Aspects sociologiques du loisir

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Association internationale des sciences écono­miques ;

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diques; Association mondiale de recherches sur l'opinion

publique ( W A P O R ) ; Comité international de documentation dans les

sciences sociales; Conseil international des sciences sociales.

D E R N I E R S N U M É R O S P A R U S

Vol. XI , n° 2 L'enseignement des sciences sociales en U R S S

Vol. XI , n° 3 Etude et pratique de la planification

Vol. XI , n° 4 Nomades et nomadismes en zone aride

Vol. XII, n° ï La participation des citoyens à la vie politique

Vol. XII, n° 2 Sciences sociales et coopération scien­tifique

Vol. XII, n° 3 Progrès technique et décision politique

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U N E S C O REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES SOCIALES

R E V U E T R I M E S T R I E L L E

V O L . X I I , N ° 4 , i 9 6 0

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE :

ASPECTS SOCIOLOGIQUES D U LOISIR

Le loisir et la civilisation technicienne, par Georges Friedmann. . . 551 Problèmes actuels de la sociologie du loisir, par Joffre Dumazedier . . . . 564 La culture populaire, concept c o m m u n aux humanités et à la sociologie, par

Leo Lowenthal 574 Travail, carrières et intégration sociale, par Harold L . Wilensky 585 Loisirs, participation sociale et activité politique, par Renate Mayntz . . . 608 Les conditions d'une planification sociale du loisir, par Ahtik Vitomir . . . 623

DEUXIÈME PARTIE :

LES SCIENCES SOCIALES DANS LE M O N D E

I. ÉTUDES EN COURS ET CENTRES D E RECHERCHES

Recherches coordonnées sur les loisirs dans quelques pays européens, par R . Hennion 633

La sociologie des loisirs aux États-Unis, par Aline Ripert 644 Participation d'experts de l'Unesco à la mission d'études de l ' O N U sur l'urbani­

sation dans la région méditerranéenne 651 L'Institut d'administration publique de la République du Soudan. . . . 656

II. DOCUMENTS DES NATIONS UNIES ET CHRONIQUES BIBLIOGRAPHIQUES

Documents et publications des Nations Unies et des institutions spécialisées . . 658 Chronique bibliographique 684 Livres reçus 6g 1

III. INFORMATIONS

Le stage international d'études et de recherches sociologiques sur l'emploi des moyens de communication de masse, Milan, 13-26 mars i960 699

Le colloque scientifique sur les problèmes de la productivité du travail à l'Aca­démie des sciences de Hongrie, Budapest, 29 septembre-2 octobre 1959. . . 7 0 1

U n prix de la Westdeutscher Verlag, Cologne 703 Bourses d'études démographiques 1961-1962 704 Le 11 Ie Congrès international de cybernétique, N a m u r , 11 -15 septembre 1961. . 705

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ONT COLLABORÉ AU PRÉSENT NUMÉRO

JOFFRE D U M A Z E D I E R , Centre d'études sociologiques, Paris. G E O R G E S F R I E D M A N N , École pratique des hautes études, Paris. R . H E N N I O N , Institut de l'Unesco pour l'éducation, Hambourg. L E O L O W E N T H A L , Université de Californie, Berkeley. R E N A T E M A Y N T Z , Freie Universität, Berlin. ALINE R I P E R T , Centre d'études sociologiques, Paris. G Y " R G Y R O Z S A , Bibliothèque de l'Académie des sciences de Hongrie. A H T I K VITOMIR, Institut de sociologie, Ljubljana. H A R O L D L . W I L E N S K Y , Université du Michigan, Ann Arbor.

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P R E M I È R E P A R T I E

ASPECTS SOCIOLOGIQUES DU LOISIR

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LE LOISIR ET LA CIVILISATION TECHNICIENNE

GEORGES FRIEDMANN

U n tissu toujours plus étendu et serré de techniques caractérise le nouveau milieu humain dans les sociétés industrialisées : le machinisme industriel, c'est-à-dire l'ensemble des machines et appareils de production peuplant les ateliers et bureaux des entreprises, n 'en représente qu'une partie. Considéré dans sa totalité, ce milieu constitué par l'ensemble des techniques (produc­tion, transport, communication, relation, divertissement) qui ont transformé et transforment chaque jour davantage les conditions d'existence de l ' h o m m e , pénétrant tous les instants de sa vie et ne cessant d'imprégner davantage de nouveaux secteurs (travail, foyer, consommation, loisir, etc.), soumet ainsi l'individu à une foule de sollicitations, d'excitations, de stimulants naguère inconnus. Ceux-ci créent, installent, épaississent autour de lui ce que nous appelons globalement un milieu technique.

Les milieux techniques observables dans des sociétés diversement struc­turées présentent, malgré leurs différences, des traits analogues, à la fois dans le fonctionnement des institutions et dans le comportement des individus. L'agrégat complexe des « faits de civilisation » (notion empruntée à Marcel Mauss1) forme une civilisation. Aujourd'hui, l'ensemble des faits de civili­sation (par exemple : organisation scientifique du travail, production en série, mass media, publicité, attitudes de consommation, tourisme de masse, compor­tements hors travail, etc.) c o m m u n s aux diverses sociétés industrialisées constitue ce que nous désignons par civilisation technicienne. S'il y a eu dans l'histoire de l'humanité des civilisations qui ont vécu et sont mortes à l'écart des techniques découvertes par d'autres groupes humains, désormais, sur toute l'étendue de la planète, cet isolement est de moins en moins possible. L a civi­lisation technicienne, munie de prodigieux moyens de diffusion, est d'essence universaliste2.

PRODUCTION DU TEMPS LIBÉRÉ

E n m ê m e temps qu'elle multiplie, en quantité et en qualité toujours plus élevées, d'énormes masses d'instruments de production et de biens de consom­mation, la civilisation technicienne suscite u n temps libéré, nettement séparé,

1. La civilisation, le mot et Vidée, Ire Semaine internationale de synthèse, Paris, Renaissance du livre, 1930, p. 81-106.

2. Elle manifeste, néanmoins, des traits différenciés selon les sociétés, les rythmes et modalités des changements techniques, les caractères nationaux, l'héritage culturel. Pour l'évolution récente du complexe travail-loisir aux États-Unis, nous renvoyons aux commentaires nuancés de David Riesman et Warner Bloomberg Jr. dans Research in industrial human relations : a critical appraisal, N e w York, Harper, 1957, « W o r k and leisure : Fusion or polarity 9, p . 69-85.

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au moins apparemment, du temps de travail. Cette séparation est c o m m a n d é e par l'organisation du travail, sa discipline, par la division des tâches, la struc­ture des entreprises, la cohésion des armées industrielles qui les peuplent. L e fait que des marées humaines s'emparent, à des heures strictement fixées, des ateliers et des bureaux, crée pour des dizaines, des centaines de millions d'êtres humains un temps qui, vu de l'extérieur, semble disponible, vide.

Cette distinction rigoureuse n'est pas inscrite dans l'histoire naturelle de l'espèce. C'est un fait nouveau, surgi depuis un demi-siècle avec une netteté croissante dans le contexte économique et technique de l'étape actuelle des révolutions industrielles, inséparable de la production de série et de 1' « orga­nisation scientifique » du travail. Dans les sociétés prémachinistes, c o m m e l'ont montré les études classiques de Lucien Febvre1, le « temps flottant », « temps dormant », pénètre les aspects les plus variés de la vie quotidienne. L a perception de la durée y est toute différente de celle que nous observons chez les contemporains des « jets », de la télévision et de l'automation. Aucune arête vive ne sépare les interminables heures consacrées au travail de celles qui ne lui sont pas consacrées. E n l'absence de tout repère précis, la mesure de la journée de travail n'est pas fixée à l'avance. Dans des sociétés essen­tiellement paysannes, qui acceptent de ne jamais connaître l'heure exacte, le temps libéré dépend de rythmes lentement mûris et fixés, rythmes culturels, saisonniers, sociaux — à grande amplitude.

Les révolutions industrielles ont brutalement imposé, en moins d'un siècle, une quasi-dichotomie entre temps de travail et temps libéré. Mais elles n'ont pas, pour autant, produit simultanément et nécessairement du temps libéré. A u cours de la première révolution industrielle2, l'accent est mis, c o m m e M a r x l'a montré, sur la « grandeur extensive » de la journée de travail. Les « machinofactures » anglaises ou françaises, au début du xixe siècle, semblent avoir pour m o t d'ordre : « Réduisons à son strict m i n i m u m le temps libéré. » Les servitudes horaires des usines, celles que nous décrivent les inspecteurs de fabrique de l'époque, sont bien connues — et terribles. Quinze à seize heures de travail quotidien dans des ateliers malsains excluent non seulement le loisir, mais la simple récupération physiologique. L a semaine de 60 heures est, dès i860, couramment pratiquée aux États-Unis : elle ne le sera pas avant 1900 dans l'industrie européenne. Bientôt, un complexe de facteurs, dont les principaux sont la rationalisation de la production, surgie aux États-Unis à partir des années 1880, la diffusion, avec le taylorisme, des méthodes d'organisation scientifique, la pression des partis ouvriers et des syndicats, la législation sociale, substituent à la grandeur extensive la grandeur intensive de la journée de travail. L'introduction de la journée de huit heures, après 1919, la réduction progressive de la semaine de travail à cinq jours et demi et m ê m e cinq jours, surtout dans les pays anglo-saxons, sanctionnent la conquête du temps libéré et l'apparition, dans la civilisation technicienne, d'un nouveau venu : l'homme-d'après-le-travail.

Depuis les années 1930, le congé payé devient une réalité pour les travail­leurs des pays d'industrie évoluée. L'apparition de périodes hebdomadaires et annuelles de disponibilité, de « vacances », est certainement l'un des traits

1. Le problème de l'incroyance au XVIe siècle, Paris, 1942, p. 426-434. 2. Caractérisée par le triomphe de la machine à vapeur, du charbon — premier « pain de l'industrie » — et le

passage de la manufacture à la fabrique. L a seconde révolution industrielle correspond à un déploiement intense de techniques où dominent la pénétration massive des ateliers par l'énergie électrique et la production de grande série ; la troisième, à l'introduction de l'énergie atomique, aux progrès de l'électronique et de l'automation.

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fondamentaux de la civilisation technicienne. Elle implique, en puissance (mais nous verrons tous les obstacles, parfois redoutables, qui séparent ici la puissance de l'acte dans l'enchevêtrement dialectique des faits économiques, sociaux, psychologiques, culturels), l'accession au loisir des classes à faibles revenus de nos sociétés. L'opposition radicale, millénaire, entre ceux qui ne font que travailler et ceux « qui ne font rien » se nuance de toutes sortes de situations intermédiaires, s'atténue. L'ensemble des rythmes alternés de travail et de non-travail dans les entreprises, les bureaux, les magasins, les chantiers, les services, etc., tend à s'imposer à tous les membres des sociétés modernes industrialisées1 : seul le m o n d e rural y maintient de larges îlots de résistance, eux-mêmes peu à peu rongés par les courants de l'industriali­sation des campagnes. Certes, là où prédomine encore la petite propriété, les rythmes et les impératifs du milieu naturel conservent leur importance. M ê m e le dimanche, la famille paysanne ne peut aisément abandonner sa ferme un jour entier, et le pourrait-elle qu'elle y répugnerait. Néanmoins, par une démarche inéluctable, la destruction du milieu rural traditionnel et ce qu 'on a pu appeler la « dépaysannisation »2 des campagnes constituent pour celles-ci la seule voie d'accès au temps libéré.

Les révolutions industrielles tendent à unifier le m o n d e : répétons ici que la civilisation technicienne est d'essence universaliste. Les législations du travail se veulent identiques dans tous les pays, qu'ils soient économiquement développés ou sous-développés. Toutefois, d'importantes différences se marquent entre eux : pour les uns, l'ensemble des activités de loisir constitue un secteur important de la vie sociale ; chez les autres — c o m m e on l'observe dans les bidonvilles et gourbivilles d'Afrique du Nord, les faveles du Brésil, les shanty towns d'Afrique du Sud, les bustees de l'Inde — les mass media tombent, pour ainsi dire, sur des populations déracinées de leur milieu naturel et non encore intégrées au nouveau milieu des sociétés modernes : ces populations sont souvent pénétrées par les « modèles » des mass media, sous leur forme la plus grossière, avant m ê m e de bénéficier des éléments primaires du bien-être matériel (logement, nourriture, vêtement) et de l'instruction de base.

Nous vivons actuellement une époque de transition. L a technique, partout où elle triomphe, entraîne dans son sillage le temps libéré, tous les possibles du loisir, la quête du bonheur, expression de la « bonne vie » rapportée aux conditions matérielles et morales du nouveau milieu. A la fin du x v m e siècle, le bonheur était « une idée neuve » en Europe, selon le mot fameux de Saint-Just. Sa recherche incessante et omniprésente est aujourd'hui un des traits les plus significatifs de la civilisation technicienne. A travers la diversité des nations, des contextes sociaux et culturels, de l'héritage historique, à travers le legs différencié des rythmes de vie, des traditions et, à l'intérieur de chaque pays, à travers la variété des origines sociales, des formations, des professions, des revenus, des centaines de millions de nos contemporains sont sembla-blement polarisés par l'attrait des facilités, commodités, fins et moyens d'éva­sion qu'offre la civilisation technicienne. U n hédonisme, dont les « modèles » principaux se diffusent sur la planète entière, pénètre des sociétés aux tradi­tions et structures très diverses : départs sur la route, voyages, soleil sur la plage ou la neige, « formes utiles » dans le logement, le vêtement, le confort, etc. U n e étude approfondie, par des méthodes scientifiques appropriées, de

ï. Nous n'avons pas à envisager, au cours de cet article, les problèmes des rapports entre travail et non-travail dans les régions sous-développées du Tiers M o n d e .

2. Charles d'Aragon, * Modernisation rurale *, Esprit, juillet-août 1959.

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l'hédonisme contemporain n'est pas encore faite. Mais, d'ores et déjà, il est clair que la quête toujours plus pressante et fiévreuse du bonheur par les foules du xx e siècle est un des faits sociaux majeurs de notre temps.

Cette course ne signifie pas pour tous, tant s'en faut, découverte, saisie, jouissance. U n autre trait significatif de la civilisation technicienne est que les moyens de bonheur y sont présents, que celui-ci est théoriquement possible, mais que ni les sociétés, ni les individus ne sont préparés à le réaliser. Ces sociétés manquent d 'un réseau suffisant d'institutions favorables à la réali­sation du bonheur. Quant aux individus, ils ne peuvent transmuter leur temps libéré en loisir authentique que s'ils sont capables de dominer, de maîtriser, d'utiliser à leurs fins (au lieu d'être asservis par eux) les innombrables instru­ments, machines, gadgets de la civilisation technicienne. Se servir des techniques et gadgets pour des contributions, m ê m e modestes, à la réalisation de soi, à l'hygiène physique ou morale, au développement de sa personnalité, se servir d'eux au lieu d'être asservi par eux n'est pas chose si aisée pour l'immense majorité des individus, dans les conditions concrètes de leur vie pratique. Sans doute est-ce (au moins en partie) faute d 'un tel art de dominer les techniques que les signes positifs du bonheur ne sont pas, en fait, plus répandus aux Etats-Unis et en Europe, m ê m e parmi les classes à niveau de vie élevé ou m o y e n , et qu'inversement les manifestations variées de déséquilibre, de petites et grandes névroses, d'insatisfaction, le besoin quotidien de toxiques variés, y sont si apparents et répandus.

Bien d'autres handicaps entravent la transformation du temps libéré en bonheur par la civilisation technicienne. Tout d'abord, celle-ci n'est pas préparée à l'avènement de l ' h o m m e du loisir. Dans les civilisations pré­machinistes, que nous nous gardons, certes, d'idéaliser, la fête, inconcevable sans la réunion de tous les membres du groupe, est mêlée de rites, chargée de puissance émotive, manifestée par le relâchement des interdits sociaux et l'épanouissement de formes originales d'art populaire1. Le sens de la fête y est donc profondément enraciné et le travail, imprégné de cérémonie, n'en est lui-même q u ' u n aspect. A u contraire, la société née des révolutions indus­trielles ne possède en propre aucune institution de loisir. L a conquête du temps libéré s'est effectuée dans et par un m o n d e ouvrier où les valeurs du travail sont immanentes, au point que M a r x a pu témérairement affirmer que, dans la société socialiste, celui-ci constituerait le « premier besoin de l'existence » {Critique du Programme de Gotha). E n revanche, les valeurs des loisirs de masse ne sont pas prêtes à répondre au « vide » créé par la semaine de 40 heures. Cette insuffisance des institutions sociales du loisir explique-t-elle la fragilité de la conquête d u temps libéré, remis en question de tant de manières ? O u ne faut-il pas, à cet endroit, signaler l'existence d'autres handicaps qui seuls permettent de comprendre pourquoi le temps libéré, à peine dégagé par les rythmes de l'industrialisation, est, de tant de côtés, menacé de réduc­tion et de pourrissement ?

Tout d'abord, sans cesse plus étendues, les immenses zones urbaines et suburbaines, caractéristiques de toute société industrielle, rongent et dégradent en temps de transport le temps libéré. Sociologues, démographes, psychiatres, économistes, sans oublier les urbanistes et les administrateurs, vouent à ces

I. Cf. les travaux de B . Malinowski sur les tribus mélanésiennes, en particulier Magie, science and religion, Boston, 1948, p. 29-35, et, d'autre part, les belles études de A . I. Richards sur l'organisation collective du travail dans les tribus Beinba, Land, labour and diel in Northern Rhodesia ,Oxford, 1939.

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problèmes une réflexion toujours plus attentive et inquiète1. Quels que soient leurs genres d'occupation, les travailleurs des banlieues (mais où désormais s'arrêtent-elles ?), qui sont des dizaines et dizaines de millions de par le m o n d e , après avoir gaspillé des heures entre leur domicile et leur lieu de travail, ne sont plus, de retour chez eux, disponibles pour beaucoup de moyens de divertissement et encore moins de développement de la person­nalité. A peine, en bien des cas, le sont-ils pour le délassement, c o m m e il ressort de nombreuses enquêtes. Telle est la condition c o m m u n e à l'immense armée des commuters, de Chicago à São Paulo, de Paris à Moscou.

D'autre part, les caractères du travail peuvent pourrir, de l'intérieur et à l'avance, les possibles du temps hors travail. Il n'est question ici que de dégager sommairement quelques lignes générales, par-delà les distinctions et les nuances. Certes, il n'est nullement prouvé et nous n'avons jamais pensé, pour notre part, qu'il y ait une corrélation simple entre, d 'une part, la division et la répétition des tâches et, d'autre part, la pauvreté des activités culturelles, voire leur absence, durant le temps libéré. Les enquêtes de Michel Crozier ont eu le mérite de montrer, dans certains groupes d'employés, la complexité de cette relation2. Si l'on observe, au Centre des chèques postaux de Paris, les occupations de loisir d'employés dont le travail est entièrement routinier (homologue des tâches répétitives et parcellaires des ouvriers spécialisés de l'industrie), on constate qu 'une fois sortis de leur bureau ils manifestent, les uns une intensification de leur activité, les autres un repliement sur soi, une sorte d'apathie : conclusions suggestives, mais non surprenantes. Selon le tempérament, le milieu familial, le niveau culturel, l'énergie laissée dispo­nible par le travail et les transports, les uns réagissent par des tentatives de compensation, les autres par l'abstention, l'indifférence plus ou moins dépri­m é e . Les enquêtes systématiques sur les activités de loisir en milieu de travail industriel, analogues à celles qui viennent d'être mentionnées pour le milieu des employés, sont trop peu nombreuses. Néanmoins, il serait aisé d'établir une liste importante de témoignages ouvriers, analogues à ceux, recueillis par Robert Guest, qui nous montrent un ouvrier semi-skilled, incapable, après sa journée de travail sur une chaîne d'automobiles, de surmonter l'épuise­ment3 : pour une large proportion des ouvriers et employés occupés à des tâches routinières à cadence rapide, privées de toute responsabilité, le temps libéré est menacé par la fatigue, souvent plus psychique que physique, qui pèse jusqu'à la briser sur leur capacité de se divertir, et m ê m e de se réparer. D'autres témoignages montrent, en sens inverse, la recherche de brutales compensations à l'oppression de la personnalité par les tâches industrielles « en miettes »4. Mais l'un et l'autre genre de réactions tendent à écarter le travailleur des possibilités d'une vie de loisir enrichissante et débouchant sur un niveau culturel élevé.

ï. Villes et campagnes : civilisation urbaine et civilisation rurale en France, recueil publié sous la direction de

G . Friedmann, Paris, A r m a n d Colin, 1953 : «Banlieues, déplacements journaliers, migrations de travail»

p. 179-222.

2. Petits fonctionnaires au travail, Paris, Centre national de la recherche scientifique, 1955, p . il2-119. Cf. en outre

Michel Crozier et Pierre Guetta, Une organisation administrative au travail (enquête sociologique sur le personnel

d'une compagnie d'assurances), Institut des sciences sociales d u travail, Université de Paris, rapport ronéotypé,

décembre 1956, chap, vi, « L'univers politique et culturel ».

3. R . H . Guest, fl A n assembly-line worker looks at his job », Personnel, M a y 1955 (reproduit en brochure par

l'American Managemen t Association, N e w York, 1955). Pour la France, cf., entre autres, les témoignages de

Georges Navel {Travaux, Paris, 1945) et Daniel Mothé (Journal d'un ouvrier, Paris, 1958).

4. Cf. Des observations sur les travailleurs industriels noirs de Detroit dans Où va le travail humain? ,nouv. éd.,

Paris ,1954, p. 148-150.

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POURRISSEMENT DU TEMPS LIBÉRÉ

Tel est, pour ainsi dire, le premier terrain sur lequel se livre le combat pour l'humanisation du loisir dans la civilisation industrielle : ce terrain, c'est le temps de travail lui-même. L'autre secteur de lutte est constitué par le temps hors travail, menacé de l'intérieur par tout ce qui le réduit, le ronge et le pourrit.

Notons ici, sans pouvoir y insister, que la civilisation technicienne multiplie, pour beaucoup d'individus, les possibilités de contact, de récréation, d'assis­tance, de participation (par les facilités de transport), les stimulations par la publicité et la pression d u milieu, mais aussi les obligations et les risques de dispersion. Q u ' o n songe, à ce propos, aux démarches administratives compli­quées par la lourdeur d u système bureaucratique (par exemple celles que comportent, en France, les prestations de la Sécurité sociale ou l'obtention d'une simple carte d'identité) ; aux « nécessités et obligations » de caractère familial, domestique, ou encore (dans certains régimes) de caractère social, politique et paraculturel. L'industrialisation, dans les conditions où la réalisent nos sociétés, Tend, certes, par la réduction de la durée du travail, à augmenter le « temps libre » mais aussi à pénétrer celui-ci d'une g a m m e variée de contraintes. Aussi jugeons-nous indispensable, afin d'éviter une dangereuse confusion dans les termes, de distinguer soigneusement temps libéré et temps libre, en réservant cette dernière appellation à la durée, préservée de toutes les nécessités et obligations précitées, où la personnalité, exerçant ses choix, tente de s'exprimer et m ê m e (si elle en a l'étoffe et les moyens) de s'épanouir.

Ici, parmi ces obligations et nécessités, devrait se situer l'étude approfondie des diverses catégories de travaux faits à domicile, depuis le « bricolage » français jusqu'aux do-it-yourself-activities nord-américaines. Ces activités jouent, pour certains travailleurs, ouvriers ou employés, et dans certains cas, un rôle compensateur, en les aidant à réparer les d o m m a g e s psychiques causés par des tâches trop répétées et divisées. Le bricolage présente, parmi d'autres traits, ceux d'une activité artisanale, d 'un travail volontaire accompli sans hâte, à un rythme choisi, sur des matériaux façonnés par le seul intermédiaire d 'un outil ou instrument. C e sont là des mérites incontestables, mais dont il faut reconnaître les limites. Celles-ci sont impliquées par le caractère écono­mique de ces activités qui, m ê m e lorsqu'elles ne sont pas rétribuées, visent souvent à préserver pour la consommation le revenu disponible, et en tout cas isolent l'individu, l'immobilisant socialement, le coupant des possibi­lités culturelles offertes par la collectivité. L e jardinage, qui est lui-même, au fond, une catégorie de « bricolage », a, de son côté, des avantages que nous ne songeons pas à nier. Il est bien plus hygiénique, par exemple, de ramer ses petits pois que de vider des verres de pernod. Mais le petit jardin, dans les cités ouvrières ou minières, a bien souvent pour effet (sinon pour but) de fixer le travailleur dans sa sphère de travail, en le chargeant, à l'égard de sa famille, d 'une obligation supplémentaire. Est-il raisonnable d'y voir une contribution positive à la culture ? A la liberté ?

L a zone crépusculaire qui, au-delà du travail, borde et envahit le temps libéré, abrite de bien curieuses activités, caractérisées essentiellement par des formes et degrés variés de contraintes. C'est là encore qu'il convient de classer les diverses modalités de bricolage mercenaire ou bricolage « pour les autres », de travail « noir », de « double (ou triple) emploi ». Arrêtons-nous un instant sur ce point.

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Des philosophes, des théoriciens, des moralistes de nos sociétés industrielles, enthousiasmés par la réduction de la semaine de travail, ont pu espérer, affirmer m ê m e , que l'ouvrier, durant les 2 ou 3 dimanches de sa semaine, voire durant ses soirées, consacrerait le plus clair d u temps libéré aux joies de l'authentique culture, musique, peinture, lectures classiques, pèlerinages vers les hauts lieux de l'art. O r l'observation de ce qui se passe — pour des raisons au reste très diverses — à la fois dans des sociétés prospères, c o m m e les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, dans des économies de pénurie c o m m e la Pologne, la Yougoslavie, ou dans des pays à secteurs sous-développés tels que l'Argentine et le Brésil, montre que beaucoup de travailleurs, d'employés, de petits fonctionnaires consacrent, selon les cas, leurs loisirs accrus à... travailler, commercer, spéculer. C'est, si l'on peut dire, l'infiltration du travail après le travail.

A l'extrême de ce pourrissement du temps libéré se situent toutes les acti­vités qu'on pourrait rattacher au travail noir : elles vont du bricolage pour les autres, des petites tâches domestiques et mercenaires, jusqu'au second métier proprement dit, reconnu ou simplement avoué, qui absorbe la totalité du temps libéré. Dans les sociétés industrielles évoluées, qui seules nous intéressent ici, le travailleur pris, quel que soit son emploi, dans le contexte des « modèles » sociaux, de l'émulation, soumis par ailleurs à l'injection constante de besoins nouveaux (ou renforcés), cherche à gagner plus d'argent pour accroître son confort, améliorer son équipement domestique, son logement, etc. E n 1958, une enquête faite aux États-Unis, à Akron (Ohio), centre des industries du caoutchouc, a montré qu'environ 17% des ouvriers y exercent, en dehors de leur travail d'usine, un second « job » à plein temps et que, par ailleurs, envi­ron 40 % d'entre eux exercent un second métier à mi-temps, très souvent un « service » tertiaire, par exemple chez un coiffeur ou dans une agence i m m o ­bilière1. E n France, le travail noir a pris une extension telle qu'il a provoqué, durant l'hiver 1958-1959, u n mouvement de protestation des associations d'artisans.

Ainsi se trouve éclairé un autre aspect de la bataille pour le temps libre : se développant au cœur de la société industrielle, elle est inséparable des déterminations économiques de celle-ci et des comportements qui leur sont liés, inséparable d u cycle production-consommation où Henry Ford voyait dès 1920, et ajuste titre, le fondement de la prospérité des États-Unis — mais sans en discerner ni la fragilité ni les dangers. Quoi qu'il en soit, pris dans le cycle impérieux, le citoyen m o y e n , le common man des sociétés modernes, m ê m e assisté de l'automation au cours et hors de son travail, risque d'être un nouveau Sisyphe condamné à rouler sans répit u n fardeau toujours retombant qui écrase en lui les valeurs de la pensée, de la culture, et le livre, durant son temps libéré (peau de chagrin rongée par les besoins proliférants), à l'action anarchique des mass media déchaînés.

Dans un m o n d e où les deux Grands, du haut de leurs systèmes également tendus vers la production toujours accrue à travers le progrès technique, se défient et s'affrontent en un duel pour la consommation par tête d'habitant,

1. Cf. l'article de Harvey Sivados « Less work - less leisure », reproduit dans E . Larrabee et R . Meyersohn, Mass leisure, Chicago, Free Press, 1958, p. 353-363. D . Riesman et W . Bloomberg notent (art. cité, p . 75) qu'avant m ê m e d'achever leurs études secondaires {high school), il n'est pas rare que de jeunes Américains détiennent des part time jobs : ils s'assurent ainsi l'appoint financier nécessaire à l'achat d'une automobile et inaugurent la série de leurs seconds métiers, qui feront partie du cadre m ê m e (pallern) de leur existence, au service d'un niveau de vie plus élevé. A N e w York (octobre 1960), j'ai été transporté à plusieurs reprises par des chauf­feurs de taxi dont les premiers • jobs » étaient variés : des employés surtout, et un instituteur.

