BREL Paroles de 137 Chansons

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À jeun Parfaitement à jeun Vous me voyez surpris De ne pas trouver mon lit ici Parfaitement à jeun Je le vois qui recule Je le vois qui bascule aussi Guili guili guili Viens-là mon petit lit Si tu ne viens pas t'a moi Ce n'est pas moi qui irai t'à toi Mais qui n'avance pas recule Comme dit Monsieur Dupneu Un mec qui articule Et qui est chef du contentieux Parfaitement à jeun Je reviens d'une belle fête J'ai enterré Huguette ce matin Parfaitement à jeun J'ai fait semblant d'pleurer Pour ne pas faire rater la fête Z'étaient deux cents noirs Les voisins les amis Y avait qu'moi qu'était gris Dans cette foire Y avait beau-maman belle-papa Z'avez pas vu Mirza Et puis Monsieur Dupneu Qu'est chef du contentieux Parfaitement à jeun En enterrant ma femme J'ai surtout enterré la maitresse d'André Je n'l'ai su que c'matin Et par un enfant de chœur Qui m'racontait qu'sa sœur ah ça Il me reste deux solutions Ou bien frapper André Ou bien gnougnougnafié La femme d'André Sur son balcon Ou bien rester chez moi Feu-cocu mais joyeux C'est ce que me conseille André André André Dupneu Qu'est mon chef du contentieux Parfaitement à jeun Vous me voyez surpris De ne pas trouver mon lit Aldonza Paroles: Jacques Brel. Musique: Mitch Leigh 1968 note: de la comédie musicale "L'homme de la Mancha" Je suis née comme une chienne une nuit où il pleuvait Je suis née et ma mère est partie en chantant Et je ne sais rien d'elle que la haine que j'en ai J'aurais dû venir au monde en mourant Eh bien sûr, il y a mon père, on dit, on dit souvent Que les filles gardent leur père au profond de leur cœur Mais je n'ai pas su mon père, mon père était plusieurs Car mon père était un régiment Je ne peux même pas dire s'ils étaient andalous ou prussiens Sont-ils morts vers le nord, sont-ils morts vers le sud Je n'en sais rien ! Une Dame, et comment veut-il que je sois une Dame ? J'ai grandi comme une chienne de carrefour en carrefour J'ai grandi et trop tôt sur la paille des mules De soldat en soldat, de crapule en crapule J'ai connu les bienfaits de l'amour Et je vis comme une bête, je fais ça comme on se mouche Et je vis sans savoir ni pour qui ni pour quoi Pour un sou je me lève, pour deux sous je me couche Pour trois sous je fais n'importe quoi ! Si vous ne me croyez guère, pour trois sous venez voir le restant De la plus folle des fiancés au plus crapuleux des brigands de la terre Mais chassez donc vos nuages et regardez- moi telle que je suis Une Dame, une vraie Dame a une vertu, a une 1

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À jeun

Parfaitement à jeunVous me voyez surprisDe ne pas trouver mon lit ici

Parfaitement à jeunJe le vois qui reculeJe le vois qui bascule aussi

Guili guili guili

Viens-là mon petit litSi tu ne viens pas t'a moiCe n'est pas moi qui irai t'à toiMais qui n'avance pas reculeComme dit Monsieur DupneuUn mec qui articuleEt qui est chef du contentieux

Parfaitement à jeunJe reviens d'une belle fêteJ'ai enterré Huguette ce matin

Parfaitement à jeunJ'ai fait semblant d'pleurerPour ne pas faire rater la fête

Z'étaient deux cents noirsLes voisins les amisY avait qu'moi qu'était grisDans cette foireY avait beau-maman belle-papaZ'avez pas vu MirzaEt puis Monsieur DupneuQu'est chef du contentieux

Parfaitement à jeunEn enterrant ma femmeJ'ai surtout enterréla maitresse d'André

Je n'l'ai su que c'matinEt par un enfant de chœurQui m'racontait qu'sa sœur ah çaIl me reste deux solutionsOu bien frapper AndréOu bien gnougnougnafiéLa femme d'AndréSur son balconOu bien rester chez moiFeu-cocu mais joyeuxC'est ce que me conseille AndréAndré André DupneuQu'est mon chef du contentieux

Parfaitement à jeunVous me voyez surprisDe ne pas trouver mon lit

Aldonza

Paroles: Jacques Brel. Musique: Mitch Leigh   1968note: de la comédie musicale "L'homme de la Mancha"

Je suis née comme une chienne une nuit où il pleuvaitJe suis née et ma mère est partie en chantantEt je ne sais rien d'elle que la haine que j'en aiJ'aurais dû venir au monde en mourant

Eh bien sûr, il y a mon père, on dit, on dit souventQue les filles gardent leur père au profond de leur cœurMais je n'ai pas su mon père, mon père était plusieursCar mon père était un régimentJe ne peux même pas dire s'ils étaient andalous ou prussiensSont-ils morts vers le nord, sont-ils morts vers le sudJe n'en sais rien !

Une Dame, et comment veut-il que je sois une Dame ?

J'ai grandi comme une chienne de carrefour en carrefourJ'ai grandi et trop tôt sur la paille des mulesDe soldat en soldat, de crapule en crapuleJ'ai connu les bienfaits de l'amourEt je vis comme une bête, je fais ça comme on se moucheEt je vis sans savoir ni pour qui ni pour quoiPour un sou je me lève, pour deux sous je me couchePour trois sous je fais n'importe quoi !Si vous ne me croyez guère, pour trois sous venez voir le restantDe la plus folle des fiancés au plus crapuleux des brigands de la terre

Mais chassez donc vos nuages et regardez-moi telle que je suisUne Dame, une vraie Dame a une vertu, a une âmeDieu de Dieu, de tous les pires salauds que j'ai connusVous qui parlez d'étoile, vous qui montrez le ciel,Vous êtes bien le plus infâme, le plus cruelFrappez-moi, je préfère le fouet à vos chimères,Frappez-moi jusqu'au feu, jusqu'au sol, jusqu'à terreMais gardez votre tendresse, rendez-moi mon désespoirJe suis née sur le fumier et j'y repars,Mais je vous en supplie, ne me parlez plus de DulcinéaVous voyez bien que je ne suis rien, je ne suis qu'Aldonza la putain.

Amsterdam

Paroles et Musique: Jacques Brel   1964  "Olympia 64"autres interprètes: Isabelle Boulay

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Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui chantentLes rêves qui les hantentAu large d'AmsterdamDans le port d'AmsterdamY a des marins qui dormentComme des oriflammesLe long des berges mornesDans le port d'AmsterdamY a des marins qui meurentPleins de bière et de dramesAux premières lueursMais dans le port d'AmsterdamY a des marins qui naissentDans la chaleur épaisseDes langueurs océanes

Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui mangentSur des nappes trop blanchesDes poissons ruisselantsIls vous montrent des dentsA croquer la fortuneA décroisser la luneA bouffer des haubansEt ça sent la morueJusque dans le cœur des fritesQue leurs grosses mains invitentA revenir en peu plusPuis se lèvent en riantDans un bruit de tempêteReferment leur braguetteEt sortent en rotant

Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui dansentEn se frottant la panseSur la panse des femmesEt ils tournent et ils dansentComme des soleils crachésDans le son déchiréD'un accordéon ranceIls se tordent le couPour mieux s'entendre rireJusqu'à ce que tout à coupL'accordéon expireAlors le geste graveAlors le regard fierIls ramènent leur bataveJusqu'en pleine lumière

Dans le port d'AmsterdamY a des marins qui boiventEt qui boivent et reboiventEt qui reboivent encoreIls boivent à la santéDes putains d'AmsterdamDe Hambourg ou d'ailleursEnfin ils boivent aux damesQui leur donnent leur joli corpsQui leur donnent leur vertuPour une pièce en orEt quand ils ont bien buSe plantent le nez au cielSe mouchent dans les étoilesEt ils pissent comme je pleureSur les femmes infidèles

Dans le port d'AmsterdamDans le port d'Amsterdam.

Au printempsParoles et Musique: Jacques Brel   1958

Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prierNotre-Dame du bon tempsAu printempsPour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant

Toutes les fillesVous donneront leurs baisersPuis tous leurs espoirsVois tous ces cœursComme des artichautsQui s'effeuillent en battantPour s'offrir aux badaudsVois tous ces cœursComme de gentils mégotsQui s'enflamment en riantPour les filles du métro

Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prierNotre-Dame du bon tempsAu printempsPour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant

Tout ParisSe changera en baisersParfois même en grand soirVois tout ParisSe change en pâturagePour troupeaux d'amoureuxAux bergères peu sagesVois tout ParisJoue la fête au villagePour bénir au soleilCes nouveaux mariages

Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prierNotre-Dame du bon tempsAu printempsPour une fleur un sourire un sermentPour l'ombre d'un regard en riant

Toute la TerreSe changera en baisers

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Qui parleront d'espoirVois ce miracleCar c'est bien le dernierQui s'offre encore à nousSans avoir à l'appelerVois ce miracleQui devait arriverC'est la première chanceLa seule de l'année

Au printemps au printempsEt mon cœur et ton cœurSont repeints au vin blancAu printemps au printempsLes amants vont prierNotre-Dame du bon tempsAu printemps

Au printempsAu printemps

Au suivantParoles et Musique: Jacques Brel   1964

Tout nu dans ma serviette qui me servait de pagneJ'avais le rouge au front et le savon à la mainAu suivant au suivantJ'avais juste vingt ans et nous étions cent vingtA être le suivant de celui qu'on suivaitAu suivant au suivantJ'avais juste vingt ans et je me déniaisaisAu bordel ambulant d'une armée en campagneAu suivant au suivant

Moi j'aurais bien aimé un peu plus de tendresseOu alors un sourire ou bien avoir le tempsMais au suivant au suivantCe ne fut pas Waterloo mais ce ne fut pas ArcoleCe fut l'heure où l'on regrette d'avoir manqué l'écoleAu suivant au suivantMais je jure que d'entendre cet adjudant de mes fessesC'est des coups à vous faire des armées d'impuissantsAu suivant au suivant

Je jure sur la tête de ma première véroleQue cette voix depuis je l'entends tout le tempsAu suivant au suivantCette voix qui sentait l'ail et le mauvais alcoolC'est la voix des nations et c'est la voix du sangAu suivant au suivantEt depuis chaque femme à l'heure de succomberEntre mes bras trop maigres semble me murmurerAu suivant au suivant

Tous les suivants du monde devraient se donner la mainVoilà ce que la nuit je crie dans mon délireAu suivant au suivantEt quand je ne délire pas j'en arrive à me direQu'il est plus humiliant d'être suivi que suivantAu suivant au suivantUn jour je me ferai cul-de-jatte ou bonne sœur ou

penduEnfin un de ces machins où je ne serai jamais plusLe suivant le suivant

BruxellesParoles et Musique: J. Brel/G Jouannest   1962

C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muetC'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait

Place de Broukère on voyait des vitrinesAvec des hommes des femmes en crinolinePlace de Broukère on voyait l'omnibusAvec des femmes des messieurs en gibusEt sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mèreIl était militaireElle était fonctionnaireIl pensait pas elle pensait rienEt on voudrait que je sois malin

C'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps du cinéma muetC'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait

Sur les pavés de la place Sainte-CatherineDansaient les hommes les femmes en crinolineSur les pavés dansaient les omnibusAvec des femmes des messieurs en gibusEt sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mèreIl avait su y faireElle l'avait laissé faireIls l'avaient donc fait tous les deuxEt on voudrait que je sois sérieux

C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muetC'était au temps où Bruxelles dansaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait

Sous les lampions de la place Sainte-JustineChantaient les hommes les femmes en crinolineSous les lampions dansaient les omnibusAvec des femmes des messieurs en gibusEt sur l'impérialeLe cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mèreIl attendait la guerreElle attendait mon pèreIls étaient gais comme le canalEt on voudrait que j'aie le moral

C'était au temps où Bruxelles rêvaitC'était au temps du cinéma muet

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C'était au temps où Bruxelles chantaitC'était au temps où Bruxelles bruxellait

C'est comme çaParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Dans les campagnes y a les fillesLes filles qui vont chercher l'eauA tire larigot

Les filles font la file gentilleEt tout en parlant tout hautLes filles font la file gentilleEt tout en parlant tout hautDu feu et de l'eau

C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changerC'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher

Près des filles ya les garçonsLes longs les minces et les grasQui rigolent tout basLes noirs les roses et les blondsQui parlent de leur papaLes noirs les roses et les blondsQui parlent de leur papaEt des yeux doux d'Isa

Y a les garçons y a les papasQui ont l'air graves et sévèresEt qui sentent la bièreIls crient pour n'importe quoiEt sortent le soir par derrièreIls crient pour n'importe quoiEt sortent le soir par derrièrePour jouer au poker

C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changerC'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher

Dans les cafés y a les copainsEt tous les verres qu'on boit à videY a aussi les verres videsEt les copains qu'on aime bienVous font rentrer à l'aube livideEt les copains qu'on aime bienVous font rentrer à l'aube livideToutes les poches vides

Près des copains il y a la villeLa ville immense et inutileOù je me fais de la bileLa ville avec ses plaisirs vilsQui pue l'essence d'automobileLa ville avec ses plaisirs vilsQui pue l'essence d'automobileOu la guerre civile

C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changerC'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucher

Près de la ville il y a la campagneOù les filles brunes ou blondesDansent à la rondeEt par la plaine par la montagneLaissons-les fermer la rondeEt par la plaine par la montagneLaissons-les fermer la rondeDes braves gens du monde

C'est comme ça depuis que le monde tourneY a rien à faire pour y changerC'est comme ça depuis que le monde tourneEt il vaut mieux ne pas y toucherEt il vaut mieux ne pas y toucherEt il vaut mieux ne pas y toucher

Ces gens-làMusique: Jacques Brel   1966

D'abord il y a l'aînéLui qui est comme un melonLui qui a un gros nezLui qui sait plus son nomMonsieur tellement qui boitOu tellement qu'il a buQui fait rien de ses dix doigtsMais lui qui n'en peut plusLui qui est complètement cuitEt qui se prend pour le roiQui se saoule toutes les nuitsAvec du mauvais vinMais qu'on retrouve matinDans l'église qui roupilleRaide comme une saillieBlanc comme un cierge de PâquesEt puis qui balbutieEt qui a l'œil qui divagueFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-làOn ne pense pas MonsieurOn ne pense pas on prie

Et puis, il y a l'autreDes carottes dans les cheveuxQu'a jamais vu un peigneOuest méchant comme une teigneMême qu'il donnerait sa chemiseA des pauvres gens heureuxQui a marié la DeniseUne fille de la villeEnfin d'une autre villeEt que c'est pas finiQui fait ses petites affairesAvec son petit chapeauAvec son petit manteauAvec sa petite autoQu'aimerait bien avoir l'airMais qui n'a pas l'air du toutFaut pas jouer les richesQuand on n'a pas le souFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-làOn ne vit pas MonsieurOn ne vit pas on triche

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Et puis, il y a les autresLa mère qui ne dit rienOu bien n'importe quoiEt du soir au matinSous sa belle gueule d'apôtreEt dans son cadre en boisIl y a la moustache du pèreQui est mort d'une glissadeEt qui recarde son troupeauBouffer la soupe froideEt ça fait des grands flchssEt ça fait des grands flchssEt puis il y a la toute vieilleQu'en finit pas de vibrerEt qu'on attend qu'elle crèveVu que c'est elle qu'a l'oseilleEt qu'on écoute même pasCe que ses pauvres mains racontentFaut vous dire MonsieurQue chez ces gens-làOn ne cause pas MonsieurOn ne cause pas on compte

Et puis et puisEt puis il y a FridaQui est belle comme un soleilEt qui m'aime pareilQue moi j'aime FridaMême qu'on se dit souventQu'on aura une maisonAvec des tas de fenêtresAvec presque pas de mursEt qu'on vivra dedansEt qu'il fera bon y êtreEt que si c'est pas sûrC'est quand même peut-êtreParce que les autres veulent pasParce que les autres veulent pasLes autres ils disent comme çaQu'elle est trop belle pour moiQue je suis tout juste bonA égorger les chatsJ'ai jamais tué de chatsOu alors y a longtempsOu bien j'ai oubliéOu ils sentaient pas bonEnfin ils ne veulent pasParfois quand on se voitSemblant que c'est pas exprèsAvec ses yeux mouillantsElle dit qu'elle partiraElle dit qu'elle me suivraAlors pour un instantPour un instant seulementAlors moi je la crois MonsieurPour un instantPour un instant seulementParce que chez ces gens-làMonsieur on ne s'en va pasOn ne s'en va pas MonsieurOn ne s'en va pasMais il est tard MonsieurIl faut que je rentre chez moi.

Chanson sans paroles

Paroles et Musique: J. Brel/F Rauber   1962

J'aurais aimé ma belleT'écrire une chansonSur cette mélodieRencontrée une nuitJ'aurais aimé ma belleRien qu'au point d'AlençonT'écrire un long poèmeT'écrire un long " je t'aime "

Je t'aurais dit " amour "Je t'aurais dit " toujours "Mais de mille façonsMais par mille détoursJe t'aurais dit " partons "Je t'aurais dit " brûlonsBrûlons de jour en jourDe saisons en saisons "

Mais le temps que s'allumeL'idée sur le papierLe temps de prendre une plumeLe temps de la taillerMais le temps de me direComment vais-je l'écrireEt le temps est venuOù tu ne m'aimais plus{2x}

ClaraParoles et Musique: Jacques Brel   1961

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux toujours danserCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisIl y a longtemps déjàIl y a longtemps d'ennuiIl y a longtemps de toi

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux toujours chanterCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisTombé au champ d'amourPour un prénom de filleQui m'avait dit toujours

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

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Page 6: BREL Paroles de 137 Chansons

Carnaval à RioTu peux toujours tournerCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisDe m'être trop trompéDe m'être trop meurtriDe m'être trop donné

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux me bousculerCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisFusillé par une fleurAu poteau de son litDe douze rires dans le cœur

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux toujours crierCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisIl y a mille soirsIl y a mille nuitsIl n'y a plus d'espoir

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux bien me saoulerCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisA Paris que j'enterreEt depuis mille nuitsDans le fond de mon verre

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tantJe t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Carnaval à RioTu peux carnavalerCarnaval à RioTu n'y peux rien changerJe suis mort à ParisQue la mort me consoleLa mort est par iciLa mort est espagnole

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Je t'aimais tant, ClaraJe t'aimais tant

Comment tuer l'amant de sa femme ...Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1968note: Titre exact: "Comment tuer l'amant de sa femme quand on a été élevé comme moi dans la tradition"

Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevéDans les traditions?Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevéDans la religion?Il me faudrait du tempsEt du temps j'en ai pas.Pour elle je travaille tout l'tempsLa nuit je veille de nuitLe jour je veille de jourLe dimanche je fais des extras.Et même si j'étais moins lâcheJe touve que ce serait dommageDe salir ma réputation.Bien sûr je dors dans le garage.Bien sûr il dort dans mon lit.Bien sûr c'est moi qui fait l'ménage.Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?

Comment tuer l'amant de sa femmeQuand on a été comme moi élevéDans les traditions?Il y a l'arsenic ouaisC'est trop long.Il y a le révolverMais c'est trop court.Il y a l'amitiéC'est trop cher.Il y a le méprisC'est un péché.Comment tuer l'amant d'sa femmeQuand on a reçu comme moiLa croix d'honneurChez les bonnes sœurs?Comment tuer l'amant d'sa femmeMoi qui n'ose même pasLe lui dire avec des fleurs?Comme je n'ai pas l'courageDe l'insulter tout l'tempsIl dit que l'amour me rend lâche.Comme il est en chômageIl dit en me frappantQue l'amour le rend imprévoyant.Il croit que c'est amusantPour un homme qui a mon âgeQui n'a plus de femme et onze enfants.Bien sûr je leur fais la cuisineJe bats les chiens et les tapisLe soir je leur chante "Nuit de Chine".Mais qui n'a pas ses p'tits soucis?

Pourquoi tuer l'amant d'sa femmePuisque c'est à cause de moiQu'il est un peu vérolé?Pourquoi tuer l'amant d'ma femme

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Puisque c'est à cause de moiQu'il est péniciliné?

De burgerij (Les Bourgeois)Paroles: Jacques Brel, adap: Ernst van Altena. Musique: Jean Corti   1965  "J'arrive"

Dronken, dol en dwaasBeet ik in mijn bierBij de dikke Siaam uit MonverlandIk dronk een glas met KlaasIk dronk een glas met PeerEn sprong er aardig uit de bandDie klaas hij voelde zich een DanteDie Peer wou Casanova zijnEn ik de superarroganteIk dacht dat ik mezelf kon zijnEn om twaalf uur als de burgertroepHuisging uit hotel de GoudfazantDan scholden wij ze poepEn zongen vol vuurpet in de hand

Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkensBurgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe ...

Dronken, dol en dwaasBeet ik in mijn bierBij de dikke Siaam uit MonverlandIk dronk een vat met KlaasIk dronk een fust met PeerEn sprong er heftig uit de bandKlaas Dante danste als mijn tanteEn Casanova was te bangMaar ik de superarroganteWas zelfs voor mezelf niet bang

En om twaalf uur als de burgertroepHuisging uit hotel de GoudfazantDan scholden wij ze poepEn zongen vol vuurpet in de hand

Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkensBurgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe ...

Elk instinct dwaasZoek ik mijn vertier's Avonds in hotel de GoudfazantMet meester-facteur KlaasEn met notaris Peer bespreek ik daar de avondkrant

En Klaas citeert eens wat uit DanteOf Peer haalt Casanova aanEn ik ik bleef de superarroganteIk haal nog steeds mijn eigen woorden aan

Maar gaan wij naar huisMeneer de brigadier

Dan staat daar bij die Siaam uit MonverlandEen hele troep gespuisDronken van al het bierDat zingt dan van

Burgerij, mannen van het jaar nulVette burgerklikVette vieze varkensJa meneer de brigadierJa dat zijn zeBurgerij tamme zwijnenspulAl die burger is is een ouwe ...

De nuttelozen van de nacht (Les paumés du petit matin)Paroles: Jacques Brel, adapt: Ernst van Altena. Musique: François Rauber   1965  "J'arrive"

Ze ontwaken om een uur om vierZe ontbijten met een kleintje bierZe gaan uit omdat er thuis niets wachtDe nuttelozen van de nachtZij gedraagt zich arrogant omdat ze mooie borsten heeftHij is zeker en charmant omdat Papa hem centen geeftHun onmacht is hun hoogste machtDe nuttelozen van de nacht

Kom dans met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom Hier; nee, nee blijf!Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf

Ze braken zonder ziek te zijnZe braken zacht en zonder pijnZe nemen zich bedroefd de nachtDe nuttelozen van de nachtZe bespreken zonder endDe poezie die geen van hen kentDe romans die geen van hen schreefDe vrouw die bij geen van hen bleefDe grap waarom geen van hen om lachtDe nuttelozen van de nachtKom dans met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier; nee, nee blijf!Kom dans met mij, laat ons dansen lijf aan lijf

In de liefde zijn ze zo berooid't Was, 't was, ze was zo zachtZe was, ach, dat begrijp u nooitDe nuttelozen van de nachtZe nemen nog een laatste glasVertellen nog een laatste grapEn met een allerlaatste glasDe laatste dansDe laatste stapHet laatste verdrietDe laatste klachtDe nuttelozen van de nacht

Kom, kom, kom huil met mijVriendin, kom hier, vriendin, kom hier, kom hier, nee blijfKom, kom huil met mij

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Laat ons huilen lijf aan lijfDe nuttelozen van de nacht

Demain l'on se marieParoles et Musique: Jacques Brel   1958

Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi ce que nous chanterons

Nous forcerons l'amourA bercer notre vieD'une chanson jolieQu'à deux nous chanteronsNous forcerons l'amourSi tu le veux, ma mieA n'être de nos viesQue l'humble forgeron

Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi ce que nous y verrons

Nous forcerons nos yeuxA ne jamais rien voirQue la chose jolieQui vit en chaque choseNous forcerons nos yeuxA n'être qu'un espoirA deux nous offrironsComme on offre une rose

Puisque demain l'on se marieApprenons la même chansonPuisque demain s'ouvre la vieDis-moi encore où nous irons

Nous forcerons les portesDes pays d'orientA s'ouvrir devant nousDevant notre sourireNous forcerons, ma mieLe sourire des gensA n'être plus jamaisUne joie qui soupire

Puisque demain s'ouvre la vieOuvrons la porte à ces chansonsPuisque demain l'on se marieApprenons la même chanson

Dites, si c'était vrai1958© 1958 Editions musicales Pouchenel

Dites, dites, si c'était vraiS'il était né vraiment à Bethléem, dans une étableDites, si c'était vraiSi les rois Mages étaient vraiment venus de loin, de fort loinPour lui porter l'or, la myrrhe, l'encens

Dites, si c'était vraiSi c'était vrai tout ce qu'ils ont écrit Luc, MatthieuEt les deux autres,Dites, si c'était vraiSi c'était vrai le coup des Noces de CanaEt le coup de LazareDites, si c'était vraiSi c'était vrai ce qu'ils racontent les petits enfantsLe soir avant d'aller dormirVous savez bien, quand ils disent Notre Père, quand ils disent Notre MèreSi c'était vrai tout celaJe dirais ouiOh, sûrement je dirais ouiParce que c'est tellement beau tout celaQuand on croit que c'est vrai.

