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    TRAJECTOIRES DE VIE DE JEUNES PÈRES EN CONTEXTE DEVULNÉRABILITÉ : LE MODÈLE DE BELSKY (1984) REVISITÉ Annie Devault et al.

     

    L'Harmattan | La revue internationale de l'éducation familiale

    2007/1 - n°21pages 71 à 98

     

    ISSN 1279-7766

    Article disponible en ligne à l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-la-revue-internationale-de-l-education-familiale-2007-1-page-71.htm

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    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Devault Annieet al., « Trajectoires de vie de jeunes pères en contexte de vulnérabilité : le modèle de Belsky (1984)

    revisité »,

    La revue internationale de l'éducation familiale , 2007/1 n°21, p. 71-98.

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    Distribution électronique Cairn.info pour L'Harmattan.

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    Trajectoires de vie de jeunes pèresen contexte de vulnérabilité :

    le modèle de Belsky (1984) revisité

    Annie Devault, Marie-Pierre Milcent, Francine Ouellet, IsabelleLaurin, Marika Jauron, Carl Lacharité16 

    ___________________________________________________En 1984, Jay Belsky de l’Université d’État de la Pennsylvanie écrivaitun article dans la revue Child Development intitulé : « The

     Determinants of Parenting : A Process Model ». S’inspirant dumodèle écologique proposé quelques années plus tôt par

     Bronfenbrenner (1979), l’article de Belsky identifie un ensemble de facteurs qui influent sur les conduites parentales. Selon cette perspective, l’histoire développementale du parent, sa personnalité, sarelation conjugale, son travail, son réseau de soutien social et lescaractéristiques de son enfant représentent l’ensemble des facteurs

    qui, en interaction les uns avec les autres, ont un impact sur lescomportements parentaux. Vingt ans plus tard, ce modèle est encoreutilisé par de nombreux chercheurs qui tentent d’appliquer auxmécanismes sous-jacents à la parentalité une compréhensionécologique (Fagan et al, 2003). L’objectif de cet article estd’identifier les facteurs issus du modèle de Belsky qui semblent les

     plus influents dans l’engagement de jeunes pères en situation devulnérabilité sociale et économique. L’étude présentée a été menéeauprès de 17 pères (19 à 25 ans), rencontrés à deux reprises. Aucours de ces rencontres, des informations au sujet de leurstrajectoires personnelles, coparentales, paternelles et socio-

     16 Annie Devault, Université du Québec en Outaouais ; Marie-Pierre Milcent,Direction de la santé publique de Montréal-Centre ; Francine Ouellet,Direction de la santé publique de Montréal-Centre ; Isabelle Laurin, Directionde la santé publique de Montréal-Centre ; Marika Jauron, Doctorante,Université du Québec à Montréal ; Carl Lacharité, Université du Québec àTrois-Rivières.

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     professionnelles ont été amassées. L’analyse de contenu des récits devie révèle que malgré une histoire personnelle marquée par lesruptures et l’instabilité, une majorité de pères gardent contact avecleurs enfants même suite à une séparation maritale. La qualité des

    relations entretenues avec l’ex-conjointe ainsi qu’avec la familled’origine (père et mère) semble particulièrement importante dans lemaintien de cet engagement.

    Mots-clés : père ; engagement paternel ; vulnérabilité ; pauvreté. __________________________________________________

    Les types d’engagement paternel et les conditions qui favorisentl’implication des pères auprès de leurs enfants sont mieux connusdepuis quelques décennies (Lamb & Tamis-Lemonda, 2003). Onétudie des pères dans différents contextes (pères adolescents,monoparentaux, divorcés…) et on s’intéresse aux formesd’intervention qui facilitent la participation des pères à la vie de leursenfants. Des études récentes démontrent la volonté des chercheurs detenter de comprendre l’interaction des différents facteurs susceptiblesd’influencer l’engagement paternel (voir Lamb, 2003). Dans une

    perspective écologique, Belsky (1984) a tenté d’identifier l’ensembledes facteurs qui conditionnent la façon dont un parent joue son rôledans le but de conceptualiser l’interaction de ces facteurs entre eux etson impact sur la parentalité. L’objectif central de cet article estd’approfondir la connaissance que nous détenons au sujet desdéterminants de la parentalité identifiés par Belsky ainsi que leursinterrelations à partir des résultats d’une étude qualitative menéeauprès d’un échantillon de pères en contexte de vulnérabilité. Lavulnérabilité est ici définie par le cumul de certains facteurs de risque,

    soit le jeune âge à la naissance du premier enfant, l’instabilité sur leplan de l’emploi et du revenu et la sous-scolarisation. Ce sous-groupede pères a fait l’objet de moins d’études que les pères tout-venants etest donc moins connu sur le plan des déterminants de l’engagementpaternel (Cabrera, Tamis-LeMonda, Bradley, Hofferth & Lamb, 2000;Mosley & Thomson, 1995).

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    Le modèle des déterminants de l’engagement parentalde Belsky

    Le modèle de Belsky (1984) suggère que l’histoiredéveloppementale du parent, ses relations maritales, son travail et sesrelations sociales influencent la personnalité du parent et son bien-êtrepsychologique et, conséquemment, son fonctionnement en tant queparent. De surcroît, la façon dont le parent assume son rôle aura, quantà elle, un impact sur le développement de l’enfant. Pour les fins de cetarticle, nous avons choisi certaines dimensions du modèle de Belskyet nous avons créé un cadre conceptuel (figure 1). L’histoiredéveloppementale est représentée par l’histoire individuelle, lesrelations maritales par l’histoire coparentale, la dimension du travail

    correspond à l’histoire professionnelle. Notre modèle sous-tend que lapaternité, c’est-à-dire la façon dont le père joue son rôle dans la vie del’enfant et la signification qu’il lui donne est influencée par sonhistoire individuelle, coparentale et professionnelle. L’objectif de cetteétude n’est pas de tester la validité du modèle de Belsky. Le but estdavantage d’explorer quelles dimensions semblent reliées àl’engagement paternel et de tenter de préciser comment cesdimensions sont reliées entre elles. Dans un premier temps, nousapprofondirons, via les écrits scientifiques, les dimensions que nousavons particulièrement explorées dans notre étude, soit l’histoiredéveloppementale du père, le travail et les relations maritales. Enfonction de ces domaines, nous établirons les connaissances dont nousdisposons sur la paternité en contexte de vulnérabilité.

    Trajectoire individuelle

    Trajectoire coparentale

    Trajectoire socioprofessionnelle

    Paternité

    Sens

    Engagement

    Passé Présent Futur  

    Figure 1. Modèle conceptuel de l’étude présentée.

