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Un cimetière, une paupière et un œil : anticipations du roman 2666 dans l’œuvre de Roberto Bolaño. Publié par ses héritiers à titre posthume, 2666 est sans doute un des romans de l’écrivain chilien Roberto Bolaño où l’idée d’anticipation se manifeste de manière plus singulière. Avant d’analyser le texte proprement dit, signalons que le roman était déjà marqué par l’anticipation bien avant que sa première édition soit publiée lors de la rentrée littéraire espagnole de 2004. En effet, à cette époque, le roman se présentait déjà comme une sorte de texte in-progress, un projet extraordinaire de roman dont la mise en œuvre avait été à plusieurs reprises annoncée lors de divers entretiens. Cependant, cette anticipation détenait aussi des connotations négatives. L’écriture de 2666, dans laquelle Bolaño s’était immergé les dernières années de sa vie, l’obligeait de plus en plus à s’excuser de ne pouvoir participer à aucune autre activité en dehors de l’écriture du roman. Et cela, parce qu’en plus des difficultés inhérentes à l’écriture d’un livre si exigeant et ambitieux, il y avait une difficulté vitale qui deviendrait une triste nouvelle prématurément annoncée, elle aussi. Bolaño, qui essayait de mener son travail à son terme, affirmait ne pas pouvoir se distraire de l’écriture de 2666 car il était atteint d’une grave maladie nécessitant une greffe du foie. Comme on le sait, la greffe ne vint jamais le secourir, et la mort prématurée qu’il redoutait tant s’est finalement produite en juillet 2003. La mort, plus rapide, a mis un point final à 2666 avant sa fin véritable et, en conséquence, il resta à jamais un roman inachevé. Or, si l’on examine le texte, on s’aperçoit que 2666 est aussi un roman où l’anticipation est sous-jacente. Le titre de l’œuvre en est un premier indice. 2666 est un chiffre tout à fait énigmatique. On ne sait pas s’il s’agit d’une année future, d’un chiffre ésotérique (de l’ordre du démoniaque, peut-être ?), d’une série de numéros individuels choisis de manière arbitraire, ou bien des trois choses en même temps. Quoi qu’il en soit, partons du présupposé qu’il s’agit véritablement d’une année future. Si le roman tout entier présente une version imaginaire de l’avenir, comment réfléchir à l’égard de ce futur anticipé et chiffré par Bolaño ? Comment déchiffrer 2666 ? Pour commencer notre analyse, penchons-nous sur une caractéristique très visible de l’œuvre de Robert Bolaño : le renvoi. Chez lui, les textes renvoient en permanence à d’autres antérieurs. Il s’agit d’une œuvre qui se retourne au fur et à mesure qu’elle avance et cela devenant même une condition fondamentale pour avancer. Ce double mouvement fait, en définitive, que pour analyser 2666 on soit conduits à réaliser une lecture en arrière de l’œuvre de Bolaño, une sorte de voyage à rebours afin d’arriver, finalement, à 2666. Posons, donc, une double hypothèse. En premier lieu, 2666 tout entier relèverait d’une inversion de ce qu’on entend habituellement par notion d’anticipation. Le roman s’avèrerait être une œuvre définitive dans la mesure où ce qui nous serait présenté est moins une mise en fiction d’une réalité hypothétique future, que le point de convergence d’une des grandes thématiques anticipées préalablement tout au long de l’œuvre de Bolaño : l’horreur. En deuxième lieu, le point de convergence de cette thématique fait de 2666 un roman qui, après coup et comme si son œuvre effectuait une ellipse étrange ou un mouvement spiralé, anticipe internement cette même thématique dont, paradoxalement, 2666 s’avère être la condensation définitive. L’année 2666 dans Amuleto : un cimetière sous les eaux Le critique espagnol Ignacio Echevarría a été le premier à signaler Amuleto en tant qu’antécédent direct et visible de 2666 (Bolaño, 2666, 1015). Dans la note qui clôt en guise de postface la première édition du roman, il fait référence à un extrait du chapitre 7 d’Amuleto dans lequel nous pouvons lire ce qui suit :

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Un cimetière, une paupière et un œil : anticipations du roman 2666 dans l’œuvre de Roberto Bolaño.

