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    THMATOLOGIE ET LITTRATURE COMPARE

    This paper begins with a terminological comment on the concepts oftheme and myth. The author adopts a firm culturalist position to defendthat the term theme should be applied to commom archetypes (i.e., thetransformation of man), whereas myth should be reserved to refer totheir specific cultural manifestations i. e., Daphne s metamorphosis). Inthis sense, thmatologie finds its research field in the meeting-pointbetween theme and myth. Secondly, the author maintains that any specificstudy must be confined to a limited number of authors from differentlinguistic areas but showing interactions between them. Finally, thistheoretical proposal is exemplified with an analysis of the labyrinth imagein the works of Kafka, Borges, and Butor.

    QUESTIONS DE TERMINOLOGIEIl n y a pas de vrit absolue en matire de terminologie. Une

    terminologie nest qu un instrument ncessaire, commode, et toujoursrvisable. Ncessaire, parce qu il est la condition mme d unecommunication. Commode, paree qu il permet la pense de s exprimeret parfois mme de se trouver. Rvisable, parce qu une terminologie n arien d absolu; elle est empirique, provisoire, susceptible de progrs. Aufond, et pour utiliser une image en accord avec 1 exemple principal queje retiendrai, elle nest qu un instrument d arpentage intellectuel.

    Aussi n aborderai-je qu avec beaucoup de prcautions la notion dethmatologie, et tout aussi bien la notion de mythe, que j ai cherch remettre en honneur partir de 1970 dans les tudes comparatistes. YvesChevrel, voquant avec discrtion les dbats autour de cette notion (iipensait en particulier au XIVme Congrs de la Socit Francaise deLittrature Gnrale et Compare qui s est tenu Limoges en 1977 etExemplaria 1 1997 3-12

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    4IERRE RUNELdontlesactes ont t publis en 1981 sous le titreMythes, Images.Reprsentations , crit quela discussion s'est particulirement cristallise autour du mot 'mythe',

    dont it sembleque lescomparatistes francais fassent unusage plus largeque leurs collegues de langue allemande, par exemple, qui, en revanche,disposent depuis longtemps de 1'expression Stoffgeschichtepour dsigner1'histoire dessujets traits parles crivains, et laquelle peut correspondrela dnomination, propose par P(aul) Van Tieghem, de thm tologi(1989: 59).

    11 estbien de remonter Paul Van Tieghem, qui a t 'undes fondateursde la littrature compare en France et dont le manuel surLa Littraturecompare (Van Tieghem 1931) a longtemps fait autorit. Thmatologieprend place dans la langue frangaise, et Raymond Trousson peut faireappel ceterme commeunmot courant dans son livreThemes et mythesen en faisant, comme Yves Chevrel, 1'quivalent de la Stoffgeschichte(1981: 7). On ne saurait toutefois oublier la fortune du mot thematologychez les comparatistes anglais et amricains. On est oblige de tenir comptedu fait qu'un comparatiste allemand (enseignant en Italie), Manfred Beller,a cru devoir distinguer la Stoffgeschichte de la thmatologie, dsignantpar Stoff la matire, le sujet, et par Thema ce qui concerne la fois lamatire et la forme expressive (1970: 36) Son plaidoyer pour lathmatologie s'est d'ailleurs heurt aux rticences, voir aux attaques deJ. Schulze en 1975 et de Henry Levin, qui yvoit autre chose qu uneapproximation scientifique et rejette unnologisme superflu (Trousson,1981: 16).

    En 1983, charg de mettre jour et de completer le prcieux manuelde Claude Pichois et Andre-Michel Rousseau, La Littrature compare(1967), j'introduisis dans le nouveau livre, Qu estce que la littraturecompare, publi chez le mme diteur, unchapitre, le chapitre VI, quej'intitulai Thmatique et thmatologie . Partant de 1'hesitation de S. S. rawerentre thematics et thematology (1973: 99), je rservai thmatiquepour designer unemthode, thmatologie pour designer undomaine(1983: 116), cette thmatologie appelant dailleurs dautres mthodesquela mthode thmatique. Jechoisis dinclure 1'tude des mythes littraires(1983: 124-129), aussibien que1'tude des themes (1983: 129-132) danscet ensemble thmatologique.

