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Blighia sapida en Afrique
1 Origine, distribution, noms vernaculaires
2 Usages traditionnels
3 La composition de l’arille
4 Blighia sapida en Afrique: toujours une épée de Damoclès menaçant
les enfants?
1- Origine, distribution, noms vernaculaires
Blighia sapida Koenig (Sapindales, Sapindaceae) est un arbre originaire des forêts
semi‐décidues d’Afrique de l’ouest (Côte d’Ivoire, Ghana). Il a été introduit par l’homme
dans de nombreuses regions tropicales du monde, en particulier en Amérique et aux
Antilles vers l’ouest, et en Inde vers l’est.
En Afrique de l’ouest, il a été introduit dans les villages et les champs des regions
de savanes au nord de sa zone d’origine, où il est devenu très fréquent. Il est très connu
par exemple chez les Malinkés, qui l’appellent Finzan, d’où est issu le nom qui lui est
parfois donné en français, “Fisanier” (on l’appelle également “figuier finsan”, ou “ris de
veau”, ce dernier nom faisant reference à la forme des arilles du fruit). Son nom dans les
pays anglophones est ackee (ou akee, akee apple ou encore savory akee tree) et provient
de l’ashanti; il a été adopté egalement en Jamaïque et est désormais utilisé au niveau
mondial, y compris par les auteurs francophones.
Blighia sapida a été planté aussi le long d’avenues dans les villes où son feuillage épais
est source d’ombrage et où ses fruits aux brillantes couleurs rouges et jaunes sont très
décoratifs.
C’est un arbre au fût assez peu développé n’atteignant que quelques mètres
seulement lorsqu’il est planté en pleine lumière, mais qui est beaucoup plus majestueux
en forêt, atteignant 10‐15 mètres. Sa floraison, dans ou à proximité de sa région
d’origine, a lieu de janvier à mai, et la fructification de mars à juin. Dans les régions plus
au nord, l’arbre est plus précoce (floraison en novembre‐décembre et fructification‐
maturation en janvier‐mars et une deuxième floraison peut avoir lieu en mai‐juin, suivie
d’une fructification en juillet‐août).
Les fruits, pyriformes, sont des capsules de 5 à 7 cm de long, qui s’ouvrent en
trois valves et contiennent trois graines noires, brillantes et oblongues, entourées, à leur
base, d’un arille cupulaire blanc‐jaunâtre.
Noms vernaculaires en Afrique de l’ouest
Ethnie Nom vernaculaire
Tagwana Kou, kohou, koum
Djimini Kokougo
Baoulé Kaa
Malinké Finzan
Ebrié Atuanbi
Shien Pagwé
Gouro Tia
Attie Baza
Agni Founzan, Foufoué, Baza
Gagou Sen
Koulango Songo
Bété Newgouei
Wobé Goihien
Bobo Finsan
Dioula Finzan
Bambara Finzan
Mooré Finzan
Haoussa Fisa, Gwanja Kousa
Ashanti Achin, akyen, akye
Twi Ankye, akye, fufuo
Fanti twi Takwada
Ga Hatschi, Ayigbeatia
Krobo Kngatscho
Ewe Adza, atsia
Awuna Adza, atsia
Chumbulu Kake
Tschandjo Peso
Kabure Peso
Losso Peso
Kuatchi Keka
Basari Bugpom
Konkomba Bugpob
Fulani Feso
Nupe Ila, ella
Yorouba Ishin, ishin jife, ishin oka
Benin Ukpe, ukpe nofoua, ukpe‐aghaba
Sobo Ukpe rehren
Ibo Okpu
Owerri Okpu ocha
Onitscha Okwocha
Boki Otusi‐shet
Kukuruku Awai
Jekri Abikotor
Ijaw Ilipa
Adja Atjan
Ditamari somba Nufugodom, Moufodom
Kabyé Kposso
Koto kolé Kpezo
Moba Gbeng
Batombu Diremou
Natemba Foulama
Fon Lissètin, Sissitin
2- Usages traditionnels
‐ Alimentation
Seul l’arille des fruits mûrs est consommé. Il est consommé crû, ou bien
incorporé dans une sauce, ou encore frit ou séché. Le risque
d’empoisonnement lié à cette consommation est souvent reconnu, mais
attribué par certaines ethnies, au Nigéria comme au Bénin, à la membrane
amère du poutour de l’arille. La toxicité de l’arille du fruit non mûr semble
peu connue et cette méconnaissance peut expliquer les cas d’intoxications
mortelles massives mis en evidence pour la première fois en Afrique en Côte
d’Ivoire en 1984 (cf. infra).