Publié par ses héritiers à titre posthume, 2666 est sans doute un des romans de l’écrivain chilien Roberto Bolaño où l’idée d’anticipation se manifeste de manière plus singulière. Avant d’analyser le texte proprement dit, signalons que le roman était déjà marqué par l’anticipation bien avant que sa première édition soit publiée lors de la rentrée littéraire espagnole de 2004. En effet, à cette époque, le roman se présentait déjà comme une sorte de texte in-progress, un projet extraordinaire de roman dont la mise en œuvre avait été à plusieurs reprises annoncée lors de divers entretiens. Cependant, cette anticipation détenait aussi des connotations négatives. L’écriture de 2666, dans laquelle Bolaño s’était immergé les dernières années de sa vie, l’obligeait de plus en plus à s’excuser de ne pouvoir participer à aucune autre activité en dehors de l’écriture du roman. Et cela, parce qu’en plus des difficultés inhérentes à l’écriture d’un livre si exigeant et ambitieux, il y avait une difficulté vitale qui deviendrait une triste nouvelle prématurément annoncée, elle aussi. Bolaño, qui essayait de mener son travail à son terme, affirmait ne pas pouvoir se distraire de l’écriture de 2666 car il était atteint d’une grave maladie nécessitant une greffe du foie. Comme on le sait, la greffe ne vint jamais le secourir, et la mort prématurée qu’il redoutait tant s’est finalement produite en juillet 2003. La mort, plus rapide, a mis un point final à 2666 avant sa fin véritable et, en conséquence, il resta à jamais un roman inachevé.

Or, si l’on examine le texte, on s’aperçoit que 2666 est aussi un roman où l’anticipation est sous-jacente. Le titre de l’œuvre en est un premier indice. 2666 est un chiffre tout à fait énigmatique. On ne sait pas s’il s’agit d’une année future, d’un chiffre ésotérique (de l’ordre du démoniaque, peut-être ?), d’une série de numéros individuels choisis de manière arbitraire, ou bien des trois choses en même temps. Quoi qu’il en soit, partons du présupposé qu’il s’agit véritablement d’une année future. Si le roman tout entier présente une version imaginaire de l’avenir, comment réfléchir à l’égard de ce futur anticipé et chiffré par Bolaño ? Comment déchiffrer 2666 ?

Pour commencer notre analyse, penchons-nous sur une caractéristique très visible de l’œuvre de Robert Bolaño : le renvoi. Chez lui, les textes renvoient en permanence à d’autres antérieurs. Il s’agit d’une œuvre qui se retourne au fur et à mesure qu’elle avance et cela devenant même une condition fondamentale pour avancer. Ce double mouvement fait, en définitive, que pour analyser 2666 on soit conduits à réaliser une lecture en arrière de l’œuvre de Bolaño, une sorte de voyage à rebours afin d’arriver, finalement, à 2666.

Posons, donc, une double hypothèse. En premier lieu, 2666 tout entier relèverait d’une inversion de ce qu’on entend habituellement par notion d’anticipation. Le roman s’avèrerait être une œuvre définitive dans la mesure où ce qui nous serait présenté est moins une mise en fiction d’une réalité hypothétique future, que le point de convergence d’une des grandes thématiques anticipées préalablement tout au long de l’œuvre de Bolaño : l’horreur. En deuxième lieu, le point de convergence de cette thématique fait de 2666 un roman qui, après coup et comme si son œuvre effectuait une ellipse étrange ou un mouvement spiralé, anticipe internement cette même thématique dont, paradoxalement, 2666 s’avère être la condensation définitive.