    POUR UNE NOUVELL E DEFINITIONA cette vision globale de 1983, jevoudrais substituer aujourd'hui une

    analyse etuneterminologie plus fines. A dire vrai, j'avais dj rencontrla probleme en 1974 quand, dans 1'enthousiasme du lancement de la

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    THMATOLOGIE ET L11TERATURE COMPAREcollection Mythes chez Armand Colin, j'avais publi Le Mythe de lamtamorphose. Jean Rousset, qui devait bientt donner a cette collectionson titre ultime, Le Mythe de Don Juan, me fit part de son tonnement,voyant dans la mtamorphose un processus gnral beaucoup plus qu'unmythe particulier. Je n'avais d'ailleurs pas pris mes exeinples dans uneseule culture, domine par les Mtamorphoses d'Ovicle et par cellesd'Apule, mais je m'tais promen du Popol-Vuh des Indiens mayaquichsau Kojiki japonais des Hommes de mais de Miguel Angel Asturias auxContes de pluie et de Lune de Ueda Akinari. Je ne renie pas ce livreaujourd'hui, mais je reconnais volontiers que j'tais encore sous 1'emprisede conceptions supra-culturalistes du mythe, dont je me suis loign parla suite tant dans la Prface du ictionnaire des mythes littraires (d.du Rocher, 1988) que dans Mythocritique.-Thorie et parcours (P.U.F.1992). Je pense en particulier aux definitions de C. G. Jung dans Typespsychologiques quand it part la recherche d'images primordiales,engrammes ou archetypes, et quand it affirme que les principaux motifsmythologiques se retrouvent chez toutes les races et toutes les poques(1920: 434). Je note au passage qu'Yves Chevrel retient ce mot de motif'(sans doute au sens allemand) propos du labyrinthe (1989: 60).

    Une position culturaliste stricte, - qui serait aujourd'hui la mienne -,doit s'interdire de parler d'un mythe de la metamorphose (en general)ou d'un mythe du labyrinthe. De la mme maniere, on ne cherchera pasde mythe de Don Juan en dehors d'une Europe chrtienne (et de sesprolongements), ou disons plus vaguement encore, d'une aire baroque.En revanche, elle ne s'interdira pas de parler des mythes de lametamorphose, ou des mythes du labyrinthe, chacun de ces mythes etantculturellement enracines et tous pouvant faire apparaitre un archetypecommun. Get archetype commun ne sera pas le mythe de Narcisse, maisla transformation de l'homme en une autre espce, et mme dans unautre rgne. I1 ne sera pas le labyrinthe de Crete, mais una casa labradapara confundir a los hombres (19798: 15), un espace-pige.Nous tenons, me semble-t-il, deux bouts de la chaine terminologique,avec d'un cote un theme, et de 1'autre ct un mythe. C'est parfaitementclair, par exemple, dans les Sonnets Orphe de Rainer-Maria Rilke, eten particulier dans celui qu'on pourrait appeler le sonnet de lametamorphose: Wolle die Wandlung (II, 12). Ce qui est nonc audbut du poeme, c'est un theme, - et d'ailleurs aussi un scheme -, celuide la transformation. Mais le sonnet s'achve sur un mythe, sur 1'vocationexplicite de Daphne mtamorphose en laurier:

    Und die verwandelte Daphnewill, seit sie lorbeern fhlt, dass du did wandelst in Wind.

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    PERREBRUNELeproposerai donc de considrer que le domaine restreint de lathmatologie est ce lieu de rencontre du theme et du mythe. Cequipermet de laisser d'un ct le domaine des themes, de l'autre celui desmythes, sans oublier quexiste tout unsystme de passerelles. L'objetpropre de la thmatologie sera donc tout particulirement des ensemblesfort difficiles enfermer dans unednomination, comete la mtamorphoseet le labyrinthe.

