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    ELOGE DE JORIS KARL HUYSMANS, PRO-NONCE A BRUXELLES LE 28 MAI 1907.

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    JORIS KARLHUYSMANSPAR LE REVERENDPERE DOM BESSE

    A L'ART CATHOLIQUE6 PLACE ST-SULPICEPARIS

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    L y a quinze jours, on remarquaitau 3 J de la rue Saint-Placide , Paris, un va-et-vient inaccoutu-m Des hommes de lettres, despersonnes du monde, des prtres,des religieux gravissent l'escalier etmontent au cinquime tage* Jevous invite les suivre Vous

    pntrez dans un appartement qui a, ds le vestibule,l'aspect grave de la demeure d'un homme laborieuxLa porte, qui s'ouvre, vous met en face d'une biblio-thque La salle manger dans laquelle vous entrez,sur la droite, a les murailles tapisses de volumes,rangs avec un ordre parfait L'tat de leur reliuretmoigne du respect dont leur matre les entoureCe sont des amis qu'il consulte frquemment Vous yvoyez ses crivains prfrs La littrature, qui y estlargement reprsente, n'est pas la partie la plus richeLes crivains asctiques et mystiques abondent Il y ades collections historiques et archologiques, capablesd'exciter l'envie des rudits eux-mmes Les livres rares,que recherche le bibliophile, ne sont pas absents Cettebibliothque vous fait dj connatre celui qui a vcu ettravaill dans cet appartement

    Voulez-vous faire avec lui connaissance plus intime ?Examinez les objets d'art suspendus aux surfaces queleur abandonnent les livres Ce ne sont partout quedbris du moyen-ge Ici, une vierge en bois ; l, unencensoir de cuivre, noirci par le temps et la fume ; ct, un Saint-Denys, en pierre, qui porte sa tte dans

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    les mains , puis, des reliquaires , un crucifix; on diraitun muse form par un collectionneur mdiviste Cesbibelots ne sont pas des ornements vulgaires Celui quiles a runis les traite comme les souvenirs pieux d'unepoque et d'une patrie aime* C'est un homme dumoyen ge, gar en nos tempsLe coin de Paris, qui se droule, devant sa fentre,par-dessus les toits et travers les chemines, lui montre l'horizon la poivrire du clocher de Saint-Germain Ilen vient mille voix du pass Les grosses tours de Saint-Sulpice, malgr leur lourdeur ancien rgime, ne luidplaisent pas* Les maisons entasses les unes sur lesautres ne sauraient empcher les souvenirs des grandsvnements religieux, accomplis sur le sol qu'ellesrecouvrent, d'arriver jusqu' son esprit* Cet hommecommuniait l'me des sicles qui ne sont plus*Avec quel cur il rendait les vibrations de cette mevnre? Les murs de cette salle vous le diraient, siDieu leur donnait une langue pour se faire l'cho despropos entendus* Les amis, qui prenaient part sonrepas frugal, en garderont le souvenir longtemps* Lesrunions du dimanche soir avaient un charme inex-primable* On y rencontrait Lucien Descaves, qui eutpour le matre une si affectueuse vnration, l'abbMugnier, Forain, si ptillant de verve et d'esprit, JulesBois, le bon Landry et le fidle Girard* Parfois un amiseul tait ct du matre et dans des entretiens intimes,qu'il tait heureux de prolonger, le soir, il livrait lemeilleur de son me* C'tait un cho charmant et simplede ses lectures et de ses rflexions*

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    Tout cela, hlas I est fini* Le cabinet de travail nerecevra plus le merveilleux artiste Nous ne le verronsplus assis sur sa chaise devant sa table* Il ne lira plus ;il n'crira plus. Sa main n'ira plus chercher les volumesde la bibliothque* Les livres rcemment parus* les prio-diques et les journaux l'attendront en vain, accumulsauprs de son sige* Le canap vert et les quelques fau-teuils resteront inoccups* Les amis ne viendront plus s'yasseoir pour causer avec le matre*La chambre o il prenait chaque nuit son repos et oil a tant souffert garde sa dpouille mortelle* Elle est l*sur son lit* rduite presque rien par des mois de torture*Vous voyez son crne couvert d'une peau jaunie * enfoncsous les plis d'un capuchon* Une tunique et un scapulairede moine enveloppent son corps* Il a sur la poitrine uncrucifix et des reliques; les images du vieux temps* qu'ilprfrait* sont autour de lui* Il apparat dans la mort cequ'il fut pendant les dernires annes de sa vie* le moinelac* l'oblat de Saint-Benot* La chambre a cet air desanctuaire du moyen ge qu'il aimait lui donner*

    Joris Karl Huysmans* oblat de Saint-Benot* reposepour toujours* Demain* une foule recueillie va le conduireau cimetire Montparnasse* o il attendra la rsurrectiondes corps* Elle se compose d'hommes appartenant toutes les classes* Ce cortge funbre ne ressemble enrien celui des crivains qui ont eu quelque clbrit*C'est l'glise de Notre-Dame des Champs que ladiffrence s'affirme* Si l'on excepte certaines personnesamenes par les convenances ou la curiosit* tous lesassistants savent prier et ils prient pour celui qu'ils

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    accompagnent au tombeau Leur prire a un accent degratitude qui doit toucher le cur de Dieu* Parmi ceshommes et ces femmes , ces prtres et ces religieux , iln'en est gure qui Huysmans n'ait, un jour ou l'autre,fait du bien* Que de curs, opprims par la souffrancemorale ou physique, ont trouv dans la lecture de seslivres, avec le secret providentiel de la douleur, la forcede porter courageusement la croix* Qui donc n'a pas eubesoin de recevoir cette leon ? Qui l'a reue n'oubliejamais celui par qui Dieu l'a donne*On constate, en assistant ce service funbre, lagrandeur et l'utilit de l'uvre dernire de Huysmans*

    C'est une uvre profondment religieuse*Lorsque vous dsirez vous rendre compte des

    ides religieuses et des sentiments d'un crivain, vouscherchez d'instinct les sources auxquelles il les a puissC'est le moyen le plus simple et le plus sr* Cessources sont d'ordinaire places pour lui dans l'intelli-gence et dans le cur de quelques prtres* C'est, eneffet, aux prtres que les laques vont demander lapense chrtienne* Ils ont, dans l'Eglise, mission de laleur fournir* Ce sont les matres es science de la religion*Huysmans se conforma cette disposition de la Provi-dence* Quiconque voudra se faire une ide complte deson uvre devra chercher connatre les hommesd'Eglise qu'il frquenta; il saura par l mme l'colereligieuse dont il fut, j'allais dire le disciple, mais c'estun terme qui ne saurait lui convenir* Il entra en pleinecommunion d'esprit avec ceux qu'il rencontra sur sonchemin et dont il sut faire les meilleurs de ses amis et

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    compris Certains passages ont pu paratre assez oss*Un ecclsiastique , suprieur d'un collge, lui en fit unjour la remarque J'hsiterais peut-tre aujourd'hui les crire, lui rpondit l'auteur avec sa franchise habi-tuelle Mais il faut l'avouer, il serait fcheux de les fairedisparatre Ils tmoignent de la vrit du livre C'estparce qu'il est vrai qu'il a sur les esprits une porte reli-gieuse Huysmans avait raison L'exprience en a tfaite