L’année 2666 dans Amuleto : un cimetière sous les eaux

Le critique espagnol Ignacio Echevarría a été le premier à signaler Amuleto en tant

qu’antécédent direct et visible de 2666 (Bolaño, 2666, 1015). Dans la note qui clôt en guise de postface la première édition du roman, il fait référence à un extrait du chapitre 7 d’Amuleto dans lequel nous pouvons lire ce qui suit :

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Je les ai suivis: je les ai vus marcher d’un pas léger sur Bucareli jusqu’à Reforma, et ensuite je les ai vus traverser Reforma sans attendre le feu vert, tous les deux avec leurs cheveux longs et en désordre parce qu’à cette heure court sur Reforma le vent nocturne dont la nuit ne veut plus, l’avenue Reforma se transforme en un tuyau transparent, en un poumon cunéiforme où circulent les exhalaisons imaginaires de la ville, et ensuite nous avons commencé à marcher sur l’avenue Guerrero, eux un peu plus lentement qu’avant, et moi un peu plus déprimée, à cette heure-là la Guerrero ayant tout l’allure d’un cimetière, mais pas un cimetière de 1974, ni un cimetière de 1968, ni même un cimetière de 1975, mais un cimetière de l’année 2666, un cimetière oublié sous une paupière morte ou inexistante, les aquosités indifférentes d’un œil qui en voulant oublier quelque chose à fini par tout oublier. (Bolaño, Amuleto 93)

La narratrice d’Amuleto est Auxilio Lacouture, une poète uruguayenne qui s’autoproclame la

mère de la poésie latino-américaine. Le roman tout entier part d’une anecdote mythique et réelle des années 1960 au Mexique — l’uruguayenne, appelée Alcira Soust Scaffo, a existé—, et constitue une prolongation d’un court chapitre du roman de Bolaño Les détectives sauvages de 1998, (Bolaño, Les détectives 267-272). A grands traits, l’anecdote est la suivante : Auxilio Lacouture est la seule personne qui, par hasard, a pu rester à l’intérieur du bâtiment de l’Universidad Autónoma de México (UNAM) lors de l’irruption et la violation de l’autonomie universitaire par l’armée mexicaine, en 1968. Auxilio a pu « résister » car elle se trouvait par hasard « cachée » dans une cabine des toilettes pour dames, où elle lisait un livre de poèmes tandis que les soldats parcouraient l’UNAM en expulsant et en réprimandant les étudiants.

A partir de cet arrière-fond historique, et comme si c’était une représentation poétique de sa résistance, Auxilio imagine une autre histoire politique et littéraire de l’Amérique latine. En s’appuyant sur le souvenir de son enfermement dans les toilettes, elle réussit donc dans un monologue féroce à modifier les « lois » de l’histoire à tel point qu’elle peut anticiper le futur ou modifier le passé historique (ce qui, pour elle, revient au même). Et c’est ainsi que la narratrice d’Amuleto voit l’année 2666. De plus et tel que nous le lisons dans la citation précédente, l’année 2666 est liée à l’image d’un « cimetière » défini comme « oublié » sous une paupière morte ou « inexistante ».

