BizWeek No. 56

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L e montant reste inconnu. Le cas, lui, n’a jamais été ébruité à Maurice, malgré le revers subi par l’État mauricien de- vant la Cour de justice du COMESA (Common Market for Eas- tern & Southern Africa) en août 2013. Mais Tariq Sohawon, Managing Direc- tor de Polytol Paints & Adhesive Manu- facturers Co Ltd, est satisfait d’avoir obtenu réparation après l’arrivée au pou- voir du nouveau gouvernement. « On a trouvé un accord à l’amiable avec le gouvernement. Disons qu’on est ar- rivé à un compromis, et le gouvernement nous a remis ce qui nous était dû. Bien sûr, j’espérais plus, mais cette affaire est déjà en- terrée », explique Tariq Sohawon, qui était défendu par Me Razi Daureeawo C’est après les élections générales de l’année dernière, dit-il, que des officiers de la douane, du ministère des Affaires étrangères, l’Attorney General et lui- même se sont rencontrés pour discuter du jugement et de la marche à suivre. « On est satisfait du résultat », ajoute-t-il, sans pour autant dévoiler le montant perçu en dédommagement. Dans le jugement prononcé en août 2013, l’État mauricien était sommé de : « (i) refund the customs duties paid by the Applicant for the period from 1 April 2005 to 20 November 2010 when the du- ties were removed; (ii) to pay interest on the above sum at the prescribed rate ap- plied by the courts in Mauritius from 1 April 2005 until full payment of the re- fund, (iii) to pay 70% of the Applicant’s costs in this Reference. » (Voir hors-texte pour un résumé de cette affaire) Ce qui a maintenant été fait, suite à l’accord trouvé entre le nouveau gou- vernement et la direction de Polytol Paints & Adhesive Manufacturers Co Ltd. Des discussions menées dans le se- cret des dieux. À tel point que le COMESA n’aurait pas encore été averti de l’accord en question. Ainsi, lors d’un atelier de travail pour les médias organisé par la COMESA Competition Commission, du 16 et 17 juillet derniers, en Zambie, le cas de Polytol Paints n’a pas cessé d’être au cen- tre des discussions. Le cas était même L’Etat dédommage POLYTOL PAINTS Maurice conserve sa réputation de bon élève au niveau de lAfrique. Tariq Sohawon, Managing Director de Polytol Paints and Adhesive Manufacturers Co Ltd, qui a traîné lÉtat mauricien jusquen Cour de justice du COMESA, a obtenu réparation de lÉtat. Selon les dirigeants de lorganisation régionale, il sagissait dun ‘land- mark case. Mais alors que le COMESA évoquait la possibilité de sanctions, les autorités mauriciennes et la partie lésée sont parvenues à un accord JUGEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DU COMESA On a trouvé un «accord à l’ami- able avec le gouvernement. Disons qu’on est arrivé à un compromis, et le gouvernement nous a remis ce qui nous était dû. Bien sûr, j’espérais plus, mais cette affaire est déjà enterrée TARIQ SOHAWON, Managing Director de Polytol Paints & Adhesive Manufacturers Co Ltd SAMEDI 01 AOÛT 2015 | BIZWEEK | ÉDITION 56 9 ACTA PUBLICA

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Le montant reste inconnu. Lecas, lui, n’a jamais été ébruitéà Maurice, malgré le reverssubi par l’État mauricien de-vant la Cour de justice du

COMESA (Common Market for Eas-tern & Southern Africa) en août 2013.Mais Tariq Sohawon, Managing Direc-tor de Polytol Paints & Adhesive Manu-facturers Co Ltd, est satisfait d’avoirobtenu réparation après l’arrivée au pou-voir du nouveau gouvernement.« On a trouvé un accord à l’amiable

avec le gouvernement. Disons qu’on est ar-rivé à un compromis, et le gouvernementnous a remis ce qui nous était dû. Bien sûr,j’espérais plus, mais cette affaire est déjà en-terrée », explique Tariq Sohawon, qui

était défendu par Me Razi DaureeawoC’est après les élections générales de

l’année dernière, dit-il, que des officiersde la douane, du ministère des Affairesétrangères, l’Attorney General et lui-même se sont rencontrés pour discuterdu jugement et de la marche à suivre. « On est satisfait du résultat », ajoute-t-il,sans pour autant dévoiler le montantperçu en dédommagement. Dans le jugement prononcé en août

2013, l’État mauricien était sommé de :« (i) refund the customs duties paid by theApplicant for the period from 1 April2005 to 20 November 2010 when the du-ties were removed; (ii) to pay interest onthe above sum at the prescribed rate ap-plied by the courts in Mauritius from 1