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    Histoire et caractéristiques personnelles des pères

    L’histoire personnelle des pères a été relativement peu étudiéedans les recherches sur l’engagement paternel. Leur passé a surtout étéabordé par le biais de la présence du père biologique dans leur familled’origine. Son absence dans l’enfance des pères est perçue commeayant des conséquences négatives sur leur engagement futur à l’égardde leurs enfants (Allard & Binet, 2002; Allen & Doherty, 1999;Doherty, Kounesky & Erickson, 1998). Mais il n’existe pas deconsensus sur l’importance d’avoir été exposé dans l’enfance à unmodèle de père. On trouve à la fois des études qui confirmentl’hypothèse voulant que les pères les plus engagés sont ceux qui ont

    disposé d’un modèle positif de père dans l’enfance (l’hypothèse demodélisation) et d’autres études qui confirment que les pères les plusengagés sont ceux qui n’ont pas bénéficié d’un tel exemple et quicompensent en étant plus présents (l’hypothèse de compensation)(Parke, 2002).

    Sur le plan des caractéristiques personnelles, McLanahan etCarlson (2004) ont établi certaines différences en fonction du statutmarital. Ainsi, comparativement aux pères mariés, les pères nonmariés, en plus d’être plus jeunes, cumuleraient une série de

    caractéristiques de vulnérabilité, telles qu’un niveau de scolarisationplus faible, une instabilité sur le plan de l’emploi et du revenu. Deplus, la proportion de pères non mariés n’ayant pas vécu avec leursdeux parents biologiques durant l’enfance est plus grande que chez lespères mariés. D’autres études constatent que les jeunes pères,comparativement aux jeunes de la population générale, présententaussi certaines vulnérabilités comme d’avoir connu davantage desituations difficiles dans leur famille d’origine (Furstenberg & Weiss,2000) et d’avoir été victimes d’abus ou témoins de violence conjugale

    dans une plus grande proportion (Anda, Felitti, Chapman, Croft,Williamson, Santelli, Dietz, & Marks, 2001).

    Le jeune âge à la naissance du premier enfant représente en effetun facteur incontournable dans l’étude de l’engagement paternel,particulièrement en contexte de précarité. En référence à Erikson(1963), les jeunes pères doivent franchir d’importants défis, tels que ledéveloppement de l’identité, de la capacité d’intimité et de lagénérativité de façon quasi simultanée. Ils deviennent pères alorsqu’ils sont à la recherche de leur identité et souvent, alors que la

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    relation conjugale est tout juste amorcée. L’arrivée d’un enfant lesprécipite dans une situation où ils doivent négocier ces trois viragessimultanément (Quéniart, 2002; Rhoden & Robinson, 1997). SelonBelsky (1984) le jeune âge du parent peut négativement affecter sa

    sensibilité aux besoins de l’enfant et ainsi comporter des impactsnégatifs sur la sécurité émotionnelle, l’autonomie, les compétencessociales et la réussite intellectuelle de l’enfant. Toutefois, des donnéesplus récentes démontrent que même les jeunes pères sont capablesd’empathie envers leurs enfants et donc de sensibilité à leur égard.Fagan et ses collègues (Fagan, Barnett, Bernd, & Whiteman, 2003)ont confirmé que la capacité d’empathie de pères adolescentsconstitue un facteur plus important dans l’engagement paternel durantla grossesse que la présence d’une relation amoureuse ou d’un travail.

    La capacité d’empathie représente donc une dimension importante àconsidérer dans l’étude des caractéristiques des pères (Woodworth,Belsky, & Crnic, 1996). Parmi les autres caractéristiques personnellesassociées à l’engagement paternel, on retrouve l’estime de soi, et

     jusqu’à un certain point l’androgynie (Cowan & Cowan, 1987). Deplus, l’importance du rôle paternel dans l’identité du père, lamotivation à jouer son rôle et l’impression d’engendrer un effetbénéfique sur le bien-être de l’enfant agiraient selon un modecumulatif en faveur de l’engagement paternel (Pleck & Masciadrelli,2003).

    En somme, la littérature sur l’histoire personnelle des pères metsurtout l’emphase sur la présence du père biologique durant l’enfance.On tente ainsi de comprendre si le fait de disposer d’un modèlefavorise l’engagement paternel subséquent. À ce jour toutefois, iln’existe pas de consensus sur la question du rôle du père d’origine. Deplus, la littérature est muette quant au rôle de la mère biologique dansl’engagement paternel.

    Par ailleurs, en ce qui a trait aux caractéristiques personnelles despères, les écrits scientifiques indiquent que le fait d’être jeune à lanaissance d’un enfant est souvent associé à une série decaractéristiques de vulnérabilité telles qu’un faible niveau de scolarité,des difficultés sur le plan de l’emploi et du revenu et le fait de ne pasavoir vécu avec ses deux parents biologiques ou d’avoir été témoinsou victimes d’abus. Toutefois, au-delà de ce portrait plutôt sombre,d’autres études indiquent que la capacité d’empathie et l’estime de soifavorisent l’engagement paternel. D’autres facteurs axés sur les forces

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    des jeunes pères et la signification donnée à la paternité restent àdocumenter.

     Relations avec la mère des enfants

    Les chercheurs constatent unanimement l’importance du rôle dela conjointe dans l’engagement paternel. La satisfaction maritale estpositivement associée à l’engagement paternel (Cummings, Goeke-Morey, & Raymond, 2003). La qualité de relation avec la conjointefaciliterait l’ouverture de cette dernière à laisser au père libre accèsaux enfants (Dienhart & Daly, 1997). Les recherches portant surl’influence de la conjointe ont mis l’accent sur le statut marital en

    étudiant le rôle de la mère des enfants dans une relation conjugaleintacte ou dans un contexte de divorce. La littérature récente suggèrede considérer l’influence de la qualité du lien avec la mère des enfantssur l’engagement paternel, peu importe le statut du couple (ensembleou séparé). Dans leur étude sur des pères adolescents dont les mèresétaient enceintes, Fagan et ses collaborateurs (2003) montrent que laprésence de conflits est associée à un engagement moindre de la partdes pères, peu importe que ce dernier soit encore en relationamoureuse avec la mère ou non. Selon ces résultats, ce ne serait pas laprésence d’une relation amoureuse qui favoriserait l’engagement

    paternel, mais plutôt la qualité de la relation, et spécifiquementl’absence de conflits, qui jouerait un rôle primordial dans le maintiende l’engagement paternel. La qualité des liens entre les ex-conjoints etson impact sur l’engagement paternel semble donc une avenue àexplorer davantage (Schoppe-Sullivan, McBride, & Ho, 2004).

     Le travail

    Le fait d’occuper un emploi représente un facteur important dansl’engagement paternel. Le rôle de pourvoyeur garde ses lettres denoblesse dans la littérature chez les pères tous-venants, et enparticulier chez les pères qui évoluent dans un contexte devulnérabilité économique (Lamb, 1997; Levine & Pitt, 1995; Roy,2004; Towsend, 2000). La possibilité de disposer d’un travailaugmente le degré d’engagement des pères dans la vie de leurs enfants(Carlson & McLanahan, 2002; Fagan et al, 2003; Gavin, Black,Minor, Abel, & Bentley, 2002). Les pères sans emploi sont plus àrisque de se désengager que les pères qui contribuent financièrement àla famille (Christensen & Palkovitz, 2001 in Alan & Daly, 2002). Par

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    ailleurs, la baisse de revenu associée à la perte d’emploi est reliée àune diminution de l’estime de soi du père, à l’augmentation d’unsentiment d’insécurité (Devault & Gratton, 2003) et à la honte de nepas pouvoir jouer son rôle de pourvoyeur économique (Tamis-

    LeMonda & Cabrera, 1999). Le lien plus spécifique entre le travail etl’engagement paternel, du point de vue des pères, demeure uneimportante dimension à développer pour mieux comprendre le rôle depourvoyeur dans l’esprit des pères.