    Mais revenons lui* Les scnes dcrites dans En routeont eu pour thtre l'abbaye cistercienne d'Igny Il ytrouva t au milieu de moines austres , un saint prtre,qui l'aida laver son me de la fange du pch Ce futun travail difficile Mais, quand tout fut achev, il eutle cur en paix pour toujours Il se sentit l'ami de Dieu

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    Qui donc lui avait indiqu cet hpital des mes pche-resses ? Vous ne vous en douteriez gure ; ce fut unmauvais prtre, dont il fit la connaissance l'poque oil s'occupait de satanisme Ce misrable habitait la villede Lyon, o le Seigneur se plat conserver, comme enun muse, un spcimen de toutes les hrsies qui, aucours des sicles, ont pu sourdre de l'orgueil humain Ilavait expriment lui-mme toutes les horreurs du sata-nisme On trouvait dans sa vie des faits tels que ceuxraconts par les tmoins de certains procs de magie aumoyen ge Quelques dossiers des archives de la Bastillegardent les preuves d'ignominies semblables L'abb Bse rattachait la secte de Michel Ventras Entre autresmanies sacrilges, il avait celle de confrer un sacerdoceridicule des femmes, qui le prenaient au srieux Il

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    eut la pense de rentrer en grce avec le CieL Romeexigea, de lui la confession crite de tous ses mfaitsHuysmans en possdait une copie Dautres documentslui vinrent de ce malheureux et servirent la rdactionde L-Bas* N'allez point croire que Huysmans se soitpersonnellement associ ces odieux mystres de l'occul-tisme , dont il a voqu les scnes avec une forcesaisissante Le satanisme piqua sa curiosit Mais ce futpour peu de temps* Il l'tudia juste assez pour seconvaincre de l'existence d'esprits suprieurs l'homme*Cette conviction l'achemina vers la pense de Dieu etmarqua la premire tape de sa conversion* L'ecclsias-tique dvoy* dont vous me permettrez de taire le nom*bien qu'il soit mort depuis quelques annes respectacette orientation nouvelle de son intelligence et ne fut pastranger son ide de retraite la Trappe* Certains traitsde l'abb Gvresin peuvent s'appliquer lui* Il n'a rientoutefois de la physionomie de ce personnage* L'artistes'est inspir d'un vnrable vieillard * qu'il voyait tousles jours se rendre Saint-Sulpice pour clbrer la messe*Huysmans profita en ces circonstances de la directionprudente de Monsieur l'abb Mugnier ; l'influence de ceprtre distingu fut dcisive sur son esprit C'est elle quidtermina le voyage la Trappe* On ne peut sparerson nom de la conversion de Huysmans* Il eut peu d'amisaussi dvous* L'abb comme il aimait dire* le mit aucourant de bien des choses* Personne ne s'est employavec autant de zle dissiper les prventions que l'auteurd'En Route eut supporter* Mais son vrai soutien* onpourrait mme dire* son pre spirituel* fut M* l'abb

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    Ferret, vicaire de Saint-Sulpice* Citait un prtre toutcourt, dvou corps et me Dieu et son ministre*N'ayant point de dogmes en littrature , il ne fut gnavec son pnitent par aucun prjug On ne sauraitimaginer les dlicatesses et la profondeur de son affection*Huysmans, qui le connut aprs son retour de la Trapped'Igny, lui dut beaucoup Il aida le converti dans sespremires relations avec Dieu et sut lui communiquer lapit confiante et simple , qui fut la sienne Huysmans,qui dans l'intimit avait la simplicit et la candeur d'unenfant, avait besoin d'un prtre de cette trempe* Commeil l'aima ! Son souvenir ne le quitta plus* Dans les der-niers jours de sa vie, parlant d'un prtre dont le dvoue-ment sacerdotal lui faisait grand bien, c'est un autreabb Ferret , disait-il

    L'abb Ferret montra tout ce qu'il avait au cur dedvouement et de bont, pendant la tempte de souponsinjurieux qui suivit la publication !En Rouie* Huysmanss'attendait tout* Il eut cependant des journes pnibles traverser* Les critiques ne le troublaient pas trop* Ilsavait mme apprcier le talent de ceux qui l'attaquaientavec esprit et comptence* Les grognements des phari-siens le laissaient calme* Mais les insinuations perfidesdes hommes qui, sans le connatre* le prsentaient aupublic comme un marchand de littrature* se faisant unerclame de la religion, lui causaient une peine profonde*Quelques-uns des ntres, j'ai honte de le rappeler,poussrent la sottise jusqu' le comparer LoTaxil* Les ennemis de l'Eglise ne s'y trompaientpas, eux* On savait quoi s'en tenir au ministre de

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    l'Intrieur, o il remplissait les fonctions de sous-chef debureauAh I si Huysmans et t un charlatan de la plume,qui nous et flatts en caricaturant tort et travers

    sans esprit et sans art nos adversaires, son tirage et tnorme S'il avait eu le temprament du prdicateur,hant par le dsir de verser sur les crnes des vrits duhaut d'une chaire, s'il et aspir au rle d'un RvrendPre laque, on ne lui aurait mnag ni les applaudis-sements ni les succs*U s'est content de la mission modeste de l'crivain,qui vit de toutes ses forces une vrit et la rayonne

    autour de lui par les moyens en son pouvoir Flatter lelecteur pour l'allcher n'est jamais entr dans ses vues*Il a prfr servir aux catholiques, ses frres, des vritspres; il l'a fait avec talent* Mais le talent n'assaisonnepas le vrai de manire ce qu'il satisfasse tous les gots.En somme, les catholiques se montrrent, en trs grandnombre du moins, peu accueillants pour le nouveauconverti* Ces dfiances devaient tt ou tard rendre sasincrit un tmoignage clatant* Elles n'en furent pasmoins pnibles au dbut* L'atmosphre, qu'elles craientautour de l'crivain, devenait parfois insupportable*L'abb Ferret escaladait alors le cinquime du 1 1 de larue de Svres et, par son amiti si franche et ses senti-ments si chrtiens, il rendait quelque courage celui quilui livrait son me* Il eut renouveler frquemment ceservice de charit clairvoyante*Le prtre eut, lui aussi, ses heures de doute* Cessoupons seraient-ils fonds, par hasard ? Si j'tais

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    moi-mme victime d'une illusion ? II se tournait alorsvers Dieu et lui demandait de l'clairer* Le Ciel exauasa prire Un inconnu se prsenta son confessionnalun jour o ces inquitudes l'agitaient plus que de coutumeLe pnitent vida sa conscience; ce fut une oprationlongue et pnible; il avait depuis longtemps et pourcause, perdu l'habitude de se confesser* Le nettoyagefini* le prtre chercha discerner les circonstances danslesquelles s'tait effectu ce retour Dieu* La lectured'En Route m'a profondment remu* dclara le pnitent;tel est le point de dpart de ma conversion* Un aveusemblable* fait par un autre pcheur repentant* dissipapour toujours les scrupules de l'abb Ferret* Huysmans*qui en fut averti trouva dans cette double constatationla force de supporter chrtiennement l'preuve que Dieului mnageait*