April 2005 until full payment of the re-fund, (iii) to pay 70% of the Applicant’scosts in this Reference. » (Voir hors-textepour un résumé de cette affaire)Ce qui a maintenant été fait, suite à

l’accord trouvé entre le nouveau gou-vernement et la direction de PolytolPaints & Adhesive Manufacturers CoLtd. Des discussions menées dans le se-cret des dieux. À tel point que leCOMESA n’aurait pas encore été avertide l’accord en question. Ainsi, lors d’un atelier de travail pour

les médias organisé par la COMESACompetition Commission, du 16 et 17juillet derniers, en Zambie, le cas dePolytol Paints n’a pas cessé d’être au cen-tre des discussions. Le cas était même

L’Etat dédommage POLYTOL PAINTS

Maurice conserve sa réputation de bon élève au niveau de l’Afrique. Tariq Sohawon, Managing Director dePolytol Paints and Adhesive Manufacturers Co Ltd, qui a traîné l’État mauricien jusqu’en Cour de justice duCOMESA, a obtenu réparation de l’État. Selon les dirigeants de l’organisation régionale, il s’agissait d’un ‘land-mark case’. Mais alors que le COMESA évoquait la possibilité de sanctions, les autorités mauriciennes et lapartie lésée sont parvenues à un accord

JUGEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DU COMESA

On a trouvé un«accord à l’ami-able avec le gouvernement.Disons qu’on estarrivé à un compromis, et le gouvernementnous a remis ce quinous était dû. Biensûr, j’espérais plus,mais cette affaireest déjà enterrée

TARIQ SOHAWON, Managing Director de Polytol Paints & Adhesive Manufacturers Co Ltd

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qualifié de « première » dans la région duCOMESA. Les organisateurs, ainsi quele Prof. Samuel Rugege – le Lord Prin-cipal Judge qui a rendu jugement danscette affaire en août 2013, et qui étaitprésent à l’atelier – se posaient encore laquestion de savoir si le gouvernementmauricien dédommagerait PolytolPaints. « The decision delivered by the

COMESA Court of Justice now stands asa precedent; that the country will have topay if individuals are made to suffer », aexpliqué le Prof. Samuel Rugege auxjournalistes presents. De retour à Maurice, nous avons posé

la question à un haut cadre du ministèredes Affaires étrangères, maisbizarrement, ce dernier n’était pas aucourant du dénouement de cette affaire.« Il est malheureux qu’une chose pareille

ait eu lieu. Je crois que l’État mauricien

ira de l’avant avec le dédommagement »,a-t-il affirmé. Selon le haut cadre, l’affaire Polytol

Paints renvoie à un accord bilatéral entredeux pays – l’Egypte et Maurice –lorsque l’Égypte avait rejoint leCOMESA. Le gouvernement égyptienavait alors accepté que Maurice imposeune taxe sur certains produits de ce pays.« Cela devait être une mesure temporaire,une mesure de sauvegarde pendant trois ouquatre ans, à l’époque où Jayen Cuttareeétait ministre des Affaires étrangères »,poursuit-il. Or, même après le départ de ce

dernier, l’accord « temporaire » n’avaitpas été modifié. Selon notre interlocu-teur, des cadres auraient fait savoir auxministres qui sont venus par la suite quel’accord bilatéral n’est pas en conformitéavec les principes du COMESA. « Tout le monde a fait la sourde oreille,

et on a surfé dessus jusqu’à ce quequelqu’un du secteur privé saisisse la Coursuprême à Maurice, et la Cour de justicedu COMESA », explique-t-il. Or, l’ac-cord bilatéral était en flagrante violationde notre engagement auprès duCOMESA, car « au lieu de baisser les ta-rifs, on avait augmenté les tarifs. »Tariq Sohawon est, quant à lui, d’avis

que c’est la Chambre de Commerce etd’Industrie (CCIM), à l’époque oùMahmood Cheeroo en était le secrétairegénéral, qui a fauté en 2001. « La CCIMétait en consultation avec le gouvernement,et les deux sont parvenus à une décisionsans même nous consulter ; alors que nousétions membres de la CCIM », avance-t-il. Ce dernier soutient que la CCIM

stipulait que cette mesure – imposer destarifs sur certains produits égyptiens –devait contribuer à offrir un « competi-tive edge » aux compagnies locales, et

qu’elle était temporaire. Le précédent gouvernement, ajoute

Tariq Sohawon, avait décidé de faireappel du jugement, mais devait par lasuite se rétracter. Les dégâts, cependant,étaient déjà faits, surtout au niveau del’image de Maurice. Les pays africains enont profité, selon le Mana-ging Directorde Polytol Paints, pour nous pointer dudoigt ; Maurice étant d’habitude con-sidéré comme le bon élève de l’Afrique,et en avance sur ses concurrents de la ré-gion du COMESA. « Nous sommes la première entreprise à

trainer le gouvernement devant la justicesur une toile de fond commerciale. J’ai faitau total quatre déplacements pour loger lecas, assister aux deux manches des discus-sions, et prendre connaissance du juge-ment. Ça a pris beaucoup de mon temps »,conclut Tariq Sohawon.