Concernant ce dernier mot, il faudrait faire une observation importante à propos de la traduction française du texte. Dans la première version originelle publiée dans la maison d’édition barcelonaise Anagrama, on ne lit pas « inexistante » mais « nonato »1. Ce mot qui n’a pas de traduction littérale en langue française est certainement plus ambigu que le mot « inexistante ». Selon le dictionnaire de la Real Academia Española, l’adjectif « nonato », du latin non natus, accepte deux définitions. « Nonato » signifierait : 1) « [Dit de quelqu’un] qui n’est pas né naturellement mais qui a été extrait de l’utérus maternel par césarienne ; 2) [Dit d’une chose] qui n’a pas encore eu lieu ou qu’elle n’existe pas encore ». 2 Quelle que soit la définition choisie, l’adjectif « inexistante » est nettement insuffisant. Et cela parce qu’il exclut la dimension temporelle qui donne au mot « nonato » toute sa complexité sémantique. Car d’une part, en acceptant la deuxième définition, le cimetière de 2666 résiderait sous une paupière non pas « inexistante » mais qui n’a pas encore existé. Autrement dit, il est possible que le cimetière oublié sous la paupière existe un jour. Et, donc, il est possible également qu’Auxilio Lacouture imagine de cette manière un certain aspect du futur. D’autre part, et si l’on choisit la première définition, l’inadéquation persiste quoique de manière légèrement différente. La paupière sous laquelle git le cimetière de 2666 existe déjà mais avant. Elle est là prématurément ou bien elle a une existence antérieure à « l’accouchement » proprement dit, peut-être a-t-elle une existence à l’état de fétus, dans un état « amniotique » qui rendrait vraisemblables « les aquosités indifférentes » qui entourent la

1 « […] la Guerrero, a esa hora, se parece sobre todas las cosas a un cementerio, pero no a un cementerio de 1974, ni a un cementerio de 1968, ni a un cementerio de 1975, sino a un cementerio de 2666, un cementerio olvidado debajo de un párpado muerto o nonato, las acuosidades desapasionadas de un ojo que por querer olvidar algo ha terminado por olvidarlo todo”, (Bolaño, Amuleto 77 [version originelle en espagnol]). 2 Notre traduction de la définition du mot « nonato » donnée par le dictionnaire de la Real Academia Española, Cf., http://lema.rae.es/drae/?val=nonato

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paupière « nonata » ou l’œil de l’extrait cité. Et, donc de ce point de vue, la paupière baignée des aquosités matricielles, elle aussi anticiperait le cimetière de 2666.

Or, pour revenir à la question principale : quelle perspective cacherait cette paupière future, ou cet œil « subaquatique » ? Pour saisir sa signification, il faudrait s’attarder sur un autre aspect de ce chapitre 7, où Auxilio Lacouture, la narratrice, rapporte le retour au Mexique du personnage nommé Arturo Belano.

Belano, le personnage principal du roman — conjointement avec la narratrice — est un des alter ego fictionnels les plus importants de Roberto Bolaño tout au long de son œuvre. Dans Amuleto, il expérimente une odyssée malheureuse lorsqu’il quitte le Mexique pour le Chili afin de soutenir le gouvernement d’Allende menacé, à l’époque, par des convulsions politiques. Quelques mois plus tard, il reviendra au Mexique à cause de la chute du gouvernement du président socialiste Salvador Allende. De surcroit, ce retour est l’incarnation de l’échec de l’utopie politique suite au coup d’état sanglant du dictateur Augusto Pinochet. Dans le chapitre 7, donc, la parole de la narratrice se situe dans un après l’échec de l’utopie politique latino-américaine des années 1970. Aussi, l’échec du gouvernement d’Allende aura des conséquences sur le personnage d’Arturo Belano qui, comme nous pouvons le lire, change. En réalité, il semblerait qu’Arturo Belano non seulement change mais se transforme radicalement en quelqu’un d’autre :

Quand Arturo est revenu au Mexique, en janvier 1974, il était différent. Allende était tombé et lui, Arturo, il avait rempli son devoir, c’est ce que m’a raconté sa sœur, Arturito avait fait son devoir et sa conscience, sa terrible conscience de petit macho latino-américain, n’avait en principe rien à se reprocher.3 (61)

Cette transformation de Belano n’obéit pas seulement à la perception extérieure d’Auxilio

Lacouture. Elle se produit surtout au sein de la propre subjectivité du personnage. Et on sait bien que la transformation s’est produite avant même son retour au Mexique. Elle a eu lieu au Chili dans un épisode qui dans l’œuvre de Bolaño renvoie à divers textes précédents et, surtout, au récit « Enquêteurs» du livre Appels Téléphoniques de 1997.