    Ses conversions opres par la lecture !En Route nese firent pas attendre* Elles furent mme assez nom-breuses* Dieu eut la malice il me permettra bien delui prter ce sentiment de l'humaine nature* de lesfaire enregistrer par des hommes prvenus contre l'au-teur* Un vnrable prtre qui se lamentait sur l'im-prudence des Bndictins* assez oss pour accepterHuysmans autour de leur abbaye de Ligug* faisaitpart de ses craintes un religieux de ce monastre*Celui-ci savait quoi s'en tenir* On nous remercieraun jour* rpliqua-t-il* de ce que nous faisons pour cetcrivain* Pour appuyer ces prvisions* il parla du bienfait par la lecture de ses ouvrages* Son interlocuteuravait eu lui-mme le constater* Chose dconcertante

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    pour lui ! les passages qui lui rpugnaient le plus taientjuste ceux qui produisaient dans les mes l'impression laplus heureuse Le temps du reste s'est charg de dis-siper ses prventions Il est devenu un ami et un admi-rateur de celui qu'il ne connaissait pas encore* Combiend'autres ont volu de la mme manire et pour lesmmes raisons ? La sincrit d'un crivain finit toujourspar s'imposer*

    Je reviens l'abb Ferret* Huysmans ne le conservapas longtemps* Il dut rentrer en Bourgogne au sein desa famille; un mal impitoyable le minait* Son pnitenteut pour lui dans ces circonstances douloureuses ledvouement et la tendresse d'un fils* Il alla le voir* ille soigna* il rclama pour lui des prires de tous cts tet* quand la mort eut fait son uvre* il lui continua sonsouvenir et ses oraisons* Les lettres* dans lesquelles ilfait part d'autres de sa douleur filiale font le plusgrand honneur la noblesse de ses sentiments*

    C'est au milieu des Trappistes d'Igny que Huysmansfit sa retraite de conversion* Il ne passa pas dans leurmaison comme un tranger* Les Pres qu'il aborda*le Pre abb surtout* Mgr Marre aujourd'hui suprieurgnral de l'ordre de Citeaux* eurent pour lui un atta-chement inaltrable* Il les traita de son ct en amis* Unhte de l'abbaye dont les conversations lui furent dequelque profit* M* Rivire ne lui fournit pas seulementle type de l'un des personnages les plus sympathiques9En Route ; il y eut entre eux des relations d'une cor-dialit fraternelle* L'oblat d'Igny put* malgr son ge*accompagner jusqu'au cimetire l'oblat de Ligug*

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    cistercienne ne quitta gure sa mmoire et son cur , aprsson retour Paris, et lui laissait entrevoir un autre idalde vie t dont son temprament physique et moral s'accom-moderait mieux Il en eut la sensation trs forte dans lachapelle des Bndictines de la rue Monsieur , pendantcette crmonie de profession dont un chapitre d'EnRoute conserve le tableau saisissant de vrit et de pitSa situation personnelle ne lui laissait pas le moyen dele suivre de plus prs* Il lui fallait vivre d'abord , et pourcela continuer son travail journalier au ministre del'Intrieur, en attendant la retraite Il put nanmoinsmener Paris, sous la conduite affectueuse et prudentede M* Ferret, une existence chrtienne, communiersouvent, assister aux offices La frquentation de cer-taines glises et l'assistance aux crmonies ne furentpas sans le heurter* Vous avez d retrouver en plusd'une page d'En Route et de la Cathdrale l'impressiontoute frache de ces chocs* Cela lui valut, avec des cri-tiques amres et d'inusables dfiances, beaucoup desympathie* Il n'tait pas seul ptir de quelques mani-festations troites d'une pit, qui ne cherche plus dansla liturgie traditionnelle le moyen de se satisfaire* Ceuxqui se disaient eux-mmes ou murmuraient doucement l'oreille d'un ami les sentiments rendus par Huysmans,se trouvrent, en le lisant, soulags d'un gros poids* Ilsdevinrent pour lui des lecteurs fidles et dvous*Certains offices en plain-chant de la paroisse Saint-Sulpice, des plerinages des statues abandonnes de laVierge, des visites aux sanctuaires du moyen ge garsdans les vieux quartiers de Paris, l'assistance une

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    crmonie dans la chapelle de pauvres religieuses , lalecture de nos meilleurs crivains mystiques et l'tudedes monuments de notre grand art du xme sicle ou desuvres des primitifs lui faisaient oublier les amertumesdu dvotionisme et du rationalisme , dont s'accommodetrop souvent une pit mal claire ou mal conduite Iln'aimait rien tant que la psalmodie des heures cano-niales et les chants liturgiques* Nous fmes les tmoinsmus de sa joie pendant une semaine passe aumonastre naissant de Saint-Wandrille* Les offices desquelques moines, travaillant ramener la vie religieusedans cette vnrable abbaye , n'avaient pourtant aucunesplendeur* Tout y tait d'une simplicit rudimentaire*Mais que de souvenirs accumuls dans le dlicieuxvallon ! On y a compt plus de quarante saints* Il y eutl une vie d'art intense* que des monuments dlabrsattestent encore* On rve volontiers leur beaut dejadis travers les ruines et le lierre du prsent* La naturea mnag autour de ces moines et de leur demeure lecadre qui leur convenait* Huysmans en saisit la grandeuret le charme* Le Salve regina, chant la tombe de lanuit* l'enthousiasmait* La promenade aprs la messedu matin* sous les grands htres d'une alle* dominantles toits de l'abbaye et les ruines de sa basilique, l'aidaitau recueillement et la prire* Surtout il voyait de prs,pour la premire fois , une communaut de BndictinsIl vcut presque de leur vie* Les moines, jeunes pour laplupart, l'accueillirent comme un ami et un frre* Ils'panouit en leur socit et put se croire transport enplein moyen ge* On le vit de nouveau quelques mois

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    plus tard; il accompagnait l'abb Ferret. Cette visitefortifia les impressions de la premire* Elles furentdurables et il tenait les garder telles qu'elles* On l'invitadans la suite renouveler ses visites* Ce fut peineperdue. Il craignait d'enlever ses souvenirs de leurcharme primitif* Ceux qu'il connut alors et dont laphysionomie et l'allure avaient dans ce souvenir uneplace marque furent toujours reus chez lui brasouverts * Ils revenaient si volontiers sur les bons momentsvcus auprs de Saint-Wandrille* Plusieurs* ils n'avaientt que postulants ou novices lui revinrent sans le froc*Comme il les plaignait d'avoir abandonn le clotre* Les malheureux les imbciles* aimait-il rpter* ilsne savent ce qu'ils font* O donc trouveront-ils autantde bonheur?

