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Blighia sapida en Afrique 1 Origine, distribution, noms vernaculaires 2 Usages traditionnels 3 La composition de l’arille 4 Blighia sapida en Afrique: toujours une épée de Damoclès menaçant les enfants? 1- Origine, distribution, noms vernaculaires Blighia sapida Koenig (Sapindales, Sapindaceae) est un arbre originaire des forêts semi‐décidues d’Afrique de l’ouest (Côte d’Ivoire, Ghana). Il a été introduit par l’homme dans de nombreuses regions tropicales du monde, en particulier en Amérique et aux Antilles vers l’ouest, et en Inde vers l’est. En Afrique de l’ouest, il a été introduit dans les villages et les champs des regions de savanes au nord de sa zone d’origine, où il est devenu très fréquent. Il est très connu

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Blighia sapida en Afrique

1­ Origine, distribution, noms vernaculaires 

2­ Usages traditionnels 

3­ La composition de l’arille 

4­ Blighia sapida en Afrique: toujours une épée de Damoclès menaçant 

les enfants? 

1- Origine, distribution, noms vernaculaires 

Blighia sapida Koenig (Sapindales, Sapindaceae) est un arbre originaire des forêts 

semi‐décidues d’Afrique de l’ouest (Côte d’Ivoire, Ghana). Il a été introduit par l’homme 

dans de nombreuses regions tropicales du monde, en particulier en Amérique et aux 

Antilles vers l’ouest, et en Inde vers l’est.

   En Afrique de l’ouest, il a été introduit dans les villages et les champs des regions 

de savanes au nord de sa zone d’origine, où il est devenu très fréquent. Il est très connu 

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par exemple chez les Malinkés, qui l’appellent Finzan, d’où est issu le nom qui lui est 

parfois donné en français, “Fisanier” (on l’appelle également  “figuier finsan”, ou “ris de 

veau”, ce dernier nom faisant reference à la forme des arilles du fruit). Son nom dans les 

pays anglophones est ackee (ou akee, akee apple ou encore savory akee tree) et provient 

de l’ashanti; il a été adopté egalement en Jamaïque et est désormais utilisé au niveau 

mondial, y compris par les auteurs francophones.

Blighia sapida a été planté aussi le long d’avenues dans les villes où son feuillage épais 

est source d’ombrage et où ses fruits aux brillantes couleurs rouges et jaunes sont très 

décoratifs.

C’est un arbre au fût assez peu développé n’atteignant que quelques mètres 

seulement lorsqu’il est planté en pleine lumière, mais qui est beaucoup plus majestueux 

en forêt, atteignant 10‐15 mètres. Sa floraison, dans ou à proximité de sa région 

d’origine, a lieu de janvier à mai, et la fructification de mars à juin. Dans les régions plus 

au nord, l’arbre est plus précoce (floraison en novembre‐décembre et fructification‐

maturation en janvier‐mars et une deuxième floraison peut avoir lieu en mai‐juin, suivie 

d’une fructification en juillet‐août).

Les fruits, pyriformes, sont des capsules de 5 à 7 cm de long, qui s’ouvrent en 

trois valves et contiennent trois graines noires, brillantes et oblongues, entourées, à leur 

base, d’un arille cupulaire blanc‐jaunâtre.