Dors ma mieParoles et Musique: F. Rauber/J. Brel   1958

Dors ma mieDehors la nuit est noireDors ma mie bonsoirDors ma mieC'est notre dernier soirDors ma mie bonsoirSur les fleurs qui ferment leurs paupièresPleure la pluie légèreEt l'oiseau qui chantera l'auroreDors et rêve encor'Ainsi demain déjàSerai seul à nouveauEt tu m'auras perduRien qu'en me voulant tropTu m'auras gaspilléA te vouloir bâtirUn bonheur éternelEnnuyeux à périrAu lieu de te pencherVers moi tout simplementMoi qui avais besoinSi fort de ton printempsNon les filles que l'on aimeNe comprendront jamaisQu'elles sont à chaque foisNotre dernier muguetNotre dernière chanceNotre dernier sursautNotre dernier départ notre dernier bateauDors ma mieDehors la nuit est noireDors ma mie bonsoirDors ma mie c'est notre dernier soirDors ma mie je pars

Fernand1966

Dire que Fernand est mortDire qu'il est mort FernandDire que je suis seul derrièreDire qu'il est seul devantLui dans sa dernière bière

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Page 9: BREL Paroles de 137 Chansons

Moi dans mon brouillardLui dans son corbillardMoi dans mon désertDevant y a qu'un cheval blancDerrière y a que moi qui pleureDire qu' a même pas de ventPour agiter mes fleursMoi si j'étais l'Bon DieuJe crois qu'j'aurais des remordsDire que maintenant il pleutDire que Fernand est mort

Dire qu'on traverse ParisDans le tout p'tit matinDire qu'on traverse parisEt qu'on dirait BerlinToi, toi, toi tu sais pasTu dors mais c'est triste à mourirD'être obligé d'partirQuand Paris dort encoreMoi je crève d'envieDe réveiller des gensJ't'inventerai une familleJuste pour ton enterrementEt puis si j'étais l'Bon DieuJe crois que je ne serais pas fierJe sais on fait ce qu'on peutMais il y a la manière

Tu sais je reviendraiJe reviendrai souventDans ce putain de champOù tu dois te reposerL'été je ferai de l'ombreOn boira du silenceÀ la santé d'ConstanceQui se fout bien d'ton ombreEt puis les adultes sont tellement consQu'ils nous feront bien une guerreAlors je viendrai pour de bonDormir dans ton cimetièreEt maintenant bon DieuTu as bien rigoléEt maintenant bon DieuEt maintenant j'vais pleurer

Fils de ...Paroles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1967

Fils de bourgeoisOu fils d'apôtresTous les enfantsSont comme les vôtresFils de CésarOu fils de rienTous les enfantsSont comme le tienLe même sourireLes mêmes larmesLes mêmes alarmesLes mêmes soupirsFils de CésarOu fils de rienTous les enfantsSont comme le tienCe n'est qu'après

Longtemps après

Mais fils de sultanFils de fakirTous les enfantsOnt un empireSous voutes d'orSous toits de chaumesTous les enfantsOnt un royaumeUn coin de vagueUne fleur qui trembleUn oiseau mortQui leur ressembleFils de sultanFils de fakirTous les enfantsOnt un empireCe n'est qu'aprèsLongtemps après

Mais fils de bon filsOu fils d'étrangerTous les enfantsSont des sorciersFils de l'amourFils d'amourettesTous les enfantsSont des poètesIls sont bergersIls sont rois magesFont des nuagesPour mieux volerMais fils de bon filsOu fils d'étrangerTous les enfantsSont des sorciersCe n'est qu'aprèsLongtemps après

Mais fils de bourgeoisOu fils d'apôtresTous les enfantsSont comme les vôtresFils de CésarOu fils de rienTous les enfantsSont comme le tienLe même sourireLes mêmes larmesLes mêmes alarmesLes mêmes soupirsFils de CésarOu fils de rienTous les enfantsSont comme le tien

Grand Jacques (C'est trop facile)Paroles et Musique: Jacques Brel   1955

C'est trop facile d'entrer aux églisesDe déverser toutes ses saletésFace au curé qui dans la lumière griseFerme les yeux pour mieux nous pardonner

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Page 10: BREL Paroles de 137 Chansons

Tais-toi donc Grand JacquesQue connais-tu du Bon DieuUn cantique une imageTu n'en connais rien de mieux

C'est trop facile quand les guerres sont finiesD'aller gueuler que c'était la dernièreAmi bourgeois vous me faites envieVous ne voyez donc point vos cimetières

Tais-toi donc Grand JacquesEt laisse-les donc crierLaisse-les pleurer de joieToi qui ne fus même pas soldat

C'est trop facile quand un amour se meurtQu'il craque en deux parce qu'on l'a trop pliéD'aller pleurer comme les hommes pleurentComme si l'amour durait l'éternité

Tais-toi donc Grand JacquesQue connais-tu de l'amourDes yeux bleus des cheveux fousTu n'en connais rien du tout

Et dis-toi donc Grand Jacques {2x}Dis-le-toi bien souventC'est trop facileDe faire semblant. {2x}

Grand'MèreParoles et Musique: Jacques Brel   1966

Faut voir grand-mèreGrand-mère et sa poitrineGrand-mère et ses usinesEt ses vingt secrétaires

Faut voir mère-grandDiriger ses affairesElle vend des courants d'airDéguisés en coups de vent

Faut voir grand-mèreQuand elle compte son magotÇa fait des tas de zérosPointés comme son derrière

Mais pendant c'temps-làGrand-père court après la bonneEn lui disant que l'argentNe fait pas le bonheurComment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt nos petits épargnantsAient le sens des valeurs

Faut voir grand-mèreC'est une tramontaneQui fume le HavaneEt fait trembler la Terre

Faut voir grand-mèreCerclée de généraux

Être culotte de peauEt gagner leur guèguerre

Faut voir grand-mèreDressée sous son chapeauC'est WaterlooOù s'rait pas venu Blucher

Mais pendant c'temps-làGrand-père court après la bonneEn lui disant que l'arméeElle bat l'beureComment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt nos chers piou-piousAient le sens des valeurs

Faut voir grand-mèreS'assure sur la mortUn p'tit coup d'presbytèreUn p'tit coup de r'mords

Faut voir grand-mèreEt ses ligues de vertuSes anciens combattantsSes anciens combattus

Faut voir grand-mèreQuand elle se croit pécheresseUn grand verre de grand-messeEt un doigt de couvent

Mais pendant c'temps-làGrand-père court après la bonneEn lui disant que les curésSont farceursComment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt nos petits incroyantsAient le sens des valeurs

Mais il faut voir grand-pèreDans les bistrots bavardsOù claquent les billardsEt les chopes de bière

Faut voir père-grandCaresser les roseauxEffeuiller les étangsEt pleurer du Rimbaud

Faut voir grand-pèreDimanche finissantHonteux et regretantD'avoir trompé grand-mère

Mais pendant c'temps-làGrand-mère se tape la bonneEn lui disant que les hommesSont menteursComment voulez-vous bonnes gensQue nos bonnes bonnesEt notre belle jeunesseAient le sens des valeurs

Heureux© Éditions Tropicales

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Page 11: BREL Paroles de 137 Chansons

Heureux qui chante pour l'enfantEt qui sans jamais rien lui direLe guide au chemin triomphantHeureux qui chante pour l'enfantHeureux qui sanglote de joiePour s'être enfin donné d'amourOu pour un baiser que l'on boitHeureux qui sanglote de joie

Heureux les amants séparésEt qui ne savent pas encor'Qu'ils vont demain se retrouverHeureux les amants séparésHeureux les amants épargnésEt dont la force de vingt ansNe sert à rien qu'à bien s'aimerHeureux les amants épargnés

Heureux les amants que nous sommesEt qui demain loin l'un de l'autreS'aimeront s'aimerontPar-dessus les hommes

Il neige sur LiègeParoles et Musique: Jacques Brel   1963note: du film "Belgique vue du ciel"

Il neige il neige sur LiègeEt la neige sur Liège pour neiger met des gantsIl neige il neige sur LiègeCroissant noir de la Meuse sur le front d'un clown blancIl est brisé le criDes heures et des oiseauxDes enfants à cerceauxEt du noir et du grisIl neige il neige sur LiègeQue le fleuve traverse sans bruit

Il neige il neige sur LiègeEt tant tourne la neige entre le ciel et LiègeQu'on ne sait plus s'il neige s'il neige sur LiègeOu si c'est Liège qui neige vers le cielEt la neige marieLes amants débutantsLes amants promenantSur le carré blanchiIl neige il neige sur LiègeQue le fleuve transporte sans bruit

Ce soir ce soir il neige sur mes rêves et sur LiègeQue le fleuve transperce sans bruit

Il nous faut regarder© Éditions Tropicales

Derrière la saletéS’étalant devant nousDerrière les yeux plissés

Et les visages mousAu-delà de ces mainsOuvertes ou ferméesQui se tendent en vainOu qui sont poing levéPlus loin que les frontièresQui sont de barbelésPlus loin que la misèreIl nous faut regarder

Il nous faut regarderCe qu’il y a de beauLe ciel gris ou bleutéLes filles au bord de l’eauL’ami qu’on sait fidèleLe soleil de demainLe vol d’une hirondelleLe bateau qui revientL’ami qu’on sait fidèleLe soleil de demainLe vol d’une hirondelleLe bateau qui revient

Par-delà le concertDes sanglots et des pleursEt des cris de colèreDes hommes qui ont peurPar delà le vacarmeDes rues et des chantiersDes sirènes d’alarmeDes jurons de charretierPlus fort que les enfantsQui racontent les guerresEt plus fort que les grandsQui nous les ont fait faire

Il nous faut regarderL’oiseau au fond des boisLe murmure de l’étéLe sang qui monte en soiLes berceuses de mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terreQui s’endort doucementLes berceuses de mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terreQui s’endort doucement

Il peut pleuvoirParoles et Musique: J. Brel/G. Powell   1955

Il peut pleuvoirSur les trottoirsDes grands boulevardsMoi j'm'en ficheJ'ai ma mieAuprès de moiIl peut pleuvoirSur les trottoirsDes grands boulevardsMoi j'm'en ficheCar ma mieC'est toi

Et au soleil là-haut11

Page 12: BREL Paroles de 137 Chansons

Qui nous tourne le dosDans son halo de nuagesEt au soleil là-hautQui nous tourne le dosMoi je crie bon voyage

Il peut pleuvoirSur les trottoirsDes grands boulevardsMoi j'm'en ficheJ'ai ma mieAuprès de moiIl peut pleuvoirSur les trottoirsDes grands boulevardsMoi j'm'en ficheCar ma mieC'est toi

Aux flaques d'eau qui brillentSous les jambes des fillesAux néons étincellantsQui lancent dans la vieLeur postillons de pluieJe crie en rigolant:

Et aux gens qui s'en viennentEt aux gens qui s'en vontJour et nuit tournez en rondEt aux gens qui s'en viennentEt aux gens qui s'en vontMoi je crie à pleins poumons

Y a plein d'espoirSur les trottoirsDes grands boulevardsEt j'en suis richeJ'ai ma mieAuprès de moiY a plein d'espoirSur les trottoirsDes grands boulevardsEt j'en suis richeCar ma mieC'est toiC'est toi ...

Il pleut (Les Carreaux)Paroles et Musique: J. Brel/G. Powell   1955

Il pleutC'est pas ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavésIl pleutLes carreaux des usinesY en beaucoup d'cassés

Les filles qui vont danserNe me regardent pasCar elles s'en vont danserAvec tous ceux làQui savent leur payerPour pouvoir s'amuserDes fleurs de papierOu de l'au parfuméeLes filles qui vont danser

Ne me regardent pasCar elles s'en vont danserAvec tous ceux là

Il pleutC'est pas ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavésLes corridors crasseuxSont les seuls que je voisLes escaliers qui montentIls sont toujours pour moiMais quand je suisSeul sous les toitsAvec le soleilEt avec les nuagesJ'entends la rue pleurerJe vois les cheminéesDe la ville fumerDoucement dans mon ciel à moiLa lune dansePour moi le soirElle danse danseElle danse danseEt son haleineImmense halo me caresseJe m'y plonge le soirEt j'y plonge ma peine

Il pleutEt c'est ma faute à moiLes carreaux des usinesSont toujours mal lavésIl pleutLes carreaux des usinesMoi j'irai les casser

Il y a

Il y a tant de brouillard dans les ports, au matinQu'il n'y a de filles dans le cœur des marinsIl y a tant de nuages qui voyagent là-hautQu'il n'y a d'oiseauxIl y a tant de labours il y a tant de semencesQu'il n'y a de joie d'espéranceIl y a tant de ruisseaux il y a tant de rivièresQu'il n'y a de cimetières

Mais il y a tant de bleu dans les yeux de ma mieIl y a dans ses yeux tant de vieIl y a dans ses cheveux un peu d'éternitéSur sa lèvre tant de gaieté

Il y a tant de lumières dans les rues des citéesQu'il n'y a d'enfants désolésIl y a tant de chansons perdues dans le ventQu'il n'y a d'enfantsIl y a tant de vitraux, il y a tant de clochersQu'il n'y a de voix qui nous disent d'aimerIl y a tant de canaux qui traversent la terreQu'il n'y a de rides au visage des mères

Isabelle

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Paroles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber   1959

Quand Isabelle dort plus rien ne bougeQuand Isabelle dort au berceau de sa joieSais-tu qu'elle vole la coquineLes oasis du SaharaLes poissons dorés de la ChineEt les jardins de l'AlhambraQuand Isabelle dort plus rien ne bougeQuand Isabelle dort au berceau de sa joieElle vole les rêves et les jeuxD'une rose et d'un bouton d'orPour se les poser dans les yeuxBelle Isabelle quand elle dort

Quand Isabelle rit plus rien ne bougeQuand Isabelle rit au berceau de sa joieSais-tu qu'elle vole la cruelleLe rire des cascades sauvagesQui remplacent les escarcellesDes rois qui n'ont pas d'équipagesQuand Isabelle rit plus rien ne bougeQuand Isabelle rit au berceau de sa joieElle vole les fenêtres de l'heureQui s'ouvrent sur le paradisPour se les poser dans le cœurBelle Isabelle quand elle rit

Quand Isabelle chante plus rien ne bougeQuand Isabelle chante au berceau de sa joieSais-tu qu'elle vole la dentelleTissée au cœur de rossignolEt les baisers que les ombrellesEmpêchent de prendre leur volQuand Isabelle chante plus rien ne bougeQuand Isabelle chante au berceau de sa joieElle vole le velours et la soieQu'offre la guitare à l'infantePour se les poser dans la voixBelle Isabelle quand elle chante

J'aimaisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest/F. Rauber   1963

J'aimais les fées et les princessesQu'on me disait n'exister pasJ'aimais le feu et la tendresseTu vois je vous rêvais déjà

J'aimais les tours hautes et largesPour voir au large venir l'amourJ'aimais les tours de cœur de gardeTu vois je vous guettais déjà

J'aimais le col ondoyant des vaguesLes saules nobles languissant vers moiJ'aimais la ligne tournante des alguesTu vois je vous savais déjà

J'aimais courir jusqu'à tomberJ'aimais la nuit jusqu'au matinJe n'aimais rien non j'ai adoréTu vois je vous aimais déjà

J'aimais l'été pour ses oragesEt pour la foudre sur le toitJ'aimais l'éclair sur ton visageTu vois je vous brûlais déjà

J'aimais la pluie noyant l'espaceAu long des brumes du pays platJ'aimais la brume que le vent chasseTu vois je vous pleurais déjà

J'aimais la vigne et le houblonLes villes du Nord les laides de nuitLes fleuves profonds m'appelant au litTu vois je vous oubliais déjà

J'arrive

De chrysanthèmes en chrysanthèmesNos amitiés sont en partanceDe chrysanthèmes en chrysanthèmesLa mort potence nos dulcinéesDe chrysanthèmes en chrysanthèmesLes autres fleurs font ce qu'elles peuventDe chrysanthèmes en chrysanthèmesLes hommes pleurent les femmes pleuvent

J'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois traîner mes osJusqu'au soleil jusqu'à l'étéJusqu'à demain jusqu'au printempsJ'arrive, j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois voir si le fleuveEst encore fleuve voir si le portEst encore port m'y voir encoreJ'arrive j'arriveMais pourquoi moi pourquoi maintenantPourquoi déjà et où allerJ'arrive bien sûr, j'arriveN'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver

De chrysanthèmes en chrysanthèmesA chaque fois plus solitaireDe chrysanthèmes en chrysanthèmesA chaque fois surnuméraireJ'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois prendre un amourComme on prend le train pour plus être seulPour être ailleurs pour être bienJ'arrive j'arriveMais qu'est-ce que j'aurais bien aiméEncore une fois remplir d'étoilesUn corps qui tremble et tomber mortBrûlé d'amour le cœur en cendresJ'arrive j'arriveC'est même pas toi qui est en avanceC'est déjà moi qui suis en retardJ'arrive, bien sûr j'arriveN'ai-je jamais rien fait d'autre qu'arriver.

J'en appelle13

Page 14: BREL Paroles de 137 Chansons

Paroles et Musique: Jacques Brel   1957

J'en appelle aux maisonsÉcrasées de lumièreJ'en appelle aux amoursQue chantent les rivièresA l'éclatement bleuDes matins de printempsA la force jolie des fillesQui ont vingt ansA la fraicheur certaineD'un vieux puit de désertA l'étoile qu'attendLe vieil homme qui se perdPour que monte de nousEt plus fort qu'un désirLe désir incroyableDe se vouloir construireEn se désirant faibleEt plutôt qu'orgueilleuxEn se désirant lâchePlutôt que monstrueux

J'en appelle à ton rireQue tu croques au soleilJ'en appelle à ton criÀ nul autre pareilAu silence joyeuxQui parle doucementA ces mots que l'on ditRien qu'en se regardantA la pesante mainDe notre amour sincèreA nos vingt ans trouvésÀ tout ce qu'ils espèrentPour que monte de nousEt plus fort qu'un désirLe désir incroyableDe se vouloir construireEn préférant plutôtQue la gloire inutileEt le bonheur profondEt puis la joie tranquille

J'en appelle aux maisonsÉcrasées de lumièreJ'en appelle à ton criÀ nul autre pareil

JaurèsParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Ils étaient usés à quinze ansIls finissaient en débutantLes douze mois s'appelaient décembreQuelle vie ont eu nos grand-parentsEntre l'absinthe et les grand-messesIls étaient vieux avant que d'êtreQuinze heures par jour le corps en laisseLaissent au visage un teint de cendresOui notre Monsieur, oui notre bon Maître

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

On ne peut pas dire qu'ils furent esclavesDe là à dire qu'ils ont vécu

Lorsque l'on part aussi vaincuC'est dur de sortir de l'enclaveEt pourtant l'espoir fleurissaitDans les rêves qui montaient aux cieuxDes quelques ceux qui refusaientDe ramper jusqu'à la vieillesseOui notre bon Maître, oui notre Monsieur

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Si par malheur ils survivaientC'était pour partir à la guerreC'était pour finir à la guerreAux ordres de quelque sabreurQui exigeait du bout des lèvresQu'ils aillent ouvrir au champ d'horreurLeurs vingt ans qui n'avaient pu naîtreEt ils mouraient à pleine peurTout miséreux oui notre bon MaîtreCouverts de prèles oui notre MonsieurDemandez-vous belle jeunesseLe temps de l'ombre d'un souvenirLe temps de souffle d'un soupir

Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?

Je ne sais pas1958

Je ne sais pas pourquoi la pluieQuitte là-haut ses oripeauxQue sont les lourds nuages grisPour se coucher sur nos coteauxJe ne sais pas pourquoi le ventS'amuse dans les matins clairsA colporter les rires d'enfantsCarillons frêles de l'hiverJe ne sais rien de tout celaMais je sais que je t'aime encor'

Je ne sais pas pourquoi la routeQui me pousse vers la citéA l'odeur froide des déroutesDe peuplier en peuplierJe ne sais pas pourquoi le voileDu brouillard glacé qui m'escorteMe fait penser aux cathédralesOù l'on prie pour les amours mortesJe ne sais rien de tout celaMais je sais que je t'aime encor'

Je ne sais pas pourquoi la villeM'ouvre ses remparts de faubourgsPour me laisser glisser fragileSous la pluie parmi ses amoursJe ne sais pas pourquoi ces gensPour mieux célébrer ma défaitePour mieux suivre l'enterrementOnt le nez collé aux fenêtresJe ne sais rien de tout celaMais je sais que je t'aime encor'

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Page 15: BREL Paroles de 137 Chansons

Je ne sais pas pourquoi ces ruesS'ouvrent devant moi une à uneVierges et froides froides et nuesRien que mes pas et pas de luneJe ne sais pas pourquoi la nuitJouant de moi comme guitareM'a forcé à venir iciPour pleurer devant cette gareJe ne sais rien de tout celaMais je sais que je t'aime encor'

Je ne sais pas à quelle heure partCe triste train pour AmsterdamQu'un couple doit prendre ce soirUn couple dont tu es la femmeEt je ne sais pas pour quel portPart d'Amsterdam ce grand navireQui brise mon cœur et mon corpsNotre amour et mon avenirJe ne sais rien de tout celaMais je sais que je t'aime encor'Mais je sais que je t'aime encor'

Je prendrai

Je prendraiDans les yeux d'un amiCe qu'il y a de plus chaud de plus beauEt de plus tendre aussiQu'on ne voit que deux ou trois foisDurant toute une vieEt qui fait que cet ami est notre ami

Je prendraiUn nuage de ma jeunesseQui passait rond et blancPar-dessus ma tête et souventEt qui aux jours de faiblesseRessemblait à ma mèreEt aux jours de colère à un lionUn beau nuage douillet et rond et confortable

Je prendraiCe ruisseau clair et frêle d'avrilQui disparaît aux premiers froidsQui disparaît tout l'hiverEt coule alors paraît-il sur la table des Noces de Cana

Je prendraiMa lampe ma meilleurePas celle qui éclaireNon celle qui illumineEt rend joli et appelle de loin

Je prendraiUn lit un grand le mienEt qui sait ce que c'est qu'un hommeEt son chagrinUn grand lit d'être humain

Je prendrai tout celaEt puis je bâtiraiJe bâtirai et j'appellerai les gensQui passeront dans la rue

Et je leur montreraiMa crèche de Noël

Je suis un soir d'étéParoles et Musique: Jacques Brel   1968© 1968 Editions Pouchenel Bruxelles

Et la sous-préfectureFête la sous-préfèteSous le lustre à facettesIl pleur des orangeadesEt des champagnes tièdesEt les propos glacésDes femelles maussadesDe fonctionnarisés

Je suis un soir d'étéAux fenêtres ouvertesLes dîneurs familiauxRepoussent leurs assiettesEt disent qu'il fait chaudLes hommes lancent des rotsDe chevaliers teutonsLes nappes tombent en miettesPar-dessus les balcons

Je suis un soir d'étéAux terrasses brouilléesQuelques buveurs humidesParlent de haridellesEt de vieilles perfidesC'est l'heure où les bretellesSoutiennent le présentDes passants répandusEt des alcoolisants

Je suis un soir d'étéDe lourdes amoureusesAux odeurs de cuisinePromènent leur poitrineSur les flancs de la MeuseIl leur manque un soldatPour que l'été ripailleEt monte vaille que vailleJusqu'en haut de leurs bas

Je suis un soir d'étéAux fontaines les vieuxBardés de référencesRebroussent leur enfanceA petits pas pluvieuxIls rient de toute une dentPour croquer le silenceAutour des filles qui dansentA la mort d'un printemps

Je suis un soir d'étéLa chaleur se vertèbreIl fleuve des ivressesL'été a ses grand-messesEt la nuit les célèbreLa ville aux quatre ventsClignote le remordsInutile et passantDe n'être pas un port

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Je suis un soir d'été

Je t'aimeParoles et Musique: F. Bauber/J. Brel   1959

Pour la rosée qui tremble au calice des fleursDe n'être pas aimée et ressemble à ton cœurJe t'aimePour le noir de la pluie au clavecin de l'étangJouant page de lune et ressemble à ton chantJe t'aimePour l'aube qui balance sur le fil d'horizonLumineuse et fragile et ressemble à ton frontJe t'aime

À l'aurore légère qu'un oiseau fait frémirEn la battant de l'aile et ressembles à ton rireJe t'aimePour le jour qui se lève et dentelles de boisAu point de la lumière et ressemble à ta joieJe t'aimePour le jour qui revient d'une nuit sans amourEt ressemble déjà, ressemble à ton retourJe t'aimePour la porte qui s'ouvre pour le cri qui jaillitEnsemble de deux cœurs et ressemble à ce criJe t'aime... Je t'aime Je t'aime

JefParoles et Musique: Jacques Brel   1964

Non Jef t'es pas tout seulMais arrête de pleurerComme ça devant tout le mondeParce qu'une demi-vieilleParce qu'une fausse blondeT'a relaissé tomberNon Jef t'es pas tout seulMais tu sais que tu me fais honteA sangloter comme çaBêtement devant tout le mondeParce qu'une trois quarts putainT'a claqué dans les mainsNon Jef t'es pas tout seulMais tu fais honte à voirLes gens se paient notre têteFoutons le camp de ce trottoirAllez viens Jef viens viens

{Refrain:}

Viens il me reste trois sousOn va aller se les boireChez la mère FrançoiseViens il me reste trois sousEt si c'est pas assezBen il me restera l'ardoisePuis on ira mangerDes moules et puis des fritesDes frites et puis des moulesEt du vin de Moselle

Et si t'es encore tristeOn ira voir les fillesChez la madame AndréeParait qu'y en a de nouvellesOn rechantera comme avantOn sera bien tous les deuxComme quand on était jeunesComme quand c'était le tempsQue j'avais de l'argent

Non Jef t'es pas tout seulMais arrête tes grimacesSoulève tes cent kilosFais bouger ta carcasseJe sais que t'as le cœur grosMais il faut le souleverNon Jef t'es pas tout seulMais arrête de sangloterArrête de te répandreArrête de répéterQue t'es bon à te foutre à l'eauQue t'es bon à te pendreNon Jef t'es pas tout seulMais c'est plus un trottoirça devient un cinémaOù les gens viennent te voirAllez viens Jef viens viens

{Refrain}

Viens il me reste ma guitareJe l'allumerai pour toiEt on sera espagnolsComme quand on était mômesMême que j'aimais pas çaT'imiteras le rossignolPuis on se trouvera un bancOn parlera de l'AmériqueOù c'est qu'on va allerQuand on aura du fricEt si t'es encore tristeOu rien que si t'en as l'airJe te raconterai commentTu deviendras RockfellerOn sera bien tous les deuxOn rechantera comme avantComme quand on était beauxComme quand c'était le tempsD'avant qu'on soit poivrots

Allez viens Jef viens viensOui oui Jef oui viens.

