les produc-teurs de lait du Québec. Biendes producteurs n’y aurontdonc pas droit. De plus, lesproducteurs qui n’étaient pasprêts à investir dans leurs ins-tallations ne recevront pas unsou. »

Marcel Groleau déploreaussi l’absence d’aide pour lesproducteurs de fromages dechèvre et de brebis. «C’est uneinjustice pour ce secteur jeuneet encore fragile. »

Renégociation de l’ALENA

Dernier enjeu important, larenégociation, en cours, del ’Accord de l ibre-échangenord-américain (ALENA).L’UPA croit que le Canada nedevrait faire aucune conces-sion. Les producteurs de laitdu Québec ont même de -mandé au gouvernement fédé-ral d’exclure des négociationsle secteur laitier et la gestionde l’offre. Ils ont un argumentde taille : le Canada importedéjà 8 % de sa consommationde produits laitiers alors queles États-Unis en impor tentmoins de 2%.

La plupart de ces enjeux se-ront discutés lors du Sommetsur l’alimentation qui aura lieucet automne. L’exercice de-vrait aboutir à une nouvellepolitique bioalimentaire qué-bécoise en 2018.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

L’UPA aimerait que ses membres ne soient pas les seuls à faire les frais des mesures qu’ils prennent pourprotéger l’environnement.

Marcel Groleau

Page 3: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

S Y N D I C A L I S M EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 6 E T D I M A N C H E 1 7 S E P T E M B R E 2 0 1 7 H 3

Ce cahier spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, grâce au soutien des annonceurs qui y figurent. Ces derniers n’ont cependant pas de droit de regard sur les textes. Pour toute informationsur le contenu, vous pouvez contacter Aude Marie Marcoux, directrice des publications spéciales, à [email protected]. Pour vos projets de cahier ou toute autre information au sujet de la publicité,

contacter [email protected].

Se syndiquerpour améliorer son quotidien

MEILLEURES CONDITIONS DE TRAVAIL

RESPECT DES DROITS

SANTÉ ET SÉCURITÉ DU TRAVAIL

1 800 947-6177 csn.qc.ca

Salaire minimum à 15 $l’heure, congés de maladiepayés, semaine de vacancesadditionnelle, encadrementdes agences de placement…Pour les syndicats, tout estsur la table. À la CSQ, on at-tend beaucoup de cette an-nonce de refonte de la Loisur les normes du travail.

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

L e monde du travail change,et c’est peu dire ! De nou-

velles réalités exigent des ca-dres légaux adaptés. La Loisur les normes du travail estentrée en vigueur en 1980. Ladernière révision majeure decette loi remonte à 2002 où, demanière très progressiste, onavait enchâssé un règlementsur le harcèlement psycholo-gique et sexuel, ainsi que desclauses de disparité de traite-ment. Aujourd’hui, les syndi-cats souhaitent des change-ments tout aussi importants.

Le Québec compte, avec delégères variantes d’année enannée, 3 500 000 travailleurs.De ce nombre, 50 % sont régispar la Loi sur les normes dutravail, et ce sont 300 000 em-ployeurs qui les embauchent.Ils bénéficient d’une protec-tion de base offerte à tous lessalariés dans le but d’éviter lesabus et de leur permettred’avoir un travai l décent .« Dans le contexte actuel, oncomprend la pertinence de cetteloi alors que les travailleurs vi-vent des conditions de travailatypiques ou précaires », af-firme Louise Chabot, prési-dente de la Centrale des syndi-cats du Québec (CSQ).

La conciliation travail-famille

En février dernier se tenaitun rendez-vous national de lamain-d’œuvre commandé parle premier ministre. « Commeles autres grandes centrales syn-dicales, on y avait fait valoirque la pénurie de main-d’œuvren’est pas strictement liée aumanque de compétence ou de

qualification des travailleurs,mais que c’est aussi une ques-tion de salaire, d’organisationdu travail, de santé et de sécu-rité. En ce sens, des modifica-tions à la Loi sur les normesnous apparaissent commequelque chose de majeur » ,lance la présidente.

Au cœur des préoccupationsde la CSQ et de la coalitionsyndicale alors présente, setrouve la conciliation travail-fa-mille. En vrac, les demandess y n d i c a l e s consistent àconnaître son horaire de tra-vail d’avance, à avoir une se-maine de vacances supplé-mentaire, à ne pas devoir fairedes heures supplémentaireobligatoires, à avoir des jour-nées rémunérées pour les res-ponsabilités parentales ou fa-miliales, ainsi qu’à harmoniseravec le fédéral le nombre desemaines liées à la compas-sion — actuellement 12 se-

maines au Québec, alors quele Fédéral en offre 26.

Un autre point impor tantque souligne Louise Chabotest celui des plaintes pour har-cèlement. « Il y a des inégalitésselon qu’on dépose une plainteen ver tu des normes ou de lasanté et sécurité de travail. Ilfaut harmoniser les recours etrendre ces derniers gratuits,plaide-t-elle. Au fond, c’est unensemble de mesures que nousaimerions voir modifiées afinde rendre le travail sécuritaire,stable et que le travailleur ne seretrouve pas dans une situationde vulnérabilité. » Selon seschiffres, 54 % des plaintes dé-posées à la Commission desnormes du travail le sont pourdes raisons pécuniaires, 15 %pour des pratiques interdites,et 20 % d’entre elles se rappor-tent aux congédiements.