Amuleto dans « Enquêteurs » et vice-versa La trame du récit « Enquêteurs » est relativement simple : Arancibia y Contreras, deux

détectives chiliens dialoguent pendant un voyage en voiture sur une autoroute anonyme, très vraisemblablement au Chili. A un moment donné, Arancibia se souvient d’un camarade de lycée, Arturo Belano, qu’il avait reconnu en 1973 parmi un groupe de prisonniers politiques arrivés par hasard dans un commissariat de police de la ville de Concepción. Ces deux détectives travaillaient là à l’époque du coup d’état de Pinochet. Dans ce souvenir de jeunesse deux moments s’avèrent fondamentaux. Le premier, lorsque les détectives se demandent si en 1973, Belano les a reconnus ou non sur-le-champ. Cette controverse est très énigmatique. Elle occupe une grande partie du trajet en voiture et l’on ne parvient jamais à savoir d’où vient son importance. Un deuxième moment capital du récit complète cette singulière inquiétude des enquêteurs. Toujours au cours du voyage, Contreras raconte que dans le commissariat, les prisonniers politiques avaient un seul miroir. Ils ne pouvaient s’y regarder que lorsqu’ils faisaient la queue pour aller aux toilettes. Or, c’était un miroir dans lequel Belano refusait absolument de voir son image. C’est pourquoi il le contourne scrupuleusement à chaque fois qu’il doit passer aux toilettes, borgesiennement épouvanté —semble-t-il— par la seule possibilité de voir dupliqué son visage. Cependant un jour pris de curiosité ou muni de courage, il ose se mettre debout face au miroir. Et là, ce qu’il y voit le paralyse. Selon le détective Contreras, — le personnage qui raconte l’anecdote — Belano n’a pas pu se reconnaître dans l’image que lui rendait le miroir :

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Il a dit que ça avait été très doux, rien d’étonnant, est-ce que tu me saisis. Il était dans la file qui se dirigeait vers les toilettes et en passant à coté du miroir il s’est tout à coup regardé le visage et il a vu une autre personne. Mais ça lui a pas fait peur, il s’est pas mis à trembler, ça l’a pas rendu hystérique. Au point où on en était, tu me diras, pourquoi devenir hystérique s’il nous avait dans le commissariat. Il fait ce qu’il a à faire dans les toilettes, en pensant à la personne qu’il avait vue, y pensant tout le temps que ça a duré, mais sans y accorder beaucoup d’importance. Et quand ils sont retournés au gymnase de nouveau, il s’est regardé une autre fois dans le miroir et en effet, il m’a dit, c’était pas lui, c’était une autre personne, et alors je lui ai dit qu’est-ce que tu es en train de me raconter, espèce de taré, comment ça une autre personne. […]. Et il me dit : une autre. Et moi je lui dis : explique-moi ce truc. Et lui me dit : une personne différente, c’est tout. (Bolaño, Appels 169, 170) La cohérence entre le récit « Enquêteurs » et le chapitre 7 d’Amuleto est significative.

« Enquêteurs » comble — mais par anticipation — un creux dans l’argument d’Amuleto. Et une fois ce vide rempli ce qui en résulte c’est une image ambiguë de l’horreur. C’est cette même horreur qui, dans Amuleto, attise la curiosité ou la morbidité des amis poètes de Belano lorsqu’ils l’accueillent à son retour au D.F mexicain:

Je veux dire : le gens, ses amis, ont commencé à le regarder comme s’il était quelqu’un d’autre même s’il était le même qu’avant. Je veux dire: tous s’attendaient à ce que, d’une manière ou d’une autre, il ouvre la bouche et nous raconte les dernières nouvelles de l’Horreur, mais il restait silencieux comme si ce que désiraient les autres s’était transformé en un langage incompressible, ou comme s’il s’en fichait. (Bolaño, Amuleto 64)