JojoMusique: Jacques Brel

Jojo,Voici donc quelques riresQuelques vins quelques blondesJ'ai plaisir à te direQue la nuit sera longueA devenir demainJojo,Moi je t'entends rugirQuelques chansons marines

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Où des Bretons devinentQue Saint-Cast doit dormirTout au fond du brouillard

Six pieds sous terre Jojo tu chantes encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo,Ce soir comme chaque soirNous refaisons nos guerresTu reprends Saint-NazaireJe refais l'OlympiaAu fond du cimetière Jojo,Nous parlons en silenceD'une jeunesse vieilleNous savons tous les deuxQue le monde sommeillePar manque d'imprudence

Six pieds sous terre Jojo tu espères encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo,Tu me donnes en riantDes nouvelles d'en basJe te dis mort aux consBien plus cons que toiMais qui sont mieux portantsJojo,Tu sais le nom des fleursTu vois que mes mains tremblentEt je te sais qui pleurePour noyer de pudeurMes pauvres lieux communs

Six pieds sous terre Jojo tu frères encoreSix pieds sous terre tu n'es pas mort

Jojo.Je te quitte au matinPour de vagues besognesParmi quelques ivrognesDes amputés du cœurQui ont trop ouvert les mainsJojo,Je ne rentre plus nulle partJe m'habille de nos rêvesOrphelin jusqu'aux lèvresMais heureux de savoirQue je te viens déjà

Six pieds sous terre Jojo tu n'es pas mortSix pieds sous terre Jojo je t'aime encore.

Knokke-le-ZouteParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Les soirs où je suis argentinJe m'offre quelques argentinesQuite à cueillir dans les vitrinesDes jolis quartiers d'AmsterdamDes lianes qui auraient ce teint de femmeQu'exporte vos cités latinesCes soirs-là je les veux félinesAvec un rien de brillantineCollé aux cheveux de la langue

Elles seraient fraiches comme des manguesEt compenseraient leur maladresseÀ coups de poitrine et de fesses

Ah mais ce soirY a pas d'argentinesY a pas d'espoirY a pas de douteNon ce soirIl pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirsJe me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras

Les jours où je suis espagnolPetites fesses grande bagnoleElles passent toutes à la casseroleQuite à pourchasser dans HambourgDes carmencitas de faubourgQui nous reviennent de véroleJe me les veux fraiches et joyeusesBonnes travailleuse sans parlotesMi andalouses mi anguleusesDe ces femelles qu'on gestapoteParce qu'elles ne savent pas encoreQue Franco est tout à fait mort

Mais ce soirY a pas d'espagnolesY a pas de casserolesY pas de douteNon ce soirIl pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirsJe me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras

Les soirs depuis CaracasJe panama je partaguasseJe suis l'plus beauJe pars en chasseJe glisse de palace en palacePour y dénicher le gros lotQui n'attend que mon coup de grâceJe la veux folle comme un traveloDécouverte de vieux rideauxMais cependant "dévanescente"Elle m'attendrait depuis toujoursCerclée de serpents et de plantesParmi les livres de Dufour

Mais ce soirY a pas de CaracasY a pas de dévanescentesY a pas de douteMais ce soirIl pleut sur Knokke-le-ZouteCe soir comme tous les soirsJe me rentre chez moiLe cœur en dérouteEt la bitte sous l'bras

Demain ouiPeut être que ...Peut être que demain je serai argentin ... ouiJe m'offrai des argentines

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Quite à cueillir dans les vitrinesDes jolis quartiers d'AmsterdamDes lianes qui auraient ce teint de femmeQu'exporte vos cités latinesDemain je les voudrai félinesAvec ce rien de brillantineCollé aux cheveux de la langueElles seront fraiches comme des manguesEt compenseront leur maladresseÀ coups de poitrine et de fesses

Demain je serai espagnolPetites fesses grande bagnoleElles passeront toutes à la casseroleQuite à pourchasser dans HambourgDes Carmencitas de faubourgQui nous reviendront de véroleJe les voudrai fraiches et joyeusesBonnes travailleuses sans parlotesMi andalouses mi anguleusesDe ces femelles qu'on gestapoteParce qu'elles ne savent pas encoreQue Franco est tout à fait mort

Les soirs depuis CaracasJe panama je partaguasseJe suis l'plus beauJe pars en chasseJe glisse de palace en palacePour y dénicher le gros lotQui n'attend que mon coup de grâceJe la veux folle comme un traveloDécouverte de vieux rideauxMais cependant dévanescenteElle m'attendrait depuis toujoursCerclée de serpents et de plantesParmi les livres de "Dufour"

L'âge idiot1966  "Jef"

L'âge idiot, c'est à vingt fleursQuand le ventre brûle de faimQu'on croit se laver le cœurRien qu'en se lavant les mainsQu'on a les yeux plus grands que le ventreQu'on a les yeux plus grands que le cœurQu'on a le cœur encore trop tendreQu'on a les yeux encore pleins de fleursMais qu'on sent bon les champs de luzerneL'odeur des tambours mal battusQu'on sent les clairons refroidisEt les lits de petite vertuEt qu'on s'endort toutes les nuitsDans les casernes

L'âge idiot, c'est à trente fleursQuand le ventre prend naissanceQuand le ventre prend puissanceQu'il vous grignote le cœurQuand les yeux se font plus lourdsQuand les yeux marquent les heuresEux qui savent qu'à trente fleursCommence le compte à reboursQu'on rejette les vieux dans leur caverne

Qu'on offre à Dieu des bonnets d'âneMais que le soir on s'allume des feuxEn frottant deux cœurs de femmesEt qu'on regrette déjà un peuLe temps des casernes

L'âge idiot c'est soixante fleursQuand le ventre se ballotteQuand le ventre ventripoteQu'il vous a bouffé le cœurQuand les yeux n'ont plus de larmesQuand les yeux tombent en neigeQuand les yeux perdent leurs piègesQuand les yeux rendent les armesQu'on se ressent de ses amoursMais qu'on se sent des patiencesPour de vieilles sur le retourOu des trop jeunes en partanceEt qu'on se croit protégéPar les casernes

L'âge d'or c'est quand on meurtQu'on se couche sous son ventreQu'on se cache sous son ventreLes mains protégeant le cœurQu'on a les yeux enfin ouvertsMais qu'on ne se regarde plusQu'on regarde la lumièreEt ses nuages pendusL'âge d'or c'est après l'enferC'est après l'âge d'argentOn redevient petit enfantDedans le ventre de la terreL'âge d'or c'est quand on dortDans sa dernière caserne

L'Air de la BêtiseParoles et Musique: Jacques Brel   1957

Mère des gens sans inquiétudeMère de ceux que l'on dit fortsMère des saintes habitudesPrincesse des gens sans remordsSalut à toi, dame BêtiseToi dont le règne est méconnuSalut à toi, Dame BêtiseMais dis-le moi: "Comment fais-tuPour avoir tant d'amants,Et tant de fiancés,Tant de représentantsEt tant de prisonniersPour tisser de tes mainsTant de malentendusEt faire croire au crétinQue nous sommes vaincusPour fleurir notre vieDe basses révérencesDe mesquines enviesDe nobles intolérancesDe mesquines enviesDe nobles intolérancesDe mesquines enviesDe nobles intolérances

Mère de nos femmes fatales

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Mère des mariages de raisonMère des filles à succursalesPrincesse pâle du visonSalut à toi, Dame BêtiseToi dont le règne est méconnuSalut à toi, Dame BêtiseMais dis moi: "Comment fais-tuPour que point l'on ne voitLe sourire entenduQui fera de vous et moiDe très nobles cocus cocusPour me faire oublierQue les putains les vraiesSont celles qui font payerPas avant mais aprèsPour qu'il puisse m'arriverDe croiser certains soirsTon regard familierAu fond de mon miroirTon regard familierAu fond de mon miroirTon regard familierAu fond de mon miroir.

L'aventure

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alorsQue la lumière nous lave les mains

L'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en cheminL'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin

Pour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chanteraPour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alorsQue la lumière nous lave les mains

Tout ce que l'on cherche à redécouvrirFleurit chaque jour au coin de l'oubli (?)La grande aventure il faut la cueillirEntre notre église et notre mairieEntre la barrière du Père MachinEt le bois joli de monsieur le BaronEt entre la vigne de notre voisinEt le doux sourire de la Madelon

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alorsQue la lumière nous lave les mainsL'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en cheminL'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin

Pour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chanteraPour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alorsQue la lumière nous lave les mains

Tous ceux que l'on cherche à pouvoir aimerSont auprès de nous et à chaque instantDans le creux des rues dans l'ombre des prèsAu bout du chemin au milieu des champsDebouts dans le vent et semant le bléPliés vers le sol saluant la terreAssis près des vieux et tressant l'osierCouchés au soleil et buvant la lumière (dans la lumière?)

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de chaque matinL'aventure commence alorsQue la lumière nous lave les mainsL'aventure commence à l'auroreEt l'aurore nous guide en cheminL'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matinPour Martin c'est le fer sur l'enclumePour César le vin qui chanteraPour Yvon c'est la mer qu'il écumeC'est le jour qui s'allumeC'est le blé que l'on bat

L'aventure commence à l'auroreA l'aurore de mille chemins (?)L'aventure c'est le trésorQue l'on découvre à chaque matin matin

L'ÉclusierParoles et Musique: Jacques Brel   1968

Les mariniersMe voient vieillirJe vois vieillirLes mariniersOn joue au jeuDes imbécilesOù l'immobileEst le plus vieuxDans mon métierMême en étéFaut voyagerLes yeux fermés.

Ce n'est pas rien d'être éclusier

Les mariniersSavent ma trogneIls me plaisantentEt ils ont tortMoitié sorcier

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Moitié ivrogneJe jette un sortÀ tout c'qui chanteDans mon métierC'est en automneQu'on cueille les pommesEt les noyés

Ce n'est pas rien d'être éclusier

Dans son panierUn enfant louchePour voir la moucheQui est sur son nezMaman ronronneLe temps soupireLe chou transpireLe feu ronchonneDans mon métierC'est en hiverQu'on pense au pèreQui s'est noyé

Ce n'est pas rien d'être éclusier

Vers le printempsLes marinièresM'font des manièresDe leur chalandJ'aimerais leur jeuSans cette guerreQui m'a un peuTrop abiméDans mon métierC'est au printempsQu'on prend le tempsDe se noyer

L'EnfanceParoles et Musique: Jacques Brelnote: du film "Le Far West"

L'enfanceQui peut nous dire quand ça finitQui peut nous dire quand ça commenceC'est rien avec de l'imprudenceC'est tout ce qui n'est pas écrit

L'enfanceQui nous empêche de la vivreDe la revivre infinimentDe vivre à remonter le tempsDe déchirer la fin du livre

L'enfanceQui se dépose sur nos ridesPour faire de nous de vieux enfantsNous revoilà jeunes amantsLe cœur est plein la tête est videL'enfance l'enfance

L'enfanceC'est encore le droit de rêverEt le droit de rêver encore

Mon père était un chercheur d'orL'ennui c'est qu'il en a trouvé

L'enfanceIl est midi tous les quart d'heureIl est jeudi tous les matinsLes adultes sont déserteursTous les bourgeois sont des Indiens

L'enfanceL'enfance

{+ couplet isolé :}

Si les parents savaient l'enfanceSi les moindres amants savaientSi par chance ils savaient l'enfanceIl n'y aurait plus d'enfants jamais.

L'Homme dans la citéParoles et Musique: Jacques Brel   1958

Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la citéQue l'amour soit son royaumeEt l'espoir son invitéEt qu'il soit pareil aux arbresQue mon père avait plantésFiers et nobles comme soir d'étéEt que les rires d'enfantsQui lui tintent dans la têteL'éclaboussent d'un reflet de fête

Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la citéQue son regard soit un psaumeFait de soleils éclatésQu'il ne s'agenouille pasDevant tout l'or d'un seigneurMais parfois pour cueillir une fleurEt qu'il chasse de la mainÀ jamais et pour toujoursLes solutions qui seraient sans amour

Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la citéEt qui ne soit pas une baumeMais une force une clartéEt que sa colère soit justeJeune et belle comme l'orageQu'il ne soit jamais ni vieux ni sageEt qu'il rechasse du templeL' écrivain sans opinionMarchand de rienMarchand d'évotions

Pourvu que nous vienne un hommeAux portes de la citéAvant que les autre hommesQui vivent dans la citéHumiliés l'espoir meurtriEt lourds de leur colère froide

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Ne dressent au creux des nuitsDe nouvelles barricades

L'ivrogneParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest-F. Rauber   1961

Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre

Buvons à ta santéToi qui sais si bien direQue tout peut s'arrangerQu'elle va revenirTant pis si tu es menteurTavernier sans tendresseJe serai saoul dans une heureJe serai sans tristesse

Buvons à la santéDes amis et des riresQue je vais retrouverQui vont me revenirTant pis si ces seigneursMe laissent à terreJe serai saoul dans une heureJe serai sans colère

Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre

Buvons à ma santéQue l'on boive avec moiQue l'on vienne danserQu'on partage ma joieTant pis si les danseursMe laissent sous la luneJe serai saoul dans une heureJe serai sans rancune

Buvons aux jeunes fillesQu'il me reste à aimerBuvons déjà aux fillesQue je vais faire pleurerEt tant pis pour les fleursQu'elles me refuserontJe serai saoul dans une heureJe serai sans passion

Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiMais j'ai mal d'être moiAmi remplis mon verre

Ami remplis mon verre

Buvons à la putainQui m'a tordu le cœurBuvons à plein chagrinBuvons à pleines pleursEt tant pis pour les pleursQui me pleuvent ce soirJe serai saoul dans une heureJe serai sans mémoire

Buvons nuit après nuitPuisque je serai trop laidPour la moindre SylviePour le moindre regretBuvons puisqu'il est l'heureBuvons rien que pour boireJe serai bien dans une heureJe serai sans espoir

Ami remplis mon verreEncore un et je vasEncore un et je vaisNon je ne pleure pasJe chante et je suis gaiTout s'arrange déjàAmi remplis mon verreAmi remplis mon verreAmi remplis mon verre

L'OstendaiseParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber   1968

Une OstendaisePleure sur sa chaiseLe chat soupèseSon poids d'amourDans le silenceSon chagrin danseEt les vieux pensentChacun son tourÀ la cuisineQuelques voisinesParlent de ChineEt d'un retourÀ SingaporeUne JavanaiseDevient belle-sœurDe l'Ostendaise

Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gensIl y a les vivantsEt ceux qui sont en mer

Notre OstendaiseQue rien n'abaiseDe chaise en chaiseVa sa blessureQuelques commèresQuelques compèresBattent le fer

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De sa blessureSon capitaineSous sa bedaineDe bière pleineBat le tambourHomme de devoirHomme d'étoilesIl prend l'escalePour un détour

Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gensIl y a les vivantsEt ceux qui sont en mer

Notre OstendaiseAu temps des fraisesDevient maîtresseD'un pharmacienSon capitaineMort sous bedaineJoue les baleinesLes sous-marinsPourquoi ma douceMoi le faux mousseQue le temps pousseT'écrire de loinC'est que je t'aimeEt tant je t'aimeQu'ai peur ma reineD'un pharmacien

Il y a deux sortes de tempsIl y a le temps qui attendEt le temps qui espèreIl y a deux sortes de gensIl y a les vivantsEt moi je suis en mer

La BastilleParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Mon ami, qui croit que tout doit changerCrois-tu le droit d'aller tuer les bourgeoisSi tu crois encore qu'il nous faut descendreDans le creux des rues pour monter au pouvoirSi tu crois encore au rêve du grand soirEt que nos ennemis, il faut aller les pendre

Dis-le toi désormaisMême s'il est sincèreAucun rêve jamaisNe mérite une guerreOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la BastilleQuand il fallait nous aimer

Mon ami, qui croit, que rien ne doit changerTe crois-tu le droit de vivre et de penser en bourgeoisSi tu crois encore qu'il nous faut défendre

Un bonheur acquis au prix d'autres bonheursSi tu crois encore que c'est parce qu'ils ont tortQue les gens te saluent plutôt que de te pendre

Dis-le toi désormaisMême s'il est sincèreAucun rêve jamaisNe mérite une guerreOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la BastilleQuand il fallait nous aimer

Mon ami, je crois que tout peut s'arrangerSans cris sans effroi même sans insulter les bourgeoisL'avenir dépend des révolutionnairesMais se moque bien des petits révoltésL'avenir ne veut ni feu ni sang ni guerreNe sois pas de ceux-là qui vont nous les donner

Hâtons-nous d'espérerMarchons aux lendemainsTendons une mainQui ne soit pas ferméeOn a détruit la BastilleEt ça n'a rien arrangéOn a détruit la BastilleNe pourrait-on pas s'aimer

La bièreParoles et Musique: Jacques Brel

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDieu qu'on est bienÇa sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

C'est plein d'UilenspieghelEt de ses cousins et d'arrière-cousinsDe Breughel l'AncienC'est plein de gens du nordQui mord comme un chienLe porc qui dort le ventre plein

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDieu qu'on est bienÇa sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

C'est plein de verres pleinsQui vont à kermesse comme vont à messeVieilles au matinC'est plein de jours mortsEt d'amours gelés

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Chez nous y a qu'l'étéQue les filles aient un corps

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDieu qu'on est bienÇa sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

C'est plein de finissantsQui soignent leurs souvenirsEn mouillant de riresLeurs poiluchons blancsC'est plein de débutantsQui soignent leur véroleEn caracolant de Prosit en Skoll

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDieu qu'on est bienÇa sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

C'est plein de "Godferdom"C'est plein d'AmsterdamC'est plein de mains d'hommesAux croupes des femmesC'est plein de mèmèresQui ont depuis toujoursUn sein pour la bièreUn sein pour l'amour

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDieu qu'on est bienÇa sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

C'est plein d'horizonsÀ vous rendre fousMais l'alcool est blondEt le diable est à nousLes gens sans EspagneOnt besoin des deuxOn fait des montagnesAvec ce qu'on peut

Ça sent la bièreDe Londres à BerlinÇa sent la bièreDonne-moi la main

La bourrée du célibataireParoles et Musique: Jacques Brel   1957

La fille que j'aimeraAura le cœur si sageQu'au creux de son visageMon cœur s'arrêteraLa fille que j'aimeraJe lui veux la peau tendrePour qu'aux nuits de décembreS'y réchauffent mes doigtsEt moi je l'aimeronsEt elle m'aimeraEt nos cœurs brûlerontDu même feu de joieEntrerons en chantantDans les murs de la vieEn offrant nos vingt ansPour qu'elle nous soit jolieNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimeronsNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimera

La fille que j'aimeraAura sa maison basseBlanche et simple à la foisComme un état de grâceLa fille que j'aimeraAura des soirs de veilleOù elle me parleraDes enfants qui sommeillentEt moi je l'aimeronsEt elle m'aimeraEt nous nous offrironsTout l'amour que l'on aPavoiserons tous deuxNotre vie de soleilAvant que d'être vieuxAvant que d'être vieilleNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimeronsNon ce n'est pas toiLa fille que j'aimera

La fille que j'aimeraVieillira sans tristesseEntre son feu de boisEt ma grande tendresseLa fille que j'aimeraSera comme bon vinQui se bonifieraUn peu chaque matinEt moi je l'aimeronsEt elle m'aimeraEt ferons des chansonsDe nos anciennes joiesEt quitterons la terreLes yeux pleins l'un de l'autrePour fleurir tout l'enferDu bonheur qui est nôtreAh qu'elle vienne à moiLa fille que j'aimeronsAh qu'elle vienne à moiLa fille que j'aimera

La chanson de JackyParoles et Musique: J. Brel, G. Jouannest   1966

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Même si un jour à Knocke-le-ZouteJe deviens comme je le redouteChanteur pour femmes finissantesQue je leur chante " Mi Corazón "Avec la voix bandonéanteD'un Argentin de CarcassonneMême si on m'appelle AntonioQue je brûle mes derniers feuxEn échange de quelques cadeauxMadame je fais ce que je peuxMême si je me saoule à l'hydromelPour mieux parler de virilitéA des mémères décoréesComme des arbres de NoëlJe sais qu' dans ma saoulographieChaque nuit pour des éléphants rosesJe chanterai la chanson moroseCelle du temps où je m'appelais Jacky

{Refrain:}Etre une heure, une heure seulementEtre une heure, une heure quelquefoisEtre une heure, rien qu'une heure durantBeau, beau, beau et con à la fois

Même si un jour à MacaoJe deviens gouverneur de tripotCerclé de femmes languissantesMême si lassé d'être chanteurJ'y sois devenu maître chanteurEt que ce soit les autres qui chantentMême si on m'appelle le beau SergeQue je vende des bateaux d'opiumDu whisky de Clermont-FerrandDe vrais pédés de fausses viergesQue j'aie une banque à chaque doigtEt un doigt dans chaque paysQue chaque pays soit à moiJe sais quand même que chaque nuitTout seul au fond de ma fumeriePour un public de vieux ChinoisJe rechanterai ma chanson à moiCelle du temps où je m'appelais Jacky

{au Refrain}

Même si un jour au ParadisJe deviens comme j'en serais surprisChanteur pour femmes à ailes blanchesQue je leur chante AlléluiaEn regrettant le temps d'en basOù c'est pas tous les jours dimancheMême si on m'appelle Dieu le PèreCelui qui est dans l'annuaireEntre Dieulefit et Dieu vous gardeMême si je me laisse pousser la barbeMême si toujours trop bonne pommeJe me crève le cœur et le pur espritA vouloir consoler les hommesJe sais quand même que chaque nuitJ'entendrai dans monParadis Les anges, les Saints et LuciferMe chanter la chanson de naguèreCelle du temps où je m'appelais Jacky.

{au Refrain}

La chanson de Van HorstParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest   1972  "Jef"note: du film "Le Bar de la Fourche"

De Rotterdam à SantiagoEt d'Amsterdam à VarsovieDe Cracovie à San DiegoDe drame en damePasse la vieDe peu à peuDe cœur en cœurDe peur en peurDe port en portLe temps d'une fleurEt l'on s'endortLe temps d'un rêveEt l'on est mort

De terre en terreDe place en placeDe jeune vieilleEn vieille grasseDe guerre en guerreDe guerre lasseLa mort nous veilleLa mort nous glace

Mais de bière en bièreDe foire en foireDe verre en verreDe boire en boireJe mords encoreÀ pleines dentsJe suis un mortEncore vivant

La chanson des vieux amantsParoles et Musique: Jacques Brelautres interprètes: Luce Dufault (2000)

Bien sûr, nous eûmes des oragesVingt ans d'amour, c'est l'amour folMille fois tu pris ton bagageMille fois je pris mon envolEt chaque meuble se souvientDans cette chambre sans berceauDes éclats des vieilles tempêtesPlus rien ne ressemblait à rienTu avais perdu le goût de l'eauEt moi celui de la conquête

{Refrain:}Mais mon amourMon doux mon tendre mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu sais je t'aime

Moi, je sais tous tes sortilègesTu sais tous mes envoûtementsTu m'as gardé de pièges en piègesJe t'ai perdue de temps en temps

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Bien sûr tu pris quelques amantsIl fallait bien passer le tempsIl faut bien que le corps exulteFinalement finalementIl nous fallut bien du talentPour être vieux sans être adultes

{Refrain}

Oh, mon amourMon doux mon tendre mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore, tu sais, je t'aime

Et plus le temps nous fait cortègeEt plus le temps nous fait tourmentMais n'est-ce pas le pire piègeQue vivre en paix pour des amantsBien sûr tu pleures un peu moins tôtJe me déchire un peu plus tardNous protégeons moins nos mystèresOn laisse moins faire le hasardOn se méfie du fil de l'eauMais c'est toujours la tendre guerre

{Refrain}

Oh, mon amour...Mon doux mon tendre mon merveilleux amourDe l'aube claire jusqu'à la fin du jourJe t'aime encore tu sais je t'aime.