Au-delà des changementsqu’on devrait apporter à la Loi

sur les normes du travail,Louise Chabot considèrequ’un vaste travail d’éducationet de sensibilisation reste àfaire. L’exemple qu’elle donneest celui des travailleurs immi-grés : « Il faut faire de la pré-vention, il faut que les gensconnaissent leurs droits, et jepense par ticulièrement auxfemmes immigrantes qui se re-trouvent à travailler avec desagences de placement. »

De plus en plus, on entendparler de plein emploi au Qué-bec pour les 18 à 54 ans. LouiseChabot met en garde le gouver-nement: «On dit qu’en 2022, ondevra combler un manque deplus d’un million de travailleurs,ça ne sera pas seulement avecl’éducation et la formation qu’ony parviendra. C’est aussi unequestion de qualité de vie au tra-vail et actuellement, il y a des

Pour une véritable refonte des normes du travail

Le Syndicat canadien de la fonction publique dévoilait cettesemaine un mémoire militant pour un monopole publicdans la distribution du cannabis récréatif au Québec. LaSAQ serait le meilleur véhicule pour gérer la vente de ceproduit, prétend le syndicat.

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE

Cannabis: la SAQcomme meilleuredistributrice?

J E A N - F R A N Ç O I S V E N N E

Collaboration spéciale

«A u Forum d’exper ts surl’encadrement du can-

nabis au Québec de juin der-nier, les spécialistes présentspenchaient nettement pour ré-server la distribution de ce pro-duit à une société d’État, unavis que nous partageons », in-dique l’économiste Pierre-GuySylvestre, conseiller syndicaldu Syndicat canadien de lafonction publique (SCFP). Ilest l’auteur du mémoire dé-posé dans l e cadr e de l aconsultation régionale sur l’en-c a d r e m e n t d u c a n n a b i sde Montréal.

Il faut dire que le marchéquébécois du cannabis récréa-tif fait saliver. En dé-cembre 2016, l’Institutde recherche et d’in-formations socio-éco-nomiques (IRIS) éva-l u a i t s a v a l e u r à1,3 milliard de dollars.Dans les dix ans sui-vant la légalisation,ce montant pourraitpasser à 3,2 milliardsde dollars.

Pas étonnant que certainesentreprises lèvent la main.Couche-Tard a même embau-ché Marie-Ève Bédard, an-cienne directrice de cabinet del’ex-ministre de la Santé et desServices sociaux Yves Bolduc,comme lobbyiste pour défen-dre le rôle que sa chaîne de dé-panneurs pourrait jouer dans lavente de cannabis.

Pour Pierre-Guy Sylvestre,il est crucial de rejeter la tenta-tion du privé. Laisser des en-treprises privées se concur-rencer entre elles dans lavente du cannabis ferait bais-ser les prix et entraînerait lamultiplication de publicitésvantant les mérites de cettesubstance, favorisant unehausse de la consommation.« Or, ce que le gouvernementsouhaite en légalisant le canna-bis, c’est de mieux encadrer savente et sa consommation, pasd’en faire un marché lucratif »,précise l’économiste.

Pas question, toutefois, delaisser les succursales ac-tuelles de la SAQ vendre ducannabis. En décembre 2016,un rapport du groupe de tra-vail fédéral sur la légalisationdu cannabis recommandaitd’éviter cette approche afin dediminuer les occasions de co-consommation. Le SCFP estbien d’accord et propose d’iso-ler les succursales vendant de

l’alcool de ce qui deviendraitune filiale de la SAQ dédiée àla distribution du stupéfiant.

Sans but lucratif,vraiment?

Mais la SAQ est-elle le lieuidéal pour vendre du cannabisdans un but non lucratif ? LineBeauchesne est professeureen criminologie à l’Universitéd’Ottawa et spécialiste de l’im-pact que les politiques sur lesdrogues ont sur les stratégiesde prévention et de traitement.Elle rappelle que depuis le mi-lieu des années 1990, la pres-sion est de plus en plus fortesur la SAQ au Québec et lessociétés d’État du même typedans les autres provinces pourrappor ter le plus de divi-

dendes possible àl’État. Bon an, mal an,la SAQ verse 1 milliardde dollars en rede-vances à l’État québé-cois, lequel tire aussides revenus du mono-pole du jeu à traversLoto-Québec. La tenta-tion pourrait êtregrande d’ajouter unetroisième vache à lait.

«Sauf que l’on connaît bien laconsommation d’alcool, et les pro-vinces ont une bonne structure deprévention et de traitement desproblèmes liés à cette substance,de même que des règles clairessur les limites de sa promotion,ajoute Line Beauchesne. Ce n’estpas le cas avec le cannabis. Nousmanquons de données sur lestypes de consommation, les effetsà long terme de différents niveauxde THC, etc. Ce n’est pas du toutla même dynamique que la vented’alcool.»

Elle est d’avis que le minis-tère de la Santé et des Servicessociaux du Québec (MSSS)devrait chapeauter la distribu-tion du cannabis récréatif. Il se-rait le seul à acheter massive-ment auprès des producteurs.Aucun détaillant n’aurait ledroit de le faire. Cela permet-trait à l’État de contrôler laqualité du produit (par exem-ple, en encadrant l’utilisationde pesticides chez les produc-teurs) et de se donner plus dechances d’atteindre ses objec-tifs de santé publique.

C’est aussi ce que proposele SCFP dans son mémoire,justement pour éviter que ladistribution de cannabis ré-créatif par la SAQ, toute pu-blique soit-elle, ne devienneune entreprise à but lucratif.

