Aspects épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques ...
Bases moléculaires et épidémiologiques de l ...
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Bases moléculaires et épidémiologiques del’antibiorésistance bactérienne
Jf Guillot
To cite this version:Jf Guillot. Bases moléculaires et épidémiologiques de l’antibiorésistance bactérienne. Annales deRecherches Vétérinaires, INRA Editions, 1990, 21 (1), pp.1-11. �hal-00901916�
Article de synthèse
Bases moléculaires et épidémiologiquesde l’antibiorésistance bactérienne
JF Guillot
INRA, Station de pathologie aviaire et de parasitologie, CR de Tours-Nouzilly,37380 Monnaie, France
(Recu le 20 mars 1989; accepté 7 juin 1989)
Résumé ― L’apparition de l’antibiorésistance est associée aux déterminants génétiques de le, résis-tance microbienne. Les caractéristiques et les propriétés des mutations chromosomiques, des plas-mides, des transposons et les différents mécanismes de la résistance sont décrits. Les divers typesd’échanges de bactéries et matériel génétique qui déterminent la diffusion épidémique del’antibiorésistance sont illustrés et discutés.
antibiorésistance / bactérie / épidémiologie / mutation / chromosome / plasmide / transpo-son / mécanisme de résistance
Summary ― Molecular and epidemiological basis of microbial resistance to antibiotics. Theemergence of resistance to antibiotics is related to the genetic determinants of microbial resistance.The characteristics and properties of chromosomal mutations, plasmids, transposons and the va-rious mechanisms of resistance are described. The range of bacterial and genetic exchanges in de-termining the epidemic spread of resistance to an antibiotic are illustrated and discussed.
microbial resistance / antibiotic / epidemlology / mutation / chromosome / plasmid / transpo-son l mechanism of resistance
INTRODUCTION
L’importance médicale de la résistancedes bactéries aux antibiotiques et les parti-cularités qu’elle présente ont favorisé la re-cherche des bases moléculaires de la ré-
sistance.
Plusieurs supports génétiques et des
mécanismes biochimiques différents
conduisant à l’expression de la résistanceont ainsi été mis en évidence. Ces particu-larités moléculaires de l’antibiorésistanceinfluent sur son épidémiologie.
Ce sont les aspects que nous dévelop-pons dans cet article car leur connais-sance est indispensable aussi bien pourmettre au point de nouveaux antibiotiquesque pour rechercher des procédés visantà limiter la diffusion de l’antibiorésistance.
* Adresse actuelle : Université de Tours, IUT, 29 rue du Pont Volant, 37023 Tours Cedex, France.
BASES MOLÉCULAIRES DE L’ANTIBIO-RÉSISTANCE
Supports génétiques
Les gènes de résistance aux antibiotiquespeuvent être situés, soit sur le chromo-some bactérien, soit sur des éléments ex-trachromosomiques : les plasmides. Plusrécemment on a découvert que ces gènespeuvent aussi se transposer, c’est-à-dire
s’échanger entre les différents répliconsque sont le chromosome, les plasmides oules bactériophages.
Résistance chromosomique
La résistance est généralement due à unemutation au niveau de l’ADN qui affectespécifiquement le mécanisme d’action d’unantibiotique ou d’une famille d’antibioti-
ques. Cette résistance est caractérisée :
- par une faible fréquence d’apparition(taux de mutation de l’ordre de 10&dquo;6 à
10-9). La résistance, sous contrôle chro-mosomique, à plusieurs antibiotiques à lafois a donc une probabilité infime d’appari-tion : les bactéries multirésistantes fré-
quemment rencontrées en pratique ne
sont pas des mutants multiples à quelquesexceptions près (Smith, 1976);- par sa spontanéité. Elle apparaît en
l’absence de l’antibiotique, qui n’est qu’unagent sélecteur des bactéries mutées;- par sa stabilité et son aspect hérédi-
taire : lors de la division bactérienne,l’ADN muté est répliqué et transmis auxbactéries filles qui présenteront les carac-tères nouveaux apparus par mutation chez
leur parent;Ces mutations confèrent à la bactérie
qui les porte une résistance à des concen-trations souvent très élevées d’antibiotique
(cas de la résistance chromosomique à lastreptomycine) mais elles sont générale-ment associées à des déficiences métabo-
liques ou structurales et la bactérie mu-tante est contre-sélectionnée en l’absence
d’antibiotique.L’ensemble de ces caractères explique
la faible importance pratique des résis-tances de nature chromosomique, exceptépour les mycobactéries pathogènes.