    Durant son second voyage t on lui fit visiter les ruinesgrandioses du monastre de Jumiges* Dans l'enclos desmoines t il aperut de superbes alles formes par troisou quatre ranges d'arbres robustes* Ce sont les allesdites d'Agns Sorel* Rien ne permit de croire que leurvue l'ait sollicit plus que celle des deux tours romanesou du chevet de l'glise* Il en conserva nanmoins lavision avec une vrit frappante* Vous les trouvezdcrites dans la Cathdrale; il en fait un des types offertspar la nature aux constructeurs de nos votes gothiques*La description ne saurait tre plus prcise* Je me permisplus tard de lui demander s'il tait revenu Jumiges* Non* me rpondit-il* Comment donc avez-vous pudcrire aussi fidlement l'alle? Lorsque j'ai observquelque chose* c'est fait pour dix ans* Je retrouve la

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    vision telle qu'au premier jour, quand j'en ai besoin Huysmans n'avait pas encore vu la liturgie clbreavec tout l'clat et la pit que peut y mettre le choeurd'une abbaye nombreuse Saint-Wandrille n'tait gurealors qu'une miniature de monastre D lui fallait voirSolesmes Notre-Dame de Chartres, dont il tait detemps autre un dvot plerin, le mettait presque moiti route Il se dcida continuer et, un jour, on levit arriver Saint-Pierre de Solesmes Les moines, avecleur chant grgorien et leurs belles crmonies, rpon-dirent son attente Sous le froc, il rencontra des intel-ligences, soeurs de la sienne Il se sentit compris etaim Le Rvrendissime Pre Dom Delatte fut trsaccueillant pour lui Quelques religieux lui facilitrentles recherches dans la bibliothque C'est le temps oson esprit courait la recherche du sens mystrieux dessymboles mdivaux Il fut facile de lui en prsenter laclef Des textes peu connus de nos contemporains luilivrrent les penses intimes d'hommes qui avaient admirles constructions ecclsiastiques de Chartres, de Paris,d'Amiens, de Reims, peu aprs leur ddicace, et saisiles leons dont leurs ouvriers venaient peine de lesremplir Un bndictin, que l'ge et les infirmits rete-naient sur un lit, sans interrompre pourtant sa lecturedes crits des Pres, l'initia au symbolisme des couleurset des parfums Il put feuilleter Saint-Maur-sur-Loireles prcieux recueils sur le symbolisme biblique formspar Dom Legeai Ce fut pour lui une srie de rvlations,qui l'enthousiasmrent, tant et si bien qu'il jugea seslecteurs capables de partager ses propres sentiments

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    Voil pourquoi, dans la Cathdrale, il leur mit sous lesyeux ses dcouvertes , telles qu'elles lui taient apparuesL'assistance aux offices et la frquentation des moinespendant les visites qu'il fit alors Solesmes eurent un

    effet imprvu* Il prouva un attrait vers le clotre assezcaractris pour faire songer une vocation Ce ne futpas une vellit d'un instant, comme il en passe par tantde ttes* Cette pense se changea en un dsir, qui semblaprt durer* Il ne se faisait pourtant aucune illusion surles sacrifices qu'il aurait faire* La vie monastiqueserait incompatible avec la littrature telle qu'il la com-prenait* N'importe; il se sentait de force immoler savocation littraire avec sa propre personne* Cela rpon-dait un besoin imprieux de son me, prise d'uneautre chose* On se montra Solesmes d'une granderserve son endroit sur ce point* U n'y avait dire ninon ni oui* Le temps se chargerait d'clairer la voie decelui qui cherchait exclusivement la volont du Ciel*Des amis, et parmi eux des moines, lui disaient : Vousn'tes pas fait pour le clotre; Dieu ne vous demandepas le sacrifice de votre art* Il vous a mis en main uneforce pour le servir et le faire connatre* Ne la perdezpas* Devenu religieux, vous n'auriez plus la libertncessaire l'exercice de cette force* Ces sages conseilslui causrent de la surprise et de la peine* Mais il finit parse rendre l'vidence* Le clotre n'tait pas fait pour lui*Il entrevit ds lors la possibilit d'une existence la foismonacale et laque, qui lui laisserait, avec certains avan-tages de la vie religieuse, la libert personnelle dont ilsentait le besoin physique et moral* Certains monastres

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    avaient eu jadis des oblats ; quelques-uns mmevivaient chez eux auprs de la demeure des moines Lesliens qui les unissaient ces derniers taient d'ordrepurement spirituel Il serait un moine lac Huysmanscrut un moment qu'il aurait des imitateurs Dulac, lepeintre chrtien qu'une mort prmature lui enleva ,entrait dans ses vues Nous entrevmes la possibilitd'tablir quelque part une colonie d'artistes oblats unesorte de bguinage de moines laques Le voisinage d'uneabbaye s'imposait Huysmans eut prfr Solesmes LaProvidence en dcida autrementr?rUn de ses amis qu'une pense semblable travaillaitdj s'tait rfugi Saint-Martin de Ligug Ce futlui qui attira l'auteur 9En Route et de la Cathdrale.Ils habitrent durant quelques semaines deux chambres dela maison d'un ouvrier, qualifie pour la circonstance deVilla Saint-Hilaire. Puis Huysmans acheta un lotde terre situ mi-colline en face du monastre. Dechez lui il verrait le clocher, la nef de l'glise et les toitsde l'abbaye; il pourrait apercevoir, travers les peupliers,sur les flancs du coteau oppos, la grotte o vcut unsaint du lieu, l'ermite Flix Les souvenirs des saintsabondaient dans la rgion C'est le jour de l'Assomptionque le march fut conclu Je l'entends encore me dire,au retour de Poitiers : La Vierge a tout arrang Jecommence ce soir mon prochain livre par ces mots : mevoil propritaire Il commena ses plans d'avenir Ilstaient fort simples Au fond d'un jardin, une maisonde cur de campagne avec des volets verts et une vignele long des murs, voil tout ce qu'il me faut

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    Ce plan fut modifi II prit un architecte et l'architectefit du style La maison , Villa Notre-Dame, eut bonaspect Le matre se vengea de l'architecture en choisis-sant lui-mme les fleurs symboliques , qui ornrent lesommet des colonnes de son portique Deux chambresdu premier lui furent rserves; celle dont les fentresdonnaient sur le monastre lui servit de cabinet de tra-vail M et Mme Leclair t qu'il avait connus par l'abbFerret, habitrent le rez-de-chausse A l'extrmitoppose de l'enclos il se cra un jardin symbolique dontun moine du ixc sicle Wallafrid Strabon, lui fournitles donnes Une fois install dans son petit moustier,l'artiste si Parisien cependant s'y trouva chez lui et ily fut bien La capitale ne le sollicitait plus Deux courtsvoyages en deux annes et ce fut tout Quelques amisvenaient le voir Landry Girard Descaves arrivrentCe furent ensuite Forain, Talmeyr, Jules Bois J'enoublie certainement Chacune de ces visites avait soncomplment au monastre o les moines taientenchants de recevoir leur table les amis de leur oblatTalmeyr et Descaves ont publi, dans le Matin, YEchode Paris et la France^ sur ce plerinage Ligug, desarticles qui mritent d'tre relusHuysmans est rest Ligug un peu plus de deuxans Sa vie a t un continuel sujet d'dification pourles religieux et les habitants du pays On le voyait tousles jours, ds que la cloche annonait la grand'messe,quelques minutes avant neuf heures, s'acheminer versl'glise, o il devanait les moines. Il se plaait d'or-dinaire sur une chaise en face de la chaire prs du