    THEME ET M THE: PROPOS DU tABYR1 'THEA propos du labyrinthe, j'tais rest sur le terme utilis par Yves

    Chevrel: motif. I1 mepara?t difficile d'envisagerce terme en francaiscomme dsignant le matriau thmatique, Stoff, et quelque chose quiconstitueraitunensemble.Je suis partisan d'un usage minimaliste dumotif, en disant par exemple que, dansuntexte, le mythe peut se rduire(apparemment du moins) unmotif caractre ornemental. Voici unexempleque j'emprunte au roman d'Alain Robbe-Grillet. ans lelabyrinthe 1959), - la description de I'ampoule lectrique d'un rverbre:

    Cest encore le mme filament, celui d'unelampeidentique ou peineplus grosse, qui brille pour rien au carrefour des deux rues, enfer-mdans sa cage deyerreen haut d'un pied de fonte, ancien bec de gazaux ornements dmods devenu lampadaire lectrique .L'exemple est intressant. car dans le labyrinthe des rues, ce fil lumineux

    estbien une manierede fil d'Ariane, mais il est lui-me-me enfermdansla prison de 1'ampoule. Si theme it y a, c'est ici un theme-objet. Et lelabyrinthe peut avoir en effet uneexistence objective: songeons parexemple au jardin-labyrinthe. L'objet lui-mme peut prendre forme delabyrinthe: c'estce laberintode fuego dontparleBorges dans Lostelogos El Aleph), citant l'hrsiarque Euphorbe au bcher. On pourraitaller partirde l dans le sens d'une analyse bachelardienne, d'unenouvelle psychanalyse du feu.Prenant 1'exemple du labyrinthe, Yves Chevrel tend encore le rduire une situation . C'est--dire quil pense moins au labyrinthe en tantquobjet qu la situation d'un sujet dans celabyrinthe. Sans aucun douteil a present l'esprit ce queRaymond Trousson, dans la premiere versionde son livre 1965) appelait themes de situation , en lesdistinguant desthemes de hros . La situation sera donc celle d'un individu pris dansun labyrinthe: c'est celle du K. de Franz Kafka, dans e Chteau, quandit ne peut avoir accs, comme Barnab, l'antichambre des bureaux. I1(Barnab) a le ciroit d'entrer dans lesbureaux , dit-il Olga, ou, si tuveux, dansuneantichambre, mettonsquec'estuneantichambre, mais ity a desportesqui donnent au-del, des barrieresquon peut franchir, si

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    THA1ATOLOGIE ET LrVTERATI in coMPARtiI'on est assez adroit pour cela. Moi, par exemple, je n'ai, du moinsprovisoirement pas accs a cette antchambre . K. se perci dans lelabyrinthe de l'auherge des Messieurs (294), comme Jacques Revel peutse perdre dans Bleston, la ville anglaise de L Emploi clu temps (1956: 1.2)de Michel Butor: son arrive, it quitte la gare, errequelque temps avecses bagages, et se trouve dansuneautre gare. I1 est done, avec unpossiblejeu de mots, gar :

    QuandjeBuisentr. j'ai d me rendre I'vidence: dja cecourtprple m'avait gar: j'tais arriv dans uneautre gare, Bleston NewStation, tout auss videque la premiere.

    Mespieds me faisaient mal, j'tais tremp, j'avais des ampoules auxmains; meux valait en rester 1d .

    Cette situation de l'homme dans le labyrinthe peut tre toutetntaphorique. Ainsi, rappelle Borges clans Los telogos , saint Augustinoppose lespaiens, les impes, qui errent dansun laberinto circular , auxchrtiens qui suivent la va recta de Jsus (1979, 39). Ellepeut trelargies l'on considere le cosmos tout entier comme un immenselabyrinthe: ainsi doit tre le monde pour Carlos Argentino,qui s'estpropos de versificar toda laredondez del planeta (1979 : 161). Claudela vu le Pote commeunesorte d'arpenteur, l'Inspecteur de la cration ( LePromeneur , dans onnaissartce de lbst. , le Vrificateur de la choseprsente ; et l se sail capable de prendre ses repres. de dcouvrir laprsence ternelle de quelqu'un d'autre (Art potigu.re . Mais Carlos Ar-gentino le peut-il, pris comme it lest dans le vertige d'un catalogueinfini?

    Le risque, pour l'crivain du lahyrinthe, c'est de cder la tentationde l'largissement thmatique. Aussi prend-il soin, tres souvent, dechercher des assises mythiques. Si Kafka se passe de rfrence aulabyrinthe de Crete, Borges place dans 'undes contes de El Aleph lafigure emblmatique d'Astrion, autre nom du Minotaure ( La casadeAsterin ). Comme le rappelle Raymond Christinger, le Minotaure, galement nomm Astrios, l'toil, est parfoi.s symbolis

    p r un stre pl c u coeur du labyrinthe. Sur certaines monnaies crtoises,le centre d'un labyrinthe symbolisparun svastika est occupe parcroiss nt de lune (1971: 79).