La citation précédente nous conduit à formuler la question à nouveau: quelles étaient les

dernières nouvelles de l’horreur ? Qu’est-ce que Belano pouvait leur raconter de son expérience au Chili ? Bien sûr, il s’agissait d’une horreur collective qui faisait suite à l’échec du gouvernement socialiste, horreur liée aux enlèvements, persécutions et assassinats d’opposants politiques. Mais, parallèlement et aussi violemment, dans « Enquêteurs » on pouvait noter l’horreur au niveau de la perception ; de la perception du monde et, surtout, de la perception de soi, d’où le rôle si important joué par les souvenirs et le miroir.4 Quoi qu’il en soit, la caractéristique déterminante de cette horreur est qu’elle demeure, d’une certaine manière, insaisissable. Car si Belano ne réponds pas aux questions posées par ses amis, il est possible qu’il ne sache pas trouver les mots pour leur répondre ou que les questions que lui sont posées n’atteignent pas le nœud de l’horreur tel qu’il l’a ressenti. Ainsi, la question posée sur l’horreur reste en suspens, troublante en même temps ouverte et comme menaçante. Et, semble-t-il, elle n’a comme réponse qu’une image — ambiguë, comme toutes les images : celle du cimetière de l’année 2666 sous la paupière « nonata » ou sous l’œil entouré d’aquosités avec laquelle le chapitre se termine.

2666 : Benno von Archimboldi, sous les eaux de l’horreur

C’est sur cette image de l’horreur que 2666 pourrait certainement nous éclairer.

Effectivement, il se peut que dans ce roman se manifeste toute l’ambiguïté du cimetière de 2666 imaginé par Auxilio Lacouture dans Amuleto. Nous aborderons la question plus loin. C’est pourquoi, il convient de s’arrêter à grands traits sur la trame du texte.

Constitué de cinq parties qui admettent des lectures indépendantes, l’histoire principale de 2666 est la recherche du plus formidable et du plus secret des écrivains allemands du XX siècle,

4 Il est clair que Bolaño veut dialoguer ici avec Borges. Si l’Argentin dans son récit « Tlon Uqbar, Orbis, Tertius » compare les miroirs avec la copulation de par leur capacité commune et « abominable » de multiplier les êtres humains (Borges, « Tlön, Uqbar, Orbis Tertius », Œuvres complètes I 452, 453), le nœud de « Enquêteurs » relèverait d’une malédiction différente. L’abominable y demeure sauf que chez Bolaño les miroirs ne multiplient pas seulement les figures humaines mais, en plus, ils les détournent et les rendent méconnaissables. Bref, Bolaño semblerait suggérer que peut-être le côté abominable des miroirs c’est l’inquiétante étrangeté intrinsèque de toute multiplication.

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Benno von Archimboldi. Dans la première partie, « La partie des critiques », Bolaño se place dans la perspective de quatre critiques littéraires spécialistes de l’œuvre d’Archimboldi : une anglaise, Liz Norton ; un espagnol, Manuel Espinoza ; un français, Jean-Claude Pelletier ; et un italien, Piero Morini. Dans les trois parties subséquentes, « La partie d’Amalfitano », « La partie de Fate » et « La partie des crimes » l’action s’éloigne de la recherche de cet auteur imaginaire. En revanche, c’est dans « La partie d’Archimboldi », la dernière, où Bolaño revient à cet auteur en se focalisant sur le récit épique de sa biographie prodigieuse.

Or, malgré l’apparente autonomie de chaque partie, 2666 gravite autour d’une unité très ambiguë quant à sa signification, mais très circonscrite géographiquement. En effet, toutes les lignes narratives et les thématiques centrales du roman débouchent directement ou indirectement dans une ville mexicaine imaginaire : Santa Teresa. Celle-ci d’ailleurs est le double fictionnel de Ciudad Juarez, ville mexicaine frontalière des Etats Unis tristement célèbre par les assassinats massifs de femmes qui y ont eu lieu principalement entre 1993 et milieux des années 2000. Cela dit, le cimetière de 2666 pourrait être cette ville, d’autant que dans « La partie des crimes » Bolaño, avec la froideur d'une équipe médico-légale, fait infatigablement sur plus de 350 pages une description détaillée des corps criblés de balles et des abus auxquels ont été soumises les femmes assassinées.