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il n'est pas surprenant que l'homme-de-loisir aux réactions encore mal assurées cède devant les assauts victorieux de l 'homme-consommateur toujours dis­ponible et perméable aux « besoins » nouveaux. A la lumière de cette évolu­tion récente, combien mal orientée paraît la préoccupation de certains réfor­mateurs et moralistes du siècle dernier, c o m m e Proudhon, inquiets que l'oisi­veté ne corrompe la combativité, la pureté ouvrières. Bien sûr, l'influence des mass media sur les comportements politiques et syndicaux demeure, dans l'état de nos connaissances, une « question disputée ». C e que les faits démontrent, en revanche, c'est que, dans le m o n d e ouvrier, l'attrait de la consommation l'emporte, pour beaucoup d'individus et de familles (la pression s'exerçant ici le plus souvent à travers la cellule familiale), sur la répugnance aux fatigues et aux contraintes du travail. Il faudrait des groupes sociaux imprégnés d'une vigoureuse mentalité hédoniste, renforcés par un réseau vivace de jeux et de « fêtes », pour dresser une barrière efficace contre le pourrissement du temps libéré. Mais existe-t-il, peut-il m ê m e exister de tels groupes dans le contexte de la civilisation technicienne, en Europe ou aux Etats-Unis ? C'est seulement dans les sociétés traditionnelles et coutumières d'Afrique, d'Asie, d'Océanie que l'intime fusion du travail avec la cérémonie, la magie, le rite, est capable (avant, bien entendu, que ne surgissent les effets matériels et moraux de l'industrialisation) d'opposer une indifférence congénitale aux valeurs de productivité ou de consommation.

Il n'est donc pas surprenant, en fin de compte, que, dans les sociétés indus­trielles évoluées, la production potentielle du temps libéré ne suffise pas à créer le loisir. Pour le faire passer à l'acte, pour lui donner forme et vie, bref pour le transformer en temps libre, il faut un système d'institutions et de valeurs. Mais, s'il en est ainsi, les chances du loisir dans la civilisation techni­cienne ne sont-elles pas enfermées dans un cercle vicieux ?

A M B I V A L E N C E DES « MASS MEDIA »

Avant de répondre à cette question, il conviendrait de pousser plus loin l'ana­lyse et de voir selon quel processus, et quelles modalités, la civilisation techni­cienne produit les biens qui déclenchent la course au bonheur. Ainsi seule­ment se trouveraient éclairés, dans une lumière réelle, les problèmes d u temps libre.

L a production en grande série est un des « faits de civilisation » constitutifs de la civilisation technicienne. Depuis le début du siècle, les objets qu'elle répand en masse d'une part, et d'autre part les comportements de ceux qui les consomment, sont dans une évolution permanente qui, par les lois du marché et les pressions de la publicité, implique une réadaptation constante et réci­proque. C o m m e le dit le slogan américain, « le client est roi ». Mais inverse­ment l'industrie, y compris celle des biens culturels, exerce sur le consommateur une action multiforme et impérieuse. L a civilisation technicienne, à travers tous les secteurs évolués de la planète, tend à créer un milieu dont les traits essentiels, plus ou moins accentués, sont homologues. D u Massachusetts à la Californie, mais aussi de Stockholm à Milan, le m ê m e réseau de techniques d'industrie, de transport, de communication, de loisir enserre l ' h o m m e pro­ducteur-consommateur. Des traditions séculaires de récréation, de fête, d'art populaire, secouées par le rythme fiévreux des innovations, s'effritent et s'ef­fondrent. La publicité omniprésente, l'information unifiée, l'attraction obsé-

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dante de nouvelles formes de confort, de déplacement, l'élan inquiet vers des types d'évasion réelle ou imaginaire, entraînent des sociétés entières vers d'identiques utilisations d u temps libéré.

Dans cette liquidation du milieu traditionnel, les mass media exercent une action décisive, dont il importe, à cet endroit, de souligner l'ambivalence :

Ils sont capables d'assurer la diffusion d'informations, de susciter des curio­sités, de nouveaux intérêts, d'accroître l'instruction, d'élargir l'horizon, d'inté­grer l'individu à sa région, à son pays, à sa planète, de développer son goût, sa culture intellectuelle, artistique (par exemple son goût musical), bref, de le rendre, de cent manières possibles, plus présent à l'événement, à l'art, à la pensée. U n e bonne émission télévisée de ballets peut durablement éveiller ou fortifier chez un spectateur l'intérêt pour la chorégraphie, l'histoire de la danse. Dans les campagnes françaises, des enquêtes ont montré de petits proprié­taires, des ouvriers agricoles, dont certains n'étaient jamais sortis de leur village, véritablement passionnés, enrichis, par un film d'exploration rapporté du Haut-Niger, ou par des émissions consacrées à des sports qui leur étaient inconnus, c o m m e l'escrime, les courses de chevaux1.

Ces mass media sont aussi capables de manipuler, de dégrader, d'aliéner dans tous les sens du terme.

Observons, avec une sympathie dénuée de tout complexe de supériorité (c'est-à-dire en acceptant la validité possible d'une « culture de masses » entièrement différente de l'humanisme hérité de la culture gréco-romaine, cadre de référence pour la plupart des intellectuels), les biens de consommation culturels diffusés par les mass media dans les sociétés industrialisées. Observons la manière réelle, quotidienne, dont un très grand nombre d ' h o m m e s et de femmes de notre temps occupent leur temps libéré, c'est-à-dire par les films, émissions de télévision, programmes de variétés radiophoniques, magazines à grand tirage, qui sont (disent leurs producteurs) « adaptés » aux foules et qui, réciproquement, « attirent » celles-ci. Reconnaissons que l'anarchie dans la production commerciale de ces biens est u n grand danger sur lequel nous reviendrons. Reconnaissons aussi, d'après les expériences des régimes dicta­toriaux (111e Reich, Italie fasciste) ou à idéologie officielle, à parti unique ( U R S S , République populaire de Chine), les méfaits du façonnement des esprits par l'État, les dangers de la production centralisée des mass media dont l'État abuse pour imposer à l'individu des doctrines, croyances, informations, idéologies, pour le « couler » en série dans des moules préfabriqués, d'après ses intérêts du m o m e n t .

Évoquons à ce propos, ce qui concerne à la fois la consommation des biens matériels et celle des biens culturels, l'arme terrible que les mass media consti­tuent dans les sociétés modernes en tant qu'instrument de manipulation. O n peut manipuler l'individu psychologiquement (intellectuellement et affectivement) pour lui faire accepter une guerre, ou suivre une dictature, mais aussi pour lui faire acheter un nouveau produit, obéir à un nouveau besoin : les mass media peuvent en effet, avec une efficacité calculée, hâter la maturation de besoins nouveaux. Les psychologues sociaux et sociologues américains, et particulièrement l'équipe de Paul Lazarsfeld au Bureau of applied social research de l'Université Columbia, ont apporté, sur ce sujet, d'intéressantes contributions.

U n autre aspect de la consommation des biens culturels doit être m e n -

ï. Cf. Télévision et éducation populaire (sous la direction de J. Dumazedier), Paris, Unesco, 1955.

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tionné ici : le jeune ouvrier, une fois sorti de son usine à Billancourt, Franc­fort ou Milan, tend à voir les m ê m e s programmes de cinéma ou de télévision, à écouter à la radio les m ê m e s émissions de variétés, les m ê m e s chansons, les m ê m e s disques de jazz, à feuilleter les m ê m e s magazines que le fils (ou la fille) de son contremaître, de son ingénieur, de son chef d'atelier et, plus généralement, que les adolescents « bourgeois » des classes moyennes1 . O n le retrouve de plus en plus souvent, durant ses congés payés, dans les m ê m e s clubs de vacances « organisées », sur une plage ensoleillée2. Certes les rapports sociaux et m ê m e les tensions conflictuelles créés par la situation de travail persistent dans l'usine ou le bureau. Mais, hors du lieu de travail, la consom­mation des mass media exerce une action dissolvante sur la « culture proléta­rienne », la « conscience de classe », catégories du marxisme. L'ouvrier, une fois franchies les portes de l'usine, devient un consommateur, semblable à des millions d'autres membres de la société industrialisée. C'est là un fait, de plus en plus net et dont les incidences sur l'avenir de nos sociétés peuvent être immenses. J'ajoute que, durant quelques récents voyages en Yougoslavie, en U R S S et en Pologne, j'ai constaté combien les jeunes y étaient influencés et m ê m e souvent naïvement polarisés par ces biens de consommation, éléments des mass media, d'origine occidentale — trait universaliste de la civilisation technicienne par-delà les différences de structure économique des sociétés.

U N UNIVERS D E POSSIBLES

Le loisir, dans la civilisation technicienne, ne peut se comprendre que par la rencontre des mass media et de l'homme-après-le-travail. Quel est donc cet homme-après-le-travail ? Et dans quel état physique et psychique aborde-t-il le loisir? Voilà ce qu'une étude plus complète se devrait d'examiner à cet endroit.

Certes, c o m m e on l'a justement noté, tout le problème du loisir ne peut être saisi dans le cadre de ses rapports avec le travail. Le loisir est inséparable de la société globale, de ses structures démographiques et professionnelles, de son contexte historique et culturel. Nous n'en avons, pour notre part, jamais douté et nous ne pensons pas que nos écrits, si on veut bien les lire attentivement, comportent un « privilège dogmatique » accordé au facteur travail ou encore je ne sais quelle opposition (cible aisée à démolir) entre les mauvais « loisirs passifs », développés par la civilisation technicienne, et les bons « loisirs actifs », traditionnels, individuels, inséparables d'une idéale civilisation prémachiniste où des artisans épanouis auraient joui de l'équilibre psychologique et du bonheur, sorte de paradis perdu.

A u cours de cette introduction générale, notre propos est nécessairement limité : il s'agit de replacer le loisir dans le contexte de la civilisation techni­cienne et d'y désigner les courants principaux qui l'affectent. Dans cette perspective, il n'est pas contestable que des masses d ' h o m m e s , de femmes, employés dans l'industrie, le commerce, l'agriculture, les bureaux et m ê m e dans les services du secteur tertiaire, abordent, après le travail, le temps libéré dans un etat psycho-physiologique qui à la fois exige et rend plus difficile la compensation par le loisir. Tant que l'hypothèse de la frustration par cer-

1. Cf. le numéro spécial à'Arguments (janv.-mars 1959) sur « Qu'est-ce que la classe ouvrière française ? » et par­ticulièrement les articles d'Alain Touraine et Serge Mallet.

2. Henri R a y m o n d , << Recherches sur un village de vacances : l'utopie concrète», Revue française de sociologie, i960, n° 3.

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tains postes de travail, brillamment introduite par J. J. Gillespie dès 19481, n'aura pas été nettement explorée et testée, il ne sera pas permis d'en nier, d 'un revers de main, la valeur et l'intérêt.

Inversement, il serait contraire aux faits d'ignorer l'immense domaine où s'affirme, dès aujourd'hui, malgré toutes les forces hostiles que nous avons dénombrées, l'usage actif du loisir. L à se situent les comportements multiples par lesquels l'individu manifeste, après le travail, avec des résultats variés qui vont de l'échec à l'expression totale, son besoin de participation et de création : sous leur face positive, bricolage et artisanat à domicile, intense développement des activités d' « amateur », encouragés par les mass media, concours de tous genres, qu'ils soient ou non publicitaires, succès des associations récréatives, grands flux migratoires des week-ends et des vacances, foisonnement des clubs voués au loisir, tous ces signes sont les éléments d 'un m ê m e langage. Seuls des moralistes chagrins, des intellectuels coupés de leur siècle, claustrés dans les valeurs prestigieuses (pour nous aussi) du passé, peuvent affirmer que l ' h o m m e m o y e n de notre temps est irrémédiablement condamné, au sortir de son travail, à l'apathie et à l'abrutissement. L a réalité nous montre, au contraire, malgré tous les obstacles dont nous avons fait état, ses capacités de résistance et, bien plus, les chances qui lui sont offertes, qui se trouvent à sa portée.

A u cœur m ê m e des problèmes de la compensation et de l'absence se situe tout ce qui concerne l'isolement de l ' h o m m e dans les immenses agglomérations urbaines développées par la civilisation industrielle. L'homme-après-le-travail, tel qu'il est rendu à lui-même et à sa famille, est souvent cloîtré dans son logement de banlieue, grand immeuble ou maisonnette, par sa lassitude et par l'éloignement des institutions de loisir, de vie collective, politique, syndicale, culturelle. Il est contraint de s'en « absenter ». Mais au m o m e n t où il allait s'enfermer chez lui et en lui, se livrer aux toxines de l'isolement, il est rejoint, devant la table où l'attendent journaux et magazines, devant son poste de télévision ou de radio, par les mass media, cet entremêlement de stimulations de toutes valeurs, cet univers infini et nuancé de possibles.

Pour juger ici de la signification d u loisir dans nos sociétés, il faudrait encore connaître avec précision (ce qui n'est pas le cas) les réactions différenciées de l ' h o m m e — ou de la femme — d'après-le-travail, selon les âges, situations socio-professionnelles, contextes culturels, aux formes possibles de compensa­tion, de participation, ou d'absence qu'ils trouvent dans les mass media et qu'ils organisent selon leurs tendances individuelles. E n particulier par le contenu, la quantité et la qualité des informations répandues, des modèles diffusés, les mass media proposent à leurs usagers des formes très variées de présence au m o n d e . Dès 1948, l'enquête classique menée aux Etats-Unis par le Columbia Broadcasting System en liaison avec l'Université Rutgers2 avait montré une tendance à la diffusion verticale, c'est-à-dire une assez rapide démocratisation dans la possession des récepteurs de T V . Des informations plus récentes réunies par Leo Bogart3 vont dans le m ê m e sens, ainsi que les statistiques dont nous disposons pour la Grande-Bretagne4. Aujourd'hui, de larges proportions des usagers les plus assidus de la T V se recrutent dans le secteur médian de

1. J. J. Gillespie, Free expression in industry : a socio-psychological study of work and leisure, L o n d o n , 1948.

2. J. W . Riley, F . V . Cantwell et K . F . Ruttiger, Public opinion quarterly, S u m m e r 1949, p . 226.

3. Leo Bogart, The age of television : a study of viewing habits and the impact of television on American life, N e w

York, 1956. 4 . Cf. Cl. B r é m o n d et E . Sullerot, « Bilans comparés des recherches sur dix ans de télévision aux U S A et en Grande-

Bretagne », publication d u Centre d'études des communications de masse, École pratique des hautes études

(6e section), Paris, mai i960.

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l'échelle socio-économique et culturelle. Mais le m o n d e des travailleurs industriels est, lui aussi, de plus en plus pénétré par la T V . Les cités ouvrières du nord et de l'est de la France, et plus encore celles qui entourent Londres, Manchester, Liverpool, sont hérissées de forêts d'antennes qu 'on retrouve sur les immeubles des grands « combinats » soviétiques, jusque dans l'Oural et la Sibérie.

Cette présence des mass media n'est pas contingente, indifférente par rapport à celui qui s'y trouve exposé. O n peut d'ores et déjà avancer qu'elle est liée par un réseau multiple à la personnalité du récepteur et particulièrement à ses habitudes antérieures de loisir. Chez les employés français, par exemple, des relations existent entre le niveau culturel et la réponse aux mass media. L'action de la T V se différencie selon le degré d'instruction — primaire, secondaire ou supérieure — des spectateurs, ceux de la dernière catégorie s'étant longtemps montrés plus réticents à l'achat d 'un poste. L a belle enquête dirigée en Angleterre par Hilde Himmelweit1 a montré l'action des concep­tions morales, religieuses, pédagogiques sur la propension à l'achat d 'un récepteur et, par exemple, la résistance puritaine de certains milieux.

Dans l'état actuel des connaissances concernant les effets des mass media, il faut souvent se contenter de poser les questions fondamentales, de cerner les problèmes. L ' u n des plus importants par ses incidences sur les signifi­cations du loisir et le potentiel culturel des émissions m e paraît lié à la stimu­lation chez le téléspectateur (ou l'auditeur de la radio) d'activités, consé­cutives à la réception. Si celui-ci reçoit des informations auparavant hors de son atteinte géographique, économique ou sociale, par exemple récits de voyages, concerts, conférences, présentation d'une ville d'art, si ces infor­mations sont d'une qualité suffisante, elles peuvent susciter chez lui, par une rétroaction à plus ou moins brève échéance, de nouvelles curiosités, de nou­velles activités. L'apparition de nouveaux centres d'intérêt est évidemment favorisée par la fixation de la famille au foyer et les discussions qui s'ensuivent entre ses membres : par exemple (et avec des accents différents selon le statut socio-professionnel), la politique intérieure et internationale, le sport, l'édu­cation, le théâtre, l'opéra, les émissions documentaires. Bien entendu, cette étude des stimulations, des conditions qui les suscitent et les activent, recouvre, entre autres implications, celle des effets de la T V sur les habitudes de lecture, aux différents âges, niveaux culturels et pour les différentes catégories de lectures (livres, journaux, magazines). D e ce côté, le bilan actuel, dans l'ensemble, ne paraît pas favorable.

LOISIR ET LIBERTÉ

A u terme de cette introduction, quittons le plan de l'observation pour nous demander, au niveau de l'action, à quelles conditions, dans la civilisation technicienne, les magnifiques « possibles » du loisir auraient le plus de chances de se réaliser.

Q u i dit loisir dit essentiellement choix, liberté. L e loisir correspond à des dispositions, à des goûts individuels, à un complexe de tendances logées au cœur m ê m e de la personnalité. Respecter la personne humaine, c'est aussi respecter son loisir et m ê m e , selon le titre d 'un pamphlet célèbre'2, son « droit

ï. Television and the child, Oxford University Press, 1958. 2. Paul Lafar iie, Le droit à la paresse, Paris, 1883.

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à la paresse ». Dans cette perspective, la société industrialisée ne peut légiti­m e m e n t intervenir qu'en créant, d'une part du temps libéré, et de l'autre des institutions de loisir, urbaines, suburbaines ou rurales, qui soient n o m ­breuses, accueillantes, bien équipées, et donnent accès à toutes les formes de culture, de divertissement, de développement de la personnalité : parmi ces institutions, au premier chef, celles d'éducation, qui devront être adaptées à toutes les catégories socio-économiques, à tous les âges, de sorte que leur réseau constitue une préparation et une incitation permanentes à la culture. Car la préparation à un loisir plus riche est déjà une affaire de pédagogie ou, plus généralement, de formation, et non la moindre. Alors que certaines formes désuètes d'enseignement professionnel se concentrent encore exclusi­vement sur la préparation au travail, la civilisation technicienne exige, au contraire, que l'école, à tous les degrés, assumant la noble ambition d'éduquer, dans la plénitude du terme, le citoyen, se préoccupe de le préparer non seule­ment au travail, mais aussi, et de plus en plus, au loisir.

L e loisir, avons-nous dit, est essentiellement liberté. Mais l ' h o m m e de la civilisation technicienne, livré à lui-même, à toutes les influences qui l'assaillent, est-il capable, par ses seules forces, de découvrir et réaliser son loisir ? D e transformer son temps libéré en temps libre ?

Le tableau précédemment esquissé des résultats auxquels conduit l'anarchie commerciale des mass media condamne, en ce domaine, le laissez-faire. Par ailleurs, l'emprise abusive de l'Etat, le façonnement totalitaire des esprits et des sensibilités présente des dangers non moins redoutables. Entre ces deux menaces, la solution pourrait être trouvée dans le développement intense, multiforme de l'éducation, dotant chacun des moyens d'exercer, à chaque étape de son existence, les choix conformes à ses goûts, à sa person­nalité, multipliant, par ailleurs, les institutions où ces choix peuvent se nour­rir, s'exprimer à travers toute la g a m m e des attitudes qui vont du simple délassement à l'activité créatrice. Faut-il aller jusqu'à imaginer une société où les gouvernants, inspirés par un dirigisme éclairé, combattraient pour diffuser d'authentiques valeurs culturelles avec les armes dont usent les maîtres du secteur commercial, n'hésitant pas, par exemple, à lancer dans le plus large public une rétrospective Gauguin, c o m m e M . X . . . lance sa nouvelle vedette de cinéma ? Sans aller jusque-là, les sages administrateurs des sociétés industrialisées, auxquels on nous pardonnera de rêver un instant ici, appuyés sur le progrès des sciences sociales, ayant pénétré grâce à elles les secrets du milieu technique et de ses effets, retourneraient ces connaissances au service de la découverte de l ' h o m m e par lui-même à travers la transmutation du temps libéré en temps libre.

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PROBLÈMES ACTUELS DE LA SOCIOLOGIE DU LOISIR

JOFFRE DUMAZEDIER

I

A u temps où le jeune M a r x préparait le Manifeste, la durée du travail dans les manufactures était de 75 heures environ par semaine1. Aujourd'hui, dans les pays les plus évolués, la durée réelle varie entre 45 et 40 heures. Certes, ces 35 heures gagnées sur le travail n'ont pas toutes été converties en activités de loisir, mais les enquêtes sociologiques nous ont montré qu'en France, par exemple, les ouvriers et les employés disposent, en moyenne, de 25 heures par semaine pour les loisirs ou semi-loisirs. Le fait important est que désormais le travail ne s'identifie plus à l'activité, que la journée ouvrable n'est plus remplie par le seul travail, mais comporte de 2 à 3 heures de loisirs. L a semaine de travail a tendance à se réduire à 5 jours, avec « deux dimanches ». Les années de travail ne se succèdent plus sans interruption, mais sont séparées par deux ou trois semaines de vacances. L a vie de travail ne se termine plus exclusivement par la maladie ou la mort, elle a une fin légale, qui assure un droit au loisir. Ainsi, dans la vie d 'un travailleur, l'élé­vation du niveau de vie s'est doublée d'une élévation croissante du budget des heures libres. M ê m e si sa situation de salarié dans le processus de la production est la m ê m e qu'il y a cent ans, non seulement ses ressources ont changé, mais ses perspectives journalières, hebdomadaires et annuelles ont changé aussi : un temps nouveau est né pour ses actes et ses rêves.

Ce temps est occupé par des activités réelles ou possibles, de plus en plus séduisantes. C'est un lieu c o m m u n d'affirmer que les distractions sont plus nombreuses, plus fréquentes, plus complexes qu'il y a cent ans, cinquante et m ê m e vingt ans.

L'industrie des loisirs déborde d'imagination et le public est toujours à l'affût du prochain « hula hoop ». Mais, ce qu'il importe de souligner, c'est que le machinisme a accru le déséquilibre entre le travail et le loisir. E n effet, s'il a allégé les tâches, c'est bien souvent au détriment de l'intérêt et de la liberté des activités. E n revanche, l'augmentation du nombre des automo­biles, la multiplication des techniques de diffusion de masse (presse, film, radio, télévision), le développement des associations et groupements adaptés aux goûts, marottes ou passions de chacun, ont accru l'agrément des acti­vités de loisir dans des proportions incomparablement plus grandes que la machine n'a réussi, jusqu'à ce jour, à diminuer la traditionnelle « peine des h o m m e s ».

Enfin, en moins de cinquante ans, le loisir s'est affirmé, non seulement

1. Villermé, État physique et moral de la classe ouvrière, Paris, 1840.

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c o m m e un droit, mais c o m m e une valeur. L'historien L . Febvre a écrit : « U n h o m m e de m o n âge a vu — de ses yeux vu — entre 1880 et 1940, s'accomplir la grande déchéance de l ' h o m m e qui ne fait rien, de l ' h o m m e qui ne travaille pas, de l'oisif rentier. » Il faut ajouter qu 'à peu près dans le m ê m e temps, le loisir gagne sur le travail, commence son ascension dans l'échelle des valeurs sociales. O n connaît les études du protestant M a x W e b e r sur les idéaux qui guidaient les fondateurs du capitalisme : le travail justifie le gain et toute activité inutile à la société est une activité mineure. Cette sociologie idéaliste reflétait, en partie, les thèses de Ricardo sur l'accumulation nécessaire du capital. Dans une perspective opposée, M a r x avait la m ê m e idée fondamen­tale du travail : « le travail est l'essence de l ' h o m m e ». L'ascension du loisir menace donc aussi bien les valeurs de M a r x que celles de Ricardo...

Lorsqu'en 1883 le militant Paul Lafargue écrivit son fameux pamphlet, Le droit à la paresse, le loisir était encore plus ou moins assimilé à l'oisiveté, « la mère de tous vices ». E n France, en 1936, le loisir apparaît c o m m e une conquête de la dignité ouvrière. « Nous voulons, proclame Léo Lagrange, que l'ouvrier, le paysan, le chômeur trouvent dans le loisir la joie de vivre et le sens de leur dignité. » E n 1950, la Commission supérieure des conven­tions collectives adopte à l'unanimité le poste « loisir et culture » dans le budget m i n i m u m vital, c o m m e une exigence incompressible de la personne humaine. Aujourd'hui, le loisir fonde une nouvelle morale du bonheur. Celui qui ne profite pas ou ne sait pas profiter de son temps libre n'est plus tout à fait un h o m m e , c'est un être « sous-développé », intermédiaire entre l ' h o m m e et la bête de s o m m e . O n pourrait presque dire avec l'Américaine Martha Wolfenstein qu 'on assiste à la naissance d'une moralité de l'amusement (fun morality).

Ainsi le repos traditionnel a été remplacé par u n ensemble d'activités d 'un caractère nouveau, qui se sont, en partie, substituées aux jeux et fêtes tradi­tionnels et apparaissent c o m m e des activités qui ne sont ni de l'ordre de la nécessité c o m m e le travail, ni de l'ordre des obligations c o m m e les devoirs familiaux ou sociaux. Tierces activités, distinctes des activités productrices et des obligations sociales, elles posent des problèmes nouveaux aux unes et aux autres. Elles apparaissent c o m m e u n élément de bouleversement pour la culture de notre civilisation industrielle et démocratique. Tout intérêt pour la vie sociale et culturelle est de plus en plus déterminé par les rela­tions positives ou négatives du travail ou de la politique avec les modèles du loisir, par l'équilibre ou le déséquilibre entre les différentes fonctions du loisir — fonctions récréatives ou « culturelles », fonctions d'évasion ou de participation sociale. O r toutes les théories actuelles des relations entre la société et la culture sont nées en un temps où le problème de ces relations ne se posait pas, ou se posait en de tout autres termes. Elles sont devenues des idéologies qui ne correspondent plus aux situations concrètes d'aujourd'hui. Elles devraient donc être repensées en fonction d'une sociologie concrète du loisir réel et possible dans la civilisation industrielle et démocratique. Nous disons : toutes les théories, quel que soit leur postulat, démocratique ou aristo­cratique, individualiste ou collectiviste, qu'il s'agisse de K . M a n n h e i m ou d'Ortega y Gasset, de Toynbee ou de Plekhanov. Pour qu'une théorie socio­culturelle soit vivante, elle doit correspondre non seulement à la situation économique, mais encore à la manière dont celle-ci est vécue par les diffé­rentes classes ou catégories sociales : or aujourd'hui cette culture vécue dépend, pour une part croissante, des idéaux et des pratiques du loisir. Les

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créateurs, les éducateurs, les militants qui se proposent non seulement d'expri­m e r leurs tourments intellectuels, mais d'orienter les idées et les actes des masses, connaissent bien les difficultés nouvelles qu'ils rencontrent pour qu 'une idée s'empare des masses afin de devenir une force... Les soirées, les week-ends, les vacances sont, eux aussi, remplis d'idées-forces d 'un style tout à fait nouveau... C e n'est pas seulement, c o m m e on pourrait le croire en lisant les innombrables confessions et auto-critiques stéréotypées qui jalonnent la route de leurs échecs, le m a n q u e d'enthousiasme ou de compétence des animateurs sociaux ou culturels qui explique ces phénomènes très graves d'indifférence civique ou politique. Il n'est pas sûr qu 'un nouveau régime puisse résoudre tous les problèmes. O n peut au moins émettre l'hypothèse que des transformations profondes s'élaborent dans le cœur des h o m m e s de toutes classes à partir du loisir.

II

Depuis Veblen {Leisure-class, 189g), les recherches directes ou indirectes sur les activités de loisir ont été nombreuses, souvent brillantes. Mais, malgré les travaux de David Riesman1 et des autres sociologues du loisir, les transfor­mations dont nous parlons sont encore mal connues.

Le loisir a été moins étudié que les loisirs. Depuis les travaux de L y n d et de Lundberg (vers 1930)2 le progrès de la connaissance empirique a exigé que chaque activité soit étudiée en elle-même. D'autres concepts plus analytiques ont été préférés à celui de loisir (mass media, récréation). Peut-être aussi la volonté d'une réforme générale de la société américaine s'est-elle affaiblie chez les sociologues ? Quoi qu'il en soit, nous nous trouvons aujourd'hui devant une masse énorme d'observations sur l'utilisation du cinéma, de la radio, de la presse, de la télévision, sur la pratique de l'automobile, la parti­cipation aux associations ou l'engouement pour les hobbies, mais le problème général que pose le loisir dans la civilisation contemporaine est mal posé, ou n'est pas posé du tout.

Q u a n d le loisir est étudié en lui-même, il est mal défini. Les définitions les plus larges (non-travail) ou les plus étroites (récréation) n'ont jamais fait, en elles-mêmes, l'objet de réflexions appuyées sur des observations scienti­fiques. L a notion de loisir est mal structurée, ou pas structurée du tout. Nous ne connaissons aucune tentative de classification sérieuse (cprrélationnelle) des activités de loisir, aucune analyse comparée des fonctions du loisir. Dans la sociologie américaine du loisir, les notions de spare-time, rest, play, entertain­ment, recreation, avocation, hobbies, do it yourself ... se juxtaposent, ou se recoupent dans un système de relations obscures, dont Larrabee et Soûle3 faisaient récemment une juste critique. Nous sommes devant un imbroglio à démêler.