    Mais c est certainement Michel Butor qu Arend le plus ostensiblementcepoint d'appui mythique quand it place dans le Muse de Bleston lasrie des dix-hut tapisseres de la vie de Thse, faisant du onzimepanneau le panneau-pivot (1956, 157), le seul d'ailleurs queJacquesRevel identifi.e tout de suite, - celui qu reprsente le jeune hros encuirasse affrontant le monstre dans le labyrinthe et le tuant de sonepepoigne tresorne.

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    PERREBRUNELL'pe. voila bien l'objet mythique qui semblait pourtant ne devoir

    tre qu'un motif dans le roman de Butor (cf. le restaurant appel TheSword). Mais ce n'est pas unhasard si, unsoir, dinant au Sword, JacquesRevel songe aux tapisseries du Muse (1956, 163).Et le mythe du labyrinthepourra prolifrer, essaimer en divers objets, le plan de Bleston vendu parAnn, vritable fil d'Ariane, mais labyrinthe aussi, et cet autre fil, cet autrelabyrinthe, le journal de Jacques, le texte romanesque qui se droulesous les yeux du lecteur.

    I1 est normal que le mythe du labyrinthe crtois nourrisse ainsi lathmatologie du labyrinthe. Mais on observera qu'il n'est pasncessairement le seul, et qu'un enchevtrement de mythes peut seproduire, qui ne laisse pas d'avoir quelque chose de labyrinthique. DansEl Aleph le narrateur de Borges (ou Borges lui-mme) voit infinitascosas" dont "las muchedumbres de Amrica", "un laberinto roto (eraLondres) et "una plateada telaraa en el centro de una negra pirmide"(19798: 169-170). Dans L Emploi du temps Jacques Revel sent, commel'Arachn d'Ovide, "tout autour de (lui), les fils de la chane envahir latrame commeune mare . Et it constate: (...) bientt mesmains seront prises dans cette toile, et moi, toutenferm dans ce mtier ( tisser), jene russis pas dcouvrir le levier mouvoir qui changerait le point (1956: 218).Mme Kafka, plus avare de rfrences mythiques, fait de Frieda, lamaitresse de K. (et de Klamm), une tisseuse qui est l, "dans la salle(d'auberge) comme l'araigne au nid, elle avait tiss partout ses fils,qu'elle tait seule connaitre" (1984: 345).

    L T A B L I S S E M E N r r D'UN CORPUSJouant 1'intrieur d'un espace culture , la thmatologie appelle une

    multiplicit de rfrences et d'exemples. Pour une tude dii labyrinthe,on sera saisi de vertige devant les listes trs fournies que donne AndrPeyronie dans son article du Dictionnaire des mythes littraires. Le risqueprcisment est de s'y perdre. Andr Siganos propose un corpus plusraisonnable: it a choisi, dit-il, de se limiter " une vingtaine d'oeuvrescontemporaines dont la grande diversit de genres, de factures et d'originesnationales autorisera sans doute rendre compte avec quelque fruit d'unmythe aujourd'hui sans cesse reconvoqu (1993: 57). Cette liste, la voici,dans l'ordre chronologique:

    Montherlant, Pasipha (1928, piece cre en 1938)Andr Gide, Thse (1946)Julio Cortazar, Los Reyes (1947)

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    iIMATOLOGIE ET LITTERATURE COMPAREMarguerite Yourcenar, ui n a pas son Minotaure (1947)Jorge Luis Borges, La Casa de Asterin (1947)Nikos Kazantzakis, 7hse (1949)Andr Suars, Minos et Pasipha (1950)Jules Supervielle, Le Minotaure (dans Le Petit bois et autrescontes, 1942)Mary Renault, The King must die (La Danse du taureau, 1958)Jean Cocteau, Le Requiem (1962)Christiane Baroche Le Tore de Minos 1983)Nikos Kazantzakis, Dans lejardin de Minos (1984)Friedrich Drrenmatt, Minotaurus (1985)_Jean Prol, Qui ne veut pas sacrifier le taureau (dans Ruines

    mres, 1993).Ce choix, sans doute significatif pour le Minotaure, l'est moins pourle labyrinthe. Pourquoi pas le Dedalus de Joyce (The Portrait of the artistas a young man), pourquoi pas Marelle de Cortazar? Mais la liste pourraittre dmesurment allonge.