La colombeParoles et Musique: Jacques Brel   1959

Pourquoi cette fanfareQuand les soldats par quatreAttendent les massacresSur le quai d'une garePourquoi ce train ventruQui ronronne et soupireAvant de nous conduireJusqu'au malentenduPourquoi les chants les crisDes foules venues fleurirCeux qui ont le droit de partirAu nom de leurs conneries

Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer

Pourquoi l'heure que voilàOù finit notre enfanceOù finit notre chanceOù notre train s'en vaPourquoi ce lourd convoiChargé d'hommes en grisRepeints en une nuitPour partir en soldatsPourquoi ce train de pluiePourquoi ce train de guerrePourquoi ce cimetièreEn marche vers la nuit

Nous n'irons plus au bois la colombe est blessée

Nous n'allons pas au bois nous allons la tuer

Pourquoi les monumentsQu'offriront les défaitesLes phrases déjà faitesQui suivront l'enterrementPourquoi l'enfant mort-néQue sera la victoirePourquoi les jours de gloireQue d'autres auront payésPourquoi ces coins de terreQue l'on va peindre en grisPuisque c'est au fusilQu'on éteint la lumière

Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer

Pourquoi ton cher visageDégrafé par les larmesQui me rendait les armesAux sources du voyagePourquoi ton corps qui sombreTon corps qui disparaîtEt n'est plus sur le quaiQu'une fleur sur une tombePourquoi ces prochains joursOù je devrais penserA ne plus m'habillerQue d'une moitié d'amour

Nous n'irons plus au bois la colombe est blesséeNous n'allons pas au bois nous allons la tuer

La dame patronnesse© Éditions Musicales Tutti

Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut avoir l'œil vigilantCar comme le prouvent les événementsQuatre-vingt-neuf tue la noblesseCar comme le prouvent les événementsQuatre-vingt-neuf tue la noblesse

Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut organiser ses largessesCar comme disait le duc d'Elbeuf" C'est avec du vieux qu'on fait du neuf "Car comme disait le duc d'Elbeuf" C'est avec du vieux qu'on fait du neuf "

Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesseC'est qu'il faut faire très attentionA ne pas se laisser voler ses pauvressesC'est qu'on serait sans situationA ne pas se laisser voler ses pauvresses

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C'est qu'on serait sans situation

Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesseIl faut être bonne mais sans faiblesseAinsi j'ai dû rayer de ma listeUne pauvresse qui fréquentait un socialisteAinsi j'ai dû rayer de ma listeUne pauvresse qui fréquentait un socialiste

Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

Pour faire une bonne dame patronnesseTricotez tout en couleur caca d'oieCe qui permet le dimanche à la grand-messeDe reconnaître ses pauvres à soiCe qui permet le dimanche à la grand-messeDe reconnaître ses pauvres à soi

Et un point à l'envers et un point à l'endroitUn point pour saint Joseph un point pour saint Thomas

La FanetteParoles et Musique: Jacques Brel   1963

Nous étions deux amis et Fanette m'aimaitLa plage était déserte et dormait sous juilletSi elles s'en souviennent les vagues vous dirontCombien pour la Fanette j'ai chanté de chansons

Faut direFaut dire qu'elle était belleComme une perle d'eauFaut dire qu'elle était belleEt je ne suis pas beauFaut direFaut dire qu'elle était bruneTant la dune était blondeEt tenant l'autre et l'uneMoi je tenais le mondeFaut direFaut dire que j'étais fouDe croire à tout celaJe le croyais à nousJe la croyais à moiFaut direQu'on ne nous apprend pasA se méfier de tout

Nous étions deux amis et Fanette m'aimaitLa plage était déserte et mentait sous juilletSi elles s'en souviennent les vagues vous dirontComment pour la Fanette s'arrêta la chanson

Faut direFaut dire qu'en sortantD'une vague mouranteJe les vis s'en allantComme amant et amanteFaut direFaut dire qu'ils ont riQuand ils m'ont vu pleurer

Faut dire qu'ils ont chantéQuand je les ai mauditsFaut direQue c'est bien ce jour-làQu'ils ont nagé si loinQu'ils ont nagé si bienQu'on ne les revit pasFaut direQu'on ne nous apprend pasMais parlons d'autre chose

Nous étions deux amis et Fanette l'aimaitLa place est déserte et pleure sous juilletEt le soir quelquefoisQuand les vagues s'arrêtentJ'entends comme une voixJ'entends... c'est la Fanette

La foireParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Lou Logist   1953  "Le Plat Pays"

J'aime la foire où pour trois sousL'on peut se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bête

Les lampions jettent au firmamentAlignés en nombre pairComme des sourcils de géantLeurs crachats de lumièreLes moulins tournent, tournent sans trêveEmportant tout notre argentEt nous donnant un peu de rêvePour que les hommes soient contents

Ça sent la graisse où dansent les fritesÇa sent les frites dans les papiersÇa sent les beignets qu'on mange viteÇa sent les hommes qui les ont mangésPartout je vois à petits pasDes couples qui s'en vont danserMais moi sûrement je n'irai pasGrand-mère m'a dit de me méfier

Et lorsque l'on n'a plus de sousPour se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bêteOn rentre chez soi lentementEt tout en regardant les cieuxOn se demande simplementS'il n'existe rien de mieux

J'aimais la foire où pour trois sousL'on pouvait se faire tourner la têteSur les manèges aux chevaux rouxAu son d'une musique bête

Il nous faut regarderDerrière la saletéS'étalant devant nousDerrière les yeux plissésEt les visages mous

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Au-delà de ces mainsOuvertes ou ferméesQui se tendent en vainOu qui sont poings levésPlus loin que les frontièresQui sont de barbelésPlus loin que la misèreIl nous faut regarder

Il nous faut regarderCe qu'il y a de beauLe ciel gris ou bleutéLes filles au bord de l'eauL'ami qu'on sait fidèleLe soleil de demainLe vol d'une hirondelleLe bateau qui revientPar-delà le concertDes sanglots et des pleursEt des cris de colèreDes hommes qui ont peurPar-delà le vacarmeDes rues et des chantiersDes sirènes d'alarmeDes jurons de charretierPlus forts que les enfantsQui racontent les guerresEt plus forts que les grandsQui nous les ont fait faire

Il nous faut écouterL'oiseau au fond des boisLe murmure de l'étéLe sang qui monte en soiLes berceuses des mèresLes prières des enfantsEt le bruit de la terreQui s'endort doucement

La haineParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Comme un marin je partiraiPour aller rire chez les fillesEt si jamais tu en pleuraisMoi j'en aurais l'âme ravie

Comme un novice je partiraiPour aller prier le bon DieuEt si jamais tu en souffraisJe n'en prierais que mieux

Tu n'as commis d'autre péchéQue de distiller chaque jourL'ennui et la banaliteQuand d'autres distillent l'amour

Et mille jours pour une nuitVoilà ce que tu m'as donnéTu as peint notre amour en grisTerminé notre éternité

Comme un ivrogne je partiraiPour aller gueuler ma chanson

Et si jamais tu l'entendaisJ'en remercierais le Démon

Comme un soldat je partiraiMourir comme meurent les enfantsEt si jamais tu en mouraisJ'en voudrais revenir vivant

Et toi tu pries et toi tu pleuresAu long des jours au long des ansC'est comme si avec des fleursOn ressoudait deux continents

L'amour est mort vive la haineEt toi matériel déclasséVa-t-en donc accrocherTa peine au muséeDes amours ratées

Comme un ivrogne je partiraiPour aller gueuler ma chansonEt si jamais tu l'entendaisJ'en remercierais le Démon

La lumière jailliraParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber   1958

La lumière jailliraClaire et blanche un matinBrusquement devant moiQuelque part en chemin

La lumière jailliraEt la reconnaîtraiPour l'avoir tant de foisChaque jour espérée

La lumière jailliraEt de la voir si belleJe connaîtrai pourquoiJ'avais tant besoin d'elle

La lumière jailliraEt nous nous marieronsPour n'être qu'un combatPour n'être qu'une chanson

La lumière jailliraEt je l'inviteraiA venir sous mon toitPour y tout transformer

La lumière jailliraEt déjà modifiéLui avouerai du doigtLes meubles du passé

La lumière jailliraEt j'aurai un palaisTout ne change-t-il pasAu soleil de juillet

La lumière jailliraEt toute ma maisonAssise au feu de boisApprendra ces chansons

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La lumière jailliraParsemant mes silencesDe sourires de joieQui meurent et recommencent

La lumière jailliraQu'éternel voyageurMon cœur en vain cherchaMais qui était en mon cœur

La lumière jailliraReculant l'horizonLa lumière jailliraEt portera ton nom

La mortParoles et Musique: Jacques Brel   1959

La mort m'attend comme une vieille filleAu rendez-vous de la faucillePour mieux cueillir le temps qui passeLa mort m'attend comme une princesseA l'enterrement de ma jeunessePour mieux pleurer le temps qui passeLa mort m'attend comme CarabosseA l'incendie de nos nocesPour mieux rire du temps qui passe

Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjàAnge ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi

La mort attend sous l'oreillerQue j'oublie de me réveillerPour mieux glacer le temps qui passeLa mort attend que mes amisMe viennent voir en pleine nuitPour mieux se dire que le temps passeLa mort m'attend dans tes mains clairesQui devront fermer mes paupièresPour mieux quitter le temps qui passe

Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjàAnge ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi

La mort m'attend aux dernières feuillesDe l'arbre qui fera mon cercueilPour mieux clouer le temps qui passeLa mort m'attend dans les lilasQu'un fossoyeur lancera sur moiPour mieux fleurir le temps qui passeLa mort m'attend dans un grand litTendu aux toiles de l'oubliPour mieux fermer le temps qui passe

Mais qu'y a-t-il derrière la porteEt qui m'attend déjàAnge ou démon qu'importeAu devant de la porte il y a toi

La parloteParoles et Musique: J. Brel/J. Brel/G. Jouannest   1963

C'est elle qui remplit d'espoirLes promenades les salons de théC'est elle qui raconte l'histoireQuand elle ne l'a pas inventéeC'est la parlote, la parlote

C'est elle qui sort toutes les nuitsEt ne s'apaise qu'au petit jourPour s'éveiller après l'amourPour entre deux amants éblouisLa parlote la parlote

C'est là qu'on dit qu'on a dit ouiC'est là qu'on dit qu'on a dit nonC'est le support de l'assuranceEt le premier apéritif de FranceLa parlote la parloteLa parlote la parlote

Marchant sur la pointe des lèvresMoitié fakir et moitié vandaleD'un faussaire elle fait un orfèvreD'un fifrelin elle fait un scandaleLa parlote la parlote

C'est elle qui attire la candeurDans les filets d'une promenadeMais c'est par elle que l'amour en fleursSouvent se meurt dans les saladesLa parlote la parlote

Par elle j'ai changé le mondeJ'ai même fait battre tambourPour charger une PompadourPas même belle pas même blondeLa parlote la parloteLa parlote la parlote

C'est au bistrot qu'elle rend ses sentencesEt nous rassure en nous assurantQue ceux qu'on aime n'ont pas eu de chanceQue ceux qu'on n'aime pas en on tellementLa parlote la parloteLa parlote la parlote

Si c'est elle qui sèche les yeuxSi c'est elle qui sèche les pleursC'est elle qui désèche les vieuxC'est elle qui désèche les cœursGna gna gna gna gna gnaGna gna gna gna gna gna

C'est elle qui vraiment s'installeQuand on n'a plus rien à se direC'est l'épitaphe c'est la pierre tombaleDes amours qu'on a laissé mourirLa parlote la parloteLa parlote la parlote

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La quêteMusique: Jacques Brel

Rêver un impossible rêvePorter le chagrin des départsBrûler d'une possible fièvrePartir où personne ne partAimer jusqu'à la déchirureAimer, même trop, même mal,Tenter, sans force et sans armure,D'atteindre l'inaccessible étoileTelle est ma quête,Suivre l'étoilePeu m'importent mes chancesPeu m'importe le tempsOu ma désespéranceEt puis lutter toujoursSans questions ni reposSe damnerPour l'or d'un mot d'amourJe ne sais si je serai ce hérosMais mon cœur serait tranquilleEt les villes s'éclabousseraient de bleuParce qu'un malheureuxBrûle encore, bien qu'ayant tout brûléBrûle encore, même trop, même malPour atteindre à s'en écartelerPour atteindre l'inaccessible étoile.

La statueParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber   1962

J'aimerais tenir l'enfant de MarieQui a fait graver sous ma statue" Il a vécu toute sa vieEntre l'honneur et la vertu "Moi qui ai trompé mes amisDe faux serment en faux sermentMoi qui ai trompé mes amisDu jour de l'An au jour de l'AnMoi qui ai trompé mes maîtressesDe sentiment en sentimentMoi qui ai trompé mes maîtressesDu printemps jusques au printempsCet enfant de Marie je l'aimerais làEt j'aimerais que les enfants ne me regardent pas

J'aimerais tenir l'enfant de carêmeQui a fait graver sous ma statue" Les Dieux rappellent ceux qu'ils aiment,Et c'était lui qu'ils aimaient le plus "Moi qui n'ai jamais prié DieuQue lorsque j'avais mal aux dentsMoi qui n'ai jamais prié DieuQue quand j'ai eu peur de SatanMoi qui n'ai prié SatanQue lorsque j étais amoureuxMoi qui n'ai prié SatanQue quand j'ai eu peur du Bon DieuCet enfant de carême je l'aimerais làEt j'aimerais que les enfants ne me regardent pasJ'aimerais tenir enfant de salaud

Qui a fait graver sous ma statue" Il est mort comme un hérosIl est mort comme on ne meurt plus "Moi qui suis parti faire la guerreParce que je m'ennuyais tellementMoi qui suis parti faire la guerrePour voir si les femmes des AllemandsMoi qui suis mort à la guerreParce que les femmes des AllemandsMoi qui suis mort à la guerreDe n'avoir pu faire autrementCet enfant de salaud je l'aimerais làEt j'aimerais que mes enfants ne me regardent pas

La tendresseParoles et Musique: Jacques Brel   1959

Pour un peu de tendresseJe donnerais les diamantsQue le diable caresseDans mes coffres d'argentPourquoi crois-tu la belleQue les marins au portVident leurs escarcellesPour offrir des trésorsA de fausses princessesPour un peu de tendresse

Pour un peu de tendresseJe changerais de visageJe changerais d'ivresseJe changerais de langagePourquoi crois-tu la belleQu'au sommet de leurs chantsEmpereurs et ménestrelsAbandonnent souventPuissances et richessesPour un peu de tendresse

Pour un peu de tendresseJe t'offrirais le tempsQu'il reste de jeunesseA l'été finissantPourquoi crois-tu la belleQue monte ma chansonVers la claire dentelleQui danse sur ton frontPenché vers ma détressePour un peu de tendresse

La toison d'or

Et vous conquistadors navigateurs anciensHollandais téméraires et corsaires malouinsCherchant des Amériques vous ne cherchâtes rienQue l'aventure de la Toison d'Or

Et vous les philosophes vous sages d'OrientAlchimistes pointus et sorciers d'à présentEn cherchant la sagesse vous n'avez rien cherchéQue les secrets de la Toison d'Or

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Page 30: BREL Paroles de 137 Chansons

Et vous les empereurs roitelets ou serinsVous les vrais Charlemagne vous les faux Charles QuintEn cherchant la puissance vous ne cherchâtes rienQue les reflets de la Toison d'Or

Et vous preux chevaliers assoiffés de grandeurVous chasseurs de Saint-Graal d'oriflammes d'honneursCherchant la victoire vous ne cherchâtes rienQue le panache de la Toison d'Or

Et vous tous les poètes les rêveurs mal deboutDiscoureurs de l'amour pour des cieux andalousEn écoutant vos muses n'avez rien chanté d'autreQue le vieux rêve de la Toison d'Or

Et vous gens d'aujourd'hui d'aujourd'hui de demainVous balayeurs d'idoles de dieux de malinsCherchant la vérité vous ne recherchez rienQue la clarté de la Toison d'Or

La valse à mille tempsParoles et Musique: Jacques Brel   1959

Au premier temps de la valseToute seule tu souris déjàAu premier temps de la valseJe suis seul mais je t'aperçoisEt Paris qui bat la mesureParis qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesureMe murmure murmure tout bas

{refrain:}Une valse à trois tempsQui s'offre encore le tempsQui s'offre encore le tempsDe s'offrir des détoursDu côté de l'amourComme c'est charmantUne valse à quatre tempsC'est beaucoup moins dansantC'est beaucoup moins dansantMais tout aussi charmantQu'une valse à trois tempsUne valse à quatre tempsUne valse à vingt ansC'est beaucoup plus troublantC'est beaucoup plus troublantMais beaucoup plus charmantQu'une valse à trois tempsUne valse à vingt ansUne valse à cent tempsUne valse à cent ansUne valse ça s'entendA chaque carrefourDans Paris que l'amourRafraîchit au printempsUne valse à mille tempsUne valse à mille tempsUne valse a mis le tempsDe patienter vingt ansPour que tu aies vingt ansEt pour que j'aie vingt ans

Une valse à mille tempsUne valse à mille tempsUne valse à mille tempsOffre seule aux amantsTrois cent trente-trois fois le tempsDe bâtir un roman

Au deuxième temps de la valseOn est deux tu es dans mes brasAu deuxième temps de la valseNous comptons tous les deux une deux troisEt Paris qui bat la mesureParis qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesureNous fredonne fredonne déjà

{refrain}

Au troisième temps de la valseNous valsons enfin tous les troisAu troisième temps de la valseIl y a toi y a l'amour et y a moiEt Paris qui bat la mesureParis qui mesure notre émoiEt Paris qui bat la mesureLaisse enfin éclater sa joie.

La Ville s'endormaitParoles et Musique: Jacques Brel   1977

La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt la nuit peu à peuEt le temps arrêtéEt mon cheval boueuxEt mon corps fatiguéEt la nuit bleu à bleuEt l'eau d'une fontaineEt quelques cris de haineVersés par quelques vieuxSur de plus vieilles qu'euxDont le corps s'ensommeille

La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt mon cheval qui boitEt moi qui le regardeEt ma soif qui prend gardeQu'elle ne se voit pasEt la fontaine chanteEt la fatigue planteSon couteau dans mes reinsEt je fais celui-làQui est son souverainOn m'attend quelque partComme on attend le roiMais on ne m'attend pointJe sais depuis déjàQue l'on meurt de hasard

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En allongeant les pas

La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomIl est vrai que parfois près du soirLes oiseaux ressemblent à des vaguesEt les vagues aux oiseauxEt les hommes aux riresEt les rires aux sanglotsIl est vrai que souventLa mère se désenchanteJe veux dire en celaQu'elle chanteD'autres chantsQue ceux que la mère chanteDans les livres d'enfantsMais les femmes toujoursNe ressemblent qu'aux femmesEt d'entre elles les connesNe ressemblent qu'aux connesEt je ne suis pas bien sûrComme chante un certainQu'elles soient l'avenir de l'homme

La ville s'endormaitEt j'en oublie le nomSur le fleuve en amontUn coin de ciel brûlaitLa ville s'endormaitEt j'en oublie le nomEt vous êtes passéeDemoiselle inconnueÀ deux doigts d'être nueSous le lin qui dansait

La, la, laParoles et Musique: Jacques Brel   1967

Quand je s'rai vieuxJe s'rai insup' portableSauf pour mon litEt mon maigre passéMon chien s'ra mortMa barbe sera minableToutes mes moruesM'auront laissé tomberJ'habiteraiUne quelconque BelgiqueQui m'insult'raTout autant que maint'nantQuand je lui chanteraiVive la républiqueVive les BelgiensMerde pour les flamingants

La la laLa la la

Je serai fuiComme un vieil hôpitalPar tous les ventresD'autres sociétésJ'boirai donc seul ma pension de cigale

Il faut bien être lorsque l'on a étéJe n'serai reçu que par les chats du quartierÀ leur festin pour qu'ils ne soient pas treizeMais j'y chanteraiSur une simple chaiseJ'y chanteraiAprès le rat crevéMessieurs dans le lit de la MarquiseC'était moi les 80 chasseursLa la la

Et quand viendra l'heure imbécile et fataleOù il paraît que quelqu'un nous appelleJ'insulterai le flic sacerdotalPenché vers moi comme un larbin du cielEt je mourirai cerné de rigolosEn me disant qu'il était chouette VoltaireEt qu'si en a des qui ont une plume au chapeauY en a des qui ont une plume dans l' derrièreLa la laLa la la

Quand je s'rai vieuxJe s'rai insup' portableSauf pour mon litEt mon maigre passéMon chien s'ra mortMa barbe sera minableToutes mes moruesM'auront laissé tomber

Le Bon Dieu1977

Moi, moi, si t'étais l' Bon DieuTu f'rais valser les vieuxAux étoilesToi, toi, si t'étais l'Bon DieuTu rallumerais des vaguesPour les gueux

Moi, moi, si t'étais l'Bon DieuTu n'serais pas économeDe ciel bleuMais tu n'es pas le Bon DieuToi, tu es beaucoup mieuxTu es un homme

Tu es un hommeTu es un homme

Le caporal casse-pomponParoles et Musique: Jacques Brel   1962

Mon ami est un type énormeIl aime la trompette et le claironTout en préférant le claironQu'est une trompette en uniformeMon ami est une valeur sûreQui dit souvent sans prétentionQu'à la minceur des épluchuresOn voit la grandeur des nations

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Subséquemment subséquemmentSubséquemment que je ne comprends pasPourquoi souvent ses compagnonsL'appellentL'appellentCaporal casse-pompon

Mon ami est un vrai poèteDans son jardin, quand vient l'étéFaut le voir planter ses mitraillettesOu bien creuser ses petites tranchéesMon ami est homme plein d'humourC'est lui qu'a trouvé ce bon motQue je vous raconte à mon tourIch slaffen at si auuz wihr prellen zie

Subséquemment subséquemmentSubséquemment que je ne comprends pasPourquoi souvent ses compagnonsL'appellentL'appellentCaporal casse-pompon

Mon ami est un doux rêveurPour lui Paris c'est une caserneEt Berlin un petit champ de fleursQui va de Moscou à l'AuvergneSon rêve revoir Paris au printempsRedéfiler en tête de son groupeEn chantant comme tous les vingt-cinq ansBaisse ta gaine Gretchen que je baise ta croupe (ein zwei)

Subséquemment subséquemmentSubséquemment que nous ne comprenonsComment nos amis les FranzosenIls osent ils osent l'appelerCaporal casse-pompon (ein zwei)

Le chevalParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1967

J'étais vraiment j'étais bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'valQue je trainais Madame votre landeauJolie Madame dans les rues de BordeauxMais t'as vouluQue je sois ton amantT'as même vouluQue je quitte ma jumentJe n'étais qu'un ch'val oui ouiMas t'en as profitéPar amour pour toiJe m'suis déjumentéEt depuisToutes les nuitsDans ton litDe satin blancJe regrette mon écurieMon écurie et ma jument

J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'val

Que tu te foutais MadameLa gueule par terreJolie madameQuand tu forcais le cerfMais tu as vouluQue j'apprenne les bonnes manièresT'as vouluQue j'marche sur les pattes de derrièreJe n'étais qu'un ch'val oui ouaisMais tu m'as couillonné heinPar amour pour toiJe m'suis derrièriséEt depuisToutes les nuitsQuand nous dansons le tangoJe regrette mon écurieMon écurie et mon galop

J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'valQue je te promenaisMadame sur mon dosJolie madame en forêtDe FontainebleauMais tu as vouluQue je sois ton banquierTu as même vouluQue je me mette à chanterJ'n'étais qu'un ch'val oui ouiMais tu en as abuséPar amour pour toije me suis variétéEt depuistoutes les nuitsQuand je chante: "Ne me quitte pas"Je regrette mon écurieEt mes silences d'autrefois

Et puis et puis tu es partie radicaleAvec un zèbre un zèbre mal rayéLe jour madame où je t'ai refuséD'apprendre à monter à chevalEt tu m'avais pris ma jumentMon silence mes sabotsMon écurie mon galopTu ne m'as laissé que mes dentsEt voilà pourquoi je cours je coursJe cours le monde en hennissantMe voyant refuser l'amourPar les femmes et par les juments

J'étais vraiment vraiment bien plus heureuxBien plus heureux avantQuand j'étais ch'valQue je promenais madame votre landeauQuand j'étais ch'valEt quand tu étais chameau

Le colonelParoles et Musique: J.Brel/G. Wagenheim   1958

Colonel, faut-il,Puisque se lève le jourFaire battre tous les tambours

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Pour éveiller tous les pandoures?Colonel, faut-ilFaire sonner tous les claironsPour rassembler les escadrons?Colonel, Colonel, nous attendons

Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amieQui lui a pris son cœur.Son amie est si douce et belleDans sa robe au soleilQue chaque jour passé près d'elleSe meuble de merveilles.