    Au delà de ces trois facteurs d’importance (histoire/personnalité,relations avec la conjointe et travail), l’étude de la paternité précoce ensituation de vulnérabilité exige un incontournable détour du côté desconditions de vie sur le plan économique qui chapeautent l’ensemble

    des déterminants de la parentalité. Cette dimension comporte en effetune influence importante sur la capacité du père à assumer son rôlecomme il le souhaiterait. La plupart du temps, les conditions de viedes jeunes pères ne sont pas idéales pour l’arrivée d’un enfant(Furstenberg & Weiss, 2000). Le jeune père fréquente peut-êtretoujours l’école ou habite chez ses parents. Il n’est pas dans uncontexte stable sur le plan de l’emploi et ne dispose donc que d’unfaible revenu, si revenu il y a. Les écrits sur la paternité en contexte depauvreté corroborent les résultats relatifs à l’absence de travail. Uneétude de Simons et ses collaborateurs (Simons, Whitbeck, Conger &

    Melby, 1990) révèle que la pauvreté économique augmente le niveaude détresse psychologique des pères. Elle diminue chez ces derniers lavalorisation du rôle parental et augmente leur propension à percevoirnégativement ses enfants. Il est important de prendre en comptel’influence du revenu en particulier sachant l’impact négatif que peutavoir la pauvreté sur les enfants (Seccombe, 2000). Cependant, uneanalyse qui ne s’en tient qu’aux impacts négatifs des conditionsstructurelles sur la vie des pères engendre une vision partielle de laréalité. Des études qualitatives « compréhensives » (comprehensivestudies) menées auprès de pères en contexte de précarité démontrentque plusieurs pères sont profondément motivés à s’engager dans leurrôle malgré les obstacles associés à la pauvreté (Anderson, Kohler, &Letiecq, 2002). La perspective générative (Hawkins & Dollahite,1997) favorise une lecture globale de la réalité des pères incluant leursforces et les défis qu’ils doivent relever dans un contexte de pauvreté.

    La présente étude vise à combler certaines lacunes identifiéesdans la littérature en prenant en compte le point de vue subjectif des

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    pères sur leur situation (Marsiglio, 2004). Ses objectifs sont lessuivants :

    1 - analyser le sens donné à la paternité par des jeunes hommes

    qui vivent en contexte de vulnérabilité et comprendre leurs façons des’engager dans la vie de leurs enfants

    2 - approfondir la compréhension de la place du travail et de sonlien avec l’engagement paternel.

    3 - mieux comprendre le rôle qu’ont joué les pères et mèresd’origine dans l’engagement paternel actuel.

    4 - étudier la perception des pères de la relation qu’ilsentretiennent avec la mère de leurs enfants.

    Méthodologie

    Notre étude qualitative a été menée auprès de 17 jeunes pèresayant tous complété un stage de 6 mois dans une entreprised’insertion. Nous avons choisi de recruter via les entreprisesd’insertion parce que leur clientèle correspond au type de pèresvulnérables que nous recherchions (paternité précoce, sous-scolarisation, pauvreté, instabilité en emploi). En effet, la clientèle deces entreprises est majoritairement masculine et est âgée entre 16 et 25

    ans. Plusieurs participants ont des enfants ou sont sur le point dedevenir parent. Ces jeunes sont tous en situation d’exclusionéconomique (pauvreté, absence ou instabilité sur le marché du travail)et sociale (isolement, problème de logement, absence de statut…).

    Le recrutement s’est fait avec le soutien des intervenants desentreprises d’insertion. Ces derniers ont identifié tous les hommesayant un enfant qui ont complété un stage dans leur entreprise aucours des 6 derniers mois. Tous ces jeunes hommes ont été contactés

    et recrutés pour participer à la recherche. Les deux seuls critères desélection de notre échantillon étaient donc d’être père (biologique oupas) et d’avoir complété un stage au sein de l’entreprise. La méthodede cueillette de données privilégiée est le récit de vie thématique quiexamine la vie des participants sous des angles spécifiques (Mayer &Deslauriers, 2000). Les dimensions évaluées correspondent à cellesque nous avons identifiées dans notre modèle conceptuel. La méthodedu récit de vie est utilisée pour comprendre l’expérience subjectived’individus qui font partie d’un groupe spécifique (ici, les pèresvulnérables). Son but n’est pas seulement d’obtenir des informations

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    factuelles mais également de comprendre le sens donné auxévénements. La comparaison des récits de vie entre eux fait émergerdes thèmes communs pour les personnes de ce groupe. La cueillettedes données visait donc essentiellement à amener les pères à nous

    raconter leur vie. La première entrevue avec le père se centrait sur lethème de la paternité. On demandait aux pères de nous raconter, selonun mode chronologique, comment est arrivé l’enfant dans leur vie.Des questions étaient posées sur la perception de son rôle paternel(qu’est-ce qu’un père apporte à son enfant ?), le sens que prend lapaternité dans sa vie et l’impact de l’arrivée de l’enfant (qu’est-ce quele fait de devenir père a changé dans votre vie ?), la fréquence decontacts avec ses enfants, les bons et mauvais moments avec eux(pouvez-vous nous raconter un bon/mauvais moment avec votre

    enfant ?), les leçons de vie à leur transmettre. Par la suite, on abordaitla question du cheminement professionnel en commençant par la vie àl’école (comment se passait la vie à l’école pour vous ?), lesformations reçues et les emplois occupés. Le deuxième entretienportait sur l’histoire personnelle dans la famille d’origine. Ondemandait alors au participant de décrire sa relation avec son père etsa mère d’origine (pouvez-vous décrire votre relation avec votrepère/mère lorsque vous étiez enfant ?) en spécifiant l’évolution de cesrelations et leur rôle de soutien à la paternité. On s’enquéraitégalement des événements traumatisants (deuils, séparations,

    placements) susceptibles d’avoir été vécus dans l’enfance oul’adolescence. L’histoire coparentale, abordée également au secondentrevue, avait pour thèmes la rencontre (Dans quelles circonstancesavez-vous rencontré la mère de vos enfants ?) et la qualité de larelation avec la mère de l’enfant, la durée de la relation et lescirconstances entourant la conception, la grossesse et l’arrivée del’enfant, l’état de cette relation au moment de l’entrevue. Étant donnél’importante quantité d’informations à recueillir, les participants ontété rencontrés à deux reprises, à environ 8 mois d’intervalle. Au coursdu deuxième entretien, l’intervieweur demandait au père desprécisions sur des aspects jugés incomplets à l’analyse du premierentretien et s’enquérait de ce qui s’était passé dans sa vie de pèredepuis la première rencontre.

    Stratégies d’analyse

    Le corpus des données est traité et analysé de façon systématiqueselon une méthode d’analyse qualitative (Miles & Huberman, 1994).  