Noms vernaculaires en Afrique de l’ouest 

Ethnie  Nom vernaculaire 

Tagwana  Kou, kohou, koum 

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Djimini  Kokougo 

Baoulé  Kaa 

Malinké  Finzan 

Ebrié  Atuanbi 

Shien  Pagwé 

Gouro  Tia 

Attie  Baza 

Agni  Founzan, Foufoué, Baza 

Gagou  Sen 

Koulango  Songo 

Bété  Newgouei 

Wobé  Goihien 

Bobo  Finsan 

Dioula  Finzan 

Bambara  Finzan 

Mooré  Finzan 

Haoussa  Fisa, Gwanja Kousa 

Ashanti  Achin, akyen, akye 

Twi  Ankye, akye, fufuo 

Fanti twi  Takwada 

Ga  Hatschi, Ayigbeatia 

Krobo  Kngatscho 

Ewe  Adza, atsia 

Awuna  Adza, atsia 

Chumbulu  Kake 

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Tschandjo  Peso 

Kabure  Peso 

Losso  Peso 

Kuatchi  Keka 

Basari  Bugpom 

Konkomba  Bugpob 

Fulani  Feso 

Nupe  Ila, ella 

Yorouba  Ishin, ishin jife, ishin oka 

Benin  Ukpe, ukpe nofoua, ukpe‐aghaba 

Sobo  Ukpe rehren 

Ibo  Okpu 

Owerri  Okpu ocha 

Onitscha  Okwocha 

Boki  Otusi‐shet 

Kukuruku  Awai 

Jekri  Abikotor 

Ijaw  Ilipa 

Adja  Atjan 

Ditamari somba  Nufugodom, Moufodom 

Kabyé  Kposso 

Koto kolé  Kpezo 

Moba  Gbeng 

Batombu  Diremou 

Natemba  Foulama 

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Fon  Lissètin, Sissitin 

2- Usages traditionnels 

‐  Alimentation 

Seul l’arille des fruits mûrs est consommé. Il est consommé crû, ou bien 

incorporé dans une sauce, ou encore frit ou séché. Le risque 

d’empoisonnement lié à cette consommation est souvent reconnu, mais 

attribué par certaines ethnies, au Nigéria comme au Bénin, à la membrane 

amère du poutour de l’arille. La toxicité de l’arille du fruit non mûr semble 

peu connue et cette méconnaissance peut expliquer les cas d’intoxications 

mortelles massives mis en evidence pour la première fois en Afrique en Côte 

d’Ivoire en 1984 (cf. infra). 

‐  Fabrication de savon 

C’est une pratique ancestrale des femmes d’Afrique de l’Ouest. Les valves 

des fruits sont brulées et les cendres mises dans une bassine percée dont les 

orifices sont protégés par des tiges de cereales sèches. De l’eau chaude est 

versée sur les cendres tout en les malaxant; le liquide qui en sort est ensuite 

bouilli pendant une heure jusqu’à obtention d’un précipité sombre; on ajoute 

alors du beurre de karité fondu et on laisse au feu 75‐90 minutes en remuant 

régulièrement. On obtient alors une pâte de couleur grise, qui constitue le 

savon traditionnel qui est vendu sur de nombreux marchés d’Afrique de 

l’ouest. Les graines sont parfois utilisées conjointement avec les valves.

‐  Utilisation en pêche 

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La toxicité des graines et des fruits verts est mise à profit par certaines 

peuplades pour capturer des poissons. Les graines et valves pilées sont 

déversées dans des cours d’eau où les poissons sont empoisonnés et meurent. 

‐  Utilisations fétichistes 

Chez les Otamari du Bénin, une sauce contenant des arilles est offerte aux 

fétiches durant la cérémonie suivant le décès d’un enfant. Chez les 

Bétammaribè, l’écorce séchée est utilisée en encens pour éloigner les mauvais 

esprits. 

‐  Utilisations médicinales 

Toutes les parties de l’arbre sont utilisées en médecine traditionnelle: 

feuilles, racine, écorce, graines, capsules. Au Bénin, les principaux symptômes 

traités par la décoction de feuilles sont la fièvre et la douleur, par exemple 

pour calmer les troubles de dentition des enfants. La plante est aussi utilisée 

pour aider à la cicatrisation des blessures (écorce pilée) et calmer les 

entorses. Elle est considérée souvent comme un stimulant et tonifiant. En 

Côte d’Ivoire elle est recommandée comme diurétique et purgatif en cas 

d’oedème généralisé. Au Ghana, le jus des feuilles est utilisé pour soigner les 

yeux ou les migraines.

3- La composition de l’arille 

Les principaux composants de l’arille sont les lipides, qui en constituent 

plus de 40%, un taux d’huile comparable à celui de l’arachide. Les protéines sont 

aussi bien représentées avec 20% alors que les glucides sont peu importants, 

représentant moins de 10%. L’arille est riche également en vitamine C (acide 

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ascorbique) et contient diverses autres vitamines et divers minéraux, 

principalement du magnesium, du sodium, du calcium et du phosphore.

Cependant l’arille contient, lorsque le fruit n’est pas mûr, un composé 

toxique, l’hypoglycine A; c’est un acide aminé n’entrant pas dans la composition 

des protéines, formé d’un résidu alanine lié à un groupement methylène 

cyclopropane, et dont le nom scientifique est 2‐méthylènecyclopropane‐alanine. 

