Brotheridge_Grandey_em Work and Burnout

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Aline Muller, [email protected] Brotheridge, C. M., & Grandey, A. A. (in press).Emotional labor and burnout: Comparing two perspectives on “people work”. Journal of Vocational Behavior . Théorie et hypothèses Cette étude s’intéresse au travail émotionnel et au burnout chez les personnes ayant un poste de travail à contacts humains ( infirmières, personnels de vente,...). Le burnout est un syndrome se caractérisant par une dépersonnalisation, une diminution de du sentiment d’accomplissement personnel au travail et un épuisement émotionnel. Bien que l’épuisement émotionnel soit au coeur du burnout, la littérature actuelle a rarement considéré l’exigence émotionnelle d’un travail comme un prédicteur du burnout. Les recherches antérieures se sont surtout arrêtées sur les notions quantitatives des interactions (durée, fréquence,...) entre l’employé et le client. Mais les notions de qualité des interactions et de la gestion individuelle des émotions pour répondre aux exigences de l‘organisation (avoir la consigne de montrer tels émotions) ont souvent été omises. Cette étude cherche donc à examiner la contribution de l’exigence émotionnelle du poste travail et les réponses individuelles des employés face à cette exigence sur le burnout des employés. Le travail émotionnel a été conceptualisé en deux directions : - Un focus sur l’exigence émotionnel du travail, donc sur le poste de travail. - Un focus sur le travail émotionnel des employés par rapport aux exigences du travail, donc focus sur l’individu. L’étude cherche à répondre à 3 cinq questions : a) Est-ce que les employés à postes relationnels ont des exigences émotionnelles et un travail de contrôle émotionnel plus conséquent que les gens à autres postes ? Les hypothèses reliées à cette question sont de deux ordres. H1a : Les employés à postes relationnels souffrent plus de burnout que les autres. H1b : Les employés à postes relationnels ont la perception d’un plus grande exigence interpersonnelle ( intensité et fréquences des interactions) et d’une faible autonomie sur les émotions, par rapport aux employés à postes peu relationnels. Cinq professions ont été choisies pour faire l’étude de comparaison : managers, employés de bureau, travailleurs physiques pour les postes à faibles contacts humains, et professions de la santé et de la 1

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Aline Muller, [email protected]

Brotheridge, C. M., & Grandey, A. A. (in press).Emotional labor and burnout: Comparing two perspectives on “people work”. Journal of Vocational Behavior.

Théorie et hypothèses Cette étude s’intéresse au travail émotionnel et au burnout chez les personnes ayant un

poste de travail à contacts humains ( infirmières, personnels de vente,...).

Le burnout est un syndrome se caractérisant par une dépersonnalisation, une diminution de

du sentiment d’accomplissement personnel au travail et un épuisement émotionnel. Bien que

l’épuisement émotionnel soit au coeur du burnout, la littérature actuelle a rarement considéré

l’exigence émotionnelle d’un travail comme un prédicteur du burnout. Les recherches

antérieures se sont surtout arrêtées sur les notions quantitatives des interactions (durée,

fréquence,...) entre l’employé et le client. Mais les notions de qualité des interactions et de la

gestion individuelle des émotions pour répondre aux exigences de l‘organisation (avoir la

consigne de montrer tels émotions) ont souvent été omises.

Cette étude cherche donc à examiner la contribution de l’exigence émotionnelle du poste

travail et les réponses individuelles des employés face à cette exigence sur le burnout des

employés.

Le travail émotionnel a été conceptualisé en deux directions :

- Un focus sur l’exigence émotionnel du travail, donc sur le poste de travail.

- Un focus sur le travail émotionnel des employés par rapport aux exigences du travail, donc

focus sur l’individu.

L’étude cherche à répondre à 3 cinq questions :

a) Est-ce que les employés à postes relationnels ont des exigences émotionnelles et un travail de contrôle émotionnel plus conséquent que les gens à autres postes ? Les hypothèses reliées à cette question sont de deux ordres.

H1a : Les employés à postes relationnels souffrent plus de burnout que les autres.