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Louise Chabot considère qu’un vaste travail d’éducation et de sensibilisation reste à faire. Elle donne commeexemple le cas des travailleurs immigrés qui doivent connaître leurs droits, et notamment les femmes.

ISTOCK

L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS)évaluait, en décembre, le marché québécois du cannabis récréatif à1,3 milliard de dollars.

LineBeauchesne

VOIR PAGE H 5 : CANNABIS

VOIR PAGE H 5 : NORMES

Page 4: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

S Y N D I C A L I S M EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 6 E T D I M A N C H E 1 7 S E P T E M B R E 2 0 1 7H 4

fiqsante.qc.ca

En mai dernier, 175 000 travailleurs québécois de la construction ont débrayé illégalement pendant six jours. S’il s’agissait

là de la deuxième grève générale illimitée en quatre ans pour cette industrie, cette fois-ci, les médias ont largement parlé

des mesures d’accommodement familial réclamées par les travailleurs. Œuvrer sur un chantier est-il compatible avec la vo-

lonté d’assumer ses responsabilités parentales?

TRAVAIL ET FAMILLE

Père et travailleur de laconstruction: difficile conciliation

Les restrictions budgétaires mènent à une perte d’exper-

tise fortement dommageable, déplore le Syndicat des pro-

fessionnelles et professionnels du gouvernement du Qué-

bec (SPGQ). Une situation vivement dénoncée par leur pré-

sident, Richard Perron.

SYNDICAT DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS DU GOUVERNEMENTDU QUÉBEC

La perted’expertisemenace lafonction publique

M A R I LY S E H A M E L I N

Collaboration spéciale

La réalité des familles québé-coises a considérablement

changé en quelques décenniesà peine. Les mères au foyer sontdésormais rares et les femmes,bien que timidement, conti-nuent d’investir le milieu de laconstruction. Par-dessus tout, laréalité des familles séparées etla garde partagée expliquent enbonne partie les demandes deconciliation travail-famille desnouvelles générations de travail-leurs sur les chantiers, estimeYves Ouellet, directeur généralde la FTQ-Construction.

Ces derniers réclament deshoraires plus raisonnables, enplus de chercher à limiter lesheures supplémentaires. « Lespères séparés doivent faire desacrobaties pour arriver à gérerleurs responsabilités familiales,indique M. Ouellet. Si on leurdemande d’être au chantier àVarennes à 5 h 30 du matinalors qu’ils habitent à Saint-Eustache, ça veut dire quoi,qu’ils vont devoir se lever à 3hdu matin? Y a pas de garderiequi ouvre à 4 h du matin et,même si c’était le cas, ça n’apas de bon sens de réveiller unenfant à cette heure-là. Et puis,pour se lever à 3h, ça veut direse coucher à quelle heure, toutde suite après le souper? Et sesenfants, on les voit quand?»

S’il a entendu à maintes re-prises les patrons, et même

une certaine « vieille garde »parmi les travailleurs, déplorerles demandes des plus jeunes,entonnant en chœur le bonvieux refrain «dans mon temps,on travaillait for t et on ne seplaignait pas », M. Ouellet re-fuse net d’embarquer dans lesquerelles générationnelles. Aucontraire même, il légitimed’emblée les demandes desnouvelles générations.

« Quand je les vois réclamerune meilleure qualité de vie,dire aux employeurs “tu neme prendras pas en otage, j’aiun enfant à aller chercher à lagarderie”, je suis content, jetrouve qu’ils ont bien raison. »

Rareté de la main-d’œuvre

Le directeur général de laFTQ-Construction ajoute quele rapport de force entre lesdeux parties a changé en rai-son de la pénurie de travail-leurs. «Quand on était jeunes,on avait de la dif ficulté à trou-ver du travail, raconte-t-il. Au-jourd’hui, il y a beaucoup depancartes “On embauche” auxabords des chantiers, on nevoyait pas ça avant. La raretéde la main-d’œuvre est indénia-ble, et les travailleurs sont enmeilleure position pour choisir.»

Outre les raisons démogra-phiques, le directeur expliqueque la concurrence avec d’au-tres secteurs d’emplois ma-nuels et techniques, commel’aéronautique ou l’informa-

tique, pèse aussi dans la ba-lance. «Les travailleurs vont al-ler là où ils trouvent de la stabi-lité, des horaires qui ont du bonsens, explique-t-il. Pour les atti-rer et les retenir, il va falloir queles employeurs comprennent lesdemandes et s’adaptent.»

Selon lui, les entrepreneurs-chefs doivent adopter une vi-sion à long terme favorisant laconciliation travail-famille plu-tôt que de viser une producti-vité à tout crin à court terme.

« Notre industrie est touchéenon seulement par les change-ments démographiques, maisaussi par l’évolution des menta-lités, ajoute-t-il. Or, la construc-tion, c’est tout un monde, enraison de la durée variable descontrats. Les mégachantiers nesont pas monnaie courante et,souvent, les travailleurs doiventse promener énormément aucours d’une même semaine. »

Selon M. Ouellet, la chargementale que vivent de plus enplus de travailleurs de laconstruction, liée aux difficul-tés d’articulation entre le tra-vail et la vie familiale, contri-bue à abaisser leur producti-vité, une autre raison d’y voirpour les employeurs.