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    banc-d'uvre. Qu'il ft seul, qu'il y et du monde autourde lui, il s'abmait immdiatement en lui-mmeDs quel'office commenait au chur, il le suivait avec sondiurnal. II avait un missel des fidles pour mieux suivreles prires de la messe Son attitude tait celle d'unchrtien plein de foi, pntr de la grandeur du mystrequi s'accomplit l'autel. Il ne quittait l'glise que aprssexte, lorsque les moines taient eux-mmes sortis. Ils leretrouvaient, sa mme place, tout aussi recueilli, pourassister aux vpres. Rien ne venait modifier cette rglede vie, ni les fortes chaleurs, ni le froid, ni les mauvaistemps. Les curieux, qui affluaient en t, essayaient del'observer ou de l'attirer. C'tait inutile. Il avait l'art deles fuir. Quelquefois cependant, il acceptait volontiersqu'on lui prsentt aprs les vpres, au sortir de l'glise,un hte du monastre, ayant manifest le dsir de leconnatre. L'abord tait des plus faciles. Il savait mettreson monde l'aise. Je sais quelques jeunes, se sentantde l'toffe, qui ont tir grand profit de ces entretiens.Une fois par semaine, il entrait au clotre et s'en allaitfrapper la porte du matre des novices. Les jeunesfrres, qui eurent l'occasion de l'y rencontrer, nourentaisment connaissance avec lui. Quelques-uns furent desa part l'objet d'une affection dlicate et d'un dvouementplein de prvenance. On l'aimait aussi beaucoup aunoviciat. Il y tait trait en frre. C'est dans l'oratoiredu noviciat qu'eurent lieu sa vture et son oblation. Lesjours de fte, quand il y avait encombrement l'glise,il suivait les novices aprs matines et faisait la saintecommunion chez eux. Il ne faisait pas mauvaise figure

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    dans leurs rangs Je dois dire que tout le monde trouvaitcela naturel l'abbaye* Nous aimions le recevoir aurfectoire; il prenait alors part la rcration* Ceux quile connaissaient plus intimement se groupaient volontiersautour de lui*Sa rserve vis--vis du monastre ne laissa rien dsirer* Il cherchait s'instruire des choses de la liturgie*Rien ne l'intressait davantage* La raison des crmo-nies et des moindres usages ecclsiastiques piquait sacuriosit* Quand les livres de sa bibliothque ne lui four-nissaient pas une rponse satisfaisante* le moine qui leguidait le voyait venir avec sa question* Ds que le sensde la prire de l'Eglise et de sa vie se fut dvelopp dansson esprit* il put se tirer d'affaire tout seul* Sa prompti-tude tomber sur une pense vraie me causa plus d'unesurprise. Le flair de la tradition l'orientait* Tel passagede ses livres o sont exposs les merveilleux effets queproduit dans les mes l'assistance la psalmodie donnela quintessence de la doctrine des Pres* Commentavez-vous pu lire saint Augustin, saint Hilaire et d'autresencore* lui fut-il demand* pour vous faire ainsi l'chode leurs enseignements? Je ne les ai pas lus* L'exprience de la liturgie et des psaumes faisait jailliren lui les sentiments que les chrtiens de tous les ges yont puiss* Il faut pour cela autant de simplicit de curque de puissance d'assimilation.Huysmans possdait ces deux qualits* Cet homme*qui parat de prime abord dans ses livres si complexe etdifficile* avait l'me la plus simple du monde* Sa foi etsa pit taient celles d'un enfant* Il voyait vite et droit

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    la vrit; et il se jetait dessus Ne lui demandez ni calculni raisonnement Il a les intuitions gniales d'un grandartiste Ratiociner lui pse; c'est une mthode infrieurepour lui* Vous vous trompez gravement , disait-il unmoine en prsence d'un autre converti , lorsque vouscherchez gagner les mes par des discussions philoso-sophiques* Vous n'y tes pas* Votre apologtique ne sertde rien* Qui convertit-elle ? Voyons ! Si nous cherchionsun systme philosophique capable de satisfaire notreraison personnelle* croyez-vous que nous le demande-rions l'Eglise? H n'en manque pas de ces systmes*S'il n'y en avait pas assez nous en ferions un nouveau*Bien sr* celui-l serait de notre got* Ce qu'il nousfaut, ce dont les mes ont besoin* c'est de recevoir desprincipes d'une autorit qui les domine* de les recevoirpar humilit sans discussion* C'est cette humiliation denotre intelligence devant Dieu qui nous est ncessaire*Quand c'est fait* un quilibre inconnu jusque-l s'tabliten nous* Tout s'explique et s'harmonise* Huysmansn'est pas le seul converti qui ait tenu ce langage* Ilstombent vite d'accord sur les principes et les faits devantlesquels il importe pratiquement de s'incliner* A unhomme de lettres, qui lui soumettait certains scrupulesdans lesquels il barbotait avant de faire dans la foi ledernier bond, il dit simplement : Voyons, mon cher,vous croyez bien que le prtre devant lequel vous allezvous agenouiller pour dire vos pchs tient la place deNotre-Seigneur Jsus-Christ et qu'il vous pardonnera enson nom* Vous croyez bien que, la messe, le prtreimmole Jsus-Christ et que l'hostie avec laquelle il vous

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    communiera , c'est Jsus-Christ lui-mme Oui, je lecrois Eh bien! allez vous confesser et communier;tout s'arrangera Ce qui fut fait La confession luisemblait l'une des institutions ecclsiastiques les plusopportunes et les plus bienfaisantes

    Je m'en voudrais de ne point rapporter une rflexionde Huysmans sur les moyens d'apostolat Les prtresse donnent beaucoup de peine pour ramener les gens dupeuple Ils organisent des uvres de toutes sortes Onne voit pas trop quels sont les rsultats obtenus Il yaurait pourtant quelque chose faire pour gagner cespauvres gens Mais pour cela il faut bien les voir telsqu'ils sont Ils viennent ici Paris de leur provinceQuand voient-ils le prtre? Au moment d'un baptmed'un mariage ou d'un enterrement; c'est--dire quandil faut passer la caisse de la sacristie Faites-leurcroire aprs que la religion n'est pas une affaire d'ar-gent! Mais qu'un prtre aille s'tablir dans leur quartier,qu'il vive pauvrement et laborieusement comme eux;qu'il soit bon et serviable et par l leur fasse apprcierla religion, vous verrez les prjugs s'vanouir les unsaprs les autres Le P Chevrier employait ce systme Lyon Mais c'tait un saint Huysmans fit la ren-contre dans les dernires annes de sa vie d'un prtrede cette trempe, qui oprait au milieu des chiffonniersde Clichy Il lui donna toute sa confiance et se sentitparticulirement heureux d'tre prpar la mort par luiLes ecclsiastiques de passage Ligug demandaientsouvent le saluer Il les recevait toujours avec plaisirLes hommes, anims d'un grand esprit de foi, les prtres,

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    comme il disait lui allaient au cur Plusieurs de ceuxqui l'abordrent avaient contre lui des prventions Ilsuffisait d'un entretien pour les dissiper On ne pouvaiten effet, l'approcher sans constater sa parfaite droitureet la vivacit de sa foi chrtienne La conversation rou-lait sur toutes sortes de sujets Ils se trouvaient d'accordavec ceux de l'ancienne cole pour les ides; Mais sonstyle ne leur allait pas Les jeunes qui s'accommodaientde son art tournaient le dos ses ides Me voilentre les deux disaient-ils Comment faire? Le fait estqu'il eut des amis et des admirateurs dans les deuxcamps Un de ses visiteurs lui disait un jour sa peinede le voir ddaigner nos meilleures traditions littraires Lesquelles ? lui demanda-t-il Celles du grand sicledu XVIIe Eh bien! je suis moi pour celles du XVeet du XVIe sicles Ma tradition est donc antrieure la vtre