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Polytol Paints, la défense du gouvernement et les attentes du COMESA

L’affaire Polytol Paints, un reverspour le gouvernement mauricien, acréé un précédent. Tariq Sohawon,Managing Director de Polytol Paints,est ainsi d’avis que l’État mauricien n’apas souhaité ébruiter l’affaire parce qued’autres compagnies ont égalementsouffert, à l’époque, de l’accord bi-latéral Maurice-Égypte, et cela pour-rait leur donner des idées. Quant à unhaut cadre du ministère des Affairesétrangères, il estime que cette affaire adonné l’occasion aux pays d’Afrique de« brosser la tête » de Maurice ». Afin demieux cerner cette affaire, BIZweek re-produit les grandes lignes de ce juge-ment historique, ainsi que lescommentaires du Prof. Samuel Rugegelors d’un atelier de travail pour les jour-nalistes, tenu en Zambie, les 16 et 17juillet derniers

• On 29 October 2000, the COMESACouncil of Ministers issued a legal no-tice requiring Member States to issuelegal or statutory instruments by 31October 2000 to put into effect theelimination of customs duties andother charges required by Article 46.

• In compliance with Article 46 of theTreaty, on 1 November 2000 the Re-public of Mauritius eliminated cus-toms duties on products originating inMember States of COMESA. How-ever, on 16 November 2001, the Re-public of Mauritius amended theCustoms Tariff Regulation of 2000 tointroduce a 40% customs duty on spe-cific products imported from the Re-public of Egypt, including Kapci paintproducts. The Applicant (Ndlr: PolytolPaints) claimed that same or like

products from Member States otherthan Egypt were not subject to customsduties by the Republic of Mauritius.

• The Applicant challenged the reintro-duction of the levy of customs dutyprincipally on the basis that imposi-tion of duty on Kapci products was inviolation of the provisions of theTreaty. In its letter dated 25 August2005 to the Ministry of Finance, Poly-tol urged the authorities to remove theduty in order to comply with Article 46of the COMESA Treaty. Similar letterswere addressed to the Ministry of Fi-nance on 2 February and 13 February2006. A reminder was sent to theMinistry on 26 May 2006. However,no response was forthcoming.

• In April 2008 Polytol sought a remedybefore the national courts for allegedinfringement of the Treaty and broughtan action before the Supreme Court of

Mauritius […] On 15 April 2009,the Supreme Court delivered its deci-sion and said: “This Court can onlyconsider the validity of the regulationsagainst the backdrop of the CustomsTariff Act and our Constitution. In theabsence of any such legislation to thateffect, non-fulfillment by Mauritius ofits obligations, if any, under theCOMESA Treaty is not enforceable bythe national courts.”

• Mauritius reduced the rate of duty onthe Kapci products from 40% to 30%in 2006, and to 15% in mid-2008.On 20 November 2010, the duty onKapci products in issue was finally re-moved altogether by the Customs Ta-riff (Amendment Schedule (No.2)Regulations 2010). However, Polytolwas not satisfied with the mere removalof duties but sought to recover refundof the duties which it claimed had beenunfairly and unlawfully levied.

L’affaire a été par la suite référée à laCour de justice du COMESA. Celle-ci a déterminé que Polytol Paints avaitun locus standi et a réservé son juge-ment, qui sera prononcé en août 2013.Le Lord Principal Judge SamuelRugege – désormais à la retraite – quenous avons rencontré en Zambie, asoulevé les points suivants :

• Polytol Paints was made to pay cus-toms duties contrary to the provisionsof the Treaty and legal instruments ofCOMESA.

• The domestic Court failed to givePolytol Paints remedy saying it did nothave power to apply the provisions ofthe Treaty.

• It was disputed by Mauritius that in-dividuals had no right to dispute theprovisions between Member States,that the duties between Egypt andMauritius were a “sovereign act” andcould not be discussed.

• This decision stands as a precedent,and shows that the country will haveto pay if individuals are made to suf-fer.

• The National Courts can considermatters relating to COMESA. Theycan interpret and apply the Treaty. Butif on the same matter there’s a decisionof the Court of Justice of COMESA,then the decision of the COMESACourt is superior to the decision of theNational Court.

• The Mauritian government shouldnot refuse to pay Polytol Paints, but wecannot enforce it. Once the decision ismade, the Applicant can bring for-ward the case to the Enforcement com-mittee. The domestic jurisdictionought to enforce the judgment since itis provided by the Treaty.

• Mauritius ought to be made to pay. Itcould otherwise cause an incident be-tween Mauritius and the COMESAAuthority. The Authority could takeactions and sanctions against thecountry, for example, suspend thecountry from COMESA.

• I would not say the Mauritius Courtwas necessarily wrong. The one whowas wrong was the State because it didnot domesticate the COMESA Treaty.The Member States have the obliga-tion to ensure COMESA institutionswork, and for that they have to inte-grate COMESA principles or theTreaty in their national laws.

Prof. SamuelRugege