Le loisir est souvent mis en relation avec d'autres éléments de la société et de la culture. Cette sociologie relationnelle a permis de poser d'importants

1. D . Riesman, The lonely crowd, Yale University Press, 1952 ; Individualism reconsidered, 1053 ; « W o r k and

leisure », A/ass leisure, 1958. R . Meyersohn, Change of routine of work and leisure, communication au I V e Congrès

mondial de sociologie, 1959.

2. Robert and Hellen Lynd , Middletoivn, 1929 ; Middletown in transition, 1937. Lundberg, A suburban study

1934 ; « T h e A m o u n t and uses of leisure », réédité dans Mass leisure, Free Press, 1958.

3. G . Soule, « The economics of leisure a, The Annals, numéro spécial Recreation in the age of automation, sept.

1957. Larrabee, fl W h a t ' s happening to hobbies », Mass leisure, édité par Meyersohn et Larrabee, Free Press,

1958.

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problèmes de la civilisation industrielle, de la structure sociale, de la culture populaire, de la personnalité; mais ces relations sont souvent abstraites et simplifiées. Certaines ont été grossies pour les besoins d'une thèse. Dans l'état actuel d 'une sociologie exagérément analytique, il est impossible de connaître la valeur relative des différents déterminants du loisir, dans leur contexte réel, c'est-à-dire dans l'ensemble des déterminants sociaux et culturels.

D'autre part, le loisir a été étudié c o m m e un fait socio-culturel plutôt déterminé que déterminant. L'analyse de ces relations a été peu dialectique — d'où u n déséquilibre qui laisse dans l'ombre l'influence croissante du loisir sur le travail, les relations sociales, la structure sociale, la culture. L a socio­logie n 'a pas encore mesuré les dimensions du problème général que pose cette influence dans l'évolution sociale et culturelle des civilisations contem­poraines.

Enfin, la plupart des études sont exclusivement critiques. Peu sont construc-tives. Malgré quelques essais d'évaluation1, les essais d'orientation ou d'orga­nisation du loisir dans les différents sens du progrès social ou culturel n'ont pas fait jusqu'à ce jour l'objet d'une véritable recherche expérimentale à la mesure des besoins2.

L a sociologie du loisir, dans son ensemble, n 'a pas encore trouvé la méthode qui permettrait de traiter les problèmes généraux par l'observation rigou­reuse des faits. Dans ce domaine, à part quelques brillantes exceptions, il est rare que les études générales et les enquêtes scientifiques s'interpénétrent. Dans le meilleur des cas, les essais sociologiques axés sur le loisir sont illustrés par des résultats empruntés aux enquêtes qui confirment leur thèse par la méthode des « cas semblables » ; mais les enquêtes où l'hypothèse nulle aurait d'abord été réfutée par l'application de la statistique à un échantillon repré­sentatif de l'ensemble des cas possibles n'apportent aucune confirmation aux résultats.

III

Nous pouvons préciser quelques besoins actuels des sciences sociales du loisir, dans le domaine de la problématique d'une recherche comparative, et suggérer quelques lignes directrices actuellement adoptées ou à l'étude3. U n e problé­matique élaborée est indispensable à toute recherche empirique qui s'attaque à des problèmes généraux4. Pour commencer, une définition provisoire s'impose. Il n'y a pas d'étude comparée ou coordonnée sans concepts c o m m u n s . Ces concepts doivent permettre : ï. D e saisir partout les m ê m e s phénomènes; 2. D e poser, en les observant, les problèmes les plus importants, c o m m u n s à

la recherche et à l'action dans des sociétés, de structure sociale et de niveau technique différents;

3. D e confronter scientifiquement à leur sujet des hypothèses différentes,

1. Jahoda et Barnitz, <i La nature de l'évaluation », et K . M . Miller, « L'évaluation dans l'éducation des adultes»,

Bulletin international des sciences sociales, numéro spécial, Les techniques d'évaluation, vol. VII, n° 3, Paris,

Unesco, 1955. J. Dumazedier, Télévision et éducation populaire, Paris, Unesco, 1 9 5 4 ; « L e kinescope et l'édu­

cation populaire, Études et documents d'information, Paris, Lmesco, 1958.

2. N . Miller, vice-président de la Federation of National Professional Organization for Recreation, « Professional

education », chapitre <i Research », dans Annals.

3. Cf. plus loin : Note sur le Groupe international des sciences sociales du loisir.

4. Esprit, n u m é r o spécial, Le loisir, Paris, juin 1959. J. Dumazedier y ers la civilisation du loisir, Paris, Édition

du Seuil, i960.

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voire opposées, selon les philosophies (de l'Ouest et de l'Est) qui les ins­pirent. Dans ces perspectives, définir le loisir n'est pas un exercice formel. C'est tracer le c h a m p de la recherche c o m m u n e . C'est déjà suggérer les problèmes importants. U n e définition est déjà une introduction à la problématique.

Pris dans son sens économique, le loisir est le temps où l ' h o m m e ne participe plus, par son travail, à la production collective. Mais le sociologue ne peut pas se contenter de cette donnée économique. Quel est le genre de travail d'aujourd'hui ? C o m m e n t répartit-on le temps gagné sur le travail ? Retarde-t-on le m o m e n t où les jeunes commencent à travailler (allongement de la période scolaire) ? Avance-t-on l'âge d'arrêt du travail (avancement de l'âge de la retraite) ? Accroît-on « le loisir » proprement dit de ceux qui travaillent, en raccourcissant la journée de travail ? ou la semaine de travail (week-end) ? ou l'année de travail ? Autant de problèmes que le sociologue doit aider l'économiste à résoudre, par ses recherches sur les conditions optima de l'épanouissement de l ' h o m m e dans les différentes classes et catégories de la société industrielle. Le loisir serait donc d'abord le temps libéré par le travail productif, sous l'effet du progrès technique et de l'action sociale, au bénéfice d'une activité improductive de l ' h o m m e avant, pendant ou après sa période de production.

Mais, pour le sociologue, le temps libéré (non-travail) englobe des acti­vités qui ne relèvent pas toutes "3u loisir. E n effet, certaines relèvent des diverses obligations familiales, sociales, personnelles; c'est justement un des problèmes psycho-sociologiques les plus importants que de savoir dans quelle mesure le temps libéré profite aux loisirs ou aux obligations familiales et extra-familiales et quelles sont les influences réciproques qui jouent entre ces deux séries de phénomènes. Il arrive que ce temps libéré soit occupé par de nouvelles formes de travail rémunéré (second métier)1. D'autre part, il existe, entre l'ensemble des obligations professionnelles, familiales ou sociales et l'ensemble des activités de loisir, une zone incertaine que nous appelons le semi-loisir, où l'activité de loisir présente, dans une mesure variable, les caractères d'une obligation : il s'agit soit d'une obligation professionnelle (activités récréatives rémunérées, c o m m e certaines activités sportives, musi­cales, etc.), soit d'obligations domestiques et familiales (activités mi-désin­téressées et mi-utilitaires : jardinage, bricolage...), soit d'obligations sociales (activités mi-récréatives et mi-rituelles : participation aux réjouissances des fêtes civiques ou religieuses). L'étude de la variation de la dimension et de la signification de cette zone, selon l'évolution des niveaux de vie et des niveaux de culture, est l'un des problèmes les plus ma l connus des sociétés industrielles. Enfin, pour connaître la signification des multiples activités de loisir ou de semi-loisir, il est nécessaire de souligner qu'elles peuvent répondre à trois fonctions différentes du point de vue de l'épanouissement de l ' h o m m e dans l'exercice de ses obligations professionnelles, familiales et sociales. L a pre­mière fonction est celle du délassement (repos); elle délivre de la fatigue; elle répare les détériorations physiques ou nerveuses provoquées par les tensions consécutives à l'accomplissement des obligations et particulièrement — mais non pas exclusivement — du travail professionnel. L a seconde fonction, celle du divertissement, libère surtout de l'ennui né de la monotonie et de la répétition des tâches quotidiennes à l'atelier, au bureau, à la maison. D ' E . M a y o à

ï. Swados, « Less work, less leisure », Mass leisure.

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G . Friedmann, les sociologues industriels ont insisté sur la nécessité de compen­ser différents aspects du travail moderne, mécanisé, spécialisé, monotone et répétitif. Le divertissement satisfait un besoin de rupture périodique avec les obligations habituelles. Grâce à des activités à dominante pratique (certains voyages, jeux, sports), ou à base de fiction (participation à certaines situa­tions imaginaires par le cinéma, le roman, etc.). Cette rupture peut se traduire par des infractions aux règles juridiques et morales de la société ou, au contraire, par une adaptation plus active à la vie sociale. Enfin, le loisir a une fonction de développement de la personnalité. Il délivre des routines et des stéréotypes nés de l'automatisation ou de la spécialisation des pratiques quotidiennes. Le loisir peut laisser le temps de cultiver pour elles-mêmes les capacités du corps et de l'esprit. Il permet, par le cinéma ou la télévision, par les conver­sations ou les cours suivis de façon désintéressée, de compléter et de perfec­tionner les aptitudes ou les connaissances acquises dans la famille ou à l'école et dont l'évolution de la société exige sans cesse le renouvellement et le dépas­sement. Il peut favoriser des formes de participation sociale plus volontaires, en particulier par l'association. Il offre un cadre et un style nouveau d'appren­tissage {learning), favorable au libre épanouissement de la personnalité dans une participation plus active à la vie culturelle et sociale, à la réalisation d 'un style de vie.

Quoique ces fonctions soient souvent mêlées dans une m ê m e activité, leur différenciation nous paraît plus importante que celle des activités elles-m ê m e s (sport, cinéma, télévision, lecture, action sociale volontaire, etc.). Cette analyse fonctionnelle du loisir nous paraît également beaucoup plus importante que la distinction instrumentale entre les sources traditionnelles ou modernes d'information utilisées dans le loisir.

Pour l'analyse de la situation culturelle et pour la recherche des conditions optima de l'élévation des niveaux culturels, l'étude de la variation des rela­tions entre ces trois fonctions, selon les niveaux techniques, les structures et les situations sociales, est à nos yeux essentielle — d'où cette définition fonction­nelle du loisir élaborée à la suite d'une enquête sur la limite et la structure de ce phénomène dans une population représentative d'ouvriers et d'employés français (1953) et d'une confrontation avec les résultats d'autres enquêtes (États-Unis, Pays-Bas, Allemagne, Yougoslavie...), dans le cadre des sémi­naires du Groupe international des sciences sociales du loisir : le loisir est un ensemble d'occupations auxquelles l'individu peut s'adonner de plein gré, soit pour se reposer, soit pour se divertir, soit pour développer son infor­mation ou sa formation désintéressée, sa participation sociale volontaire, après s'être libéré de ses obligations professionnelles, familiales et sociales.

I V

L a problématique implicite dans notre définition est évidemment insuffi­sante : elle doit être complétée, située dans une perspective plus générale, plus explicite, destinée à favoriser une recherche c o m m u n e , coordonnée ou comparative.

Cette problématique doit favoriser l'étude systématique des relations inci­dentes ou provoquées du loisir avec les autres éléments de la société et avec la société globale. Pour atteindre ce résultat, la sociologie du loisir doit d'abord gagner son autonomie. Elle ne peut plus dépendre d'aucune autre branche de la sociologie, m ê m e de la sociologie industrielle à qui elle doit sa naissance.

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E n revanche, elle doit avoir des relations avec toutes les branches de la socio­logie qui concernent les déterminants sociaux et culturels agissant sur le loisir et modifiés en retour par lui : sociologie du travail d'abord, mais également sociologie de la vie familiale, politique, spirituelle..., sociologie rurale et urbaine, sociologie économique et sociologie culturelle... Il importe de se méfier des relations établies systématiquement entre le travail et le loisir. Parfois elles correspondent à la réalité, parfois elles n 'y correspondent pas ou sont bien moins importantes que d'autres relations. Il convient d'établir objectivement l'importance relative de toutes ces relations selon les différentes situations sociales et culturelles prises dans leur ensemble.

C'est le changement et la résistance au changement dans nos sociétés indus­trielles qui posent les problèmes les plus pressants. Sur le plan international, ceux-ci sont plus que jamais à l'ordre du jour avec F « étude générale des implications sociales (et culturelles) du progrès technique w 1 . Aujourd'hui, la sociologie d u loisir, dans son ensemble, prend de plus en plus cette orienta­tion générale. Mais une certaine confusion règne dans les définitions du change­men t social ou culturel. Nous croyons nécessaire de distinguer nettement ces deux phénomènes et de confronter ensuite leurs relations (décalage, retard). Nous étudierons donc les rapports du loisir avec les changements culturels (pratiques, représentations, attitudes, valeurs, idéologies collectives ou indi­viduelles) et avec les changements sociaux (bases technique, économique, démographique, relations entre organisations et structures sociales). Tous ces changements exercent plus ou moins leur action sur le loisir. Les recherches continuent en ce sens, avec des hypothèses élargies, permettant de poser, à propos du loisir, le problème central des rapports de la culture populaire avec la structure de la société globale. Mais, c o m m e nous l'avons dit plus haut, l'action du loisir sur les changements sociaux et culturels est ignorée ou sous-estimée dans les recherches sociologiques d'aujourd'hui. L a plupart des sociologues traitent des problèmes de la vie professionnelle, familiale ou sociale, sans tenir compte de l'action du loisir, c o m m e si le loisir était u n phénomène indépendant sans importance, ou bien seulement déterminé par les phénomènes étudiés, sans les déterminer en retour. Notre hypothèse, au contraire, est que le loisir devient de plus en plus déterminant par ses orga­nisations, ses activités, mais aussi par ses modèles, ses cadres de référence. Il devient un facteur puissant de participation et, surtout, d'évasion sociale, selon les différents contextes socio-culturels de la civilisation.

L a plupart des sociologues de la vie culturelle qui étudient la diffusion des techniques, des sciences, des arts, des lettres, des idées et des idéaux, séparent la culture et le loisir. R é c e m m e n t , deux anthologies américaines de textes sociologiques — Mass leisure et Mass culture2— faisaient de m ê m e . Cette sépa­ration nous semble une mauvaise hypothèse de recherche. Pour les travail­leurs, la fréquentation des cercles culturels ou la pratique des œuvres cultu­relles sont des activités de loisir qui entrent en concurrence avec les autres activités du m ê m e ordre (sport, pêche à la ligne, lecture du journal, etc.). Il faut que notre concept reflète cette situation réelle dans sa totalité et c'est à l'intérieur de ce concept que nous distinguerons des catégories d'activités. Notre hypothèse est que la culture vécue des travailleurs est de plus en plus

1. G . Balandier, S. Bernard, K . Davis, R . Firth, Implications sociales du progrès technique, Paris, Unesco, 1959. 2. Meyersohn et Larrabee, Mass leisure (déjà cité). Rosenberg et White, Mass culture, N e w York, 1957.

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conditionnée par leurs attitudes passives ou actives à l'égard des types et des contenus de ces activités. Aussi le loisir a-t-il un rôle puissant et ambigu dans l'évolution des niveaux culturels. Il peut être facteur d'adaptation ou d'ina­daptation sociale, de progression ou de régression culturelle par rapport aux besoins idéaux et pratiques de la collectivité et de l'individu1.

Prenant de plus en plus conscience de ce pouvoir ambigu du loisir dans l'évo­lution de la société, des organismes privés ou publicscherchent à exercer sur les conditions ou le contenu du loisir une action « consciente et organisée » qui, dans les sociétés démocratiques, tend à répondre à un triple besoin : a) le loisir doit favoriser au m a x i m u m la participation de toutes les classes, toutes les catégories ou tous les individus à la vie professionnelle, familiale, sociale — sinon, les organismes familiaux ou sociaux, m ê m e en démocratie, seraient conduits par des chefs, des spécialistes, des bureaucrates ou des technocrates isolés de leur groupe; b) ces sociétés ont besoin de développer la participation de tous à la vie culturelle, à la compréhension — voire à la production — des œuvres de la technique, de la science, de l'art — sinon la haute culture serait le privilège d'une minorité, tandis que la masse du public, malgré l'action de l'école, serait maintenue dans u n état de sous-développement culturel et devrait se contenter d'une culture mineure; c) ces sociétés ont besoin d'une libre adhésion de tous à cette politique, elles doivent réaliser chez chaque individu, grâce à cette participation socio-culturelle, un équilibre original entre le délassement, le divertissement et le développement de la personnalité.

Pour satisfaire ce triple besoin, chaque collectivité exerce sur le loisir, ou par le loisir, de manière autoritaire (contrainte légale ou morale) ou libérale (pression et persuasion), sur u n m o d e unitaire (pays de l'Est) ou pluraliste (pays de l'Ouest), une activité de défense, de stimulation, de régulation, d'orientation, d'organisation, de planification, de formation ou d'information. C'est cet aspect de l'évolution socio-culturelle qui nous paraît poser à la socio­logie du loisir le problème le plus important pour aujourd'hui et pour demain.

Cette position devrait conduire à dissocier, dans la situation du loisir, les modes de conditionnement socio-culturels aveugles, anarchiques, inorganisés, et les modes d'action socio-culturelle intentionnels, conscients, organisés, voire planifiés2, pour le groupe ou par le groupe lui-même, en vue d'élever son propre niveau de culture. L a sociologie telle que nous la concevons se propose, avant tout, de comparer les conditions, les processus et les résultats de ces deux sortes de modes différents ou antagonistes. Nous ne pensons pas à je ne sais quel manichéisme d 'une sociologie volontariste, qui verrait tout le mal dans les premiers modes et tout le bien dans les seconds. Notre attitude est expérimentale. Si l ' h o m m e a des chances d'intervenir dans le jeu des déter-minismes socio-culturels, c'est bien en valorisant une action volontaire, orga­nisée ou planifiée par les groupes eux-mêmes , et en instituant le contrôle scientifique des résultats de cette action.

L e contenu d 'une telle action pose un premier problème : quel est son effet sur le loisir, quel que soit le m o d e de communication qui le diffuse ? Pour en étudier l'effet, l'efficacité ou l'efficience, il est bon de regrouper dans un concept plus complet et plus dynamique d'action socio-culturelle tous les

ï. G . Friedmann, Le travail en miettes, Paris, 1956. K . Mannheim, Man and society in an age of reconstruction ; use of leisure, N e w York, 1949.

2. Lynd, « Sociologie et planification », Cahiers internationaux de sociologie, 1946. Riesman, The lonely croud (déjà cité). Mannheim, op. cit.

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concepts parcellaires créés par les théories de la communication, de la pro­pagande, de l'information, de l'apprentissage, des groupes restreints, des rela­tions sociales. Nous savons l'intérêt pratique de cette sociologie analytique, mais l'expérience nous a montré aussi que ces concepts se chevauchent souvent dans la réalité et qu'il est impossible de faire l'étude expérimentale d'une situa­tion réelle sans les regrouper d'une manière ou d 'une autre. Si le contenu a réellement plus d'importance que le canal de transmission, le regroupement m ê m e des concepts parcellaires présente autant d'avantages pratiques et opératoires que d'avantages théoriques et conceptuels pour une sociologie expérimentale.

Enfin, l'étude comparée des types de moyens de communication modernes ou traditionnels, de télécommunication ou de communication directe, nous paraît être moins importante que celles des différents types d'organisation et de structure, où s'élaborent et se diffusent ces contenus du loisir au niveau micro et macro-sociologique. L'étude des variations incidentes ou provoquées des contenus, reliées à différentes structures et organisations, ainsi que de leurs effets sur les fonctions des loisirs dans la société industrielle et démocratique, nous paraît, en fin de compte, la perspective globale dans laquelle nous devons replacer notre étude expérimentale. L a sociologie en miettes n'offre à la connaissance réelle que des commodités souvent illusoires.

Mais nous sommes souvent désarmés devant une telle position. N o u s vivons sur les distinctions dépassées entre la recherche et l'action : la recherche poserait le problème et l'action apporterait la solution. C'est une distinction trompeuse. E n réalité, il n 'y a pas de coupure. Déjà dans la façon de poser le problème, une action est implicite et, dans la façon d'apporter une solution, le problème est présent. A cause de cette fausse séparation, il arrive souvent que la connaissance scientifique n'aboutisse qu'à poser clairement des pro­blèmes évidents, alors que les problèmes difficiles et cachés sont posés — ou traités — par les h o m m e s d'action, à l'aveuglette, par la seule connaissance intuitive. Suivant l'exemple récent de l'économie politique, qui devient de plus en plus une science de l'élévation des niveaux de vie, et celui de la psychologie sociale, qui a produit une science expérimentale de la dynamique des groupes, la sociologie du loisir devrait s'orienter de plus en plus vers l'étude expérimentale des conditions et des processus de l'élévation des niveaux socio­culturels du loisir. Elle n'en est pas encore là, mais, grâce au développement croissant des dispositifs d'orientation, d'organisation, d'éducation à l'échelle des groupes restreints ou étendus et des unités plus vastes, elle tend à se consti­tuer en une recherche active.

Il est possible, grâce à ces dispositifs, de provoquer et de contrôler des changements. Bien entendu, la recherche active tend vers l'expérimentation provoquée par le chercheur lui-même (action research)1. Mais c'est le stade ultime. L a recherche active tend bien à être une recherche par l'action (contrôlée), mais elle est aussi une recherche sur l'action et pour l'action. Il ne s'agit pas d'une recherche appliquée, limitée par des impératifs externes, par opposition à la recherche fondamentale, librement développée par ses impératifs internes, il s'agit d'une recherche sur une situation, dont les éléments favorables ou défavorables du point de vue des besoins socio-culturels sont toujours étudiés par rapport à l'action réelle ou possible destinée à mieux satisfaire ces derniers.

ï. K . Lewin, « Frontières », dans « Group dynamics », Human relations, 1947. R . Lipitt, S. Watson et B . Westley, The dynamics of planned change, N e w York, 1958.

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Il s'agit donc d'une sociologie simultanément ou alternativement critique et constructive, qui doit permettre une recherche, permanente c o m m e l'action elle-même, sur les besoins, sur les processus incidents ou provoqués de leur satisfaction, et sur les résultats de ces processus qui, à leur tour, font apparaître de nouveaux besoins1.

ï. J. Dvmiazedier, « Modèles théoriques de recherche active en sociologie culturelle », Archives internationales de la coopération, Paris, Oct. 1960.

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LA CULTURE POPULAIRE, CONCEPT COMMUN AUX HUMANITÉS ET A LA SOCIOLOGIE

L E O L O W E N T H A L

INTRODUCTION

Parmi les problèmes qui sont étudiés aujourd'hui du point de vue de diffé­rentes disciplines scientifiques, il en est un qui revient de plus en plus fréquem­ment : c'est celui des « communications ». Qu'il s'agisse de physique, de psy­chologie, de philologie, de recherche sur les moyens d'information, d'histoire littéraire, de religion ou de différentes branches des sciences naturelles, le problème des communications apparaît presque partout au premier plan. O n bâtit à ce sujet des théories, des définitions et des hypothèses de travail dans des domaines si nombreux et si divers que le terme m ê m e de « c o m m u n i ­cations » en est venu par extension à évoquer les associations qui résultent des chevauchements d'intérêts, des conflits de compétence et de la répartition technique des tâches entre les différentes disciplines.

Dans le domaine de la culture populaire, les sciences sociales et les h u m a ­nités sont depuis déjà quelque temps en compétition ouverte, chaque catégorie de spécialistes prétendant évaluer et juger les efforts de l'autre. A l'exception d 'un certain nombre d'emprunts mutuels, inspirés de considérations diverses, aucune des deux parties ne s'est sérieusement intéressée aux travaux de l'autre. O n peut affirmer sans grand risque d'erreur que la majorité des spécialistes de chaque groupe n'ont que des idées imprécises et souvent malveillantes sur les intentions de l'autre. U n étudiant d'humanités considérera son condisciple de la section des sciences sociales c o m m e un faux intellectuel qui applique des procédés mathématiques, statistiques et mécaniques à l'étude de questions aussi simples que les conditions de logement ou le taux de divorce. Le spécia­liste de sciences sociales, de son côté, ne manquera pas de railler l'esprit fumeux, obtus, abstrait, qui passe pour régner dans les sections de linguistique ou de philosophie. E n ce qui concerne plus précisément la culture populaire (expression très générale sur le sens de laquelle ils ne seront pas nécessaire­ment d'accord) les uns adopteront une attitude ironique au sujet de toute conception populaire de l'art, les autres s'élèveront avec indignation contre l'incompréhension des intellectuels à l'égard du contenu et de l'influence des moyens d'information modernes.

Malgré cette confusion, cette rivalité et ces querelles occasionnelles, les deux groupes sont probablement plus proches l'un de l'autre qu'ils ne s'en doutent. Les étudiants de chaque spécialité peuvent avoir des idées préconçues, parfois très défavorables, sur l'autre spécialité (c'est là une question qui méri­terait d'être examinée), mais en fait, sans le savoir, ils parlent souvent le m ê m e langage. Lorsque les spécialistes des sciences sociales travaillant dans une université établissent des critères pour l'étude des aspects sociaux des moyens

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d'information modernes, ils sont généralement guidés par le m ê m e sens des responsabilités et le m ê m e souci des valeurs morales et culturelles que les humanistes qui étudient les m ê m e s problèmes (ce fait dément l'assertion, qui a été effectivement formulée, que les sciences sociales ne sont qu 'un jeu servant à couvrir des tractations commerciales et politiques). E n fait, les deux groupes ont le m ê m e souci du rôle des arts, et de ce qui en tient lieu dans la société moderne; ils cherchent tous deux des normes et des critères permettant de juger les produits des moyens d'information et leur rôle social; ils croient tous deux qu'il importe d'étudier la transmission des valeurs dans le temps et l'es­pace. L'atmosphère de confusion et de tension affective qui règne entre eux est par elle-même une raison de croire à l'existence de nombreuses préoccupa­tions communes . Simplement, les deux groupes n'ont pas encore mis au point des moyens efficaces d'intercommunication.

C e qui suit représente une étude très sommaire du problème de la culture populaire et de ses rapports avec les occupations intellectuelles, du point de vue des humanistes et de celui des spécialistes des sciences sociales.

CONCEPTS D E BASE

C o m m e n ç o n s par présenter un échantillon des hypothèses de travail (et des préjugés) concernant la nature de la culture populaire et qui interviendraient dans une étude plus systématique de ce problème.

L a culture populaire peut être considérée c o m m e : a) la totalité des idées, concepts et valeurs d'une société — bref la « culture » au sens anthropologique; b) la vulgarisation de l'art authentique ainsi que des modes de pensée, des sys­tèmes intellectuels; c) les résidus de l'ancienne culture de l'élite adaptés aux capacités intellectuelles inférieures et aux besoins affectifs moins consciemment différenciés de l'ensemble de la population ; d) l'art populaire des classes moyennes actuelles qui fabriquent et consomment les produits des moyens d'information modernes; e) le contenu et les valeurs inhérents aux moyens d'informa­tion modernes ; f) les notions et valeurs dérivées des moyens d'information modernes et opérant dans l'ensemble de la société; g) ce que différents échan­tillons de la population croient qu'elle est, d'après les données de la recherche opérationnelle.

Il serait assurément vain de consacrer du temps à discuter ces définitions, mais il est sans doute souhaitable d'aboutir à une définition pratique, et pro­bablement impossible de le faire sans se poser la question des rapports entre « l'art authentique » et « la culture populaire ». U n examen des controverses historiques sur l'art et la culture populaire montrerait qu'il n'existe pas néces­sairement entre ces deux notions une opposition tranchée.

Il y aurait lieu notamment, pour aboutir à une définition, de se poser les questions suivantes : ï. S'agit-il d'une opposition réelle ou les deux notions se situent-elles simple­

ment dans des cadres logiques différents? Lorsqu'on parle d'art, n'envisa-ge-t-on pas un produit déterminé, sa structure interne, ses normes, les rapports entre cette structure et ces normes et celles d'autres produits individuels ? Et lorsqu'on pense à la culture populaire, n'incline-t-on pas à ne considérer que des questions de consommation, de diffusion, d'in­fluence sur le grand public? Dans le cas de l'art, et m ê m e de la critique d'art, le grand critère (moral et intellectuel) n'est-il pas celui de la «vérité»?

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Et dans le cas de la culture populaire, le critère principal n'est-il pas celui de Ï' « effet » ? D e nombreux auteurs témoignent de cette « opposition » ; quelques-uns seraient partisans d'une combinaison des deux points de vue.

2. Les équations art = élite = recherche de la vérité, d'une part, et culture populaire = masses = divertissement, d'autre part, sont-elles valables ? Les élites ne cherchent-elles jamais à se divertir et les masses sont-elles par essence étrangères à la haute culture? Et le divertissement est-il incompa­tible avec la recherche de la vérité ? O n pourrait citer à ce propos les théories de Harbage sur la popularité de Shakespeare, celles de Dwight M a c Donald sur la culture populaire, et celles de divers auteurs sur les res­sources artistiques des moyens d'information modernes, en particulier de la radio et de la télévision.

3. Cette dernière question nous amène à nous demander s'il n'existe pas entre l'art et la culture populaire un rapport dynamique : l'art peut-il devenir culture populaire, et dans quelles conditions? Les gravures d'Albert Dürer, dont le caractère artistique n'est guère contestable, étaient au xvie siècle des affiches populaires de propagande protestante. Les opéras de Verdi ont fourni l'occasion de manifestations de masse aux partisans du Risorgimento, qui représentaient la majorité de la population. Les drames lyriques de Richard W a g n e r ont servi dans l'Allemagne nazie à favoriser l'identification des masses avec un prétendu héroïsme inné de l'âme alle­m a n d e . Enfin, les musées « avec » et « sans » murs, la diffusion et la consom­mation massives dans notre société des films et photographies d'art, des livres à bon marché de philosophie classique et d'histoire, des disques de grande musique, interdisent d'assimiler sans réserve la « culture populaire » à un « simple désir d'évasion ou de divertissement ».