‐ Fabrication de savon
C’est une pratique ancestrale des femmes d’Afrique de l’Ouest. Les valves
des fruits sont brulées et les cendres mises dans une bassine percée dont les
orifices sont protégés par des tiges de cereales sèches. De l’eau chaude est
versée sur les cendres tout en les malaxant; le liquide qui en sort est ensuite
bouilli pendant une heure jusqu’à obtention d’un précipité sombre; on ajoute
alors du beurre de karité fondu et on laisse au feu 75‐90 minutes en remuant
régulièrement. On obtient alors une pâte de couleur grise, qui constitue le
savon traditionnel qui est vendu sur de nombreux marchés d’Afrique de
l’ouest. Les graines sont parfois utilisées conjointement avec les valves.
‐ Utilisation en pêche
La toxicité des graines et des fruits verts est mise à profit par certaines
peuplades pour capturer des poissons. Les graines et valves pilées sont
déversées dans des cours d’eau où les poissons sont empoisonnés et meurent.
‐ Utilisations fétichistes
Chez les Otamari du Bénin, une sauce contenant des arilles est offerte aux
fétiches durant la cérémonie suivant le décès d’un enfant. Chez les
Bétammaribè, l’écorce séchée est utilisée en encens pour éloigner les mauvais
esprits.
‐ Utilisations médicinales
Toutes les parties de l’arbre sont utilisées en médecine traditionnelle:
feuilles, racine, écorce, graines, capsules. Au Bénin, les principaux symptômes
traités par la décoction de feuilles sont la fièvre et la douleur, par exemple
pour calmer les troubles de dentition des enfants. La plante est aussi utilisée
pour aider à la cicatrisation des blessures (écorce pilée) et calmer les
entorses. Elle est considérée souvent comme un stimulant et tonifiant. En
Côte d’Ivoire elle est recommandée comme diurétique et purgatif en cas
d’oedème généralisé. Au Ghana, le jus des feuilles est utilisé pour soigner les
yeux ou les migraines.
3- La composition de l’arille
Les principaux composants de l’arille sont les lipides, qui en constituent
plus de 40%, un taux d’huile comparable à celui de l’arachide. Les protéines sont
aussi bien représentées avec 20% alors que les glucides sont peu importants,
représentant moins de 10%. L’arille est riche également en vitamine C (acide
ascorbique) et contient diverses autres vitamines et divers minéraux,
principalement du magnesium, du sodium, du calcium et du phosphore.
Cependant l’arille contient, lorsque le fruit n’est pas mûr, un composé
toxique, l’hypoglycine A; c’est un acide aminé n’entrant pas dans la composition
des protéines, formé d’un résidu alanine lié à un groupement methylène
cyclopropane, et dont le nom scientifique est 2‐méthylènecyclopropane‐alanine.
L’hypoglycine A est en quantité très importante (1000 ppm) dans le fruit non
encore ouvert, et sa concentration se réduit avec la maturation, jusqu’à tomber
en‐dessous de 100 ppm dans le fruit mûr. La consommation des arilles de fruits
non mûrs aboutit à une intoxication grave, souvent mortelle chez les enfants.
L’hypoglycine A est en effet à l’origine d’une hypoglycémie sévère, qui évolue en
coma mortel. Une fois ingérée, l’hypoglycine est métabolisée dans le foie en
Méthylènecyclopropyl- Acétyl Coenzyme A. Ce composé perturbe le catabolisme
des acides gras dans les mitochondries, empêchant leur oxydation et la
production d’énergie qui en résulte; l’organisme ne peut plus alors produire
l’énergie dont il a besoin qu’à partir des glucides, dont le catabolisme excessif
conduit à l’hypoglycémie.
