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Territoire Écrins L ES CAHIERS THÉMATIQUES DU P ARC NATIONAL Les galliformes Poules et coqs de montagne

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Territoire ÉcrinsL E S C A H I E R S T H É M A T I Q U E S D U P A R C N A T I O N A L

Les galliformesPoules et coqs de montagne

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N ° 2 - D É C E M B R E D E U X M I L L E S I X

Oiseaux rares

Des milliers et des milliers d’heures à traquer l’improbable, l’invisible, à tendre l’oreille en ten-tant de faire abstraction du vent et du bruit du torrent. Des milliers d’heures, les plus belles,celles du tout petit matin, celles du printemps. Des heures et des heures, année après année,

pour connaître, pour essayer de comprendre.

La nature ne se livre pas facilement, tout le monde le sait, les galliformes non plus. Pour ces oiseaux-là, cesoiseaux de montagnes, la nature réserve à qui veut voir, à qui veut savoir, ce qu’il y a de plus difficile : dépla-cements de nuit, pente, altitude, vent, neige, froid. Et comme pour rendre plus ardue la tâche de l’obser-vateur, elle a doté ces oiseaux d’une discrétion légendaire.

Les galliformes de montagne sont les cousins sauvages et montagnards de nos poules et coqs de basses-cours. En plus d’être discrets et farouches, ce sont des oiseaux rares, tout du moins en voie de raréfac-tion. Moins emblématiques que l’aigle, le chamois, la marmotte ou le bouquetin, ils sont pourtant de véri-tables montagnards, éléments des patrimoines naturels et culturels du massif. C’est à ce titre que le Parcnational des Écrins conduit depuis plus de 20 ans des travaux qui sont à l’origine d’un fonds de connais-sance aujourd’hui important.

Après les glaciers, ce deuxième « cahier thématique » vous propose donc de découvrir les quatre espècesde galliformes présentes sur le massif, de faire le point sur les acquis mais aussi sur les questions qui res-tent en suspens.

Les espaces d’altitude sont aujourd’hui beaucoup plus convoités qu’hier, ils sont soumis à des usages dif-férents, parfois nouveaux. Les milieux évoluent, se ferment, le climat change. Quelle est la part de chacunde ces facteurs sur les populations de galliformes ? Comment évoluent ces populations ? Sont-elles enbon état de conservation ? Faut-il intervenir et si oui, où et comment ? Autant de questions auxquelles leParc national travaille et tente de répondre dans le cadre de l’Observatoire national des galliformes.

Fidèle à la collection, ce cahier vous présente ce travail de suivi au long cours, conduit sur le territoire quiabrite le parc national : le massif des Écrins. Un travail collectif toujours, celui de l’équipe du Parc qui, surce sujet, travaille dans le cadre plus large d’un réseau, avec les plus grands spécialistes nationaux commeavec de nombreux partenaires et bénévoles.Enfin, parce que les galliformes sont à la croisée de toutes les activités humaines qui s’exercent sur leurespace de vie, le point de vue d’une large palette d’acteurs de ce territoire accompagne le propos général.

Toute l’équipe du Parc national vous souhaite une bonne lecture, avec l’espoir secret que chacun puisseprendre conscience des enjeux qui se trament là-haut et dont on parle si peu.

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sommaire Peintures de Kim ATKINSONextraites de la collection «Art et Nature»,réalisées par l’artiste invitée en résidence sur le territoire du Parc national des Écrins.

Cartes de répartition 4-5

Galliformes de montagne 6Un air de famille 6

Fiches espèces 10Le tétras-lyre 10Le lagopède alpin 11La gélinotte des bois 12La perdrix bartavelle 13

Des milieux de vie très convoités 14

De la connaissance à la préservation 16Un réseau national à l’écoute des galliformes 16Un recueil de connaissances structuré 17Des résultats contrastés 20

Agir... 24Espèces fragiles mais espèces gibier 24Des câbles aériens meurtriers 26Partager la connaissance et sensibiliser 27Le tétras-lyre et le mouton : il était une fois... 28Les galliformes en question 31

Connaître pour bien agir 32par Ariane Bernard-Laurent

Annexes 35GlossairePour en savoir plus

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Couverture : couple de lagopède en plumage d’intersaison - Photo R. Chevalier, Parc national des Écrins

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Observations récentes (moins de 10 ans)

Observations de plus de 10 ans

Observations récentes (moins de 10 ans)

Observations de plus de 10 ans

Observations récentes (moins de 10 ans)

Observations de plus de 10 ans

Observations récentes (moins de 10 ans)

Observations de plus de 10 ans

Répartition des quatre espèces de galliformesdans le massif des Écrins

Les observations dépendent de la pression d’observation et de la répartition des oiseaux

Tétras-lyre Lagopède alpin

Perdrix bartavelle Gélinotte des bois

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Localisation des sites de référencedu massif des Écrins

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Cousins d’ici et d’ailleurs

Les galliformes sont présents sur lapresque totalité des continents ; sché-matiquement, ils se répartissent entrois groupes :Les faisans et les perdrix (phasiani-dés) occupent l’Asie et l’Afrique maisaussi l’Europe pour quelques espècescomme les perdrix rouge, grise et barta-velle.Les lagopèdes sont répartis dans l’hé-misphère nord. Le lagopède des Alpes(Lagopus mutus) a plusieurs prochesparents dont le lagopède des saules(Lagopus lagopus) présent en Europe etaussi en Amérique du Nord ; cette der-nière région possède les deux lagopèdescités mais également le lagopède àqueue blanche (Lagopus leucorus).Tous ces lagopèdes ont un cousin insu-laire, le lagopède d’Écosse (Lagopuslagopus scoticus).Gélinotte et tétras sont de vieux com-pagnons de l’Europe, qu’ils occupentdepuis des millions d’années. Parmi lestétraonidés, les gélinottes comptent plu-sieurs espèces en Amérique du Nord etune seule espèce en Europe, la gélinottedes bois.

Répartition

Seulement quatre espèces de galli-formes de montagne vivent aujourd’huidans les Alpes françaises et le parcnational des Écrins en particulier. Legrand tétras et la perdrix grise ont dis-paru des Alpes au cours du XXe siècle.

La gélinotte des bois Bonasa bonasiaEspèce paléarctique, elle est présentedans les pays scandinaves, l’Europe del’Est et les montagnes d’Europe tempé-rée. En France, on la trouve dans l’est dupays, Ardennes, Jura, Alpes et jusquedans le Var et les Alpes Maritimes.

Le lagopède alpin Lagopus mutusLe lagopède alpin est l’espèce arc-tique par excellence. Il est présent surtoute la zone circumpolaire d’Europe,d’Asie et d’Amérique. En Europe, onle trouve en Suède, en Norvège, dansle nord de la Finlande, en Écosse, enRussie, dans les Alpes et dans lesPyrénées où vit une sous-espèce par-ticulière (Lagopus mutus pyrenaicus)différente de la sous-espèce alpine(Lagopus mutus helveticus).

Le tétras-lyre Tetrao tetrixLe tétras-lyre occupe tout le nord del’Eurasie, de l’Atlantique au Pacifique. Ilest présent sur l’ensemble de la chaîne alpine jusque dans les Balkans.En France, hormis un noyau relictuel surle plateau ardennais, il est cantonnédans les Alpes.

La perdrix bartavelleAlectoris graeca saxatilis L’aire de distribution de cette espèceméridionale s’étend de l’arc alpin auxAlpes dinariques jusqu’à la Grèce, auxApennins et à la Sicile. En France, elleoccupe toutes les Alpes, à l’exception decertains chaînons préalpins des Alpes duNord où sa présence est sporadique.

Galliformes de montagne :un air de famille

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En France, on distingue quatre espècesde tétraonidés : la gélinotte des bois, lelagopède alpin, le tétras-lyre, le grandtétras et cinq espèces de phasianidés(perdrix, faisans et apparentés) : la per-drix bartavelle, la perdrix rouge, la per-drix grise, la caille des blés, le faisan dechasse ou faisan de Colchide.L’hybridation entre les perdrix rouges etbartavelles est fréquente au niveau de lazone de contact entre les deux espèces.

Les oiseaux au plumage et à la tailleintermédiaires entre perdrix rouge etbartavelle, qui vivent dans la zone d’hy-bridation située sur la bordure des Alpesméridionales françaises, sont appelésperdrix rochassières.Par ailleurs, des espèces voisines intro-duites ici ou là (colin de Virginie, perdrixchoukar, faisan doré, etc...) peuventmalheureusement s’hybrider avec lesespèces autochtones.

Certains phasianidés ont fait l’objet dedomestication. Les moins farouches sontaujourd’hui nos proches compagnons debasse-cour comme la poule ou le dindondomestique mais les tétraonidés sonttous restés "sauvages".

L’ORDRE DES GALLIFORMES (DE GALLUS : COQ, POULE) REGROUPE DES OISEAUX DE TAILLEVARIABLE, DE LA CAILLE DES BLÉS AU GRAND TÉTRAS. IL EST SUBDIVISÉ EN PLUSIEURS FAMILLESDONT DEUX SONT REPRÉSENTÉES EN EUROPE : LES TÉTRAONIDÉS ET LES PHASIANIDÉS.

Lagopède alpin

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Habitat

En montagne, l’altitude et l’expositionconstituent les éléments essentiels dela distribution des milieux et notam-ment de l’étagement de la végétation.Les préférences des espèces suiventcette organisation. Pour les quatreespèces concernées par cet ouvrage,on peut distinguer deux types d’habi-tat principaux : les milieux forestierset les milieux ouverts ou semi-ouverts.

Les milieux forestiersLa partie basse des versants, l’étagemontagnard entre 1000 m et 1600 m,est occupée par les forêts de feuillus,pures ou mêlées de résineux. C’estparmi les forêts de résineux mêléesde bouleaux, noisetiers, érables oualisiers que se cache la très discrètegélinotte des bois, dont le nom alle-mand "Hazelhuhn" (poule des noise-tiers) évoque bien l’habitat.La partie supérieure de la forêt de rési-neux, l’étage subalpin entre 1600 m et2300 m, se mélange aux alpages d’al-titude et constitue ce que les bota-nistes nomment la zone de combat.Les boisements de mélèzes, de pins àcrochets ou d’aroles alternent avecles pelouses d’altitude et les landes àmyrtilles et rhododendrons. Le tétras-lyre affectionne cette mosaïque demilieux où il trouve à la fois sa nourri-ture et les arbres et buissons qui lui

servent de refuge. La persistance dela neige ne le gêne pas.

Les milieux ouverts ou semi-ouvertsÀ l’adret - versant exposé au soleil -les activités humaines ont façonnédes paysages variés où l’on distinguedes terrasses bordées de clapiersd’épierrement, des reposoirs à mou-tons, des prairies fauchées ou pâtu-rées, avec quelques arbres isolés etdes buissons (genévrier nain, callune,myrtille…). On y trouve égalementdes escarpements rocheux, despelouses parsemées de gros blocs ouencore des éboulis. L’hiver, la neigen’y persiste pas longtemps. La perdrixbartavelle, espèce méridionale, occu-pe sur ce versant toutes les altitudesau rythme des saisons.Les lagopèdes sont de vrais habitantsdes pays du Nord. Quand on montevers le cercle polaire, la températuredécroît à chaque changement de

latitude, la forêt régresse et laisse laplace à de maigres prairies de joncset de carex, parsemées de bosquetsd’arbrisseaux. Un milieu que les lago-pèdes retrouvent sur les ubacs dumassif alpin, au-dessus de 2000 md’altitude et qu’ils ne quittent jamais.C’est le domaine du froid, du vent etdes neiges éternelles. Les étenduesd’alpages, les landines à arbrisseauxnains et les éboulis sont pour eux lazone la plus attractive.

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Une rencontre avec Jean Guillet, c’est une rencontre avec la montagne, avec lafaune, avec l’envie de connaître, d’approfondir, d’expérimenter, de voir de ses yeuxet de partager pour trouver réponse aux questions qu’on se pose.Ce guide de haute montagne, chasseur en son temps, devenu photographe, taxi-dermiste par nécessité, s’est depuis toujours passionné pour les galliformes.Quand il s’interroge sur cette passion, il évoque leurs formes pleines et surtout lesformidables adaptations de ces oiseaux à la montagne, leur esthétique naturelle

tout au long des cycles de leur vie.Il va d’abord s’intéresser au tétras-lyre et à force d’affûts et d’observations silencieuses, il réalise ses pre-mières images. Et quelles images !Les livres, les rencontres avec les autres naturalistes de terrain, les études sur le sujet, sont autant d’oc-casions pour approfondir. La photographie le porte aussi vers le lagopède. Mettre en image un oiseauau plumage de neige dans un environnement de neige, c’est à la fois un défi et une esthétique desmatières. Comportements et adaptations ne cessent de le fasciner et c’est à la gélinotte que Jean "s’at-taque" désormais. Il nous raconte la lecture des livres des meilleurs spécialistes, puis leur rencontre, puisles sorties de terrain avec eux et combien les observations faites en commun sont source d’enseigne-ments, comment il a fini par savoir imiter le chant de la gélinotte et la rappeler.Les photographies parlent d’elles-mêmes, mais disent-elles à beaucoup, les heures, les jours, les nuits, lesbivouacs, les affûts, les lectures, les voyages ?La connaissance est à ce prix. Jean est loin de considérer tout connaître et voue à tous les naturalistesune grande admiration. Pour la bartavelle comme pour les autres espèces, il n’est pas avare d’informa-tions, aussi bien avec l’ONCFS qu’avec les gardes-moniteurs du Parc qui partagent sa passion. Il partici-pe à de nombreuses formations des professionnels de la montagne et considère que la sauvegarde desespèces passe par cet échange de bon aloi. Jean ne conteste pas que les choses ont changé, mais aconfiance en la volonté des hommes de sauvegarder ces espèces.La protection des habitats est indispensable et malheureusement la protection du Parc peu opérante pourles espèces liées à la forêt. La vigilance est de mise, surtout à propos du développement des pratiques moto-risées en montagne, quads et autres motos-neige. C’est peut être là l’évolution la plus préoccupante.