    Dans un premier temps, les enregistrements ont été retranscrits

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    intégralement. Les transcriptions ont été distribuées également àl’équipe des 4 chercheurs qui avaient à réaliser de 4 à 5 condensésd’entrevue chacun. La méthode de condensation vise à identifier, suiteà une lecture attentive de la transcription de l’entrevue, les passages

    significatifs en les situant dans le contexte de l’entrevue. Cetteopération permet au chercheur de s’approprier l’information tout enréduisant substantiellement le matériel. Le condensé prend la formed’un texte de 4 à 5 pages qui résume pour chaque thème lesinformations essentielles de l’entrevue. Chaque condensé est ensuitevalidé, de façon indépendante, par un autre membre de l’équipe en lecomparant à l’intégrale du verbatim. L’analyse finale de chaqueentrevue est ensuite réalisée en équipe en comparant les deux analysesindépendantes et en établissant un consensus sur les dimensions

    importantes émergeant dans chacun des entretiens. Le contenu descondensés est par la suite classé, en fonction des thèmes (histoireindividuelle, histoire coparentale, histoire socioprofessionnelle,paternité), dans un arbre de codification. Cet arbre de codification, quicomporte plusieurs sous-catégories pour chaque thème est soumis autraitement du logiciel N'Vivo et permet une lecture transversale desdonnées de base.

    La force de cette stratégie de recherche est de faire ressortir lesreprésentations subjectives que se font les pères de leurs propres

    parcours de vie, des interactions qu’ils perçoivent entre elles etd’analyser les liens entre ces trajectoires et leur engagement auprès deleurs enfants. Les analyses ont permis de dégager des lignescommunes et dissemblables dans les trajectoires de vie desparticipants.

    Cette étude répond à plusieurs suggestions formulées par leschercheurs dans leurs écrits récents (voir Cummings, Goeke-Morey &Raymond, 2003; Lamb, 2003; Tamis-LeMonda & Cabrera, 2002) :

    1. elle porte sur une population de pères défavoriséséconomiquement,

    2. elle donne la parole aux pères eux-mêmes,3. elle est basée sur une méthodologie qualitative qui permet de

    saisir la richesse et la complexité de la paternité,4. elle utilise la méthode du récit de vie qui donne accès à

    l’influence de la vie passée des pères sur l’engagement paternel,

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    5. elle comporte deux périodes d’observation, permettant ainsid’examiner les changements survenus dans la vie des pères entre lesdeux intervalles.

    Résultats

     Les participants

    Les participants recrutés (n=17) correspondent au profilrecherché. Quinze d’entre eux cumulent 11 ans et moins de scolarité.Deux pères ont fréquenté l’école pendant seulement 6 ans.Quoiqu’une majorité occupe un emploi (n=13), les pères vivent tous

    dans la pauvreté. Treize pères (n=13) rapportent des revenus annuelsen deçà de 20 000$ (Canadiens) et les autres ont un revenu se situantentre 20 000 et 25 000$. Au moment de la deuxième entrevue, lespères ont en moyenne 25,4 ans (sd =3.04). Le plus jeune a 20 ans et leplus vieux a 32 ans. Dix d’entre eux sont Caucasiens et sept autressont d’origine antillaise. Tous les pères, sauf un, ont des enfantsbiologiques. Leurs enfants ont été conçus alors qu’ils étaient dans lavingtaine (min= 15,5 ans, max=25). Ceci n’exclut cependant pasqu’ils soient (ou aient été) en contact avec des enfants non-biologiques. Dix participants n’ont qu’un seul enfant. Les autres ont

    de 2 à 6 enfants. La moyenne d’âge des enfants à la première entrevueest un peu plus de 5 ans (min=3 mois, max =21 ans). Cinq pères ontdes contacts quotidiens avec leurs enfants, sept pères voient leursenfants une fois par semaine, deux les voient occasionnellement. Troispères ne voient plus leurs enfants. Treize pères sur dix-sept (76%) nesont plus en relation de couple avec la mère de leurs enfants. La duréemoyenne de relation de couple avec la mère des enfants est de 4,14ans (min.=1.5 ans, max.=8 ans). Pour 12 pères (71%), l’enfant a étéconçu dans les douze premiers mois de la relation amoureuse.

    En somme, les hommes de notre échantillon sont devenus pèresrapidement après leur rencontre avec la mère. La majorité a un seulenfant qui a, en moyenne, 5 ans. La plupart des pères voient leursenfants sur une base régulière mais ne sont plus en couple avec leurmère17.

    17 Notons que le fait d’être marié ou non n’a pas été considéré dans cette étudepuisque, au Québec, une proportion importante de couple vit en union libre,peu importe leur niveau socioéconomique. Le fait de n’être pas marié n’est

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    Engagement des pères auprès de leurs enfants

    Devenir père comporte une signification importante pour tous lespères. Malgré leur parcours difficile, la grande majorité (n=14) despères continuent d’avoir des contacts réguliers avec leurs enfants.Leurs témoignages sont révélateurs de leur désir de changer le coursde leur propre histoire. Nombreux sont ceux qui veulent éviter dereproduire ce qu’ils ont vécu, ce qui implique d’être présents,disponibles, aimants, ou de ne pas être trop sévères, de ne pas utiliserla violence. Dans tous les cas, ils affirment devoir « inventer » leur

    propre rôle de père. Les enfants occupent une place importante dans lavie des pères. Ils parlent d’eux avec émotion : «C’est le sang de tonsang… mon garçon m’appartient. Il n’y a pas personne qui va fairemal à mon enfant là… C’est juste à moi pis à ma conjointe. » Ils ensont fiers et les admirent. Tous les pères rapportent, à des degrésdivers, un engagement concret auprès de l’enfant lorsqu’ils sont enleur présence: le promener en poussette, conduire l’enfant à lagarderie, parler et jouer avec lui, préparer des sorties avec lui. Ilspensent à leurs enfants lorsqu’ils ne sont pas avec eux. Ils sepréoccupent de leur santé, de leur avenir.

    Presque tous les pères ont parlé de l’arrivée de l’enfant commed’un moment significatif où ils se sentent motivés à prendre leursresponsabilités envers leurs familles mais également envers eux-mêmes. D’abord, le fait d’avoir un enfant les rend très conscients del’importance d’être responsable financièrement. Le rôle de pourvoyeurest très prégnant dans l’esprit des pères et l’arrivée d’un enfant lesmotive à rompre avec l’instabilité professionnelle. Ils veulent être enmesure d’acheter à leurs enfants des vêtements, des chaussures ou descadeaux. Faire en sorte que leurs enfants ne manquent de rien ou aientaccès aux mêmes biens que les autres enfants, représente unepréoccupation constante.

    La présence d’un enfant est également perçue par les pèrescomme une injonction à se réaliser en tant que personne. Ils veulentaussi mettre un terme définitif à leurs affaires de jeunesse, soit les

    pas une caractéristique distinctive des pères en contexte de précarité,contrairement aux études américaines.