4 . Mais, pour s'en tenir à la situation contemporaine, il reste à savoir si l'écart entre l'art et la culture populaire tendra à s'accentuer à mesure que les moyens d'information prendront plus d'importance dans la civili­sation moderne. Les œuvres d'art ont toujours été des œuvres individuelles (très rarement des œuvres produites par une équipe de deux). Elles expriment les intentions artistiques et intellectuelles d 'un individu, qui est seul responsable du fond et de la forme. O r , dans une société d é m o ­cratique industrialisée, un grand nombre de personnes peuvent parti­ciper à la production de « matériel » destiné au marché « populaire ». Il est donc fort possible que la nécessité de produire une culture popu­laire pour une société moderne fasse obstacle à la diffusion de l'art, tel que nous le concevons maintenant. E n étudiant ce problème, il convient d'accorder quelque attention à la notion d'« art populaire » et de se demander dans quelle mesure les moyens d'information modernes, à leur niveau le plus élevé, n'élaborent pas des formes d'art intermédiaire entre l'art populaire et le « grand » art. Il y a lieu d'examiner aussi les effets directs et indirects sur les artistes contemporains de la culture relativement nouvelle que représentent ces moyens d'information.

5. Nous en arrivons à un problème important, aussi familier aux historiens du xixe siècle qu'aux spécialistes des sciences sociales du x x e siècle. Il s'agit de savoir qui détermine les formes de divertissement et d'art offertes dans une société donnée. Pour mieux circonscrire ce problème, on peut le formuler c o m m e suit : qui prend les décisions concernant la forme et le contenu des productions qui peuvent devenir ou sont destinées à devenir des produits de la culture populaire ? Si l'on parvient à déterminer dans quelles condi-

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tions sont prises ces décisions, on aura au moins avancé la solution du problème essentiel : existe-t-il entre l'art et la culture populaire un fossé infranchissable ? Les décisions c o m m u n e s de groupes financiers, d'agences de publicité, d'entreprises d'information, d'ingénieurs, de réalisateurs et de scénaristes ont si peu de rapports avec la responsabilité personnelle de l'artiste qu 'on peut se le demander.

6. U n autre problème se pose à ce propos : c o m m e n t déterminer ce qui est « bon » et ce qui est « mauvais » dans les arts et dans la culture populaire ? Certains spécialistes des sciences sociales qui s'intéressent aux deux domaines sont convaincus que les critères esthétiques traditionnels ne sont pas néces­sairement différents des normes utilisées actuellement pour évaluer les produits de la culture populaire. Ils considèrent que les théories esthétiques classiques c o m m e celle d'Aristote, ou celle du classicisme allemand, qui expriment des aspects différents du principe de la catharsis, concernent essentiellement les effets des œuvres. C e problème des normes de la critique mériterait d'être étudié, plus à fond, car les effets — que nous appelons aujourd'hui « réactions » — sont essentiellement des données psycholo­giques, alors que les catégories de l'esthétique classique paraissent corres­pondre à des normes morales d'après lesquelles le public (aussi bien que l'artiste) est responsable de l'effet des œuvres d'art1. Les études modernes des effets, en considérant uniquement l'aspect psychologique de l'expé­rience artistique, enlèvent au public toute responsabilité morale ou esthé­tique. O n en trouve des exemples dans l'œuvre des divers critiques artis­tiques et littéraires contemporains, c o m m e dans celle de critiques profes­sionnels des moyens d'information, tels que Seldes, Gould et Grosby, et dans les quelques études scientifiques détaillées qui ont été consacrées au rôle des moyens d'information modernes et aux satisfactions qu'en retire le public.

Il n'est peut-être pas exagéré de prétendre que certaines hypothèses préli­minaires, pouvant servir de base à une théorie sociale de la culture populaire, commencent à se dégager. S'il n'est pas encore possible au stade actuel d'esquis­ser, m ê m e provisoirement, le contour général d'une telle théorie, on peut en tout cas donner quelques aperçus de ce qu'elle pourrait être.

O n pourrait considérer, par exemple, les courants d'influences qui intéressent l'art et la culture populaire, à la fois dans leur continuité historique et dans le cadre de la structure de classe à une époque donnée. U n artiste subit naturellement l'influence de ses prédécesseurs et influe à son tour sur ses successeurs. Mais il exerce aussi une influence sur les normes d'appréciation de son public et subit aussi l'influence de ces normes. E n outre, le public et les artistes d'une génération ou d'une époque donnée exercent probablement une influence considérable sur les normes d'appréciation et les préférences du public des générations suivantes. Enfin, à chaque période, il existe une inter­action entre le « commanditaire », l'artiste (ou le producteur) et le public et le « commanditaire » exerce ou non, selon le cas, une influence sur les géné­rations suivantes.

ï. Edgar Allan Poe, dans son essai Exordium (1842), s'est élevé contre cette tendance à considérer la réaction c o m m e une norme : « Dire que la critique d'aujourd'hui doive être différente en esprit de la critique d'une époque antérieure quelconque, c'est prêter une variabilité à des lois immuables — celles du cœur et de l'esprit humains — car ces lois sont les seuls fondements du véritable art critique... L a critique n'est pas une « consul­tation de l'opinion ». Sinon, l'œuvre, dépouillée de sa prétention à être une œuvre d'art, devient un objet de discussion pour tout le monde . . . »

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L a nature, l'intensité et le sens de ces influences varient selon les époques. A u xvie et au xvn e siècle, les artistes étaient sans doute relativement moins influencés par le public ou le « commanditaire » qu'à l'époque actuelle. E n l'absence de moyens d'information et d'autres systèmes de communication développés, ils étaient moins exposés (consciemment ou inconsciemment) à des influences extérieures et mieux à m ê m e de fixer leurs propres normes. E n outre, s'adressant principalement à l'élite, ils ne pouvaient avoir des critères intellectuels et esthétiques très différents de ceux de l'ensemble du public.

Avec le développement des moyens d'information modernes, et la nécessité de satisfaire les demandes de publics multiples, un nombre croissant de personnes, artistes ou non, se sont mises à « produire ». Ces producteurs sont nécessairement plus soucieux de s'assurer des débouchés et de lutter contre la concurrence que d'exprimer leurs idées propres. Lorsqu'on produit pour les moyens d'information, il importe essentiellement de savoir ce que « veut » le public. Cette constatation nous amène à nous poser le problème suivant : dans une société où le rôle des moyens d'information modernes est dominant, applique-t-on en fait à l'élaboration des programmes des normes autres que les besoins et les goûts d u public et, dans l'affirmative, quelles sont ces normes et dans quelles conditions sont-elles prises en considération ? L a valeur artistique des moyens d'information modernes ne se ressent-elle pas de ce que les philosophes, les historiens de la littérature et de l'art, et tous ceux qui se font les critiques du « grand art », ne daignent pas en général s'abais­ser à critiquer ces moyens d'information et les autres produits de la culture populaire contemporaine ?

U n deuxième aperçu de ce que pourrait être le schéma d'une théorie sociale de la culture populaire serait fourni par la considération d u contenu, historique et actuel, des communications à l'intérieur de l'élite, entre l'élite et le grand public, et à l'intérieur du grand public. Il serait sans doute possible de formuler certaines hypothèses concernant les rapports, à différentes époques, entre les tendances politiques et sociales, d'une part, et le contenu et le style respectifs de l'art populaire et du « grand » art, d'autre part. Grâce à cette méthode, il devrait être possible de mieux rattacher à l'évolution des condi­tions sociales, politiques et techniques le remplacement graduel des critères moraux et éthiques de la critique par des considérations telles que détermi­nisme, gratification, évasion, médiocrité et conformisme.

U n e troisième méthode consisterait à étudier l'évolution et la transmission de normes déterminées. Il y aurait lieu d'examiner à ce propos si les normes de l'artiste et du critique ont été ou sont déterminantes dans certains domaines (ou à certaines époques) et si les motivations du public ne servent pas de normes à d'autres égards. O n pourrait aussi examiner de près s'il est pro­bable, c o m m e l'affirment les pessimistes, qu'avec le développement accéléré des moyens d'information provoqué par la télévision, la culture finira par être produite par les masses pour les masses. A ce m o m e n t , à part quelques rares artistes classiques ou d'avant-garde, il n 'y aurait plus que des gens parlant à d'autres gens de leurs affaires personnelles, sans qu'il y ait plus aucun besoin ou souci de normes artistiques ou autres. A ce sujet encore, il y aurait lieu d'étudier spécialement les questions suivantes : qui s'intéresse à la culture populaire, et auxquels de ses aspects, et que deviennent les formes les plus élevées de l'expression artistique ?

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APERÇU HISTORIQUE

Il faudrait naturellement considérer le rôle de la culture populaire dans une perspective plus large que la perspective habituelle, offerte par l'étude des moyens d'information modernes. Cette culture a une histoire plusieurs fois séculaire et est probablement aussi ancienne que la civilisation humaine. Il suffit de penser aux différences entre les pratiques religieuses ésotériques et exotériques dans les premières civilisations orientales et occidentales, à l'oppo­sition entre la tragédie et la comédie classiques et populaires, dans la Grèce et la R o m e antiques, à l'abîme qui existait entre les spéculations philosophiques de l'élite et les spectacles de cirque organisés par cette m ê m e élite sous l'Empire romain, à la p o m p e des services religieux dans les cathédrales du M o y e n A g e et au débordement de liesse dans les foires où se rendait le peuple en sortant de ces services.

L'art populaire en tant que tel n'est pas u n phénomène spécifiquement moderne. Mais jusqu'à l'époque moderne, il n'avait pas donné lieu à des controverses intellectuelles ou morales, parce que, dans la société féodale par exemple, les loisirs étaient strictement réglementés par l'Église et l'État pour chaque classe sociale. Il n'existait pas de point de contact culturel entre l'élite et les masses; il n'existait pas non plus de classe moyenne pour compli­quer le problème ou atténuer les différences. Les producteurs d'une part, les consommateurs d'autre part, avaient des intérêts largement uniformes, et des contacts ou des conflits entre ces deux catégories étaient pratiquement inconcevables.

Les controverses ne commencèrent que lorsque des contacts se furent établis entre les deux catégories. O n ne peut assigner à cet événement aucune date précise; il représente l'aboutissement d ' un processus graduel, à peu près certainement lié aux importants changements sociaux et techniques qui ont provoqué la formation d'une classe moyenne . L'artiste, dont la subsistance était traditionnellement assurée par les consommateurs directs de ses œuvres, ne peut plus se contenter de plaire à un protecteur riche ou puissant; il lui fallut désormais tenir compte des exigences d 'un public de plus en plus étendu et « populaire ». Cette évolution s'est produite, plus ou moins rapidement, dans tous les grands pays européens. A u milieu du xixe siècle, on constate l'apparition dans chacun de ces pays d 'une classe d'écrivains ou d'auteurs dramatiques spécialisés dans la satisfaction des besoins de ce public plus étendu. C'est vers cette époque que les controverses sur la culture populaire commencent à faire rage et que s'expriment les premières craintes quant au danger qu'une telle culture fait courir à la civilisation. (Cette crise avait bien entendu été annoncée au cours des siècles précédents par de nombreux signes précurseurs, et il serait probablement possible de faire remonter l'ori­gine de la controverse aux premières traductions en langues nationales de la Bible latine.)

Mais notre objet n'est pas de faire l'historique des grandes transformations culturelles qui caractérisent l'ère moderne. Nous nous bornerons donc à relever certaines idées significatives, qui ont été exprimées à l'occasion des contro­verses sur les formes populaires d'art et de divertissement, en des termes qui ont conservé leur valeur jusqu'à nos jours.

Nous devons l'une de ces idées à Montaigne, l'un des observateurs les plus perspicaces de la nature humaine de tous les temps. Son analyse psycholo­gique du divertissement en tant que besoin humain universel s'applique aux

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deux domaines de la culture, qui avaient si longtemps été considérés c o m m e distincts et différents par essence. Sa vision pénétrante de la nature humaine rapproche ces deux domaines (au moins sur le plan des considérations philo­sophiques). Il se trouve donc à l'origine de la bataille d'idées qui allait suivre.

A u x idées de Montaigne sur la fonction psychologique et sociale du diver­tissement s'opposent celles de Pascal. Son siècle marque l'apparition et la consolidation des nations modernes, sur les ruines de l'ordre supra-national, politique, économique et culturel du m o y e n âge. Alors qu'au moyen âge, presque tous les aspects de la vie étaient réglementés d'après des principes théologiques, les h o m m e s de la Renaissance se trouvent devant une sorte de vide. L a tâche de cette époque, sur le plan intellectuel, a été de concilier le patrimoine religieux et moral c o m m u n avec les exigences brutales de l'éco­nomie nationale et capitaliste qui prenait la place du système féodal. Il n'est donc pas surprenant que les philosophes de cette période aient étudié les activités et les besoins culturels de l'individu en fonction de son équilibre spiri­tuel et affectif; il n'est pas étonnant non plus que dans cette étude ce soient les philosophes qui aient joué le rôle prépondérant. D e notre point de vue, certaines de ces spéculations sur la question de savoir si les h o m m e s peuvent légitimement se livrer à des activités de loisirs n'ayant pas théoriquement pour objet le salut de leur â m e paraissent assez déconcertantes, mais, si décousues, générales et abstraites qu'elles aient été, elles ont, pour la première fois dans l'histoire moderne, permis une confrontation entre les occupations sérieuses et les divertissements frivoles, et posé ainsi un problème.

U n phénomène très intéressant, et probablement le plus curieux dans ce domaine pour bien des gens, est l'attitude adoptée par la majorité des philo­sophes, idéalistes ou empiristes du xvn e siècle au sujet du rôle des arts. Dès que l'on s'éloigne des préoccupations spirituelles pour aborder les problèmes que posent l'élaboration et la sauvegarde de la pensée scientifique, il se mani ­feste à l'égard du problème de l'art — populaire ou autre — une indifférence qui soulève des questions du plus haut intérêt. L'élite intellectuelle qui est à l'origine du développement de la science et de la technique moderne n'aurait-elle envisagé les arts que d 'un point de vue strictement utilitaire ?

Bacon, Descartes, Leibniz et Locke ne semblent pas avoir attaché une très grande importance au problème de l'art. Mais, chaque fois qu'ils considèrent le domaine de l'imagination et de l'art, on perçoit chez eux une gêne assez semblable à celle qu'éprouverait un intellectuel contemporain devant les problèmes créés par les moyens d'information moderne. Par exemple : « Mais nous nous attardons trop au théâtre; passons dans le palais de l'esprit, dont il convient d'aborder et de franchir l'entrée avec plus de révérence et d'atten­tion. » (Bacon.) «Je suis certes content que Dryden ait reçu mille livres sterling pour son Virgile, mais j'aurais voulu que Halley en reçût quatre fois autant et Newton dix fois. » (Leibniz.) « Sa beauté (celle de l'imagination) apparaît au premier regard, et il n'est pas besoin d'un effort de réflexion pour examiner ce qu'elle contient de vérité ou de beauté. » (Locke.)

L a caractéristique c o m m u n e de ces philosophes est la foi dans le progrès qui résulte des applications de la raison et de la science. A cette intransigeance presque pascalienne, s'oppose un compromis à la Montaigne : la conception plutôt sceptique et pessimiste de la nature humaine dont Hobbes, en particu­lier, s'est fait le propagateur au xviie siècle. Hobbes était partisan d'un équi­libre entre l'imagination et la raison, entre le sérieux et l'agréable. Tout en assignant au jugement et à la raison la tâche de diriger et de contrôler l'ima-

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gination, il semble accorder à celle-ci une certaine valeur propre : « Je sais que la variété du récit, vrai ou faux, procure au lecteur un divertissement fort délicieux. »

C'est à cette controverse du xvir8 siècle qu 'on peut faire remonter notre souci actuel de la « valeur d'utilité » des arts et de la culture populaire. Des expressions telles que « perte de temps », « éducation des adultes », etc., en sont le témoignage.

Vers 1800, l'évolution amorcée au milieu du xvie siècle était terminée : les vestiges du système féodal étaient presque entièrement liquidés au moins dans les domaines politique et économique; l'industrialisation et la division d u travail qui en est la conséquence s'imposaient de plus en plus dans une société où les classes moyennes étaient prépondérantes. Les artistes et les intellectuels, affranchis de la tutelle de l'Eglise et de l'État, luttaient pour se faire reconnaître des rôles bien définis dans cette société. Ils considéraient l'émancipation croissante des classes moyennes c o m m e une menace, et crai­gnaient que ces classes, en s'enrichissant, n'utilisent la philosophie et l'art c o m m e une sorte d'ornement de la vie, et ne portent atteinte à l'indépendance des savants et des artistes si récemment conquise sur l'Église et l'État. Artistes et savants, n'étant plus préoccupés c o m m e autrefois du salut des âmes, se donnaient pour mission la recherche de la vérité et de la beauté. Les artistes s'efforçaient de former ce vaste public nouveau à la difficile pratique de l'appré­ciation artistique, et luttaient en m ê m e temps de tout leur pouvoir contre les manipulateurs et imitateurs littéraires qui corrompaient le goût de ce public avant qu'il ait pu être formé. A cette époque, les artistes, surtout les écrivains, estimaient donc que leur mission était de faire reconnaître la lecture de la grande littérature c o m m e la seule distraction admissible à tous les échelons de la société. E n ce qui concerne les rapports entre producteurs et consom­mateurs d'oeuvres d'art, cette attitude correspond à un stade d'évolution intermédiaire : les intérêts des producteurs et des consommateurs ne coïn­cident plus ( c o m m e c'était en général le cas dans la période précédente), mais ils ne sont pas encore nettement divergents.

U n demi-siècle plus tard, la séparation est complète. Les classes moyennes ont enfin établi leur domination incontestée dans la plus grande partie de l'Europe et de l'Amérique, et la forme moderne de la société de masse est apparue. Les moyens d'information modernes, et notamment la presse, ont établi leur prépondérance et le marché littéraire est envahi de produits conçus pour attirer le public le plus étendu. Les écrivains et artistes qui se font une conception élevée de leur mission commencent à être et à se sentir isolés, et certains d'entre eux réagissent à cette situation en approfondissant encore le fossé, en proclamant que l'art véritable est au-dessus de la masse, qu'il ne peut être compris et apprécié que par une minorité : c'est la doctrine de l'art pour l'art.

Les historiens de la littérature, les critiques et les publicistes de cette époque ont observé l'essor de la littérature populaire avec des sentiments mêlés. Leurs réactions s'expriment sous trois formes distinctes : a) l'indignation vertueuse, le sentiment d 'un affront personnel, la volonté d'ignorer les produits destinés à la masse, la conviction que les auteurs de ces produits sont des parasites, des profanateurs du noble idéal de l'art; b) des inquiétudes morales au sujet du destin de notre culture : la culture populaire est considérée c o m m e un phénomène de décadence présageant la fin de notre civilisation; elle est opposée à la « vraie» culture et à l'art authentique; c) des tentatives pour

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comprendre ce nouveau phénomène en termes de sociologie, c'est-à-dire de le rattacher à des problèmes fondamentaux de politique, d'économie, etc., sans nécessairement le juger.

Ces trois types de réaction apparaissent à peu près simultanément, et on en retrouve encore l'écho dans les discussions actuelles.

Jusqu'à la fin du xixe siècle, les écrivains qui s'alarmaient du nouvel état de choses n'avaient guère de contradicteurs. Si le public continuait à acheter les livres à gros tirage, les partisans de la haute culture triomphaient sur le plan des principes.

QUELQUES PROBLÈMES ACTUELS

Lorsqu'on fait l'historique des controverses sur la culture populaire, on constate l'influence dominante qu'a exercée dans ce domaine la condamnation pascalienne du divertissement. C'est parce que la plupart des auteurs assi­milent la littérature populaire au divertissement qu'ils adoptent à l'égard de la culture populaire une attitude négative dans l'ensemble.

Étant donné la formation intellectuelle de la plupart des critiques, on ne peut guère s'attendre à trouver parmi eux des partisans de l'art « inférieur » en tant que tel. U n e défense théorique de l'art populaire ne semble être possible que par le biais d'une réfutation ou d'une discussion des positions fondamentales des champions de l'art « authentique ». O n peut, par exemple, contester les postulats admis concernant la fonction du grand art; on peut critiquer les affirmations inspirées de Montaigne ou de Pascal selon lesquelles les productions populaires ne servent qu 'à satisfaire des besoins inférieurs; enfin, la condamnation des produits populaires ayant toujours entraîné celle des moyens modernes d'information, on peut poser la question de savoir si ces moyens d'information sont irrévocablement destinés à servir de véhicules à des produits inférieurs.

L a plupart des problèmes que pose l'existence des moyens modernes d'infor­mation ont existé tout au long de l'histoire moderne, tantôt sous une forme, tantôt sous une autre. Ils ont été exprimés en termes différents, et en fonction de préoccupations différentes, selon la conjoncture sociale.

Le problème psychologique. Les considérations fondamentales que Montaigne a été le premier à formuler pour expliquer la nécessité et la fonction du divertissement — facteur de diversité, d'évasion, d'identification — se retrouvent encore dans les discussions actuelles. Mais elles n'ont plus du tout la m ê m e portée — en partie d u fait de la différenciation croissante qui s'établit entre les consommateurs et les producteurs d'ceuvres artistiques ou quasi artistiques servant à satisfaire le besoin de divertissement. Dans le m o n d e moderne, il n'est plus possible de considérer les besoins psychologiques du public c o m m e entièrement spontanés, car les influences extérieures jouent un rôle de plus en plus important à cet égard. Actuellement, vouloir étudier le divertissement en soi, sans tenir compte de l'action de la publicité ou de la propagande idéologique, équivaudrait à laisser de côté des éléments essentiels du problème. C e n'est pas qu'il n 'y ait plus de spontanéité, mais les rapports entre ce qui est spontané et ce qui est provoqué, entre ce qui est activité et ce qui est passivité, sont bien difficiles à établir. L a question se complique encore du fait que certaines des fonctions supposées du divertissement se sont

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à ce point modifiées que l'on peut légitimement se demander si les termes dont on se sert pour les décrire ont encore un sens. Dans la présente étude, nous avons vu que l'on a souvent insisté sur la nécessité du divertissement c o m m e facteur de diversité. Mais le public des moyens d'information tels que la radio, la télévision ou les magazines populaires y trouve-t-il vraiment de la « diversité » ? O u nous trouvons-nous aujourd'hui devant un problème que Montaigne ne paraît pas avoir soupçonné : celui de la satiété, qui provoque à la fois une torpeur sensorielle et intellectuelle et une agitation accrue ?

Les réponses fournies de notre temps à cette question et aux questions analogues sont loin d'être satisfaisantes. L'absence de perspective historique enlève aussi toute valeur réelle aux tentatives faites pour expliquer les phéno­mènes de masse modernes par la passivité ou le conformisme. U n auditeur moderne qui siffle un air à la m o d e est-il plus passif que le paysan du xvir9 siècle qui fredonnait une chanson populaire ? Le lecteur moderne qui adopte inconsciemment le point de vue de son journal est-il plus conformiste que le paysan ou la ménagère d'autrefois qui écoutait et répétait les potins de son village ?

Le problème moral. A ce point de vue également, on a pu assister à un dépla­cement du centre d'intérêt et à une complication croissante des données du problème. Pascal reste, semble-t-il, le porte-drapeau des extrémistes : de m ê m e que Platon bannissait les artistes et les poètes de son État idéal (qui, soit dit en passant, présente de nombreux caractères totalitaires), Pascal bannit complètement le divertissement, les distractions, l'évasion, la vie par procu­ration, et veut que chacun se consacre exclusivement à son salut. Lorsque les données du problème moral se sont modifiées et que le conflit a été transposé sur le plan esthétique — devenant celui de l'art authentique et de l'art factice — on constate une fois de plus que les champions de la vraie beauté condamnent l'avilissement de l'art et la corruption du goût plus sévèrement que l'absence d'art ou de goût. Il se pose dès lors un problème plus vaste : dans quelle mesure l'art remplit-il aujourd'hui la fonction qui était autrefois celle de la religion? Hegel dit quelque part que, pour l ' homme moderne, la lecture du journal au petit déjeuner équivaut à l'assistance à un office religieux — car le journal « lui donne l'impression de faire partie d'un ensemble plus vaste ».

Le problème moral que pose la culture populaire est inséparable de celui des valeurs et des normes et, dans le m o n d e moderne, du problème des normes esthétiques. (En fait, on peut se demander si la tendance abstraite et ésoté-rique de l'art moderne ne serait pas due en partie à une réaction, consciente ou inconsciente, contre le caractère et les effets de l'art populaire.) O n a vu que G œ t h e et Schiller se sont préoccupés du problème des normes. L a défi­nition donnée par Schiller de la vraie beauté, c o m m e étant celle qui fait intervenir toutes les facultés de l ' homme, ne s'explique pleinement qu'en liaison avec sa condamnation de l'art inauthentique c o m m e étant un simple moyen de délassement et de divertissement. La notion m ê m e d'imagination productive ou créatrice semble n'avoir été formulée que par opposition à l'art inférieur. Il n'est pas besoin de souligner à quel point une étude approfondie de ces questions serait féconde.

Enfin, l'accroissement de la pression sociale et l'importance de plus en plus grande des réactions provoquées ont modifié certaines données du problème moral tel qu'il avait été posé par Pascal, de m ê m e qu'elles ont modifié les données du problème psychologique. Par exemple, certains auteurs modernes

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condamnent les productions culturelles populaires modernes non parce qu'elles procurent une évasion, mais au contraire parce qu'elles procurent une évasion factice et ne servent en fait qu'à renforcer la sujétion de l'individu à la pression sociale, le conformisme.

Le problème social. Les problèmes relatifs aux moyens d'information modernes et à la culture populaire ne sont étudiés que depuis peu d 'un point de vue purement sociologique, mais Montaigne établissait déjà à cet égard des diffé­renciations qualitatives entre les groupes sociaux. Depuis le milieu d u xixe siècle, le thème de l'opposition entre l'élite et les masses est au centre des discussions sur la culture populaire. L à aussi le point de vue a évolué. Schiller désire un État régi par u n idéal esthétique : « l'établissement et l'organisation d'une véritable liberté politique, voilà la plus parfaite de toutes les œuvres d'art », mais « pour aboutir à la solution des problèmes m ê m e politiques, il faut suivre la voie de l'esthétique, car c'est par la beauté qu 'on parvient à la liberté » (c'est nous qui soulignons). Wordsworth, et après lui Mat thew Arnold, a également rêvé d'une libération de l'humanité par l'art.

D ' u n certain point de vue, les arts et les produits populaires se trouvent aujourd'hui dans la m ê m e situation. Étant donné que, dans les pays de civi­lisation occidentale, tout le m o n d e sait lire et peut avoir accès aux arts plas­tiques et à la musique, par l'intermédiaire des moyens d'information ou autre­ment, on ne m a n q u e ni d'opinions, ni de prétendues compétences concernant les fonctions et les effets de la culture « supérieure » et de la culture « infé­rieure ». A vrai dire, cette richesse apparente recouvre une pauvreté réelle : ni les humanistes, ni les spécialistes des sciences sociales ne peuvent prétendre disposer d'une grande abondance de données concernant le rôle de l'art et de la culture populaire dans l'univers social.

E n fait, les humanistes et les spécialistes des sciences sociales trouveraient ici un terrain d'entente pour entreprendre en c o m m u n une action impor­tante et urgente. Pour le passé c o m m e pour le présent, il existe une masse de documents imprimés : lettres, mémoires, journaux et revues, analyses et critiques, travaux théoriques et observations d'éducateurs, d'ecclésiastiques, de travailleurs sociaux, de journalistes, etc. Pour utiliser ces données de façon constructive, les spécialistes des sciences sociales doivent s'affranchir de l'idée que seule la méthode directe de l'échantillonnage et des interviews peut fournir des données dignes de confiance. O n peut m ê m e dire que ce qui constitue maintenant un grave obstacle au progrès des sciences sociales (l'absence de fonds pour des recherches continues sur le rôle des moyens d'information modernes dans des groupes de population importants) pourrait fort bien se révéler un avantage si les spécialistes des sciences sociales voulaient bien se joindre aux spécialistes de la littérature, de l'art et de la philosophie, pour inventorier et analyser les documents disponibles concernant le rôle des moyens d'information populaires et artistiques. Des études sur le rôle des arts et de la culture populaire d'après les idées des auteurs de ces très nombreux docu­ments fourniraient très vraisemblablement une contribution majeure à la sociologie de la connaissance.

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TRAVAIL, CARRIÈRES ET INTÉGRATION SOCIALE1

H A R O L D L. WILENSKY

L a question de la signification et de la place qu'il convient d'attribuer au travail et aux loisirs, à la vie active et à la vie contemplative, donnait déjà lieu à des controverses à l'époque des Grecs et des Romains . Mais c'est seule­ment depuis la révolution industrielle que les rapports entre le travail et les loisirs sont devenus u n problème d'importance majeure, du point de vue social aussi bien qu'intellectuel. Depuis A d a m Smith et Engels jusqu'à G . Wright Mills, depuis Tocqueville jusqu'à Riesman, on n'a cessé de se préoccuper de l'interaction entre le travail et les autres aspects de l'existence et d'élaborer des théories sur la façon dont les « systèmes de rôles » (role systems), d'ordre économique ou non, s'articulent2.