Pour le reste, la prise de conscience est générale et partagée. L’essentiel est de continuer à étudier pourcomprendre. La mise en commun des résultats et des connaissances serait un vrai progrès, un gage pourl’avenir, car les chapelles existent dans ce domaine, comme dans d’autres.

ÉCHANGER NOS EXPRÉRIENCESJean Guillet, un naturaliste passionné

Habitat typique du tétras-lyre Couple de Perdrix bartavelles sur une crêtedéneigée à l’adret

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Des déplacements limités

Les populations de galliformes dansles Alpes sont principalement séden-taires. On ne connaît pas de migra-teurs à l’exception de la caille desblés dont les populations, présentesdepuis l’étage collinéen jusqu’à l’éta-ge subalpin, font malheureusementl’objet de beaucoup moins d’atten-tion que celles de ses "cousins"sédentaires…Chez toutes les espèces alpines degalliformes de montagne, des dépla-cements individuels, qui peuventatteindre plusieurs dizaines de kilo-mètres, ont toutefois été mis en évi-dence. Il peut s’agir de déplacementssaisonniers, aléatoires ou plus régu-liers, d’une zone d’été à un secteurd’hivernage, d’une zone de paradesprintanières à un site de reproduction

ou encore d’individus pionniers à larecherche de territoires.

Des adaptationsremarquables

Proches des poules domestiques, lesgalliformes sont des oiseaux massifsavec une petite tête sur un corps rela-tivement gros et plutôt rond. Le bec estplus court que la tête, épais à la base.Les pattes, courtes et puissantes, por-tent des doigts aux griffes apparentes.Elles sont couvertes de plumes exclusi-vement chez les tétraonidés.Le plumage répond à la nécessitéd’isolation du froid dont ces oiseauxont besoin dans leurs refuges alpins.Certaines plumes de contour sontdoubles.La couleur du plumage varie selonl’espèce, le sexe ou la saison. Noir

aux reflets irisés chez le mâle dutétras-lyre (le coq), il est couleurfeuilles mortes chez la poule, ce qui larend pratiquement invisible dans sonmilieu.Chez le lagopède, il est blanc en hiveret gris doré en été, ce qui lui confèreun camouflage très efficace, sauf lorsdes hivers sans neige…

Sept lagopèdes "se cachent" dans ce pierrier… Ouvrez l’œil ! Réponse en page 35...

Détail d’un doigt de tétras-lyre. Un outilefficace pour marcher dans la neige dureou tenir sur une branche gelée.

camouflage très eff

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sauf lors des hivers

sans neige...

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Des oiseaux adeptes de lamarche

Les galliformes sont des oiseaux ter-restres adaptés à la marche qu’ilssemblent privilégier. Ils sont touscapables de voler. Leurs ailes courtes,propulsées par des muscles puis-sants, leur permettent un décollage"explosif" déroutant. En général,après l’envol brutal, le vol battu estrapide et direct, souvent prolongé parun plané-glissé plongeant. À de raresexceptions près, il ne conduit pas lesoiseaux très loin.En dépit de leurs pattes courtes, ils sedéplacent avec aisance et rapidité,même dans des terrains escarpés, surla neige dure ou dans les rochers.

Une alimentation parfois frugale

Végétarien ou insectivore, le régime ali-mentaire est adapté aux conditionslocales comme aux saisons. Certainesespèces ont développé des capacitésphysiologiques étonnantes. Par exemple,les tétras sont capables de digérer en

partie la cellulose des aiguilles de pinstirant ainsi profit des rares végétaux dis-ponibles en hiver dans leurs lieux de vieenneigés.

Tous à la parade

Comme chez de nombreuses espèces, lecycle de reproduction des galliformescommence au printemps et donne lieu dela part des mâles à desdémonstrations remar-quables. Les manifesta-tions vocales sont carac-téristiques de chacunedes espèces et pour cer-taines, comme le tétras-lyre, elles sont accompa-gnées de "danses" et deconflits territoriaux.Regroupés sur une"arène" sous le regardattentif des poules, lescoqs se livrent à descombats souvent spec-taculaires.Les femelles des galli-

formes, confiantes en l’excellent camou-flage que constitue leur plumage, nichenttoutes au sol et ne quittent les œufs qu’àl’approche d’un danger imminent.Les jeunes poussins quittent le nidquelques heures seulement après l’éclo-sion. Ils sont dits nidifuges. Comme chezla poule domestique, ils suivent alorsleur mère, à la recherche de nourritureconstituée de végétaux et de petitsinvertébrés.

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Luc Roudet est forestier dans le Valbonnais, secteur forestier s’il en est dans lemassif des Écrins. Les galliformes l’intéressent au même titre que toute la faunealpine qui compose l’écosystème forestier, son domaine professionnel. Ainsi, ilparticipe aux comptages des tétras et prend toujours plaisir à échanger avecles collègues du Parc.

Concernant la sauvegarde des galliformes, Luc Roudet ne se considère pas comme un spécialistemais il pense que l’évolution actuelle du milieu pourrait être favorable à la gélinotte et au tétras,c’est-à-dire pour les espèces qui ont le plus à voir avec l’espace forestier… Autrefois, tout le mondevivait dans et de l’espace forestier souligne ce passionnné de l’histoire locale. Dans une sociétéagropastorale assez repliée sur elle-même, les besoins étaient plus importants : la forêt «était man-gée» par le haut avec le pastoralisme et par le bas pour répondre à tous les besoins en bois dechauffage et de construction. La forêt était aussi un lieu prisé par les chasseurs de petits gibiers.

Aujourd’hui, bien des versants bénéficient d’une vraie quiétude. Une réalité qui touche plus spéci-fiquement le Valbonnais et qui n’est sans doute pas généralisable à toutes les vallées des Écrins.Parmi les menaces qui pèsent objectivement sur les galliformes, Luc Roudet cite tout particulière-ment «l’enrésinement» des zones basses. Le forestier constate que certains particuliers privilégientle résineux dans les anciens terrains agricoles (pour un revenu aujourd’hui très aléatoire) quand ilfaudrait veiller à conserver la diversité des espèces arbustives des friches qui sont aussi essentiellesà la gélinotte (saules, noisetiers…).

Parmi les autres questions à se poser, il se demande si la prédation n’est pas plus importanteaujourd’hui. Il cite le sanglier dont les dégâts sont si problématiques.Il insiste sur l’intérêt des suivis et regrette ne pouvoir s’investir d’avantage dans ces domaines. Maisson travail l’oblige à répondre à des objectifs de gestion, en prise directe avec l’économie et la ren-tabilité des prestations qu’il fournit. Une forte évolution de son métier qu’il juge intéressante maisqui l’oblige à laisser de côté certains pôles d’intérêt.

Parade de coqs de tétras-lyre

carnet de terrainMa première gélinotteEn 1977, je longe le Vénéon vers lesruines de l’Argentière. Pour ungarde-moniteur à St-Christophe,aller traîner du côté de Venosc,c’est l’aventure en forêt ! Soudain,à quelques mètres devant moi, ungros oiseau grisâtre s’envole, droitpuis par un virage à 90° me laisseentrevoir une belle barre noire surla queue. Impossible d’en voir plus.Mon chef de secteur m’apprendra"c’est une gélinotte" puis, gogue-nard, "c’est une belle et rareobservation … pour un novice !"

Hervé Cortot

FORÊT : UNE ÉVOLUTION QUIPOURRAIT ÊTRE FAVORABLELuc Roudet, forestier en Valbonnais

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LE TÉTRAS-LYRE(Tetrao tetrix) aussi appelé petit coq de bruyère

Longueur : 41-55 cmEnvergure : 65-80 cm Poids moyen des mâles : 1300 gPoids moyen des femelles : 950 g

Le dimorphisme sexuel du tétras-lyre est important, mâle et femelle se dis-tinguent facilement par leur taille et leurs couleurs. Le mâle (ou coq) se reconnaît aisément à son plumage noir luisant, aux refletsbleutés avec une touche de blanc sur les ailes. Ses longues rectrices* enforme de lyre le caractérisent et lui valent son nom de tétras-lyre. Deux sour-cils rouge vif appelés caroncules se gonflent à la saison des amours.

Milieu de vie

Plume

Cuvette d’épouillage

Traces

Crottier

Reproduction

Les mâles sont polygames et effectuentchaque printemps des parades nuptialesspectaculaires. Avant l’aube, les coqs seregroupent et s’affrontent sur des"arènes", sites traditionnels auxquels ilssont fidèles d’une année à l’autre. Cesparades, accompagnées de chantscaractéristiques (roucoulement et chuin-tement), attirent les femelles qui visitentles places de chant où les mâles lescourtisent.La femelle (ou poule), plus petite, estbeaucoup plus difficile à repérer en rai-son de son plumage homochrome, fine-ment chamarré de brun et de noir. Lespoules vivent en petit groupe en hiver,fréquentent les arènes pour s’accoupleret s’isolent dès qu’elles sont fécondées,pour nicher. Elles s’occupent seules del’élevage de leurs poussins durant envi-ron trois mois. Puis leurs jeunes se dis-persent en fin d’automne.

Adaptations

Comme tous les tétraonidés, le tétras-lyre possède un plumage bien fourni quis’étend des narines aux pattes. Lespattes, assez fortes, se terminent partrois doigts garnis de petites franges cor-nées, disposées en peigne (photo p.8).Comparables à des raquettes, celles-cileur permettent un bon appui sur laneige. Sous les pattes (doigts), d’épaisbourrelets graisseux leur assurent uneisolation efficace contre le froid. Pours’adapter aux difficiles conditions del’hiver, le tétras-lyre a développédiverses stratégies. Il effectue un mini-mum de déplacements pour se nourrirafin de limiter les dépenses d’énergie.Pour s’isoler des intempéries et, par lamême occasion ne pas être visible deses prédateurs, le petit coq creuse desloges dans la neige. Les fientes dépo-sées trahiront au printemps sa présencehivernale en ce lieu. La nourriture dutétras-lyre en hiver est peu digeste, elleest assimilée par son appareil digestiftrès perfectionné qui lui permet de digé-rer les aliments ligneux.

Dans le massif des Écrins, on peut lerencontrer à la limite supérieure de laforêt.

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LE LAGOPÈDE ALPIN(Lagopus mutus) aussi appelé perdrix des neiges, perdrix blanche ou ptarmigan

Longueur : 36-41 cmEnvergure : 54-65 cm Poids moyen des mâles : 450 gPoids moyen des femelles : 400 g

Doué d’un mimétisme remarquable grâce aux mues saisonnières de son plumage, lelagopède se confond parfaitement avec son environnement. En hiver, il est entièrementblanc à l’exception des rectrices noires, alors qu’en été il se teinte de gris et de brun.Le mâle porte une tache noire, de la commissure du bec à l’arrière de l’œil.En plumage nuptial, il arbore un sourcil épais d’un rouge éclatant. Très confiant en soncamouflage, cet oiseau se laisse approcher, sans que sa présence soit révélée.

Milieu de vie

Plume

Cuvette d’épouillage

Traces

Crottes

Reproduction

Au printemps, avant les premièreslueurs du jour, les mâles paradent sur lescroupes déneigées. Poitrine bombée, lecoq prend son envol jusqu'à 15 mètresde hauteur. Puis, ailes et queue étalées,il plane durant quelques secondes et selaisse choir en parachute. Tout congénè-re s’approchant est alors rejeté. Cettemanifestation dominante peut se répéterplusieurs fois. Elle est accompagnée deson chant dont les sons rauques évo-quent ceux d’une crécelle.Bien qu’il défende son territoire duranttoute l’incubation, il ne participe pas à lacouvaison des 6 ou 7 œufs qu’enmoyenne la femelle dépose en juin dansun nid souvent très peu dissimulé. Celle-ci élève seule ses poussins qui quittentle nid au bout de quelques heures ets’émancipent de leur mère après 10 à 12semaines.

Adaptations

Son plumage épais et isolant lui assureune protection efficace contre le froid.Ses pattes emplumées, évoquant lespattes du lièvre, améliorent la portancede l’oiseau sur la neige poudreuse. Elleslui valent son nom : du grec lagos(lièvre) et du latin pedis (pied).Parfaitement adapté à la vie en hautemontagne, le lagopède alpin vit toutel’année au-delà de la limite supérieuredes forêts, fréquentant les zones àpelouses rases d’altitude, les combes àneige, les landes, les éboulis. Cetteespèce sédentaire se déplace le plussouvent en piétant et ne s’envole quesur de courtes distances lors d’undérangement soudain.

Cet oiseau fait partie des espèces,comme le lièvre variable, qui ont rejointles hauteurs après le recul des glaciersau quaternaire et retrouvé en altitude leclimat des régions arctiques d’origine.

Dans le massif des Écrins, le lagopèdeest présent au-dessus d’une altitude de1 800 m.

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LA GÉLINOTTE DES BOIS(Bonasa bonasia)

Longueur : 38-41 cmEnvergure : 54-58 cm Poids moyen des mâles : 400 gPoids moyen des femelles : 390 g

La silhouette de la gélinotte rappelle celle d’une perdrix.Le dimorphisme sexuel est peu marqué. Le coq se distingue de la poulepar un plumage aux couleurs plus soutenues, par la gorge noire bordéed’un liseré blanc et par une huppe érectile plus développée. Lorsqu’elle s’envole, on distingue ses ailes rondes et courtes ainsi queles plumes de sa queue (rectrices) claires, barrées d’une bande noire.

Milieu de vie

Plume

Cuvette d’épouillage

Traces

Crottes

Reproduction

Les couples sont généralement unispour la vie. Après des parades nuptialesqui durent de mars à la mi-mai, la femel-le dépose 6 à 12 œufs dans un nid gros-sier, à même le sol. Comme chez lesautres galliformes de montagne, ellecouve et élève seule sa nichée. Lespoussins, capables de voler au bout de 2à 3 semaines, sont indépendants à l’âgede 3 mois.