    I1 est sage, dans le cadre d'une tude thmatologique et comparatiste,de se proposer un corpus restreint mais cohrent. C'est le cas si on runitKafka, Borges et Butor. Tout peut commencer avec Le Chateau (DerSchloss, commenc en 1922, inachev comme it convient sans doute un rcit labyrinthique et publi en 1926). I1 faudrait y ajouter au moins lanouvelle Le Terrier(DerBau), crite Berlin pendant l'hiver 1923-1924,publie en 1931).

    J.L.Borges a t un grand lecteur de Kafka. Ds le 2 juin 1935 it adonn LaPrensa un article sur Las Pesadillas de Franz Kafka , signalpar Jean-Pierre Berns dans 1'dition cle la Pliade, mais malheureusementnon repris dans le volume. Ce volume contient en revanche un articled'aoi t 1937, publi dans la revue El Hogar oBorges donne sesimpressions aprs avoir lu la traduction anglaise (The Trial) du Procs.Parlant en gnral de ces rcits d'une terrible simplicit , it rappelle lesujet du Chateau :

    Dansun autre rcit de Kafka, le hros est un arpenteur appel serendre dans un chateau. I1 ne parvient jamais y pntrer ni trereconnu par les autorits qui le rgissent (1993: 1092).

    Les oeuvres de Kafka lui apparaissent comme des cauchemars jusquedans leurs dtails extravagants et i1 leur reconnait une intensitindiscutable. I1 ne juge pas inexactes les interprtations thologiques quien ont t faites, mais it les considre comme non ncessaires. En revancheit se plait voir dans l'Elate Znon, dans ses fictions d'chec impossibleet d'obstacles minimes et infinis (Achille et la tortue), un prcurseur de

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    1 PERRERUNELKafka. C'est justement aux prcurseurs de Kafka quest consacr le texteintitul Kafka y sus precursores. publi dans Otras inquisiciones 19792 107), publi en 1952, donc chronologiquement proche des nouvelles deElAleph. Tout commence avec Znon d'Ele:

    Un mvil que esten A (declara Aristteles) no podr alcanzar elpuntoB.porqueantes deber recorrer la mitad del camino entre los dos,y antes, la mitad de la mitad, y antes, la mitad de la mitad de la mitad, yas hasta el infinito; la forma de este ilustre problema es, exactamente, ladel El Castillo, y el mvil y la flecha y Aquiles son los primeros persona-jes kafkianos de la literatura (1979 : 107).

    Mais it pense aussi Han Yu, crivain chinois du IXme sicle, Kierkegaard, Robert Browning, aux Histoires dsobligeantes de LonBloy. Borges n'a pas traduit Le Chteau mais it a traduit La Mtamorphose,avec un prologue (d.Losada, 1938).

    Mme si Michel Butor n'a consacr aucun texte de ses Rpertoires Kafka, nous savons par Georges Raillard qu'il 1'a lu, et tres tot, des 1943-1944, quand it tait en hypokhagne Louis-le-Grand: s'il tait alors dcupar l'enseignement qu'il recevait, it dvorait des livres, et choisissait lesgrands, - Kafka, Joyce, Proust (Raillard 1968: 17). Dans les Essais sur leroman, on trouvera au moires des mentions du journal de Kafka, l'crivainapparaissant Butor comme le cas limite, (...) extrmement rare, del'auteur qui travaille vritablement pour lui-mme, pour pouvoir plustard faire le point, et qui n'a nullement l'intention de donner lire autrui ce qu'il note (162). Et it ajoute:

    Kafka saitbien dans son Journal que c'est lui-mme qu'il s'adresse,mais qui ne voit que point ce lui-mme futur est au jour de la rdactionun inconnu? II crit pour savoir ce que cela pourra lui dire; s'il le savaitdj, justement parce qu'il ne suppose point d'autre public, quel besoinaurait-il d'crire? Il demande ce frre lointain: ' Qui suis-je? , c'est--dire: Qui es-tu? , si incroyablement lointain dont it ne peut presque riendire si ce n'est qu'il sera vraisemblablement perdu comme lui, et quecette trace laisse sur le papier pourra peut-tre 1'aider se reconna?tre, s y' reconna?tre (166-167).On voit l'intrt de ce corpus rduit pour une tude de thmatologie. Les

    trois auteurs considrs appartiennent trois domaines linguistiquesdiffrents, mais it y a entre eux interaction. Ce sera le point de dpart dela comparaison proprement dite. Et cette comparaison mrite d'autantplus d'tre faite qu'elle a t lointainement amorce. Des 1945, ErnestoSbato distinguait les labyrinthes de Borges de ceux de Kafka Sul, n125,71; Cit par J.P.Berns, Pliade, 1605):

    Les labyrinthes de Borges relvent de la gomtrie ou du jeu d'checset produisent, tout comme les problmes de Znon, une angoisseintellectuelle qui nait de la lucidit absolue des lments mis en jeu;

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    THMATOLOGIE ET LITrERATURE COMPARTE1ceux de Kafka, en revanche, sont des corridors obscurs, sans fond, in-sondables et l'angoisse est une angoisse de cauchemar ne de lamconnaissance absolue des forces en jeu. (...) I1 y a aussi chez Kafkaune Loi inexorable mais infiniment ignore (...)".

    J'arrterai l la prsentation de l'exemple, qui voulait seulement venir l'appui de considrations thoriques. Rduire le domaine de lathmatologie pure ce lieu de rencontre, dans le texte littraire, dutheme et du mythe, cenest pas, je crois, appauvrir la littrature compare.Celan'interdit par ailleurs ni lestudes de themes ni lestudes de mythes.Mais on devrait pouvoir ainsi mieux aborder de grands sujets, difficiles rpertorier, sinon thmatologiquement. L'tude de theme sort renforcede la prsence du et des mythes. L'tude comparatiste trouve l, elleaussi, son assise: partir d'un fonds culture commun (le mythe), undveloppement thmatique original. Une fois de plus, comparatisme del ressembl nce et comp r tisme de l diffrence se rvlentcomplmentaires.

    BIBLIOGRAPHIEBeller, Manfred (1970) "Von der Stoffgeschichte zur Thematologie", Ar-cadia V.Borges, Jorge Luis (1993)Oeuvres completes, tome I, Gallimard.Borges, Jorge Luis (1979)Otras inquisiciones.Borges, Jorge Luis (19791), El Aleph .Brunel, Pierre (1983)Qu est-ce que la littrature compare.? Armand Colin.Butor, Michel (1956) L Emploi du temps , d. de Minuit.Butor, M. Essais sur le roman, Gallimard coil. Idees,n188.Chevrel Yves (1989) La Littrature compare, P.U.F., coil. Que saisje

    no499Christinger Raimond (1971) Au coeur du labyrinthe", dans Le Voyage

    dans l imaginaire , Geneve, d. du Mont-Blanc.Jung, C.G. (1920) Types psychologiques, Traduction de Y. Le Lay, Geneve,Librairie de l'Universit Georg.Kafka, Franz (1984) Le ( bateau, trad. fr. Bernard Lortholary, GF, n428,

    Flammarion.Pichois, Claude et Rousseau, Andre-Michel (1967) La Littrature compare,

    Armand Colin.Prawer, S.S. (1973) Comparative Literary Studies:an Introduction, NewYorkRaillard, Georges (1968) Butor, Gallimard, "La Bibliothque idaleRobbe-Grillet, Alain (1959) Dans le labyrinthe , d. de Minuit; rd. UGE,

    coll.10/18, n171-172.

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    12IERRE BRUNELSiganos, Andr 1993)Le Minotaure et son mythe, P.U.F.Trousson Raimond 1965)Un problme de littrature compare: les tudesde thsnes Lettres Modernes

    Trousson Raimond 1981)Thmes et rnythes, dition de 1 Universit deBruxeles.Van Tieghem, Paul (1931) La Littrature compare, Armand Colin.

    PIERRE BRUNELCENTRE DE RECHERCHE EN LITTRATURE COMPARE ICE PARIS IV