Milieu d’hommesLe domaine de la construc-

tion étant traditionnellementmasculin, les femmes peinentencore aujourd’hui à s’y taillerune place, non seulement enraison de l’ambiance par fois

très machiste qui y règne,comme l’avait illustré l’excel-lent documentaire Casquesroses, mais aussi, évidemment,en raison de la dif ficulté d’yconcilier la vie de famille et lesresponsabilités familiales.

Un document officiel sur lesujet publié par la FTQ, en2011, tout simplement intituléConciliation travail-famille, té-moignait du problème du deuxpoids, deux mesures, qui per-dure entre les deux parents.

«Qui n’a pas d’obligations endehors du travail, que ce soit àl’égard d’enfants, de parentsâgés, de proches malades ouayant des besoins spéciaux, ouencore à l’égard de soi-même[vie sociale, syndicale, commu-nautaire, études et perfection-nement, etc.] ? Les hommescomme les femmes sont concer-nés, même si ces dernières conti-nuent d’assumer la plus grandepart des tâches et des soins.»

Le directeur général de laFTQ-Constr uction l’admetd’emblée : « Si on veut allerchercher les femmes, il va fal-loir s’adapter, notamment surles horaires. »

Il tient néanmoins à rappelerle côté valorisant du travail dela construction. « C’est un mé-tier concret, exigeant physique-ment, et puis, après, ce qui aété construit est là pour long-temps, rappelle-t-il. On peut lemontrer aux enfants en disant« maman ou papa a contribuéà construire ceci ». »

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Les entrepreneurs-chefs doivent adopter une vision à long terme favorisant la conciliation travail-famille plutôt que de viser une productivité à toutcrin à court terme, selon le directeur général de la FTQ-Construction, Yves Ouellet.

A L I C E M A R I E T T E

Collaboration spéciale

«L e cancer du recours abu-sif aux contrats de sous-

traitance est généralisé dansl’appareil gouvernemental »,lance M. Perron. Du mêmesouffle, il ajoute que les consé-quences sont dommageablesautant pour les professionnelsqu’il représente que pour lecontribuable québécois. « Aubout du compte, c’est la popula-tion qui se fait flouer», dénonce-t-il, affirmant que Québec ne sedonne pas les moyens de re-prendre le contrôle du déra-page des comptes publics. «Ondirait que le gouvernement tentede faire croire à la populationque tout va bien, alors que nosmembres constatent une trèsgrande dégradation de la qua-lité de l’expertise que l’on peutoffrir», affirme-t-il.

Un problème généraliséAccélérer les ef for ts d’ac-

croissement de l’expertise in-terne au ministère des Trans-ports du Québec étaitl’une des 60 recomman-dations issues de lacommission Charbon-neau. Tout comme lefait de permettre à tousles donneurs d’ouvragepublics de consoliderleur expertise internee n c o n s t r u c t i o n .« Même après la com-mission Charbonneau, les genscontinuent à déplorer le manqued’expertise et le manque de trans-parence», détaille le présidentdu SPGQ. Pour lui, le gouverne-ment québécois ne cherche pasà corriger la situation. «Si nousn’avons pas assez d’expertise, onse fait flouer par les sous-traitantsprivés sur lesquels l’État n’a au-cun contrôle, et ils en profitent»,développe M. Perron, illustrantses propos avec de multiples si-tuations récentes, à l’instar du«bordel informatique». «Le pre-mier ministre ne fait toujoursrien pour corriger les dérapageset les gaspillages de puits sansfond que sont les projets informa-tiques au gouvernement du Qué-bec», s’insurge-t-il.

De même, l’Immigration n’apas é té épar gnée par l escoupes budgétaires, où despostes ont été supprimés et desbureaux fermés. Le ministèreconfie depuis quelques annéesà des organismes communau-taires des fonctions de francisa-tions et d’intégration des immi-grants. «On se retrouve avec unministère qui n’est pas capablede remplir sa mission, au diremême des organismes commu-nautaires à qui on donne la res-ponsabilité de faire le travail quidevrait être fait par le ministère,lance M. Perron. Le gouverne-ment disait vouloir poser cesgestes pour atteindre des ciblesd’intégration des immigrants etde francisation, mais les don-nées montrent que les cibles nesont pas du tout atteintes et quec’est pire qu’avant.»

Il mentionne un autre sec-

teur touché, celui du ministèred e l a S é c u r i t é p u b l i q u e .«Quand il y a eu la crise du ver-glas, le ministère a fait uneétude interne qui disait qu’il de-vait y avoir au moins 70 em-ployés à temps complet à la di-

rection des opérations, eton avait constaté en2013 qu’ils n’étaient que47, raconte M. Perron.Depuis, rien n’a été faitet quand j’ai revérifiél’état de la situation pen-dant la crise des inonda-tions, ils étaient rendusà 37.» Il se dit particu-lièrement inquiet de

voir que le gouvernement sem-ble jouer avec la sécurité de lapopulation québécoise.

Dépasser le statu quo« Il faut s’attaquer au phéno-

mène de façon globale, pourl’ensemble de l’expertise au gou-vernement du Québec et nonpas seulement réagir à des scan-dales qui font la une, penseM. Perron. Sur le terrain, il y aencore cette rigidité, cette pré-tention de dire que tout va bien,alors que les gestionnaires nesont pas capables d’embaucher.»Pour le syndicat, une seulevraie solution pourrait régler leproblème: le réajustement dessalaires aux valeurs courantes.Selon le SPGQ, il existe au-jourd’hui un écar t salariald’une moyenne de 23 % entreun professionnel du gouverne-ment du Québec et un profes-sionnel d’une autre administra-t ion publique québécoise,comme les municipalités oules universités. « On ne parlemême pas du privé parce queles comparaisons seraient en-core plus désavantageuses »,glisse-t-il. Le gouvernement af-firme vouloir embaucher, maisla rétention s’avère dif ficile,car dans les faits, les expertsse retournent souvent vers leprivé pour avoir une rémunéra-tion supérieure. Pour M. Per-ron, il est très urgent que Qué-bec rectifie le tir. «Cela fait ensor te qu’on crée une fonctionpublique parallèle, qui n’est pasredevable, qui est moins efficaceet qui coûte les yeux de la tête»,conclut le président du SPGQ.