Adaptations

La gélinotte des bois est un oiseau exclu-sivement forestier qui a deux exigencesprincipales : la discrétion et la disponibili-té en nourriture, surtout en période hiver-nale. Ces exigences sont assurées par uncouvert suffisamment dense et varié. Très sédentaire, elle peut subvenir à ses

besoins sur un domaine vital annuel de10 à 40 hectares.L’adulte se nourrit presque exclusivementde végétaux, chatons de bouleaux, denoisetiers, d’aulnes, pousses de myrtilles,alors que le poussin, durant les premiersjours de sa vie, choisira diverses espècesd’invertébrés capturés au sol. Chez la gélinotte des bois, on retrouveles caractéristiques morphologiques destétraonidés qui en font des espècesadaptées au froid : narines et tarsesemplumés, plumes de couvertureslongues et doublées, doigts équipés depeignes cornés, appareil digestif per-mettant à l’organisme des oiseaux d’as-similer une nourriture riche en cellulose.La richesse et les tons de son plumage luipermettent, en parfaite homochromie,de se fondre admirablement dans lemilieu forestier où elle vit. Il n’est pasrare qu’une poule installe son nid enbordure d’une route forestière, profitantde l’effet de lisière et jouant de sonmimétisme parfait.

Dans le massif des Écrins, sa présence,très discrète, est signalée dans la partieouest, principalement dans les secteursforestiers du Valbonnais et de l’Oisans,entre 800 et 1 800 mètres d’altitude.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

LA PERDRIX BARTAVELLE(Alectoris graeca saxatilis)

Longueur : 33-43 cm

Envergure : 46-53 cm

Poids moyen des mâles : 650 g

Poids moyen des femelles : 540 g

Coqs et poules ont le même plumage, dos gris cendré brunâtre, patteset bec rouges, queue rousse. La gorge d’un blanc pur avec une bordurenoire bien délimitée caractérise l’espèce.

Milieu de vie

Plume

Cuvette d’épouillage

Traces

Crotte

Reproduction

Au printemps, durant la période de repro-duction, les couples se cantonnent sur leurterritoire. On peut alors entendre fréquem-ment le caquètement de parade du mâle surles pelouses d’altitude bien exposées, par-semées d’une mosaïque d’arbrisseaux nainset de rochers. Ce milieu de vie offre à lafemelle les abris nécessaires pour dissimu-ler le nid, dans lequel elle pond de 9 à 14œufs qu’elle couve durant 25 jours. Cesmilieux sont également particulièrementpropices à l’alimentation des poussins, quiconsomment graines et graminées maisaussi de nombreux criquets. À l’automne,jusqu’à la fin de l’hiver, les bartavelles peu-vent se regrouper en compagnie.

Adaptations

Contrairement aux tétraonidés, la perdrix

bartavelle (phasianidé) ne peut pas senourrir des rameaux des arbres et arbustesfaute d’avoir des caeca suffisammentdéveloppés pour assimiler ces alimentsriches en fibres.Pour trouver sa nourriture qui varie aucours des saisons (plutôt insectivore enété, granivore en hiver) cette perdrix réali-se d’importantes migrations altitudinales.En hiver, la bartavelle consomme unique-ment des graminées (fétuques, dactyles,pâturins). Cette nourriture peut devenirinaccessible lorsque la neige persiste long-temps sur ses lieux d’hivernage, provoquantdes périodes de disette catastrophiquespour sa survie. Pour cette raison, elle privilé-gie les sites rapidement déneigés : fortespentes exposées plein sud ou crêtes dénei-gées par le vent. À l’inverse des tétras dontl’activité est réduite au maximum en hiver,celle des bartavelles est soutenue dans lajournée et augmente même en fin d’après-midi. Les oiseaux débutent ainsi la nuit avecun jabot plein. La digestion leur apporte lescalories nécessaires durant les longues etfroides nuits d’hiver.

Dans le massif des Écrins, on la ren-contre sur les versants ensoleillés entre700 et 3000 mètres d’altitude.

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Les espaces où sont conduites des acti-vités humaines sont généralement lesplus exposés à des changements, voireà des bouleversements auxquels lesgalliformes sont particulièrement sen-sibles.

Un bouleversement despratiques agro-pastoralesen altitude

Pendant des siècles, pour étendre lessurfaces de cultures et de pâturage, les

agriculteurs ont défriché les forêtsd’altitude, augmentant sensiblementles milieux ouverts. Ces pratiques ontprofité notamment au tétras-lyre et à labartavelle. L’occupation de l’espaceétait forte, avec des cultures et desprairies de fauche à plus de 2000mètres d’altitude qui offraient unefaune riche en invertébrés, source denourriture pour les jeunes tétras. Lesalpages et les mélézins étaient parcou-rus par des troupeaux de petite taille,ce qui minimisait le risque de piétine-ment des nichées.

Autrefois fauchées tardivement, lesprairies de l’étage subalpin consti-tuaient des zones tranquilles idéalespour l’élevage des jeunes tétras. Ellessont aujourd’hui majoritairement pâtu-rées et réduites à la portion congrue.De plus, l’arrivée précoce des trou-peaux (fin juin ou début juillet) dans leszones de nidification ainsi que lescharges pastorales de plus en plusfortes entraînent un dérangement etun piétinement de ces espaces quipeuvent occasionner un abandon desnids ou une destruction des couvées.

LE GRAND-TÉTRAS A DISPARU DES ALPES FRANÇAISES À LA FIN DES ANNÉES 1990 PARCEQU’IL A SUBI LE CHOC DE PROFONDS CHANGEMENTS : MODIFICATION DES PRATIQUES OUDÉPRISE AGRICOLE, AUGMENTATION DE LA FRÉQUENTATION, CHANGEMENTS CLIMA-TIQUES… TOUTES CES ÉVOLUTIONS ENTRAÎNENT LA DIMINUTION ET LE MORCELLEMENTDE L’ESPACE NÉCESSAIRE À DES POPULATIONS VIABLES DE GALLIFORMES. ELLES SOULI-GNENT AUSSI LA NÉCESSITÉ DE RECHERCHER UN ÉQUILIBRE ENTRE LES CONTRAINTES ÉCO-NOMIQUES ET LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE NATUREL. RÉSOUDRE CETTE CONFLUEN-CE D’INTÉRÊTS ET DE CONTRADICTIONS RESTE L’UN DES SOUCIS DU PARC NATIONAL.

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Des milieux de vietrès convoités

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

carnet de terrain

Pâturage en mélézin

Une gélinotte gavée au grainLe 10 décembre 2005 entre chien et loup, sur la route enneigée du cold’Ornon, une gélinotte s’est prise dans la calandre de ma voiture. Sansavoir perçu de choc lors de cette collision, ce n’est qu’en rentrant la voitu-re au garage que j’ai dû déplorer sa mort. L’oiseau pesait 730 grammesalors que les données indiquent un poids habituel variant de 315 à 500grammes. En fait, suite à l’autopsie réalisée par le laboratoire vétérinairedes Hautes-Alpes, on a constaté que l’oiseau s’était gavé de grains de maïsglanés sur un agrainoir à sanglier. Les environs du site d’agrainage sonteffectivement favorables à la gélinotte et on peut penser que ce cas d’ali-mentation n’est pas unique. L’ingestion de 300 à 400 grammes de maïs asans doute empêché l’oiseau de s’envoler. Quand on sait qu’il a pour habi-tude de passer la nuit sur un perchoir ou dans un petit igloo s’il y a de laneige, on peut penser que cette alimentation a été un fardeau plus qu’unbénéfice pour cette gélinotte handicapée dans sa mobilité au bord de laroute. On peut également imaginer que la concentration d’oiseaux sur cessites d’alimentation providentiels fait le bonheur des prédateurs et notam-ment des éperviers, autours des palombes, renards et martres.

Jean-Pierre Nicollet

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Des milieux naturelsen pleine évolution

L’abandon des zones de moyennealtitude autrefois pâturées aux inter-saisons se traduit aujourd’hui par leretour des landes en bas de versant,puis demain, par celui de la forêt.Depuis le milieu du XXème siècle, lesmilieux ouverts par l’homme se sontprogressivement embroussaillés. Sicette évolution a été favorable à lagélinotte dans les Alpes du Sud, elle aété en revanche préjudiciable à labartavelle dont l’étendue des zonesd’hivernage s’est considérablementamenuisée, notamment dans lesAlpes du Nord.

Un tourisme hivernalconsommateur d’espace

L’augmentation et la diversificationdes aménagements et des activitéssportives liées à la montagne est unfait indéniable. Les départs de remon-tées mécaniques occupent depuistrois décennies les replats de forêts,espace privilégié des parades detétras. Les câbles aériens qui traver-sent leur espace vital sont pour euxd’invisibles guillotines.Comme pour les zones d’élevage desjeunes au printemps, les nécessairesespaces de quiétude en périodehivernale s’amenuisent : le ski horspiste mais aussi les passages répétésde randonneurs à skis ou enraquettes inquiètent lagopèdes ettétras. Les fuites occasionnées enta-ment leurs précieuses réserves éner-gétiques et peuvent être préjudi-ciables à leur survie hivernale.La bartavelle, dont certains individushivernent à proximité des crêtes dedomaines skiables, subit aussi cesnuisances (mortalité dans les câbles).Au contraire, d’autres oiseaux effec-tuent des migrations en période

hivernale vers le bas de la vallée etéchappent à ce dérangement.

Un climat qui change

Les changements climatiques qui bou-leversent actuellement notre planètesont un risque pour ces oiseaux ; enrehaussant la limite des étages devégétation, le réchauffement peutconduire à une régression de l’habitatdes populations d’espèces les plusnordiques comme le lagopède et letétras. Des études sont en cours pourévaluer les effets des changementsclimatiques sur l’évolution des popu-lations de galliformes.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Voilà six ans que Robert Reymond a accepté de présider le groupement pasto-ral qui gère l’alpage de la Grande Cabane et le petit alpage des Lauzes dans levallon du Fournel. S’il connaissait son métier d’éleveur de brebis, il a dû enapprendre un nouveau, pour réussir à naviguer dans les sigles et les dossiersadministratifs liés aux mesures et aux aides dont peut bénéficier le groupement.La protection du tétras, la régénération du mélèze, la préservation des prés defauche et des chardons bleus... : autant d’objectifs environnementaux liés à despratiques agricoles qu’il s’agit de maintenir ou d’adapter. Robert Reymond estbien conscient de l’influence de la gestion d’un alpage sur l'évolution d’une

espèce. Le tétras-lyre, il a appris à le connaître. “Je le vois depuis ma tendre enfance... Mon père sur-veillait et nous faisait voir les couvées, du côté de Dormillouse.” Mais la chasse au tétras a progressive-ment été rangée au rang des souvenirs... non pas faute de chasseurs. “Certains venaient de Gap pourles tirer” se souvient Robert Reymond qui considère que l’évolution de l’occupation des alpages, passéedes vaches aux moutons, a aussi joué dans la raréfaction de l’espèce.

Avant même les premières mesures dites “agri-environnementales”, c’est en tant qu’élu municipal que,dès 1989, Robert Reymond met en place “le convenu”... pour favoriser la protection de l’espèce. “Jevoyais bien qu’il n’y avait plus de coq de bruyère et que c’était sans doute lié au pâturage, dès le moisde juin, dans les zones de nidification”. Ce qui a été “convenu” : ne pas faire entrer les bêtes dans laforêt avant le 15 août. “Cela allait aussi dans le sens du gardiennage du troupeau”. C’est ce calen-drier qui a été maintenu dans le cadre du groupement pastoral... avec une aide financière supplé-mentaire assortie d’un épais dossier de demande de subvention. C’est cela aussi, l’entretien desmontagnes : trouver les moyens pour payer les bergers et les charges sociales en jonglant avec d’inex-tricables difficultés de trésorerie, par exemple pour acheter des filets... subventionnés après avoir justifiéde l’achat sur facture. Le temps passé au téléphone entre les différents services des administrationsdemande de la constance. “Maintenant, on parle de contrat d’agriculture durable” précise RobertReymond. “Moi, je renonce. Si un jeune veut prendre...”. Et les tétras lyres dans tout cela ? “Ça a misdu temps mais ça progresse. Il revient. Trois bracelets au plan de chasse, c’est un signe.”

LE TÉTRAS, LES MOUTONSET LES SUBVENTIONS

Robert Reymond, éleveur à Freissinières

Randonneur à ski et traces de lagopèdes

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De la connaissanceà la préservation

Le suivi des galliformes présente ungrand intérêt s’il est engagé sur l’en-semble de l’aire de répartition de cesespèces, et s’il est soutenu sur le longterme. Un certain nombre d’orga-nismes, Office national de la chasse etde la faune sauvage (ONCFS), parcsnationaux, fédérations départementalesdes chasseurs, ont initié, dès 1980,divers suivis selon leurs préoccupationset méthodes propres. Ces travaux ontsuscité une prise de conscience de lafragilité du statut de ces oiseaux. Ceconstat a débouché, à partir de ladécennie 1990, sur une dynamiqueallant dans le sens de la conservation etde la gestion durable de ces espèces.Cette dynamique est à l’origine d’ac-

tions coordonnées et conduites par unObservatoire, celui des galliformes demontagne (OGM) créé en 1992. Sa por-tée concerne l’ensemble des massifsmontagnards.

Savoir et faire savoir

L’Observatoire est avant tout un outilde connaissance créé grâce à unedémarche partenariale. Sa contribu-tion actuelle se limite volontairementà cet objectif. Cependant, si sa mis-sion première est de recueillir desdonnées, sa finalité est bien de faireen sorte que celles-ci soient utiliséesen faveur des galliformes de mon-tagne par les gestionnaires qui en sontles membres. L’Observatoire contri-bue donc à faire connaître et prendreen compte les travaux réalisés, afinqu’ils soient d’utilité publique et puis-sent contribuer à éclairer les décisionsdes divers gestionnaires.