L’hypoglycine A est en quantité très importante (1000 ppm) dans le fruit non 

encore ouvert, et sa concentration se réduit avec la maturation, jusqu’à tomber 

en‐dessous de 100 ppm dans le fruit mûr. La consommation des arilles de fruits 

non mûrs aboutit à une intoxication grave, souvent mortelle chez les enfants. 

L’hypoglycine A est en effet à l’origine d’une hypoglycémie sévère, qui évolue en 

coma mortel. Une fois ingérée, l’hypoglycine est métabolisée dans le foie en 

Méthylènecyclopropyl- Acétyl Coenzyme A. Ce composé perturbe le catabolisme 

des acides gras dans les mitochondries, empêchant leur oxydation et la 

production d’énergie qui en résulte; l’organisme ne peut plus alors produire 

l’énergie dont il a besoin qu’à partir des glucides, dont le catabolisme excessif 

conduit à l’hypoglycémie.  

La consommation d’arilles de fruits non mûrs est à l’origine de morts 

massives d’enfants, qui sont particulièrement sensibles à l’hypoglycémie, mais ce 

n’est qu’en 1984 qu’elles ont pour la première fois été découvertes en Afrique.

4- Blighia sapida en Afrique: toujours une épée de Damoclès menaçant les 

enfants?

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Réduire la mortalité infantile est un des enjeux majeurs de santé publique 

dans les pays en voie de développement. L’OMS en a fait un de ses objectifs du 

millénaire pour le développement. Outre les maladies infectieuses à l’origine de 

la majeure partie des décès, il existe d’autres causes de mortalité moins connues 

qui peuvent localement être à l’origine de morts massives d’enfants. C’est le cas 

en particulier de l’intoxication par l’arille du fruit de l’ackee, Blighia sapida. Cet 

arbre, originaire d’Afrique de l’ouest, a été introduit à la fin du 18e siècle en 

Jamaïque, où l’occurrence régulière de « maladies vomitives » mortelles chez les 

enfants au 19 e siècle a conduit progressivement à le suspecter et finalement à 

montrer qu’il en était bien à l’origine (Scott, 1916). Pourtant, dans sa région 

d’origine, la première mention d’intoxication par ce fruit ne date que de 1984, et 

fait suite à de nombreux décès d’enfants survenus dans la région de Katiola, au 

centre de la Côte d’Ivoire.

C’est le quotidien ivoirien Fraternité‐Matin (le seul quotidien national à 

l’époque) qui a révélé cette maladie infantile mortelle. En première page de son 

édition du mercredi 30 mai‐jeudi 31 mai 1984, il titrait (fig. 1A): « Katiola. Un mal 

mystérieux tue les enfants ». En l’espace de 30 jours plus de 50 enfants étaient 

morts dans deux villages. Les enfants atteints appartenaient uniquement à 

l’ethnie des Tagouanas, l’ethnie majoritaire dans cette région. Les villageois ont 

suspecté le maïs qu’ils consommaient, mais la localisation très réduite des décès 

a conduit à rejeter cette hypothèse, car le maïs provenait de grands silos et était 

vendu très largement. De nombreux traitements ont été essayé par les médecins 

sans succès, en particulier le sulfate d’atropine, antidote contre les insecticides 

organo‐phosphorés.

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Le mardi 12 juin 1984, le quotidien titrait: « Epidémie de Katiola : le 

danger est cerné » (fig. 1B). Il poursuivait : « Dans une déclaration faite vendredi 

après‐midi, (…)  le ministre de la santé publique a dit qu’il ne s’agissait pas 

d’intoxication alimentaire mais d’intoxication qui s’est produite au contact de 

produits organo‐phosphorés contenus dans les pesticides utilisés en culture ». Le 

ministre, qui indiquait qu’il avait envoyé une équipe de deux médecins sur les 

lieux à la suite de l’article publié, poursuivait : « Une chose est sûre : cette région 

fait partie des zones couvertes par la CIDT et on sait que des produits sont 

utilisés pour le traitement des cultures. » « C’est la thèse de l’intoxication par 

organo‐phosphorés qui est la plus vraisemblable. » 

La CIDT (Compagnie Ivoirienne pour le Développement des fibres 

Textiles) dont parle le ministre est la société d’Etat chargée de l’encadrement des 

paysans de la zone des savanes de Côte d’Ivoire (un peu plus de la moitié nord du 

pays). Pour protéger les cultures de cotonnier contre leurs nombreux ravageurs, 

la CIDT fournissait aux planteurs des produits insecticides en se basant sur les 

recommandations de l’institut de recherches local et prenait toutes les 

précautions possibles pour réduire les risques d’intoxication (Moyal, 1987).