ISTOCK

Des organismes communautairess’occupent de la francisations desimmigrants à la place du ministèrede l’Immigration.

Richard Perron

Page 5: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

S YND I C A L I SMEL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 6 E T D I M A N C H E 1 7 S E P T E M B R E 2 0 1 7 H 5

•�������������� ���������������• A���� �������� ���������� ��������������

• A������������ �� • T���������� ���• ����������������������������� ������� �� �� ����

���� ��saisentinelle.ca ���� � �������� 1 888 370-2015

L’engagement de la CSN

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

Collaboration spéciale

En juin dernier se tenait l’important congrèsde la CSN. De nombreuses propositions y

ont été adoptées et un plan de travail a été déve-loppé. C’est le signe que les luttes syndicalesviennent de franchir une nouvelle étape. «On aquitté l’époque de la lutte contre l’austérité, pasparce qu’on ne ressent plus les ef fets des coupes,mais parce que le gouvernement se trouve mainte-nant dans une conjoncture politique et écono-mique plutôt favorable avec un taux de chômagetrès bas», déclare Jacques Létourneau, président

de la CSN. On recommencemême à voir de nouvelles em-bauches dans le secteur public.«Il faut dire que le gouvernementavait tellement coupé qu’il estmaintenant obligé d’embaucher,alors que, dans certaines régions,c’est quasiment le plein emploi.»

Pour les prochaines années, lephénomène soulève la difficilequestion du déficit démogra-phique lié à la main-d’œuvre, un

défi que devront relever tant les syndicats que lesgouvernements. Dans le contexte, Jacques Lé-tourneau s’explique mal l’ampleur du débat qui acours actuellement au Québec autour de l’immi-gration: «On sait très bien qu’au Québec, dans lesprochaines années, si on n’ouvre pas les frontières,on va avoir deux ou trois problèmes, et pas seule-ment pour des emplois généraux, mais pour des em-plois de techniciens et de professionnels», lance-t-ilspontanément.

Le président revient sur la conjoncture actuelleet les finances publiques. Il souhaiterait des réin-vestissements massifs en éducation, en santé etdans les infrastructures. Pourtant, ce qu’on ob-serve actuellement, c’est une certaine lenteur àréaliser ces réinvestissements: «Ce gouvernementest arrivé à l’équilibre budgétaire assez rapidementet c’est à coups de milliards de dollars qu’il trans-fère ses surplus au Fonds des générations. Depuisdes années nous disons que, oui, c’est importantd’équilibrer les finances publiques, mais qu’il fautaussi investir dans les programmes et dans les ser-vices», affirme-t-il. Il faudrait que le Québec soitcapable de se sortir de la logique des agences denotation. «Le gouvernement prétend toujours que

c’est la décote qui nous menace. On est à la solde decette logique alors que, dans les faits, on veut ungouvernement responsable, capable de mettre sonpied à terre et dire, oui, on fait du ménage dans lesfinances publiques, mais ce n’est pas vrai qu’on vaappauvrir et frapper les plus démunis. C’est un en-jeu pour le mouvement syndical.»

Une année électoraleLe 65e congrès de la CSN de juin dernier a ac-

couché d’un manifeste intitulé Voir loin, viserjuste. Ambitieuse, cette déclaration demande lasécurité du revenu tout au long de la vie, le dé-veloppement de l’économie et d’emplois de qua-lité, le contrôle des services publics, la luttecontre les changements climatiques et le ren-forcement de la démocratie. Dans une annéeélectorale, publier un tel manifeste n’est pas ungeste anodin. La CSN est une organisation syn-dicale qui ne fait pas de politique partisane, pré-cise M. Létourneau : «On ne dit pas à nos mem-bres comment voter… Mais on fait tout le reste ! »À l’arrivée du printemps, la Centrale souhaites’activer un peu plus sur le terrain pour se pré-parer aux élections en octobre.

La carte du territoire québécois est diversi-fiée et chaque groupe, chaque région a des en-jeux qui lui sont propres. «On veut proposer aux

travailleurs d’aller interpeller les candidats detous les partis sur un enjeu bien précis qui reflèteleur réalité», explique Jacques Létourneau. Quece soit les travailleurs de la SAQ qui s’inquiètentd’un dérèglement ou d’une privatisation ou en-core ceux du secteur manufacturier qui sontpréoccupés par les conséquences de la renégo-ciation de l’ALENA… La CSN demandera doncà chaque syndicat de recenser les priorités deleur secteur : «On veut partir du terrain, avec lesdemandes des gens. C’est ce qu’on veut por terdans le cadre de la campagne électorale et onveut travailler sur une base régionale et on veutle faire simplement», déclare le président.

Les nombreux mandatsSi la Centrale s’intéresse de près à la poli-

tique, ce n’est qu’une partie de son mandat.L’automne ramènera une intensification de cer-taines négociations de contrat de travail, entreautres dans le secteur ambulancier, avec lesagents correctionnels du fédéral et dans lescentres de la petite enfance.