    Il se fit des amis dans le clerg poitevin Un secrtairegnral de l'vch le directeur de la matrise et ledirecteur de l'cole clricale venaient le voir assez fr-quemment; leurs visites lui taient agrables Les catho-liques de Ligug et du voisinage lui firent trs bonaccueil Ils auraient volontiers entretenu avec lui desrelations suivies Mais par temprament plus que parcalcul il se tint l'cart C'tait un timide tant soit peusauvage La socit lui faisait peur On a cru voir duddain chez lui Non Ce qu'il a fait Ligug il l'avaitfait Paris; il ne changea point dans la suite

    C'est Ligug qu'il composa Sainte Lidwine deSchiedam. On ne se doute pas du soin qu'il mettait se

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    documenter Les rudits de profession lui reprocherontsans doute de n'avoir pas recherch la valeur intrinsquedes documents qu'il utilisait Je les trouve dans lesBollandistes ; les auteurs sont du temps de la sainte ; ilsFont connue* On ne peut pas en demander davantage , disait-il ces critiques Les vies originales de Lidwinelui ont fourni une multitude de traits dont il a tir unparti extraordinaire On a la sainte sous les yeux ; on lavoit souffrir Le docteur Raymond , de la Salptrire, apu, grce la description due la plume de l'artiste,donner une consultation sur le cas de son hrone,comme s'il se ft agi d'une malade de son service Cettereconstitution ne se fit pas sans peine L'existence mira-culeuse de cette sainte lui montre en exercice sa doctrineprfre de la substitution Les tortures de la vierge deSchiedam s'expliquent la lumire de cette vrit Maiselle ne fut pas seule jouer le rle de victime La France,l'Italie, l'Allemagne lui envoyrent des coopratrices Cefurent des femmes Elles sauvaient le monde, pendantqu'une autre femme, Jeanne d'Arc, oprait avec songlaive et par son martyre le salut de la France Quelmonde et quelle France? Huysmans avait en dire deshorreurs Il en profita pour tracer de main de matre l'undes plus saisissants tableaux d'histoire sorti de la plumed'un crivain Que de lectures il lui fallut faire pour cela !L'artiste s'est montr l encore tourment par le besoinde la prcisionHuysmans prouva bien quelques dceptions LigugSon projet de colonie d'artistes oblats ne reut pas mmeun commencement d'excution Son existence chez lui,

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    hors du clotre , lui donnait de grands avantages; mais cen'tait pas la vie religieuse Ce simple rle de spectateurlaissa quelque froid dans son me* Un esprit tel quele sien avait d entrevoir les moines au travers d'unnimbe surhumain, qui leur donnait Pair d'avoir pour euxles dons du Ciel et de la terre Or les moines sont deshommes tout comme les autres* On trouvera sans doutetrace de ces dsillusions dans quelques-unes de ses lettres*Cela ne l'empcha point de conserver au monastre et ses habitants un grand respect et beaucoup d'affection*Dans l'une des dernires lettres qu'il ait dictes* il rappe-lait son sjour Ligug comme le plus beau temps desa vie*Mais VOblat, me direz-vous? J'attendais ce mot* cettequestion* Permettez-moi, avant de rpondre, de rappelercertains faits qui ont leur importance* Lorsque Huysmansse fixa auprs du monastre de Ligug, la France taiten pleine affaire Dreyfus; Waldeck-Rousseau allaitbientt prendre la direction du ministre; la perscutionreligieuse ne devait pas se faire longtemps attendre*Tout s'en ressentait Paris et en province* Les moinesde Ligug ne tardrent pas s'en apercevoir Leur glisetait paroissiale, et l'un d'eux remplissait les fonctionsde cur* Cette situation dplaisait au gouvernement*Pour prvenir des ennuis plus graves, Mgr l'vque dePoitiers, d'accord avec l'abb du monastre, chargea unprtre sculier du service paroissial* Ce changementbouleversa quelque peu les ides et les habitudes pieusesde Huysmans, dont la maison se trouvait sur la paroisse*Il n'eut plus, les dimanches, la satisfaction d'entendre la

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    grand'messe et les vpres des moines, qui, ces jours-l,clbraient leurs offices dans un oratoire interdit au public*Ce ne fut pas son seul ennui L'tat d'esprit, qui aboutitau vote de la loi sur les associations et la dispersiondes ordres religieux, et ses diverses manifestations nepurent que l'impressionner vivement Comme beaucoupd'autres, il chercha les causes d'un tel bouleversement!Cent problmes surgirent devant son esprit, et les solu-tions ne se prsentrent pas* La situation des moines deLigug et les vnements qui se passaient autour d'eux seconfondirent avec la situation gnrale des monastres etdes Eglises de France* Des faits, restreints une localit,furent saisis par lui en des observations qui embrassaienttout le pays * Ajoutez cela que la perscution ne l'attei-gnait pas seulement comme chrtien* Il allait en souffrirpersonnellement, tout aussi bien qu'un moine* C'taitun bouleversement complet pour son existence* Personnene suivait avec plus d'attention les phases de la politiquefranaise* Sa connaissance des hommes et des situationslui permettait des ralits, qui chappaient beaucoup*

    Il crut un instant pouvoir rester Ligug aprs ladispersion des religieux* Quelques moines dsiraientcontinuer sur place, avec les oblats laques, le service dela louange divine et leur travail dans des conditionscompatibles avec les exigences de leur vie* La maisonde Huysmans devait tre le foyer de cette communaut*Il avait pris ses mesures; la chapelle tait choisie* Maiscette reconstitution de communaut causa des inqui-tudes; des laques prudents y virent un danger pour lasocit civile, qui possdait l'abbaye et ses dpendances*

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    Ils avaient raison* Ces dceptions, en s'ajoutant les unesaux autres, finirent par agacer l'artiste* On a voulutrouver des traces de cet nervement dans YOblat. Ellesy sont peut-tre* Est-ce un mal? Un artiste tel queHuysmans ne pouvait se dispenser de vibrer dans sonlivre sous l'impression des vnements vcus* Ceux quiont su le lire ne lui en garderont pas rancune; loin de l*J'ajoute que YOblat emprunte cette circonstance unintrt historique, que l'on chercherait vainement dansL-Bas, En Route, et la Cathdrale. Les historiens,qui auront s'occuper de la destruction des ordres reli-gieux en France au commencement du XXe sicle, leconsulteront avec profit* Il aura pour eux la valeur d'undocument* On ne songera gure y trouver les portraitsde quelques moines et de leurs voisins nobles ou paysans;ce sont des riens auxquels des contemporains immdiatsont ajout plus d'importance qu'il ne convenait.UOblatest mieux qu'une galerie de tableaux, gardant l'imageplus ou moins fidle de quelques coins d'une abbayepoitevine et le souvenir d'anecdotes de village et declotre* Qui s'arrte ces recherches tranges fait preuved'une entire incomprhension de ce qu'est une oeuvred'art, surtout quand l'artiste est Huysmans*Huysmans a eu la mauvaise fortune, aprs sa con-version, de tomber sur une catgorie de lecteurs, querien ne prparait le comprendre* C'taient des hommeset des femmes, des prtres souvent, pour lesquels desditeurs dbitent leurs bons livres Ils ont criau scandale, en lisant YOblat; ils ont plaint de toutcur ces pauvres moines tourns en ridicule par un