Le lundi 18 juin 1984, le principal titre de la première page du quotidien 

concernait la visite, du vendredi au dimanche, du ministre de la santé à Katiola, 

accompagné d’une forte délégation d’experts: « mal mystérieux de Katiola : du 

réconfort pour les villages frappés » (fig. 1C). L’auteur indique que « Quatre 

anesthésistes‐réanimateurs vont rester sur place une semaine pour continuer les 

investigations car les causes de la maladie demeurent toujours inconnues. En 

effet après le maïs et les organo‐phosphorés (pesticides ou insecticides) on 

soupçonne un fruit local dénommé « koum ». »  

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Le dernier article concernant cette maladie, paru le jeudi 28 juin 1984, 

avait pour titre « Katiola. L’épidémie mystérieuse : le mal vaincu » (fig. 1D). Les 

journalistes indiquaient avoir rencontré le lundi 25 juin le médecin‐chef de 

l’hôpital de Katiola, qui leur a confié: « Seul le ministre est habilité à vous dire la 

cause de la maladie. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que le problème est 

cerné. Nous connaissons les mécanismes entrainant la mort : il s’agit d’une 

hypoglycémie sévère. Nous avons le traitement indiqué en place. Nous avons 

conseillé aux parents de donner du sucre aux enfants en attendant leur 

évacuation vers les formations sanitaires. Nous n’avons plus un seul cas à 

l’hôpital. Il n’y a plus eu de décès depuis le passage du ministre. » « Il a été 

formellement interdit aux populations jusqu’à nouvel avis de consommer le fruit 

du Blighia sapida ou « koum ».

A la fin de cet article‐bilan, le journal publie un encart intitulé « Bravo à la 

CIDT » (fig. 2A). L’auteur y indique : « C’est finalement la CIDT qui a trouvé la 

solution à la « maladie mystérieuse » qui a endeuillé de nombreuses familles. 

L’hypothèse du fruit toxique qui a fait l’unanimité a été soumise aux sommités 

médicales par M. Moyal, responsable du service protection des végétaux.  

(…) Lorsque les insecticides employés par les planteurs encadrés par la CIDT ont 

été incriminés, la direction générale de cette société lui a demandé de faire une 

enquête pour déterminer si les produits qu’il utilisait pouvaient être à l’origine 

des décès. Plusieurs éléments lui ont permis de conclure que les insecticides 

utilisés pour le traitement des cotonniers n’étaient pas en cause (…) M. MOYAL 

qui a remarqué que les paysans utilisaient le fruit « koum » pour réaliser une 

sauce (…) a découvert que(…) l’arille était très toxique quand le fruit était 

vert…Dans une note datée du 12 juin adressée au Directeur de l’hôpital à 

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l’attention des médecins, M. Moyal leur soumet son hypothèse avec trois flacons 

de médicaments (c’était les seuls disponibles à Bouaké). (…) Le lendemain matin 

trois cas se présentent. Le traitement s’avère efficace. Les analyses de taux de 

sucre dans le sang des patients confirment la thèse des toxines hypoglycémiantes 

proposée par M. Moyal. Les quantités de sulfate d’atropine envoyées en renfort 

seront vite abandonnées au profit des sérums glucosés. La collaboration de la 

IDT (mise en cause) a été trop importante pour être ignorée. » C

 

Jamais en Afrique aucune intoxication massive due à la consommation de 

l’arille du fruit de Blighia sapida (koum dans le dialecte Tagouana) (fig. 2B) 

n’avait été signalée. Le père des trois premiers enfants qui ont été sauvés a 

confirmé le rôle suspecté de Blighia : les trois enfants en avaient consommé la 

veille. Une cinquantaine d’enfants malades sont encore parvenus à l’hôpital de 

Katiola jusqu’à la fin de la période de fructification de Blighia. Tous ont été 

auvés.  s

 

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Fig. 1. Titres du journal ivoirien Fraternité‐Matin: A.  30‐31 mai 1984; B.  12 juin 1984; C. 