Des questions simpleset des réponses difficiles

Ce groupement s’efforce de répondre àdiverses questions : où sont-ils ? Oùsont leurs sites vitaux ? Combien y en a-t-il ? Comment les effectifs évoluent-ils ?La reproduction est-elle bonne ? Quelle

mortalité ?... Cependant, le choix et lamise en œuvre de programmes et deméthodes d’inventaire ou de suivi à partirde ces questionnements (et même pourune seule de ces questions !) restentsubordonnés à différentes contraintes.Parmi celles-ci, on peut citer :- les moyens humains, financiers et le

temps imparti pour prospecter le terrain,- les superficies des territoires à couvrir

et leurs difficultés de parcours (haute montagne),

- les caractéristiques biologiques de ces espèces farouches, en particulier leur mobilité, leur détectabilité et leur faible niveau d’abondance.

Il serait irréaliste de vouloir compter tousles oiseaux, partout, même si leurnombre reste le premier indicateur queréclame tout gestionnaire.L’Observatoire a donc été amené à cher-cher et proposer un compromis entrel’idéal théorique et la réalisation pratique,à une échelle donnée. Cependant, lesprogrammes, établis dans la durée,impliquent un travail de terrain trèsimportant du fait des faibles densitésd’oiseaux.

La pression d’observation et le savoir deterrain accumulés par le Parc nationalsur son territoire sont importants dansce type d’approche. Ils sont l’axe essen-tiel de ses programmes.

LES PROBLÉMATIQUES DE CONSERVATION DES ESPÈCES OU DES MILIEUX DÉTERMINENT LES

OBJECTIFS DE TRAVAIL D’UN PARC NATIONAL, AVEC UNE PRIORITÉ POUR LES PLUS VULNÉRABLES.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

La prise en compte de ces critères aplacé les galliformes parmi les espècesprioritaires pour le Parc national desÉcrins. Les efforts entrepris par l’établis-sement portent sur le suivi des popula-tions de tétras-lyre, de perdrix bartavel-le et de lagopède alpin, et la connais-

sance de leurs habitats. La gélinotte desbois, particulièrement discrète et trèsdifficile à observer, ne fait pas encorel’objet de suivi. Le Parc a donc inscrit enbonne place ces espèces, notamment lelagopède alpin, dans le cadre de sa poli-tique à moyen terme inscrite au sein de

son Programme d’aménagement 2005-2010.En outre, les galliformes apparaissentcomme l’un des principaux dénomina-teurs communs entre les parcs natio-naux, naturels régionaux et les réservesnaturelles de montagne.

Collaboration Office national de la chasse et dela faune sauvage - Parc national des Écrins lorsd’un comptage d’été au chien

Un réseau national à l’écoute des galliformes

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Un premier bilan

L’expertise sur les galliformes de mon-tagne acquise par l’OGM a permis dedresser un premier bilan de 10 annéesde suivi.

Actuellement, prèsde 45 programmessont répartis etconduits par les dif-férents membres duréseau dans lesAlpes, les Pyrénéeset les Cévennes.Ainsi, par exemple,environ 26000

journées/homme ont été consacréesaux seuls dénombrements au cours dela décennie 1990-1999.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Une organisation sur mesureIl s’agit d’un groupement d’intérêt scientifiquedénommé "Observatoire des galliformes de mon-tagne" (GIS-OGM). Il est administré par unconseil de groupement composé de représentantsde chaque membre signataire. Il est assisté d’unconseil scientifique dont les représentants élabo-rent les protocoles des programmes définis etapprouvés par le conseil de groupement. Uneassociation OGM permet de réunir les moyensfinanciers nécessaires.

Ce réseau rassemble et fédère des instances diverses et aux sensibilités aussi dif-férentes que des fédérations, clubs et associations cynégétiques, des parcs natio-naux et régionaux, des réserves naturelles et associations de protection de lanature, l’ONCFS (Office national de la chasse et de la faune sauvage), l’ONF(Office national des forêts). En 2006, 43 membres adhèrent à cet observatoireet appliquent des actions communes relatives aux galliformes de montagne.

Un recueil de connaissances structuréAu sein du Parc national des Écrins, ungroupe de travail "Galliformes de mon-tagne" est encadré par le service scien-tifique et animé sur le terrain par un"pilote". Avec le concours de spécia-listes, il a permis de mettre en œuvre et

de coordonner les divers programmesde suivi sur ces espèces, d’accroître lacollecte des données et d’assurer leretour de l’information vers le person-nel de terrain.Le travail de connaissance entrepris par

le Parc national, sous l’égide de l’OGM,est construit autour de deux axesessentiels et préalables à toute actionde préservation : le suivi démogra-phique des populations et l’utilisationdu milieu par les différentes espèces.

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Cartographier les habitats des espèces

Découpage du territoireLa première étape de ce vaste program-me de suivi des galliformes a consisté enune délimitation cartographique deszones potentiellement occupées parchacune des espèces. Ce travail a étéconduit à partir de la connaissance deleur habitat (tranches altitudinales),d’enquêtes mais aussi à partir deslocalisations d’observations d’oiseauxréalisés par les agents du Parc natio-nal depuis 30 ans.Ainsi le territoire a été découpé enzones cohérentes, plus ou moinsgrandes, sur lesquelles des opéra-tions de suivi démographique ont étéconduites.

Une enquête sur le tétras-lyreL’enquête "habitat du tétras-lyre" estun exemple du travail entrepris pourconnaître l’utilisation de l’espace parles espèces. Les zones définies cor-respondent aux habitats préférentiels,occupés par l’espèce au cours de soncycle de vie : zone d’hivernage, dechant ou d’élevage des jeunes. Cesinformations ont été recueillies grâceà une vaste enquête achevée en 1999auprès des observateurs de terrain,au sein du parc. Les périmètres des

différentes zones ont été informatisésdans un système d’information géo-graphique (SIG) qui permet de "croi-ser" des informations localisées dedifférentes natures.Ce travail conduit à des applications

concrètes comme des recommanda-tions de gestion en matière de pasto-ralisme, de sylviculture, ou d’aména-gement (voir chapitre suivant).

Connaître la démographiedes populations

Pour connaître l’état des populationset évaluer leur évolution à plus oumoins long terme, on réalise des opé-rations de dénombrement, appeléescouramment "comptages". Ils se pra-tiquent à deux échelles : celle des uni-tés naturelles qui couvrent quelquesmilliers d’hectares et celle des sites deréférence qui couvrent quelques cen-taines d’hectares. Pour les deux typesde dénombrements, seuls les oiseauxmâles (les coqs) sont comptés. Lafinalité et la charge de travail de cha-cune de ces opérations est différente.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Accompagnatrice en montagne depuis une dizaine d’années, Christine Bartéïs’est prise de passion pour les oiseaux. Un intérêt venu progressivement, avecla pratique. Elle cultive désormais cette spécialité en partageant ses connais-sances avec des groupes qu’elle encadre mais aussi au sein de la Ligue pourla protection des oiseaux (LPO).Pour cette ornithologue, la valeur emblématique des galliformes de montagneest évidente… et à la hauteur de leur discrétion. Si le tétras et le lagopède dai-gnent parfois se montrer, elle a rarement observé la bartavelle… et jamais la

gélinotte ! "Pour moi, elle porte vraiment bien son nom d’oiseau-fantôme !".Avec ses clients, l’accompagnateur décrit plus souvent ces oiseaux qu’il ne les montre... "Un jour, avecun groupe, au Granon, on a pu observer trois lagopèdes tout près de la route… Ils n’ont pas bougé. Toutle monde a pu les voir". Des moments rares. "Je leur ai dit qu’ils avaient vraiment eu de la chance ! Lesgens que l’on encadre ne s’en rendent pas forcément compte…".Pourtant, il existe aussi une clientèle avertie qui recherche ce type d’observation. "Je préviens toujours.Si on voit du tétras, ce sera par hasard…Et les plus belles rencontres sont celles dues au hasard". Pasquestion pour Christine d’emmener des groupes à la bonne période sur les bons lieux, en l’occurrenceles places de chants des tétras au printemps. "Avec un groupe, c’est sûr, on dérange. Si on explique, lesclients comprennent bien (…) Même seul, il faudrait réunir toutes les conditions de la discrétion, avec unaffût. Moi, je préfère éviter." Cette militante de la protection des oiseaux a le sentiment que son milieuprofessionnel est "globalement" respectueux et conscient des risques liés au dérangement."Maintenant, on en parle dans la formation générale des accompagnateurs". Sur ce sujet, elle avaitmême réalisé une "enquête" auprès de ses collègues pour connaître les circonstances des dérange-ments des galliformes qu’ils avaient pu constater. En raquettes à neige, l’effet est moins visible, sans douteparce que l’on arrive moins vite et que l’oiseau est déjà parti, analyse-t-elle. En revanche, Christine neconnaît pas un pratiquant régulier de la randonnée à ski qui n’ait un jour, au détour d’un virage, forcél’envol d’un tétras hors de son igloo…Accentuer l’information auprès de l’ensemble des pratiquants (CAF, moniteurs de ski, guides,…) restepourtant une nécessité et, sans trancher fermement le débat, elle serait assez favorable à une respon-sabilisation de chacun, en signalant clairement les zones à éviter. "Les potentiels de balades sontimmenses, il y a de la place ailleurs…".

AU HASARDDES RENCONTRES

Christine Barteï, accompagnatrice en Durance

Enquête tétras-lyre dans le Valgaudemar.Évolution de la répartition des zones d’élevage des jeunes.

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Les unités naturelles : le "gros chantier"…Ce sont des espaces délimités pardes tranches d’altitude, différentesselon les espèces, correspondant auplus juste à l’habitat potentiel de cha-cun des galliformes de montagne. Parexemple, dans les Écrins, les unitésnaturelles du lagopède alpin corres-pondent à la partie du territoire situéeentre 1800 et 3000 mètres d’altitude.L’aire globale de chacune de cesespèces est ainsi divisée en unitésnaturelles de surface variable maisbiologiquement pertinente pourdécrire et gérer les populations d’oi-seaux. L’objectif est ici d’obtenir unordre de grandeur des effectifs (leniveau d’abondance) mais aussi delocaliser les principaux noyaux depopulations et d’apprécier les risquesd’extinction de populations isolées.Ces opérations sont généralementlourdes mais une opération annuelle,réalisée en mai ou début juin, estnécessaire pour estimer le niveaud’abondance des populations. Lapériodicité de ces dénombrementsest de 10 ans.

Les sites de référence :être assidu, avant tout…Ce sont des espaces plus restreints défi-nis au sein des unités naturelles ; ils ser-vent d’échantillons. Ici, l’objectif principalest de suivre "l’état de santé" des popu-lations de galliformes, au travers de l’évo-lution des effectifs de coqs. On parlealors de tendance des effectifs. Dans lesÉcrins, ce type de suivi porte sur le tétras-lyre, la perdrix bartavelle et le lagopèdealpin. Ces comptages demandent moinsd’observateurs que le dénombrementdes coqs sur les unités naturelles. Enrevanche, ils sont mis en œuvre sur prèsde dix sites, répartis au sein du périmètredu Parc et nécessitent trois opérationsannuelles ou bisannuelles espacées dequelques jours. C’est le dénombrementayant donné l’effectif de coqs le plusélevé des trois opérations qui est retenu.Il faut un minimum de six années de résul-tats pour esquisser une première tendan-ce dans l’évolution des effectifs sur unsite. Pour le Parc national des Écrins, laplupart des sites est suivie depuis près de20 ans. Les résultats obtenus viennentabonder ceux recueillis sur les 79 sitesdu réseau de l’Observatoire.

Compter sur le flair !La densité estivale et la réussite de lareproduction du tétras-lyre sont estiméesannuellement sur deux sites dans le péri-mètre du parc national. Le but est d’établirles plans de chasse dans le périmètre opti-mal et d’apprécier l’efficacité des mesurespréconisées dans le cadre de contratsagri-environnementaux. Des prospectionsont également été réalisées sur deux sitespour la perdrix bartavelle. Le recensementdes adultes et des nichées est effectué àl’aide de chiens d’arrêt. C’est la méthodela plus appropriée pour ce type de suivi.Ce travail est le fruit d’une collaborationentre l’ONCFS, la Fédération des chas-seurs et le Parc.Sur l’ensemble du réseau OGM, 54 sitesfont actuellement l’objet de tels suivispour le tétras-lyre, 13 pour la perdrix bar-tavelle et 9 pour le lagopède alpin.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

carnet de terrain

Compter les tétras-lyres : un plaisir et une nécessité…Trois heures, le réveil me sort brusquement d’un sommeil agité. Le rendez-vousest fixé à quatre heures. L’organisateur de l’opération donne à chacun son sec-teur de comptage, l’heure de rendez-vous du retour et, tout en indiquant lesultimes consignes, nous remet les fiches et cartes de comptage. Après ce"briefing", j’entame la montée. Je serpente sous le couvert forestier, à la lueurde la lampe frontale pendant près d’une heure avant d’atteindre la lisière supé-rieure. La montée coupe les jambes, le terrain est raide ! Cinq heures. Je prendsposition à proximité d’une "place de chant". Pas le temps de poser le sac : les"coqs" chantent déjà ! Roucoulements et chuintements retentissent de toutepart. Je note soigneusement les renseignements sur ma fiche de comptageainsi que l’emplacement des observations sur la carte. Il est temps de com-mencer la descente. Je m’éloigne avec précaution afin de ne pas déranger lesoiseaux. Lors du parcours, je fais partir un coq et deux poules que je n’avaispas vus. L’heure et la direction d’envol sont notées, le message transmis parradio… L’organisateur questionne, vérifie, pondère et récapitule les observa-tions afin d’éliminer les éventuels "doubles comptages". Rendez-vous est déjàpris pour les deux autres opérations à réaliser !…

Claude Roger Garde monitrice en comptage tétras-lyre

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Un effort importantconsacré au tétras-lyre

Niveau d’abondanceLe tétras-lyre a été compté dans ladécennie 1990/2000 sur l’ensembledes 18 unités naturelles attribuées auParc national, soit 119 408 hectares.L’oiseau est présent sur chacune deces unités naturelles avec un total de702 coqs dénombrés. La densitémoyenne est de 0,59 coq au km2. Lesdensités par unité naturelle varient de0,1 coq à 1,43 coq/km2.Cet inventaire, réalisé sur la totalité duparc national, ne représente que 8 %de l’aire alpine française de l’espèce(18 des 234 unités naturelles).Selon l’Observatoire, 50 % de l’effectiftotal de tétras-lyre dans les Alpes, éva-lué entre 16 000 et 20 000 adultes,est réparti sur seulement 30 % deson aire de présence. Ce sont lesAlpes du Nord, le Queyras et leshautes vallées des Alpes-Maritimesqui abriteraient actuellement les den-sités les plus fortes. La prochaine esti-mation sera faite en 2009, selon unplan d’échantillonnage défini.