Depuis quelque temps déjà, la CSN travailleavec les syndicats du secteur privé ; commerce,vente au détail, manufacturier et les finances. Cetautomne se tiendra un colloque sur le numé-rique, un enjeu syndical important. Encore au-jourd’hui, ce secteur est imperméable à la syndi-calisation. Jacques Létourneau donne l’exemplede l’industrie du jeu vidéo, un secteur difficile àsyndiquer de façon traditionnelle : « On se ditqu’on devrait peut-être permettre une certaine cou-verture. À une époque, on appelait ça des décretsde convention collective. » Cette loi, aujourd’huiabandonnée, permettait au gouvernement de dé-créter qu’une convention collective relative à unmétier, à une industrie, à un commerce ou à uneprofession lie également tous les salariés et tousles employeurs professionnels du Québec.

L’autre sujet qui préoccupe actuellement denombreuses organisations syndicales et qui estamené par la CSN est la question des agencesde placement. « On est la seule province cana-dienne qui n’a pas encore de loi sur le sujet, re-lève le président. Avec les agences de placement,on est parfois dans une dynamique qui frise l’es-clavage où l’on emploie des gens sans même sa-voir s’ils ont des permis de travail alors s’ils seblessent au travail… Le premier ministre a pro-mis d’agir sur le sujet, on va suivre ça de près. »

Après des années de luttes syndicales dans un climat d’austérité, en 2018, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) compte dé-

ployer des efforts considérables pour faire avancer des causes, développer de nouveaux concepts et, pourquoi pas, se renouveler. Le pré-

sident de la centrale, Jacques Létourneau, se dit prêt pour de nouveaux défis.

ISTOCK

Pour Jacques Létourneau, l’industrie du jeu vidéo estdifficile à syndiquer de façon traditionnelle.

JacquesLétourneau

trous dans la Loi sur les normesoù les droits ne sont pas suf fi-sants et où la qualité de vie n’estpas au rendez-vous.»

D ’ a i l l e u r s , c e s o n t l àquelques-unes des raisonspour lesquelles la CSQ, demême que plusieurs centrales,se sont impliquées dans lacampagne 5-10-15 menée pardes groupes de défense de tra-vailleurs non syndiqués.

La campagne 5-10-15« 5 » pour connaître son ho-

raire de travail cinq jours àl’avance, «10» pour le nombrede jours de congé payés en casde maladie ou de responsabili-tés familiales, et finalement«15» pour la hausse du salaireminimum à 15 $ l’heure. C’estsimple et éloquent tout à la fois.Mais derrière la formule-chocse cache la réalité de nom-breux travailleurs québécois.

Mélanie Gauvin, du Frontde défense des non syndiquéset por te-parole de la cam-

pagne, en est convaincue : «Cesont trois revendications impor-tantes, dont deux, le 5 et le 10,vont revêtir un caractère parti-culier dans le cadre de la ré-forme de la Loi sur les normesdu travail parce qu’elles de-mandent une modification à laloi. » Rappelons que le taux dusalaire minimum est fixé parrèglement et qu’il n’est doncpas nécessaire de mo-difier la Loi pour lehausser.

Pour cer tains tra-vailleurs, l’exigenced’obtenir un horairede travail cinq jours àl’avance est primor-diale et actuellement,r i e n d a n s l a l o in’oblige un employeurà le faire. « Avec une intensifi-cation du travail et les modifi-cations du marché axé sur laflexibilité, on demande beau-coup de disponibilité aux tra-vailleurs », rappelle MélanieGauvin. Et dans certains sec-teurs, c’est encore plus évi-dent, par exemple dans le casdes entreprises qui font af-faire avec les agences de pla-cement. « On va par fois de-

mander des disponibilités de sixà sept jours par semaine », ra-conte la porte-parole. Et avecles outils de communicationqu’on a maintenant, ajoute-t-elle, on s’attend à ce que lesgens soient au bout du fil.

La Loi sur les normes dutravail prévoit certaines dispo-sitions concernant les jour-nées de maladie : « On peut

s’absenter du travailsans risque de se fairecongédier. Par contre,ces journées ne sont paspayées », précise Méla-nie Gauvin. La cam-p a g n e 5 - 1 0 - 1 5 d e -mande des congés demaladie ou de respon-sabilité payés : « S’ab-senter peut devenir un

facteur appauvrissant pour cer-tains travailleurs, et ça toucheparticulièrement les femmes »,af firme-t-elle. En 2016, lesfemmes se sont absentéespour responsabilités familiales7 4 h e u r e s , a l o r s q u e l e shommes se sont absentés19,5 heures.

C’est cet automne qu’onverra si une loi refondue ré-pondra aux attentes.

SUITE DE LA PAGE H 3

NORMES

L’IRIS soutient que le commerce du cannabispar la SAQ engendrerait environ 457 millionsde dollars de dividendes pour l’État québécois.

«Pour éviter qu’une grande partie des excédentsde la vente de cannabis récréatif ne se retrouve dansle fonds consolidé et qu’on en perde la trace, il fau-drait créer une véritable filiale, dont la comptabilitéserait distincte de celle du réseau de vente d’alcool,explique Pierre-Guy Sylvestre. L’entièreté des excé-dents devrait être versée dans des mesures de réhabi-litation, de sensibilisation ou de prévention.»