Cependant pour quelques antibiotiques,méthicilline, isoniazide, rifampicines, qui-nolones seule la résistance chromosomi-
que est connue et elle prend alors touteson importance lors d’utilisation thérapeuti-que de ces substances.
Résistance plasmidique
Caractères généraux des plasmidesLes plasmides sont constitués de molé-cules d’ADN bicaténaire extra-chromo-
somique, circulaire, se répliquant de façonautonome et qui sont transmises de façonstable au cours des générations. Ils pré-sentent certaines propriétés propres :- une petite taille qui varie de 1 à 400 ki-lobases (kb) et plus, soit une longueurd’ADN de l’ordre de 1/10 à 1/1 000 de celledu chromosome;- une réplication autonome, indépen-dante de celle du chromosome, assurantun nombre fixe de copies plasmidiques parcopie du chromosome et la répartitionéquitable de ces copies dans les cellulesfilles;- l’aptitude éventuelle au transfert entrebactéries de la même espèce ou d’es-
pèces différentes. On parle alors de plas-mides conjugatifs. La présence au niveaude leur ADN des gènes responsables dutransfert se traduit par une taille minimalede l’ordre de 30 kb. Ce transfert par conju-gaison se produit essentiellement chez les
bacilles à Gram négatif. Plus récemment ila été décrit chez certains Streptococcus,Bacillus, Lactobacillus, Clostridium
(Thompson, 1986). Il existe aussi chez les
staphylocoques mais est moins bien connu(Towsend et al, 1986).
Rappelons aussi que les plasmidespeuvent aussi être transférés par transduc-tion ou par transformation;- une autre propriété essentielle des plas-mides est l’incompatibilité. Liée au produitde gènes inc, elle se traduit par l’incapacitéou non pour 2 plasmides de coexister dansune même bactérie selon qu’ils portent ounon les mêmes gènes inc. Cette propriétéest à la base d’une classification des plas-mides en groupes d’incompatibilité.
En plus de ces gènes codant pour despropriétés générales, d’autres gènes éven-tuellement présents leur confèrent des pro-priétés spéciales : résistance aux antibioti-ques, aux métaux lourds, facteurs
d’attachement, caractères métaboliques,production de toxines... Ces gènes codantpour différentes fonctions peuvent être as-sociés sur un même plasmide. De plusune même bactérie peut, par exemple, hé-berger plusieurs plasmides de résistanceaux antibiotiques (plasmides R) différents.Dans cette bactérie peuvent aussi être pré-sents des plasmides ne codant pour au-cune fonction connue (plasmide cryptique).
Excepté les quelques antiobiotiquespour lesquels seule la résistance chromo-somique a été décrite, la résistance plas-midique est une réalité pour toutes lesautres familles antibiotiques, y compris desmolécules synthétiques apparentées (sul-famides, triméthoprime, furanes).
Généralement les plasmides R codentpour la résistance à plusieurs familles anti-biotiques différentes, on parle alors demultirésistance ou de polyrésistance.
La résistance d’origine plasmidique rendcompte de la grande majorité des cas derésistance bactérienne et de la quasi-
totalité des cas de résistance multipleobservés dans la pratique courante desexamens de laboratoire.
Identification et classification
Afin de démontrer le support plasmidiquede la résistance, différentes techniques ontété mises au point. Elles sont de 2 types :les techniques génétiques et les techni-
ques biophysiques et biochimiques.
Techniques génétiquesLes techniques génétiques consistent, soità transférer les plasmides d’une bactériedonatrice à une bactérie réceptrice, soit àcurer l’ADN plasmidique en faisant agirdes agents chimiques inhibant sélective-ment sa réplication, ce qui est précieuxdans le cas de plasmides non autotransfé-rables. La 3e technique génétique est ladétermination du groupe d’incompatibilité.