Tendance des effectifsEn Vallouise, sur le site de la Blanche,les effectifs ont fortement diminuéentre 1985 et 1993 pour se stabiliserdepuis aux alentours d’une densité de1 coq/km2. Ce site cumule les fac-teurs défavorables à l’espèce : touris-me hivernal, pastoralisme, chasse,dérangement… Sur le site du Fournel qui bénéficie demesures agri-environnementales,telles que le report de patûrage,depuis 1994, les populations tendentà augmenter.

Voir aussi page 30

20

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Des résultats contrastés

1982012

456

3

1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Résultats des dénombrements du Tétras-lyre

Nb

de c

oqs/

km2

Moyennecoqs/km2

Sites de référence

Le Fournel 1,39La Blanche 1,62

Le Valgaudemar 2,46Le Colombier 2,37L'Alpe du Pin 2,02

Sites de référence

19820

0,51

22,53

1,5

1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Tendance des effectifs du Tétras-lyre

Nb

de c

oqs/

km2

Le Fournel (Vallouise)La Blanche (Vallouise)

Le ValgaudemarLe Colombier (Valbonnais)L'Alpe du Pin (Oisans)

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Perdrix bartavelle : d’importantes variations inter-annuelles

L’effort d’inventaire du Parc national,mené de 1994 à 2000, a porté prioritai-rement sur les 18 unités naturellestétras-lyre ; pour les deux autresespèces, ce programme d’inventaire estmoins avancé, principalement en raisonde la difficulté de contacter ces oiseaux,discrets et dispersés sur des territoiresd’accès particulièrement difficiles.

Compter les perdrix bartavelles à la repasseProfitant de l’instinct territorial des coqsde bartavelle, on les dénombre en sti-mulant leurs réponses vocales grâce à ladiffusion de chants préenregistrés.Cette technique est appelée "repasse"par les ornithologues. Des opérationsd’inventaire de coqs ont été réaliséessur deux unités naturelles du parc natio-nal, en 2002 et 2003. Sur 13 129 harecensés, 110 coqs ont été dénombrés.La densité cumulée est de 1,9 coq/km2

sur l’habitat de reproduction potentiel.À ce jour, 12 unités naturelles (sur 284)ont été inventoriées par l’OGM sur l’en-semble de l’aire alpine de l’espèce.L’échantillonnage est encore insuffisantpour tenter d’estimer un niveau d’abon-dance de la population. Les densitésd’oiseaux sur les deux unités naturellesinventoriées par le Parc sont parmi lesmeilleures recueillies depuis le lance-ment de ces inventaires.

Tendance des effectifsSur les trois sites de référence du parcnational, les effectifs de coqs sontrelativement stables pour deux sites,en régression sur un site (voir gra-phiques). Les bonnes reproductions,enregistrées de 2003 à 2005 lors descomptages au chien, semblent avoirdes répercussions favorables sur ladémographie de cette espèce.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

1982012

456

3

1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Résultats des dénombrements de Perdrix bartavelles

Nb

de c

oqs/

km2

RéallonFreissinières

Le Valgaudemar

Moyennecoqs/km2

1,550,92

1,65

Sites de référence

19820

0,51

22,53

1,5

1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Tendance des effectifs de Perdrix bartavelles

Nb

de c

oqs/

km2

RéallonFreissinières

Le Valgaudemar

Sites de référence

Comptage “bartavelle” dans le Valgaudemar. Technique dite de la repasse.

110 coqs ont

été dénombrés.

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Le lagopède alpin : repérer... l’invisible

Il est bien rude mais nécessaire de dor-mir en montagne, à l’écoute incertainedu chant rauque du lagopède alpin,habile à se fondre dans le paysage. C’estun comptage réservé aux bons monta-gnards et aux lève-tôt ! En effet, il fautêtre à pied d’œuvre de nuit, sur dessites haut perchés, souvent escarpés.Dès que le jour s’est installé, le compta-ge est terminé.

Faute de méthode applicable à l’échelledes unités naturelles, aucun programmegénéralisé d’estimation d’abondance n’aété mis en place pour l’instant.Cependant, l’OGM a confié au Parcnational des Écrins le soin de mener unprogramme expérimental afin d’avancerdans cette démarche. L’espèce a étécomptée sur trois unités naturelles (dontdeux pour partie) en 2004 et 2005. Autotal, 20 000 hectares ont été parcouruset 144 lagopèdes alpins ont été dénom-brés soit une densité moyenne faible de0,7 coq/km2. Ce sont les seules don-nées de ce type disponibles actuelle-ment pour le lagopède sur l’ensemblede l’aire de répartition alpine de l’espè-ce (146 unités naturelles).

Ces inventaires expérimentaux doiventdonc être poursuivis sur quelqueséchantillons d’unité naturelle représen-tatifs. Il s’agit de conforter et traiter lesdonnées obtenues pour tenter demettre au point une méthode d’estima-tion des effectifs de lagopède alpin.Pour ce qui est des deux sites de réfé-rence suivis par le Parc, les importantesvariations interannuelles ne permettentpas de définir une tendance significative.

Il est difficile d’apprécier si ces varia-tions reflètent réellement des évolutionsd’effectifs ou si elles proviennent de ladifficulté de contacter l’ensemble desoiseaux lors des comptages.

Des Écrins aux Alpes françaises

Comment se situent les sites de réfé-rences suivis par le Parc par rapport auxautres sites alpins français ? Pour lesquatres sites de référence de tétras-lyredes Alpes internes du Nord, ceux duValgaudemar et du Colombier possèdentdes densités moyennes parmi les plusfortes. Pour les sites de perdrix bartavelle,les densités sont dans la moyenne desAlpes françaises. Les résultats des comp-tages de lagopède alpin sur Chargès/Sautdu Laire et plus encore pour le site deChantelouve, aboutissent à des densitésfaibles par rapport aux autres sites desAlpes internes du Sud. Ces éléments doi-vent cependant être considérés avec unecertaine prudence du fait, entre autres, dela différence importante de taille des sitesde référence.

22

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Lagopède en plumage d’hiver

Sites deréférence

0

0,5

1

1,5

2

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Résultats des dénombrements du Lagopède alpin

Nb

de c

oqs/

km2

Moyennecoqs/km2

Chantelouve 0,81

Chargès-Saut-du-Laire

0,98

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006

Chantelouve

Chargès-Saut-du-Laire

0,50,70,9

1,31,5

1,1

Tendance des effectifs du Lagopède alpin

Nb

de c

oqs/

km2 Sites de référence

Comptage lagopède. Il faut de grands yeux et de grandes oreilles.

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Une base de données riche en observations

En dehors des opérations de compta-ge, des observations fortuites sonteffectuées lors du travail courant desagents de terrain. Le relevé systéma-tique de ces données, consignées surles "fiches contact faune" s’avèretrès intéressant pour, entre autres,apprécier et affiner le statut "spatio-temporel" d’un grand nombre d’es-pèces. Ces données peuvent êtreexploitées pour la réalisation ou laréactualisation d’atlas ou pour unemeilleure prise en compte des habi-tats vitaux des espèces.Il est donc essentiel que chaqueobservation soit enregistrée. D’oùl’intérêt d’une fiche standard permet-tant de transcrire les informations surles conditions et les caractéristiquesdes observations afin qu’elles puis-sent être "saisies" et analysées par lebiais de l’outil informatique.Les fiches de contact sur les galli-formes sont saisies dans une base dedonnées, au côté des observations detoutes les autres espèces animalesfaites par les agents du Parc national.

Ce type de données permetune approche de leur réparti-tion géographique (voir carteen page 4) et aussi d’orienterdes opérations de prospec-tions plus précises. La baseainsi constituée depuis 1976au Parc national des Écrinsest riche de quelque 150 000données dont 8 400 concer-nent les galliformes.

Saisie et analyse des données

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

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carnet de terrain

Ce n’est pas une fable !Nuit en bivouac à 2500 m pour une opération de comptage des lago-pèdes. Nous sommes quelques uns à dormir à la belle étoile près du lacdu Goléon. Il faut se lever bien avant le jour et je dors depuis quelquesheures lorsque, vers minuit, un bruit et le sentiment d’une présence meréveillent. Ouvrant les yeux, à moins d’un mètre de ma tête, je découvreun renard en train de décortiquer mon casse-croûte que j’avais laissétout près de moi, dans la pochette du duvet. Je me lève pour le faire fuirmais il part avec le sac. Il me faut me rhabiller, chausser les raquettes etla frontale pour retrouver mon bien, 300 mètres plus loin. Cette fois, jele range dans mon sac à dos. Mais l’animal est têtu... ou affamé. Àpeine retrouvée la chaleur du duvet, voilà qu’il est de nouveau tout prèsde moi à chercher pitance. Je le fais fuir de quelques gestes mais il fau-dra de nouveau que je me lève pour l’éloigner des sacs des collèguesqui dorment innocemment non loin de là. J’ai fini par faire comme eux.Après la sonnerie du réveil, l’absence définitive de ma pizza est à déplo-rer. Quant à la brioche de Mireille, maître goupil est en train de lasavourer tranquillement à 30 mètres du bivouac, sous les yeux d’unedizaine de gardes-moniteurs affairés à déjeuner et à préparer leur sacpour le comptage. Il est 3 heures du matin !

Gil Deluermoz

Exemple de fiche de relevé avec carte de localisation

Page 24: CAHIER GALLIFORMES 36P - Parc national des Ecrins · au rythme des saisons. Les lagopèdes sont de vrais habitants des pays du Nord. Quand on monte vers le cercle polaire, la température

... dans les Haute

s-Alpes,

le nombre de jours

de chasse

et les prises sont

limitées à

oiseau par jour et par chasseur.

Conformément à la législation euro-péenne, les galliformes de montagnesont des espèces gibier. La “DirectiveOiseaux” stipule que la perdrix bartavelleet le lagopède sont des espèces pou-vant être chassées dans la zone géogra-phique maritime et terrestre d’applica-tion de la directive, tandis que gélinotteet tétras-lyre ne peuvent l’être que danscertains États membres. Ce statut degibier ne doit pas faire oublier la vulné-rabilité de ces espèces et les menacesqui pèsent sur leur avenir, justifiant lamise en œuvre de règles cynégétiquesparticulières.

De nombreux partenaires

La question de la chasse dans le cœurdu parc ne se posent pas puisque cettepratique y est interdite. C’est sur la péri-mètre optimal d’adhésion que le Parcnational des Écrins, grâce au soutien del’OGM, apporte un regard d’expert. Àce titre, le Parc est membre du Comitédépartemental de la chasse et de lafaune sauvage des Hautes-Alpes. Cetteinstance réglementaire réunit régulière-ment, sous la houlette de la Directiondépartementale de l’agriculture et de laforêt, l’ensemble des parties concer-nées : associations et Fédération dechasse des Hautes-Alpes, associationsde protection de la nature, Office natio-nal de la chasse et de la faune sauvage,etc. Au sein de ce comité sont débattues(parfois avec passion !) toutes lesactions et les mesures concernant cesespèces. Les décisions finales du préfetsont prises au regard des avis de cetteassemblée.

De la protection à la réglementation

De nombreuses mesures réglemen-taires ont été adoptées pour que lachasse soit compatible avec le maintiendes populations :

- réduction du nombre de jours où la chasse de ces espèces est ouverte,

- limitation du prélèvement individuel journalier ou saisonnier,

- déclaration obligatoire des prises sur un carnet de prélèvement nominatif et

annuel,- interdiction de tir des femelles et des

jeunes non maillés de tétras-lyre,- interdiction de chasser par temps de

neige.

Si certaines mesures sont communes àl’Isère et aux Hautes-Alpes (ouverturetardive et fermeture précoce de la chas-se, carnet de prélèvement,…), la régle-mentation varie selon les espèces et lesdépartements :

- dans les Hautes-Alpes, le nombre de jours de chasse est réduit et les prises sont limitées à un oiseau par jour et par chasseur. En Isère, seul le nombre de jours de chasse est limité.

- depuis 2001 pour le lagopède et la gélinotte et depuis 2002 pour le tétras-lyre et la perdrix bartavelle, un plan de chasse a été instauré dans les Hautes-Alpes. En Isère, seule la perdrix bartavelle est soumise à plan de chasse, depuis 1987.

Ces mesures sont un moyen de main-tenir, voire de développer les popula-tions par la définition du prélèvementmaximum autorisé annuellement, àpartir des données disponibles sur leseffectifs et le succès de la reproduc-tion. Ces fondements techniques sontcependant très inégaux selon lesespèces. Les outils permettent uneassez bonne connaissance de la dyna-mique démographique des popula-tions du tétras-lyre et de la perdrixbartavelle.Mais cette connaissance devient beau-coup plus fragmentaire pour le lagopè-de et davantage encore pour la géli-notte en raison de la difficulté de dis-poser de méthodes de suivi des popu-lations suffisamment performantes.

24

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Agir...LE RECUEIL DE CONNAISSANCE ENGAGÉ PAR LE PARC NATIONAL DES ÉCRINS A POUR OBJETDE METTRE EN ŒUVRE DES ACTIONS DE GESTION CONSERVATOIRE. LES ENJEUX NE MANQUENT PAS CAR, DANS UN ESPACE NATUREL, LA CONSERVATION DE LADIVERSITÉ BIOLOGIQUE EST INDISSOCIABLE DES ACTIVITÉS HUMAINES.