La consommation d’arilles de fruits non mûrs est à l’origine de morts
massives d’enfants, qui sont particulièrement sensibles à l’hypoglycémie, mais ce
n’est qu’en 1984 qu’elles ont pour la première fois été découvertes en Afrique.
4- Blighia sapida en Afrique: toujours une épée de Damoclès menaçant les
enfants?
Réduire la mortalité infantile est un des enjeux majeurs de santé publique
dans les pays en voie de développement. L’OMS en a fait un de ses objectifs du
millénaire pour le développement. Outre les maladies infectieuses à l’origine de
la majeure partie des décès, il existe d’autres causes de mortalité moins connues
qui peuvent localement être à l’origine de morts massives d’enfants. C’est le cas
en particulier de l’intoxication par l’arille du fruit de l’ackee, Blighia sapida. Cet
arbre, originaire d’Afrique de l’ouest, a été introduit à la fin du 18e siècle en
Jamaïque, où l’occurrence régulière de « maladies vomitives » mortelles chez les
enfants au 19 e siècle a conduit progressivement à le suspecter et finalement à
montrer qu’il en était bien à l’origine (Scott, 1916). Pourtant, dans sa région
d’origine, la première mention d’intoxication par ce fruit ne date que de 1984, et
fait suite à de nombreux décès d’enfants survenus dans la région de Katiola, au
centre de la Côte d’Ivoire.
C’est le quotidien ivoirien Fraternité‐Matin (le seul quotidien national à
l’époque) qui a révélé cette maladie infantile mortelle. En première page de son
édition du mercredi 30 mai‐jeudi 31 mai 1984, il titrait (fig. 1A): « Katiola. Un mal
mystérieux tue les enfants ». En l’espace de 30 jours plus de 50 enfants étaient
morts dans deux villages. Les enfants atteints appartenaient uniquement à
l’ethnie des Tagouanas, l’ethnie majoritaire dans cette région. Les villageois ont
suspecté le maïs qu’ils consommaient, mais la localisation très réduite des décès
a conduit à rejeter cette hypothèse, car le maïs provenait de grands silos et était
vendu très largement. De nombreux traitements ont été essayé par les médecins
sans succès, en particulier le sulfate d’atropine, antidote contre les insecticides
organo‐phosphorés.
Le mardi 12 juin 1984, le quotidien titrait: « Epidémie de Katiola : le
danger est cerné » (fig. 1B). Il poursuivait : « Dans une déclaration faite vendredi
après‐midi, (…) le ministre de la santé publique a dit qu’il ne s’agissait pas
d’intoxication alimentaire mais d’intoxication qui s’est produite au contact de
produits organo‐phosphorés contenus dans les pesticides utilisés en culture ». Le
ministre, qui indiquait qu’il avait envoyé une équipe de deux médecins sur les
lieux à la suite de l’article publié, poursuivait : « Une chose est sûre : cette région
fait partie des zones couvertes par la CIDT et on sait que des produits sont
utilisés pour le traitement des cultures. » « C’est la thèse de l’intoxication par
organo‐phosphorés qui est la plus vraisemblable. »
La CIDT (Compagnie Ivoirienne pour le Développement des fibres
Textiles) dont parle le ministre est la société d’Etat chargée de l’encadrement des
paysans de la zone des savanes de Côte d’Ivoire (un peu plus de la moitié nord du
pays). Pour protéger les cultures de cotonnier contre leurs nombreux ravageurs,
la CIDT fournissait aux planteurs des produits insecticides en se basant sur les
recommandations de l’institut de recherches local et prenait toutes les
précautions possibles pour réduire les risques d’intoxication (Moyal, 1987).