L'article ci-après a pour but de définir certains thèmes de la critique sociale relatifs aux rapports entre le travail et les loisirs, de montrer c o m m e n t l'on pourrait combiner, pour étudier ce sujet, des méthodes appliquées par diverses catégories de spécialistes, et de décrire des recherches entreprises à l'Uni­versité du Michigan et qui visent à analyser l'influence des conditions de tra­vail sur les loisirs, afin d'éclairer différents problèmes sociologiques essentiels.

LES RAPPORTS ENTRE LE TRAVAIL ET LES LOISIRS EN TANT QUE PROBLÈME INTELLECTUEL ET SOCIAL

Parmi les auteurs modernes, ce sont sans doute Engels et Tocqueville qui on le plus contribué à orienter les études faites dans ce domaine. Tous deux ont

ï. Le présent article a été lu en partie au cours de réunions de l'American Sociological Society tenues à Chicago en septembre 1959. Il se fonde sur des recherches qui ont pu être effectuées grâce à une subvention fournie par le National Institute of Mental Health (M-2209) de 1958 à i960, et à une bourse d'études au Center for Advanced Study in the Behavioral Sciences, en 1956-1957. L'auteur a reçu de M . G . E . Swanson et M . Janowitz de n o m ­breuses et utiles suggestions.

2. Ce fait est dû aux conséquences sociales de l'industrialisation, qui peuvent se résumer c o m m e suit ; a) La vie professionnelle des travailleurs est un t système de rôles » particulier, séparé dans l'espace et aussi, jusqu'à un certain point sur le plan social et psychologique, de toutes les institutions d'ordre familial, religieux, politique, éducatif, etc. b) Les horaires de travail ont évolué : leur durée s'est allongée, semble-t-il, pendant les premières phases de l'industrialisation au xix8 siècle, et depuis lors elle diminue régulièrement à mesure que la produc­tivité s'accroît. Les loisirs ont récemment gagné en importance, tant parce qu'ils sont plus fréquents qu'en raison de l'abondance des ressources de tout genre (argent, personnel et services) qui leur sont consacrées.

c) L e s n o u v e a u x « rôles de travail » {work roles) subissent e u x - m ê m e s des c h a n g e m e n t s rapides et incessants. d) L a continuité due à l'intégration des divers rôles et à la stabilité relative des droits et des devoirs attachés à la situation occupée dans le cadre d 'un petit groupe fonctionnel a disparu, ce qui a modifié les facteurs et les degrés d'intégration sociale, e) Les unités qui servent de base à l'organisation sociale sont de dimensions plus considérables qu'autrefois, et les pouvoirs exercés par les autorités centrales se sont accrus ; en matière de politique et d'économie, de morale et de droit, les petites communautés —• corporations, clans, villages, o u monastères — qui prédominaient dans l'Europe du m o y e n âge, ont fait place à l'État, aux partis de masse, et aux grandes firmes.

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porté un jugement pessimiste sur les nouveaux genres de vie qu'ils voyaient apparaître au xixe siècle dans les pays les plus évolués, et tous deux consi­déraient cette évolution c o m m e une conséquence du développement écono­mique. Engels a observé dans les usines de textiles ce qu'il considérait c o m m e la démoralisation des ouvriers anglais. E n des termes auxquels depuis lors des conservateurs, des philanthropes et des libéraux aussi bien que des marxistes ont fait écho à maintes reprises, il déclare par exemple :

« Rien n'est plus terrible que d'être obligé de refaire sans arrêt une seule et même chose tous les jours, du matin au soir, contre sa propre volonté. Et plus un travailleur se sent h o m m e , plus il doit détester son travail, car il se rend d'autant mieux compte qu'il s'agit d'une tâche qui lui est imposée et ne répond à aucune aspiration personnelle. Pourquoi travaille-t-il ? Parce qu'il aime son travail ? Par l'effet d 'un instinct naturel ? Nullement ! Il travaille pour gagner de l'argent, pour obtenir quelque chose qui n 'a aucun rapport avec le travail lui-même... L a division du travail a considérablement accru l'influence avilis­sante du labeur forcé. Dans la plupart des cas l'activité de l'ouvrier est réduite à une série de gestes purement mécaniques, répétés minute après minute, et pendant des années, sans aucun changement1. »

Il cite alors A d a m Smith et d'autres témoins « bourgeois », c o m m e il les appelle; puis il souligne que les ouvriers ont tendance à chercher des déri­vatifs dans la boisson et la débauche. Dans un passage qui pourrait provenir d 'un tract de l'Union mondiale chrétienne des femmes abstinentes, il écrit :

« Le samedi soir, surtout quand c'est le jour de la paie, et que le travail s'arrête un peu plus tôt que d'habitude, au m o m e n t où tous les ouvriers, abandonnant leurs quartiers misérables, se déversent dans les rues princi­pales, on peut voir l'intempérance se manifester dans toute sa brutalité...

» L ' u n des principaux vices des travailleurs anglais, après l'alcoolisme, est la licence sexuelle. Mais il s'agit là aussi d'une conséquence logique et iné­luctable de la situation où se trouve placée cette classe qu'on abandonne à elle-même, sans lui donner les moyens de faire un bon usage de sa liberté... Pour tirer quelque agrément de leur existence, les ouvriers concentrent toute leur énergie sur ces deux plaisirs, auxquels ils se livrent alors avec excès...

» Les défauts des travailleurs dans leur ensemble peuvent être attribués à un goût effréné du plaisir, au fait qu'ils manquent de prévoyance et de l'adap-tabilité nécessaire pour s'intégrer à l'ordre social, et qu'ils sont incapables, de façon générale, de sacrifier les satisfactions immédiates à des avantages plus lointains2. »

O n reconnaît là deux des principales hypothèses qui ont été reprises par les observateurs contemporains : d'abord celle du compensatory leisure, qui signifie, traduite en termes contemporains, qu 'un ouvrier d'une usine d'automobiles de Detroit, après avoir passé huit heures littéralement « accroché » à la chaîne de montage, refaisant sans cesse, à un rythme imposé par la machine, un travail mécanique qui n'exige guère de compétence professionnelle, et ne peut lui procurer la moindre satisfaction, sortira en courant de l'usine, foncera à 130 k m / h sur une autoroute dans une Cadillac «Eldorado» d'occasion, s'arrêtera pour prendre un verre de bière dans un bar et y déclenchera une bagarre, rentrera chez lui pour battre sa f emme et, au passage, jettera des pierres à un nègre qui vient s'installer dans le voisinage. E n bref, il s'aban-

1. D'après Frederick Engels, The condition of the working-class in England in 1844, traduction de Florence K . Wischnewetsky, London, George Allen and Unwin Ltd., 1892, p. 118-ny

2. Ibid., p. l27-r2Q.

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donnera pendant ses loisirs à des impulsions violentes destinées à compenser la monotonie abrutissante de sa vie à l'usine.

Mais Engels évoque aussi une autre hypothèse, celle du spillover leisure : un autre ouvrier de la m ê m e usine rentre tranquillement chez lui après son travail, se laisse tomber sur le divan, prend ses repas dans la solitude, ne participe à aucune activité collective, ne lit rien, ne s'intéresse à rien, ne vote pas, « traîne » chez lui ou dans la rue, regarde le spectacle de variétés diffusé à l'heure où les enfants sont couchés, et laisse les programmes de télé­vision se succéder sur l'écran parce qu'il est trop passif et fatigué pour faire un choix, se lever et aller tourner le bouton. E n bref, l'habitude de se désin­téresser de son travail l'amène à se désintéresser de la vie mentale et la passi­vité que crée chez lui l'exercice de son métier subsiste pendant ses heures de loisirs.

U n e autre série de perspectives a été ouverte aux chercheurs par le Français Tocqueville, observateur remarquablement clairvoyant, dont les descriptions préfigurent, avec un siècle d'avance à peu près, celles que contient l'ouvrage de Riesman intitulé Lonely crowd. De la démocratie en Amérique (1840) nous pré­sente un tableau devenu classique de la « société de masse », composée d'indi­vidus mobiles, unis par des liens assez lâches, à l'ensemble de la collectivité, et ne s'intéressant qu'à un cercle étroit de parents et d'amis — qui attendent tout d 'un « Etat-providence » et confondent la tyrannie avec la liberté. A côté de l'ouvrier d'Engels, entièrement replié sur lui-même et qui fait montre soit d'une activité fébrile, soit d 'une passivité totale, nous avons ici l'image de gens dont l'existence se déroule tout entière dans le cadre de la famille et du voisi­nage et qui n'ont pas d'attaches profondes avec l'ensemble de la collectivité. Voici c o m m e n t Tocqueville lui-même les évoque :

« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le m o n d e : je vois une foule innombrable d ' h o m m e s semblables et égaux, qui tournent sans repos sur e u x - m ê m e s pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils remplissent leur â m e . Chacun d'eux, retiré à l'écart, est c o m m e étranger à la destinée de tous les autres, ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine... Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leurs jouissances, et de veiller sur leur sort. »

Suit une attaque contre cet Etat « tutélaire » qui, dit-il, « pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre1 ? »

Ainsi, tandis qu'Engels plaignait les h o m m e s d'être condamnés à un labeur de bêtes de s o m m e , Tocqueville craint q u ' u n État-providence ne les a m è n e à vivre dans une oisiveté médiocre, en dehors de toute influence stimulante ou créatrice, plongés dans une sorte de paisible servitude incompatible avec l'indépendance et la confiance en soi dont doit faire preuve un être humain digne de ce n o m .

Engels rattachait ses observations à une théorie de la lutte des classes : Tocqueville, de son côté, se fonde sur une conception de base de la société de masse tristement uniforme, aux classes m a l différenciées. Engels estimait

1. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Paris, Éditions M . - T h . Génin, Librairie de Médicis, vol. II,

P- 432-433-

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que le progrès continu des techniques rendrait le travail des ouvriers si insi­pide et leur procurerait si peu d'avantages, qu'ils en arriveraient à se révolter. Tocqueville, plus conscient des possibilités ofTertes par l'abondance économique, soutenait que l'accumulation m ê m e des biens et des services aboutirait à faire perdre tout sens et toute valeur à ces richesses et détruirait le sentiment d'appartenance à une collectivité plus vaste.

Mais quelle que soit la forme sous laquelle ils imaginaient la société future — société de classes ou société de masse — tous deux avaient compris que l'organisation du travail exerce une profonde influence sur l'utilisation des loisirs et que les attitudes et pratiques adoptées dans une sphère d'activité peuvent s'étendre aux autres : celui qui a l'habitude de « tuer le temps » pendant son travail peut en arriver à « tuer le temps » durant ses loisirs, l'ou­vrier passif deviendra un citoyen passif, et il passera de l'aliénation sur le plan de la vie professionnelle à l'aliénation dans le domaine politique.

Par la suite, de nombreux chercheurs ont approfondi ces critiques classiques des conditions de vie créées par la révolution industrielle. Les spécialistes contemporains se classent en deux catégories selon leur façon d'envisager les rapports entre le travail et les loisirs. Beaucoup pensent qu 'un abîme de plus en plus profond sépare ces deux formes d'activités, et voient dans cette ten­dance une source de conflits psychiques, de difficultés entre individus et d'ins­tabilité sociale. Certains estiment que la fragmentation de la vie privée entraîne un affaiblissement des liens établis dans chacun de ses secteurs, d 'où il s'ensuit que les passions suscitées par des entités plus vastes telles que la nation, la race et la classe, se renforcent et donnent naissance au chauvinisme, au racisme, à l'extrémisme politique et à la crainte des complots. L a difficulté provient essentiellement, selon eux, du fait que les individus et les groupes ne réussissent pas à intégrer les divers aspects de leur comportement en un ensemble cohérent propre à refléter et à favoriser à la fois une saine maîtrise de soi-même et d u milieu social. Les efforts déployés en conséquence, pour intégrer leurs divers rôles, par les individus dont la personnalité est ainsi divisée se transforment facilement en une recherche collective de certitude morale, sur le plan de la communau té .

Les théoriciens du pluralisme politique ont eux aussi souligné que la sépara­tion de plus en plus marquée entre les différents secteurs d'activité — travail et loisirs, production et consommation, usine et foyer, éducation et religion, politique et activités récréatives, etc. — est une caractéristique intrinsèque des sociétés urbano-industrielles. Mais à leur sens, cette fragmentation accroît la stabilité sociale et renforce la démocratie. L e « cloisonnement » des activités limite la participation à chacune d'elles, et empêche l'intéressé de se laisser « manœuvrer » par une autorité extérieure. L'individu uni par des liens m u l ­tiples et de portée nettement circonscrite à diverses organisations secondaires et à l'Etat conserve son libre arbitre, et risque moins de succomber aux entraî­nements collectifs.

E n revanche, d'autres spécialistes annoncent un renversement de cette tendance à la fragmentation des activités. Ils soutiennent par exemple que si l'industrialisation a autrefois largement contribué à séparer le travail des loisirs, la société moderne tend maintenant à les rapprocher : le travail res­semble de plus en plus à un jeu, et les jeux à un travail. Pour démontrer que le fossé creusé au xixe siècle entre ces deux domaines est en train de se combler, ils citent des pratiques telles que les suivantes : la longue pause accordée aux jeunes employées de bureaux pour qu'elles puissent prendre du café, les

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« déjeuners de travail » pour les h o m m e s d'affaires et les membres des profes­sions libérales, les parties de cartes entre les membres d'équipes de nuit, le fait que des millions d'individus se livrent au bricolage pendant leurs heures de loisir, les occupations supplémentaires auxquelles une personne au moins sur dix-huit se consacre en dehors de son travail, les « parties de golf avec les clients » pour les agents de vente, les discussions en petit comité dans les trains de banlieue pour le personnel comptable, etc. D'autre part beaucoup affirment que cette fusion du travail et des activités récréatives compromet l'exercice de la plus haute fonction de la culture — qui doit être un jeu à l'état pur, en dehors de toute considération de nécessité ou d'utilité, de toute obligation morale, de toute contrainte extérieure, et de toute préoccupation propre à engendrer l'anxiété. Certains estiment donc que cette tendance à mêler travail et loisirs entrave le libre jeu des facultés créatrices, crée un sentiment général d'oppression et intensifie le souci de faire montre de conformisme.

Les adeptes des deux théories — séparation croissante ou amalgame entre le travail et les loisirs — ajoutent d'ordinaire à leurs remarques au sujet de l'évolution des conditions de travail des commentaires sur la qualité de la participation sociale, de l'exposition aux moyens d'information et des habi­tudes en matière de consommation : de la critique des formes « déshumani­santes » du travail on passe alors au problème de l'utilisation peu satisfaisante faite des loisirs1.

E n partie à cause de l'imprécision qui caractérise ce débat depuis un siècle, mais surtout parce que les recherches systématiques viennent à peine de commencer dans ce domaine et que les faits m ê m e s sont incomplètement connus, la question reste aujourd'hui obscure.

Il est évident que ces problèmes de critique sociale se rattachent aux prin­cipales préoccupations des théoriciens de la sociologie : déterminer quels sont les attributs des structures sociales et leurs rapports, pour quelles raisons tel ou tel type de structure apparaît, se maintient ou change, et c o m m e n t une structure donnée facilite ou entrave les efforts déployés par les h o m m e s placés dans diverses situations pour atteindre certains buts. E n termes plus précis, c o m m e n t la différenciation des rôles sur le plan économique influe-t-elle sur la différenciation des rôles au sein de la collectivité et de la société — c'est-à-dire c o m m e n t les différentes catégories d'institutions (économiques, politico-militaires, familiales, religieuses, esthético-éducatives) réussissent-elles, tout en restant autonomes, à fonctionner de concert ? Quelles sont les modifications enregistrées dans le domaine du travail et des loisirs qui peuvent être attribuées à des changements survenus dans la structure des classes sociales au sein des collectivités urbaines ? Et c o m m e n t ces changements affectent-ils l'intégration sociale d'une communauté industrialisée — c'est-à-dire la mesure dans laquelle les membres de la communau té souscrivent à des définitions c o m m u n e s (valeurs, normes ou croyances) des rôles qu'ils jouent ?

I. Pour résoudre le problème de l'abrutissement provoqué par certaines formes de travail, on propose en général trois types de solutions : a) mettre au point des modes d'utilisation des loisirs propres à stimuler les facultés créatrices, pour compenser l'inévitable multiplication des tâches « déshumanisantes » ; b) payer beaucoup plus largement ceux qui sont obligés de travailler dans des conditions qui favorisent l'aliénation (c'est la solution recommandée par les syndicats : versement de meilleurs salaires pour moins d'heures de travail, ce qui per­mettrait aux ouvriers de gagner de l'argent et de se distraire dans le cadre dela situation technologique actuelle) ; c) modifier l'aménagement deslocaux de travail et les procédés techniques en usage de façon à rendre les tâches à accomplir plus intéressantes, ce qui faciliterait une meilleure utilisation des loisirs. Dans les ouvrages qu'il a publiés depuis dix ans, David Riesman a prôné successivement ces trois méthodes, mais chacune d'elles l'a déçu à son tour. Voir la très stimulante analyse de Georges Friedmann dans OU va le travail humain ?, Paris, Gallimard, 1950.

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M O Y E N S D'ASSOCIER LES DIVERS TYPES D E M É T H O D E S D E R E C H E R C H E

APPLICABLES

Pour répondre à ces questions, nous disposons d 'une masse d'idées et de ren­seignements réunis par quatre groupes de chercheurs, qui étudient respective­ment : a) les professions et les organisations industrielles complexes; b) les relations professionnelles et les marchés du travail; c) la stratification sociale (en particulier au sein des « sociétés de masse ») ; d) la vie familiale et les loisirs. Ces divers groupes ont déjà tenté à plusieurs reprises de conjuguer leurs efforts : peut-être pourraient-ils arriver à établir une coopération perma­nente et systématique, avec les relations étroites et confiantes que cela implique, dans le cadre général tracé par ceux des représentants de la tradition sociolo­gique qui n'ont jamais perdu de vue le problème central de notre discipline, celui de la nature du lien social. Nous allons donc indiquer brièvement ci-après ce que chaque groupe de spécialistes pourrait apprendre des autres en ce qui concerne la description et les variations des facteurs et des degrés d'intégration sociale, et, sur la base de l'étude à laquelle nous nous livrons actuellement sur le travail et les loisirs, proposer quelques sujets de recherche et présenter un certain nombre d'hypothèses permettant de rattacher ces questions de façon plus directe aux problèmes généraux de la sociologie.

Les spécialistes de la sociologie du travail et des relations professionnelles ont une connaissance détaillée des techniques et des tâches dont sont trop souvent dépourvus ceux qui étudient la stratification sociale et les loisirs. Chacun sait qu 'en ce qui concerne les données relatives aux professions, on continue à se fonder sur la classification adoptée par le Bureau du recense­ment (avec parfois quelques modifications inspirées des listes North-Hatt ou des résultats d'enquêtes sur les revenus). O n sait aussi que chacune des catégories utilisées comprend des professions extrêmement diverses, du point de vue des droits et des devoirs qu'elles comportent, aussi bien pendant le travail qu'en dehors du travail : dans la catégorie « personnes exerçant une profession libérale, techniciens et assimilés » figurent côte à côte des écrivains et des dessinateurs, des strip-teaseuses et des ingénieurs mécaniciens; dans celle des «directeurs fonctionnaires et propriétaires», le banquier et l'agent électoral, le vendeur de hot-dogs en plein air et le directeur d'une grande entreprise; dans celle des « employés de bureau et assimilés », le caissier de banque et le facteur; dans celle des « vendeurs », le petit marchand de jour­naux, l'agent de publicité, le gros courtier et la vendeuse d'articles de bazar. Pourtant la plupart des sociologues ne tiennent guère compte des profondes différences existant entre les diverses professions classées dans chaque caté­gorie, du point de vue tant de l'organisation que de la nature du travail1.

I. Il convient de signaler que certains chercheurs ont cependant tenté, à des fins sociologiques, de classer les pro­fessions d'après d'autres critères. O n peut citer c o m m e exemples : a) la distinction faite dans The changing american parent, N e w York, John Wiley and Sons, Inc., 1958, par D . Miller et G . E . Swanson, à propos des pratiques et des principes appliqués en matière d'éducation des enfants, éntreles occupations a bureaucratiques » et « d'entrepreneurs » ; voir aussi : L . Corey, The crisis of the middle class. N e w York, Covici, Friede, 1935, l'une des premières études où les« nouvelles »et les« anciennes» classes moyennes aient été comparées; b) l'emploi de la classification des professions établie par Carr-Saunders pour montrer que le passage de l'une à l'autre des diverses professions reconnues par le Bureau du recensement, et la mobilité à l'intérieur de chacune d'elles, sont beaucoup plus limités lorsqu'il s'agit de professions établies de longue date (qui sont les moins nombreuses) que dans le cas de professions ou semi-professions, «nouvelles», mal délimitées ou marginales {A. J. Reiss, Ir., «Occupational mobility of professional workers», American sociological review, 20 décembre 1955, p. 699) ; c) l'explication de la tendance à faire grève en fonction du degré d'isolement matériel et social des représentants de certaines professions ou branches d'activité : voir C Kerr et A . Siegel, <t The interindustry propensity to strike : an international comparison », dans A . Kornhauser, R . Dnbin et A . N . Ross (éd.),

59°

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Si nous nous familiarisions davantage avec les observations directes et les analyses comparatives traditionnellement pratiquées par les spécialistes des relations professionnelles (par exemple, ceux qui se consacrent à l'étude de la société industrielle et des problèmes du travail, c o m m e les W e b b s , C o m m o n s , Slichter, ou Friedmann) et par les spécialistes de la sociologie du travail ( c o m m e M a y o , Hughes, W h y t e , Merton et leurs élèves) et si nous acquérions une connaissance plus approfondie de ces enquêtes patientes et détaillées sur le milieu technologique et la culture professionnelle, nous deviendrions sans doute plus sensibles aux différences et aux ressemblances existant entre les conditions de travail et les carrières d'individus appartenant à un m ê m e groupe socio-économique, à diverses époques et en divers lieux. N o u s pourrions alors jeter quelque lumière sur l'un des principaux problèmes qui se posent à propos de la structure des sociétés urbano-industrielles : dans quelles conditions, dans quels groupes et dans quelles couches sociales les cultures de classe homogènes (fondées sur l'égalité des niveaux de ressource et d'instruction et sur l'exposi­tion aux m ê m e s moyens d'information) ou les cultures ethnico-religieuses homogènes (fondées sur la communauté d'origine et sur une socialisation précoce) déterminent-elles le comportement social dans une plus large mesure que les cultures professionnelles (qui résultent de la similitude des tâches, des horaires de travail, de la formation professionnelle et des types de carrière) ?

L a combinaison de ces diverses méthodes de recherche pourrait aussi aider utilement à replacer les petits groupes dans le cadre de catégories sociales plus importantes. Les spécialistes des relations professionnelles et de la stratification omettent rarement, lorsqu'ils s'occupent de tel ou tel « rôle de travail», de prendre en considération les groupements, les entreprises, les collectivités, les sociétés, les couches sociales dont fait partie l'individu qui remplit ce rôle; au contraire les spécialistes de la sociologie du travail négligent souvent l'étude de ces groupes plus importants. Beaucoup des protestations soulevées par le mouvemen t qui vise à développer les « relations humaines dans l'entreprise » {human relations in industries) ne sont pas seulement d'origine idéologique, et ne se bornent pas à rejeter les valeurs sur lesquelles ce mouvemen t se fonde — à savoir l'amour de l'ordre, de l'harmonie, de l'efficacité, de la hiérarchie, par opposition aux principes d'égalité et de liberté d'association. Elles découlent aussi, au point de vue sociologique, d 'un sentiment de gêne provenant de l'idée que les unités dont s'occupe ce mouvement (à savoir surtout les « rôles » et les « groupes de travail ») ne s'intégreront jamais à des ensembles plus larges, de sorte que les efforts déployés ne contribueront en rien à assurer de façon géné­rale le bon fonctionnement des rouages de la société. Quelle que soit la valeur de ces critiques, la sociologie du travail, avec sa marqueterie de « sous-cultures » professionnelles — ces mondes distincts où sont censés vivre le chif­fonnier et le joueur de jazz, le médecin et le professeur, la serveuse de restau­rant et le mécanicien, le directeur d'école et le commissaire municipal — aurait intérêt à se rattacher plus étroitement à l'étude générale de la stratification sociale, qui permet de se faire une idée d'ensemble du sujet. Là encore il importe de mettre en lumière l'influence particulière des « systèmes de rôles »,

Industrial conflict, N e w York, McGraw-Hil l Book C o . , Inc., 1954, p . 189-212 ; d) l'emploi du « concept situs»

par P . K . Hatt dans « Occupation and social stratification», American journal of sociology, 55, m a i 1950,

p . 539. Il est temps de dépasser le stade de ces tentatives sporadiques et de s'attaquer à l'ensemble du

problème des classifications professionnelles, en vue de faire adopter m ê m e dans le cadre des enquêtes

générales des catégories permettant de se faire une plus juste idée des différents groupes sociaux et profes­

sionnels.

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et de ne pas confondre la culture de classe avec la culture professionnelle1. Enfin, il faudrait tenir compte, en étudiant les institutions économiques, de

l'écoulement du temps. Les spécialistes de la sociologie du travail, des rela­tions professionnelles et de la stratification gardent présente à l'esprit l'impor­tance des facteurs économiques alors que ceux qui se consacrent à l'étude de la vie familiale et des loisirs l'oublient souvent. L a plupart des enquêtes sur l'utilisation des loisirs ont trait à un groupe résidentiel donné ou à l'une des catégories d'activités récréatives qui y sont organisées (jeux de cartes, jazz, jardinage, relations entre voisins, télévision, réceptions, etc.) et laissent de côté la question de l'influence qu'exercent, sur l'emploi des loisirs, le système économique et les conditions de travail. Notre tâche, là encore, ne consiste pas seulement à décrire des « rôles » (comportement de l'individu en tant que travailleur, mari, invité, etc.) ou à expliquer les variations des liens existant entre les membres de tout petits groupes (équipe de travail, famille, bande d'amis), mais aussi à voir les rapports qui les unissent, de façon à pré­senter un tableau plus complet de ce que les représentants des autres disci­plines appellent un « contexte social » ou un « milieu social » résiduel.

D'autre part, ceux qui étudient les loisirs et la vie familiale prennent d'ordi­naire en considération le passage du temps — le « cycle vital » (life cycle) de l'individu, les transformations de la famille dans le cadre de la société — éléments qui échappent parfois aux autres spécialistes. L a profession d 'un h o m m e , ses conditions de travail, son domicile, voire sa situation sociale, sont certes des facteurs importants, mais ils varient souvent, m ê m e dans le cadre de recherches qui ne s'étendent que sur deux ou trois générations. Et pourtant, à m a connaissance, on n 'a jamais entrepris d'étude systématique visant à mettre en lumière l'interdépendance du comportement et des atti­tudes dans les diverses sphères de la société moderne pendant l'ensemble de la vie d 'un individu, en tenant compte des interférences entre les différents aspects de son évolution (activité professionnelle, vie et consommation fami­liales, et participation sociale).

Pour illustrer les possibilités existant dans ce domaine, on peut signaler qu'il y aurait grand intérêt à examiner sous cet angle les conclusions diver­gentes d'une quantité d'études effectuées aux Etats-Unis sur les « satisfactions dans l'exercice de la profession» (job satisfaction). Ces études nous présentent une courbe chronologique très semblable à celles qui concernent le vieillis­sement et la participation sociale : de vingt à trente ans, le niveau est peu

I. D e leur côté, les spécialistes de la stratification, qui étudient des unités sociales plus vastes, d é n o m m é e s * société

de masse », « société urbano-iiidustrielle », « société urbaine », etc., et font porter leurs recherches sur des milieux

technologiques très particuliers, ne devraient pas considérer l'aliénation ou l'abrutissement béat qu'ils observent

c o m m e des caractéristiques générales. Voir à ce sujet les ouvrages de C . W . Mills, D . Riesman, D . Bell et de

leurs prédécesseurs, depuis Engels jusqu'à Veblen et M a n n h e i m . L ' « abrutissement » des ouvriers de textile

dont parle Engels, la «rationalité fonctionnelle» des bureaucrates de M a n n h e i m , la mentalité d' «organisa­

teur » des ingénieurs de Veblen — tout cela résulte, dit-on, des habitudes de travail imposées par la technologie

et l'organisation sociale modernes. M a n n h e i m formule à cet égard des observations typiques : l'accroissement

de la « rationalité fonctionnelle » qui caractérise la bureaucratie n 'a pas entraîné d'accroissement de la « rationa­

lité essentielle ». E n fait, « quelques individus parviennent à voir les choses de plus en plus clairement dans^un

secteur toujours plus étendu, tandis que la capacité de juger rationnellement diminue chez l ' h o m m e m o y e n

dès qu'il confie à des « organisateurs » la charge de prendre les décisions » (K. M a n n h e i m , Man and society in

an age of reconstruction, traduit par E . A . Shils, N e w York, Harcourt Brace and C o . , 1940, p. 51 et suiv., 81-105,

350 et suiv.). Bien que je sois personnellement enclin à partager le pessimisme de M a n n h e i m , il est possible que

les économies modernes obligent une proportion croissante de la population à acquérir les compétences sociales

et intellectuelles (y compris un certain degré de compréhension d u système social) qui constituent ce que nous

appellerions la 1 rationalité essentielle », et que le facteur totalitaire résultant de l'existence de masses {mass-

totalitarian potential) relève d'autres aspects de l'organisation sociale. Seules des études minutieuses visant à

déterminer la nature et l'étendue des changements que subit la structure des situations professionnelles per­

mettront d'apprécier la valeur de ces hypothèses.