Il très significatif que ce « cimetière » « situé » à Santa Teresa soit aussi le « centre caché » du roman auquel nous renvoient ses cinq parties. C’est ce que pense, d’après les notes d’écriture de Bolaño, Ignacio Echevarría dans la « Note à la première édition de 2666 », la postface du roman.5 Par ailleurs, ces cinq parties directement ou indirectement nous conduisent à suivre les traces de Benno von Archimboldi qui pour sa part finira sa vie lui aussi à Santa Teresa. Maintenant, c’est l’autre image « anticipée » par Auxilio Lacouture liée à ce cimetière de 2666 — et au roman— qui semble être encore plus significative de la poétique de Bolaño. Nous faisons référence à la paupière « nonata » et à l’œil entouré des aquosités dont parle Bolaño dans le chapitre 7 d’Amuleto.

Cette vision aqueuse anticipe très clairement la perspective de la figure d’auteur définitive de l’œuvre de Bolaño. Benno von Archimboldi, écrivain né en Prusse en 1920 est en effet une figure secrète marquée par l’horreur du XX siècle. A dix-neuf ans, il a été engagé par le Tercer Reich comme soldat et peut-être à cause de cela, une fois la guerre finie et Hitler vaincu, il décide de poursuivre sa vie au long du XX siècle comme un écrivain secret, souterrain aussi puisque dissimulé par un nom de plume (son véritable nom était Hans Reiter). Cette nécessité de renouveau à travers le nom est fondamentale. C’est comme si touché par l’horreur du monde contemporain, il avait eu la nécessité de passer inaperçu dans la profondeur de la pseudonymie. Cependant, la tendance au dérobement dans les profondeurs liquides lui vient d’ailleurs de son enfance. Quand il était très jeune, Archimboldi, qui « n’avait pas l’air d’un enfant mais d’une algue » (Bolaño, 2666 725) n’aimait pas la mer mais le fond de la mer. Et Bolaño écrit à ce sujet :

Il n’aimait pas la terre et encore moins les forêts. Il n’aimait pas non plus la mer ou ce que le commun des mortels appelle la mer, et qui en réalité est seulement la superficie de la mer, les vagues hérissées par le vent qui peu à peu se sont transformées en une métaphore de défaite et de folie. Ce qu’il aimait, c’était le fond de la mer, cette autre terre, pleine de plaines qui n’étaient pas de plaines, de vallées qui n’étaient pas de vallées, et de précipices qui n’étaient pas des précipices. (725) Dans la profondeur de la mer, Benno von Archimboldi aime ouvrir ses yeux à ce monde-

autre, à cette « autre terre ». La métaphore du fond de la mer est étroitement liée, bien

5 « Dans l’une de ses abondantes notes relatives à 2666, Bolaño indique l’existence dans l’œuvre d’un ‘centre caché’, qui se dissimulerait sous ce que l’on peut considérer être son ‘centre physique’, pour le dire d’une certaine manière. Il y a des raisons de penser que ce centre physique est la ville de Santa Teresa, transposition fidèle de Ciudad Juárez […]. Et ce ‘centre caché’, ne serait-il pas justement indiqué par cette date, 2666, qui recouvre comme une protection le roman tout entier ? » (Bolaño, 2666 1015).