Le lundi 18 juin 1984, le principal titre de la première page du quotidien
concernait la visite, du vendredi au dimanche, du ministre de la santé à Katiola,
accompagné d’une forte délégation d’experts: « mal mystérieux de Katiola : du
réconfort pour les villages frappés » (fig. 1C). L’auteur indique que « Quatre
anesthésistes‐réanimateurs vont rester sur place une semaine pour continuer les
investigations car les causes de la maladie demeurent toujours inconnues. En
effet après le maïs et les organo‐phosphorés (pesticides ou insecticides) on
soupçonne un fruit local dénommé « koum ». »
Le dernier article concernant cette maladie, paru le jeudi 28 juin 1984,
avait pour titre « Katiola. L’épidémie mystérieuse : le mal vaincu » (fig. 1D). Les
journalistes indiquaient avoir rencontré le lundi 25 juin le médecin‐chef de
l’hôpital de Katiola, qui leur a confié: « Seul le ministre est habilité à vous dire la
cause de la maladie. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que le problème est
cerné. Nous connaissons les mécanismes entrainant la mort : il s’agit d’une
hypoglycémie sévère. Nous avons le traitement indiqué en place. Nous avons
conseillé aux parents de donner du sucre aux enfants en attendant leur
évacuation vers les formations sanitaires. Nous n’avons plus un seul cas à
l’hôpital. Il n’y a plus eu de décès depuis le passage du ministre. » « Il a été
formellement interdit aux populations jusqu’à nouvel avis de consommer le fruit
du Blighia sapida ou « koum ».
A la fin de cet article‐bilan, le journal publie un encart intitulé « Bravo à la
CIDT » (fig. 2A). L’auteur y indique : « C’est finalement la CIDT qui a trouvé la
solution à la « maladie mystérieuse » qui a endeuillé de nombreuses familles.
L’hypothèse du fruit toxique qui a fait l’unanimité a été soumise aux sommités
médicales par M. Moyal, responsable du service protection des végétaux.
(…) Lorsque les insecticides employés par les planteurs encadrés par la CIDT ont
été incriminés, la direction générale de cette société lui a demandé de faire une
enquête pour déterminer si les produits qu’il utilisait pouvaient être à l’origine
des décès. Plusieurs éléments lui ont permis de conclure que les insecticides
utilisés pour le traitement des cotonniers n’étaient pas en cause (…) M. MOYAL
qui a remarqué que les paysans utilisaient le fruit « koum » pour réaliser une
sauce (…) a découvert que(…) l’arille était très toxique quand le fruit était
vert…Dans une note datée du 12 juin adressée au Directeur de l’hôpital à
l’attention des médecins, M. Moyal leur soumet son hypothèse avec trois flacons
de médicaments (c’était les seuls disponibles à Bouaké). (…) Le lendemain matin
trois cas se présentent. Le traitement s’avère efficace. Les analyses de taux de
sucre dans le sang des patients confirment la thèse des toxines hypoglycémiantes
proposée par M. Moyal. Les quantités de sulfate d’atropine envoyées en renfort
seront vite abandonnées au profit des sérums glucosés. La collaboration de la
IDT (mise en cause) a été trop importante pour être ignorée. » C
Jamais en Afrique aucune intoxication massive due à la consommation de
l’arille du fruit de Blighia sapida (koum dans le dialecte Tagouana) (fig. 2B)
n’avait été signalée. Le père des trois premiers enfants qui ont été sauvés a
confirmé le rôle suspecté de Blighia : les trois enfants en avaient consommé la
veille. Une cinquantaine d’enfants malades sont encore parvenus à l’hôpital de
Katiola jusqu’à la fin de la période de fructification de Blighia. Tous ont été
auvés. s
Fig. 1. Titres du journal ivoirien Fraternité‐Matin: A. 30‐31 mai 1984; B. 12 juin 1984; C.
18 juin 1984; D. 28, juin1984.
Fig. 2. A. Texte de l’encart “Bravo à la CIDT”; B. Fruit mûr de Blighia sapida avec l’arille
blanchâtre qui est visible à la base de la graine noire.