H1b : Les employés à postes relationnels ont la perception d’un plus grande exigence

interpersonnelle ( intensité et fréquences des interactions) et d’une faible autonomie sur les

émotions, par rapport aux employés à postes peu relationnels. Cinq professions ont été

choisies pour faire l’étude de comparaison : managers, employés de bureau, travailleurs

physiques pour les postes à faibles contacts humains, et professions de la santé et de la

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vente pour les postes relationnels. Des études ont remarqué que la perception de l’exigence

émotionnelle d’un poste est plus prédictive du burnout que le type de profession.

b) Est-ce que l’exigence émotionnelle d’un poste et la nécessité de contrôle émotionnel qui en découle est un haut facteur de prédiction du burnout ? Il y a deux hypothèses reliées à cette 2e questions.

H2a : La perception de l’exigence du travail (fréquence, durée, intensité et variété des

interactions clients-employés) est reliée positivement au burnout.

Ce sont les facteurs quantitatifs tels que la longueur, la fréquence, l’intensité des interactions

qui ont souvent été définis comme les dimensions du travail émotionnel et comme

prédicteurs du burnout. Cependant certaines recherches ne sont pas arrivées à ces

conclusions. La recherche va donc tenter d’éclairer ces résultats paradoxaux.

H2b : La perception d’un rôle de contrôle des émotions est relié positivement au burnout.

Une étude a montré que le fait de cacher ses émotions négative a pour effet d’augmenter le

burnout.

c) Est-ce que le travail émotionnel des employés est un facteur particulier de prédiction du burnout ? Dans cette troisième partie, on se concentre sur le sujet lui même et non plus sur les

caractéristiques de son poste.

Une étude a montré que le besoin de contrôler et gérer ses émotions, induits par les buts de

l’organisation, est un facteur hautement prédictible du burnout.

L’étude distingue deux processus du travail émotionnel qui représentent la manière dont les

employés doivent gérer leurs émotions en fonction du rôle exigé. Il y a le processus de

« surface acting » qui correspond à montrer une émotion positive alors que l’on en ressent

un négative. Et le processus de « deep acting » qui correspond à un contrôle interne

permettant une adéquation entre ce que l’on ressent et ce que l’on doit montrer.

Ce point 3 soulève 3 hypothèses.

H3a : Le processus de « surface acting » est lié positivement à l’épuisement émotionnel.

H3b : Le processus de « surface acting » est lié positivement et le « deep acting »

négativement au facteur de dépersonnalisation.

H3c : Le processus de « surface acting » est lié négativement et le « deep acting »

positivement au facteur d’accomplissement personnel.

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Méthode

Participants 238 employés canadien a plein temps. 55% sont des femmes. Une moyenne d’âge de 27

ans.

Les professions de ces personnes ( serveurs, ingénieurs, ouvriers de la construction,....) ont

été classées dans les 5 catégories de profession prédéterminées : travailleurs dans le santé

(29), employés dans la vente (143), managers (15), employés de bureau (22), et travailleurs

physiques (29).

Procédure et instruments Les différentes variables sont mesurées de cette manière :

Il y a deux variables contrôles : « sexe » car il y a plus de femme qui ont des postes à

travail émotionnel, et « affectivité négative ». Cette dernière peut augmenter la perception du

degré d’exigence du travail et celle de la gestion émotionnel au travail. On la mesure avec le

test du PANAS.

Regard sur les exigences du poste de travail : (1) les exigences interpersonnelles. Le travail émotionnel exigé par le travail est mesuré

avec les items du « Emotional Labour Scale ». Cette échelle mesure la variété et l’intensité

des expressions émotionnelles, la perception de la fréquence des interactions avec les

clients et la durée de ces interactions.

(2) La perception de son propre rôle. « The Emotion Work Requirements Scale » mesure

le degré de contrôle émotionnel de chaque employé en fonction de l’exigence institutionnel.

On demande à l’employé s’il doit montrer ou cacher certaines émotions pour remplir son

rôle.

Le travail émotionnel individuel : « The Emotional Labour Scale » permet de mesurer les

processus de « surface et deep acting ».