Les oiseaux tués à la chasse sont obligatoirementconsignés dans un carnet de prélèvement

Espèces fragiles mais espèces gibier

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est réduit

un

Exemple du calcul pourétablir le plan de chassedu tétras-lyre dans lesHautes-Alpes

Le nombre d’oiseaux à prélever dépendde la reproduction de l’année, estiméelors des comptages réalisés en aoûtavec des chiens d’arrêt. Pour le tétras-lyre, l’indice de reproduction est expri-mé en nombre de jeunes par poule.Voir tableau ci-dessous.

Tétras-lyre Depuis la mise en place du plan de chas-se, le nombre d’oiseaux déclarés tués àla chasse dans les Hautes-Alpes varieentre 55 et 99 suivant les années.

Lagopède Pour la saison 2004-2005, 15 oiseauxont été déclarés tués à la chasse pourl’ensemble des 61 communes du Parcnational des Écrins.

Perdrix bartavelle Depuis 2002, les prélèvements ont régu-lièrement augmenté mais restent bieninférieurs aux attributions accordées.

25

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

"Une espèce chassée est une espèce dont on s’occupe". Pierre Martin, pré-sident de l’ACCA* de Chaillol en veut pour preuve le temps passé chaqueannée par les chasseurs des Hautes-Alpes pour participer au suivi despopulations de galliformes de montagnes. Quelque 500 journées sontconsacrées à ces espèces pour les comptages de printemps au moment desparades, puis en août pour le suivi de la reproduction avec les chiens d’ar-rêt. C’est en fonction des résultats de ces comptages que les chasseurs se

voient attribuer un nombre maximal d’oiseaux à tirer pour leur territoire. "En 2005, à Chaillol,on a eu 8 bartavelles au plan de chasse. C’était une année exceptionnelle en termes de repro-duction. Pour le tétras, c’était une année moyenne : on a eu 3 coqs..." pour quelque 25 mâleschanteurs recensés au printemps et une cinquantaine d’oiseaux, poussins compris, observésdans l’été.Pour Pierre Martin, la régression de ces espèces est liée à plusieurs facteurs. Il cite notammentle "changement du biotope" et l’évolution des pratiques agricoles... "À Chaillol, on s’est misd’accord avec les agriculteurs pour installer des clôtures et éviter le dérangement au momentde la reproduction. Ce n’est pas facile pour eux, ils ont des obligations de rendement maiscela peut aussi les intéresser pour mieux conduire leurs troupeaux. Il faut que tout le mondesoit partie prenante..." Il cite aussi l’augmentation de la fréquentation de la montagne, sansdoute le plus compliqué à cerner et à canaliser : "Il faut informer les gens. Même si on ne voitpas les oiseaux, on peut les déranger sans le vouloir, simplement en se promenant avec unchien dans les zones boisées". Quant à la chasse, il faut qu’elle soit bien "encadrée" et "nepas prélever plus que ce que la reproduction permet".Les "attributions" de chasse sont en fait assez rarement utilisées en totalité. La chasse au coq,à la bartavelle et plus encore au lagopède est difficile. Elle nécessite une connaissance fine ducomportement de ces espèces, un chien bien dressé… et beaucoup de chance : "ce sont desfusées" commente Pierre Martin en évoquant la rapidité d’envol de ces oiseaux. Plus jeune, ila d’abord beaucoup entendu parler de cette chasse avant de la pratiquer lui-même : "il y avaitde vrais conteurs..." Le chasseur de lago, "celui qui partait tôt pour monter très haut", avaitson aura... En tout cas, la période de chasse reste l’occasion de se retrouver... et de parler."C’est peut-être aussi cela qui nous a fait aimer la chasse."

*ACCA : association communale de chasse agréée

COMPTER POURMIEUX CHASSER

Pierre Martin, chasseur dans le Champsaur

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Les câbles aériens, notamment ceux desremontées mécaniques, constituent undanger mortel pour les galliformes demontagne. Ce danger peut-être très for-tement réduit par la pose, sur cescâbles, de dispositifs de visualisationadaptés qui permettent aux oiseaux de

les repérer. L’OGM a élaboré unprogramme pour l’inventaire et la visua-lisation des câbles les plus dangereux.Ce programme se scinde en 4 étapes :1) l’inventaire des tronçons de câbles

meurtriers, par enquêtes et visites de terrain auprès des gestionnaires de

stations de ski,2) la proposition de solutions de visuali-

sation,3) l’information des usagers et la pro-

motion du programme,4) le suivi de la mortalité sous les câbles

et l’évaluation de la pertinence du système de visualisation.

L’enquête préalable

La première phase de ce travail a étéinitiée dès l’année 2000 par les agentsdu Parc national des Écrins, avantd’être confiée en 2002 à AntoineCazin, dans le cadre de son stage de find’études.L’enquête sur 15 domaines skiables(175 remontées mécaniques) a étéconfiée au Parc national des Écrinsdans le cadre de ce programme.L’obtention de résultats exhaustifs estdifficile en raison de la faible probabili-té de trouver des oiseaux morts sousles lignes, notamment en saison estiva-le, et de l’imprécision de certains ren-seignements. Cependant, 20 tronçonsde câbles (11 téléskis, 7 télésièges,1 télécabine et 1 catex) à l’origine de lamortalité de 15 tétras-lyre, 6 perdrixbartavelles et 5 lagopèdes ont étérepérés et cartographiés. Il ne s’agit làque de la partie émergée de l’iceberg,la plupart des cadavres disparaissantrapidement, consommés par les préda-teurs et autres charognards.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

La "combe des tétras", c’est le nom donné par les habitués du site de ski "hors-piste" de la Grave-La Meije à l’un des vallons que l’on peut emprunter en des-cendant du sommet du téléphérique. "Ce n’est pas pour rien..." commenteDavid Le Guen, chargé de communication pour la société TGM (Téléphériquesdes glaciers de la Meije). "Au printemps, on les entend. On est en lisière deforêt, c’est leur habitat... Forcément, ils sont dérangés par des skieurs".En 2004, il est décidé d’installer un nouveau télésiège dit de "retourChancel", juste au-dessus de cette combe. L’appareil ne doit servir qu’en

cas d’enneigement insuffisant pour permettre aux skieurs de ce vallon de rejoindre la gare inter-médiaire du téléphérique, à 2400 mètres d’altitude. "Gérer, c’est prévoir. Il s’agit de garantir lechiffre d’affaires... et les emplois" a dû expliquer le gestionnaire aux défenseurs d’un ski "haute-montagne" qui craignaient un changement dans l’esprit du site. "L’environnement fait partie inté-grante du produit que l’on propose". Alors, chaque aménagement doit être "raisonné". C’est un"compromis entre la pression économique et les souhaits de préservation que l’on a, parce qu’onaime la montagne et que l’on veut continuer à y vivre" analyse David Le Guen.La faune doit faire avec le passage des skieurs qui descendent ici "sous leur propre responsabili-té"... et en toute liberté. C’est la spécificité et l’argument de vente du site. Dans la construction dece nouveau télésiège, les tétras n’ont pourtant pas été totalement oubliés : l’appareil est un obs-tacle aérien plus facile à éviter car des repères de couleurs ont été installés sur le câble fixe qui relieles pylônes. "Cette proposition a été faite par le Parc à l’occasion de l’étude d’impact menée pourcette nouvelle installation. Elle a été retenue d’emblée" se souvient David Le Guen. "Bien sûr, il fauty penser avant...". Ensuite, c’est beaucoup plus compliqué et beaucoup plus cher ! Prévue audépart, l’opération est très peu coûteuse et sa réalisation ressemble à... un jeu d’enfants !D’ailleurs, "ce sont les écoliers du village qui ont posé les repères de visualisation sur le câble, avecÉric, le garde-moniteur du Parc". L’occasion de parler des tétras, des risques qu’ils courent quandils heurtent un câble en plein vol ou quand ils sont dérangés par les skieurs...

DES “COMPROMIS” ENTREAMÉNAGEMENT

ET ENVIRONNEMENTDavid Le Guen, téléphériques des Glaciers de la Meije

Lagopède trouvé mort sous un câble de téléski Pose de balises sur les câbles d’un nouveau télésiège

Des câbles aériens meurtriers

silence

Respecter

la

nature

sans

bruit

et sans

trace

professionnels

de la montagne

Pour

découvrir

la

montagne

en

sécurité

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Les dispositifs de visualisation

À la suite de ce travail, des solutions devisualisation ont été proposées à quatredomaines : Les Deux-Alpes, le col duLautaret, Pelvoux et Puy-Saint-Vincent.La première opération de visualisations’est déroulée le 9 décembre 2002 aucol du Lautaret (Villar d’Arène) par lapose de 400 flotteurs sur le téléski duGatipel, grâce à la mobilisation des per-sonnels d’exploitation de la station,d’acteurs locaux et des agents du Parc.Ce sont ces mêmes flotteurs qui équi-pent depuis 2003 le téléski de la Crêteà la station de Pelvoux et qui équiperont

prochainement 4 téléskis de Puy-Saint-Vincent. Ces dispositifs se sont avérésparticulièrement intéressants et effi-caces pour réduire les cas de collisionsd’oiseaux avec les câbles. Afin d’ac-croître leur durabilité, des tests sur desmatières nouvelles sont actuellementen cours.Cependant, tous les câbles ne peu-vent être équipés par des flotteurs.Les câbles multipaires de télésiègepeuvent être visualisés au moyen despirales, à l’exemple des travaux réali-sés à La Grave en 2004. Des disposi-tifs de visualisation adaptés peuventégalement équiper les lignes élec-triques et les catex.

27

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Pose de balises sur des câbles déjà en place

Animation scolairechien Mieuxvaut

laisser

votre

chien

à la

maison

ski

Plaisir

de la

glisse

sans

déranger

la faune

jumelles

Pour

observer

à distance

et sans

déranger

raquettes

Faire

sa trace

c’est

aussi

faire

la tracephoto Pour

les

beautés

de

l’hiver

Partager la connaissanceet sensibiliserLes connaissances acquises au cours dutemps prennent tout leur sens lors-qu’elles sont restituées : partager sonsavoir, c’est œuvrer en sorte que chacunpuisse devenir acteur de la conservation.La communication et la sensibilisationsur son patrimoine naturel sont au cœurdes missions d’un Parc national. Cesaspects revêtent une importance parti-culière pour les galliformes de mon-tagne, espèces emblématiques d’un parc

alpin. Parce qu’ils vivent dans un milieuaustère, ces espèces sont très sensiblesaux dérangements répétés.

Ces perturbations peuvent devenir trèspréjudiciables lorsqu’elles se produisentà des périodes cruciales de leur biologie :hivernage, parades, reproduction. Desenvols répétés et le stress les affaiblis-sent, les exposent à la prédation et peu-vent gravement compromettre la cou-vaison par une absence trop fréquentedes poules sur le nid. Or, le développe-ment de nombreuses activités de loisirsa augmenté considérablement la fré-quentation des zones occupées par cesespèces en toute saison : ski de fond oude randonnée, raquette à neige, vélotout terrain, randonnée pédestre, … Ladégradation des habitats favorables auxgalliformes, due aux grands domaines deski, s’ajoute au dérangement lié à unefréquentation hivernale grandissante.

Toutes ces raisons ont conduit le Parcnational des Écrins à engager diverses

actions de sensibilisation sur les bonnespratiques de découverte d’un espacenaturel, pour en limiter au maximum lesnuisances : animations par les gardes-moniteurs à destination de publics ciblés(scolaires, accompagnateurs en mon-tagne…), efforts de sensibilisation desvisiteurs (expositions, publications...),collaboration avec les partenaires dumilieu montagnard...

Sentier d’interprétation des crevasses (Villar d’Arêne)

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Les galliformes sont sensibles au déran-gement surtout pendant leur période denidification avec un fort risque d’aban-don du nid. Les troupeaux peuvent êtreune source de dérangement, d’autantplus si les animaux sont contraints etqu’ils effectuent des déplacementsgroupés. Dans ce cas, il peut même arri-ver qu’une nichée soit piétinée.Au début de leur vie, les poussins ontdes besoins importants en protéinesqu’ils trouvent en mangeant desinsectes. Ceux-ci sont plus abondantsdans les secteurs où l’herbe est haute.Après le passage du troupeau, le milieuest moins favorable au développementdes petits tétras. Paradoxalement, lemaintien de ces milieux ouverts d’altitu-de, favorables à l’élevage des nichées,est dépendant de la poursuite des acti-vités pastorales et agricoles. Or, ceszones de nidification et d’élevage, pource qui concerne le tétras-lyre et la bar-tavelle, sont des milieux en cours de fer-meture (pré-bois). L’évolution des pra-tiques agricoles, avec un abandon de lafauche tardive des prairies en août pourun pâturage précoce en juin, est trèsdommageable au succès de la repro-duction des galliformes vivant à l’étagesubalpin (tétras-lyre notamment).