J’ai rédigé deux articles afin de diffuser l’expérience acquise en Côte
d’Ivoire qui pouvait être d’une grande utilité aux personnels médicaux des
régions d’Afrique de l’ouest où ce fruit est très consommé (Moyal, 1985 ; 1986).
Je soulignais le risque majeur en année de disette. Les intoxications de Katiola
sont en effet survenues à la suite de la grande sécheresse de l’année 1983 qui
avait détruit la plupart des cultures vivrières. L’hypoglycémie déclenchée par
l’akee est fortement aggravée par la malnutrition. Mais ces deux articles, en
français, et dans des revues modestes, n’ont guère eu d’audience.
Deux autres articles concernant cette « maladie mystérieuse » sont
également parus. Le premier article (Foungbe et al.,1986) avait pour but de
vérifier sur des rats si l’arille de Blighia sapida était bien toxique. Selon les
auteurs, « les nombreux cas d’intoxication de la Jamaïque peuvent s’expliquer par
l’introduction relativement tardive dans la région (fin du XVIIIe siècle) de cette
plante » et ils se demandent « si la maladie émétisante de la Jamaïque peut se
justifier en Côte d’Ivoire ». Ils concluent : «Les arilles de Blighia sapida ont dû
jouer un rôle majeur dans les nombreux décès d’enfants à Katiola. »« Il doit
subsister cependant quelques cas inexpliqués ; c’est pourquoi tous les décès
d’enfants constatés à Katiola ne doivent pas être attribués aux seuls arilles de
Blighia sapida. Certains ont parlé d’intoxications par les pesticides qui sont très
utilisés dans la région sans que toutes les mesures de sécurité aient été prises. »
Cet article révèle que, si comme il est indiqué dans Fraternité‐Matin, il y avait
bien unanimité des médecins de l’hôpital concernant l’origine des décès,
l’incrédulité était grande au niveau des milieux universitaires de la capitale, au
point de vérifier la toxicité de l’arille, et de suggérer, malgré le résultat positif et
le succès du traitement sur le terrain, que les insecticides organo‐phosphorés
pourraient avoir été impliqués.
Le second article (Brun, 1988), une lettre à une revue médicale, est encore
bien plus net à ce sujet : les deux hypothèses sont considérées aussi plausibles
l’une que l’autre. Cette lettre contient en outre plusieurs erreurs importantes.
Ainsi, l’auteur écrit : « In 1979‐82 the major insecticides used for cotton in this
region were synthetic pyrethroids. In 1983 organophosphate pesticides were
introduced by CIDT. Uninformed of the potency of these new insecticides users
may have kept back some of the powder for their own domestic use. » Ces
affirmations sont fausses: non seulement les insecticides organophosphorés ont
été introduit bien avant 1983 et les paysans étaient bien formés, mais La CIDT
n’utilisait pas de poudre insecticide. Le traitement du cotonnier était réalisé par
ULV, avec des produits liquides, prêts à l’emploi, à formulation huileuse peu
hydrosoluble adaptée à ce mode de traitement (Moyal, 1987). L’auteur indique
en outre: « furthermore, in Africa and Jamaica, the consumption of B. sapida has
rarely proved fatal. » Or Les décès dus à Blighia en Jamaïque sont estimés à
environ 5000 de 1886 à 1950 (Bourée et al. ,2002).
Quatorze ans après le cas de la Côte d’Ivoire, une épidémie
d’encéphalopathie fatale a tué 29 enfants dans le sud‐ouest du Burkina‐faso
(Meda et al., 1999). Les symptômes correspondaient à l’intoxication par Blighia
sapida. Après avoir réalisé diverses analyses biologiques, les auteurs concluent
que « consumption of unripe ackee fruit probably caused this epidemic».
Cependant, contrairement au cas de Katiola, les enquêtes épidémiologiques ne
leur ont pas permis de prouver que les enfants aient consommé ce fruit. Comme
en Côte d’Ivoire, cette « épidémie » est survenue après une année de sécheresse.