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    soirées dans les bars, les sorties avec d’autres filles, les dépensesinutiles , les dettes , la drogue : « Ça demande beaucoup de te regarder

     puis d’avoir le désir de changer des choses, de t’améliorer, parce quetu sais que ça va paraître chez tes enfants. L’amélioration que tu fais

    dans ta vie, tu en bénéficies et tu n’es pas seul à en bénéficier. Tesenfants aussi vont en bénéficier . »

    Bien entendu, tous les pères ne s’engagent pas dans la paternitéavec la même intensité. Parmi les pères qui sont en contact avec leursenfants, environ la moitié démontre une affirmation plus intense de lapaternité et ce, sous plusieurs angles, touchant non seulementl’enfant, mais eux-mêmes en tant que personne. Ils sont engagés dansles soins, la relation affective avec l’enfant, l’aspect financier, mais,

    en plus, ils sont profondément investis comme personne dans lapaternité. Il nous est également apparu que ces pères sont davantagecentrés sur l’enfant et décentrés d’eux-mêmes; ils remettent enquestion leurs manières de faire, ils font preuve d’empathie dans leurfaçon de parler de l’enfant ou de leur conjointe : «  mon fils estvraiment fort et intelligent, il comprend, il est affectueux. Parfois iln’écoute pas, mais vous savez tout le monde a ses sautes d’humeur detemps à autre, c’est une façon pour lui de s’exprimer ». Parcomparaison, les autres pères n’affichent pas un investissement aussiintense dans toutes les dimensions de la paternité. Ils regrettent la

    liberté de leur adolescence et insistent davantage sur les sacrifices etrenoncements associés à la paternité : « Elle (sa conjointe) voulait que

     j’arrête tout, les amis, les bars, la musique, tout. Oublie toi, oublie tacarrière, il faut que tu sois là… Je n’étais pas prêt pour ça, je ne peux

     pas changer ma vie du jour au lendemain et c’est ce que les femmesattendent de nous. Quand elle devient enceinte, elle s’attend à ce quel’homme change automatiquement mais c’est impossible ». Uneanalyse subséquente des caractéristiques spécifiques des pères les plusengagés fait ressortir que ces derniers se distinguent par le fait qu’ilssont plus nombreux à être en couple avec la mère de leurs enfants, àavoir eu leur enfant plus tard dans la relation comparativement auxautres pères et s’ils ne sont plus en couple, à entretenir une bonnerelation avec la mère de leurs enfants. Il semble ainsi que la présenceet la durée de la relation avant l’arrivée de l’enfant jouent en faveur del’engagement paternel.

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     Histoire socioprofessionnelle

    Tous les pères que nous avons rencontrés ont quitté l’école très

     jeune, le plus souvent après de nombreux échecs et mésaventures.Leur adolescence représente une période de rébellion et de conflits,surtout avec leur père. Plusieurs ont fait partie d’un « gang » de rue etconsommé de la drogue. Pour tous les participants, l’entrée dans lemonde du travail se situe entre 12 et 16 ans. Les emplois qu’ilstrouvent alors sont de nature précaire et sont essentiellement manuelset/ou manufacturiers. Pourtant, ils considèrent le travail comme unlieu de valorisation qu’ils ne trouvent pas à l’école. Hormis laprécarité, les participants se sont heurtés à d’autres difficultés dans

    leurs premiers emplois. Les tâches non qualifiées qui leur sontdemandées deviennent rapidement ennuyeuses et répétitives. Plusieursont tenté de retourner aux études, souvent sans succès, par manqued’argent ou de motivation. Les pères ont cumulé les petits emplois,qu’ils quittent souvent de façon impulsive soit parce qu’ils ont trouvémieux ailleurs, soit parce qu’ils se brouillent avec leur patron.

     Histoire individuelle

    Environ la moitié des pères (n= 9) ont vécu la séparation de leurs

    parents avant l’âge de 12 ans. Deux participants ont été séparés deleurs parents en bas âge pendant 4 ans parce que leurs parents ontémigré. Cinq pères n’ont jamais vécu avec leur père d’origine, maiscertains d’entre eux l’ont connu. Un seul père sur 17 a vécu sonenfance avec ses deux parents biologiques. Par ailleurs, cinq pères ontvécu la mort d’un membre de la famille suite à une maladie ou à unsuicide. Deux participants ont été placés en famille d’accueil dansl’enfance. Sept participants sur 17 ont fait un séjour en Centred’accueil pour adolescents délinquants. Aucun d’entre eux ne sembleentretenir de liens actuels avec le milieu de la drogue et de lacriminalité.

     La relation avec la mère d’origine

    Une proportion assez importante de participants (n=10) rapporteavoir vécu une relation chaleureuse, sécurisante et positive avec leurmère : « Je pouvais parler de n’importe quoi avec ma mère même desmauvaises choses. Elle n’allait pas le dire à d’autres, elle ne me

     jugeait pas. […] La personne en qui j’ai le plus confiance c’est ma

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    mère ». Ils disent s’être sentis compris et écoutés par elle et gardentdes souvenirs précis et nombreux des moments passés avec elles :« elle ne m’a jamais laissé tomber. Je sais qu’elle sera toujours làmême lorsque j’aurai des problèmes ». La mère représente pour eux

    l’une des personnes les plus importantes de leur vie d’adulte : « j’aibesoin d’elle souvent. J’ai besoin de conseils, des fois, j’ai besoin de

     parler, je vais chez elle, je prends un café … ». Un seul père décrit larelation avec sa mère comme ayant toujours été très problématique.Pour les autres participants, leur relation à la figure maternelle sembleavoir été plus complexe et teintée d’ambivalence. On remarque, dansleur discours, certaines contradictions et incohérences entre ladescription très positive de leur mère, d’une part, et les souvenirsqu’ils évoquent où se dessine une mère souvent absente, peu

    sécurisante et affectueuse. Ces pères restent, dans leur discours,loyaux envers leur mère, osant à peine la critiquer et la remettre enquestion. Ainsi, pour plusieurs pères, la mère d’origine revêt uneimportance particulière: « Ma mère, c’est… comme… C’est ma mère,

     j’en ai rien qu’une, puis c’est une des personnes les plus importantes pour moi. Je vais tout faire pour la protéger ». La relation avec lamère est aussi caractérisée par la stabilité, c’est-à-dire que malgrécertaines difficultés, la mère d’origine est toujours présente dans la vieactuelle des pères et pour quatre pères, est explicitement identifiéecomme leur modèle de parentalité : « Je transmets à mes enfants ce

    que ma mère m’a dit, ce qu’elle m’a donné »; « Si ma mère me donneun conseil pour être un meilleur parent, je fais ce qu’elle me dit  ».