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évidemment, au naufrage. En plus, au début du chapitre 8 d’Amuleto, Auxilio Lacouture parle de l’avenue Guerrero du D.F mexicain comme d’un fleuve et, par la suite, d’un fleuve tempétueux :

Alors elle était là, mes chers amis, la mère de la poésie mexicaine avec son couteau dans la poche en train de suivre deux poètes qui n’avaient pas encore vingt et un ans, dans ce fleuve turbulent qu’était et continue d’être l’avenue Guerrero, semblable non pas tant à l’Amazone, pourquoi exagérer, mais plutôt au Grijalva, le fleuve qu’avait en son temps chanté Efraín Huerta (si ma mémoire est bonne), même si le Grijalva nocturne qu’était et continue d’être, l’avenue Guerrero avait perdu depuis des lustres sa condition initiale d’innocence. C’est-à-dire que ce Grijalva qui coulait dans la nuit était, sous tous ces aspects, un fleuve condamné dans le courants duquel flottaient des cadavres ou des cadavres annoncés, des automobiles noires qui apparaissaient, disparaissaient et réapparaissent, les mêmes ou leurs silencieux échos rendus fous, comme si le fleuve de l’enfer était circulaire, ce qui, en y pensant bien, est probablement vrai. (Bolaño, Amuleto 72) Le naufrage est celui des cadavres ou des cadavres « annoncés ». Ces cadavres flottent sur

les flux constants et turbulents des eaux « condamnées ». Dans ces courants d’eaux nocturnes (image, d’ailleurs, anticipant un autre roman ultérieur de Bolaño, Nocturne de Chili, (antérieur à 2666) apparaissent des voitures noires (qui littéralement « referont surface dans « La partie des crimes » de 2666). D’autre part, ce même fleuve est décrit comme « non-innocent » aussi bien que comme un enfer circulaire. Dans 2666 on n’est plus dans le fleuve mais, peut-être, dans son embouchure : la mer. À cet égard, dans son étude Naufrage avec spectateur, Hans Blumenberg affirme que :

Deux présupposés déterminent avant tout la charge de signification de la métaphore du voyage en mer et du naufrage : d’une part, la mer comme limite naturelle de l’espace des entreprises humaines, et, d’autre part, la démonisation de cette même mer en tant que sphère de l’imprévisible, de ce qui n’est pas soumis à une loi, de ce qui trouble l’orientation. La mer, jusque dans l’iconographie chrétienne, est le lieu où se manifeste le mal […]. Dans ce champ de représentations, le naufrage est en quelque sorte la conséquence « légitime » du voyage en mer, le havre atteint sans encombre ou la mer calme et sereine n’étant que l’aspect trompeur de quelque chose de profondément suspect. (Blumenberg 10, 11-13) Au régard de cela, elle est très significative cette attraction du personnage pour le fond de

la mer. Il est fort probable que c’était ce qu’annonçaient le cimetière de 2666, la paupière « nonata » ainsi que cet œil entouré d’aquosités. Autrement dit, ce qu’Amuleto anticipait c’était la perception de cette profondeur du mal, calme mais trompeuse, qui est également le point de vue de von Archimboldi dans 2666. Mais non seulement cela. Il faut remarquer aussi que Benno von Archimboldi est un des personnages les plus anciens de Bolaño. Ou, plutôt : c’est un des derniers qu’il a créé, mais aussi un des plus « vieux » puisqu’il est né en 1920. De ce point de vue, c’est comme si, même étant le « dernier écrivain », il puisse être saisi aussi « le premier ». Et c’est pourquoi il précède toute l’histoire des XX et XXI siècles sur laquelle s’inscrit l’œuvre du Chilien. En conséquence, il peut fonctionner comme archétype fondamental de tous les écrivains fictionnels de Bolaño qui, comme Belano, vont expérimenter les horreurs auxquelles les confrontera le siècle dernier aussi bien que le siècle présent. Ainsi 2666, en tant que point de fuite des toutes les perspectives partiales sur l’horreur présentes dans son œuvre, anticipe, à posteriori, l’importance qu’aura la problématique du mal et de l’horreur dans l’œuvre de Bolaño. Une problématique étrange, voire insaisissable comme un secret que le roman définitif de Bolaño ne nous dévoile pas.

Enrique Schmukler, Université Paris 8 (Vincennes-Saint-Denis)

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Bibliographie :

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