Le burnout des employés : On le mesure avec l’échelle de Likert par le questionnaire

« Maslach Burnout Inventory » qui met en évidence 3 dimensions : l’épuisement émotionnel,

la dépersonnalisation, et la diminution du sentiment d’accomplissement personnel.

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Résultats

Hypothèses 1a et 1b : Anova et tests de Tukey H1a : On ne trouve pas de différences significatives permettant de dire que les postes

relationnels créent un plus haut degré de burnout. La valeur la plus haute représentant le lien

entre exigence au travail et burnout est celle des professions de service et vente (2,43) mais

cette valeur ne diffère pas significativement des autres. Donc, les données ne confirment pas

l’hypothèse.

H1b : Les employés des services de santé ont reporté le plus haut degré d’exigence

émotionnelle dans toutes les catégories: fréquence, durée, variété et intensité des

interactions émotionnelles. Si on compare les employés de la santé avec ceux des services

et ventes, les premiers reportent un degré de variété des émotions et de durée des

interactions significativement plus élevé que les deuxièmes.

En ce qui concerne la perception de l’autonomie à montrer ses émotions, les employés de la

santé doivent plus montrer d’émotions positives que les employés de bureau, les travailleurs

physiques et même les employés de vente. En ce qui concerne le fait de cacher ses

émotions négatives, on a pas trouvé de différences significatives entre les différentes

professions.

Hypothèses 2a et 2b : Bivariate Correlations H2a : Les résultats ne montrent pas que la perception des exigences du travail est prédictive

du burnout. Etonnamment, les 4 facteurs ( fréquence, durée , variété, et intensité) sont liés

positivement à l’accomplissement personnel. Mais aucune des exigences émotionnelles (

fréquence, durée , variété, et intensité) ont un lien significatif avec l’épuisement émotionnel

ou la dépersonnalisation (2 dimensions du burnout).

H2b : Le fait de cacher ses émotions négatives corrèle significativement avec l’épuisement

émotionnel (r =.15, p< .05) et la dépersonnalisation (r =.24, p< .01). Par contre en

contradiction avec l’hypothèse, le fait de montrer ses émotions positives est lié positivement

à l’accomplissement personnel (r =.20, p< .01).

Hypothèses 3a, 3b et 3c : Bivariate Correlations and Hierarchical Regressions On a trouvé que le fait de cacher ses émotions négatives est corrélé positivement avec le

« surface acting » (r =.39), ce à quoi on s’attendait.

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La table des corrélations montrer que les hypothèses sont soutenues pour la plupart.

« Surface acting » corrèle significativement avec l’épuisement personnel (r =.20, p< .01), la

dépersonnalisation (r =.38, p< .01), et l’accomplissement personnel (r = -.18, p< .01). Ces

résultats correspondent à nos attentes. « Deep acting » n’est pas lié significativement à la

dépersonnalisation, mais corrélé positivement à l’accomplissement personnel (r =.27, p< .01)

comme prédit.

On a fait une analyse de régression : l’épuisement personnel, la dépersonnalisation, et

l’accomplissement personnel ont été mesuré séparément avec les deux variables de

contrôle, toutes les variables de l’exigence du poste, et celles individuelles de « surface et

deep acting ». Une troisième variable de contrôle a été attribuée pour les mesures des

variables de dépersonnalisation et d’accomplissement personnel : la variable « catégorie

professionnelle ».

H3a : L’épuisement personnel : les variables de contrôle « sexe » et « affectivité

négative » expliquent 30% de la variance. « Surface acting » est lié positivement avec

l’épuisement émotionnel mais la valeur n’est pas significative. L’affectivité négative est

l’unique facteur de prédiction significatif (β =.54, p< .01) . H3a n’est donc pas confirmée.

H3b : Dépersonnalisation : les variables de sexe, affectivité négative et de catégorie

professionnelle explique 32% de la variance. L’affectivité négative est un facteur très

significatif. Les variables liées au poste de travail ( fréquence et interaction, cacher ses

émotions négatives) corrèlent positivement avec la dépersonnalisation au delà des variables

« sexe » et « affectivité négative ». « Surface acting » a un coefficient beta significatif comme

facteur prédictif de la dépersonnalisation (β = .28, p< .01), ce qui confirme nos attentes. Par

contre, « deep acting » n’est pas un facteur de prédiction significatif au delà des autres

variables.