18 juin 1984; D.  28, juin1984.

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Fig. 2. A. Texte de l’encart “Bravo à la CIDT”; B. Fruit mûr de Blighia sapida avec l’arille 

blanchâtre qui est visible à la base de la graine noire. 

J’ai rédigé deux articles afin de diffuser l’expérience acquise en Côte 

d’Ivoire qui pouvait être d’une grande utilité aux personnels médicaux des 

régions d’Afrique de l’ouest où ce fruit est très consommé (Moyal, 1985 ; 1986). 

Je soulignais le risque majeur en année de disette. Les intoxications de Katiola 

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sont en effet survenues à la suite de la grande sécheresse de l’année 1983 qui 

avait détruit la plupart des cultures vivrières. L’hypoglycémie déclenchée par 

l’akee est fortement aggravée par la malnutrition. Mais ces deux articles, en 

français, et dans des revues modestes, n’ont guère eu d’audience. 

Deux autres articles concernant cette « maladie mystérieuse » sont 

également parus. Le premier article (Foungbe et al.,1986) avait pour but de 

vérifier sur des rats si l’arille de Blighia sapida était bien toxique. Selon les 

auteurs, « les nombreux cas d’intoxication de la Jamaïque peuvent s’expliquer par 

l’introduction relativement tardive dans la région (fin du XVIIIe siècle) de cette 

plante » et ils se demandent « si la maladie émétisante de la Jamaïque peut se 

justifier en Côte d’Ivoire ». Ils concluent : «Les arilles de Blighia sapida ont dû 

jouer un rôle majeur dans les nombreux décès d’enfants à Katiola. »«  Il doit 

subsister cependant quelques cas inexpliqués ; c’est pourquoi tous les décès 

d’enfants constatés à Katiola ne doivent pas être attribués aux seuls arilles de 

Blighia sapida. Certains ont parlé d’intoxications par les pesticides qui sont très 

utilisés dans la région sans que toutes les mesures de sécurité aient été prises. »  

Cet article révèle que, si comme il est indiqué dans Fraternité‐Matin, il y avait 

bien unanimité des médecins de l’hôpital concernant l’origine des décès, 

l’incrédulité était grande au niveau des milieux universitaires de la capitale, au 

point de vérifier la toxicité de l’arille, et de suggérer, malgré le résultat positif et 

le succès du traitement sur le terrain, que les insecticides organo‐phosphorés 

pourraient avoir été impliqués. 

Le second article (Brun, 1988), une lettre à une revue médicale, est encore 

bien plus net à ce sujet : les deux hypothèses sont considérées aussi plausibles 

l’une que l’autre. Cette lettre contient en outre plusieurs erreurs importantes. 

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Ainsi, l’auteur écrit : « In 1979‐82 the major insecticides used for cotton in this 

region were synthetic pyrethroids. In 1983 organophosphate pesticides were 

introduced by CIDT. Uninformed of the potency of these new insecticides users 

may have kept back some of the powder for their own domestic use. »  Ces 

affirmations sont fausses: non seulement les insecticides organophosphorés ont 

été introduit bien avant 1983 et les paysans étaient bien formés, mais La CIDT 

n’utilisait pas de poudre insecticide. Le traitement du cotonnier était réalisé par 

ULV, avec des produits liquides, prêts à l’emploi, à formulation huileuse peu 

hydrosoluble adaptée à ce mode de traitement (Moyal, 1987). L’auteur indique 

en outre: « furthermore, in Africa and Jamaica, the consumption of B. sapida has 

rarely proved fatal. » Or Les décès dus à Blighia en Jamaïque sont estimés à 

environ 5000 de 1886 à 1950 (Bourée et al. ,2002).

Quatorze ans après le cas de la Côte d’Ivoire, une épidémie 

d’encéphalopathie fatale a tué 29 enfants dans le sud‐ouest du Burkina‐faso 

(Meda et al., 1999). Les symptômes correspondaient à l’intoxication par Blighia 

sapida. Après avoir réalisé diverses analyses biologiques, les auteurs concluent 

que « consumption of unripe ackee fruit probably caused this epidemic». 

Cependant, contrairement au cas de Katiola, les enquêtes épidémiologiques ne 

leur ont pas permis de prouver que les enfants aient consommé ce fruit. Comme 

en Côte d’Ivoire, cette « épidémie » est survenue après une année de sécheresse. 