Les transferts se pratiquent en utilisantcomme bactérie réceptrice une bactérie deréférence dépourvue de plasmide. L’acqui-sition des caractères par la bactérie récep-trice ne permet cependant pas d’affirmerque tous les caractères transférés sont
portés par le même plasmide car des phé-nomènes de cotransfert plasmidique sontpossibles.
Le transfert par conjugaison est intéres-sant pour les plasmides autotransférables,ainsi que pour les plasmides non auto-
transférables mais mobilisables, d’autant
qu’il peut être réalisé entre bactéries d’es-pèces différentes.
La transduction utile pour les plasmidesnon conjugatifs voit son intérêt limité enraison de la spécificité d’hôte des bactério-phages et des possibilités de recombinai-son entre l’ADN plasmidique et l’ADN pha-gique, ou entre plusieurs ADN
plasmidiques (lida et al, 1981 Même sansrecombinaison la cotransduction de diffé-rents plasmides semble possible (Coetze,1977).
La transformation est très précieuse,que les plasmides soient ou non conjuga-tifs. Elle nécessite la purification de l’ADNplasmidique et impose de rendre la bacté-rie réceptrice compétente.
L’utilisation d’agents curants inhibant laréplication de l’ADN plasmidique va entraî-ner la disparition dans la descendance descaractères plasmidiques. L’efficacité deces agents est relative selon les plasmideset seule une perte des caractères de
l’ordre de 100% est à considérer, car cer-taines mutations (réversion, délétion) peu-vent donner les mêmes manifestations.
Le test d’incompatibilité permet de clas-ser les plasmides. On teste leur aptitude àcoexister 2 par 2 dans une même bactérie.
Si les plasmides ne coexistent pas dans ladescendance, ils sont dits incompatibles etappartiennent ainsi au même groupe d’in-compatibilité. Lorsque l’un des 2 plas-mides est un plasmide de référence d’ungroupe d’incompatiblité déterminé, le test
donne alors le groupe auquel appartient leplasmide étudié. Chez les entérobactériesplus d’une vingtaine de groupes sont ac-tuellement connus, mais d’autres classifi-cations existent pour certaines espècesbactériennes, par exemple chez les Pseu-domonas. Ces classifications sont utiles
en épidémiologie plasmidique.
Techniques biophysiques et biochimiquesElles consistent à mettre en évidencel’ADN plasmidique par différents procé-dés :
(a) L’électrophorèse en gel d’agarosequi, après purification de l’ADN, permet dedéterminer le nombre et la taille des plas-mides présents dans la souche;
(b) l’ultracentrifugation : c’est une ultra-centrifugation isopycnique en gradient dechlorure de césium et en présence de bro-mure d’éthidium qui crée une différence ar-tificielle de densité entre l’ADN plasmidi-
que et l’ADN chromosomique. Cette centri-fugation permet d’isoler l’ADN plasmidiquetotal de la bactérie. Le nombre et la tailledes plasmides présents sont ensuite déter-minés par une ultracentrifugation analyti-que en gradient de saccharose. Une foisindividualisé, les ADN plasmidiques peu-vent être étudiés plus précisément, soit enles coupant avec des endonucléases derestriction et en analysant les bandes obte-nues, soit en dénaturant l’ADN et en re-
cherchant son homologie avec l’ADN d’unautre plasmide ou encore en recherchantune hybridation sélective pour telle ou telleséquence intéressante à l’aide d’une
sonde radioactive;
(c) la microscopie électronique permetde visualiser l’ADN plasmidique isolé parultracentrifugation et de mesurer, lorsquela molécule d’ADN est restée sous forme
circulaire, la longueur du ou des plasmidesprésents dans la souche. Elle est aussi in-dispensable pour mettre en évidence l’ho-mologie entre plasmides lorsque des hété-roduplexes ou des hybridations par sondesont pratiqués.