     La relation avec le père d’origine

    Les témoignages d’une proportion marquée de pères (n=10)révèlent que soit leur père était absent ou décédé, soit que la relationétait empreinte de violence et d’abus : « mon père m’oubliait sur lecoin de la rue… oublier son enfant, c’est pas le fun… quand je suisavec ma fille, elle est ma priorité, je n’étais pas prioritaire pour mon

     père, il était absent, irresponsable, impulsif et agressif »; « Mon pèren’aime pas montrer ses sentiments, il se renferme. Ça m’a manqué etça me manque encore, c’est peut-être pour cela que je serai unmeilleur père ».  Ces participants évoquent une absence de modèlepour jouer le rôle de père :  « Je n’avais pas vraiment de père… Tuessaies de te faire des modèles et les modèles que j’avais, ce n’était

     pas évident… des modèles à la télé… ». Les autres participants (n=7)révèlent une relation satisfaisante avec leur père biologique bien quece dernier ait été parfois sévère, autoritaire ou émotionnellement

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    distant. Ils trouvent dans cette relation une personne sur laquelle ilspeuvent compter : « On a été deux chums (amis), on est deux chums…

     Mon père, je lui porte respect… ». Leur discours reflète qu’ils se sontsentis aimés et respectés par leur père. Certains de ces pères

    témoignent de conflits avec leur père au moment de l’adolescence.Toutefois, ces conflits n’ont pas eu de répercussions à long termepuisque plusieurs d’entre eux ont gardé ou repris un contact soutenuavec leur père. Aucun de ces pères ne décrit son père biologiquecomme un modèle clair. Ils peuvent représenter un modèle pour unaspect mais non pour un autre : « C’est ce que mon père faisait avecmoi que je fais avec (mon fils) maintenant….(mais) j’aurais aimé qu’ilme parle davantage ».. Ainsi, comparativement à la perception de larelation avec la mère d’origine, une proportion plus élevée de

    participants qualifient leur relation avec leur père comme étantproblématique et instable. Ces données nuancent la perception selonlaquelle seul le père d’origine peut avoir un impact sur l’engagementpaternel. Elles ouvrent la porte à l’influence de la mère d’origine.

     Histoire coparentale

    La plupart des participants ont connu la mère de leurs enfants àl’adolescence. La moitié des mères proviennent d’un milieu perturbé

    (carences affectives importantes, parents absents ou abusifs, abussexuels intra ou extrafamiliaux). Pour plusieurs participants, ils’agissait du premier amour : « Ma première relation sérieuse, c’étaitelle. Oui oui… J’avais 16 ans, elle avait 15 ans. Quand je l’ai connu,

     je prenais tout le temps soin d’elle ». Dans presque tous les cas(n=14), l’enfant est conçu accidentellement quelques mois, voirequelques semaines après le début de la relation de couple (min : 1,5mois; max : 2 ans). Certains pères, une fois le choc de la nouvellepassée, se réjouissent de la grossesse alors que d’autres affirmentavoir été plus profondément perturbés par cette nouvelle. Dans tousles cas, la décision de garder l’enfant est laissée à la mère : « J’avais21 ans et non je ne voulais pas devenir père, c’était trop tôt, je voulaisretourner à l’école, c’était trop…Après un moment je l’ai accepté (lagrossesse) parce que je l’aimais et j’ai décidé de l’accepter  ».

    La plupart des participants racontent la grossesse et la premièreannée de la vie de l’enfant comme une période extrêmementtumultueuse pour leur couple. Les motifs de conflits évoqués par lespères sont multiples : le manque d’argent, la jalousie de la conjointe,leur manque de participation dans les tâches ménagères, les difficulté

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    liées à de la toxicomanie de l’un ou de l’autre… Avec le recul, près dela moitié des pères rencontrés affirment qu’ils n’étaient pas prêts àautant de changements en si peu de temps : « … j’avais sauté tropd’étapes. (…)Je trouvais que j’étais rendu à une vie d’adulte un petit

     peu trop vite. Trop de responsabilités».Les conflits conjugaux ne sont pas étrangers au fait que la

    situation financière de la majorité des couples au moment de lanaissance est fragile. En effet, quoique presque tous les pères, suivantl’annonce de la grossesse, entreprennent des démarches pour trouverun emploi et que la plupart y parviennent, ils occupent des emploisprécaires et peu qualifiés.

    Au deuxième entretien, une forte majorité de pères (n=13) étaient

    séparés de leur conjointe. Ils parlent de cet événement comme unepériode très pénible, comme un grand choc émotionnel : «  je pensais juste à elle. J’ai quasiment… toutes les fois où je regardais une fille,c’était mon ex que je voyais. Ça a été mon premier amour, alors ça nese finit pas comme ça». D’autres ajoutent à cela la difficulté de perdrele contact quotidien avec leur enfant et de briser leur rêve d’unefamille unie. Suite à la séparation, certains pères perdent totalementcontact, pour un moment, avec leurs enfants, soit parce qu’ils prennentla fuite, retombent dans la toxicomanie ou se font traiter pourdépression. À l’inverse, suite à la rupture, quelques-uns réorganisent

    leur vie dans le but de rester proche de leur enfant. Malgré lesdifficultés conjugales et post-conjugales, une assez forte proportion departicipants (n=10) considère la mère de leur enfant comme une bonnemère, une femme responsable en qui ils peuvent avoir confiance etavec laquelle ils entretiennent une bonne relation.

    Discussion

    Certaines dimensions plus significatives émergent des parcoursdes pères rencontrés. La discussion met l’emphase sur ces facteurs etdocumente leur influence apparente sur l’engagement paternel.

    Paternité et identité personnelle

    Le fait de devenir père comporte un impact profond sur le père auplan personnel, voire sur l’identité. Les pères ont indiqué que laprésence d’un enfant incite à l’acquisition d’une responsabilité vis-à-vis de soi-même. Beaucoup désirent se ranger socialement, cesser de

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    consommer ou de sortir dans les bars et devenir sérieux. Le statut detravailleur, de personne stable et de citoyen engagé représente l’imageque les pères veulent transmettre à leurs enfants. Le fait de devenirpère signifie aussi devenir un modèle pour l’enfant, c’est-à-dire

    quelqu’un qui ne vit pas de l’aide sociale et qui prend sesresponsabilités. Cette prise de conscience ainsi que l’importance pourles pères d’assumer leurs responsabilités suite à la naissance de leursenfants sont identifiés par d’autres chercheurs (Anderson et al, 2002 ;Coley, 2001). Ces résultats confirment l’importance de mettre enplace des mécanismes de soutien précoce, soit au moment de lanaissance de l’enfant et même avant, de manière à ce que lamotivation des pères soit soutenue et encouragée concrètement(Anderson et al, 2002). Plusieurs pères de notre échantillon ont

    rapporté obtenir ce type de soutien des intervenants de l’entreprised’insertion, lorsque, dans des moments difficiles, ils se faisaient direde ne « pas lâcher » parce que leur enfant a besoin de leur présence.

    Paternité et travail

    En ce qui a trait au monde professionnel, si le modèle de Belskysuggère que le travail influence la parentalité, cette étude fait ressortir

    que, pour les jeunes pères, c’est le fait de devenir parent qui influenceleur parcours professionnel. La presque totalité des pères ont indiquéque la venue d’un enfant agit comme un fouet sur leur motivation àprendre leur responsabilité de pourvoyeur, à se trouver un emploi afinde s’assurer que l’enfant ne manque de rien. Des résultats similairessont rapportés par Kost (2001). Cette étude fournit des pistes deréponse aux interrogations de Fagan et ses collègues (2003) quant auxliens entre le travail et l’engagement paternel, qui selon notre étude,passent par la motivation des pères à se trouver un emploi lorsqu’ilssavent qu’ils deviendront père. Comme dans d’autres études menéesauprès de populations vulnérables, le rôle de pourvoyeur dans la viede ces jeunes hommes est important et il serait inapproprié dedévaloriser cette fonction en faveur d’une image de père plusaffectueux puisque l’un n’exclut pas l’autre (McLahahan & Carlson,2003). Cependant, à l’instar de McLanahan et Carlson (2003), on nepeut être certain de la stabilité d’emploi dans le temps, étant donné laprécarité constante du travail dans leur vie et de leur très faible degréde scolarisation.