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élevé, puis la courbe est ascendante jusqu'à l'époque de la maturité, ensuite elle redescend légèrement et l'on aboutit à une chute brusque après soixante ans. O n peut suggérer l'interprétation suivante : le degré de satisfaction trouvé dans le travail dépend de l'écart entre les récompenses obtenues (sous forme de salaire et de prestige) et celles qui étaient désirées ou attendues (sous forme de biens, de services et de prestige). O r ces deux éléments tendent à varier avec le temps en fonction de l'évolution de la vie familiale et professionnelle. Si nous laissons de côté les étudiants et les jeunes gens particulièrement ambi­tieux, il apparaît qu 'au sortir de l'école secondaire u n jeune h o m m e se trouve, pendant quelques années tout au moins, dans une situation agréable, ses aspi­rations restant modérées, ses responsabilités limitées, et son salaire largement suffisant — m ê m e pour s'acheter des vêtements sur mesure, offrir des parties de plaisir coûteuses à sa petite amie ou sortir avec sa femme.

Tout change, cependant, lorsque arrivent les enfants et que se pose le pro­blème du logement (soit dans la plupart des cas, entre vingt-deux et trente-cinq ans). A mesure que les charges familiales s'alourdissent, les revendications de salaires se multiplient, la demande de crédit à la consommation s'accroît rapidement. Les besoins d'objets de consommation durables et les exigences concernant le montant du salaire et la sécurité d'emploi atteignent un maxi­m u m entre trente et quarante ans chez les gens mariés qui ont des enfants; or en fait il est rare que les revenus et la sécurité soient au niveau le plus élevé pendant cette période critique. Pour les travailleurs manuels, dont les emplois sont les plus instables, la protection due à l'ancienneté de service est encore faible, et, pour toutes les catégories de travailleurs, la période des gains maximaux vient plus tard. L a situation des ménages est bien entendu meil­leure si la femme travaille, mais c'est parmi les jeunes couples avec des enfants — c'est-à-dire ceux qui ont le plus de difficultés financières — que cette solution est le moins souvent adoptée. O n constate en conséquence un abais­sement du moral, qui dure jusqu'à ce que les charges familiales et les aspi­rations en matière d'emploi diminuent, ou que la rémunération augmente, ou que l'un et l'autre se produisent. Q u a n d les enfants quittent la maison familiale et que les dettes sont payées, les satisfactions trouvées dans la vie professionnelle — ainsi d'ailleurs que toutes les autres satisfactions sans rapport avec la présence des enfants — doivent naturellement s'accroître. Puis, à l'approche de l'âge de la retraite, la courbe du moral variera, en fonction, semble-t-il, du type de carrière considéré et du degré d'attachement du sujet à son activité professionnelle; mais en général on constate une chute très nette pour finir. Il apparaît donc qu'aux États-Unis (et sans doute dans toutes les sociétés industrialisées) les obligations à remplir dans les divers domaines (économique, familial, etc.) sont réparties et combinées de telle façon que l'époque où les charges économiques sont le plus lourdes (début de carrière, m o m e n t où il faut se faire une situation, etc.) coïncide avec celle où l'on fonde une famille, et où en conséquence la consommation est la plus impor­tante — ce qui crée sans aucun doute des tensions sur le plan individuel aussi bien que social1.

I. A u x États-Unis, un autre déséquilibre structural apparaît à la fin du cycle vital, au m o m e n t où le culte de la vitalité juvénile entre en conflit avec l'expérience du vieillissement. H . L . Wilensky, dans « Life cycle, work situation, and participation in formai associations », au chapitre 8 de Agmg and leisure, ouvrage publié sous la direction de R . W . Kleemeier, N e w York, Oxford University Press, i960, exprime l'idée que si ces deux périodes de crise sont devenues de règle c'est en raison à la fois d'un système d'évaluation des différents âges de la vie propre aux sociétés industrielles, et des tendances activistes et égalitaires de la culture américaine. Ce m ê m e chapitre contient une discussion du concept de l'interférence des cycles d'évolution.

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A m o n sens une étude des rapports entre le travail et les loisirs, et des liens entre l'ordre économique et le m o d e de vie, qui tiendrait dûment compte de la façon dont les individus et les structures évoluent avec le temps, devrait fournir certaines des indications les plus précieuses qu 'on puisse obtenir au sujet de la forme de la société moderne. Il s'agit là en outre d 'un domaine où l'intérêt porté à des problèmes sociaux auxquels on se heurte sans cesse — liberté et ordre, « aliénation » à l'égard du travail et utilisation peu satis­faisante des loisirs évoqués sous des formules telles qu'autonomie-créativité-conformité, participation-apathie, prospérité et bien-être, égalité et qualité — rejoint très heureusement les préoccupations permanentes des théoriciens de la sociologie. Les critiques de la société et les sociologues tireraient un égal profit d'une coopération plus efficace des différents groupes de spécialistes dont j'ai parlé : en effet tous pourraient alors unir leurs efforts pour s'attaquer à des problèmes « classiques » de sciences sociales.

RECHERCHES SUR LE TRAVAIL ET LES LOISIRS DANS LES COLLECTIVITÉS URBAINES

A la lumière des traditions mentionnées ci-dessus en matière de critique et de recherche sociales, j'ai entrepris d'étudier les rapports entre les « rôles de travail », les types de carrières et les modes de vie.

Ces recherches comprennent : a) une étude générale sur les « couches centrales » de la société (fraction inférieure des classes moyennes et fraction supérieure de la classe ouvrière) dans le district de Detroit; b) plusieurs enquêtes sur les activités de loisir de groupes professionnels travaillant dans des conditions très différentes et appartenant à plusieurs couches économico-sociales; les conclusions de cette deuxième série de travaux seront replacées dans le contexte de l'étude générale.

Le but visé est de déterminer avec précision quels rapports existent entre certaines caractéristiques des conditions de travail et du type de carrière et certains modes de vie, et, d'une façon plus générale, entre la nature et la force des liens qui attachent les individus ou les groupes à la communau té locale et à l'ensemble de la société. Ces recherches devraient aboutir à l'élaboration d'une typologie des modes de vie qui permettrait d'apprécier la valeur des théories relatives à la « société de masse », et des descriptions qui nous ont été données de la stratification des communautés urbano-indus-trielles.

L'expression « m o d e de vie » s'applique à la fois à la structure de la consom­mation (façon dont les gens dépensent leur argent) et à la structure de la participation et de l'exposition aux moyens d'information (façon dont les loisirs sont utilisés). L a participation, la consommation et l'exposition aux moyens d'information sont analysées successivement du point de vue de leurs rapports avec la condition sociale et de celui de l'influence capitale qu'elles exercent en tant que facteurs d'intégration sociale. E n bref, chaque individu peut se trouver non seulement placé dans un système, mais lié à ce système par l'interaction sociale (attachement envers les parents et amis et apparte­nance à des associations), par l'attrait d'une série de « biens matériels » (qu'il possède ou se propose d'acheter) et par des divertissements de masse qui, d'une part, répandent des idées simplistes et des goûts vulgaires, encouragent la paresse intellectuelle et dispersent l'attention, mais qui, d'autre part, favo-

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risent l'acceptation de valeurs communes , enrichissent les connaissances et élargissent les horizons1.

Il est évident que les divers types de relations sociales, d'habitudes de consommation, et d'exposition aux moyens d'information, ont des répercus­sions sur la mesure dans laquelle les individus se sentent solidaires des objectifs généraux de la collectivité. Il paraît probable que chaque aspect du compor­tement est influencé jusqu'à u n certain point par les conditions de travail et la carrière de l'intéressé; et peut-être ces différents aspects du comportement forment-ils des ensembles assez cohérents pour constituer des « styles d'utili­sation des loisirs » (styles of leisure) distincts2.

Principes d'orientation

Trois généralisations permettent d'orienter les recherches relatives aux pro­blèmes d u travail et des loisirs :

ï. Dans les sociétés ayant atteint un niveau élevé de développement écono­mique, le comportement social reste dans une large mesure lié à la classe (au sens économique et marxiste du m o t ) . Les observations formulées par Engels au sujet des ouvriers anglais de 1844 s'appliquent sûrement encore aujourd'hui à plusieurs groupes de travailleurs — à de nombreux manœuvres non qualifiés (souvent chargés de tâches pénibles, salissantes et considérées c o m m e dégradantes) et aux ouvriers semi-qualifiés travaillant sur des chaînes de montage d 'un modèle ancien (qui éprouvent un sentiment d'oppression dont on trouvera une bonne analyse dans Man on the assembly line, de Walker and Guest). N o n seulement les attitudes d'esprit de ces travailleurs ressemblent à celles des « esclaves de la machine » dont l'aliénation est décrite dans les réquisitoires classiques contre l'industrialisation, mais, objectivement, ils sont plus exposés que les autres au chômage et à l'insécurité, ils ont davantage d'obstacles à franchir pour s'élever dans la hiérarchie sociale et, à tous égards, ils reçoivent moins que leur part des « récompenses » offertes. Il semble qu 'un ouvrier sur cinq ou sur six puisse se ranger dans cette catégorie aux

1. E n ce qui concerne la € dysfonction narcotique » (narcoticizing dysfunction) des moyens d'information, ainsi que leur rôle dans la détermination du rang social et dans la diffusion des normes, voir P . Lazarsfeld et R . K . Merton, « Mass communication, popular taste and organized social action », dans Mass culture (publié sous la direction de B . Rosenberg et de D . M . White), Glencoe, 111., Free Press, 1957, p. 547-573. Voir aussi dans le m ê m e ouvrage, p. 504-536, la critique très convaincante de la culture populaire présentée par E . Van den Haag sous le titre de » Of happiness and despair w e have no measure ». Dans ces deux études, la question est étudiée avec une pré­cision qui fait généralement défaut aux polémiques sur ce sujet. Edward Shils fait montre d 'un solide sens histo­rique et présente une vigoureuse défense de la culture populaire dans t Mass society and its culture », Daedalus-Taminent Institute Seminar, juin 1959, ronéotypé ; voir aussi : J. Dumazedier, « Réalités du loisir et idéolo­gies », Esprit, 6 juin 1959, p. 3-20.

2. Rien ne permet jusqu'ici d'affirmer avec certitude qu'au sein de groupes de population importants les compor­tements adoptés en dehors des heures de travail —c'est-à-dire les activités et les tendances en matière de parti­cipation, de consommation et d'exposition aux moyens d'information — constituent véritablement des « styles » au sens ordinaire du mot. Le terme de «style» implique l'existence d'une forme {par opposition au fonds) durable et assez cohérente pour se retrouver dans des sphères d'activité différentes. Une analyse pénétrante de ce concept, ainsi qu'un résumé des données ethnologiques disponibles figurent dans Style and civilization, d ' A . L . Krœber, Ithaca, N e w York, Cornell University Press, 1957. Pour établir des catégories dans le domaine des activités de loisirs, nous nous fondons sur les alternatives suivantes : repliement sur soi ou participation à des activités de groupe (compte tenu, dans le second cas.de la g a m m e des valeurs, des intérêts et des niveaux sociaux représentés par la structure du comportement — g a m m e qui s'élargit à mesure qu'en partant du cercle familial on passe à des groupes plus vastes et à des réseaux de liens de plus en plus étendus) ; tendances aty­piques ou tendances conformistes, comportement fluctuant {fluid) ou habitudes régulières, et enfin « engage­ment » on apathie et aliénation. Les informations recueillies nous permettront de mettre en corrélation les divers comportements et attitudes des sujets dans un ou plusieurs domaines d'activité en utilisant ces caté­gories ; et, s'il existe effectivement des t styles de loisirs », nous espérons pouvoir les définir.

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États-Unis d'Amérique, et la proportion est plus forte dans les autres pays. Aussi avons-nous entrepris d'étudier deux petits échantillons de ces travail­leurs défavorisés, en vue d'identifier et d'expliquer les deux principaux types de réactions qu 'on observe chez eux : à) Le repliement sur soi (mode de vie caractérisé par l'isolement, l'atypisme,

l'aliénation, la fluctuabilité). Peu de relations avec les groupes primaires et pas de contacts avec les groupes secondaires, sauf sur le plan profes­sionnel. D e u x variantes : Le sujet tombe dans l'apathie et se désintéresse de son travail et de la vie. Il passe ses loisirs chez lui à somnoler, m a n g e et boit seul, adopte une attitude de spectateur passif, etc. Le sujet se libère, par des explosions de violence, des tensions accumulées pendant

C le travail et les loisirs : il faut du scandale; déclenche des bagarres dans les bistrots, c o m m e t des délits, etc. U n m ê m e individu peut d'ailleurs osciller entre ces deux états — passant d'une extrême apathie à une agitation fébrile.

b) Le repliement sur la famille et le foyer (isolement et aliénation moindres, comportement moins atypique et moins fluctuant). Il s'agit là d'une autre espèce de repliement —• l'individu se confine dans un cercle étroit de parents et d'amis et vit au sein d 'un groupe primaire sans attaches solides avec l'ensemble de la collectivité.

E n résumé, on ne saurait nier que la classe sociale a encore aujourd'hui une grande importance et que le comportement de beaucoup de travailleurs reste déterminé par la modicité et l'instabilité de leurs ressources, leur condition sociale inférieure et les réactions psychologiques qui en résultent1. Mais il ne s'agit là que des contre-courants d u développement économique.

2. Par suite des progrès de l'industrialisation et de l'urbanisation, les carac­téristiques traditionnelles des diverses classes (montant des revenus actuels, et genre de métier) ont cessé de déterminer le m o d e de vie et le degré d'inté­gration sociale d'une masse croissante d'individus appartenant aux « couches centrales » de la société.

D e nombreux modes de comportements (individuels ou collectifs) se retrouvent dans plusieurs couches sociales et économiques — voire dans toutes — notamment en ce qui concerne les moyens d'information, la consom­mation et certains aspects de la vie politique et de la participation sociale2.

ï. O n trouvera un bilan complet de la documentation disponible publiée à ce sujet dans les deux articles suivants : Geneviève Knupfer, t Portrait of the underdog », Class status and power, ouvrage publié sous la direction de R . Bendix et S. M . Lipset, Glencoe, 111., Free Press, 1953, P- 255-263 ; et S. Ni. Lipset, « Working class authori­tarianism », American sociological review, 24, août 195g, p. 482-501.

2. O n peut se demander notamment quels sont les modes de comportement et les attitudes le plus directement — et le moins directement — liés au niveau des revenus : il apparaît que, si les attitudes concernant l'égalité (par exemple les vues relatives à l'étatisme) sont en rapport étroit avec le niveau, la corrélation est beaucoup moins marquée et m ê m e parfois inexistante, dans le cas des attitudes concernant la liberté (par exemple, les vues relatives aux droits civiques) et des affaires internationales. Le degré d'instruction et peut-être aussi l'origine ethnique et la condition socio-économique du père — qui sont les » indicateurs » de la socialisation pour la période pré-adulte et préprofessionnelle — peuvent fournir de meilleurs critères que la situation sociale du m o m e n t . Lipset {op. cit., p. 489) a montré que le niveau d'instruction influe sur la tolérance, dans * l'échelle dee libertés civiques » (civil liberties scale) de Stouffer, beaucoup plus que le genre de profession exercée (on pourrait toutefois se demander si le degré d'instruction a une relation directe avec la tolérance en Union sovié­tique, ou si, aux États-Unis, une instruction secondaire ou supérieure n'est pas nécessaire aux dirigeants des organisations qui favorisent l'intégration sociale aussi bien que des mouvements politiques extrémistes). Mais le degré d'instruction, tout c o m m e le montant des revenus et le métier, ne fournit en réalité que des indica­tions très incertaines sur le m o d e de vie et l'intégration, car les différences d'éducation disparaissent plus rapi­dement que les autres disparités (les écoles supérieures et secondaires tendent à éliminer les inégalités alors que

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Il est inutile d'insister sur ce point, car les études relatives à la stratification contiennent de multiples exposés concernant « l'effacement des lignes de démarcation entre les classes », « l'embourgeoisement des ouvriers » ou bien « la prolétarisation des employés », l'influence croissante de la « culture populaire » et l'apparition d 'une société « centrée sur le consommateur » (consumer oriented) — et les défenseurs de ces thèses peuvent s'appuyer sur quantité d'arguments fort convaincants.

3. Si la classe sociale ne permet plus guère de prédire le comportement des personnes appartenant aux « couches centrales » de la société, quelles sont les caractéristiques de la structure sociale qui peuvent servir d'indices ? Notre étude sur le travail et les loisirs utilise à cet effet deux grands groupes de variables liées au développement économique : a) les variations spécifiques de la situation professionnelle (tâches, relations sociales, étendue — le cas échéant — et autres caractéristiques de la carrière) ; b) l'expérience, les désirs et les espoirs de l'individu en matière de mobilité (y compris la mesure dans laquelle il se sent « engagé » sur le plan professionnel).

Notre thèse peut se résumer c o m m e suit : si l'on considère des individus qui se trouvent au m ê m e niveau socio-économique et au m ê m e stade d u cycle vital, les différences de comportement entre les groupes diversement placés du point de vue des aspects de la situation professionnelle énumérés ci-dessus seront plus grandes qu'entre les groupes appartenant à des couches sociales et économiques différentes. E n ce qui concerne les liens avec l'ensemble de la communauté , les membres des services d'entretien des usines, les employés des entreprises de transport, les imprimeurs, les professeurs, les h o m m e s de loi travaillant isolément, se ressembleront plus les uns aux autres qu'ils ne ressembleront à des individus de m ê m e rang social choisis parmi les ouvriers

la vie offre des occasions de s'élever au-dessus des autres). Cependant, de nombreuses différences qui existaient

autrefois sont déjà moins sensibles. C'est ainsi que le temps passé à lire des revues et des livres est en rapport

direct avec la richesse et l'éducation, mais le temps passé à lire les journaux ne l'est pas. Voir A . Campbell et

C . A . Metzner, « Books , libraries and other media of communication », dans Public opinion and propagands,

par D . Katz, et al.t N e w York, The Dryden Press, 1954, p . 235-242.

Les habitudes des téléspectateurs constituent bien entendu le meilleur exemple qu 'on puisse citer : quoique

l'influence exercée par la télévision sur la vie familiale puisse varier dans de très fortes proportions selon la

situation des familles considérées, le nombre d'heures passées devant l'écran n 'a qu 'un très faible rapport avec

la classe sociale : ce nombre est de 24 heures par semaine en m o y e n n e pour les personnes dont le revenu est

inférieur à 4 000 dollars et de 22 heures pour celles dont le revenu dépasse 4 000 dollars ( N B C Television, T V

today, Report 11, 1952, p . 18). A u cours de la campagne électorale de 1952, on a constaté que l'exposition aux

m o y e n s d'information et le degré de participation n'étaient en corrélation ni avec l'instruction ni avec la for­

tune et le genre de métier. (M. Janowitz et D . Marvick, Competitive pressure and democratic consent, A n n Arbor,

Michigan, Bureau of Government , Institute of Public Administration, 1956, p. 57-71. Voir aussi R . E . Lane,

Political life, Glencoe, 111., Free Press, 1959, p . 80-86.) Qu'ils soient riches ou pauvres, instruits ou ignorants,

tous les téléspectateurs américains ont appris à connaître le chien de M . Nixon, Checkers.

Il apparaît enfin, d'après l'une des rares études comparatives où le comportement d'échantillons à l'échelle

nationale ait été analysé pendant une période assez longue, que le rôle joué par la classe sociale dans la déter­

mination des attitudes et des comportements politiques se modifie avec le temps. Philip Converse signale

qu'entre 1945 et 1956 les liens entre les attitudes politiques et économiques et la classe sociale — que celle-ci

soit définie en fonction de la profession ou de la catégorie où le sujet lui-même se range — se sont beaucoup

relâchés. La m ê m e remarque s'applique à la façon de voter. Il est vrai que les démocraties ont recueilli propor­

tionnellement plus de voix parmi les classes inférieures en 1948, année du triomphe de T r u m a n , que pendant

la guerre en 1944. Mais en 1952 et 1956 le n o m b r e des personnes votant d'après leur classe sociale a beaucoup

diminué (voir Philip E . Converse, « The shifting role of class in political attitudes and behavior », dans Readings

in social psychology, publié sous la direction d ' E . E . Maccoby, et al., 2 e édition, N e w York, Henry Holt, 1958,

p . 388-399). D'après les données disponibles, il n ' y a pas lieu de penser que l'importance des questions de 1 per­

sonnes » par opposition aux questions de « programmes» et de « partis», soit un phénomène exceptionnel d û

au prestige d'Eisenhower. Tant que la guerre froide continuera, et que les récessions seront de courte durée, le

vote * de classe » a chance de suivre la m ê m e voie que le vote « ethnique » des vieilles « machines électorales ».

Voir aussi l'ouvrage de W . Korhnauser : The politics of mass society, Glencoe, 111., T h e Free Press, 1959, 3 e partie,

où 1 'on trouvera des renseignements sur la composition sociale des mouvemen t s de masse dans de nombreux pays.

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« à la chaîne », les comptables, les dentistes, les conseillers d'entreprise ou les ingénieurs travaillant dans des bureaux.

Carrières, modes de vie et intégration sociale

Nous voudrions maintenant préciser les rapports qui lient la situation pro­fessionnelle au « style de loisirs » et en m ê m e temps replacer ces deux éléments dans le cadre du cycle vital. A cet effet, on peut notamment se fonder sur l'étude des divers types de carrières et en particulier des carrières propres à Ï' « h o m m e de l'organisation altéro-dirigé » {other directed organisation man).

D e nombreux ouvrages ont été publiés au sujet des carrières et presque tout le m o n d e admet que l'examen de la question des types et des rythmes de mobilité est indispensable à la compréhension de la société moderne. E n outre, certains ont signalé que la mobilité dans le cadre de la vie professionnelle de l'individu semble plus importante que la mobilité d'une génération à une autre1. Il est donc assez surprenant qu 'on dispose seulement d'une douzaine de comptes rendus d'enquêtes détaillées relatives à la vie professionnelle qui portent sur des périodes d'au moins dix ans, et les études où la vie profes­sionnelle est mise en rapport avec d'autres variables sociologiques sont encore moins nombreuses2.

Quoique ces études systématiques sur le déroulement de la vie profession-

i. H . L . Wilensky et H . Edwards , « The skidder ; ideological adjustments of D o w n w a r d mobile workers», Ameri­

can sociological review, 24, avril 1959, p . 215-231. Voir aussi W . E . Read, Some /actors affecting upward commu­

nication at middle management levels in industrial organizations, thèse de doctorat inédite, Université du Michi­

gan, 1959 : au cours d 'une enquête portant sur 52 m e m b r e s des * cadres intermédiaires » (âge m o y e n : trente-

sept ans), l'auteur a enregistré une corrélation de + 0,41 (p < 0,01) entre la mobilité ascensionnelle au cours

de la carrière et l'habitude de ne pas transmettre f au1 patron » des informations relatives aux problèmes qui

se posent, mais aucune corrélation n'a été constatée en ce qui concerne la mobilité d'une génération à l'autre.

2. L a liste de ces études s'établit c o m m e suit : P . E . Davidson et H . D . Anderson, Occupational mobility in an

American community, Stanford, Stanford University Press, 1937 (enquête portant sur un échantillon de

1 242 h o m m e s , représentant 7 % de la main-d 'œuvre de San Jose, Californie) ; W . H . F o r m et D . C . Miller,

(Occupational career pattern as a sociological instrument», American journal of sociology, 54, janvier 1949,

p . 217-329 (cette analyse des « types de carrières », la plus détaillée que nous possédions, se fonde sur l'étude

de 267 cas individuels constituant un échantillon stratifié représentatif de la main-d 'œuvre dans l'Ohio) ;

S . M . Lipset et R . Bendix, « Social mobility and occupational career patterns », American journal of sociology,

57, janvier et mars 1952, p . 336-374, 494-504, décrit le déroulement complet de la vie professionnelle de 935 chefs

de famille de sexe masculin habitant certaines parties de divers blocs d'habitation situés à Oakland, Californie,

qui composent un échantillon de probabilité (les 17 « S E S tracts » inférieurs et supérieurs ont été omis, et pour

les 55 restants le pourcentage de réponses non fournies était d'environ 18 % ) ; W . L . Warner et J. C . Alegglen,

Occupational mobility in American business and industry, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1955,

rédigé d'après les réponses fournies par 48 % des 17 546 personnes appartenant aux cadres de direction qui

composaient l'échantillon (questionnaire diffusé en deux fois) ; la collection d'études sur la vie professionnelle

des ouvriers qualifiés publiée par le U S Bureau of Labor Statistics : The mobility of tool and die makers, 1040,

1951, bulletin n° 1120, U S Department of Labor, novembre 1952 ; Occupational mobility of scientists (enquête

portant sur un millier de titulaires de doctorats de chimie, de physique ou de biologie), bulletin 1121, 1953 ;

The mobility of electronics technicians, 1940-1952, bulletin 1150, 1953 ; et Mobility of molders and core makers,

1940-1952, bulletin 1162, juin 1954; quatre comptes rendus d'enquêtes effectuées dans le cadre d u W P A

National Research Project (1938-1939), sur l'ensemble de la vie professionnelle de 2 500 habitants de Phila­

delphie (personnel de la radio, tisserands et ouvriers chargés de l'entretien des métiers à tisser, mécaniciens et

employés d'entreprises de bonneterie), résumés sous le titre « Interpreting patterns of labor mobility », par

G . L . Palmer, dans E . W , Bakke et al., Labor mobility and economic opportunity, N e w York, John Wiley and

Sons, 1954 ; L . G . Reynolds, The structure of labor markets, N e w York, Harper and Bros., 1951 (histoire c o m ­

plète de la vie professionnelle de 450 travailleurs manuels de N e w H a v e n ) ; l'enquête de P a m e s sur les activités

professionnelles exercées pendant dix-sept ans par plus d 'un millier d'employés de bureau travaillant dans

l'administration publique à Columbus en T948, dont les résultats sont résumés dans H . S. Parnés, Research on

labor mobility, N e w York, Social Science Research Council, bulletin 65, 1954, p . 37, n i , 123 (bonne évaluation

de l'ensemble des recherches menées sur ce sujet) ; une enquête concernant la mobilité professionnelle dans six

villes, dont il est rendu compte dans : Gladys Palmer, Labor mobility in six cities, N e w York, Social Science

Research Council, 1954 ; C . A . Myers, « Patterns of labor mobility » dans W . Haber et al., Manpower in the

United States, N e w York , Harper and Bros., 1954, p . 154-165 ; Al Reiss, op. cit. ; A . J. Jaffe et R . O . Carleton,

Occupational mobility in the United States, 1930-1960, N e w York, King's C r o w n Press, 1954 ; enfin certains

rapports relatifs à une seule ville, tels que celui de M . S . Gordon, « T h e mobility of San Francisco workers,

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A S P E C T S S O C I O L O G I Q U E S D U L O I S I R

nelle soient peu nombreuses, elles suffisent à montrer qu 'à notre époque un adulte est fréquemment obligé de changer de métier, d'occupation, d ' e m ­ployeur et de lieu de travail, et que ces changements entraînent souvent des modifications de la conduite sociale dont l'importance est considérable aussi bien pour l'individu que pour la société.

Considérons maintenant le déroulement des carrières et les caractéristiques connexes c o m m e un aspect spécial de la mobilité professionnelle. D e m ê m e que le concept de « profession » perd sa précision quand on parle de la « pro-fessionnalisation des ouvriers de l'automobile de Detroit »x , de m ê m e le concept de « carrière » perd son utilité si nous parlons de la « carrière » d'un terrassier. Pour traiter de l'organisation du travail il vaut mieux prendre le mot « carrière » dans un sens plus restreint.

U n e carrière, du point de vue structural, est une hiérarchie de tâches en rapport les unes avec les autres, rangées par ordre de prestige croissant, et successivement confiées à une m ê m e personne dans un ordre prévisible. Cette hiérarchie a le caractère d'une institution (elle est reconnue par la société, et sanctionnée dans le cadre d'une unité sociale) et doit présenter une certaine stabilité (elle s'applique à plusieurs générations de travailleurs).

Le nombre des travailleurs qui ont une « carrière » dans le sens qui vient d'être défini tend peut-être à s'accroître, mais il ne dépasse sans doute guère un quart ou un tiers du total. Car le désordre règne souvent sur le marché du travail à l'heure actuelle — c o m m e dans la vie des acheteurs aussi bien que des vendeurs — du fait de diverses caractéristiques inhérentes à la société urbano-industrielle. L a rapidité de l'évolution technique diminue la valeur de certaines compétences, en rend d'autres périmées et oblige à exiger des qualifications nouvelles; la décentralisation de l'industrie qui en résulte déplace des millions de personnes et fait apparaître, de façon paradoxale, des zones de dépression au sein d'une économie prospère; la déconcentration des grandes villes modifie la clientèle des services, éliminant certaines carrières et en modifiant d'autres; enfin les crises périodiques (guerres, dépressions et réces­sions économiques), ainsi que la rapidité croissante avec laquelle se succèdent les modes et les engouements chez les consommateurs, ajoutent encore à la difficulté de prévoir l'avenir.