Colonel, faut-il,Puisque voilà notre ennemi,Faire tirer notre artillerieDisposer notre infanterie?Colonel, faut-il,Charger tous comme des fousOu partir à pas de loup ?Colonel, Colonel, dites-le nous

Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amieQui lui a pris son cœur.Ses baisers doux comme veloursTendrement ont conduitA l'état-major de l'amourLe Colonel ravi

Colonel, faut-il,Puisque vous êtes blesséFaut-il donc nous occuperDe vous trouver un abbé ?Colonel, faut-il,Puisqu'est mort l'apothicaireChercher le vétérinaire ?Colonel, Colonel, que faut-il faire ?

Le Colonel s'ennuie.Il effeuille une fleurEt rêve à son amieQui lui a pris son cœur.Il la voit et lui tend les brasIl la voit et l'appelleEt c'est en lui parlant tout basQu'il entre dans le ciel

Ce Colonel qui meurtEt qui meurt de chagrinBlessé d'une fille dans le cœurCe colonel loin de sa belleC'est mon cœur loin du tienC'est mon cœur loin du tien

Le dernier repasParoles et Musique: Jacques Brel   1964

A mon dernier repasJe veux voir mes frèresEt mes chiens et mes chats

Et le bord de la merA mon dernier repasJe veux voir mes voisinsEt puis quelques ChinoisEn guise de cousinsEt je veux qu'on y boiveEn plus du vin de messeDe ce vin si joliQu'on buvait en ArboisJe veux qu'on y dévoreAprès quelques soutanesUne poule faisaneVenue du PérigordPuis je veux qu'on m'emmèneEn haut de ma collineVoir les arbres dormirEn refermant leurs brasEt puis je veux encoreLancer des pierres au cielEn criant Dieu est mortUne dernière fois

A mon dernier repasJe veux voir mon âneMes poules et mes oiesMes vaches et mes femmesA mon dernier repasJe veux voir ces drôlessesDont je fus maître et roiOu qui furent mes maîtressesQuand j'aurai dans la panseDe quoi noyer la terreJe briserai mon verrePour faire le silenceEt chanterai à tue-têteA la mort qui s'avanceLes paillardes romancesQui font peur aux nonnettesPuis je veux qu'on m'emmèneEn haut de ma collineVoir le soir qui chemineLentement vers la plaineEt là debout encoreJ'insulterai les bourgeoisSans crainte et sans remordsUne dernière fois

Après mon dernier repasJe veux que l'on s'en ailleQu'on finisse ripailleAilleurs que sous mon toitAprès mon dernier repasJe veux que l'on m'installeAssis seul comme un roiAccueillant ses vestalesDans ma pipe je brûleraiMes souvenirs d'enfanceMes rêves inachevésMes restes d'espéranceEt je ne garderaiPour habiller mon âmeQue l'idée d'un rosierEt qu'un prénom de femmePuis je regarderaiLe haut de ma collineQui danse qui se devineQui finit par sombrerEt dans l'odeur des fleurs

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Qui bientôt s'éteindraJe sais que j'aurai peurUne dernière fois

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Le diable (Ça va)© Éditions Tropicales

{Prologue:}Un jour le Diable vint sur terre, un jour le Diable vint sur terrepour surveiller ses intérêts, il a tout vu le Diable, il a tout entenduet après avoir tout vu, après avoir tout entendu, il est retourné chezlui, là-bas.Et là-bas on avait fait un grand banquet, à la fin du banquet, il s'estlevé le Diable, il a prononcé un discours et en substance il a dit ceci,il a dit:

Il y a toujours un peu partoutDes feux illuminant la terre ça vaLes hommes s'amusent comme des fousAux dangereux jeux de la guerre ça vaLes trains déraillent avec fracasParce que des gars pleins d'idéalMettent des bombes sur les voiesÇa fait des morts originalesÇa fait des morts sans confessionDes confessions sans rémission ça va

Rien ne se vend mais tout s'achèteL'honneur et même la sainteté ça vaLes États se muent en cachetteEn anonymes sociétés ça vaLes grands s'arrachent les dollarsVenus du pays des enfantsL'Europe répète l'AvareDans un décor de mil neuf centÇa fait des morts d'inanitionEt l'inanition des nations ça va

Les hommes ils en ont tant vuQue leurs yeux sont devenus gris ça vaEt l'on ne chante même plusDans toutes les rues de Paris ça vaOn traite les braves de fousEt les poètes de nigaudsMais dans les journaux de partoutTous les salauds ont leur photoÇa fait mal aux honnêtes gensEt rire les malhonnêtes gens.Ça va ça va ça va ça va

Le Fou du Roi

Il était un fou du roiQui vivait l'âme sereineDans un château d'autrefoisPour l'amour d'une reine

{Refrain:}Et vive les bossus,Ma mèreEt vive les pendusEt vive les bossus,Ma mèreEt vive les pendus

Il y eut une grande chasseOù les nobles deux par deuxTous les dix mètres s'embrassentDans les chemins qu'on dit creux

{au Refrain}

Lorsque le fou vit la reineCourtisée par un beau comteIl s'en fut le cœur en peineDans un bois pleurer de honte

{au Refrain}

Lorsque trois jours furent passésIl revint vers le châteauEt alla tout raconterDans sa tour au roi la-haut

{au Refrain}

Devant tout ce qu'on lui raconteTout un jour le roi a riIl fit décorer le comteEt c'est le fou qu'on pendit

{au Refrain}

Le gaz

Tu habites rue de la MadoneUne maison qui se déhancheUne maison qui se tire-bouchoneEt qui pleure à grosses planchesL'escalier colimaçoneC'est pas grand nonMais y a d'la place

Tu habites rue de la MadoneEt moi je viens pour le gazTu as un boudoir plein de boudhasLes bougies dansent dans leurs bougeoirsÇa sent bon c'est sans histoireÇa ruiselle de tafetasC'est rempli de photos d'toiQui sommeillent devant la glaceTu as un boudoir plein d'boudhasEt moi et moi et moiJe viens pour le gaz

Tu as un vrai divan de roiUn vrai divan de divaDu porto qu'tu rapportasDe la Porte des LilasT'as un p'tit chien et un grand chat

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Un phono qui joue du jazzTu as un vrai divan de roiEt moi et moi et moiJe viens pour le gaz

Tu as des seins comme des soleilsComme des fruits comme des reposoirsTu as des seins comme des miroirsComme des fruits comme du mielTu les recouvres tout devient noirTu les découvres et je deviens PégaseTu as des seins comme des trottoirsEt moi et moi et moiJe viens pour le gaz

Et puis chez toi ya l'plombierEt y l'bedeauet y a l'facteurLe docteur qui fait le caféLe notaire qui sert les liqueursYa la moitié d'un artilleurY a un poète de CarpentrasIl y a quelques flics ouiEt puis y a même ma sœurEt tout ça est là pour le gaz

Allez allez-y donc tous rue de la MadoneC'est pas grand nonMais y a d'la placeAllez allez-y donc tous rue de la MadoneEt dites bien que c'est pour le gaz

Le lionParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Ça fait cinq joursÇa fait cinq nuitsQu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionneÇa fait cinq joursÇa fait cinq nuitsQu'en-deçà du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne

Vas-y pas GastonMême si elle te raconteQue sa mère est gentilleVas-y va GastonMême si elle ose te direQu'elle t'aime pour la vieMême si elle te supplieDe l'amener à la villeElle sera ta ManonTu sera son DequerieuxVous serez deux imbéciles

Ça fait dix joursÇa fait dix nuitsQu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionneÇa fait dix joursÇa fait dix nuitsQu'en-deça du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne

Vas-y va GastonArrête de remuer la queueIl faut qu'elle s'impatienteFais celui qu'a le tempsCelui qui est débordéMets-la en liste d'attenteVas-y va GastonUn lion doit être vacheDis-lui que t'es en plein rushSouviens-toi de PoloQui nous disait toujours"Too much is too much"

Ça fait vingt joursÇa fait vingt nuitsQu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionneÇa fait vingt joursÇa fait vingt nuitsQu'en-deça du fleuve qui bouillonneRépond le lion à la lionne

Vas-y va GastonMême si elle te signaleQu'il y en a un autre en vueUn qui est jeune qui est beauQui danse comme un dieuQui a de la tenueUn qui a de la crinièreQui est très intelligentEt qui va faire fortuneUn qui est généreuxUn qui que quand elle veutLui offrira la lune

Ça fait une heure et vingt minutesQu'au-delà du fleuve qui bouillonneAppelle appelle la lionneÇa fait une heure et vingt minutesQue dans le fleuve qui bouillonneUn lion est mort pour une lionne

Le moribondParoles et Musique: Jacques Brel   1961

Adieu l'Émile je t'aimais bienAdieu l'Émile je t'aimais bien tu saisOn a chanté les mêmes vinsOn a chanté les mêmes fillesOn a chanté les mêmes chagrinsAdieu l'Émile je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âmeCar vu que tu es bon comme du pain blancJe sais que tu prendras soin de ma femmeJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseJe veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou

Adieu Curé je t'aimais bien

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Adieu Curé je t'aimais bien tu saisOn n'était pas du même bordOn n'était pas du même cheminMais on cherchait le même portAdieu Curé je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âmeCar vu que tu étais son confidentJe sais que tu prendras soin de ma femmeJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseJe veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou

Adieu l'Antoine je t'aimais pas bienAdieu l'Antoine je t'aimais pas bien tu saisJ'en crève de crever aujourd'huiAlors que toi tu es bien vivantEt même plus solide que l'ennuiAdieu l'Antoine je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs la paix dans l'âmeCar vu que tu étais son amantJe sais que tu prendras soin de ma femmeJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseJe veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou

Adieu ma femme je t'aimais bienAdieu ma femme je t'aimais bien tu saisMais je prends le train pour le Bon DieuJe prends le train qui est avant le tienMais on prend tous le train qu'on peutAdieu ma femme je vais mourirC'est dur de mourir au printemps tu saisMais je pars aux fleurs les yeux fermés ma femmeCar vu que je les ai fermés souventJe sais que tu prendras soin de mon âmeJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseJe veux qu'on s'amuse comme des fousJe veux qu'on rieJe veux qu'on danseQuand c'est qu'on me mettra dans le trou

Le plat paysParoles et Musique: Jacques Brel   1962© 1964 Barclay - Ed. Semi/Plouchenel

Avec la mer du Nord pour dernier terrain vagueEt des vagues de dunes pour arrêter les vaguesEt de vagues rochers que les marées dépassentEt qui ont à jamais le cœur à marée basseAvec infiniment de brumes à venirAvec le vent de l'est écoutez-le tenirLe plat pays qui est le mien

Avec des cathédrales pour uniques montagnesEt de noirs clochers comme mâts de cocagneOù des diables en pierre décrochent les nuagesAvec le fil des jours pour unique voyageEt des chemins de pluie pour unique bonsoirAvec le vent d'ouest écoutez-le vouloirLe plat pays qui est le mien

Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perduAvec un ciel si bas qu'il fait l'humilitéAvec un ciel si gris qu'un canal s'est penduAvec un ciel si gris qu'il faut lui pardonnerAvec le vent du nord qui vient s'écartelerAvec le vent du nord écoutez-le craquerLe plat pays qui est le mien

Avec de l'Italie qui descendrait l'EscautAvec Frida la Blonde quand elle devient MargotQuand les fils de novembre nous reviennent en maiQuand la plaine est fumante et tremble sous juilletQuand le vent est au rire quand le vent est au bléQuand le vent est au sud écoutez-le chanterLe plat pays qui est le mien.

Le prochain amourParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-G. Jouannest   1961

On a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux

Je sais je sais que ce prochain amourSera pour moi la prochaine défaiteJe sais déjà à l'entrée de la fêteLa feuille morte que sera le petit jourJe sais je sais sans savoir ton prénomQue je serai ta prochaine captureJe sais déjà que c'est par leur murmureQue les étangs mettent les fleuves en prison

Mais on a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux

Je sais je sais que ce prochain amourNe vivra pas jusqu'au prochain étéJe sais déjà que le temps des baisersPour deux chemins ne dure qu'un carrefourJe sais je sais que ce prochain bonheurSera pour moi la prochaine des guerresJe sais déjà cette affreuse prièreQu'il faut pleurer quand l'autre est le vainqueur

Mais on a beau faire on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux

Je sais je sais que ce prochain amourSera pour nous de vivre un nouveau règneDont nous croirons tous deux porter les chaînesDont nous croirons que l'autre a le velours

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Je sais je sais que ma tendre faiblesseFera de nous des navires ennemisMais mon cœur sait des navires ennemisPartant ensemble pour pêcher la tendresse

Car on a beau faire car on a beau direQu'un homme averti en vaut deuxOn a beau faire on a beau direÇa fait du bien d'être amoureux

Le tango funèbreParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1964

Ah je les vois déjàMe couvrant de baisersEt s'arrachant mes mainsEt demandant tout basEst-ce que la mort s'en vientEst-ce que la mort s'en vaEst-ce qu'il est encore chaudEst-ce qu'il est déjà froidIls ouvrent mes armoiresIls tâtent mes faïencesIls fouillent mes tiroirsSe régalant d'avanceDe mes lettres d'amourEnrubannées par deuxQu'ils liront près du feuEn riant aux éclatsAh Ah Ah Ah Ah Ah

Ah je les vois déjàCompassés et frileuxSuivant comme des artistesMon costume de boisIls se poussent du cœurPour être le plus tristeIls se poussent du brasPour être le premierZ'ont amené des vieillesQui ne me connaissaient plusZ'ont amené des enfantsQui ne me connaissaient pasPensent aux prix des fleursEt trouvent indécentDe ne pas mourir au printempsQuand on aime le lilasAh Ah Ah Ah Ah Ah

Ah je les vois déjàTous mes chers faux amisSouriant sous le poidsDu devoir accompliAh je te vois déjàTrop triste trop à l'aiseProtégeant sous le drapTes larmes lyonnaisesTu ne sais même pasSortant de mon cimetièreQue tu entres en ton enferQuand s'accroche à ton brasLe bras de ton quelconqueLe bras de ton dernierQui te fera pleurer

Bien autrement que moiAh Ah Ah Ah Ah Ah

Ah je me vois déjàM'installant à jamaisBien triste bien au froidDans mon champ d'osseletsAh je me vois déjàJe me vois tout au boutDe ce voyage-làD'où l'on revient de toutJe vois déjà tout çaEt on a le brave culotD'oser me demanderDe ne plus boire que de l'eauDe ne plus trousser les fillesDe mettre de l'argent de côtéD'aimer le filet de maquereauEt de crier vive le roiAh Ah Ah Ah Ah Ah

Les amants de cœurParoles et Musique: Jacques Brel   1964© Éditions Musicales Eddie Barclay

Ils s'aiment s'aiment en riantIls s'aiment s'aiment pour toujoursIls s'aiment tout au long du jourIls s'aiment s'aiment s'aiment tantQu'on dirait des anges d'amourDes anges fous se protégeantQuand se retrouvent en courantLes amantsLes amants de cœurLes amants

Ils s'aiment s'aiment à la folieS'effeuillant à l'ombre des feuxSe découvrant comme deux fruitsPuis se trouvant n'être plus deuxSe dénouant comme veloursSe reprenant au petit jourEt s'endormant les plus heureuxLes amantsLes amants de cœurLes amants

Ils s'aiment s'aiment en tremblantLe cœur mouillé le cœur battantChaque seconde est une peurQui croque le cœur entre ses dentsIls savent trop de rendez-vousOù ne vinrent que des facteursPour n'avoir pas peur du loupLes amantsLes amants de cœurLes amants

Ils s'aiment s'aiment en pleurantChaque jour un peu moins amantsQuand ils ont bu tout leur mystèreDeviennent comme sœur et frèreBrûlent leurs ailes d'inquiétudeRedeviennent deux habitudes

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Alors changent de partenaireLes amantsLes amants de cœurLes amants

Qui s'aiment s'aiment en riantQui s'aiment s'aiment pour toujoursQui s'aiment tout au long du jourQui s'aiment s'aiment s'aiment tantQu'on dirait des anges d'amourDes anges fous se protégeantQuand ils se retrouvent en courantLes amantsLes amants de cœurLes amants

Les bergersParoles et Musique: Jacques Brel   1964

Parfois ils nous arrivent avec leurs grands chapeauxEt leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeauxLes bergersIls montent du printemps quand s'allongent les joursOu brûlés par l'été descendent vers les bourgsLes bergersQuand leurs bêtes s'arrêtent pour nous boire de l'eauSe mettent à danser à l'ombre d'un pipeauLes bergers

Entre l'en est de vieux entre l'en est de sagesQui appellent au puits tous les vieux du villageLes bergersCeux-là ont des histoires à nous faire telles peursQue pour trois nuits au moins nous rêvons des frayeursDes bergersIls ont les mêmes rides et les mêmes compagnesEt les mêmes senteurs que leurs vieilles montagnesLes bergers

Entre l'en est de jeunes entre l'en est de beauxQui appellent les filles à faire le gros dosLes bergersCeux-là ont des sourires qu'on dirait une fleurEt des éclats de rire à faire jaillir de l'eauLes bergersCeux-là ont des regards à vous brûler la peauA vous défiancer à vous clouer le cœurLes bergers

Mais tous ils nous bousculent qu'on soit filles ou garçonsLes garçons dans leurs rêves les filles dans leurs frissonsLes bergersAlors nous partageons le vin et le fromageEt nous croyons une heure faire partie du voyageDes bergersC'est un peu comme Noël Noël et ses trésors

Qui s'arrêteraient chez nous aux Équinoxes d'orLes bergers

Après ça ils s'en vont avec leurs grands chapeauxEt leurs manteaux de laine que suivent leurs troupeauxLes bergersIls montent du printemps quand s'allongent les joursOu brûlés par l'été descendent vers les bourgsLes bergersQuand leurs bêtes ont fini de nous boire notre eauSe remettent en route à l'ombre d'un pipeauLes bergers les bergers les bergers

Les bichesParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1962

Elles sont notre premier ennemiQuand elles s'échappent en riantDes pâturages de l'ennuiLes bichesAvec des cils comme des cheveuxDes cheveux en accroche-faonEt seulement le bout des yeuxQui tricheSi bien que le chasseur s'arrêteEt que je sais des ouragansQu'elles ont changés en poètesLes bichesEt qu'on les chasse de notre espritOu qu'elles nous chassent en rougissantElles sont notre premier ennemiLes biches de quinze ans

Elles sont notre plus bel ennemiQuand elles ont l'éclat de la fleurEt déjà la saveur du fruitLes bichesQui passent toute vertu dehorsAlors que c'est de tout leur cœurAlors que c'est de tout leur corpsQu'elles trichentLorsqu'elles broutent le mariOu lorsqu'elles broutent le diamantSur l'asphalte bleu de ParisLes bichesQu'on les chasse à coups de rubisOu qu'elles nous chassent au sentimentElles sont notre plus bel ennemiLes biches de vingt ans

Elles sont notre pire ennemiLorsqu'elles savent leur pouvoirMais qu'elles savent leur sursisLes bichesQuand un chasseur est une chanceQuand leur beauté se lève tardQuand c'est avec toute leur scienceQu'elles trichentTrompant l'ennui plus que le cerfEt l'amant avec l'autre amantEt l'autre amant avec le cerfQui biche

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Mais qu'on les chasse à la folieOu qu'elles nous chassent du bout des gantsElles sont notre pire ennemiLes biches d'après vingt ans

Elles sont notre dernier ennemiQuand leurs seins tombent de sommeilPour avoir veillé trop de nuitsLes bichesQuand elles ont le pas résignéDes pèlerins qui s'en reviennentQuand c'est avec tout leur passéQu'elles trichentAfin de mieux nous retenirNous qui ne servons à ce tempsQu'à les empêcher de vieillirLes bichesMais qu'on les chasse de notre vieOu qu'elles nous chassent parce qu'il est tempsElles restent notre dernier ennemiLes biches de trop longtemps

Les bigotesParoles et Musique: Jacques Brel   1963

Elles vieillissent à petits pasDe petits chiens en petits chatsLes bigotesElles vieillissent d'autant plus viteQu'elles confondent l'amour et l'eau béniteComme toutes les bigotes

Si j'étais diable en les voyant parfoisJe crois que je me ferais châtrerSi j'étais Dieu en les voyant prierJe crois que je perdrais la foiPar les bigotes

Elles processionnent à petits pasDe bénitier en bénitierLes bigotesEt patati et patataMes oreilles commencent à sifflerLes bigotes

Vêtues de noir comme Monsieur le CuréQui est trop bon avec les créaturesElles s'embigotent les yeux baissésComme si Dieu dormait sous leurs chaussuresDe bigotes

Le samedi soir après le turbinOn voit l'ouvrier parisienMais pas de bigotesCar c'est au fond de leur maisonQu'elles se préservent des garçonsLes bigotes

Qui préfèrent se ratatinerDe vêpres en vêpres de messe en messeToutes fières d'avoir pu conserverLe diamant qui dort entre leurs f...sDe bigotes

Puis elles meurent à petits pasA petit feu en petit tasLes bigotesQui cimetièrent à petits pasAu petit jour d'un petit froidDe bigotes

Et dans le ciel qui n'existe pasLes anges font vite un paradis pour ellesUne auréole et deux bouts d'ailesEt elles s'envolent... à petits pasDe bigotes

Les blés

Donne-moi la mainLe soleil a paruIl nous faut prendre le cheminLe temps des moissons est venuLe blé nous a tant attenduEt nous attendons trop de painTa main sur mon brasPleine de douceurBien gentiment demanderaDe vouloir épargner les fleursMa faucille les éviteraPour éviter que tu ne pleures

Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons

Donne-moi tes yeuxLe soleil est chaudEt dans ton regard lumineuxIl a fait jaillir des jets d'eauQui mieux qu'un gesteMieux qu'un motRafraichiront ton amoureuxPenchée vers le solTu gerbes le bléEt si parfois ton jupon volePardonne-moide regarderLes trésors que vient dévoilerPour mon plaisir le vent frivole

Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons

Donne-moi ton cœurLe soleil fatiguéS'en est alléChanter ailleursLa chanson des blés moisonnés

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Venu est le tempsde s'aimerIl nous faut glaner le bonheurEcrasés d'amour éblouis de joieJe saluerai la fin du jourEn te serrant tout contre moiEt tu combleras mon émoiEn me disant que pour toujours

Les blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçonsLes blés sont pour la faucilleLes soleils pour l'horizonLes garçons sont pour les fillesEt les filles pour les garçons

Les bonbons (version 1964)Paroles et Musique: Jacques Brel   1964

Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssablePuis les bonbons c'est tellement bonBien que les fleurs soient plus présentablesSurtout quand elles sont en boutonsMais je vous ai apporté des bonbons

J'espère qu'on pourra se promenerQue madame votre mère ne dira rienOn ira voir passer les trainsA huit heures je vous ramèneraiQuel beau dimanche pour la saisonJe vous ai apporté des bonbons

Si vous saviez ce que je suis fierDe vous voir pendue à mon brasLes gens me regardent de traversY en a même qui rient derrière moiLe monde est plein de polissonsJe vous ai apporté des bonbons

Oh oui Germaine est moins bien que vousOh oui Germaine elle est moins belleC'est vrai que Germaine a des cheveux rouxC'est vrai que Germaine elle est cruelleÇa vous avez mille fois raisonJe vous ai apporté des bonbons

Et nous voilà sur la Grand' PlaceSur le kiosque on joue MozartMais dites-moi que c'est par hasardQu'il y a là votre ami LéonSi vous voulez que je cède ma placeJ'avais apporté des bonbons

Mais bonjour mademoiselle Germaine

Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssablePuis les bonbons c'est tellement bonBien que les fleurs soient plus présentables...

Les bonbons (version 1967)Paroles et Musique: Jacques Brel   1967

Je viens rechercher mes bonbonsVois-tu, Germaine, j'ai eu trop malQuand tu m'as fait cette réflexionAu sujet de mes cheveux et longsC'est la rupture bête et brutale

Je viens rechercher mes bonbonsMaintenant je suis un autre garçonJ'habite à l'Hôtel Georges VéJ'ai perdu l'accent bruxelloisD'ailleurs plus personne n'a cet accent-làSauf Brel à la télévision

Je viens rechercher mes bonbonsQuand père m'agace moi je lui fais zop laJe traite ma mère de névropatheFaut dire que père est vachement batAlors que mère est un peu snobEnfin tout ça c'est le conflit des générations

Je viens rechercher mes bonbonsEt tous les samedis soir que j'peuxGermaine, j'écoute pousser mes ch'veuxJe fais glou glou je fais miam miamJe défile criant: paix au VietnamParce qu'enfin enfin j'ai des opinions

Je viens rechercher mes bonbonsMais c'est ça votre jeune frèreMademoiselle Germaine, c'est celui qu'est flamingant

Je vous ai apporté des bonbonsParce que les fleurs c'est périssableLes bonbons c'est tellement bonBien que les fleurs soient plus présentablesSurtout quand elles sont en boutons

Je vous ai apporté des bonbons ...

Les bourgeoisParoles et Musique: J. Brel, J. Corti   1962

Le cœur bien au chaudLes yeux dans la bièreChez la grosse Adrienne de MontalantAvec l'ami JojoEt avec l'ami PierreOn allait boire nos vingt ansJojo se prenait pour VoltaireEt Pierre pour CasanovaEt moi, moi qui étais le plus fierMoi, moi je me prenais pour moiEt quand vers minuit passaient les notairesQui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans"On leur montrait notre cul et nos bonnes manièresEn leur chantant

Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bête

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Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient c...