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    romancier Cela vous a peut-tre tonns Vraiment iln'y a pas de quoi. Cela devait arriver Mais le bruitde ces scandales est tomb et il reste un chef-d'uvreo Tordre bndictin se trouve glorifi Voil ce quiimporte Les plaintes des faibles scandaliss ne valentpas la peine d'un souvenirVous avez tous lu le rcit de ce pauvre monastre endroute, et assist aux angoisses de DurtaL Sa dernireprire retentit encore vos oreilles Vous emportezavec vous l'image vivante de quelques annes passes suivre la liturgie de l'Eglise et connatre ceux quila pratiquent Vous vous demandez alors pourquoiHuysmans n'a point voulu partager l'exil de ceux qu'ilaimait tant* Mais il ne le pouvait pas* Je ne le voisgure affrontant les incertitudes des installations l'tran-ger* Il revint Paris* o il vcut en oblat* d'abord au20 de la rue Monsieur* puis au 60 de la rue de Babylone,et enfin au 31 de la rue Saint-Placide* Le projet d'unbguinage d'oblats bndictins le poursuivait encore* Ilne lui fut point donn de le raliser* Ce ne serait pour-tant pas une chimre* Qui sait? L'avenir nous rserverapeut-tre de voir cette adaptation de la vie monastiqueaux circonstances que l'Eglise traverse en ce moment*Huysmans frquenta longtemps la chapelle des Bn-dictines* Il se rfugia plus tard dans celle de l'Abbaye-au-Bois* On le voyait dans quelques glises de son quartierchercher au pied d'un autel de la Vierge* une chaisepour assister tranquillement aux offices* Le culte filialqu'il avait pour la Madone* eut dans sa pit et dans savie une place toujours plus grande* Ses manifestations

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    Notre-Dame des Victoires , La Salette et Lourdesfaisaient souvent l'objet de ses entretiens Ce sera monprochain livre disait-il C'est ainsi qu'il fut amenintrieurement crire les ^foules de Lourdes* Il mri-tait de terminer sa carrire d'crivain par ce beau livreen l'honneur de MarieLa rdaction de ce livre fut, sans qu'il en eut con-science , une lente prparation aux douleurs et la mortIl souffrit de maux de dents et de nvralgies; l'tat de sapoitrine lui imposait des mnagements fort ennuyeux Ilfut des semaines sans pouvoir quitter la chambre. Lespreuves des ^foules de Lourdes n'taient pas entirementcorriges, quand il se dclara une maladie nouvelleC'est par les yeux que l'crivain fut pris Impossible demettre la dernire main son uvre. Les mdecins lecondamnrent, durant des mois un repos completdans les tnbres La lumire du jour lui devenait insup-portable. Comment va-t-il se rsigner cette inactivitet aux douleurs, qui lui bouleversent le systme nerveuxse demandaient quelques-uns de ses amis? Il trouvadans sa foi religieuse le courage de tout endurer LaSainte Vierge a ses desseins, disait-il. Elle ne veut pasque mon livre paraisse en ce moment. Bonnefon vientde publier sur Lourdes une uvre infme. Mon livrel'et aid lancer le sien. Le mien ne peut paratre. Ilen sera pour sa peine. Le livre de Bonnefon fut, defait, enterr dans le silence Huysmans, lui, souffraittranquille et joyeux, abandonnant la Vierge le soin desa personne Il laissait les mdecins lui prodiguer lesprescriptions qu'il suivait tant bien que mal, sans grande

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    confiance dans leur art Il s'en fallut de peu, tout demme, qu'il ne perdt compltement la vue La Viergefinit par le prendre en piti Un beau matin, c'tait lelundi de Pques, le docteur vint pour un pansementSon malade avait quitt le lit Il le trouva dans soncabinet de travail, assis et la plume la main C'estune gurison liturgique, disait-il Elle a eu lieu en lafte de Pques Huysmans se remit aussitt la correction de sespreuves et les ^foules de Lourdes furent bientt lancesL'auteur ne devait pas jouir longtemps de son succs Ildut passer l't hors de Paris Ds son retour, de nou-velles souffrances l'assaillirent C'tait le prlude du malterrible qui allait l'emporter, le cancer Les mdecins nese faisaient aucune illusion Le patient s'abandonna lamaladie Je n'y comprends rien; les mdecins n'ycomprennent pas davantage Il le croyait du moins Le bon Dieu m'envoie cette maladie pour le bien demon me Je n'ai qu' la laisser faire son uvre Sarsignation fut d'abord joyeuse Je me repose d'unesouffrance par une autre, remarquait-il C'est le soula-gement dans la varit Au milieu de ses douleurs, ilavait des lans de foi et de charit qui touchaient parleur sincrit toute spontane L'arrive d'un ami luicausait une joie trs visible; il l'entretenait comme si sonmal ne le torturait pas Mais, aprs le dpart, il fallaitpayer ce moment de dtente La communion fut sa forceIl espra quelque temps gurir Pques Pques vint etil ne fut pas guri Il n'eut ds lors d'autre ide que cellede sa fin Je ne demande ni gurir ni mourir

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    Dieu est le matre La souffrance a son travail fairedans mon me* Quand ce sera fini, la mort n'aura plusqu' venir* Jamais une plainte ne sortait de ses lvres

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    Ceux qui le soignaient et les intimes admis le voiradmiraient sa force d'me* Il vit ses plus belles pagessur la Douleur se disaient-ils entre eux* Le patient lecomprenait : On verra que je ne me suis pas born faire de la littrature : j'ai d vivre mon uvre*

    Il a t l'artiste de la douleur chrtienne Ce qu'il ena crit est la partie de son oeuvre qui durera le plus*Forain disait au soir de ses obsques : Les crivainssont vite oublis aprs leur mort* Qui parle de Zola etde tant d'autres ? Il n'en sera pas de mme de Huysmans*Il a remu des ides qui sont de toujours* Son uvredurera* C'est parfaitement vrai* La pense de sespropres douleurs* souffertes avec rsignation* augmen-tera la force pntrante de son art* Du fond de sonspulcre* il fera du bien*Le voil dsormais dans le repos de Dieu* Il nouslaisse ses uvres et le souvenir des dernires annes desa vie* C'est une partie de lui-mme* De lui* il resteencore une correspondance dans laquelle on retrouve ceque son me avait de plus intime* Je lisais ces jours-ciune lettre* date de 1898* Elle tait adresse un smi-nariste qui venait de lire En Route. L'ide du clotre lehantait* La rponse de Huysmans dnote un sens chr-tien trs dvelopp* Un prtre pourrait la signer* Elleest crite dans une langue qui supporte la comparaisonavec les plus beaux passages !En Route et de YOblat.Mgr Delassus* qui l'a publie dans la Semaine religieuse

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    HUYSMANS, ARTISTE DE LA DOULEURCHRTIENNE.