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    Paternité et famille d’origine

    En ce qui a trait à la famille d’origine, cette étude permet de faireressortir certaines nuances quant à l’influence des parents sur

    l’engagement paternel. D’abord, en ce qui a trait à la présence d’unmodèle paternel, comme d’autres dans le passé (Cowan & Cowan,1987; Kost, 2001), notre étude confirme la présence d’un processuscompensatoire, c’est-à-dire que tous les pères disent vouloir fairemieux avec leurs enfants que ce que leur père a fait pour eux.Cependant, nos données complexifient la question du modèle parental.Il ne semble pas y avoir de modèle parfait ou un seul modèle parental.Même en référant à une relation difficile avec leur père d’origine,certains participants identifient des aspects par lesquels leur père est

    un modèle, et d’autres aspects par lesquels il ne l’est pas. Par exemple,un participant peut percevoir son père comme un modèle parce quec’était un homme « droit » qui a bien réussi financièrement, mais ilrejette ce même père comme modèle dans la relation affective avecson enfant. Ces résultats vont dans le même sens que plusieurs autres(Beaton, Doherty, & Rueter, 2003; Berman & Pedersen, 1987; Sagi,1982) qui concluent que les deux processus, de compensation et demodélisation, peuvent coexister pour un même parent. Nos données ausujet des pères d’origine laissent présager que le processuscompensatoire serait spécifiquement relié à l’aspect affectif, c’est-à-

    dire que les dimensions pour lesquelles les pères veulent compenserpour ce qu’ils n’ont pas eu touchent l’échange d’affection, l’écoute etla proximité affective avec leurs enfants.

    La perception de la relation avec le père d’origine sembleégalement varier dans le temps. Quoiqu’ils aient eu des relations trèsconflictuelles avec leur père, surtout à l’adolescence, certainsaffirment qu’ils comprennent mieux leur père depuis qu’ils ont desenfants et qu’ils reproduisent certains de leurs comportements avecleurs propres enfants. Nous ne trouvons pas comme Cowan et Cowan(1987) que les pères plus engagés viennent de familles plus cohésiveset moins conflictuelles, du moins du point de vue de la relation avec lepère d’origine. Les pères plus engagés de notre échantillon n’ont pasrapporté une meilleure relation avec leur père que les participantsmoins engagés. D’après ces résultats, il nous semble important d’allerau-delà du « bon » ou du « mauvais » modèle et de comprendre quelsaspects spécifiques de cette relation ils souhaitent reproduire avecleurs enfants et quels aspects ils rejettent.

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    Par ailleurs, on constate que la mère d’origine, très importanteaux yeux de plusieurs jeunes pères tant dans l’enfance qu’à l’âgeadulte, peut possiblement avoir un effet sur l’engagement paternel.Ces pères décrivent leur relation avec leur mère lorsqu’ils étaient

    enfants comme étant très significative. Cette relation chaleureuse,sécurisante et positive fait que la majorité des jeunes pères disents’être sentis compris et écoutés malgré des périodes de mésentente. Àl’âge adulte, la mère est le plus souvent décrite comme étant uneconfidente, une personne qui protège et qui est présente. Ils setournent vers elle lorsque des conflits conjugaux surgissent ousimplement parce qu’elle fait partie de leur vie. La mère n’estgénéralement pas décrite comme agissant directement dans la relationentre le père et l’enfant mais comme un modèle parental pour certains

    et surtout comme un soutien au père, sur le plan personnel. Ce soutienpourrait avoir un effet « tampon » (« buffer effect ») sur le stressressenti par le père qui doit relever de multiples défis : gérer lesrelations avec l’ex-conjointe, se trouver un emploi, arrondir les fins demois… Ainsi, en échangeant avec sa mère et en bénéficiant de sonsoutien, le père verrait son stress diminuer et serait conséquemmentplus disponible pour affronter ces difficultés. Ces résultatsquestionnent l’absence d’information au sujet des mères d’originedans les écrits scientifiques sur l’engagement paternel. La plupart desrecherches mettent l’emphase sur le père d’origine, probablement

    parce qu’on conçoit son rôle comme étant central dans la transmissiond’un modèle de père (Lamb & Tamis-LeMonda, 2003). Cependant, ceprésupposé reposant sur le modèle d’identification au même sexe(« same-sex identification model »), mérite d’être réexaminé (Berman& Pedersen, 1987). Selon la revue de Losh-Hasselbart (1987) sur ledéveloppement des rôles sexuels, le fait que les enfants imiteraientinvariablement le parent du même sexe est tout à fait questionnable.D’autres variables orienteraient le choix d’un modèle. Les personneschaleureuses ou celles qui ont le plus de pouvoir ou de contrôle sontdavantage imitées par les enfants, peu importe leur sexe. Notre étudeinvite à explorer davantage la mère d’origine comme influence del’engagement paternel de leur fils. Celle-ci peut peut-être contribuer àdévelopper chez le jeune garçon, l’ouverture à créer, plus tard dans lavie, des liens affectifs réciproques. De fait, on rapporte que la mère aun rôle considérable dans la transmission de la capacité d’empathiechez ses enfants (Barnett, King, Howard & Dino, 1980) et que cettedernière fait moins de différence entre les garçons et les filles dans sesméthodes d’éducation que ne le font les pères (Losh-Hasselbart,1987). Ainsi, l’influence de la mère sur l’acquisition par leur fils,

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    d’habiletés reliées aux soins et à l’éducation des enfants comme lacapacité d’empathie, est tout à fait plausible (Berman & Pedersen,1987).

    En bref, les pères de notre étude rapportent avoir vécu denombreux bouleversements durant leur enfance et leur adolescence.Dans ce contexte, il est difficile d’évaluer l’influence des modèlesparentaux. De façon générale, la relation avec le père d’origine estbeaucoup moins stable que la relation avec la mère, situationsemblable à celle rapportée par Kost (2001). Rappelons qu’un seulpère a vécu avec ses deux parents biologiques et que la plupart ontpassé plus de temps avec leur mère qu’avec leur père. Malgré cela,lorsque l’on demande aux participants si leur père représente un

    modèle parental, certains d’entre eux nomment des caractéristiquesqu’ils désirent reproduire avec leur enfant. Certains, au sortir del’adolescence, et avec la venue de l’enfant se sont réconciliés avecleur père et bénéficient aujourd’hui de leur soutien. Ce qui frappecependant dans l’analyse du discours des participants est que,comparés aux pères d’origine, les mères d’origine représentent unefigure d’attachement beaucoup plus stable.

