CADRE LEGAL TUNISIEN DE LUTTE CONTRE LES STUPEFIANTS · un effet suspensif sur les poursuites...
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CADRE LEGAL TUNISIEN DE LUTTE CONTRE LES STUPEFIANTS
N.BEN SALAH et C. HAMOUDA
Faculté de Médecine de Tunis
Direction générale de la Santé
Ministère de la Santé
TUNISIE
INTRODUCTION
• La législation Pénale Tunisienne en vigueur réserve aux infractions de détention, usage et commerce des substances toxicomanogènes un traitement spécifique qui déroge aux règles admises pour l’ensemble des infractions pénales.
• L’évaluation de l’aspect préventif de cet instrument juridique, considéré trop rigide, ne semble pas concluante, à postériori, en matière d’incitation au sevrage et à la réhabilitation.
LEGISLATION EN VIGUEUR
• Loi 69-54 du 28 Juillet 1969 portant règlementation des substances vénéneuses :
• Classe les substances vénéneuses dans 3 Tableaux (A) Toxiques, (B) Stupéfiants et (C) Dangereux;
• Prévoit des dispositions spéciales et des sanctions spécifiques pour les substances du tableau B;
• Instaure les instances de dépistage et de traitement des toxicomanes : Bureau National des Stupéfiants et Commission nationale des toxicomanies
BUREAU NATIONAL DES STUPEFIANTS
• ATTRIBUTIONS : Décret 86-3 du 7 janvier 1983 modifié par le Décret 96-2151 du 6 novembre 1996.
- le BNS est rattaché au Ministère de la Santé Publique (art.1) - le BNS est chargé de 5 missions (art.2 nouveau) : 1. étudier les conventions et protocoles internationaux en matière de stupéfiants
et de substances psychotropes et proposer des modalités d’application adaptées aux conditions spécifiques du pays;
2. veiller à l’utilisation des drogues toxicomanogènes et vénéneuses aux seules
fins médicales et scientifiques ainsi qu’au contrôle de leur commercialisation licite, notamment dans le domaine de la fabrication des médicaments et proposer les recommandations nécessaires pour limiter la toxicomanie;
BUREAU NATIONAL DES STUPEFIANTS • ATTRIBUTIONS : 3. Participer à l’éducation sanitaire en proposant les méthodes de prévention et
d’éducation de masses nécessaires pour combattre ce fléau, et ce, sur la base des rapports qui lui sont communiqués par les services compétents du ministère de la santé publique et par les autorités chargées de la lutte contre l’usage illicite des stupéfiants et substances psychotropes;
4. Centraliser et exploiter :
- les données statistiques relatives aux prescriptions et consommations abusives de stupéfiants et de substances psychotropes qui lui sont signalés par les services sanitaires du ministère de la santé publique,
- ainsi que les déclarations et informations faites par les médecins qui pourraient constater des cas de toxicomanie dans l’exercice de leur profession;
5. Fournir à la commission des toxicomanies, prévue par l’art.119 de la Loi n° 69-54, les documents et renseignements mis à sa disposition ainsi que toutes informations sur les cas de toxicomanie présumée qui pourraient lui être révélées.
BUREAU NATIONAL DES STUPEFIANTS
• COMPOSITION ET ORGANISATION :
Art. 3 (nouveau) : précise la composition sous la présidence du ministre de la santé publique
Art.4 : réunions trimestrielles au siège du ministère de la santé publique
5 (nouveau) : le secrétariat du BNS est confié à un cadre de l’unité de la pharmacie et du médicament.
COMMISSION DES TOXICOMANIES
- Création : Loi 69-54 du 26 Juillet 1969 (art. 199 à 122) - Composition (art.119): un conseiller à la Cour d’Appel de Tunis, un représentant du ministère de l’Intérieur, un pharmacien inspecteur divisionnaire Trois médecins désignés par le ministre de la santé
publique - le secrétariat de la commission est assuré par un
fonctionnaire du BNS, - La dite commission pourra demander communication
du dossier de toute procédure relative à un délit d’usage de stupéfiants.
COMMISSION DES TOXICOMANIES
- Traitement (art.120)
La commission pourra astreindre toute personne atteinte de toxicomanie à subir une cure de désintoxication dans un établissement spécialisé, dans les conditions qui seront fixées par arrêté du ministre de la santé.
La commission fixera la durée de cette cure qu’elle pourra éventuellement réduire ou augmenter;
COMMISSION DES TOXICOMANIES
- Frais de cure : art. 121
les frais de la cure de désintoxication seront supportés par l’intéressé sauf exemption accordé par le ministre de la santé au cas où les ressources de l’intéressé s’avèrent insuffisantes.