Les auteurs indiquent la complète ignorance des villageois du risque représenté 

par la consommation de fruits non mûrs de Blighia. A la suite de cette découverte 

une campagne d’information a été organisée par le ministère de la santé. Cet 

article a été suivi d’une lettre en provenance du Bénin, où les auteurs indiquaient 

avoir également identifié de nombreux cas de mortalité infantile dans le nord‐

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ouest du Bénin, qu’ils ont fini par attribuer à une hypoglycémie lorsqu’ils ont pu 

faire l’analyse de sang; après plusieurs années, ils ont relié cette  hypoglycémie à 

la consommation de fruits de Blighia (Quere et al., 1988). Les cas sont nombreux : 

dix à quinze  en moyenne chaque année de 1986 à 1991. En 1997, quarante décès 

ans un seul village. d

 

Ces articles sont les seuls à ma connaissance qui font état de cas 

d’intoxication attribuée à Blighia en Afrique. Ils révèlent combien les acquits 

scientifiques ont eu du mal à diffuser. Il a fallu que chacun des pays voisins 

redécouvre par lui‐même, après de nombreuses morts inexpliquées d’enfants, 

’effet mortel de cette plante. l

 

En Afrique de l’ouest, le commerce du fruit de Blighia sapida représente 

dans certaines régions une part importante des revenus des villageois, par 

exemple  15% au Bénin (Dossou et al., 2004). Ce pays envisage de développer la 

culture de Blighia sapida qui est devenu une « High‐priority species for 

domestication » (Ekue et al., 2010). Cependant, le danger représenté par la 

consommation d’arilles de fruits non mûrs semble encore peu connu. Les 

villageois sont souvent conscients du danger mais l’attribuent avant tout à la 

membrane qui est au contact de l’arille (Ekué et al., 2004). Dalziel (1937) 

signalait déjà, à propos des Yoroubas : « the danger associated with it is 

recognised, and is attributed by the people entirely to the fibrous raphe which is 

bitter ; it often  adheres partly to the seed and should be removed ».  C’est aussi 

ce que pensaient avant 1984 les Tagwanas de Katiola: Badoual et al. (1972) 

indiquent que « les adultes mangent les fruits mûrs de même que les enfants 

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auxquels on apprend à enlever la pellicule qui enveloppe l’arille, ainsi que le hile 

qui contiendrait le poison. »  Ceci peut conduire à ce que les arilles de certains 

fruits peu ou pas mûrs soient parfois mélangés avec celles de fruits mûrs, sans 

que le risque soit perçu dès l’instant où les parties considérées comme toxiques 

sont enlevées. Le risque est encore plus élevé pour les enfants qui croient qu’il 

suffit d’enlever ces parties considérées toxiques. 

Par ailleurs, les producteurs vendent environ 75% des arilles récoltés 

(Dossou et al., 2004) et il n’y a aucun moyen pour l’acheteur de connaître leur 

maturité. Les enquêtes ont montré que des intoxications mortelles ont lieu 

chaque année, mais les décès massifs ont été observés à la suite d’années de 

faibles récoltes dues à une grande sécheresse. A Katiola, les villageois nous ont 

indiqué que la forte demande de la population a conduit les récoltants à cueillir 

des fruits non mûrs qu’ils faisaient ouvrir au soleil, sans que personne ne soit 

conscient du risque. La fréquence d’années sèches risque d’être accrue dans le 

futur du fait du réchauffement climatique. Le développement de la culture, le peu 

de connaissance de l’origine du danger par les villageois et le probable 

accroissement de la fréquence de grandes sécheresses constituent un ensemble 

de fact es. eurs qui pourraient conduire à de nouvelles intoxications important

A l’occasion du 30eme anniversaire de la « mystérieuse maladie de 

Katiola », qui semble être le seul exemple en Afrique où de nombreuses vies 

d’enfants ont pu être sauvées lors d’une intoxication collective par l’ackee, il 

semble opportun de rappeler que le risque de mortalité infantile due à Blighia est 

encore important en Afrique de l’ouest afin d’inciter les organismes nationaux et 

internationaux à mieux le faire connaître, aussi bien au niveau des personnels de 

santé que des populations productrices et consommatrices. 

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distribution écologique et le système agroforestier traditionnel autour de l’ackee 

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