Le cœur bien au chaudLes yeux dans la bièreChez la grosse Adrienne de MontalantAvec l'ami JojoEt avec l'ami PierreOn allait brûler nos vingt ansVoltaire dansait comme un vicaireEt Casanova n'osait pasEt moi, moi qui restait le plus fierMoi j'étais presque aussi saoul que moiEt quand vers minuit passaient les notairesQui sortaient de l'hôtel des "Trois Faisans"On leur montrait notre cul et nos bonnes manièresEn leur chantant

Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bêteLes bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient c...

Le cœur au reposLes yeux bien sur terreAu bar de l'hôtel des "Trois Faisans"Avec maître JojoEt avec maître PierreEntre notaires on passe le tempsJojo parle de VoltaireEt Pierre de CasanovaEt moi, moi qui suis resté le plus fierMoi, moi je parle encore de moiEt c'est en sortant vers minuit Monsieur le CommissaireQue tous les soirs de chez la MontalantDe jeunes "peigne-culs" nous montrent leur derrièreEn nous chantant

Les bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient bêteLes bourgeois c'est comme les cochonsPlus ça devient vieux plus ça devient c...

Les coeurs tendresParoles et Musique: Jacques Brel   1967© 1967 Barclay - Ed. Famille Brel 3:27note: du film "Un idiot à Paris"

Y en a qui ont le cœur si largeQu'on y entre sans frapperY en a qui ont le cœur si largeQu'on en voit que la moitié

Y en a qui ont le cœur si frêleQu'on le briserait du doigtY en qui ont le cœur trop frêlePour vivre comme toi et moi

Z'ont pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peurDe peur de manquer l'heureQui conduit à Paris

Y en a qui ont le cœur si tendreQu'y reposent les mésangesY en qui ont le cœur trop tendreMoitié hommes et moitié anges

Y en a qui ont le cœur si vasteQu'ils sont toujours en voyageY en a qui ont le cœur trop vastePour se priver de mirages

Z'ont pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peurDe peur de manquer l'heureQui conduit à Paris

Y en a qui ont le cœur dehorsEt ne peuvent que l'offrirLe cœur tellement dehorsQu'ils sont tous à s'en servir

Celui-là a le cœur dehorsEt si frèle et si tendreQue maudit soient les arbres mortsQui ne pourraient point l'entendre

A pleins de fleurs dans les yeuxLes yeux à fleur de peurDe peur de manquer l'heureQui conduit à Paris

Les désespérésParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1966

Se tiennent par la mainEt marchent en silenceDans ces villes éteintesQue le crachin balanceLe sol que leur pasPas à pas fredonnéIls marchent en silenceLes désespérés

Ils ont brûlés leurs ailesIls ont perdu leurs branchesTellement naufragésQue la mort paraît blancheIls reviennent d'amourIls se sont réveillésIls marchent en silenceLes désespérés

Et je sais leur cheminPour l'avoir cheminéDéjà plus de cent foisCent fois plus qu'à moitiéMoins vieux ou plus meurtrisIls vont terminerPartent en silenceLes désespérés

Lente sous le pontL'eau est douce et profondeVoici la bonne hôtesse

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Voici la fin du mondeIls pleurent leurs prénomsComme de jeunes mariésIls fondent en silenceLes désespérés

Que se lève celuiQui leur lance la pierreIls ne sait de l'amourQue le verbe s'aimerSur le pont il n'est plus rienQu'une brume légèreÇa s'oublie en silenceCeux qui ont espéré

Les F...Paroles et Musique: J. Brel/ J. Donato   1977Les Flamingands, chanson comique !

Messieurs les FlamingantsJ'ai deux mots à vous rireIl y a trop longtempsQue vous me faites frireÀ vous souffler dans le culPour devenir autobusVous voilà acrobatesMais vraiment rien de plus

Nazis durant les guerresEt catholiques entre ellesVous oscillez sans cesseDu fusil au misselVos regards sont lointainsVotre humour est exsangueBien qu'y aient des rues à GandQui pissent dans les deux languesTu vois quand j'pense à vousJ'aime que rien ne se perdeMessieurs les FlamingantsJe vous emmerde

Vous salissez la FlandreMais la Flandre vous juge.Voyez la mer du nordElle s'est enfuie de Bruges.Cessez de me gonflerMes vieilles roubignolesAvec votre art flamand-italo-espagnol.Vous êtes tellement tellementBeaucoup trop lourdsQue quand les soirs d'orageDes chinois cultivésMe demandent d'où je suis,Je réponds fatiguéEt les larmes aux dents :"Ik ben van Luxembourg".Et si aux jeunes femmes,On ose un chant flamand,Elle s'envolent en rêvantAux oiseaux roses et blancs

Et je vous interdisD'espérer que jamais à LondresSous la pluie on puisseVous croire anglais

Et je vous interdisÀ New-York ou MilanD'éructer MesseigneursAutrement qu'en flamandVous n'aurez pas l'air consVraiment pas cons du toutEt moi je m'interdisDe dire que je m'en fousEt je vous interdisD'obliger nos enfantsQui ne vous ont rien faitÀ aboyer flamandEt si mes frères se taisentEt bien tant pis pour elles.Je chante persiste et signe :Je m'appelle Jacques Brel

Les fenêtresParoles et Musique: Jacques Brel© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles

Les fenêtres nous guettentQuand notre cœur s'arrêteEn croisant LouisettePour qui brûlent nos chairsLes fenêtres rigolentQuand elles voient la frivoleQui offre sa corolleÀ un clerc de notaireLes fenêtres sanglotentQuand à l'aube faloteUn enterrement cahoteJusqu'au vieux cimetièreMais les fenêtres froncentLeurs corniches de bronzeQuand elles voient les roncesEnvahir leur lumière

Les fenêtres murmurentQuand tombent en chevelureLes pluies de la froidureQui mouillent les adieuxLes fenêtres chantonnentQuand se lève à l'automneLe vent qui abandonneLes rues aux amoureuxLes fenêtres se taisentQuand l'hiver les apaiseEt que la neige épaisseVient leur fermer les yeuxMais les fenêtres jacassentQuand une femme passeQui habite l'impasseOù passent les Messieurs

La fenêtre est un œufQuand elle est œil-de-bœufQui attend comme un veufAu coin d'un escalierLa fenêtre batailleQuand elle est soupirailD'où le soldat mitrailleAvant de succomberLes fenêtres musardent

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Quand elles sont mansardesEt abritent les hardesD'un poète oubliéMais les fenêtres gentillesSe recouvrent de grillesSi par malheur on crie" Vive la liberté "

Les fenêtres surveillentL'enfant qui s'émerveilleDans un cercle de vieillesA faire ses premiers pasLes fenêtres sourientQuand quinze ans trop jolisOu quinze ans trop grandisS'offrent un premier repasLes fenêtres menacentLes fenêtres grimacentQuand parfois j'ai l'audaceD'appeler an chat un chatLes fenêtres me suiventMe suivent et me poursuiventJusqu'à ce que peur s'ensuiveTout au fond de mes draps

Les fenêtres souventTraitent impunémentDe voyous des enfantsQui cherchent qui aimerLes fenêtres souventSoupçonnent ces manantsQui dorment sur les bancsEt parlent l'étrangerLes fenêtres souventSe ferment en riantSe ferment en criantQuand on y va chanterAh je n'ose pas penserQu'elles servent à voilerPlus qu'à laisser entrerLa lumière de l'été

Non je préfère penserQu'une fenêtre ferméeÇa ne sert qu'à aiderLes amants à s'aimer{2x}

Les filles et les chiensParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1963

Les fillesC'est beau comme un jeuC'est beau comme un feuC'est beaucoup trop peuLes fillesC'est beau comme un fruitC'est beau comme la nuitC'est beaucoup d'ennuisLes fillesC'est beau comme un renardC'est beau comme un retardC'est beaucoup trop tard

Les fillesC'est beau tant que ça peutC'est beau comme l'adieuEt c'est beaucoup mieuxMais les chiensC'est beau comme des chiensEt ça reste làA nous voir pleurerLes chiensÇa ne nous dit rienC'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer

Les fillesÇa vous pend au nezÇa vous prend au théÇa vous prend les désLes fillesÇa vous pend au couÇa vous pend au clouÇa dépend de vousLes fillesÇa vous pend au cœurÇa se pend aux fleursÇa dépend des heuresLes fillesÇa dépend de toutÇa dépend surtoutÇa dépend des sousMais les chiensÇa ne dépend de rienEt ça reste làA nous voir pleurerLes chiensÇa ne nous dit rienC'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer

Les fillesÇa joue au cerceauÇa joue du cerveauÇa se joue tangoLes fillesÇa joue l'amadouÇa joue contre joueÇa se joue de vousLes fillesÇa joue à jouerÇa joue à aimerÇa joue pour gagnerLes fillesQu'elles jouent les petites femmesQu'elles jouent les grandes damesÇa se joue en dramesMais les chiensÇa ne joue à rienParce que ça ne sait pasComment faut tricherLes chiensÇa ne joue a rienC'est peut-être pour çaQu'on croit les aimer

Les fillesÇa donne à rêverÇa donne à penserÇa vous donne congéLes filles

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Ça se donne pourtantÇa se donne un tempsÇa donnant donnantLes fillesÇa donne de l'amourA chacun son tourÇa donne sur la courLes fillesÇa vous donne son corpsÇa se donne si fortQue ça donne des remordsMais les chiensÇa ne vous donne rienParce que ça ne sait pasFaire semblant de donnerLes chiensÇa ne vous donne rienC'est peut-être pour çaQu'on doit les aimer

Et c'est pourtant pour les fillesQu'au moindre matinQu'au moindre chagrinOn renie ses chiens

Les flamandesParoles et Musique: Jacques Brel   1959

Les Flamandes dansent sans rien direSans rien dire aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans rien direLes Flamandes ça n'est pas causantSi elles dansent c'est parce qu'elles ont vingt ansEt qu'à vingt ans il faut se fiancerSe fiancer pour pouvoir se marierEt se marier pour avoir des enfantsC'est ce que leur ont dit leurs parentsLe bedeau et même Son EminenceL'Archiprêtre qui prêche au couventEt c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansentLes FlamandesLes FlamandesLes Fla - Les Fla - Les Flamandes

Les Flamandes dansent sans frémirSans frémir aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans frémirLes Flamandes ça n'est pas frémissantSi elles dansent c'est parce qu'elles ont trente ansEt qu'à trente ans il est bon de montrerQue tout va bien que poussent les enfantsEt le houblon et le blé dans le préElles font la fierté de leurs parentsEt du bedeau et de Son EminenceL'Archiprêtre qui prêche au couventEt c'est pour ça et c'est pour ça qu'elles dansentLes FlamandesLes FlamandesLes Fla - Les Fla - Les Flamandes

Les Flamandes dansent sans sourireSans sourire aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans sourireLes Flamandes ça n'est pas souriantSi elles dansent c'est qu'elles ont septante ans

Qu'à septante ans il est bon de montrerQue tout va bien que poussent les petits-enfantsEt le houblon et le blé dans le préToutes vêtues de noir comme leurs parentsComme le bedeau et comme Son EminenceL'Archiprêtre qui radote au couventElles héritent et c'est pour ça qu'elles dansentLes FlamandesLes FlamandesLes Fla - Les Fla - Les Flamandes

Les Flamandes dansent sans mollirSans mollir aux dimanches sonnantsLes Flamandes dansent sans mollirLes Flamandes ça n'est pas mollissantSi elles dansent c'est parce qu'elles ont cent ansEt qu'à cent ans il est bon de montrerQue tout va bien qu'on a toujours bon piedEt bon houblon et bon blé dans le préElles s'en vont retrouver leurs parentsEt le bedeau et même Son EminenceL'Archiprêtre qui repose au couventEt c'est pour ça qu'une dernière fois elles dansentLes FlamandesLes FlamandesLes Fla - Les Fla -Les Flamandes.

Les jardins du casinoParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1964

Les musiciens sortent leurs moustachesEt leurs violons et leurs saxosEt la polka se met en marcheDans les jardins du casinoOù glandouillent en papotantDe vieilles vieilles qui ont la galatouilleEt de moins vieilles qui ont la chatouilleEt des messieurs qui ont le tempsPassent aussi indifférentsQuelques jeunes gens faméliquesQui sont encore confondantL'érotisme et la gymnastiqueTout ça dresse une muraille de ChineEntre le pauvre ami PierrotEt sa fugace ColombineDans les jardins du casino

Les musiciens frétillent des moustachesEt du violon et du saxoQuand la polka guide la démarcheDe la beauté du casinoQuelques couples protubérantsDansent comme des escalopesAvec des langueurs d'héliotropesDevant les faiseuses de cancanUn colonel encivilé présenteÀ de fausses duchessesCompliments et civilitésEt baise-main et rond de fessesTout ça n'arrange pas on le devineLes affaires du pauvre PierrotCherchant fugace ColombineDans les jardins du casino

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Et puis le soir tombe par tachesLes musiciens rangent leurs saxosEt leurs violons et leurs moustachesDans les jardins du casinoLes jeunes filles rentrent aux tanièresSans ce jeune homme ou sans ce veufQui devait leur offir la litièreOù elles auraient pondu leur œufLes vieux messieurs rentrent au bercailRetrouver le souvenir jauniDe leur madame BovaryQu'ils entretiennent vaille que vailleIl ne demeure que l'opalineDe l'âme du pauvre PierrotPleurant fugace colombineDans les jardins du casinoDu casino

Les MarquisesParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Ils parlent de la mortComme tu parles d'un fruitIls regardent la merComme tu regardes un puitLes femmes sont lascivesAu soleil redoutéEt s'il n'y a pas d'hiverCela n'est pas l'étéLa pluie est traversièreElle bat de grain en grainQuelques vieux chevaux blancsQui fredonnent GauguinEt par manque de briseLe temps s'immobiliseAux Marquises

Du soir montent des feuxEt des pointes de silenceQui vont s'élargissantEt la lune s'avanceEt la mer se déchireInfiniment briséePar des rochers qui prirentDes prénoms affolésEt puis plus loin des chiensDes chants de repentanceDes quelques pas de deuxEt quelques pas de danseEt la nuit est soumiseEt l'alizé se briseAux Marquises

Le rire est dans le cœurLe mot dans le regardLe cœur est voyageurL'avenir est au hasardEt passent des cocotiersQui écrivent des chants d'amourQue les sœurs d'alentourIgnorent d'ignorerLes pirogues s'en vontLes pirogues s'en viennentEt mes souvenirs deviennentCe que les vieux en font

Veux tu que je diseGémir n'est pas de miseAux Marquises

Les moutonsParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, Gérard Jouannest   1967  "Les Marquises"

Désolé, bergèreJ'aime pas les moutonsQu'ils soient pure laineOu en chapeau melonQu'ils broutent leur collineQu'ils broutent le bétonMenés par quelques chiensEt par quelques bâtonsDésolé, bergèreJ'aime pas les moutons

Désolé, bergère,J'aime pas les agneauxQui arrondissent le dosDe troupeau en troupeauDe troupeau en étableEt d'étable en bureauJ'aime encore mieux les loupsJ'aime mieux les moineauxDésolé, bergèreJ'aime pas les agneaux

Désolé, bergère,J'aime pas les brebisÇa arrive tout torduesEt ça dit déjà ouiÇa se retrouve tonduesEt ça vous redit ouiÇa se balance en boucherieEt ça re-redit ouiDésolé, bergèreJ'aime pas les brebis

Désolé, bergèreJ'aime pas les troupeauxQui ne voient pas plus loinQue le bout de leur coteauQui avancent en reculantQui se noient dans un verre d'eau béniteEt dès que le vent se lèveMontrent le bas de leur dosDésolé, bergèreJ'aime pas les troupeaux

Désolé, bergèreJ'aime pas les bergersDésolé, bergèreJ'aime pas les bergersIl pleut, il pleut, bergèrePrends garde à te garderPrends garde à te garder, bergèreUn jour tu vas bêlerDésolé, bergèreJ'aime pas les bergers

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Les paumés du petit matinParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber   1962

Ils s'éveillent à l'heure du bergerPour se lever à l'heure du théEt sortir à l'heure de plus rienLes paumés du petit matinElles elles ont l'arroganceDes filles qui ont de la poitrineEux ils ont cette assuranceDes hommes dont on devineQue le papa a eu de la chanceLes paumés du petit matin

Venez venez danserCopain copain copain copainCopain copain copainVenez danserEt ça danse les yeux dans les seins

Ils se blanchissent leurs nuitsAu lavoir des mélancoliesQui lave sans salir les mainsLes paumés du petit matinIls se racontent à minuitLes poèmes qu'ils n'ont pas lusLes romans qu'ils n'ont pas écritsLes amours qu'ils n'ont pas vécuesLes vérités qui ne servent à rienLes paumés du petit matin

Venez venez danserCopain copain copain copainCopain copain copainVenez danserEt ça danse les yeux dans les seins

L'amour leur déchire le foieC'était c'était c'était si bienC'était... vous ne comprendriez pas...Les paumés du petit matinIls prennent le dernier whiskyIls prennent le dernier bon motIls reprennent le dernier whiskyIls prennent le dernier tangoIls prennent le dernier chagrinLes paumés du petit matin

Venez venez pleurerCopain copain copain copainCopain copain copainVenez pleurerEt ça pleure les yeux dans les seins

Les pieds dans le ruisseau

{Refrain:}Les pieds dans le ruisseauMoi je regarde couler la vieLes pieds dans le ruisseauMoi je regarde sans dire un mot

Les gentils poissonsMe content leur vieEn faisant des rondsSur l'onde jolieEt moi je répondsEn gravant dans l'eauDes mots jolisMots de ma façon

{au Refrain}

Au fil du courantS'efface une lettreLettre d'un amantDisparu peut-êtreAh que je voudraisTrouver près de moiUne fille dont j'pourraisCaresser les doigts

{au Rferain}

Et quand le crapaudBerce au crépusculeParmi les roseauxDame libellulePenchant mon visageAu dessus de l'eauJe vois mon imageMoi je vois l'idiot

Les prénoms de ParisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1961

Le soleil qui se lèveEt caresse les toitsEt c'est Paris le jourLa Seine qui se promèneEt me guide du doigtEt c'est Paris toujoursEt mon cœur qui s'arrêteSur ton cœur qui souritEt c'est Paris bonjourEt ta main dans ma mainQui me dit déjà ouiEt c'est Paris l'amourLe premier rendez-vousA l'Ile Saint-LouisC'est Paris qui commenceEt le premier baiserVolé aux TuileriesEt c'est Paris la chanceEt le premier baiserReçu sous un portailEt c'est Paris romanceEt deux têtes qui se tournentEn regardant VersaillesEt c'est Paris la France

Des jours que l'on oublieQui oublient de nous voirEt c'est Paris l'espoirDes heures où nos regards

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Ne sont qu'un seul regardEt c'est Paris miroirRien que des nuits encoreQui séparent nos chansonsEt c'est Paris bonsoirEt ce jour-là enfinOù tu ne dis plus nonEt c'est Paris ce soirUne chambre un peu tristeOù s'arrête la rondeEt c'est Paris nous deuxUn regard qui reçoitLa tendresse du mondeEt c'est Paris tes yeuxCe serment que je pleurePlutôt que ne le disC'est Paris si tu veuxEt savoir que demainSera comme aujourd'huiC'est Paris merveilleux

Mais la fin du voyageLa fin de la chansonEt c'est Paris tout grisDernier jour, dernière heurePremière larme aussiEt c'est Paris la pluieCes jardins remontésQui n'ont plus leur parureEt c'est Paris l'ennuiLa gare où s'accomplitLa dernière déchirureEt c'est Paris finiLoin des yeux loin du cœurChassé du paradisEt c'est Paris chagrinMais une lettre de toiUne lettre qui dit ouiEt c'est Paris demainDes villes et des villagesLes roues tremblent de chanceC'est Paris en cheminEt toi qui m'attends làEt tout qui recommenceEt c'est Paris je reviens.

Les remparts de VarsovieParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Madame promène son cul sur les remparts de VarsovieMadame promène son cœur sur les ringards de sa folieMadame promène son ombre sur les grand-places de l'ItalieJe trouve que Madame vit sa vie

Madame promène à l'aube les preuves de ses insomniesMadame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubiesMadame promène un con qu'assure que madame est jolieJe trouve que Madame est servie

Tandis que moi tous les soirs je suis vestiaire à l'AlcazarMadame promène l'été jusque dans le midi d'la FranceMadame promène ses seins jusque dans le midi de la chanceMadame promène son spleen jusqu'au bord du lac de ConstanceJe trouve Madame de circonstances

Madame promène son chien un boudin noir nommé ByzanceMadame traîne son enfance et change selon les circonstancesMadame promène partout son accent russe avec aisanceC'est vrai que Madame est de Valence

Tandis que moi tous les soirs je suis barman à l'AlcazarMadame promène son ch'veu qu'a la senteur des nuits de ChineMadame promène son regard sur tous les vieux qui ont des usinesMadame promène son rire comme d'autres promènent leur vaselineJe trouve que Madame est coquine

Madame promène ses cuites de verre en verre de fine en fineMadame promène les gènes de vingt mille officiers de marineMadame raconte partout qu'on m'appelle Tata JacquelineJe trouve Madame mauvaise copine

Tandis que moi tous les soirs je suis chanteuse légère à l'AlcazarMadame promène ses mains dans les différents corps d'arméeMadame promène mes sous chez des demi-selles de bas quartiersMadame promène carosse qu'elle voudrait bien me voir tirerJe trouve que Madame est gonflée

Madame promène banco qu'elle veut bien me laisser réglerMadame promène bijoux qu'elle veut bien me laisser facturerMadame promène ma Rolls que pour suivre quelque huissierJe trouve que Madame est pressée

Tandis que moi tous les soirs je fais la plonge à l'AlcazarMadame promène son cul sur les remparts de VarsovieMadame promène son cœur sur les ringards de sa folieMadame promène son ombre sur les grand-places de l'ItalieJe trouve que Madame vit sa vie

Madame promène à l'aube les preuves de ses insomniesMadame promène à ch'val ses états d'âmes et ses lubies

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Page 48: BREL Paroles de 137 Chansons

Madame promène un con qu'assure que Madame est jolieJe trouve que Madame est servie

Tandis que moi tous les soirs je suis vestiaire à l'AlcazarMadame promène l'été jusque dans le midi d'la FranceMadame promène ses seins jusque dans le midi de la chanceMadame promène son spleen jusqu'au bord du lac de ConstanceJe trouve Madame de circonstances

Madame promène son chien un boudin noir nommé ByzanceMadame traîne son enfance et change selon les circonstancesMadame promène partout son accent russe avec aisanceC'est vrai que Madame est de Valence

Les singesParoles et Musique: Jacques Brel   1961

Avant eux avant les culs pelésLa fleur l'oiseau et nous étions en libertéMais ils sont arrivés et la fleur est en potEt l'oiseau est en cage et nous en numéroCar ils ont inventé prisons et condamnésEt casiers judiciaires et trous dans la serrureEt les langues coupées des premières censuresEt c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier

Avant eux il n'y avait pas de problèmeQuand poussaient les bananes même pendant le CarêmeMais ils sont arrivés bardés d'intolérancesPour chasser en apôtres d'autres intolérancesCar ils ont inventé la chasse aux AlbigeoisLa chasse aux infidèles et la chasse à ceux-làLa chasse aux singes sages qui n'aiment pas chasserEt c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier

Avant eux l'homme était un princeLa femme une princesse l'amour une provinceMais ils sont arrivés le prince est un mendiantLa province se meurt la princesse se vendCar ils ont inventé l'amour qui est un péchéL'amour qui est une affaire le marché aux pucellesLe droit de courte-cuisse et les mères maquerellesEt c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier

Avant eux il y avait paix sur terreQuand pour dix éléphants il n'y avait qu'un militaireMais ils sont arrivés et c'est à coups de bâtonsQue la raison d'État a chassé la raison

Car ils ont inventé le fer à empalerEt la chambre à gaz et la chaise électriqueEt la bombe au napalm et la bombe atomiqueEt c'est depuis lors qu'ils sont civilisésLes singes les singes les singes de mon quartierLes singes les singes les singes de mon quartier

Les timidesParoles et Musique: Jacques Brel   1964

Les timidesÇa se tortilleÇa s'entortilleÇa sautilleÇa se met en vrilleÇa se recroquevilleÇa rêve d'être un lapinPeu importeD'où ils sortentMes feuilles mortesQuand le vent les porteDevant nos portesOn dirait qu'ils portentUne valise dans chaque main

Les timidesSuivent l'ombreL'ombre sombre de leur ombreSeule la pénombreSait le nombreDe leurs pudeurs de LevantinIls se plissentIls palissentIls jaunissentIls rosisentIls rougissentS'écrevissentUne valise dans chaque main

Mais les timidesUn soir d'audaceDevant leur glaceRêvant d'espaceMettent leur cuirasseEt alors placeAllons ParisTiens-toi bienEt vive la gareSaint-LazareMais on s'égareOn sépareOn s'désempareEt on repartUne valise dans chaque main

Les timidesQuand ils chavirentPour une ElvireOnt des soupirsOnt des désirsQu'ils désirent direMais ils n'osent pas bienEt leur maîtressePlus prêtresse

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En ivresseQu'en tendresseUn soir les laissentDu bout des fessesUne valise dans chaque main

Les timidesAlors vieillissentAlors finissentSe rapetissentQuand ils glissentDans les abyssesJe veux direQuand ils meurentN'osent rien direRien maudireN'osent frémirN'osent sourireJuste un soupirEt ils meurentUne valise sur le cœur

Les toros1963© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles

Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de courir pour nousUn peu de sable du soleil et des planchesUn peu de sang pour faire un peu de boueC'est l'heure où les épiciers se prennent pour Don JuanC'est l'heure où les Anglaises se prennent pour MontherlantAh!Qui nous dira à quoi ça penseUn toro qui tourne et danseEt s'aperçoit soudain qu'il est tout nuAh!Qui nous dira à quoi ça rêveUn toro dont l'œil se lèveEt qui découvre les cornes des cocus

Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de souffrir pour nousVoici les picadors et la foule se vengeVoici les toreros et la foule est à genouxC'est l'heure où les épiciers se prennent pour Garcia LorcaC'est l'heure où les Anglaises se prennent pour la Carmencita

Les toros s'ennuient le dimancheQuand il s'agit de mourir pour nousMais l'épée va plonger et la foule se pencheMais l'épée a plongé et la foule est deboutC'est l'instant de triomphe où les épiciers se prennent pour NéronC'est l'instant de triomphe où les Anglaises se prennent pour WellingtonAh!Est-ce qu'en tombant à terreLes toros rêvent d'un enferOù brûleraient hommes et toreros défuntsAh!