    Paternité et relation coparentale

    Cette étude confirme l’importance cruciale du lien du père avec lamère de ses enfants sous plusieurs aspects et ce, peu importe le statutmarital. D’abord, les pères les plus engagés partagent certainescaractéristiques : ils sont toujours en couple avec la mère de leursenfants ou ils ont une bonne entente avec elle s’ils sont séparés et ilsont eu leur enfant plus tard dans la relation. Aussi, à partir del’ensemble des témoignages, plusieurs pères décrivent la mère de leursenfants comme quelqu’un qu’ils respectent, une bonne mère,quelqu’un avec qui ils entretiennent une bonne relation. Compte tenudu fait que la plupart des participants ont gardé contact avec leursenfants sur une base régulière, il est opportun de croire que la qualitédu lien coparental facilite l’accès du père à ses enfants. Malgré desdiscours similaires sur le plan de la motivation à vouloir assumer sonrôle paternel, peu de participants à l’étude de Kost (2001) avaient decontacts avec leurs enfants à cause, entre autres choses, des barrièresposées par la mère. Ainsi, dans notre étude, ce n’est pas la présenced’un lien amoureux entre les parents qui agirait sur l’engagementpaternel comme le suggère d’autres études (Gavin et al, 2002 ;McLanahan & Carlson, 2003) mais plutôt la perception positive

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    qu’ont les pères de leurs relations avec leur ex-conjointe. Ces résultatsconfirment ceux de Fagan et ses collègues (2003, 2000) dont lesétudes révèlent qu’une proportion importante de pères est engagée enl’absence d’un lien amoureux avec la mère et que c’est l’absence de

    conflits avec l’ex-conjointe, plus que le maintien de la relation decouple qui favorise l’engagement paternel. Des recherches futurespourraient documenter de façon plus approfondie les caractéristiquesassociées à une bonne relation coparentale, de même que lesconditions qui favorisent le maintien d’une bonne entente suite à uneséparation amoureuse. Selon une étude auprès de mères adolescentes(Gee & Rhodes, 2003), l’impression d’être soutenue par le père, lemanque de soutien de sa propre mère et l’absence d’un nouveaupartenaire amoureux prédisent la continuité dans les relations

    coparentales.

    ·Pauvreté et engagement paternel

    Une analyse plus globale de la situation des jeunes participantsmet en relief la difficulté de leur situation de vie qui va au-delà desdéterminants identifiés par Belsky (1984). Le contexte dans lequel ces

     jeunes pères deviennent parents comporte une série d’obstacles : lapauvreté, l’instabilité sur le plan du logement, le manque d’emploi et

    l’exclusion qui en découle. Ces barrières représentent un ensemble dedéfis qui pèsent lourd lorsqu’un enfant est présent et il nous apparaîtimportant d’inclure la dimension du contexte de vie dans l’analyse deleur situation. De plus, quoique la présente étude ne soit paslongitudinale, le fait d’avoir rencontré les participants à deux reprisesà environ 8 mois d’intervalle, laisse entrevoir l’instabilité danslaquelle ils évoluent au niveau du travail, du couple et possiblement deleurs liens avec l’enfant. Une réelle étude longitudinale pourraitévaluer l’évolution de leur parcours. Toutefois, une conclusionimportante de la présente étude révèle que la pauvreté en soi neconstitue pas un obstacle à l’engagement paternel. En accord avecAnderson et ses collègues (2002), nos résultats démontrent que lapaternité peut fournir la motivation nécessaire pour tenter de sortir del’instabilité financière.

    Relativement à notre cadre conceptuel, notre étude suggère que lamère d’origine semble jouer un rôle important dans l’histoireindividuelle des pères vulnérables. Elle offre une stabilité et aide lepère à faire face aux défis reliés à la paternité. En ce qui a trait à la

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    relation coparentale, nous avons rapporté qu’une relation coparentalefaite de contacts fréquents et de soutien mutuel semble contribuer aumaintien de la relation père-enfant suite à une séparation. L’influencedu travail sur l’engagement paternel est moins claire. Il semble que ce

    soit la paternité qui ait davantage un impact sur le travail quel’inverse. Lorsqu’ils ont un enfant, la plupart des pères essaient demettre un terme à l’instabilité professionnelle de manière à soutenirleur famille. Enfin, pour ce qui regarde la paternité, notre étudeconclut que la paternité comporte une signification importante pourles pères vulnérables. Devenir père représente l’occasion de vouloirdevenir une personne plus responsable. L’engagement des pères prenddiverses formes. Les pères les plus engagés sont impliqués dans toutesles dimensions des soins et de l’éducation des enfants, l’identité de

    père est solidement ancrée en eux et ils sont plus centrés sur leursenfants que sur eux-mêmes.

    Cette étude comporte quelques limites. D’abord, nous n’avonspas tenu compte de l’origine ethnique des participants dans lesanalyses alors qu’une proportion assez importante de l’échantillonétait immigrante. Des analyses subséquentes pourront répondre à cettepréoccupation. Aussi, l’étude s’est basée sur les récits subjectifs etrétrospectifs des participants. Des entrevues avec les mères et lesenfants pourraient compléter la compréhension que nous avons de la

    vie de ces hommes. Une autre limite inhérente à cette étude est quenous n’avons pas mesuré l’impact de l’engagement paternel sur lebien-être des enfants. De plus, l’instabilité des parcours de vie nousamènent à penser que leurs situations de vie n’est peut-être déjà plusla même au moment où nous écrivons ces lignes. Une étudelongitudinale pourrait documenter l’évolution de leurs parcours dansla vie adulte.

    Conclusion

    Les jeunes pères rencontrés présentent d’importants facteurs derisque de décrochage paternel (Jaffee, Caspi, Moffitt, Taylor &Dickson, 2001). Ils proviennent de familles instables, certains ont étéplacés en famille d’accueil, plusieurs ont été délinquants. Pourtant,malgré ces difficultés, aucun d’entre eux n’est devenu criminel et unemajorité est en contact soutenu avec leurs enfants. L’avènement de lapaternité dans leur vie, une relation coparentale satisfaisante, du

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    soutien en provenance des mères d’origine et dans une moindremesure, des pères d’origine, constituent l’ensemble des dimensionsrelevées par la présente étude pour expliquer pourquoi ces pères sesont éloignés d’un parcours délinquants et sont investis dans leur rôle

    de père. Nos résultats suggèrent aussi qu’il est important de ne pass’en tenir seulement à l’impact de l’histoire développementale surl’engagement paternel, tant il existe d’autres facteurs qui, à l’âgeadulte, peuvent renverser la vapeur, à commencer par l’avènement dela paternité. Le fait de devenir père donne un sens nouveau à leur vie.L’arrivée d’un enfant constitue pour presque tous les pères un signal,une indication qu’il est temps de se prendre en charge puisquedésormais quelqu’un dépend d’eux. Cette nouvelle identité modifieleur rapport au travail et les incite à se trouver un emploi qui leur

    permette de s’assurer que leur enfant ne manque de rien. Leurattachement à l’enfant, couplé à la présence d’une bonne ententecoparentale semble être reliée au maintien du lien de ces jeunes pèresavec leur progéniture.

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