Les types de pratiques préconisés

Pour protéger les zones de nidificationet d’élevage des jeunes, un report de lapériode de pâturage en août est préco-nisé et mis en place sous forme decontrats passés avec les éleveurs.Il s’agit de report avec gardiennage, le

troupeau utilisant alors d’autres quar-tiers. La mise en place de déflecteurscanalisant le troupeau peut s’avérerutile lorsque celui-ci doit passer oupâturer à proximité de la zone de nidi-fication. La pose de clôtures entourantcomplètement la zone sensible est rarecar difficile à mettre en œuvre, comp-te tenu de la taille des secteurs. Elle aété utilisée parfois pour des parcsbovins par exemple.Ces reports de pâturage sont souventcomplétés pour le tétras-lyre par ungardiennage serré à l’automne, voire

une élimination des refus (végétauxnon consommés par le bétail) par giro-broyage si cela est possible. À l’au-tomne, il peut aussi être intéressant defaire pâturer un troupeau d’équins(âne ou chevaux) qui consommed’avantage les plantes "dures".Lorsque le milieu devient trop dense,avec par exemple un développementimportant du rhododendron ou del’aulne vert, il est conseillé de réaliserun débroussaillage partiel permettantde recréer une mosaïque alternantpelouses et landes.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Alain Barban est berger, il garde à la Lavine à La Chapelle –en-Valgaudemar un trou-peau de 1300 bêtes et ce depuis 16 ans.Il a connu et mis en œuvre successivement les mesures agri-environnementales, puisles CTE, et se prépare au CAD. Les mesures consistent pour l’essentiel en un reportde pâturage en début de saison . S’il est difficile selon lui d’en mesurer immédiate-ment les effets, il trouve intéressantes la démarche et la préoccupation. Les aidesfinancières accordées facilitent grandement les choses. Il faut cependant que les éle-

veurs continuent à mettre un peu la main à la poche pour les alpages.À propos des galliformes il a trois espèces sur son alpage. Sa fidélité au territoire lui fait dire que les effec-tifs sont sûrement moins importants aujourd’hui. Il rapporte des souvenirs de récits de son père. Sononcle qui allaient chasser le coq en hiver avec un simple filet de ficelles autour d’un cercle de bois, desobservations faites d’en bas quand les coqs se «branchaient» en automne .À quoi peut être due cette évolution ? Alain dit ne pas savoir, passant en revue une éventuelle évolutiondu milieu, une prédation plus importante, un pâturage dérangeant, sans leur accorder de réel crédit. Ilévoque d’autres facteurs qu’on ne connaîtrait pas, évolution du climat, cycles des espèces, prenantl’exemple des vernes qui toutes sont en train de sécher. Ce qui lui semble important c’est la conduite dutroupeau. Lui peut se permettre une conduite lâche, diffuse car les bêtes connaissent l’alpage et s’y tien-nent. Il évoque les études sur la végétation, les galliformes, et pense qu’elles sont indispensables pourcomprendre parce qu’elles sont construites sur des données objectives. Un suivi des tétras en automneserait à faire. C’est lorsqu’il monte ramasser ses filets en fin de saison qu’il fait fortuitement les observa-tions les plus intéressantes : dix sept poules ensemble alors qu’il ne les voit presque jamais d’ordinaire.L’intérêt du site, c’est d’abord qu’il est sans fréquentation d’octobre à mai, pour cela les choses sont lesmêmes depuis bien longtemps.

UNE VIE EN ALPAGEAlain Barban, berger à la Lavine

Le tétras-lyre etle mouton : ilétait une fois...

Retour à la couchade

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Les différents contrats et actions mis en œuvre par le Parc

Pour le tétras-lyre> Protection du milieu de reproduction :report de pâturage par gardiennage(391 ha sur 11 alpages ovins) ou avecclôtures (20 ha sur l’alpage bovin desFontanniers Embrun)> Maintien de l’ouverture du milieu pargardiennage serré (60 ha sur l’alpageovin du Clot des Portes / La Chapelle enValgaudemar) ou par mise en place deparcs tournants de fin d’après-midi et denuit (67 ha sur l’alpage de La Lavine / LaChapelle en Valgaudemar)> Reconstitution de l’habitat : mise endéfens par clôtures (sur 16 ha de l’alpagebovin du Distroit / Châteauroux)

Pour le lagopède alpin> protection du milieu de reproduction :mise en défens par gardiennage(16 ha sur l’alpage ovin du Couleau /Châteauroux), report de pâturage par

gardiennage (23 ha sur l’alpage ovin du Saut du Laire / Orcières) ou mise endéfens par clôtures (26 ha sur l’alpageovin de L’Alp / Réotier).

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Milieu de vie extrême du lagopède alpin

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L’évaluation

Un travail a été réalisé en 2005 pourévaluer l’impact des pratiques mises enplace dans le cadre de ces contrats.Plusieurs types de données ont été utili-sés pour cette évaluation :> Les résultats des comptages de prin-temps sur les sites de référence de 1992à 2005> Les résultats des différents comptagesd’été au chien> Les pratiques mises en œuvre.

Les effectifs des sites, objets decontrats, ont été comparés aux effectifsd’autres sites et aux effectifs globaux surles Alpes françaises et sur le parc natio-nal des Écrins.Les résultats sont assez encourageants,même si toutes les précautions doiventêtres prises quant à la représentativité etla fiabilité statistique des résultats auregard du nombre d’années de recul etdu nombre de sites étudiés.Ci-contre, des exemples pour letétras-lyre.

Un équilibre à trouver entrereport de pâturage et main-tien de l’habitat favorable

La mise en place de mesures de protec-tion des galliformes et notamment dutétras-lyre, comme les reports de pâtu-rage, semblent avoir un effet positif surles effectifs. Cependant, compte tenu duniveau de fermeture des milieux dansdes territoires comme le Valgaudemarpar exemple et compte tenu du faibleimpact du pâturage automnal sur lesbuissons, on peut se demander si l’évo-lution du couvert végétal dans cesespaces ne sera pas un jour défavorableau tétras-lyre. Dans les premièresannées des contrats, l’urgence de laprotection semblait prioritaire. Ilconviendra à l’avenir d’intégrer aussi lesenjeux liés au maintien de l’habitat.

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Sites de référenceobjet d'un CTE

Sites de référencesans CTE

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Parc nationaldes Écrins

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(%) Valgaudemar

National

Parc nationaldes Écrins

Valgaudemar / contrat 2000-2005

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(%) Le Colombier

National

Parc nationaldes Écrins

Le Colombier / pas de contrat

Évolution de l’abondance de Tétras-lyresde 1992 à 2005

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En dépit des difficultés rencontrées, l’activi-té menée par le Parc national au profit desgalliformes de montagne s’est révélée riched’enseignements. Le "suivi patrimonial"engagé au sein du réseau de l’Observatoirea permis également de consolider nosconnaissances susceptibles d’améliorer lagestion des populations de ces espèces ausein du parc. L’apport de données en conti-

nu vient régulièrement enrichir la baseinformatisée du Parc. Le nombre et la quali-té des comptages déjà réalisés sont unesource d’information essentielle pour tenterde comprendre les aléas influant sur leseffectifs d’oiseaux. Les tendances pourchaque site restent une alerte en cas dediminution avérée de la "population" galli-formes. Les diverses mesures de gestion

conservatoire engagées doivent être pour-suivies et leur impact régulièrement évalué.Cependant, au-delà de ces résultats,diverses questions plus générales restentbien évidemment posées sur les informa-tions qui manquent, sur ce que le Parcnational peut (et doit ?) encore améliorer etentreprendre après plus de 20 années d’ef-fort soutenu.

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Les galliformes en questionGélinotte des bois

carnet de terrain5 200 pattes et quelques œufsLe 30 juin 2006, vers 17 heures, avec Jean-Noël, le berger, nous suivons le troupeau de 1 300 ovins. Les 5 200 pattes des moutons traversent lemélézin. Les têtes grignotent de-ci, de-là, les plantes les plus appétantes. Soudain, à une dizaine de mètres devant nous, une poule de tétras-lyrejaillit sous les pattes d’une brebis, se pose au pied d’un gros mélèze et observe quelque peu abasourdie le passage du troupeau. Nous savonsbien que pour rester là, à laisser passer tout le troupeau sans broncher, cette poule était en train de couver. L’oiseau repart enfin, tourne sur l’aileet disparaît derrière nous. Nous nous approchons alors du genévrier et commençons la recherche, en vain. Le berger qui à grands cris a éloignéson chien, commence à ne plus y croire et part en direction du troupeau. Je fais quelques pas dans sa direction, j’hésite un instant et reviens sur

mes pas. Là, à l’aide de mon bâton, je commence à soulever délicatement les rameaux rampants de l’arbuste… Auquatrième ou cinquième essai, enfin, les œufs sont là, ocre jaune, tâchés de brun, l’un d’eux a été écrasé… J’appelle leberger qui accourt, repousse à nouveau son chien qui s’exécute immédiatement. Nous nous penchons sur la coupe dunid, l’embryon écrasé est entièrement emplumé, prêt à éclore. Nous comptons 7 œufs en tout. Jean-Noël me demandece qu’il pourrait bien faire pour protéger ce nid au cas où les brebis repasseraient par-là. Je lui suggère d’entourer l’en-vironnement immédiat d’un filet… Il réfléchit quelques secondes et me répond que vu la distance d’ici à sa cabane et

sa charge de travail, il n’aura pas le temps. Nous décidons alors d’entourer largement le genévrier d’une barrière improvisée en branches demélèzes. Dix minutes plus tard, un véritable petit enclos protège le nid au cas où… Le 5 juillet au matin, je suis à nouveau sur place pour consta-ter que les 6 œufs restants ont parfaitement éclos. Rappelons que les jeunes tétras-lyres quittent le nid sitôt l’éclosion terminée. J’étais heureux deconstater que la nichée avait pu s’émanciper et que malgré l’écrasement d’un œuf, la poule était probablement revenue rapidement sur son nid.Nous avons informé le berger de l’heureuse issue de cet événement. L’écrasement des nids par les troupeaux ovins se produit assez souventdans les zones de reproduction. Malheureusement, l’issue est souvent beaucoup plus dramatique que dans le cas relaté ici.

Pierre Bernard

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Le regard d'une spécialiste

Ariane Bernard-Laurentest Biologiste-écologue à l’Office

national de la chasse et de lafaune sauvage (ONCFS), auteur

de nombreux travaux sur lesgalliformes, notamment la

perdrix bartavelle, ses recherchess’effectuent dans un esprit

pluridisciplinaire, en lesreplaçant dans un contexte

social et économique. Elle participecomme référent à l’Observatoire

des galliformes de montagne, elleest membre expert du conseil

scientifique du Parc national depuisde nombreuses années.

Pourquoi s’intéresser auxgalliformes de montagne?Les galliformes de montagneprésentent un grand intérêt

patrimonial, reconnu au plan euro-péen, en tant qu’espèces embléma-tiques d’un certain état de biodiversité.Or, jusqu’à un passé récent, il faut bienreconnaître que ces espèces, touteschassables, étaient surtout connuesdes chasseurs avec chien d’arrêt.Aujourd’hui la situation a bien changé.Si les chasseurs continuent à leur por-ter de l’intérêt, les naturalistes et lesprofessionnels de la montagne dansleur ensemble connaissent désormaisou, au moins, ont entendu parler deces espèces. Cette évolution est dueessentiellement aux efforts de sensibi-lisation menés par les espaces proté-gés auprès des usagers de la mon-tagne.

Quel est l’intérêt d’un réseau natio-nal pour le suivi de ces espèces ?Le suivi mené par le Parc s’insère dansle réseau national de l’Observatoire desgalliformes de montagne (OGM) quifédère l’ensemble des suivis sur cesespèces dans les Alpes et les Pyrénées.Le statut de conservation d’une espècesur le territoire du Parc peut ainsi êtremis en perspective avec ce qui sepasse à plus vaste échelle et sur dessites à gestion différente : par exempleil faudra se préoccuper d’une espèceen déclin à l’échelle des Alpes, malgréson bon état de conservation local . Dela même façon, un suivi uniquementlocal ne permet pas de distinguer leschangements directement imputables àla gestion du site, d’effets plus globaux.C’est là tout l’intérêt de la mise en com-mun de suivis issus de plusieurs sitesgérés de façon différente, et soumis àdes conditions environnementalesvariées (climat, végétation, pratiques

agricoles, chasse…). La mutualisationdes observations permet notammentde reconstituer les variations de l’abon-dance et du succès de la reproductiondes espèces suivies à différenteséchelles spatiales. Cette démarche estparticulièrement utile pour le calcul desprélèvements cynégétiques admis-sibles.

Grâce au travail de ce réseau, peut-onrepérer des tendances générales dansles montagnes françaises voire pluslargement ?Pour la bartavelle, les effectifs des popula-tions des Alpes françaises sont en aug-mentation depuis 1995. Cette hausse s’estaccentuée à partir de 2003, année de trèsbonne reproduction. Cette tendancegénérale doit toutefois être nuancée dansles Alpes méridionales où une successiond’accidents climatiques survenus de 1994à 1996 ont affecté la production de jeuneset la survie hivernale, causant un déclintemporaire synchrone des populations.Ces fluctuations d’effectifs, très mar-quées, semblent dépendre de la variabili-té des conditions météorologiques. Pourle tétras-lyre en revanche, les situationssont très contrastées selon les régionsgéographiques. Si les effectifs semblentglobalement stables dans les Alpesinternes du Sud et les Préalpes du Nord, latendance est nettement à la baisse dansles Préalpes du Sud et les Alpes internesdu Nord. Selon les massifs, cette régres-sion des effectifs est imputable à la ferme-ture du milieu, à une intensification despratiques pastorales ou au développe-ment du tourisme hivernal. Pour le lago-pède, les variations inter-annuelles deseffectifs indiquent une tendance à la bais-se dans les Préalpes du Nord et les Alpesinternes du Sud et une stabilité dans lesAlpes internes du Nord et les Pyrénées.Ces tendances sont cependant à considé-rer avec prudence car la représentativitédes sites de référence ne peut être enco-

Connaître pour bien agirUn défi à partagerPAR ARIANE BERNARD-LAURENT

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Poussin de lagopède

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re évaluée ni dans les Alpes ni dans lesPyrénées.

De tels dispositifs de suivis rencon-trent donc des difficultés ?L’impératif du long terme suppose desinvestissements humains et donc des pro-blèmes de coût. Malgré ces contraintes,dans les Écrins, ce programme fonctionnedepuis le début des années 1980 grâce autravail collectif associant, dès sa concep-tion, une grande partie du personnel duParc, des scientifiques et parfois des chas-seurs et des membres d’association. La recommandation que l’on peut faire auParc national est de poursuivre l’effort desuivi, en mobilisant les moyens humainssur le lagopède et la bartavelle afin d’avoirune idée de l’abondance et de la réparti-tion des noyaux de population de cesespèces. Les indices à appréhender (ladensité de coqs par exemple) montrent defortes variations temporelles qui obligent àréaliser des suivis réguliers au long terme.