Ces différentes méthodes, résuméesdans le tableau 1, permettent en les utili-
sant de façon complémentaire d’analyseret d’identifier les plasmides. En effet si lestechniques biophysiques et biochimiquesrenseignent plus sur l’ADN lui-même, sonpoids moléculaire, sa composition en
bases, les techniques génétiques préci-sent certaines propriétés des gènes plas-midiques, aptitude au transfert, incompati-bilité. Il est donc nécessaire d’utiliser
plusieurs techniques pour disposer du
maximum d’informations sur les plasmidesrencontrés.
Familles antibiotiques et résistance plasmi-diqueSi l’on excepte les quelques familles oumolécules antibiotiques pour lesquelles
seule la résistance chromosomique a étédécrite (voir paragraphe précédent) desgènes de résistance portés par des plas-mides existent pour presque tous les anti-
biotiques et apparentés: pénicillines,céphalosporines, aminosides, chloram-
phénicol, tétracyclines, érythromycine, lin-
comycine, fosfomycine, acide fusidique,sulfamides, triméthoprime et furanes. Lesespèces bactériennes qui hébergent cesdiverses résistances plasmidiques sont
elles-mêmes très variées.
Transposons et transposition
En 1971, Datta a observé que le gène co-dant pour la résistance aux (3-lactamines(j3-lactamase) porté par le plasmide RP4peut s’intégrer dans l’ADN d’un plasmidede groupe d’incompatibilité différent, le
plasmide R64. Ce transfert de gènes entre
plasmides non homologues se traduit parun accroissement de la taille du plasmideaprès intégration. Ce phénomène a été ap-pelé «transposition» et les gènes ayantcette propriété des «transposons». Cetteobservation faisait suite à la découverte en1968 de courtes séquences particulièresayant pour unique propriété de se transpo-ser par un mécanisme nouveau indépen-dant du système de recombinaison de labactérie hôte : les «séquences d’insertion»(Cornelis, 1982; Kleckner, 1981; Starlingeret Saedler, 1972).
Les transposons responsables d’antibio-résistances correspondent à un segmentd’ADN long de 700 à quelques milliers depaires de base et constitué d’un ou plu-sieurs gènes de résistance limités aux ex-trémités par des séquences répétitives in-versées pouvant ou non faire partie deséquences d’insertion.
Plusieurs dizaines de transposons por-teurs de gènes de résistance présents surdes plasmides isolés d’espèces bacté-
riennes différentes ont été décrits (tableau11).
Pour la quasi-totalité des antibiotiquesutilisés couramment les gènes de résis-
tance peuvent être transposables. Un
même transposon peut d’ailleurs porterplusieurs gènes de résistance (cas destransposons Tn4, Tn7, Tn21, Tn204,Tn232, Tn1696).
L’aptitude de ces gènes à se transposerest importante car elle favorise la dissémi-nation par transposition plasmide-plasmide, ou plasmide-bactériophage.Cette dissémination sur différents typesd’ADN inclut les plasmides cryptiques pré-sents dans de nombreuses bactéries et
dont on ne connaît pas les fonctions des
gènes qu’ils portent. De plus la transposi-tion intervient dans l’évolution des gé-nomes comme cela a été postulé pour lesorganismes supérieurs (Lewin, 1981 ).
Mécanismes de résistance
Indépendamment du support génétique,différents mécanismes biochimiques vontconduire à la manifestation de la résis-
tance; 4 types de mécanismes ont été dé-crits (Davies, 1979) :- non-fixation de l’antibiotique par mo-
dification de sa cible;- synthèse d’enzymes bactériennes
modifiant ou inactivant l’antibiotique;- diminution de la perméabilité de la
bactérie à l’antibiotique;- utilisation d’une nouvelle voie méta-
bolique remplaçant la voie inhibée par l’an-tibiotique.
Ces mécanismes sont d’une importanceinégale et le tableau 111 résume ceux ren-contrés lors de résistance plasmidique ouportés par des transposons.