Ne pas partir de zéroL’économiste admet que si la pertinence de

confier la distribution du cannabis récréatif àune société d’État relevant du MSSS comptebeaucoup de partisans, le rôle de la SAQ, lui,est plus contesté.

Pourtant, il reste convaincu qu’il s’agit dumeilleur véhicule pour atteindre les objectifs dugouvernement le plus efficace-ment possible et au meilleurcoût. La SAQ a déjà une exper-tise dans la distribution àgrande échelle, une main-d’œu-vre, des installations et deséquipements. Elle pourrait ra-pidement assumer l’achat, ladistribution, l’entreposage et lecontrôle de la qualité, ce qui,selon l’économiste, assurerait àl’État de faire des économiesd’échelle, comparativement à la mise sur pied àpartir de zéro d’une nouvelle société d’État.

C’est aussi l’avis de l’IRIS et de la CSN. Dansson rapport de décembre dernier, l’IRIS évalueque la commercialisation du cannabis par laSAQ créerait 982 emplois, tout en offrant plusde dividendes à l’État et en assurant un encadre-ment plus responsable de la vente de ce produitdélicat pour la santé publique. La CSN assurede son côté depuis plusieurs mois que la SAQ atout ce qu’il faut pour relever cette mission.

Rappelons que les employés des bureaux etmagasins de la SAQ sont syndiqués à la CSN,alors que ceux du centre de distribution de Qué-bec et Montréal et de la Maison des Futailles lesont au SCFP. Alors, corporatiste, la position deces deux syndicats ? Pierre-Guy Sylvestre s’endéfend avec véhémence. «C’est un enjeu social,lance-t-il. Ce n’est pas une surprise que nous défen-dions le service public, nous le défendons partout.Nous croyons que d’un point de vue de santé pu-blique, il est important que l’alcool et le cannabissoient contrôlés par un service public.»

SUITE DE LA PAGE H 3

CANNABIS

Louise Chabot

Pierre-GuySylvestre

Page 6: CAHIER SPÉCIAL H Syndicalisme - Le Devoir€¦ · Syndicalisme LES SAMEDI 16 ET DIMANCHE 17 SEPTEMBRE 2017 CAHIER SPÉCIAL H ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Les participants à la

S Y N D I C A L I S M EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 1 6 E T D I M A N C H E 1 7 S E P T E M B R E 2 0 1 7H 6

LES ÉLÈVES NE SONT PAS TOUS PAREILSUne approche plus humaine

de l’éducation est essentielle. Au-delà des statistiques,

il faut penser réussite éducative. Le gouvernement doit soutenir

par des moyens concrets les élèves et le personnel.

PASSONS DE LA PAROLE AUX ACTES

lacsq.org

É M I L I E C O R R I V E A U

Collaboration spéciale

P rocessus de griefs, accidents de travail, pro-jections de revenus à la retraite… Voilà des

documents qui, en plus de nécessiter un traite-ment confidentiel, génèrent quantité de pape-rasse pour les organisations syndicales québé-coises. Conçu spécialement pour ces dernièrespar Les Services actuariels SAI, le nouveau sys-tème de gestion de membre Sentinelle permetd’éliminer graduellement la tenue des dossierspapier en transférant le tout directement enligne. Pour ses utilisateurs, il s’agit là d’une pe-tite révolution grandement attendue.

«Au Québec, beaucoup de syndicats ont des ou-tils dif férents pour gérer chacune de leurs opéra-tions. Ces systèmes-là ne sont pas connectés entreeux, et c’est souvent problématique. Sentinelle aété conçu pour permettre aux élus syndicaux degérer beaucoup plus ef ficacement l’ensemble deleurs activités », explique Julien Perreault, asso-cié chez Les Services actuariels SAI et respon-sable du système de gestion.

Développé en 2015, puis mis sur le marchéen 2016, Sentinelle fait maintenant partie duquotidien d’une vingtaine d’organisations syn-dicales québécoises, lesquelles regroupentquelque 25 000 membres. L’Association despompiers de Montréal est l’une d’entre elles.

«On a adopté Sentinelle en janvier dernier eton est vraiment content de l’avoir fait ; ça nouspermet de numériser l’ensemble de nos dossiers.Tout est centralisé, et les dossiers sont beaucoupplus faciles à retrouver», confie Chris Ross, vice-président de l’Association.

Les coûts et les modalités d’utilisation dusystème étant flexibles selon les besoins dessyndicats, Sentinelle a le potentiel de conver-tir au numérique nombre d’organisations àtravers la province.

«C’est un système qui est accessible aux syndi-cats de toutes tailles ; il a vraiment été conçupour répondre à dif férents besoins », commenteM. Perreault.

Au cours des prochaines années, les respon-sables du système de gestion espèrent attein-dre 100 000 membres.

SENTINELLE

L’ère des dossierspapier tire à sa fin!

FIQ

2000 infirmières praticiennes spécialisées d’ici 2024: un objectif incertain

S T É P H A N E G A G N É

Collaboration spéciale

M algré les bonnes intentions du ministreBarrette, à ce jour, le constat est plutôt dé-

cevant, selon Nancy Bédard, vice-présidente dela Fédération interprofessionnelle de la santédu Québec (FIQ). «Rien ne nous indique qu’onpourra atteindre l’objectif de 2024», dit-elle. Se-lon la FIQ, le nombre de finissantes (70) ainsique les admissions aux divers programmes deformation sont insuffisants.