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    JUYSMANS tait par temprament unsensuel* Aucun crivain de notre poquen'a pourtant subi au mme degr l'in-fluence du majestueux mystre de ladouleur* Il s'est impos lui t ds avantsa conversion* pour le jeter dans un pes-

    simisme sombre* La foi chrtienne* laquelle il livrason cur avec une simplicit d'enfant* lelui fit envisagersous un autre jour* le seul vrai* Il vit la douleur par enhaut la lumire sereine que Jsus crucifi rpand surelle* Il l'accepta avec soumission et il finit par l'admirer etpar en saisir la vrit profonde*

    Dieu a plac la douleur partout* Elle est devenuencessaire* C'est une anticipation dans la vie du sacri-fice* la mort* qui la consomme* Nous la trouvons aucur de toutes les religions* Seul le christianisme a sula montrer dans toute sa grandeur* Nous savons parlui qu'elle est le juste chtiment du pch et la commu-nion intime l'uvre rdemptrice du Sauveur* Voilpourquoi on la trouve partout* Elle est ncessaire laconscration et la fcondit de tout ce qui se fait degrand et d'utile* Les peuples sont soumis ses exigencesimprieuses comme les familles et les individus* Ils ontbeau se rvolter contre elle et entraner dans leur conju-ration toutes les ressources de la nature mises en uvredans une civilisation matrielle par les nergies de lascience elle ne perd aucun de ses droits* Chasse surun point elle reparat sur un autre* plus imprieuse* Et*chose qui nous dconcerte. Dieu s'est rserv le soinde la distribuer comme bon lui semble en dpit de nos

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    prtentions de soumettre tout nos ides prconues dejustice individuelle Dieu sourit des sociologues et desphilosophes qui cherchent lui imposer leurs lois, et ilcontinue planter la croix dans les coeurs dans lesfoyers dans les nations

    L'Eglise qui vit de la pense divine a toujours inclinl'intelligence et la volont de ses enfants devant la croixPar ses thologiens et par ses mystiques elle la leurmontre comme une extension de la Croix du CalvaireSon dogme de la Communion des Saints Huysmans latraduisait d'un mot expressif la substitution leur enrvle l'utilit religieuse et sociale Son enseignementsur la vie future la leur montre comme une semence degloire incomparableHuysmans qui le Seigneur avait donn cette sim-plicit de l'enfant qui est la perfection de la sincrits'abandonna en toute confiance aux leons des mystiquesIl les aima Sa puissance artistique lui fournit le moyende les traduire dans des pages imprissables Qu'on liseEn Route, La Cathdrale , U Oblat, Sainte Liwinesurtout, et Les foules de Lourdes, on y recueille chaque instant et parfois aux moments les moins pr-vus l'cho des sentiments que cette pense de la douleurvoquait en son me Il excellait peindre les souffrancesphysiques et rendre sensibles les angoisses du curQuelques uns en font honneur son merveilleux talentd'crivain Je ne veux pas diminuer la part qui revient l'artiste Mais il est des choses que l'artiste ne peutrendre s'il ne les a longtemps vcuesHuysmans vivait ce mystre de la douleur chrtienne

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    par sa pit Ce mot n'est pas excessif, je l'emploie enconnaissance de cause Il avait le culte de la Vierge desdouleurs Je voudrais citer, si le temps me le permettait,ce qu'il a crit dans YOblat sur les souffrances de Notre-Dame pendant la passion Ceux qui ont dout de la sin-crit de sa conversion ne les ont videmment pas lues*Le culte filial de Marie au Calvaire ne se contrefait pas*Il est le privilge et le Signe distinctif des mes qui sonten plein dans la vie chrtienne. C'est ce mme sentimentqui l'incline, comme son insu, vers les saints et lessaintes, qui ont eu sur terre la mission de continuerJsus Crucifi* Il lui a inspir cette galerie de primitifs,dont la suite forme l'admirable livre qu'est SainteLidwine de Schiedam, Les Foules de Lourdes sont elles-mmes pleines de cette pense ; l'auteur aurait puemprunter un titre bien vrai aux litanies de la SainteVierge* Elle s'y manifeste Salus infirmorum, Conso-latrix afflictorum.Le culte de Huysmans pour les Saintes de la douleurchrtienne n'avait d'gal que son amour de la liturgie*Ses relations monastiques, qui ont tenu tant de placedans son existence, participaient ce double sentiment*C'est la liturgie qui l'attira vers les Bndictins. Je dois sa mmoire de dire ce que fut ce moine lac; je le doisaussi l'honneur de Saint-Benot, qu'il aima comme unfils aime son pre* C'est une dette dont je me suisefforc de m'acquitter en la confrence qui prcde ceslignes crites presque sous le coup de la mort de Huys-mans survenue le J2 mai 1907* Un de mes confrres,qui fut pour lui un ami des plus intimes, Dom Antoine

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    du Bourg devait, un peu plus tard, de son ct, raconterce que furent les derniers mois de sa vie* Ils furent leDernier livre de Huysmans* S'il ne Ta pas crit, celui-l,il Ta vcu, ce qui vaut mieux* Dans cette oeuvresuprme, que fut sa longue agonie, il a t le moinecrucifi, l'homme de la souffrance, en un mot l'admirableartiste de la douleur chrtienne*

    Les Trappistes, les Carmlites et les Clarisses taient,avec les Bndictins, les familles religieuses prfres deHuysmans* Ces hommes et ces femmes, vous unevie pnitente, lui apparaissaient comme les paratonnerresdu monde* Leurs prires et leurs austrits maintenaientun certain quilibre entre le bien et le mal* C'est lasubstitution en exercice*

    Les interprtes de la pense catholique n'ont jamaismanqu au devoir de prcher leurs contemporains cesaustres enseignements de la souffrance* Mais qui lescoute de nos jours? Il y a mieux* Nous sommes des-cendus assez bas pour entendre des hommes qui pensenten catholiques, prsenter aux Franais du vingtimesicle, ces ternelles vrits comme surannes et propres loigner plus encore les incroyants du Catholicisme.Non, leurs efforts seront vains; ils ne changeront rien l'ordre tabli par Dieu* La souffrance gardera sa place*L'Eglise continuera de donner aux chrtiens le moyen dela sanctifier et de l'utiliser* Huysmans s'est tenu au plusintime de sa tradition* La pense catholique est arrivepar ses crits une foule d'mes qui en sont devenuesmeilleures * C'est ce qu'il apprciait le plus de toute sonoeuvre littraire* Le bien qu'il a commenc se poursuivra*

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    Longtemps aprs sa mort, ceux que la Croix marquerade son empreinte, lui demanderont le Chemin qui mne Celui qui est la source de la vie et de la force Ils n'au-ront qu' suivre son exemple

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    IL A T TIR DE CET OUVRAGE DIX EXEMPLAIRESSUR PAPIER A LA FORMEDU JAPON NUMROTS DEI A X ET CENT EXEMPLAIRES SUR PAPIER VERGD'ARCHES NUMROTS DE\ A J00, QUE L'ON ACHEVAD'IMPRIMER LE 30 NOVEMBRE J9J7 SUR LES PRESSESDE LON PICHON POUR

    L'ART CATHOLIQUE.

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