La connaissance du mécanisme d’inac-
tivation, en particulier l’identification du oudes enzymes responsables, est précieuse
pour caractériser les souches résistanteset contribue ainsi à préciser leur épidémio-logie. En effet, l’identification des enzymespar détermination de leur poids molécu-laire, de la vitesse maximum ( V m!), de laconstante d’affinité enzyme-substrat (Km),du point isoélectrique, de leur profil de sub-strat, etc., permet de suivre leur répartitionchez les espèces bactériennes rencon-
trées en pathologie et de mettre en évi-
dence l’apparition de nouveaux types derésistance (Acar et al, 1982; Neu et al,1980). Elle permet aussi, parallèlement àl’identification des gènes impliqués, de
mieux cerner les échanges génétiques, no-tamment in vivo, se produisant entre bac-téries d’espèces différentes (Trieu-Cuot etal, 1985).
ASPECTS ÉPIDÉMIOLOGIQUES DE
L’ANTIBIORÉSISTANCE
L’évolution générale des bactéries vis-à-visdu phénomène d’antibiorésistance, qui se
manifeste par une augmentation lentemais constante du nombre de bactéries ré-sistantes, a plusieurs causes. Parmi cescauses, on peut distinguer :- d’une part, la pression de sélection
exercée par les antibiotiques, que nousavons évoquée, et qui entraîne la sélectiondes bactéries résistant à tel ou tel antibioti-
que au détriment des sensibles;
- d’autre part, une épidémiologie parti-culière des gènes de résistance liée au dif-férents supports possibles : chromosome,plasmide ou transposon.
Selon le support de la résistance, celle-ci aura une épidémiologie différente, ce quia été observé dans la pratique lors
d’«épidémies» de résistance.
Bases théoriques
On peut actuellement distinguer 3 typesd’épidémiologie bactérienne souvent
confondues et cependant très profondé-ment différentes (tableau IV).
Épidémiologie «d’espèce»
C’est l’épidémiologie classique étudiée àl’aide de marqueurs portés par le chromo-some (chimiotypie, sérotypie, lysotypie).Elle permet de suivre une bactérie dansdifférents habitats. Elle est à la base de
l’hygiène qui va consister à éliminer lesbactéries de leurs habitats ou à couper lesvoies de transmission.
Épi.démiologie de «plasmide»
Elle découle du transfert possible des
plasmides entre bactéries, même d’es-
pèces bactériennes différentes. Ainsi cer-taines propriétés portées plus particulière-ment, voire exclusivement, par des
plasmides (antibiorésistance, antigènesK88 et K99, toxines, etc.) peuvent diffuserplus largement et différemment de lasouche bactérienne qui les porte.
Le plasmide est lui-même un marqueurépidémiologique de par les gènes qu’ilporte (antibiorésistance, etc.) et par ses
caractéristiques génétiques (incompatibili-té) ou biophysiques (taille de l’ADN, frag-ments de restriction).
Épidémiologie de «gène»
Elle est liée à la propriété qu’ont certainsgènes de se transposer, c’est-à-dire de«sauter!· d’un support génétique sur unautre (plasmide-plasmide, plasmide-chromosome, etc.).
Rappelons que la plupart des gènesd’antibiorésistance sont ainsi capables dese transposer. La mise en évidence de latransposition nécessite des techniques bio-physiques et biochimiques délicates : hété-roduplex, sondes radioactives, etc. Cette
épidémiologie moléculaire ou de gène n’enest donc actuellement qu’à ses débuts.
Lorsqu’une «épidémie» de résistance
apparaît ayant pour origine un gène de ré-sistance transposable, ces 3 épidémiolo-gies se superposent car le gène transpo-sable doit être obligatoirement porté par unsupport génétique réplicable, tel un plas-mide, qui est lui-même nécessairement hé-bergé par une bactérie.
Circulation des plasmides et«épidémies»
L’apparition de la résistance à la gentami-cine en France, bien étudiée et suivie parWitchitz et Chabbert (1972), a été le pre-mier exemple montrant le rôle des plas-mides dans la circulation des gènes de ré-sistance, notamment la diffusion rapide àplusieurs espèces bactériennes d’une ré-sistance nouvellement apparue.
En effet, jusqu’en 1969, peu de bacté-ries résistaient à la gentamicine, antibioti-que aminosidique découvert en 1963. Fin1969, une résistance à de fortes concen-trations apparaît dans un hôpital parisien.Elle va rapidement diffuser d’une part àdes espèces bactériennes différentes,d’autre part à d’autres hôpitaux, y comprisdes hôpitaux de province géographique-ment éloignés.