Ou bien à l'heure du trépasNe nous pardonneraient-ils pasEn pensant à Carthage Waterloo et VerdunVerdun

Les vieuxParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1964

Les vieux ne parlent plus ou alors seulement parfois du bout des yeuxMême riches ils sont pauvres, ils n'ont plus d'illusions et n'ont qu'un cœur pour deuxChez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d'antanQue l'on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtempsEst-ce d'avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d'hierEt d'avoir trop pleuré que des larmes encore leur perlent aux paupièresEt s'ils tremblent un peu est-ce de voir vieillir la pendule d'argentQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends

Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermésLe petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanterLes vieux ne bougent plus leurs gestes ont trop de rides leur monde est trop petitDu lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au litEt s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raideC'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laideEt le temps d'un sanglot, oublier toute une heure la pendule d'argentQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend

Les vieux ne meurent pas, ils s'endorment un jour et dorment trop longtempsIls se tiennent par la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtantEt l'autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévèreCela n'importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enferVous le verrez peut-être, vous la verrez parfois en pluie et en chagrinTraverser le présent en s'excusant déjà de n'être pas plus loinEt fuir devant vous une dernière fois la pendule d'argentQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit : je t'attendsQui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend.

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Litanies pour un retourParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-F. Rauber   1958

Mon cœur ma mie mon âmeMon ciel mon feu ma flammeMon puits ma source mon valMon miel mon baume mon GraalMon blé mon or ma terreMon soc mon roc ma pierreMa nuit ma soif ma faimMon jour mon aube mon pain

Ma voile ma vague mon guide ma voixMon sang ma force ma fièvre mon moiMon chant mon rire mon vin ma joieMon aube mon cri ma vie ma foi

Mon cœur ma mie mon âmeMon ciel mon feu ma flammeMon corps ma chair mon bienVoilà que tu reviens

MadeleineParoles et Musique: J. Brel/J. Corti/G. Jouannest   1962

Ce soir j'attends MadeleineJ'ai apporté du lilasJ'en apporte toutes les semainesMadeleine elle aime bien çaCe soir j'attends MadeleineOn prendra le tram trente-troisPour manger des frites chez EugèneMadeleine elle aime tant çaMadeleine c'est mon NoëlC'est mon Amérique à moiMême qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin JoëlCe soir j'attends MadeleineOn ira au cinémaJe lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aime tant ça

Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vieMadeleine que j'attends là

Ce soir j'attends MadeleineMais il pleut sur mes lilasIl pleut comme toutes les semainesEt Madeleine n'arrive pasCe soir j'attends MadeleineC'est trop tard pour le tram trente-troisTrop tard pour les frites d'EugèneEt Madeleine n'arrive pasMadeleine c'est mon horizonC'est mon Amérique à moiMême qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GastonMais ce soir j'attends MadeleineIl me reste le cinéma

Je lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aime tant ça

Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vieMadeleine qui n'arrive pas

Ce soir j'attendais MadeleineMais j'ai jeté mes lilasJe les ai jetés comme toutes les semainesMadeleine ne viendra pasCe soir j'attendais MadeleineC'est fichu pour le cinémaJe reste avec mes "je t'aime"Madeleine ne viendra pasMadeleine c'est mon espoirC'est mon Amérique à moiSûr qu'elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GaspardCe soir j'attendais MadeleineTiens le dernier tram s'en vaOn doit fermer chez EugèneMadeleine ne viendra pas

Elle est tellement jolieElle est tellement tout çaElle est toute ma vieMadeleine qui ne viendra pas

Demain j'attendrai MadeleineJe rapporterai du lilasJ'en rapporterai toute la semaineMadeleine elle aimera çaDemain j'attendrai MadeleineOn prendra le tram trente-troisPour manger des frites chez EugèneMadeleine elle aimera çaMadeleine c'est mon espoirC'est mon Amérique à moiTant pis si elle est trop bien pour moiComme dit son cousin GaspardDemain j'attendrai MadeleineOn ira au cinémaJe lui dirai des "je t'aime"Madeleine elle aimera ça

MariekeParoles et Musique: J. Brel/J. Brel-G. Jouannest   1961

Ay Marieke Marieke je t'aimais tantEntre les tours de Bruges et GandAy Marieke Marieke il y a longtempsEntre les tours de Bruges et Gand

Zonder liefde warme liefdeWaait de wind de stomme windZonder liefde warme liefdeWeent de zee de grijze zeeZonder liefde warme liefdeLijdt het licht het donk're lichtEn schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn Vlaanderland

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Ay Marieke Marieke le ciel flamandCouleur des tours de Bruges et GandAy Marieke Marieke le ciel flamandPleure avec moi de Bruges à Gand

Zonder liefde warme liefdeWaait de wind c'est finiZonder liefde warme liefdeWeent de zee déjà finiZonder liefde warme liefdeLijdt het licht tout est finiEn schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn VlaanderlandAy Marieke Marieke le ciel flamandPesait-il trop de Bruges à GandAy Marieke Marieke sur tes vingt ansQue j'aimais tant de Bruges à Gand

Zonder liefde warme liefdeLacht de duivel de zwarte duivelZonder liefde warme liefdeBrandt mijn hart mijn oude hartZonder liefde warme liefdeSterft de zomer de droeve zomerEn schuurt het zand over mijn landMijn platte land mijn Vlaanderland

Ay Marieke Marieke revienne le tempsRevienne le temps de Bruges et GandAy Marieke Marieke revienne le tempsOù tu m'aimais de Bruges à Gand

Ay Marieke Marieke le soir souventEntre les tours de Bruges et GandAy Marieke Marieke tous les étangsM'ouvrent leurs bras de Bruges à GandDe Bruges à Gand de Bruges à Gand

MathildeParoles et Musique: J. Brel, G. Jouannest   1964

Ma mère voici le temps venuD'aller prier pour mon salutMathilde est revenueBougnat tu peux garder ton vinCe soir je boirai mon chagrinMathilde est revenueToi la servante toi la MariaVaudrait peut-être mieux changer nos drapsMathilde est revenueMes amis ne me laissez pasCe soir je repars au combatMaudite Mathilde puisque te v'là

Mon cœur mon cœur ne t'emballe pasFais comme si tu ne savais pasQue la Mathilde est revenueMon cœur arrête de répéterQu'elle est plus belle qu'avant l'étéLa Mathilde qui est revenueMon cœur arrête de bringuebalerSouviens-toi qu'elle t'a déchiréLa Mathilde qui est revenueMes amis ne me laissez pas

Dites-moi dites-moi qu'il ne faut pasMaudite Mathilde puisque te v'là

Et vous mes mains restez tranquillesC'est un chien qui nous revient de la villeMathilde est revenueEt vous mes mains ne frappez pasTout ça ne vous regarde pasMathilde est revenueEt vous mes mains ne tremblez plusSouvenez-vous quand je vous pleurais dessusMathilde est revenueVous mes mains ne vous ouvrez pasVous mes bras ne vous tendez pasSacrée Mathilde puisque te v'là

Ma mère arrête tes prièresTon Jacques retourne en enferMathilde m'est revenueBougnat apporte-nous du vinCelui des noces et des festinsMathilde m'est revenueToi la servante toi la MariaVa tendre mon grand lit de drapsMathilde m'est revenueAmis ne comptez plus sur moiJe crache au ciel encore une foisMa belle Mathilde puisque te v'là te v'là

Mes prénoms de ParisParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1961

Le soleil qui se lèveEt caresse les toitsEt c'est Paris le jourLa Seine qui se promèneEt me guide du doigtEt c'est Paris toujoursEt mon cœur qui s'arrêteSur ton cœur qui souritEt c'est Paris bonjourEt ta main dans ma mainQui me dit déjà ouiEt c'est Paris l'amourLe premier rendez-vousA l'Ile Saint-LouisC'est Paris qui commenceEt le premier baiserVolé aux TuileriesEt c'est Paris la chanceEt le premier baiserReçu sous un portailEt c'est Paris romanceEt deux têtes qui se tournentEn regardant VersaillesEt c'est Paris la France

Des jours que l'on oublieQui oublient de nous voirEt c'est Paris l'espoirDes heures où nos regardsNe sont qu'un seul regardEt c'est Paris miroirRien que des nuits encore

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Qui séparent nos chansonsEt c'est Paris bonsoirEt ce jour-là enfinOù tu ne dis plus nonEt c'est Paris ce soirUne chambre un peu tristeOù s'arrête la rondeEt c'est Paris nous deuxUn regard qui reçoitLa tendresse du mondeEt c'est Paris tes yeuxCe serment que je pleurePlutôt que ne le disC'est Paris si tu veuxEt savoir que demainSera comme aujourd'huiC'est Paris merveilleux

Mais la fin du voyageLa fin de la chansonEt c'est Paris tout grisDernier jour, dernière heurePremière larme aussiEt c'est Paris la pluieCes jardins remontésQui n'ont plus leur parureEt c'est Paris l'ennuiLa gare où s'accomplitLa dernière déchirureEt c'est Paris finiLoin des yeux loin du cœurChassé du paradisEt c'est Paris chagrinMais une lettre de toiUne lettre qui dit ouiEt c'est Paris demainDes villes et des villagesLes roues tremblent de chanceC'est Paris en cheminEt toi qui m'attends làEt tout qui recommenceEt c'est Paris je reviens.

Mon enfance

Mon enfance passaDe grisailles en silencesDe fausses révérencesEn manque de bataillesL'hiver j'étais au ventreDe la grande maisonQui avait jeté l'ancreAu nord parmi les joncsL'été à moitié nuMais tout à fait modesteJe devenais indienPourtant déjà certainQue mes oncles repusM'avaient volé le Far West

Mon enfance passaLes femmes aux cuisinesOù je rêvais de ChineVieillissaient en repas

Les hommes au fromageS'enveloppaient de tabacFlamands taiseux et sagesEt ne me savaient pasMoi qui toutes les nuitsAgenouillé pour rienArpégeais mon chagrinAu pied du trop grand litJe voulais prendre un trainQue je n'ai jamais pris

Mon enfance passaDe servante en servanteJe m'étonnais déjàQu'elles ne fussent point plantesJe m'étonnais encoreDe ces ronds de familleFlânant de mort en mortEt que le deuil habilleJe m'étonnais surtoutD'être de ce troupeauQui m'apprenait à pleurerQue je connaissais tropJ'avais L'œil du bergerMais le cœur de l'agneau

Mon enfance éclataCe fut l'adolescenceEt le mur du silenceUn matin se brisaCe fut la première fleurEt la première filleLa première gentilleEt la première peurJe volais je le jureJe jure que je volaisMon cœur ouvrait les brasJe n'étais plus barbare

Et la guerre arriva

Et nous voilà ce soir.

Mon Père disaitParoles et Musique: Jacques Brel   1967

Mon père disaitC'est l'vent du nordQui fait craquer les diguesA ScheveningenÀ Scheveningen, petitTellement fortQu'on ne sait plus qui navigueLa mer du nordOu bien les diguesC'est le vent du nordQui transperce les yeuxDes hommes du nordJeunes ou vieuxPour faire chanterDes carillons de bleusVenus du nordAu fond de leurs yeux

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Mon père disaitC'est le vent du nordQui fait tourner la têteAutour de BrugesAutour de bruges, petitC'est le vent du nordQu'a raboté la terreAutour des toursDes tours de BrugesEt qui fait qu'nos fillesOnt l'regard tranquilleDes vieilles villesDes vieilles villesQui fait qu'nos bellesOnt le cheveu fragileDe nos dentellesDe nos dentelles

Mon père disaitC'est le vent du nordQu'a fait craquer la terreEntre ZeebrugesEntre Zeebruges, petitC'est le vent du NordQu'a fait craquer la terreEntre Zeebruges et l'AngleterreEt Londres n'est plusComme avant le délugeLe poing de BrugesNarguant la merLondres n'est plusQue le faubourg de BrugesPerdu en merPerdu en mer

Mais mon père disaitC'est le vent du nordQui portera en terreMon corps sans âmeEt sans colèreC'est le vent du nordQui portera en terreMon corps sans âmeFace à la merC'est le vent du nordQui me fera capitaineD'un brise-lamesOu d'une baleineC'est le vent du nordQui me fera capitaineD'un brise-larmesPour ceux que j'aime

Ne me quitte pasParoles et Musique: Jacques Brel   1959

Ne me quitte pasIl faut oublierTout peut s'oublierQui s'enfuit déjàOublier le tempsDes malentendusEt le temps perduA savoir commentOublier ces heures

Qui tuaient parfoisA coups de pourquoiLe cœur du bonheurNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas

Moi je t'offriraiDes perles de pluieVenues de paysOù il ne pleut pasJe creuserai la terreJusqu'après ma mortPour couvrir ton corpsD'or et de lumièreJe ferai un domaineOù l'amour sera roiOù l'amour sera loiOù tu seras reineNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas

Ne me quitte pasJe t'inventeraiDes mots insensésQue tu comprendrasJe te parleraiDe ces amants-làQui ont vu deux foisLeurs cœurs s'embraserJe te raconteraiL'histoire de ce roiMort de n'avoir pasPu te rencontrerNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas

On a vu souventRejaillir le feuD'un ancien volcanQu'on croyait trop vieuxIl est paraît-ilDes terres brûléesDonnant plus de bléQu'un meilleur avrilEt quand vient le soirPour qu'un ciel flamboieLe rouge et le noirNe s'épousent-ils pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas

Ne me quitte pasJe ne vais plus pleurerJe ne vais plus parlerJe me cacherai làA te regarderDanser et sourireEt à t'écouterChanter et puis rireLaisse-moi devenir

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L'ombre de ton ombreL'ombre de ta mainL'ombre de ton chienNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pasNe me quitte pas.

On n'oublie rienParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest   1961

On n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout

Ni ces départs ni ces naviresNi ces voyages qui nous chavirentDe paysages en paysagesEt de visages en visagesNi tous ces ports ni tous ces barsNi tous ces attrape-cafardOù l'on attend le matin grisAu cinéma de son whisky

Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublierQu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout

Ni ces jamais ni ces toujoursNi ces je t'aime ni ces amoursQue l'on poursuit à travers cœursDe gris en gris de pleurs en pleursNi ces bras blancs d'une seule nuitCollier de femme pour notre ennuiQue l'on dénoue au petit jourPar des promesses de retour

Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublierQu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rienOn n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout

Ni même ce temps où j'aurais faitMille chansons de mes regretsNi même ce temps où mes souvenirsPrendront mes rides pour un sourireNi ce grand lit où mes remordsOnt rendez-vous avec la mortNi ce grand lit que je souhaiteA certains jours comme une fête

Ni tout cela ni rien au mondeNe sait pas nous faire oublierNe peut pas nous faire oublierQu'aussi vrai que la terre est rondeOn n'oublie rien de rien

On n'oublie rien du toutOn n'oublie rien de rienOn s'habitue c'est tout

OrlyParoles et Musique: Jacques Brel   1977

Ils sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deuxLa pluie les a soudésSemble-t-il l'un à l'autreIls sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deuxEt je les sais qui parlentIl doit lui dire: je t'aimeElle doit lui dire: je t'aimeJe crois qu'ils sont en trainDe ne rien se promettreC'est deux-là sont trop maigresPour être malhonnêtes

Ils sont plus de deux milleEt je ne vois qu'eux deuxEt brusquement ils pleurentIls pleurent à gros bouillonsTout entourésqu'ils sontD'adipeux en sueurEt de bouffeurs d'espoirQui les montrent du nezMais ces deux déchirésSuperbes de chagrinAbandonnent aux chiensL'exploir de les juger

Mais la vie ne fait pas de cadeau!Et nom de dieu!C'est triste Orly le dimancheAvec ou sans Bécaud

Et maintenant ils pleurentJe veux dire tous les deuxTout à l'heure c'était luiLorsque je disais ilTout encastrés qu'ils sontIls n'entendent plus rienQue les sanglots de l'autreEt puis infinimentComme deux corps qui prientInfiniment lentement ces deux corpsSe séparent et en se séparantCes deux corps se déchirentEt je vous jure qu'ils crientEt puis ils se reprennentRedeviennent un seulRedeviennent le feuEt puis se redéchirentSe tiennent par les yeuxEt puis en reculantComme la mer se retireIls consomment l'adieuIls bavent quelques motsAgitent une vague mainEt brusquement ils fuientFuient sans se retourner

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Et puis il disparaîtBouffé par l'escalier

La vie ne fait pas de cadeau!Et nom de dieu!C'est triste Orly le dimancheAvec ou sans Bécaud

Et puis il disparaîtBouffé par l'escalierEt elle elle reste làCœur en croix bouche ouverteSans un cri sans un motElle connaît sa mortElle vient de la croiserVoilà qu'elle se retourneEt se retourne encoreSes bras vont jusqu'a terreÇa y est elle a mille ansLa porte est referméeLa voilà sans lumièreElle tourne sur elle-mêmeEt déjà elle saitQu'elle tournera toujoursElle a perdu des hommesMais là elle perd l'amourL'amour le lui a ditRevoilà l'inutileElle vivra ses projetsQui ne feront qu'attendreLa revoilà fragileAvant que d'être à vendreJe suis là je le suisJe n'ose rien pour elleQue la foule grignoteComme un quelconque fruit

Pardons

Pardon pour cette filleQue l'on a fait pleurerPardon pour ce regardQue l'on quitte en riant

Pardon pour ce visageQu'une larme a changéPardon pour ces maisonsOù quelqu'un nous attend

Et puis pour tous ces motsQue l'on dit mots d'amourEt que nous employonsEn guise de monnaie

Pour tous les sermentsQui meurent au petit jourPardon pour les jamaisPardon pour les toujours

Pardon pour pour les hameauxQui ne chantent jamaisPardon pour les villagesQue l'on a oubliés

Et pardon pour les cités

Où nul ne se connaîtPardon pour les paysFaits de sous-officiers

Pardon d'être de ceuxQui se foutent de toutEt de ne pas avoirChaque jour essayé

Et puis pardon encoreEt puis pardon surtoutDe ne jamais savoirQui doit nous pardonner

Pourquoi faut-il que les hommes s'ennuient ?1963note: complainte du film "un roi sans divertissement"

Pourtant les hôtesses sont doucesAux auberges bordées de neigePourtant patientent les épousesQue les enfants ont pris au piègePourtant les auberges sont doucesOù le vin fait tourner manègePourquoi faut-il que les hommes s'ennuient

Pourtant les villes sont paisiblesOù tremblent cloches et clochersMais le diable dort-il sous la bibleMais les rois savent-ils prierPourtant les villes sont paisiblesDe blanc matin et blanc coucherPourquoi faut-il que les hommes s'ennuient

Pourtant il nous reste à rêverPourtant il nous reste à savoirEt tous ces loups qu'il faut tuerTous ces printemps qu'il reste à boireDésespérance ou désespoirIl nous reste à être étonnésPourquoi faut-il que les hommes s'ennuient

Pourtant il nous reste à tricherÊtre le pique et jouer le cœurÊtre la peur et rejouerÊtre le diable et jouer fleurPourtant il nous reste à patienterBon an mal an on ne vit qu'une heurePourquoi faut-il que les hommes s'ennuient

Prière païenneParoles et Musique: Jacques Brel   1956

N'est-il pas vrai MarieQue c'est prier pour vousQue de lui dire je t'aimeEn tombant à genouxN'est-il pas vrai MarieQue c'est prier pour vousQue pleurer de bonheur

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Page 56: BREL Paroles de 137 Chansons

En riant comme un fouQue couvrir de tendresseNos païennes amoursC'est fleurir de prièresChaque nuit chaque jour.

N'est-il pas vrai MarieQue c'est chanter pour vousQue semer nos cheminsDe simples poésiesN'est-il pas vrai MarieQue c'est chanter pour vousQue voir en chaque choseUne chose jolieQue chanter pour l'enfantQui bientôt nous viendraC'est chanter pour l'enfantQui repose en vos bras

N'est-il pas vrai Marie ?N'est-il pas vrai Marie ?