- Recours : art. 122
Les décisions de la dite commission pourront être déférées au ministre de la santé publique.
LEGISLATION EN VIGUEUR
Loi 92-52 du 18 Mai 1992 relative aux stupéfiants • Etabli la liste des produits considérés comme
stupéfiants (annexe); • Maintient les sanctions vis-à-vis des consommateurs
et des détenteurs pour usage personnel (art.4), introduit la sanction de la seule fréquentation des lieux de consommation (art.8) et confirme l’interdiction du bénéfice des circonstances atténuantes au profit des « contrevenants » en matière de stupéfiants(art.12).
Consommateurs et détenteurs de Drogues pour usage personnel
• Art.4 : Sera puni de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de mille à trois mille dinars, tout consommateur ou détenteur à usage de consommation personnelle de plantes ou de matières stupéfiantes, hors les cas autorisés par la loi.
La tentative est punissable.
Fréquentation des lieux aménagés pour l’usage de stupéfiants
• Art. 8 : Sera puni de l’emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de mille à cinq mille dinars, quiconque fréquente sciemment un lieu affecté et aménagé pour l’usage des stupéfiants et dans lequel il en est fait usage.
Impossibilité pour le juge de recourir aux circonstances atténuantes
• Art. 12 : Les dispositions de l’article 53 du code pénal ne s’appliquent pas aux infractions prévues par la présente loi
CARACTERE EXCEPTIONNEL DE LA LEGISLATION REPRESSIVE DES STUPEFIANTS
Critère/nature de la Législation
Législation pénale commune Législation répressive des Stupéfiants
Perte du bénéfice des circonstances atténuantes
Lieu de survenue de l’infraction: lieu public, prison Situation particulière du criminel : parent, instituteur, médecin…
Systématique
Délai de suspension des poursuites pénales
3 ans
5 ans
Délai de suspension de l’application du jugement
5 ans
10 ans
0
5
10
15
20
25
BZ AT DV AMP AMP+B ART B CARB PHE
nombre
nombre
REPARTITION DES PRODUITS TOXICOMANOGENES 1981-82-83 et 1984
Pas de cannabis ni d’autres drogues
0
10
20
30
40
50
60
70
80
90
Médicaments
Cannabis
Autres
REPARTITION DES PRODUITS TOXICOMANOGENES 1995
Toxicomanies selon l’expérience de la consultation spécialisée de Toxicologie
du CAMU (Tunis)
• Etude rétrospective
• Étendue : 2001, 2002, 2003 et premier quadrimestre 2004
• Régions du nord est
• Consultations spontanées des intéressés ou sur demande de la famille
TOXICOMANOGENES EN CAUSE (1)
Médicaments
psychotropes
20
Solvants 30
Cannabis 33
Codéine (calmatux) 02
Datura 01
Héroïne 12
Substituts morphiniques
(subutex, temgésic,…)
11
TOXICOMANOIGENES EN CAUSE (2)
Cocaïne 03
Ethanol et sirops
alcoolisées
18
Méthanol seul ou associé
à l’éthanol
05
Associations de produits 20
Association de Tabac 35
• Ces 15 dernières années cette tendance s’est totalement renversée à la faveur du cannabis
• Associations possibles avec des psychotropes : Trihexyphénidyle (Artane, Parkisol) Benzodiazépines
• ou des opiacées
0
1000
2000
3000
4000
5000
6000
2010 2011
Nbre total d'interpellation et nbre de résultat positif par année
Nbre total d'interpellations
Nbre de positifs
Nbre de Cannabis 38,3%
52,7%
78,5%
89,6%
% négatif : 54%
cannabis : 84%
BDZ : 12%
Trihexiphenidyle : 4%
% positif : 46%
Fréquence de consommation chez les interpellés et fréquence des produits consommés (2010-2011)
0
100
200
300
400
500
600
700
800
Répartition des interpellations selon les mois
2010
2011
2012
Tunis Ben Arous
Ariana Bizerte Nabeul
Zaghouan Kef
Gafsa…
0
50
100
150
200
250
300
350
Répartition des consommateurs selon les mois (Nombre de positivité)
2010
2011
2012
Disponibilité du cannabis 2011
7%
30% 28%
16% 16%
3% 0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
< 20 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans ≥ 35 ans non mentionné
Consommation selon l'âge
0
2
4
6
8
10
12
Repartition des femmes consommatrices selon les mois
2010
2011
2012
Nombre très limité
Celibataire 75%
Mariés 10%
divorcés 1%
non mentionné
14%
Consommation selon statut social
Répartition selon le caractère associatif
Répartition selon le motif d’inculpation
2010 2011
% Cannabis 78.5% 89.6%
% BDZ 13.4% 9.6%
% Artane 8.3% 0.9%
% Opiacés 0.1% 1.0%
% Cocaine 0.7% 0.1%
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Répartition selon le produit consommé
7676 cp Parkisol
34 CSB
7 CSB
2011 2012
Source de Parkisol (CSB)
4553 cp Parkisol
Nombre de comprimés de psychotropes et quantités de substances addictives saisis
32
Année Nombre de comprimés
2006 6727
2007 12465
2008 8311
2009 22 257
2010 45 452
2011 8575
Résine de cannabis 485.03 Kg
Cocaïne 80 grammes
HéroÏne 413 grammes
Procès - stupéfiants et psychotropes
33
Année Nombre de
procès
Nombre de
prévenus
2006 1239 2430
2007 1458 2902
2008 1809 3788
2009 1935 4760
2010 1776 4099
2011 1319 2643
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES Clinique Toxicologique du CAMU
• Prise en charge des cas de dépendance physique, soit environ 50 cas annuellement.