L’analyse de la résistance a révélé quel’enzyme inactivant la gentamicine était
toujours une adénylase et qu’un plasmidesemblable appartenant au groupe d’incom-patibilité «inc C» était à l’origine de cettenouvelle résistance. On parle dans ce casde plasmide épidémique.
Une étude plus récente pratiquée auxÉtats-Unis et au Venezuela a confirmé quele rôle majeur de la diffusion de la résis-tance à la gentamicine, liée à la biosyn-thèse d’une nucléotidyltransférase ANT(2&dquo;), revenait à un même plasmide auto-transférable (O’Brien et al, 1985).
L’apparition, aux États-Unis, de gonoco-ques résistant à la pénicilline en 1976 ré-sulte de phénomènes comparables (Ro-berts et Flakow, 1977). La résistance estdue à la production d’une ¡3-lactamase detype TEM codée par le transposon TnA.Elle aurait pour origine d’autres bactériesGram négatives, en particulier, Haemophi-
lus influenzae qui contient des plasmidessemblables codant pour des (3-lactamases.
Les plasmides d’H influenzae ne sem-blant pas se maintenir dans les gonoco-ques, la transposition, après transfert plas-midique, du TnA sur les plasmidesrésidents du gonocoque serait à l’originede l’acquisition de la résistance à la péni-cilline chez Neisseria gonorrhoeae.
De même l’émergence de souches d’Es-cherichia coli hautement résistantes aux
triméthoprime-sulfaméthoxazole chez desétudiants américains atteints, au Mexique,de «diarrhées du voyageur» était danstous les cas liée à la présence dans cessouches d’un seul plasmide codant pour larésistance au triméthoprime. Dans la majo-rité des cas les fragments de restriction ob-tenus après action de l’endonucléase HindIli étaient identiques (Rudy et Murray,1984). Selon les auteurs cette résistance àdes concentrations élevées pourrait avoirpour origine une souche commune héber-geant le plasmide épidémique, bien qu’ilsn’aient pu mettre en évidence une tellesouche. La présence du plasmide épidémi-que codant pour une dihydrofolate réduc-tase de type 1 a donc rendu inefficace letraitement préventif au triméthoprime-sulfaméthoxazole qu’utilisaient les étu-diants contre la diarrhée du voyageur.
Ces quelques exemples montrent bienqu’une circulation des gènes de résistanceexiste entre réplicons, par la transposition,entre bactéries, par les différents modesde transfert, et entre les écosystèmes bac-tériens par les échanges permanents debactéries.
Pour mieux cerner cette circulation l’utili-sation de sondes d’ADN, d’acquisition ré-
cente, qui permettent de repérer précisé-ment un gène considéré est en pleindéveloppement (Tenover, 1986). Ce typede technique moléculaire contribue, en
complément des études sur la diffusion
des plasmides et des bactéries, à ac-
croître nos connaissances sur les diffé-rents paramètres intervenant dans la circu-lation des gènes.
Les entérobactéries tiennent, pour cer-tains auteurs (Williams, 1978), une placeprimordiale dans cette circulation en tantque réservoir de gènes de résistance auxantibiotiques car d’une part elles sont gé-néralement porteuses de plasmides R etd’autre part elles représentent une popula-tion bactérienne constante, importante etfréquemment au contact de bactéries pa-thogènes dans la flore microbienne diges-tive des animaux et de l’homme.
CONCLUSION
Les caractéristiques et la variété des sup-ports génétiques et des mécanismes derésistance aux antibiotiques rendent
compte des différentes modalités d’adap-tation des bactéries à ces molécules. En
pratique, ces modalités sont d’inégale im-portance et la résistance à support plasmi-dique codée par des gènes transposablesest la plus préoccupante.
Il en résulte une épidémiologie particu-lière, se manifestant épisodiquement pardes épidémies de résistance. La connais-sance des bases moléculaires de la résis-tance est indispensable pour élucider l’ap-parition de ces épidémies préjudiciables àl’efficacité des nouvelles molécules et pourdéterminer les étapes essentielles dans ladissémination des gènes de résistance
afin de la réduire.
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