Les résultats de l'enquête que nous avons menée en interrogeant 108 tra­vailleurs manuels et 39 travailleurs non manuels subalternes, dans une grande fabrique de pièces détachées durant le printemps et l'été de 1959, confirment cette remarque2. Ces h o m m e s ont des situations relativement stables; et la

1940-1949 », Institute of Industrial Relations, University of California, Berkeley, 1951. Quoique l'enquête sur

les six villes n'ait porté que sur une période de dix ans, c'est elle qui a fourni les données les plus utiles, et qui

se fondait sur l'échantillon le plus nombreux et le plus représentatif. Elle a permis d'établir que dans la plupart

des cas changer de travail signifie changer à la fois d'occupation et de branche d'activité et — en extrapolant

les résultats — que le travailleur m o y e n occupe au cours d 'une vie professionnelle de 46 ans, 12 emplois diffé­

rents, et q u ' u n h o m m e sur cinq seulement reste au m ê m e niveau professionnel pendant toute son existence

active (en admettant, bien entendu, que la période 1940-1950 soit représentative, que la classification adoptée

par le Bureau du recensement soit valable, etc.).

1. Voir N . N . Foote, « The professionalization of labor in Detroit », American journal of sociology, 58, janvier 1953,

p. 371-380. Theodore Caplow, dans une autre étude comparative (d'ailleurs non sans mérites) se laisse entraîner

par la tendance c o m m u n e à appeler «professionnalisation» de simples changements d'étiquette — les agents de

location et de vente devenant des « agents immobiliers », les marchands de ferraille des « experts en récupéra­

tion », les employés de laboratoire des « techniciens médicaux », etc. Les individus qui assurent des services

personnels (coiffeurs, grooms, cireurs de chaussures, chauffeurs de taxi, etc.) se «professionnalisent» eux aussi

facilement, paraît-il. The sociology of work, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1954, p. 48, 139.

2. Tous les sujets interviewés étaient des travailleurs de race blanche, habitant Detroit, et syndiqués depuis long­

temps. R e v e n u familial m o y e n : environ y 000 dollars. Trois sur quatre avaient entre quarante-cinq et soixante-

cinq ans. Parmi les travailleurs manuels, les plus qualifiés étaient « sur-représentés ».

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

plupart d'entre eux vivent dans les quartiers « bourgeois ». Bien que 93 % d'entre eux soient restés au moins 14 ans au service du m ê m e employeur, leurs « carrières » sont extraordinairement accidentées.

Dans les deux groupes, le nombre médian des emplois à plein temps occupés depuis la fin des études est de 6 (dans 21 cas, 10 ou davantage) et le nombre médian des occupations de 3 (dans 32 cas, au moins 5). Et bien souvent il n'est guère possible de voir dans ces changements une progression régulière : un sur cinq des travailleurs non manuels, et près d'un sur trois des travailleurs manuels semblent être passés d'une occupation à l'autre sans améliorer leur situation. Voici par exemple un cas typique : jusqu'en 1932, aide son père à cultiver la terre; 1932-1934, commis d'épicerie à temps partiel; 1934-1937, ouvrier dans une tôlerie; 1937-1939, retourne travailler à la ferme avec son père; 1939-1959, mécanicien (2 ans); aide-maçon (2 ans); réparateur de fenêtres (2 ans) ; monteur (5 ans) ; préposé à l'outillage (8 ans) ; conducteur de camion ( 1 an) ; conducteur de foreuse : 8 mois (toujours dans la m ê m e entreprise).

Sept sur dix des travailleurs non manuels et six sur dix des travailleurs manuels ont changé dans une certaine mesure de niveau professionnel1. Il est absolument impossible de considérer que plus de 45 % des sujets se sont élevés régulièrement vers des fonctions ou une condition sociale supérieures, d'une manière qui aurait pu être prévue, soit par l'intéressé lui-même, soit par un expert. L a carrière d'une autre tranche de 45 % (43 % des « non-manuels » et 47 % des « manuels ») apparaît c o m m e plus ou moins aberrante. Voici un cas typique : 1918-1922, teinturier en soie dans une usine; 1922-1930, cribleur dans une compagnie charbonnière; 1930-1941, peintre en bâtiment (à son propre compte); 1941-1957, surveillant dans une usine; 1957-1959, camionneur, puis simple ouvrier (licencié).

D e plus, m ê m e lorsqu'un h o m m e est censé avoir occupé la m ê m e position pendant de longues années, cette stabilité est souvent illusoire, car les droits et les devoirs que comportent les diverses catégories d'emplois changent continuellement.

L a possibilité de faire carrière, bien qu'elle n'intéresse qu'une minorité de travailleurs, est l'un des principaux facteurs de stabilité dans la société moderne, c o m m e Weber , M a n n h e i m et beaucoup d'autres l'ont signalé. Chaque groupe doit recruter et conserver son personnel et lui donner les motivations voulues pour qu'il joue convenablement son rôle : c'est à cela que servent les carrières au sein des organisations, des groupes professionnels et des sociétés. E n m ê m e temps, les carrières donnent la continuité nécessaire à l'expérience person­nelle des fractions les plus capables et les plus hautement qualifiées de la population —• c'est-à-dire des individus qui, s'ils se désintéressaient du système social ou se révoltaient contre lui, risqueraient d'en compromettre l'existence; en permettant d'escompter à l'avance une série de « récompenses » successives, les carrières incitent les travailleurs à faire effort pour s'instruire et, pour bien accomplir leur tâche, à élaborer des projets de longue haleine et à sacrifier les satisfactions immédiates aux avantages futurs. Selon l'expression de M a n n h e i m , elles favorisent la planification de l'existence2. Il importe donc de se demander

1. Types d'évolution : a) écarts marqués, vers le haut ou le bas (par exemple, passage d'un métier manuel à un métier non manuel, d'une situation de commis à un poste d'ingénieur diplômé) ; b) écarts d'importance moyenne (de manœuvre semi-spécialisé à réparateur qualifié, de commis à comptable non diplômé) ; c) oscillations (un mouvement vers le haut, puis un vers le bas) ; d) instabilité (plusieurs mouvements vers le haut, puis plusieurs vers le bas) ; e) stabilité à un niveau donné.

2. Karl Mannheim, op. cit., p. 56, 104-106, 181.

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A S P E C T S S O C I O L O G I Q U E S D U L O I S I R

quelles sont les caractéristiques de l'évolution actuelle en matière de carrières. Il semble que les progrès de l'industrialisation tendent à provoquer dans

ce domaine les modifications suivantes : en général, les carrières comprennent un plus grand nombre d'échelons distincts qu'autrefois, exigent une formation professionnelle plus longue, comportent des récompenses graduées de façon plus régulière (du point de vue de la quantité, de la répartition dans le temps, et de la durée), ont un caractère plus bureaucratique et plus institutionnel, mais sont moins largement connues (le nombre et l'effectif des groupes informés diminuent).

Chacune de ces caractéristiques des carrières est liée au m o d e de vie, et par là aux formes et au degré d'intégration des individus et des groupes à la collectivité et à la société. O n peut illustrer ce point à propos de « l ' h o m m e de l'organisation altéro-dirigé » dont il est souvent question dans les ouvrages américains récents. E n définissant avec précision le « rôle de travail » et la carrière, nous arriverons à nous faire une idée plus claire de beaucoup des concepts sociologiques en vogue à l'heure actuelle. Considérons les carrières des trois points de vue ci-après : nombre des échelons, modalités de la pro­gression et « cadre organisationnel » (organisational setting). E n nous fondant sur les thèses de Riesman et de W h y t e 1 et en replaçant leurs obser­vations dans ce contexte, nous arriverons à définir « l ' H o m m e de l'Organi­sation » c o m m e suit :

Divers attributs de certaines organisations importantes et complexes et d 'un certain type de carrière influent sur le comportement professionnel et le m o d e de vie des cadres moyens et des techniciens. Dans leur vie profession­nelle, ces h o m m e s font montre de prudence, recherchent la sécurité et s'efforcent de s'entendre avec tout le m o n d e . Dans le cadre de la collectivité locale, ils ont de nombreuses attaches, mais point de racines profondes. Ils se lient facilement mais pour peu de temps, de m ê m e qu'ils achètent et revendent des voitures ou des maisons — considérant tout ce qui n'est pas nouveau c o m m e rapidement périmé.

Leur m o d e de vie peut être qualifié c o m m e suit : actif, centré sur le groupe, conformiste et fluctuant — il s'agit d 'un type d'existence pseudo-communau­taire, qui n'est pas orienté par des valeurs stables. Sur le plan professionnel c o m m e dans les autres domaines, ils sont conformistes par opportunisme (« si je ne fais pas cela, j'aurai des ennuis ») et « altéro-dirigés », c'est-à-dire enclins à adopter les valeurs et les normes c o m m u n é m e n t admises, quelle qu'en puisse être la nature (« il faut savoir s'entendre avec les autres »). O r les aspects de l'organisation du travail qui permettent de ranger ces indi­vidus dans la catégorie des « h o m m e s de l'organisation » sont ceux qui exigent une certaine mobilité résidentielle et offrent des carrières stables comprenant de nombreux échelons. Les caractéristiques structurales des organisations et des occupations dont découlent, semble-t-il, cette mobilité et les habitudes de vie qui l'accompagnent sont les suivantes : ï. Organisations fortement hiérarchisées : Carrières comportant de nombreux

échelons, permettant de progresser de façon rapide et régulière. 2. Organisations où la proportion des cadres administratifs par rapport à

l'effectif total du personnel est forte; carrières aboutissant à des fonctions administratives : Nombreuses possibilités de promotion.

ï. D . Riesman, The lonely crowd, New Haven, Yale University Press, 1950 ; W . H . Whyte, Jr., The organization man. New York, Simon and Shuster, 1956.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

3. Organisations dont le développement a été continu et promet de se pour­suivre : par exemple, organisations ou groupes professionnels fournissant des articles ou des services très divers (car la variété constitue une garantie contre les fluctuations de la demande) , ou des services indispensables qui font l'objet d'une demande continue ( c o m m e les établissements d'éducation ou les fabriques de porridge) : Possibilités et perspectives de promotions stables.

4 . Longue formation professionnelle exigée (par exemple, études effectuées au titre de programmes de perfectionnement ou de « rotation » des cadres supérieurs ou dans des écoles professionnelles de niveau universitaire : Possibilités et perspectives de promotions stables.

5. Unités multiples dispersées à travers une région géographique étendue : Possibilités de promotion liées à la mobilité résidentielle.

Ceux qui travaillent pendant longtemps dans de telles conditions peuvent évidemment être amenés à adopter un m o d e de vie pseudo-communautaire. L a mobilité — c'est-à-dire la succession des arrivées et des départs — empêche la formation de liens solides; d'autre part la possibilité d'obtenir des promo­tions régulières attire les h o m m e s prudents et soucieux de sécurité, et contribue en m ê m e temps à les rendre tels.

Pour vérifier cette hypothèse, nous sommes en train de mener une enquête comparative sur des cadres moyens et des techniciens appartenant à deux grandes entreprises très différentes par leur structure et leurs possibilités de développement1. M o n opinion personnelle est que « l ' h o m m e de l'organisa­tion » ne se rencontre guère que parmi les cadres intermédiaires des organi­sations et des groupes professionnels qui répondent approximativement à la description donnée ci-dessus2.

1. U n e étude sur 600 mères de famille de Detroit a montré quelle influence les conditions de travail peuvent

exercer, par exemple, sur les principes et les pratiques adoptés en matière d'éducation des enfants. Miller et

Swanson ont trouvé des différences frappantes entre la façon dont les enfants sont élevés selon que le chef de

famille est employé dans une grande organisation bureaucratique ou exerce une profession plus indépendante,

est moins habitué à la vie urbaine, etc. (individus travaillant à leur compte, fils de cultivateurs, personnes nées

à l'étranger, et autres). E n général, les parents qui occupent des situations relativement stables — ouvriers ou

employés salariés de grandes organisations fortement hiérarchisées — s'attachent moins que les autres à déve­

lopper chez leurs enfants l'initiative et l'indépendance d'esprit ; ils accordent aussi moins de valeur à 1' « inter­

nationalisation » et à l'acquisition de la maîtrise de soi. Ces parents « bureaucratiques » encouragent plutôt leurs

enfants à s 'accommoder des choses et des gens, et a se montrer serviables et complaisants, de façon à se faire

de nombreux amis (op. cit.).

Si cette étude ne permet pas d'établir des rapports précis entre l'éducation donnée aux enfants et les carac­

téristiques des structures organisationnelles analysées ci-dessus, ses résultats s'accordent avec les hypothèses

que j'ai formulées.

O n peut admettre que les carrières stables dans les organisations complexes, composées de nombreuses unités

et en continuant à se développer, donnent naissance au type d'individu qu 'on a appelé « l ' h o m m e de l'organi­

sation » ; le m o d e de vie de cet h o m m e influence la manière dont il élève ses enfants et dont il souhaite que

l'enseignement scolaire soit orienté ; puis les nouvelles conceptions en honneur dans les familles et à l'école

gagnent les universités. Les collèges universitaires forment alors des jeunes gens qui choisissent des situations

correspondant à leurs prédispositions ou sont recrutés pour les occuper, et contribuent à généraliser le m o d e de

vie pseudo-communautaire.

1. Pourquoi parmi les « cadres intermédiaires » ?

a) Les travailleurs au bas de l'échelle sont si proches de la réalité concrète de leur besogne, et si absorbés

par les efforts qu'elle exige, qu'ils ne risquent pas de se passionner pour les questions de méthodes et de formes,

ou d'accorder une valeur exagérée à la sociabilité. D e leur côté, les m e m b r e s d u personnel dirigeant ont une vue

générale du fonctionnement de l'ensemble de l'entreprise ; ils doivent faire reconnaître à la c o m m u n a u t é le rôle

que joue leur organisation, et le justifier. A u contraire, les «cadresmoyens» ont des contacts moins directs aussi

bien avec les travaux quotidiens qu'avec les perspectives générales de l'entreprise et de la collectivité. Ils sont

donc plus exposés à l'influence d u « technicisme », et moins portés à faire preuve d'initiative (c'est-à-dire à

encourager des innovations propres à rendre l'organisation plus efficace}.

b) Les tâches des cadres m o y e n s sont les moins clairement définies et les critères permettant d'apprécier leur

compétence sont souvent vagues. Les dirigeants d'une entreprise sont responsables à longue échéance de sa

survie, de son développement et de l'importance des bénéfices, mais il est difficile de savoir dans quelle mesure

succès et échecs sont dus aux « cadres moyens », tandis que les simples travailleurs ont eux. aussi des responsa-

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Ceux qui travaillent dans des organisations de ce genre et ont une carrière aussi bien réglée constituent naturellement une toute petite fraction de la population. M ê m e parmi les individus « engagés » sur le plan professionnel, il en est des millions qui ne connaîtront jamais les joies d'une existence « plani­fiée » sous l'égide d'une organisation solide, prospère et possédant les carac­téristiques requises. L a plupart des travailleurs n'ont pas de carrière; et les modalités du déroulement des carrières sont très variables.

O n peut estimer néanmoins, c o m m e Riesman et W h y t e , que les h o m m e s à carrière régulière, m ê m e s'ils sont peu nombreux, fournissent l'exemple d 'un m o d e de vie qui se répandra peu à peu dans toutes les couches de la popu­lation. Mais il existe aussi des tendances contraires qui l'emporteront peut-être.

E n effet il se trouve justement que d'une part les organisations fortement hiérarchisées, au personnel administratif nombreux, composées d'unités multiples, et se développant de façon régulière, et d'autre part les tâches et carrières des cadres moyens et agents de maîtrise sont appelées à subir des transformations particulièrement radicales d'ici quelques années.

D e m ê m e que les progrès techniques qui se sont produits autrefois, l'auto­matisation des travaux de bureau entraîne u n reclassement des postes tantôt vers le haut et tantôt vers le bas. L'agent des compagnies d'assurances ne s'occupe plus aujourd'hui que des cas qui posent des problèmes ardus : les machines de bureau le déchargent de toutes les besognes courantes de caractère plus ou moins subalterne. D'autre part, le chef d'un service de paie qui avait trente personnes sous ses ordres n'a plus désormais que deux secrétaires, le reste du travail étant fait par un cerveau électronique programmé et mani­pulé par d'autres que lui. Et ce n'est là qu 'un commencement . L a calculatrice ultra-rapide effectue les travaux de bureau courants, mais en m ê m e temps elle permet de réorganiser de très nombreux emplois administratifs et techniques et, en fait, de déclasser beaucoup de postes.

Le traitement rapide de l'information par les calculatrices, l'application des mathématiques et de la statistique aux problèmes administratifs (program­mation mathématique et étude des opérations), le recrutement et la forma­tion d'administrateurs plus qualifiés, capables de diriger le personnel qui mettra en œuvre ces nouvelles méthodes — tous ces éléments doivent aboutir à une modification radicale du rôle des cadres bureaucratiques intermé­diaires. G o m m e plusieurs observateurs l'ont signalé1, la nouvelle « technique de l'information » peut transformer en besognes courantes les tâches qu'accomplissaient autrefois, au cours de réunions d'études et dans des comités, des spécialistes des « relations humaines » et de l'organisation admi­nistrative. Les cadres supérieurs contrôleront alors l'activité des cadres inter-

bilités assez nettement établies (ils sont tenus d'employer les méthodes prescrites, le produit de leur travail est

inspecté, sa qualité contrôlée, etc.). D'autre part, la concurrence est très vive parmi les jeunes qui occupent des

postes de niveau m o y e n , ce qui, compte tenu du fait que leurs tâches sont mal définies, crée chez eux un senti­

men t d'insécurité. L'insécurité à son tour engendre à la fois un excès et une insuffisance de conformisme, et

encourage les intrigues. Ceux qui se sentent menacés craignent les changements, et cherchent la sécurité dans

l'application de règles fixes (qu'elles répondent ou non aux besoins de l'organisation) ; ou, si, au contraire, le

patron préfère que les règles m ê m e utiles ne soient pas systématiquement respectées, ils iront trop loin dans ce

sens. Voir H . L . Wilensky et C N . Lebeaux, Industrial Society and social welfare. N e w York, Rüssel Stage

Foundation, 1958, p. 243 et suiv. ; R . G . Francis et R . C . Stone, Service and procedure in bureaucracy, Minnea­

polis, University of Minnesota Press, 1956, p. 162 et suiv. ; P . M . Blau, The dynamics of bureaucracy, Chicago,

University of Chicago Press, 1955.

I. H . J. Leavitt et T . L . Whisler, 1 M a n a g e m e n t in the 1980's », Harvard business review, 36, novembre-décembre 1 958 , P . 41-48. Cf. C E . W e b e r , * Change in managerial m a n p o w e r with mechanization of data-processing »,

Journal of business, 32, avril 1959, p. 151-163.

603

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

médiaires, de m ê m e que depuis l'application des méthodes d'organisation scientifique du travail les agents de maîtrise sont en mesure de contrôler l'activité des ouvriers.

E n bref, il se peut que les travaux des cadres intermédiaires deviennent à l'avenir très strictement réglementés et contrôlés. L a prise des initiatives et la planification seraient centralisées. Les cadres de direction, entourés de programmateurs, de chercheurs, d'organisateurs et d'autres experts, seraient alors plus nettement séparés d u reste du personnel. L a ligne de démarca­tion entre ceux qui déterminent la nature et les modalités d'exécution des tâches et ceux qui mettent en œuvre ces décisions se trouverait repoussée vers le haut. Les h o m m e s qui, autrefois, appliquaient le taylorisme au prolétariat y seraient eux-mêmes soumis.

Les conséquences de cette évolution semblent assez évidentes : pour accomplir des besognes de caractère machinal et soumises à un strict contrôle, l'ardeur au travail, le conformisme social et les autres traits de caractère analogues sont inutiles : il suffit de faire preuve de régularité et de discipline. « L ' H o m m e de l'Organisation » représente, je le reconnais, le modèle d'avant-garde de l'Américain du milieu du xx e siècle; mais il se peut qu'en matière de types humains c o m m e en matière d'automobiles les modèles de la fin d u siècle soient bien différents.

CONSÉQUENCES POUR L'AVENIR DES SOCIETES URBANO-INDUSTRIELLES

Il semble que le système d'organisation du travail qui tend à s'instaurer soit le suivant : un petit groupe de dirigeants d'entreprise, de négociants, d'experts professionnels et d ' h o m m e s politiques s'emploieront, au prix d 'un labeur acharné, à diriger et servir les masses qui, de leur côté, mèneront une existence relativement facile, jouiront de loisirs de plus en plus longs, et occuperont des emplois exigeant de la discipline, de la régularité et une forma­tion appropriée plutôt que de la force physique et une vive intelligence natu­relle. Cette perspective offre une grande importance, tant pour la structure que pour le degré d'intégration de notre société.

A u sommet , les élites des professions libérales, des milieux commerciaux, politiques, militaires et intellectuels, auront u n m o d e de vie où le travail et les loisirs se mélangeront dans une large mesure. Ces élites continueront à être fortement « engagées » sur le plan professionnel. Leurs formes de participa­tion et de consommation prendront un caractère de plus en plus cosmo­polite. Enfin, l'intégration très poussée de leurs « rôles » renforcera, c o m m e par le passé, leur conformisme, donnera une certaine cohérence à leur colla­boration et les aidera à formuler leurs valeurs fondamentales.

Au-dessous des élites, on pourra distinguer deux catégories essentielles : d'une part ceux qui aspirent à faire partie des élites ou adoptent leurs valeurs, et de l'autre ceux qui n'ont ni la possibilité ni le désir de s'élever.

A u lieu de se diviser en couches sociales nettement délimitées et compor­tant des sous-cultures différentes, la population formera une masse plus homogène, tandis que les horaires de travail et les revenus permettront aux individus de choisir entre u n grand nombre de comportements variés. L a société offrira de plus larges possibilités de mobilité sociale, grâce au dévelop­pement de modes d'utilisation des loisirs propres à assurer un certain prestige. (Voir diagramme page suivante.)

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A S P E C T S S O C I O L O G I Q U E S D U LOISIR

Effacement des lignes de démarcation entre les classes

A upper middle

I-! (élites) 10% _ , . , , , I I B lower middle

C upper lower

. 3 5 % D lower lower

/ 30%

25% fl%llll m°bile mass

non-mobile mass

Cette situation devrait faire apparaître des différences très nettes entre le m o d e de vie des différents secteurs de la population, selon leur degré de mobilité et la mesure dans laquelle ils sont « engagés » sur le plan profes­sionnel. ï. Les éléments les plus mobiles, quels que soient leur classe sociale et leur

degré « d'engagement » professionnel, adopteront un m o d e de vie « pseudo­communautaire » caractérisé par l'établissement d 'un grand nombre de liens peu solides — les « racines peu profondes » dont j'ai parlé plus haut. Plus ils seront « engagés » sur le plan professionnel, plus ils inté­greront loisirs et travail.

2 . Les individus « mobiles » et ambitieux dont les aspirations et les exigences en matière de prestige n 'ont aucune chance d'être satisfaites dans leur vie professionnelle, et qui, en conséquence, renonçant à lutter sur ce terrain, s'efforceront, s'ils conservent leurs ambitions, de trouver des c o m p e n s a ­tions en organisant leurs loisirs de façon à améliorer leur condition sociale. A cet effet ils brigueront des fonctions dans des associations privées, des syndicats, des partis politiques; ils dépenseront leur argent de la façon décrite par Neblen , et deviendront des amateurs passionnés et des specta­teurs actifs. D'autres au contraire abandonneront la course et rejoindront la masse « n o n mobile ».

3 . Les individus appartenant à la masse « n o n mobile » continueront à se désintéresser de leur travail et à se confiner à l'intérieur d ' u n petit cercle de parents o u de voisins.

Certains signes montrent déjà q u e la tendance à ne plus considérer l'activité professionnelle c o m m e l'un des principaux sujets d'intérêt de l'existence, observée depuis longtemps dans la classe ouvrière, est en train de s'étendre à la grande majorité de la population. Ces signes ne sont pas encore décisifs, mais je les trouve pour m a part suffisamment probants. Malgré les efforts des « apôtres d u travail » et de ceux qui rappellent périodiquement q u e le travail a toujours pour fonction d e maintenir les h o m m e s parmi les vivants, l'évolution d u n o m b r e d'heures consacrées a u x activités professionnelles et les données fournies par l'histoire et par les enquêtes menées sur la signifi­cation accordée a u travail corroborent l'idée q u e , dans une collectivité dont l 'économie progresse régulièrement, les h o m m e s jouissant d ' u n e aisance suffi­sante préfèrent de plus en plus gagner moins d'argent et avoir davantage de loisirs.

605

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Beaucoup de spécialistes ont constaté en outre que pour la classe ouvrière ces loisirs ont pour cadre, dans une large mesure, leur milieu familial et local ; et cette tendance se répand, elle aussi, dans les classes supérieures. Pourquoi ?

Nous en revenons au problème de l'évolution des rôles de travail. Les h o m m e s assujettis à des tâches monotones et strictement réglementées, qui leur offrent peu de satisfactions, et dont les carrières n'impliquent pas une participation active à la vie de la collectivité, tendent à se désintéresser de leur travail et en m ê m e temps de l'ensemble de la communauté .

L'activité professionnelle offre-t-elle peu de variété ? Laisse-t-elle peu d'initiative en ce qui concerne le choix des méthodes, de la cadence ou des plans d'exécution ? D e m ê m e que les dentistes ou les travailleurs à la chaîne, notre cadre m o y e n « non mobile » exécutera sa besogne consciencieusement, puis rentrera chez lui, séparera son travail de sa vie et trouvera refuge dans le cercle de sa famille et de ses amis.

L e poste occupé ne confère-t-il pas de prestige social immédiatement visible ? C'est alors surtout parmi ses voisins et les membres de sa famille que le travailleur s'efforcera d'affirmer sa personnalité. D e m a n d e z au « récu­pérateur de corne » ce qu'il fait, et il vous dira qu'il travaille chez Swifts, mais le manipulateur de « console », lui aussi, indiquera la compagnie où il tra­vaille, et non son emploi, car personne ne connaît cette application toute récente des techniques de Pautomation. S'il n'assure pas un certain prestige à l'extérieur, le « rôle de travail » est assuré uniquement sur les lieux du travail.

L e travailleur est-il exposé à se trouver soudain en chômage, à passer au hasard d'un emploi, d'une profession et d'une branche d'activité à l'autre ? Alors, l'existence « planifiée » que peuvent mener ceux qui exercent des professions et des métiers bien établis, les fonctionnaires, les militaires, etc., devient impossible, et la stabilité sera cherchée hors du travail dans les rela­tions avec les groupes primaires.

Enfin, le travailleur a-t-il une carrière qui ne l'oblige pas à être constam­ment en contact avec des acheteurs ou des clients ? L 'une des principales raisons de s'occuper des affaires de la communauté disparaît alors, et le soin de participer aux collectes de fonds et aux œuvres charitables sera laissé aux agents publicitaires, aux h o m m e s de loi travaillant isolément, et aux jeunes « cadres » soucieux de parvenir.

E n résumé, les membres des classes moyennes ou de la classe ouvrière soumis aux conditions de travail décrites ci-dessus ont peu de raisons et d'occasions de se servir de leur emploi pour améliorer leur situation sociale, et de rester attachés à leur « rôle de travail » en dehors de leur vie profes­sionnelle.

O r , à mesure que ses liens avec son emploi et son lieu de travail s'affai­blissent, l'individu cherche à les remplacer par d'autres liens : c'est pourquoi les nouvelles formes de travail et de loisirs ouvrent des perspectives pleines de dangers en m ê m e temps que de promesses.

Tocqueville avait prévu le péril. D ' u n côté se trouve l'individu vivant dans un cercle étroit composé de sa famille et de quelques amis : absorbé par des préoccupations de portée limitée, il se retire, dans une tranquillité pour ainsi dire bucolique, loin d'un m o n d e devenu trop complexe et troublé. D e l'autre côté, il y a l'Etat tout-puissant et les grandes organisations de masse — administration municipale, partis politiques, syndicats —• soumises au contrôle central de quelques fonctionnaires et d'une minorité active, aussi

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éloignées des simples citoyens que le sont les moyens de grande information. Et entre l'un et les autres, il n 'y a rien.

E n l'absence de liens intermédiaires efficaces, d'une participation effective à l'action des associations privées, la population devient sujette à des entraî­nements collectifs : elle sera plus sensible au culte de la personnalité dans le domaine politique, et plus encline à suivre les démagogues qui exploitent le fanatisme nationaliste et raciste1.

C'est là que réside, sans aucun doute, le danger; quant aux promesses, elles sont plus incertaines. Ceux qui, se désintéressant de leur travail, s'emploient d'autant plus activement à rechercher d'autres sources d'identité et de solidarité, pourront trouver de nouveaux modes d'utilisation des loisirs, plus propres à donner des satisfactions personnelles et à favoriser l'intégration sociale que ceux qui ont en général été signalés jusqu'ici par les sociologues. Mais il se peut aussi que les critiques de l'industrialisme aient raison, et que le progrès technique provoque la formation d'une société composée de travail­leurs consciencieux, mais apathiques, soucieux seulement d'acquérir davan­tage de biens de consommation — d'individus confie^ dans leur milieu familial, ayant pour préoccupation essentielle la possession d 'un fourneau du dernier modèle et d'une maison pourvue des aménagements les plus perfectionnés . ¿~ et qui en matière de politique seront prêts à tout accepter — sauf bien entendu la charge des responsabilités qui incombent aux citoyens.

i. Ces hypothèses, qui établissent une liaison entre les variables relatives à la mobilité et à l'engagement sur le plan professionnel et la structure de la participation sociale, de la consommation et du comportement à l'égard des moyens d'information, ont servi de base à l'enquête que nous avons menée en 1959-1960 sur les classes moyennes à Detroit. Elles sont exposées dans une étude parallèle à celle-ci, qui est intitulée Social mobility, life style and mass behaviour, et porte sur le débat entre les théoriciens de la société de masse (préoccupés par l'affai­blissement des élites qui assurent la survie des cultures et par la prolifération des mouvements de masse anti­démocratiques) et ceux qui les critiquent au n o m de l'empirisme (ayant redécouvert les limites de l'efficacité de la force nue et la viabilité des groupes primaires — famille et amis — et analysé les obstacles auxquels se heurte la « manipulation 1 des moyens de grande information).