Les initiatives en termes de gestiondes populations et des habitats voussemblent-elles positives ?

Un atout majeur du suivi des galliformesmené par le Parc réside dans saconnexion au contexte économique etsocial. Par exemple, les contrats passésavec les éleveurs (mesures agri-envi-ronnementales) tout comme la visuali-sation des câbles constituent desactions extrêmement positives enfaveur de la protection des habitats etde la limitation des dérangements. Detelles initiatives, si elles ont pu souleverparfois des oppositions, ont permis auParc d’acquérir une légitimité dans lagestion ou la conservation de ce grou-pe d’oiseaux. Reconnu par les autresgestionnaires de l’environnement pourses compétences, le Parc est ainsi deve-nu partie prenante des politiquespubliques en matière de gestion desdiverses activités humaines qui s’exer-cent dans les espaces d’altitude.Dans le domaine de la conservation, unimmense chantier est ouvert : siquelques actions de protection desoiseaux ont déjà été menées, force estde constater qu’elles restent largementinsuffisantes au regard de l’étendue duterritoire où des menaces ont été identi-

fiées : envahissement de l’étage subalpinpar les végétaux ligneux, pratiques pas-torales à risque pour les oiseaux, aug-mentation des activités sportives denature… Pour aller plus loin, les mesuresde conservation existantes restent à éva-luer et de nouveaux dispositifs expéri-mentaux doivent être testés.L’application de la politique Natura 2000devrait fournir, en termes de moyenshumains et financiers, une aide au Parcpour qui les galliformes constituent desenjeux de conservation importants.Néanmoins les mesures conservatoiresde ces populations ne devraient pas secantonner à ce type d’espaces stricte-ment délimités.

Existe-t-il d’autres pistes pour utili-ser les résultats de ces suivis ?L’ensemble des connaissances acquisesouvre des perspectives extrêmementintéressantes pour appréhender la ques-tion de la conservation de ce grouped’oiseaux, notamment en opérant descroisements à partir des cartographiesde distribution des espèces, établies àdifférentes échelles d’espace.

Mâle de tétras-lyre en parade

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Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

Deux exemples :1. À partir de la cartographie au 1/25000ème

de la répartition des tétras-lyres sur les 18unités naturelles qui couvrent le Parc et dela délimitation des unités pastorales, il seraitpossible d’identifier les unités à enjeux pourle tétras-lyre (zones de nidification et d’éle-vage des jeunes). Une réflexion pourraitêtre ainsi engagée, en concertation avec lesprofessionnels du pastoralisme, pourmettre en place sur ces unités et en cas debesoin, des modalités d’exploitation pasto-rale qui soient compatibles avec les exi-gences du tétras-lyre pendant sa période dereproduction. Le même type de démarchepourrait être entrepris pour le lagopèdealpin, limitée toutefois aux trois unités natu-relles qui ont déjà fait l’objet d’un inventai-re de ces oiseaux.2. Sur les adrets des étages montagnard etsubalpin fermés ou en voie de fermeturepar la végétation ligneuse, le Parc pourraitproposer, avec les principaux usagers del’espace montagnard, un plan d’ouverturedes milieux. Cela donnerait une cohérenceaux multiples demandes locales, souventdispersées, de réouverture du milieu pro-venant de municipalités, d’éleveurs, de pro-priétaires, de chasseurs… Un tel plan béné-ficierait notamment aux populations de per-drix bartavelle dont l’habitat ne cesse de seréduire et de se fragmenter depuis le milieudu XXe siècle.

Comment appréhender l’impact desactivités humaines ?Si les usages des espaces d’altitude sont enpleine évolution, il reste très difficile d’éva-

luer dans quelle mesure les activitéshumaines portent atteinte aux populationsde galliformes de montagne. Sur les sites deréférence des trois espèces galliformes, ilserait judicieux de coupler les suivis bi-annuels ou annuels avec des indicateurspermettant d’évaluer la nature et l’intensitédes activités pastorales, touristiques et syl-vicoles. Le suivi temporel de tels indica-teurs, même s’il ne permet pas de connaîtreles mécanismes de l’impact en lui-même,permettrait de détecter l’accroissement durisque et d’adapter la politique de gestion sibesoin. Ce suivi des pressions exercées surle milieu serait particulièrement pertinent àappliquer aux habitats considérés comme«critiques» pour ces espèces.

Les gestionnaires et les chercheurstrouvent-ils des intérêts à travaillerensemble ?L’établissement d’une collaboration entrescientifiques et gestionnaires est essentiel-le à la mise en œuvre d’un programme desuivi efficace : elle permet d’améliorer leschoix méthodologiques et d’affiner l’inter-prétation des données recueillies chaqueannée sur le terrain. C’est l’un des rôlesessentiels de l’OGM qui permet à tout ges-tionnaire de se référer à des éléments vali-dés et communs.

En outre, les données de suivi peuvent ser-vir des objectifs de recherche finaliséevisant à mieux comprendre les liens entrevariations des indicateurs suivis et facteursde l’environnement. Voici deux probléma-tiques qui pourraient s’appuyer sur les

données collectées au sein du réseauOGM.Les galliformes de montagne occupent dessystèmes pastoraux pour lesquels l’équi-libre entre plantes herbacées et ligneusesest un élément clé de leurs habitats.Réussir la conservation d’une populationde galliforme exige une bonne connaissan-ce des principes qui influencent l’équilibreentre les différents composants de la végé-tation. Pour atteindre cet objectif, il seraitnécessaire de mettre au point des outils deprévision des conséquences des diffé-rentes options de gestion des milieux, àl’aide de modélisation de l’évolution deshabitats et d’expérimentations. Ce typed’étude permettrait de mieux orienter lesopérations de contrôle de l’embroussaille-ment, à la fois dans l’espace et le temps.

Une collaboration autour de la probléma-tique des changements climatiques pour-rait être aussi envisagée. En l’état actuel denos connaissances, les conséquences deschangements climatiques sur les écosys-tèmes de montagne ne sont pas prévisiblesen terme d’expansion/régression de larépartition des espèces. Le lagopède alpin,espèce relique de l’époque glaciaire, esttrès exposé aux changements de tempéra-ture. Il constituerait un excellent modèlepour étudier les effets du réchauffementclimatique sur son aire de distribution : onpeut s’attendre à une remontée en altitudede ses populations qui iront en se rétrécis-sant et en se fragmentant du fait de la dis-parition et du morcellement croissant deses habitats. Les espaces protégés offrentune situation privilégiée pour une telleétude car ils hébergent une populationimportante de lagopède du fait de leur alti-tude élevée. La poursuite de l’effort d’in-ventaire visant à connaître le niveaud’abondance et la répartition des noyauxde population de cette espèce sur le terri-toire du Parc trouve ici sa pleine justifica-tion. L’élaboration de ces projets de recherche,à différentes échelles de paysage, favorise-ra le développement d’échanges et parte-nariats entre chercheurs, gestionnaires etautres utilisateurs - professionnels ou ama-teurs - des espaces d’altitude. Elle pourraapporter une contribution utile au défi quereprésentent la conservation et la gestiondes galliformes de montagne.

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Poule de tétras-lyre

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Territoire Écrins – Collection des cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Décembre 2006 – Les galliformesDirecteur de publication : Michel Sommier - Coordination : Gil Deluermoz - Rédaction : Marcel Baïsset - Hervé Cortot - Christian Couloumy - Claude Dautrey - MurielDellavedova - Gil Deluermoz - Gilles Farny - Joël Faure - Claire Gondre - Claude Roger - Jean Sigaud - Relecture : outre les rédacteurs : Sylvine Aubert - Cyril Coursier -Hélène Quellier - Crédit photos : C. Albert 8-11 ; D. Briotet 25 ; Billaudel 26-27 ; R. Chevalier couverture-9-10-28-33 ; D. Combrisson 10-11-13-29-31 ; M. Corail 6-11-22-29-32 ; C. Coursier 12-15-26-27 ; G. Deluermoz 19-21-22-23 ; S. Durix 22 ; P. F. Galvin 24 ; C. Gondre 15-26 ; J. Guillet 7-8-10-11-12-13-31 ; F. Labande 27 ; A. L. Macle 7 ;J.P. Nicollet 7-10-11-12-13 ; ONF 9 ; PNE 23 ; H. Quellier 10 ; C. Roger 14 ; J.Ph Telmont 13-16-17-19-23 ; D. Vincent 28-34 - Illustrations : Kim Atkinson 3-36 ; Jean Chevallier21 ; Robert Corti 10-11-12-13 ; David Daly 9-18-20-28-29-30 ; Pierre-Emmanuel Dequest 7-14-15-16-22-25 - Avec la contribution de : Ariane Bernard-Laurent (Biologisteécologue à l'Office national de la Chasse et de la Faune Sauvage, ONCFS), Robert Corti, CNERA (Centre National d'Études et Recherche Appliquée) faune de mon-tagne, station des Alpes du Sud et de Yann Magnani, CNERA faune de montagne, responsable de l'Observatoire des galliformes de montagne - Mise en page : Anne-LiseMacle -Conception graphique et finalisation : Régis Ferré - Imprimerie : Imprimerie des Deux Ponts, Grenoble, sur papier PEFC - Edition : Parc national des Écrins

Les cahiers thématiques du Parc national des Écrins – N°2 – Les galliformes

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ANNEXES

Glossaire

Caeca : ramifications du tube digestif où la cellulose est transformée par des bactériesCompagnie : regroupement d’individus des deux sexes, le plus souvent constitué à partir de groupes familiaux (parents et jeunesde l’année). Ces regroupements peuvent parfois dépasser la douzaine d’individusDimorphisme : différence de forme, de couleur et/ou de tailleDomaine vital : étendue d’espace nécessaire à l’accomplissement de l’ensemble des besoins d’une espèceHomochromie : aptitude de certains animaux à harmoniser de façon temporaire ou définitive leur couleur à celle du milieuambiant. Cette aptitude leur permet en général de passer inaperçu au regard des prédateurs.Ligneux : végétal contenant du bois (lignine)Maillé : se dit du plumage du jeune coq lorsqu’il ressemble presque en totalité à celui de l’adultePaléarctique : relatif aux régions septentrionales de l'Ancien Monde (Europe, Afrique du Nord, Asie au nord de l'Himalaya)Plumage nuptial : plumage en période de reproduction ; il est généralement plus coloré et voyant chez les mâlesRectrices : plumes de la queueTarses : chez un oiseau, c’est ce que l’on appelle communément les doigts de la patte

Pour en savoir plus

Livres> Alain Dragesco, Les coqs de bruyère, la gélinotte et le lagopède - Atlas visuels, série Comment vivent-ils ? - Ed. PayotLausanne, 1989> Jean-François Dejonghe, Les oiseaux de montagne – Ed. du Point Vétérinaire, 1984> Paul Géroudet, Grands échassiers, gallinacés et râles d’Europe – Ed. Delachaux et Niestlé, 1994> Le lagopède ou perdrix des neiges - Carnets de terrain - Ed. Parc national des Pyrénées, 1989> Parc national des Écrins et Centre de Recherche alpin sur les Vertébrés, Faune sauvage des Alpes du Haut-Dauphiné –Atlas des Vertébrés, Tome 2, Les Oiseaux, 1999> Centre national d’étude et de recherche appliquée à la faune sauvage de montagne, Le tétras-lyre, la perdrix bartavelle, lelagopède alpin et la gélinotte des bois – Brochures techniques de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage> Le Tétras-lyre et l’aménagement touristique de la montagne - Ed. Parc national de la Vanoise - 1988> Les champions de l’altitude - la Salamandre n° 176, octobre-novembre 2006.

Sur Internet www.oncfs.gouv.fr/events/animois/2003/ss_rud57.phpDes fiches synthétiques sur les différentes espèces(biologie, répartition, avenir de l’espèce)www.atlas-oiseaux.orgEn ligne, l’Atlas interactif des oiseaux nicheurs deProvence-Alpes-Côte d’Azur de la Ligue pour la Protectiondes Oiseaux.

Fiches techniques> “Gestion des alpages du parc national des Écrins”, été 2006> CD audio "Les oiseaux des Alpes", chant de 80espèces d'oiseaux avec index et livret de sélection.Editions Sitelle

Ouvrez l’œil, solution de la page 8

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Parc national des ÉcrinsDomaine de Charance - 05000 GAP

Tel 04 92 40 20 10www.les-ecrins-parc-national.fr

Tétras-lyres - Peinture de Kim ATKINSON extraite de la collection «Art et Nature»

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Territoire Écrins est une collection de cahiers techniques et thématiques conçue pour partager des connais-sances scientifiques, des réalités de terrain et l’expérience des personnels en charge de la conservation des

patrimoines avec les acteurs, habitants et utilisateurs de cet espace naturel protégé.Les oiseaux emblématiques que sont les tétras-lyres, lagopèdes, perdrix bartavelles et gélinottes des bois,ont toujours été sujets de passion pour les montagnards et les naturalistes. L’enjeu de leur conservation

rassemble de nombreux partenaires autour d’actions diverses et des liens fructueux ont pu se nouer entregestionnaires d’espaces protégés, chasseurs, scientifiques, naturalistes, agriculteurs, forestiers, aménageurs,

professionnels de la montagne, enseignants et simples randonneurs.Cette collection est aussi le témoignage d’une équipe fortement impliquée dans cette aventure et qui

souhaite partager ces enjeux avec un large public dans l’échange et la proximité.

Petit Coq de bruyère mâleDessin de C. Gesner : “Icones, Avium... describuntur” (1560), p. 59

Marcel et Andrée Couturier, les coqs de bruyère, F. Dubusc éditeur, 1980

Gélinotte des boisFrancis Willugbby, ornothologiae libri tres, 1676, Tab. 31

Le livre des oiseaux d'Olof Rudbeck le Jeune,Editions René Coeckelberghs, Bibliothèque des Arts