• La commission nationale des toxicomanies reçoit en moyenne 200 demandes de soins par an dont 50% de dépendance au Subutex (depuis 2004) et 50% de dépendance à l’alcool et aux médicaments psychotropes.
• Parmi ces demandes 25% sont orientés au CAMU et 75% au centre Espoir.
• Provenance du Subutex : Algérie, Turquie, France…
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES Service Espoir
1999-2003 : ouverts aux seuls détenus Depuis 2003 : ouvert à tous les usagers (40lits)
Année
Patients Hospitalisés
2008
379
2009
369
2010
387
Diagnostic du comportement vis-à-vis de la drogue
Type Patient Comportement
Libres
Détenus
Usage
1,75%
3,5%
Abus
3,25%
9,5%
Dépendance
95%
87%
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES MANARA a suivi 2452 usagers.
Sexe ratio = 3/1,
10% travailleurs du sexe, 14% homosexuels,
23% bisexuels et 53% hétérosexuels
on estime entre 8000 et 11000 les UDI en Tunisie pour une population de 10 M,
TRANCHES D’AGE %
<25 ans 22,2%
25-34 ans 58%
> 35ans 19,8%
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES ATUPRET : 1174 usagers depuis 2007
• 987 pris en charge dont 14 adolescents
• 377 sur liste d’attente
• Durée de prise en charge : 2 mois
• Pas de méthadone
Drogues en 2010
Subutex
Médicament Psychotrope
Cannabis
Alcool
Héroïne
Nb
284
21
13
6
4
DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES ATIOS
• Prise en charge ambulatoire de 10h à 18h de patients Tunisiens, Algériens et Libyens,
• Action d’information auprès:
- des détenus de 20 à 28 ans (cannabis),
- des travailleuses du sexe de 13 à 18 ans (cnb)
• Dépistage de :
l’hépatite C : 50% + , du SIDA : 3,4% +
LA NECESSAIRE REFORME DES TEXTES DE LOI RELATIFS AUX STUPEFIANTS
• Art. 5 : Création de commissions régionales des toxicomanies (accélérer les procédures des soins);
• Art. 6 : Implication des structures privées de soins dans la prise en charge des toxicomanes;
• Art. 7 : Le toxicomane peut demander plus d’une fois au cours de la vie le bénéfice d’une cure de désintoxication sans être poursuivi;
LA NECESSAIRE REFORME DES TEXTES DE LOI RELATIFS AUX STUPEFIANTS
• Art. 8 : Les enfants de 8 à 21 ans peuvent être contraints par le juge d’instruction, le procureur de la république ou le tribunal à subir une cure de désintoxication. La soumission à une telle cure a un effet suspensif sur les poursuites pénales;
• Art. 10 : Toutes les données relatives à la santé des usagers de stupéfiants qui se présentent aux soins selon les procédures de l’art.7 de la présente loi sont considérées du domaine du secret professionnel.
CONCLUSION
• En dépit des spécificités socio-économiques de la Tunisie, l’évolution des addictions dans le pays mime de plus en plus celle des pays de la rive nord de la méditerranée.
• L’appareil législatif Tunisien prévenant et réprimant l’usage illicite des stupéfiants n’est plus adapté à la conception contemporaine des addictions et s’avère plutôt incitatif à leur développement.