L’hypothèse 3b est donc partiellement confirmée.

H3c : Accomplissement personnel : les variables de sexe, d’affectivité négative et de

catégorie professionnelle expliquent 8% de la variance. L’affectivité négative et la catégorie

professionnelle sont des facteurs de prédictions significatifs. L’hypothèse est complètement

confirmée car « surface acting » corrèle négativement (β = -.28, p< .01) et « deep acting »

corrèle positivement (β = .19, p< .01).

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Application

Est-ce que les différentes professions diffèrent par rapport au travail émotionnel et au burnout ? Dans cette question, on s’intéresse à la nature du poste de travail. Comme d’autres

recherches, cette étude a trouvé que les employés à postes émotionnels ne souffrent pas

plus d’épuisement émotionnel que les employés d’autres postes. On peut d’ailleurs penser

que les employés confrontés à donner des soins aux autres sont motivés intrinsèquement

par le fait d’être authentique et vrai avec leurs clients, car l’étude révèle que ces employés

reportent un bas degré de dépersonnalisation et un haut degré d’accomplissement

personnel. Dans le même ordre d’idée, l’étude révèle que ces employés reportent un haut

degré de « deep acting », c’est-à-dire que les employés modifient leurs sentiments internes

afin d’être plus authentiques avec les clients. En contraste, les travailleurs physiques

reportent un haut degré de dépersonnalisation et un bas degré d’accomplissement

personnel. Les postes à travail émotionnel apportent donc un sentiment de récompense.

Les résultats suggèrent une hiérarchie du travail émotionnel : par exemple les postes de

soins révèlent un haut degré de fréquence, variété, intensité, et des interactions

émotionnelles. Les postes de ventes ont aussi un travail très exigent émotionnellement mais

moins que les postes de soins.

On a pas trouvé non plus de différences significatives entre professions pour ce qui est de

cacher ses émotions négatives.

Donc globalement, on peut penser que le travail émotionnel peut avoir deux conséquences

opposées : être à la fois stressant et être une ressource pour les employés.

Est-ce que l’exigence émotionnelle d’un poste de travail est un facteur prédictible du bournout ? La perception du job comme demandant à un haut degré de cacher ses émotions est le seul

facteur corrélé significativement à l’épuisement émotionnel.

Etonnamment, les 4 facteurs de l’exigence du poste (fréquence,...), et le fait de montrer de

l’empathie et de la sympathie envers les clients, sont corrélés positivement avec le sentiment

d’accomplissement personnel. Le travail émotionnel peut donc à la fois être éprouvant et

valorisant.

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Est-ce que la gestion et le contrôle de ses émotions est un facteur prédictible du burnout ? « Surface acting » est lié positivement à l’épuisement émotionnel. Cependant, l’analyse de

régression montre que ce facteur n’est pas significatif sans les autres. Comme prédit

« surface acting » est un facteur prédictible de la dépersonnalisation : plus les employés

disent montrer de fausses émotions plus ils se disent distants du client et le traitant comme

un objet. Le « surface acting » peut donc être perçu comme un processus de détachement

vis à vis des autres au travail. De même ce processus contribue à diminuer la satisfaction au

travail, c’est ainsi qu’il contribue à diminuer le sentiment d’accomplissement personnel. Par

contre le processus de « deep acting » joue un rôle inverse et contribue à augmenter le

sentiment d’efficacité et d’accomplissement au travail. On suppose que seules les

expressions sincères ont des répercussions positives sur les employés.

Limites de la recherche : Les différents échantillons posent problèmes car les différentes catégories de professions ne

contenaient pas le même nombre de sujets. Le nombre d’employés de vente était beaucoup

plus élevé que dans les autres groupes.

Le degré de burnout peut influencer la manière dont les employés s’approprient

l’environnement et utilisent le travail émotionnel.

Une étude longitudinale serait utile pour tester les effets de causalité.

L’étude n’a pas utilisé les variables habituelles pour prédire le burnout. Les variables d’autres

part n’ont pas toutes été testées préalablement.

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