Qu'avons-nous fait, bonnes gensParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Qu'avons-nous fait, bonnes gensDites-moi de la bonté du mondeOn l'aurait cachée au fond d'un boisQue ça ne m'étonnerait guèreOn l'aurait enfouieDix pieds sous terreQue ça ne m'étonnerait pasEt c'est dommage de ne plus voirA chaque soir chaque matinSur les routes sur les trottoirsUne foule de petits saints Martin

Qu'avons-nous fait, bonnes gensDites-moi de tout l'amour du mondeOn l'aurait vendu pour je n'sais quoiQue ça ne m'étonnerait guèreOn l'aurait vendu pour faire le guerreQue ça ne m'étonnerait pasEt c'est dommage de ne plus voirLes amoureux qui ont vingt ansSe conter mille et une histoiresPour le plus des feux de la Saint Jean

Mais nous retrouverons bonnes gensCroyez-moi toutes ces joies profondeson les retrouverait au fond de soiQue ça ne m'étonnerait guèreOn les retrouverait sous la poussièreQue ça ne m'étonnerait pasEt c'est tant mieux on pourra voirEnfin d'autres que les fousChanter l'amour chanter l'espoirEt les chanter avec des mots à vous

Qu'attendez-vous bonnes gensDites-le moiPour retrouver ces choses

Qu'attendons-nous bonnes gensDites-le moi

Quand maman reviendraParoles et Musique: J. Brel/F. Rauber   1963

Quand ma maman reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand elle reviendra mamanQui c'est qui sera content c'est moiElle reviendra comme chaque foisA cheval sur un chagrin d'amourEt pour mieux fêter son retourToute la sainte famille sera làEt elle me rechantera les chansonsLes chansons que j'aimais tellementOn a tellement besoin de chansonsQuand il paraît qu'on a vingt ans

Quand mon frère il reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand il reviendra le FernandQui c'est qui sera content c'est moiIl reviendra de sa prisonToujours à cheval sur ses principesIl reviendra et toute l'équipeL'accueillera sur le perronEt il me racontera les histoiresLes histoires que j'aimais tellementOn a tellement besoin d'histoiresQuand il paraît qu'on a vingt ans

Quand ma sœur elle reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand reviendra la fille de mamanQui c'est qui sera content c'est moiElle reviendra de ParisSur le cheval d'un prince charmantElle reviendra et toute la familleL'accueillera en pleurantEt elle me redonnera son sourireSon sourire que j'aimais tellementOn a tellement besoin de souriresQuand il paraît qu'on a vingt ans

Quand mon papa reviendraC'est mon papa qui sera contentQuand il reviendra en gueulantQui c'est qui sera content c'est moiIl reviendra du bistrot du coinA cheval sur une idée noireIl reviendra que quand il sera noirQue quand il en aura besoinEt il me redonnera des soucisDes soucis que j'aime pas tellementMais il paraît qu'il faut des soucisQuand il paraît qu'on a vingt ans

Si ma maman revenaitQu'est-ce qu'il serait content papaSi ma maman revenaitQui c'est qui serait content c'est moi

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Quand on n'a que l'amourParoles et Musique: Jacques Brel   1956autres interprètes: Dalida (1957), Star Academy (2001)

Quand on n'a que l'amourA s'offrir en partageAu jour du grand voyageQu'est notre grand amour

Quand on n'a que l'amourMon amour toi et moiPour qu'éclatent de joieChaque heure et chaque jour

Quand on n'a que l'amourPour vivre nos promessesSans nulle autre richesseQue d'y croire toujours

Quand on n'a que l'amourPour meubler de merveillesEt couvrir de soleilLa laideur des faubourgs

Quand on n'a que l'amourPour unique raisonPour unique chansonEt unique secours

Quand on n'a que l'amourPour habiller matinPauvres et malandrinsDe manteaux de velours

Quand on n'a que l'amourA offrir en prièrePour les maux de la terreEn simple troubadour

Quand on n'a que l'amourA offrir à ceux-làDont l'unique combatEst de chercher le jour

Quand on n'a que l'amourPour tracer un cheminEt forcer le destinA chaque carrefour

Quand on n'a que l'amourPour parler aux canonsEt rien qu'une chansonPour convaincre un tambour

Alors sans avoir rienQue la force d'aimerNous aurons dans nos mains,Amis le monde entier

Regarde bien, petitParoles et Musique: Jacques Brel   1968

Regarde bien petitRegarde bienSur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulinsY a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bien

Est-ce un lointain voisinUn voyageur perduUn revenant de guerreUn montreur de dentellesEst-ce un abbé porteurDe ces fausses nouvellesQui aident à vieillirEst-ce mon frère qui vientNous dire qu'il est tempsDe moins nous haïrOu n'est-ce que le ventQui gonfle un peu le sableEt forme des miragesPour nous passer le temps

Regarde bien petitRegarde bienSur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulinsY a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bienCe n'est pas un voisinSon cheval est trop fierPour être de ce coinPour revenir de guerreCe n'est pas un abbéSon cheval est trop pauvrePour être paroissienCe n'est pas un marchandSon cheval est trop clairSon habit est trop blancEt aucun voyageurN'a plus passé le pontDepuis la mort du pèreNi ne sait nos prénoms

Regarde bien petitRegarde bienSur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulinsY a un homme qui vientQue je ne connais pasRegarde bien petitRegarde bien

Non ce n'est pas mon frèreSon cheval aurait henniNon ce n'est pas mon frèreIl ne l'oserait plusIl n'est plus rien iciQui puisse le servirNon ce n'est pas mon frèreMon frère a pu mourir

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Page 58: BREL Paroles de 137 Chansons

Cette ombre de midiAurait plus de tourmentsS'il s'agissait de lui

Allons c'est bien le ventQui gonfle un peu le sablePour nous passer le temps

Regarde bien petitRegarde bienSur la plaine là-basÀ hauteur des roseauxEntre ciel et moulinsY a un homme qui partQue nous n saurons pasRegarde bien petitRegarde bien

Il faut sécher tes larmesIl y a un homme qui partQue nous ne saurons pasTu peux ranger les armes

RosaParoles et Musique: Jacques Brel   1962

C'est le plus vieux tango du mondeCelui que les têtes blondesÂnonnent comme une rondeEn apprenant leur latinC'est le tango du collègeQui prend les rêves au piègeEt dont il est sacrilègeDe ne pas sortir malinC'est le tango des bons pèresQui surveillent l'œil sévèreLes Jules et les ProsperQui seront la France de demain

Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis

C'est le tango des forts en thèmeBoutonneux jusqu'à l'extrêmeEt qui recouvrent de laineLeur cœur qui est déjà froidC'est le tango des forts en rienQui déclinent de chagrinEt qui seront pharmaciensParce que papa ne l'était pasC'est le temps où j'étais dernierCar ce tango rosa rosaeJ'inclinais à lui préférerDéjà ma cousine Rosa

Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis

C'est le tango des promenades

Deux par seul sous les arcadesCernés de corbeaux et d'alcadesQui nous protégeaient des pourquoiC'est le tango de la pluie sur la courLe miroir d'une flaque sans amourQui m'a fait comprendre un beau jourQue je ne serais pas Vasco de GamaMais c'est le tango du temps béniOù pour un baiser trop petitDans la clairière d'un jeudiA rosi cousine Rosa

Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis

C'est le tango du temps des zérosJ'en avais tant des minces des grosQue j'en faisais des tunnels pour CharlotDes auréoles pour saint FrançoisC'est le tango des récompensesQui vont à ceux qui ont la chanceD'apprendre dès leur enfanceTout ce qui ne leur servira pasMais c'est le tango que l'on regretteUne fois que le temps s'achèteEt que l'on s'aperçoit tout bêteQu'il y a des épines aux Rosa

Rosa rosa rosamRosae rosae rosaRosae rosae rosasRosarum rosis rosis

S'il te fautParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Tu n'as rien compris

S'il te faut des trainsPour fuir vers l'aventureEt de blancs naviresQui puissent t'emmenerChercher le soleilÀ mettre dans tes yeuxChercher des chansonsQue tu puisses chanter

Alors s'il te faut l'aurorePour croire au lendemainEt des lendemainsPour pouvoir espérerRetrouver l'espoirQui t'a glissé des mainsRetrouver la mainQue ta main a quittée

Et alors s'il te faut des motsPrononcés par des vieuxPour justifierTous tes renoncementsSi la poésie pour toiN'est plus qu'un jeu

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Page 59: BREL Paroles de 137 Chansons

Si toute ta vieN'est qu'un vieillissement

Alors s'il te faut l'ennuiPour te sembler profondEt le bruit des villesPour saouler tes remordsEt puis des faiblessesPour te paraître bonEt puis des colèresPour te paraître fort

Alors alorsTu n'as rien compris

Saint-PierreParoles et Musique: Jacques Brel   1956

Il y a longtemps de celaAu fond du ciel le bon Saint-PierreComme un collégien se troublaPour une étoile au cœur de pierreSitôt conquise elle s'envoleEn embrasantde son regardLe cœur, la barbe et l'auréoleDu bon Saint Pierre au désespoirQui criait et pleuraitDans les rues du paradisQui criait et pleuraitTout en se moquant de lui.

Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à moiEffeuillons l'aile d'un angePour voir si elle m'aimera

Saint Pierre alors partit chercherA cheval sur un beau nuageVainement dans la Voie LactéeSa jeune étoile au cœur volageAu Paradis lorsqu'il revintDevant la porte il est restéN'osons montrer tout son chagrinA ses copains auréolésQui criaient et pleuraientDans les rues du paradisQui criaient et pleuraientTout en se moquant de lui.

Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à toiEffeuillons l'aile d'un angePour voir si elle t'aimera

Mais le Bon Dieu lui vint en aideCar les barbus sont syndiquésIl changea l'étoile en planèteEt fit de Saint Pierre un portierEt de ces anges déplumésPar les amours du bon Saint PierreAfin de tout récupérerIl fit les démons de l'enferCeux qui crient ceux qui pleurentA l'heure où naissent les nuits

Ceux qui crient ceux qui pleurentDans un coin de votre esprit

Effeuillons l'aile d'un angePour voir si elle pense à moiEffeuillons l'aile d'un angePour voir si elle m'aimera

SeulParoles et Musique: Jacques Brel   1959

On est deux mon amourEt l'amour chante et ritMais à la mort du jourDans les draps de l'ennuiOn se retrouve seul

On est dix à défendreLes vivants par des mortsMais cloués par leurs cendresAu poteau du remordsOn se retrouve seul

On est cent qui dansonsAu bal des bons copainsMais au dernier lampionMais au premier chagrinOn se retrouve seul

On est mille contre milleA se croire les plus fortsMais à l'heure imbécileOù ça fait deux mille mortsOn se retrouve seul

On est million à rireDu million qui est en faceMais deux millions de riresN'empêchent que dans la glaceOn se retrouve seul

On est mille à s'asseoirAu sommet de la fortuneMais dans la peur de voirTout fondre sous la luneOn se retrouve seul

On est cent que la gloireInvite sans raisonMais quand meurt le hasardQuand finit la chansonOn se retrouve seul

On est dix à coucherDans le lit de la puissanceMais devant ces arméesQui s'enterrent en silenceOn se retrouve seul

On est deux à vieillirContre le temps qui cogneMais lorsqu'on voit venirEn riant la charogneOn se retrouve seul.

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Sur la placeParoles et Musique: Jacques Brel   1955

Sur la place chauffée au soleilUne fille s'est mise à danserElle tourne toujours pareilleAux danseuses d'antiquitésSur la ville il fait trop chaudHommes et femmes sont assoupisEt regardent par le carreauCette fille qui danse à midi

Ainsi certains jours paraîtUne flamme à nos yeuxA l'église où j'allaisOn l'appelait le Bon DieuL'amoureux l'appelle l'amourLe mendiant la charitéLe soleil l'appelle le jourEt le brave homme la bonté

Sur la place vibrante d'air chaudOù pas même ne paraît un chienOndulante comme un roseauLa fille bondit s'en va s'en vientNi guitare ni tambourinPour accompagner sa danseElle frappe dans ses mainsPour se donner la cadence

Ainsi certains jours paraîtUne flamme à nos yeuxA l'église où j'allaisOn l'appelait le Bon DieuL'amoureux l'appelle l'amourLe mendiant la charitéLe soleil l'appelle le jourEt le brave homme la bonté.

Sur la place où tout est tranquilleUne fille s'est mise à chanterEt son chant plane sur la villeHymne d'amour et de bontéMais sur la ville il fait trop chaudEt pour ne point entendre son chantLes hommes ferment leurs carreauxComme une porte entre morts et vivants

Ainsi certains jours paraîtUne flamme en nos cœursMais nous ne voulons jamaisLaisser luire sa lueurNous nous bouchons les oreillesEt nous nous voilons les yeuxNous n'aimons point les réveilsDe notre cœur déjà vieux

Sur la place un chien hurle encoreCar la fille s'en est alléeEt comme le chien hurlant la mortPleurent les hommes leur destinée

TitineParoles et Musique: J. Brel/G. Jouannest/J. Corti   1964

J'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé TitineQue je ne trouvais pasJe l'ai retrouvée par hasardQui vendait du buvardDerrière une vitrineDe la gare Saint-LazareJe lui ai dit TitineTitine oh ma TitineJe lui ai dit TitinePourquoi m'avoir quittéTu es partie comme çaSans un geste sans un motVoir un film de CharlotAu ciné de l'OlympiaEt il y a trente ans déjàQue nous te cherchions partoutMon Hispano et moiEn criant comme des fousJe cherche après TitineTitine oh ma TitineJe cherche après Titine

Mais j'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé TitineQue je ne trouvais pasJe l'avais cherchée partoutAu Chili au TonkinJe l'avais cherchée en vainAu Gabon au PérouJe lui ai dit TitineTitine oh ma TitineJe lui ai dit TitineJe t'en supplie reviensTu as changé je le sais bienTu es un peu moins tentantePuis tu marches comme ChaplinEt tu es devenue parlanteMais enfin c'est mieux que rienQuand on vit depuis trente ansTout seul avec un chienEt avec douze enfantsQui cherchent après TitineTitine oh ma TitineQui cherchent après Titine

Mais j'ai retrouvé TitineTitine oh ma TitineJ'ai retrouvé TitineQue je ne trouvais pasJe voudrais que vous la voyiezTitine elle est en orBien plus que ValentineBien plus qu'ÉléonoreMais hier quand je lui ai ditTitine oh ma TitineQuand je lui ai dit TitineEst-ce que tu m'aimes encore

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Page 61: BREL Paroles de 137 Chansons

Elle est repartie comme çaSans un geste sans un motVoir un film de CharlotAu ciné de l'OlympiaAlors voilà pourquoiNous la cherchons partoutMon Hispano et moiEn criant comme des fousJe cherche après TitineTitine oh ma TitineJe cherche après Titine

Mais je retrouverai TitineTitine oh ma TitineJe retrouverai TitineEt tout ça s'arrangera

Un enfantParoles: J.Brel. Musique: J.Brel, G.Jouannest   1968  "Vezoul"

Un enfantÇa vous décroche un rêveÇa le porte à ses lèvresEt ça part en chantantUn enfantAvec un peu de chanceÇa entend le silenceEt ça pleure des diamantsEt ça rit à n'en savoir que faireEt ça pleure en nous voyant pleurerÇa s'endort de l'or sous les paupièresEt ça dort pour mieux nous faire rêver

Un enfantC'est toute une merQui dépose ses perlesSur la portée du ventUn enfantC'est le dernier poêmeD'un monde qui s'entêteÀ vouloir devenir grandEt ça demande si les nuages ont des ailesEt ça s'inquiète d'une neige tombéeEt ça s'endort de l'or sous les paupièresEt ça se doute qu'il n'y a plus de fées

Mais un enfant et nous fuyons l'enfanceUn enfant et nous voilà passantsUn enfant et nous voilà patienceUn enfant et nous voilà passés

Une îleParoles et Musique: Jacques Brel   1962

Une îleUne île au large de l'espoirOù les hommes n'auraient pas peurEt douce et calme comme ton miroirUne îleClaire comme un matin de Pâques

Offrant l'océane langueurD'une sirène à chaque vagueViensViens mon amourLà-bas ne seraient point ces fousQui nous disent d'être sagesOu que vingt ans est le bel âgeVoici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer

Une îleUne île au large de l'amourPosée sur l'autel de la merSatin couché sur le veloursUne îleChaude comme la tendresseEspérante comme un désertQu'un nuage de pluie caresseViensViens mon amourLà-bas ne seraient point ces fousQui nous cachent les longues plagesViens mon amourFuyons l'orageVoici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer

Une îleUne île qu'il nous reste à bâtirMais qui donc pourrait retenirLes rêves que l'on rêve à deuxUne îleVoici qu'une île est en partanceEt qui sommeillait en nos yeuxDepuis les portes de l'enfanceViensViens mon amourCar c'est là-bas que tout commenceJe crois à la dernière chanceEt tu es celle que je veuxVoici venu le temps de vivreVoici venu le temps d'aimer

VesoulParoles et Musique: Jacques Brel   1968

T'as voulu voir VierzonEt on a vu VierzonT'as voulu voir VesoulEt on on a vu VesoulT'as voulu voir HonfleurEt on a vu HonfleurT'as voulu voir HambourgEt on a vu HambourgJ'ai voulu voir AnversEt on a revu HambourgJ'ai voulu voir ta sœurEt on a vu ta mèreComme toujours

T'as plus aimé VierzonEt on a quitté VierzonT'as plus aimé VesoulEt on a quitté Vesoul

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Page 62: BREL Paroles de 137 Chansons

T'as plus aimé HonfleurEt on a quitté HonfleurT'as plus aimé HambourgEt on a quité HambourgT'as voulu voir AnversEt on n'a vu qu'ses faubourgsTu n'as plus aimé ta mèreEt on a quitté sa sœurComme toujours

Et je te le disJe n'irai pas plus loinMais je te préviensJ'irai pas à ParisD'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéeonT'as voulu voir ParisEt on a vu ParisT'as voulu voir DutroncEt on a vu DutroncJ'ai voulu voir ta sœurJ'ai vu le mont ValérienT'as voulu voir HortenseElle était dans l'CantalJ'ai voulu voir ByzanceEt on a vu PigalleÀ la gare Saint-LazareJ'ai vu les Fleurs du MalPar hasard

T'as plus aimé ParisEt on a quité ParisT'as plus aimé DutroncEt on a quitté DutroncMaintenant je confonds ta sœurEt le mont ValérienDe ce que je sais d'HortenseJ'irai plus dans l'CantalEt tant pis pour ByzancePuisque j'ai vu PigalleEt la gare Saint-LazareC'est cher et ça fait malAu hasard

Et je te le redis chauffe MarcelJe n'irai pas plus loinMais je te préviens kaï kaïLe voyage est finiD'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéon

T'as voulu voir VierzonEt on a vu VierzonT'as voulu voir VesoulEt on on a vu VesoulT'as voulu voir HonfleurEt on a vu HonfleurT'as voulu voir HambourgEt on a vu HambourgJ'ai voulu voir AnversEt on a revu HambourgJ'ai voulu voir ta sœurEt on a vu ta mèreComme toujours

T'as plus aimé VierzonEt on a quitté Vierzon... chauffe... chauffeT'as plus aimé VesoulEt on a quitté VesoulT'as plus aimé HonfleurEt on a quitté HonfleurT'as plus aimé HambourgEt on a quité HambourgT'as voulu voir AnversEt on n'a vu qu'ses faubourgsTu n'as plus aimé ta mèreEt on a quitté sa sœurComme toujours ... Chauffez les gars

Mais mais je te le reredis ... KaïJe n'irai pas plus loinMais je te préviensJ'irai pas à ParisD'ailleurs j'ai horreurDe tous les flons flonsDe la valse musetteEt de l'accordéonT'as voulu voir ParisEt on a vu ParisT'as voulu voir DutroncEt on a vu DutroncJ'ai voulu voir ta sœurJ'ai vu le mont ValérienT'as voulu voir HortenseElle était dans l'CantalJ'ai voulu voir ByzanceEt on a vu PigalleÀ la gare Saint-LazareJ'ai vu les Fleurs du MalPar hasard

Vieille© Éditions Musicales Pouchenel, Bruxelles

C'est pour pouvoir enfin botter les fessesA ces vieillards qui nous ont ditQue nos vingt ans que notre jeunesseÉtaient le plus beau temps de la vieC'est pour pouvoir enfin botter le cœurA ceux qui nous volent nos nuitsCes maladroits qui n'ont que leur ardeurCroulants qui n'ont que leur ennui

C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveilleLe désir ardentDe devenir vieille

C'est pour pouvoir un jour enfin leur direA celles qui me jugent avec fureur" Pauvres grognasses " c'est pour pouvoir vous dire" Je vous pardonne votre laideur "C'est pour pouvoir leur dire à ces matronesQui mille fois m'ont condamnée" Comment voulez-vous que l'on vous pardonneVous qui n'avez même pas péché "

C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveille

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Page 63: BREL Paroles de 137 Chansons

Le désir ardentDe devenir vieilleC'est pour pouvoir au jardin de mon cœurNe soigner que mes souvenirsVienne le temps où femme peut s'attendrirEt ne plus jalouser les fleursC'est pour pouvoir enfin chanter l'amourSur la cithare de la tendresseEt pour qu'enfin on me fasse la courPour d'autres causes que mes fesses

C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveilleLe désir ardentDe devenir vieille

C'est pour pouvoir un jour oser lui direQue je n'ai bu qu'à sa santéQue quand j'ai ri c'était de le voir rireQue j'étais seule quand j'ai pleuréC'est pour pouvoir enfin oser lui direUn soir en filant de la laineQu'en le trompant mais ça oserai-je le direJe me suis bien trompée moi-même

C'est pour cela jeunes gensQu'au fond de moi s'éveilleLe désir ardentDe devenir vieille

Vieillir

Mourir en rougissantSuivant la guerre qu'il faitDu fait des AllemandsA cause des Anglais

Mourir baiseur intègreEntre les seins d'une grosseContre les os d'une maigreDans un cul de basse-fosse

Mourir de frissonnerMourir de se dissoudreDe se racrapoterMourir de se découdre

Ou terminer sa courseLa nuit de ses cent ansVieillard tonitruantSoulevé pas quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"

Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir

Mourir mourir de rireC'est possiblement vraiD'ailleurs la preuve en estQu'ils n'osent plus trop rire

Mourir de faire le pitrePour dérider le désertMourir face au cancerPar arrêt de l'arbitre

Mourir sous le manteauTellement anonymeTellement incognitoQue meurt un synonyme

Ou terminer sa courseLa nuit de ses cent ansVieillard tonitruantSoulevé par quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"

Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir

Mourir couvert d'honneurEt ruisselant d'argentAsphyxié sous les fleursMourir en monument

Mourir au bout d'une blondeLà où rien ne se passeOù le temps nous dépasseOù le lit tombe en tombe

Mourir insignifiantAu fond d'une tisaneEntre un médicamentEt un fruit qui se fane

Ou terminer sa courseLa nuit de ses mille ansVieillard tonitruantSoulevé par quelques femmesCloué à la Grande OurseCracher sa dernière dentEn chantant "Amsterdam"

Mourir cela n'est rienMourir la belle affaireMais vieillir... ô vieillir

Vivre deboutParoles et Musique: Jacques Brel   1962

Voilà que l'on se cacheQuand se lève le ventDe peur qu'il ne nous pousseVers des combats trop rudesVoilà que l'on se cacheDans chaque amour naissantQui nous dit après l'autreJe suis la certitudeVoilà que l'on se cacheQue notre ombre un instantPour mieux fuir l'inquiétudeSoit l'ombre d'un enfant

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Page 64: BREL Paroles de 137 Chansons

L'ombre des habitudesQu'on a plantées en nousQuand nous avions vingt ans

Serait-il impossible de vivre debout

Voilà qu'on s'agenouilleD'être à moitié tombéSous l'incroyable poidsDe nos croix illusoiresVoilà qu'on s'agenouilleEt déjà retombéPour avoir été grandL'espace d'un miroirVoilà qu'on s'agenouilleAlors que notre espoirSe réduit à prierAlors qu'il est trop tardQu'on ne peut plus gagnerA tous ces rendez-vousQue nous avons manqués

Serait-il impossible de vivre debout

Voilà que l'on se couchePour la moindre amourettePour la moindre fleuretteA qui l'on dit toujoursVoilà que l'on se couchePour mieux perdre la têtePour mieux brûler l'ennuiA des reflets d'amourVoilà que l'on se coucheDe l'envie qui s'arrêteDe prolonger le jourPour mieux faire notre courA la mort qui s'apprêtePour être jusqu'au boutNotre propre défaite

Serait-il impossible de vivre debout

VoiciParoles: Jacques Brel. Musique: Jacques Brel, François Rauber   1958

VoiciQu'un ciel penche ses nuagesSur ces chemins d'ItaliePour amoureux sans bagagesVoici

Des coteaux en ribambellesPour enrubanner nos viesDe vins clairs de fleurs nouvellesVoici

Des cloches sonnant la fêteDes fêtes pour que l'on rieDes rires que rien n'arrêteVoici

Des amours en robe blanche

Moitié fleur et moitié fruitQue nous jalousent les angesVoici

Des échos qui font la chaînePur porter à l'infiniNos "toujours" et nos "je t'aime"VoiciDes promesse de Saint-JeanDe Saint-Jean qui durent la vieDes vies qu'épargne le tempsVoici

Certains sourires de nos pèresQue l'on recherche la nuitPour mieux calmer sa colèreVoici

Qu'au carrefour des amitiésLa douleur s'évanouitBroyée par nos mains serréesVoici

Qu'en nos faubourgs délavésDes prêtres en litaniesSont devenus ouvriersVoici

Des mains ridées de courageQui caressent l'établiD'où jaillit la belle ouvrageVoici

Ces fleurs poussant en pagailleEntre nous et l'ennemiPour empêcher la batailleVoici

Voir1958© Éditions Musicales Tutti

Voir la rivière geléeVouloir être un printempsVoir la terre brûléeEt semer en chantantVoir que l'on a vingt ansVouloir les consumerVoir passer un croquantEt tenter de l'aimerVoir une barricadeEt la vouloir défendreVoir périr l'embuscadeEt puis ne pas se rendreVoir le gris des faubourgsVouloir être RenoirVoir l'ennemi de toujoursEt fermer sa mémoire

Voir que l'on va vieillirEt vouloir commencerVoir un amour fleurirEt s'y vouloir brûlerVoir la peur inutileLa laisser aux crapaudsVoir que l'on est fragile

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Page 65: BREL Paroles de 137 Chansons

Et chanter à nouveauVoilà ce que je voisVoilà ce que je veuxDepuis que je te voisDepuis que je te veux

Voir un ami pleurerParoles et Musique: F. Rauber/J.Brel   1977

Bien sûr il y a les guerres d'IrlandeEt les peuplades sans musiqueBien sûr tout ce manque de tendresEt Il n'y a plus d'AmériqueBien sûr l'argent n'a pas d'odeurMais pas d'odeur vous monte au nezBien sûr on marche sur les fleursMais voir un ami pleurer!

Bien sûr il y a nos défaitesEt puis la mort qui est tout au boutNos corps inclinent déjà la têteÉtonnés d'être encore deboutBien sûr les femmes infidèlesEt les oiseaux assassinésBien sûr nos cœurs perdent leurs ailesMais mais voir un ami pleurer!

Bien sûr ces villes épuiséesPar ces enfants de cinquante ansNotre impuissance à les aiderEt nos amours qui ont mal aux dentsBien sûr le temps qui va trop viteCes métro remplis de noyésLa vérité qui nous éviteMais voir un ami pleurer!

Bien sûr nos miroirs sont intègresNi le courage d'être juifsNi l'élégance d'être nègresOn se croit mèche on n'est que suifEt tous ces hommes qui sont nos frèresTellement qu'on n'est plus étonnésQue par amour ils nous lacèrentMais voir un ami pleurer!

ZangraParoles et Musique: Jacques Brel   1962

Je m'appelle Zangra et je suis lieutenantAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera hérosEn attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir les filles en troupeauxMais elles rêvent d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra et déjà capitaineAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera hérosEn attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir la jeune ConsueloMais elle parle d'amour et moi de mes chevaux

Je m'appelle Zangra maintenant commandantAu fort de Belonzio qui domine la plaine

D'où l'ennemi viendra qui me fera hérosEn attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg boire avec don PedroIl boit à mes amours et moi à ses chevaux

Je m'appelle Zangra je suis vieux colonelAu fort de Belonzio qui domine la plaineD'où l'ennemi viendra qui me fera hérosEn attendant ce jour je m'ennuie quelquefoisAlors je vais au bourg voir la veuve de PedroJe parle enfin d'amour mais elle de mes chevaux

Je m'appelle Zangra hier trop vieux généralJ'ai quitté Belonzio qui domine la plaineEt l'ennemi est là je ne serai pas héros

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