De plus, le nouveau règlement de l’Office desprofessions qui a fait l’objet de consultations enjuin dernier n’offre pas les responsabilités sou-haitées aux IPS, selon Mme Bédard, qui espèreque la version définitive du règlement, atten-

due prochainement, sera diffé-rente et accordera plus de res-ponsabilités aux IPS.

Pour la FIQ, il subsiste en-core trop de freins et d’obsta-cles à la profession des IPS.«Bien que les IPS pourront pres-crire certains médicaments, leCollège des médecins s’oppose àl’obtention de plusieurs autresresponsabilités habituellement

dévolues aux IPS », déplore Mme Bédard. Parexemple, les IPS ne pourraient pas faire elles-mêmes une demande de consultation auprès demédecins spécialistes et elles ne pourraient pasremplir les formulaires de la Société de l’assu-rance automobile du Québec ni ceux de la Com-mission des normes, de la santé et de la sécu-rité au travail (CNSST) pour les patients qui re-quièrent ces services. Il leur serait aussi impos-sible de donner des congés médicaux à des pa-tients ni de dispenser des traitements auxpersonnes atteintes de maladies chroniques.

Le difficile chemin de l’autonomieMme Bédard déplore aussi le manque d’autono-

mie des IPS dans l’exercice de leur profession.«Les IPS dépendent encore trop souvent des méde-cins dans l’exercice de leur profession, dénonce-t-elle. Seulement 30% d’entre elles disent avoir unepratique autonome.» L’emprise des médecins surles IPS se fait encore plus sentir dans lesGroupes de médecine familiale (GMF), le mo-

dèle de dispensation de soins privilégié par le mi-nistre Barrette. «C’est là que l’on trouve le plus defreins à leur pratique», affirme Mme Bédard.

Une formation exigeanteSi le règlement de l’Office des professions

est adopté tel quel, la FIQ craint que celapuisse démotiver les infirmières à se formerpour devenir IPS. « Certaines IPS se plaignentdéjà du peu de différence entre leur pratique an-térieure comme infirmière et leur pratique ac-tuelle », déplore Mme Bédard.

Devenir IPS pour une infirmière représentepourtant un important investissement en tempset en efforts. Par exemple, à l’Université Laval,la formation se donne dans le cadre d’une maî-trise de deux ans. Elle comprend six sessions àtemps complet, été compris. Deux stages de sixmois en milieu clinique doivent aussi être réali-sés à l’intérieur de cette formation.

Des conditions de travail difficilesEn ce qui concerne les conditions de travail,

un comité de la FIQ travaille avec le ministèrepour les améliorer. En ce moment, ces condi-tions demeurent difficiles. «On ne rémunère pasles heures supplémentaires et il est impossible de leprendre en congé, car souvent, il n’y a personnepour remplacer les IPS», mentionne Mme Bédard.

Le salaire demeure une autre pierre d’achop-pement. « Il est plus bas qu’en Ontario et pour-tant, les IPS ontariennes sont moins bien forméestout en ayant une plus grande autonomie », ditMme Bédard.

Les IPS doivent aussi suivre 80 heures de for-mation continue tous les deux ans. Or, ellessont souvent incapables de se libérer du tempspour faire ces heures durant la semaine, et doi-vent alors suivre cette formation durant lesweek-ends. Enfin, les IPS font souvent lesheures les moins intéressantes dans les cli-niques (ex. : le soir, la fin de semaine).

Pour la FIQ, à l’heure actuelle, les responsa-bilités confiées aux IPS sont donc inférieuresaux attentes, les conditions de travail restentdifficiles et l’objectif de 2000 IPS pour 2024, fixépar le ministre Barrette, incertain.

ISTOCK

Sentinelle permet d’éliminer graduellement la tenuedes dossiers papier en transférant le tout directementen ligne.

ISTOCK

Devenir IPS pour une infirmière représente un important investissement en temps et en efforts.

En mars dernier, le ministre de la Santé

et des Services sociaux, Gaétan Barrette,

annonçait la formation de 2000 infir-

mières praticiennes spécialisées (IPS)

pour 2024. L’opération vise à améliorer

l’accès aux soins de santé en permettant

à ces infirmières de poser des actes

jusqu’ici réservés aux médecins. Sept

mois après cette annonce, qu’en est-il de

la situation ? Mise à jour.

le 5 et le 10, mais pas le 15. Parceque pour nous, le 15 est primor-dial et c’est sans doute celui quenous aurons le plus de difficulté à

aller chercher. »Car Québec a annoncé vouloir

moderniser la Loi sur les normesdu travail cet automne et la FTQ abon espoir dans plusieurs dossiers.«Le gouvernement a annoncé que ceserait son année sociale. Les fi-nances vont bien et il y a des élec-tions à l’horizon, commente le pré-

sident de la FTQ. Tout cela peutjouer en notre faveur. Nous devonsdonc continuer à pousser sur les dos-siers qui nous paraissent primor-diaux. En espérant que Québec fasseles bonnes annonces.»

En plus du salaire minimum, laFTQ insiste sur le fait que lesclauses de disparité de traitement

doivent disparaître tant au niveaudes assurances que des régimes deretraite, et que la Régie des rentesdu Québec doit être bonifiée pours’aligner sur le régime des autresprovinces. «Sur ces dossiers, on nes’est pas encore fait dire non, conclutM. Boyer. Alors on se dit que peut-être, les astres sont alignés.»

SUITE DE LA PAGE H 1

5-10-15

Nancy Bédard

Seulement 30% [des IPS]disent avoir une pratiqueautonomeNancy Bédard, vice-présidente de la FIQ

«»