Les auteurs indiquent la complète ignorance des villageois du risque représenté
par la consommation de fruits non mûrs de Blighia. A la suite de cette découverte
une campagne d’information a été organisée par le ministère de la santé. Cet
article a été suivi d’une lettre en provenance du Bénin, où les auteurs indiquaient
avoir également identifié de nombreux cas de mortalité infantile dans le nord‐
ouest du Bénin, qu’ils ont fini par attribuer à une hypoglycémie lorsqu’ils ont pu
faire l’analyse de sang; après plusieurs années, ils ont relié cette hypoglycémie à
la consommation de fruits de Blighia (Quere et al., 1988). Les cas sont nombreux :
dix à quinze en moyenne chaque année de 1986 à 1991. En 1997, quarante décès
ans un seul village. d
Ces articles sont les seuls à ma connaissance qui font état de cas
d’intoxication attribuée à Blighia en Afrique. Ils révèlent combien les acquits
scientifiques ont eu du mal à diffuser. Il a fallu que chacun des pays voisins
redécouvre par lui‐même, après de nombreuses morts inexpliquées d’enfants,
’effet mortel de cette plante. l
En Afrique de l’ouest, le commerce du fruit de Blighia sapida représente
dans certaines régions une part importante des revenus des villageois, par
exemple 15% au Bénin (Dossou et al., 2004). Ce pays envisage de développer la
culture de Blighia sapida qui est devenu une « High‐priority species for
domestication » (Ekue et al., 2010). Cependant, le danger représenté par la
consommation d’arilles de fruits non mûrs semble encore peu connu. Les
villageois sont souvent conscients du danger mais l’attribuent avant tout à la
membrane qui est au contact de l’arille (Ekué et al., 2004). Dalziel (1937)
signalait déjà, à propos des Yoroubas : « the danger associated with it is
recognised, and is attributed by the people entirely to the fibrous raphe which is
bitter ; it often adheres partly to the seed and should be removed ». C’est aussi
ce que pensaient avant 1984 les Tagwanas de Katiola: Badoual et al. (1972)
indiquent que « les adultes mangent les fruits mûrs de même que les enfants
auxquels on apprend à enlever la pellicule qui enveloppe l’arille, ainsi que le hile
qui contiendrait le poison. » Ceci peut conduire à ce que les arilles de certains
fruits peu ou pas mûrs soient parfois mélangés avec celles de fruits mûrs, sans
que le risque soit perçu dès l’instant où les parties considérées comme toxiques
sont enlevées. Le risque est encore plus élevé pour les enfants qui croient qu’il
suffit d’enlever ces parties considérées toxiques.
Par ailleurs, les producteurs vendent environ 75% des arilles récoltés
(Dossou et al., 2004) et il n’y a aucun moyen pour l’acheteur de connaître leur
maturité. Les enquêtes ont montré que des intoxications mortelles ont lieu
chaque année, mais les décès massifs ont été observés à la suite d’années de
faibles récoltes dues à une grande sécheresse. A Katiola, les villageois nous ont
indiqué que la forte demande de la population a conduit les récoltants à cueillir
des fruits non mûrs qu’ils faisaient ouvrir au soleil, sans que personne ne soit
conscient du risque. La fréquence d’années sèches risque d’être accrue dans le
futur du fait du réchauffement climatique. Le développement de la culture, le peu
de connaissance de l’origine du danger par les villageois et le probable
accroissement de la fréquence de grandes sécheresses constituent un ensemble
de fact es. eurs qui pourraient conduire à de nouvelles intoxications important
A l’occasion du 30eme anniversaire de la « mystérieuse maladie de
Katiola », qui semble être le seul exemple en Afrique où de nombreuses vies
d’enfants ont pu être sauvées lors d’une intoxication collective par l’ackee, il
semble opportun de rappeler que le risque de mortalité infantile due à Blighia est
encore important en Afrique de l’ouest afin d’inciter les organismes nationaux et
internationaux à mieux le faire connaître, aussi bien au niveau des personnels de
santé que des populations productrices et consommatrices.
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