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LOISIRS, PARTICIPATION SOCIALE ET ACTIVITÉ POLITIQUE

R E N A T E M A Y N T Z

Depuis les invectives de Saint-Simon contre les « oisifs », la critique sociale populaire s'en prend aux désœuvrés. L'égalitarisme passionné dont procède la condamnation de ceux qui peuvent vivre confortablement sans être obligés de travailler fait souvent oublier aux critiques que, c o m m e le disait déjà A d a m Ferguson, l ' h o m m e affranchi de cette nécessité peut se consacrer à des tâches plus nobles — notamment à l'action sociale et politique et au développement des arts et des sciences. M a x W e b e r , dans son analyse des « Honoratioren », exprime la m ê m e idée de façon plus raffinée, tout en signalant le déclin de ce groupe social dans la société moderne. Il note également les conséquences de ce changement, en particulier dans le domaine politique, où l'on voit s'affirmer les politiciens professionnels, vivant non seulement pour la politique mais aussi de celle-ci. L a tendance au professionnalisme — qui consiste essentielle­ment , mais non uniquement, à transformer des fonctions principalement hono­rifiques en emplois largement rétribués — s'observe aussi dans le domaine intellectuel (disparition à peu près complète d u type de l'intellectuel indé­pendant), dans les arts et dans l'administration des associations privées. Les modifications de la structure sociale qui sont à l'origine de cette tendance ont été trop souvent discutées pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. E n m ê m e temps que le déclin de l'élite désœuvrée, on constate une augmentation des loisirs intermittents de la majorité. O n peut dès lors se demander si cette « démocratisation des loisirs » s'accompagne d'une intensification des activités sociales et politiques de l'ensemble de la population. Parmi les nombreuses activités de cet ordre, nous étudierons plus spécialement ici la participation à la vie de groupements organisés.

L a quantité de temps libre est loin d'être le principal facteur qui détermine le degré de participation à la vie sociale et politique organisée. Ce ne sont pas en général ceux qui travaillent le moins qui participent le plus, et la souplesse ou la régularité de l'horaire de travail n'exerce qu'une influence minime sur l'étendue de la participation1. D'ailleurs les spécialistes des sciences sociales, en général, ne s'intéressent pas à la participation en tant que m o d e d'utilisation des loisirs, mais en tant qu'indice de la vitalité démocratique d'une société.

M ê m e aux États-Unis, où tous les observateurs depuis Tocqueville notent un degré de participation exceptionnellement élevé, à peine plus de la moitié des habitants adultes appartiennent à des organisations privées (non compris

I. E d w i n Blakelock, « A n e w look at the n e w leisure », Administrative science quarterly, vol. 4, n° 4, uiars 1960» p. 446-467. Blakelook s'efforce de prouver que le travail par équipes fait obstacle à la participation, mais les différences qu'il constate à cet égard entre les ouvriers sont tout à fait minimes.

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les Églises)1. L a proportion est la m ê m e en Allemagne occidentale2. Elle est quelque peu inférieure en France ; légèrement plus élevée en Suède3. L'impor­tance réelle des activités de participation est encore moindre que ne pourraient le faire croire ces chiffres. Dans une petite communauté de la Nouvelle-Angleterre, de m ê m e qu'à Chicago, les membres assistent en moyenne une fois par mois à une réunion de leur organisation4. Pour un grand nombre, la parti­cipation se limite au paiement d'une cotisation. A Detroit, 24 % des membres n'assistent pratiquement jamais à une réunion de leur organisation, et 19 % seulement peuvent être considérés c o m m e très actifs en ce qui concerne l'assistance aux réunions et les autres modes de participation5. Il apparaît en outre que les intéressés ne souhaiteraient pas consacrer plus de temps à des activités de ce genre, m ê m e s'ils avaient davantage de loisirs.

U n e enquête nationale par échantillonnage, effectuée dans la République Fédérale d'Allemagne sur l'emploi des loisirs, a donné les résultats suivants : 14 % seulement des personnes interrogées assistent à des réunions de cercles ou d'autres organisations privées, 2 % assistent à des réunions politiques. Si elles disposaient de plus de temps et d'argent, 4 % seulement des personnes interrogées s'occuperaient davantage de politique, 9 % s'occuperaient davan­tage d'activités communautaires, et 11 % d'activités religieuses. E n revanche, 56 % voyageraient davantage et 45 % consacreraient plus de temps à leur famille. Les autres activités mentionnées spontanément dans un quart au moins des réponses sont : les travaux d'amateurs, le théâtre, la lecture et le perfectionnement professionnel6.

U n e telle absence d'intérêt choquera ceux qui estiment que l'appartenance à un groupe et la participation sont, pour telle ou telle raison, « meilleures » que l'abstention et l'inactivité. Plus précisément, on admet que la participation est une manifestation d'intégration sociale, la preuve que les gens ne sont pas des sujets, mais des citoyens prenant une part active à la gestion de leurs intérêts. Mais cela ne pourrait être vrai que dans une société pluraliste et démocratique. Dans une société totalitaire, un degré élevé de participation ne signifie certes pas que la population s'intéresse spontanément aux activités organisées, et l'intégration sociale qui se manifeste ainsi a toutes chances d'être imposée plutôt que librement consentie.

Mais, m ê m e dans une société libre, il est difficile de déterminer le degré « optimum » de participation. Tout d'abord, il ne faut pas s'imaginer que la participation reflète une harmonieuse coopération au service du bien public. Les activités organisées traduisent aussi des conflits entre groupes, un mécon­tentement à l'égard de la situation existante, la lutte pour le pouvoir et les

1. Charles R . Wright et Herbert H . H y m a n , i Voluntary association membership of American adults ; evidence from national sample surveys», American sociological review, vol. 23, n° 3, juin 1958, p. 286. Dans 47 % des familles aucun adulte n'appartient à une organisation ; 64 % des adultes n'appartiennent à aucune organisa­tion, sauf peut-être à un syndicat.

2. Erich Reigrotski, Soziale Verflechtungen in der Bundesrepublik, Tubingen, Mohr Siebeck, 1956, p. 164. 53 % des adultes sont membres d'organisations.

3. Hans Zetterberg, Voluntary organizations and organized power in Sweden, Bureau of Applied Social Research, Columbia University, octobre 1959, manuscrit multigraphié, p. i. 51 % des Suédois sont membres d'au moins une association, non compris les syndicats et les coopératives. E n France ce chiffre est de 41 %, y compris les syndicats, voir Arnold M . Rose, Theory and method in the social sciences, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1954, chap. 4, * Voluntary associations in France 1, p. 74.

4. John C . Scott, Jr., »Membership and participation in voluntary associations», American sociological review, vol. 22, n° 3, juin 1957, p. 324.

5. Morris Axelrod, * Urban structure and social participation », American sociological review, vol. 21, n° 1, février 1956, p. 13-18.

6. Reigrotzki, op. cit., p. 197, 201.

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privilèges. E n second lieu, un degré élevé de participation n'est que l'une des caractéristiques du système d'organisations secondaires dont l'existence est une des conditions du fonctionnement d'une démocratie pluraliste. Les autres caractéristiques de ce système, plus importantes à certains égards, sont les suivantes : les organisations secondaires doivent être autonomes par rapport à l'autorité centrale; elles doivent exercer des fonctions sociales importantes; elles ne doivent pas être exclusives, de façon que la liberté soit sauvegardée par la possibilité d'affiliations multiples et que personne ne soit soumis à u n contrôle monolithique; enfin (à l'exception des organisations purement utili­taires) elles doivent posséder une structure interne qui permette aux membres de participer à l'élaboration de la politique et d'exprimer leurs vues. Il est impossible d'exposer dans cette étude de la participation à la vie sociale orga­nisée toutes les conditions structurelles du fonctionnement efficace d'une démocratie pluraliste. Nous nous bornerons à considérer quelques questions précises ayant trait à la participation dans une société comportant un système pluraliste d'organisations et au droit d'expression politique des individus. Dans une telle société, quelles sont les personnes qui participent, quelles sont leurs raisons de le faire, et quelles sont les conséquences de cette participation pour elles-mêmes et pour le maintien d'une démocratie pluraliste ? E n parti­culier, quels sont les rapports entre les activités organisées en général et l'expression de la conscience politique sous des formes autres que l'appar­tenance à un parti ?

L a participation d 'un individu à des activités organisées est conditionnée par les normes culturelles, par les exigences de sa situation, et par son intérêt personnel. Ces facteurs interviennent aussi bien pour déterminer le degré général de participation à l'échelon local et m ê m e national, que pour expliquer les différences qui existent en matière de participation entre divers groupes sociaux dans le cadre d'une m ê m e société. Considérons d'abord les taux géné­raux de participation.

L'orientation individualiste des sociétés occidentales modernes favorise une conception qui fait de la participation l'expression d 'un intérêt personnel plutôt qu'une obligation sociale. Dans les sociétés totalitaires, au contraire, tous les efforts sont faits pour éduquer les citoyens en vue d'une participation active à la vie de la collectivité politique. L a m ê m e différence peut être observée entre les deux types de sociétés en ce qui concerne la conception du travail et des loisirs en général. Certes, il existe aussi dans les démocraties occidentales des normes culturelles qui encouragent l'individu à devenir un citoyen actif, un m e m b r e actif de la communauté , mais une attitude d'abstention n'entraîne pas de sanctions comparables à celles qui sont appliquées dans les États tota­litaires. E n conséquence, l'intérêt personnel et les facteurs liés à la situation exercent une influence plus marquée sur le degré de participation.

O n constate en fait que, indépendamment des différences entre régions urbaines et rurales et des différences socio-économiques, le taux m o y e n de participation varie considérablement d'une communau té à l'autre. A u x États-Unis, par exemple, des études de communauté ont montré que le pour­centage des personnes n'appartenant à aucune organisation varie de 36 % à 60 % dans les petites villes1. U n e analyse comparative de ces communautés permettrait sans doute de déceler les facteurs favorables et défavorables à une

1. Scott, op. cit., p. 317 ; Harold F . Kaufman, dans * Participation in organized activities in selected Kentucky localities», Kentucky Agricultural Experiment Station, Bulletin, 528, février 1949, signale des différences analogues entre des communautés rurales.

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participation élevée. Dans u n cas au moins, ce résultat a été obtenu. U n e étude comparative de deux communautés d'habitation a permis de constater dans l'une (une communauté ouvrière) un taux exceptionnellement élevé d'appar­tenance et de participation à des organisations. Les facteurs déterminants étaient en grande partie liés à la situation initiale. A l'origine, une action c o m m u n e immédiate s'imposait pour résoudre certains problèmes concrets intéressant directement la vie quotidienne de tous les résidants. D'autre part, il n'existait pas de groupe dirigeant responsable. E n conséquence, les membres de la communauté fondèrent des organisations dont ils devinrent des adhérents actifs. Leur action fut couronnée de succès et, bien que la nécessité de ces organisations et activités communautaires eût disparu, les habitudes et les normes sociales ainsi établies persistaient, incitant les nouveaux résidants à participer à leur tour1.

L'activité organisée est donc stimulée si elle présente une utilité manifeste; elle peut ensuite devenir un m o d e de comportement habituel, soutenu par les normes du groupe. Toutefois, la nature du problème qui crée la nécessité d'une action présente une importance capitale. Des problèmes nationaux, ou m ê m e régionaux — en particulier s'ils sont ou paraissent complexes et nécessitent un programme d'action détaillé et à longue échéance — risquent fort de décourager les initiatives individuelles en vue d'une action organisée. O n peut observer le m ê m e phénomène en ce qui concerne les problèmes locaux, si l'on compare des communautés de dimensions différentes. Dans la communauté ouvrière mentionnée, les résidants originaires de grandes villes estimaient avoir plus de chances de pouvoir « faire quelque chose » dans cette communauté plus petite, et par conséquent manifestaient pour les affaires communes un intérêt accru par rapport aux autres résidants2.

L a société moderne se caractérisant de plus en plus par l'urbanisation, le caractère spontané des activités communautaires organisées devrait aller en s'atténuant — à moins que, grâce à une technique et à une pratique meilleures de l'action organisée, les problèmes difficiles ne deviennent apparemment abordables, et à moins que l'on ne prenne soin de laisser une certaine marge à l'action communautaire, au lieu de rapporter tous les problèmes à une administration centralisée. Mais c'est la tendance contraire qui semble pré­valoir — ce qui pose une nouvelle série de questions. Tocqueville avait déjà noté que, sous une administration ou un gouvernement paternaliste qui s'occupe de tous les problèmes et veille sur tous les intérêts, la tendance des individus à s'associer pour régler leurs propres affaires s'affaiblit3. Mais le gouvernement central n'est pas seul en cause. D'importantes organisations se sont déjà instituées les porte-parole reconnus des intérêts de groupe et défendent efficacement ces intérêts au m o y e n de leurs services spécialisés. L'individu qui voit un syndicat obtenir des avantages égaux pour les non-syndiqués, les partis politiques désigner les candidats aux élections, ou une organisation de réfugiés promouvoir une législation favorable à tous les réfugiés, n'éprouvera peut-être m ê m e pas le besoin d'adhérer. O u , s'il le fait, il estimera simplement avoir droit à des services déterminés en échange de sa

1. Robert K . Merton, Patricia S. West , Marie Jahoda, Patterns of social lije. Bureau of Applied Social Research,

Columbia University, manuscrit inédit, surtout les chap, x , xi ; E m o r y John B r o w n dans Elements associated

it'ith activity and inactivity m formal organizations, thèse de doctorat inédite, Michigan State College, décembre

1952, rend compte de deux études d 'une communau té , d'abord en déclin, puis à nouveau en expansion, et

constate que l'activité des organisations a diminué, puis augmenté, de façon correspondante.

2. Merton, etc., op. cit., p . x-28, 29.

3. Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome II, 4 e partie, chap. 2-7.

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cotisation, et ne se sentira pas tenu de participer activement1. Ce problème n'est pas nouveau. Il suffit de mentionner à ce propos Robert Michels et de se reporter aux nombreuses enquêtes menées sur l'oligarchie dans les organi­sations et l'apathie des cotisants.

Si les grandes organisations fortement centralisées, qui ont pour objet la défense des intérêts d 'un groupe, tendent à décourager la participation active, cette tendance, dans la pratique, peut être compensée partiellement par une tendance opposée. E n effet, d'autres grandes organisations politiques, civiques, professionnelles ou spécialisées encouragent la participation en faisant de la propagande, en plaçant l'individu en face de ses responsabilités et en lui faisant prendre conscience des intérêts qu'il pourrait promouvoir en appuyant leur action ou en y participant. Ces organisations — contrairement aux cercles mondains et aux clubs d'activités récréatives — recrutent principalement leurs adhérents par des campagnes méthodiques, et ne comptent que peu d'adhésions spontanées et non provoquées2. E n admettant que l'activité individuelle soit découragée dans une société où les questions importantes sont traitées par de grandes organisations, ce n'est là sans doute qu 'un incon­vénient mineur par comparaison avec le danger que présenteraient ces orga­nisations si elles se développaient au point de devenir des centres autonomes de pouvoir capables d'imposer leur volonté au gouvernement et aux groupes sociaux moins bien organisés. U n e structure pluraliste du pouvoir est peut-être la meilleure sauvegarde de la liberté, mais cette sauvegarde n'est pas absolue.

Après avoir examiné les taux moyens d'appartenance et de participation pour des populations considérées dans leur ensemble, étudions maintenant les différences en matière de participation qui existent entre groupes sociaux à l'intérieur d'une m ê m e population. Nous nous occuperons particulièrement des différences existant à cet égard entre les classes sociales, mais la partici­pation varie aussi suivant le sexe, l'âge, l'état civil et la composition de la famille — c'est-à-dire suivant la nature du rôle social et des intérêts. Q u e l'on prenne pour critère le revenu, la profession, le niveau d'instruction ou u n indice composite de la situation sociale, l'appartenance effective à des orga­nisations, la participation aux réunions et l'exercice de fonctions de direction sont plus fréquents à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie sociale. L e taux considérablement plus faible de participation dans les classes sociales inférieures s'explique en partie par le fait que les femmes de ces classes appar­tiennent très rarement à une organisation quelconque. Mais, m ê m e si l'on ne considère que les h o m m e s ou les personnes exerçant un emploi lucratif, la participation augmente avec l'amélioration de la situation sociale3.

Il est compréhensible qu 'un niveau de vie très bas, l'insécurité matérielle et le m a n q u e d'instruction fassent obstacle à la participation. Pour faire d'une

ï. Les syndicats en fournissent u n exemple. L'étude de Arnold S . T a n n e n b a u m et Robert L . K a h n , Participation

in union locals, Evanston (111.), R o w , Peterson and C o . , 1958, montre que les syndiqués qui mettent l'accent sur

les activités visant à procurer des avantages matériels, et qui estiment que les décisions importantes sont prises

par les dirigeants, ont tendance à être moins actifs que ceux qui attribuent au syndicat des fonctions politiques

plus larges et estiment que la masse exerce une influence importante. Fait significatif, ces derniers ne sont ni

plus ni moins fidèles au syndicat que ceux qui estiment qu'ils sont menés par leurs dirigeants.

2. Ce fait a été démontré par des études aussi diverses que celle de Renate Mayntz , « Parteigruppen in der Gross­

stadt », Schriften des Instituts für politische Wissenschaft, B a n d 16, Köln et Opladen, 1959, et celle de David L .

Sills, The volunteers, Glencoe (111.), Free Press, 1957.

3. Voir les données recueillies dans de nombreuses études par William K o m h a u s e r , The politics of mass society,

Glencoe (111.), Free Press, 1959, tableau 6, p . 70-71 ; et aussi Wright et H y m a n , op. cit., Scott, op. cit., Rei-

grotzki, op. cit. ; se fondant sur u n nombre encore plus grand d'études nationales, Seymour M . Lipset signale le

m ê m e rapport dans Political man, Doubleday, 1960, p . 195.

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organisation u n instrument à des fins précises, pour concevoir une politique rationnelle et l'appliquer avec efficacité, c o m m e pour jouer le rôle de m e m b r e d'une organisation, il faut posséder une intuition, une logique et des qualités sociales dont on ne trouve guère d'exemple chez ceux qui ont à supporter de dures privations. L a discipline personnelle, la faculté de faire des plans à longue échéance et de savoir attendre sont des traits de caractère nécessaires aux membres d'une organisation, mais qui ne sont pas typiques des personnes pauvres et sans instruction. Il n'est guère probable non plus que les personnes de cette catégorie possèdent ce sens réfléchi des gradations, cette modération réaliste dans les aspirations et les projets d'amélioration de leur situation, qui caractérisent l'action organisée, par opposition au comportement spontané de masses. Enfin, le fait d'appartenir à des organisations, mises à part les associations illégales et subversives, implique l'acceptation des « règles du jeu » sociales et politiques considérées c o m m e légitimes, et l'on ne peut s'attendre à une telle acceptation de la part de ceux qui ont à souffrir de dures privations1.

Dans les sociétés occidentales considérées dans le présent article, l'extrême pauvreté et l'analphabétisme sont rares, m ê m e dans les classes sociales infé­rieures. Cependant, m ê m e des différences relatives en ce qui concerne la situation matérielle et le niveau d'instruction peuvent influer sur la disposition à participer à des activités organisées. E n dehors de toute question de moti­vation et d'aptitude sociale, on a tendance à considérer que c'est une sorte de devoir social pour les personnes instruites et occupant une situation élevée d'appartenir à des organisations et d'en assurer la direction. Cette attitude des autres à leur égard influe sur l'opinion que ces personnes se font d'elles-m ê m e s et renforce leur tendance à jouer un rôle actif dans des organisations. Les personnes d'une situation sociale inférieure ne se sentent pas soumises à la m ê m e obligation de participer; elles se sentent aussi moins assurées dans les contacts sociaux et dans les réunions de groupe — surtout, peut-on penser, si dans ces groupes le rôle dominant appartient à des personnes ayant une situation sociale supérieure2. Cette difficulté a été reconnue de bonne heure par certaines organisations ouvrières qui ont entrepris, de façon plus ou moins méthodique, de faire acquérir à leurs membres les qualités sociales qu'exige l'action organisée.

O n a aussi tenté d'expliquer par des différences entre les cultures des diverses classes les différences existant entre les classes sociales en matière de participation. Ainsi, l'appartenance à des groupes organisés serait caracté­ristique des classes moyennes urbaines, et servirait à compenser l'absence de relations plus personnelles, telles que celles qui existent dans les régions rurales et dans les classes sociales inférieures. Il est vrai qu 'aux États-Unis, le taux d'appartenance à des organisations est plus élevé dans la population urbaine

ï. Ces considérations sont inspirées en partie de l'article de Seymour M . Lipset, « S o m e social requisites of demo­cracy : economic development and political legitimacy », American political science review, LIII, n° ï, mars 1959, surtout les pages 83-85. L'ouvrage d 'Edward Banñeld, The moral basis of a backward society, Glencoe (111.), Free Press, 1958, est une étude de cas qui montre comment la pauvreté et le manque d'instruction exercent une influence contraire à la participation.

2. Les différences, en ce qui concerne les expectatives, l'opinion de soi et la confiance en soi dans des situations de groupe, entre les participants de rang social élevé et les personnes inactives de rang social inférieur forment l'objet principal de l'étude de Brown, op. cit. ; Brown rend compte aussi d 'un mémoire de H . H . Plambeck qui considère le sentiment d'infériorité c o m m e l'une des raisons de la non-participation. Autres sources : A study of the League of Women Voters of the United States, report III, Survey Research Center, University of Michigan, août 1957, manuscrit polycopié ; et une étude par Robert Weiss, Université de Chicago, signalée dans une communication personnelle de mars 1959. Voir aussi John M . Foskett, « Social structure and social participa­tion », American sociological review, vol. 20, n° 4, août 1955, p. 431-438.

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que dans la population rurale, mais cette différence s'explique par la pro­fession plutôt que par le lieu de résidence.

Le taux de participation n'est sensiblement plus faible que dans la popu­lation rurale agricole, et plus particulièrement chez les ouvriers agricoles; il est à peu près identique chez les non-agriculteurs, urbains ou ruraux1. Des variations régionales, par exemple entre les Etats du nord et les Etats du sud, se superposent à cette tendance générale. E n Allemagne, la situation est tout aussi complexe. O n ne constate pas de variations nettes du taux de partici­pation si l'on compare des communautés de dimensions différentes, allant du petit village à la grande ville. E n revanche, les grandes villes de la Rhénanie du Nord et de la Westphalie ont u n taux de participation sensiblement plus élevé que celles de Hesse et de Bavière2.

Quant à l'hypothèse selon laquelle les relations sociales organisées serviraient à remplacer des relations plus personnelles, l'observationmontrequ'aucontraire les membres d'organisations ont plutôt davantage de contacts personnels avec leurs parents, amis, voisinsetcollègues3. Ilssemblentaussiavoirune vie de famille plus active4. L'appartenance à des organisations serait donc, au moins en partie, l'une des expressions d'une personnalité socialement plus active. U n e telle personnalité est le produit d'une formation sociale qui c o m m e n c e au sein de la famille. Les enfants dont les parents font partie d'une organisation ont davantage de chances de devenir à leur tour membres d'une organisation5. Les différences entre les classes sociales en matière de participation sont donc perpétuées par la formation sociale.

Si la participation constitue un comportement appris, et si les sous-cultures d'une société ont des normes différentes à cet égard, on peut s'attendre à constater en ce qui concerne le taux de participation des différences indé­pendantes des facteurs socio-économiques. O n observe en fait de telles diffé­rences, liées à l'existence de sous-cultures. A u x Etats-Unis, par exemple, le taux de participation est en général exceptionnellement élevé chez les Juifs et peut, dans la m ê m e communauté 6 , varier considérablement selon le groupe ethnique.

Pour expliquer les différences entre les classes sociales en matière de parti­cipation, il faut considérer différents types d'organisation, car le fait d'appar­tenir ou de ne pas appartenir à une organisation peut avoir une signification très différente selon le type de celle-ci. Nous allons donc considérer succes­sivement trois grands types d'organisations; les organisations de loisirs (cercles mondains, clubs d'amateurs, clubs d'activités récréatives, sportives et musi­cales) ; les groupements professionnels et d'intérêts (syndicats, associations professionnelles, organisations d'anciens combattants, de réfugiés, etc.) ; les organisations d'action sociale, civique ou politique. C e classement n'englobe

ï. Wright et H y m a n , op. cit., p . 290 ; K a u f m a n , op. cit., passim.

2 . Reigrotzki, op. cit., p . 167-168.

3. Axelrod, op. cit. ; avec plus de détails dans Morris Axelrod, A study of formal and informal group participation

in a large urban community, thèse de doctorat inédite, University of Michigan, 1954.

4 . Ainsi l'enquête allemande a montré que les m e m b r e s préfèrent être avec leur famille, rencontrer leurs amis

chez eux plutôt qu'ailleurs, sortir plus souvent avec leur famille ; Reigrotzki, op. cit., p . 185-187.

5. B r o w n , op. cit.

6. Wright et H y m a n , op. cit., p . 287, montrent que, dans 31 % seulement des famillesjuives, personne n'appartient

à une organisation ; le pourcentage est de 44 % pour les familles catholiques et de 49 % pour les familles pro­

testantes. Elin Anderson, « T h e communi ty ' s social life », dans Sociological analysis, par Logan Wilson et

William L . Kolb, N e w York, Harcourt Brace, 1949, p . 495, a constaté dans une c o m m u n a u t é que, parmi les

Américains d'origine, 80 % des h o m m e s appartiennent à des organisations ; en revanche, pour les Canadiens

français, ce chiffre n'est que de 46 °0 : l'auteur explique que (d'organisation n'a jamais été une caractéristique

de leur m o d e de vie ».

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pas toutes les organisations privées (notamment, les associations de caractère confessionnel en sont exclues) et il n'existe pas de limites tranchées entre ces trois catégories. Mais elles sont suffisamment différentes pour pouvoir être considérées séparément, et suffisamment représentatives de la majorité des associations privées.

L'appartenance à des organisations de loisirs semble plus répandue dans la classe moyenne que dans la classe ouvrière et son taux augmente en général avec l'amélioration de la situation sociale. Il existe toutefois des différences à l'intérieur m ê m e de cette catégorie. U n e étude de communauté allemande a fait apparaître, dans tous les groupes professionnels, le m ê m e taux d'appar­tenance à des associations sportives et d'amateurs; en revanche l'appartenance à des cercles mondains augmente très nettement en fonction de la situation sociale1. L a m ê m e différence semble exister en Suède, où la proportion des membres d'organisations sportives est la m ê m e dans la classe moyenne que dans la classe ouvrière, alors que l'appartenance aux autres organisations de loisirs augmente avec le revenu2. Il semble que les sports, les travaux d'amateurs et les autres formes de distraction fassent l'objet d'activités orga­nisées dans toutes les classes sociales, bien que les genres de sport ou autres activités pratiqués diffèrent suivant la classe sociale et que toutes les classes sociales ne soient pas représentées également dans chaque association. Les cercles mondains sont plus nettement caractéristiques de la classe moyenne urbaine. Pour les membres des classes moyennes conscients de leur rang et ayant les qualités sociales nécessaires, l'appartenance à un cercle (loge ou société fraternelle) représente à la fois une obligation et un avantage social. Cette situation tend à maintenir des différences entre les classes sociales en ce qui concerne l'appartenance à ces organisations.

Il est possible toutefois que cette situation évolue actuellement et ait déjà évolué depuis cinquante ans. A mesure que se modifient le niveau de vie, le m o d e de vie et la conscience sociale de la classe ouvrière, il est possible que celle-ci adopte de plus en plus pour ses loisirs les habitudes de la classe moyenne. E n m ê m e temps les travailleurs ayant des aspirations bourgeoises se détour­neraient des cercles proprement ouvriers, tels que ceux patronnés par les organisations ouvrières à l'intention de leurs membres . Cette évolution et l'atténuation des différences sociales et culturelles entre les classes sociales devraient entraîner au moins une certaine modification dans le recrutement des associations de loisirs, et la réduction, pour les membres de la classe ouvrière, d 'un obstacle psychologique important. Toutefois, au m o m e n t m ê m e où l'on pouvait penser que la classe ouvrière allait participer davantage à des organisations de loisirs, il semble se manifester une nouvelle tendance générale contraire à cette participation : la tendance à la consommation individuelle du matériel récréatif produit pour les masses. Grâce au dévelop­pement de la télévision, notamment, cette consommation a lieu de plus en plus souvent à domicile. L a tendance générale à accorder plus de place à la vie privée, le confort nouveau des logements ouvriers, la valorisation de la vie familiale, apparaissent c o m m e des facteurs interdépendants de cette évo­lution3. Il se peut donc que la classe ouvrière, se trouvant disposer de loisirs accrus au m o m e n t m ê m e où se produit cette évolution historique, adopte

1. Renate Mayntz, Soziale Schichtung und sozialer Wandel in einer Industriegemeinde, Stuttgart, Enke, 1958, p. 242.

2. Zetterberg, op. cit. 3. Mark Abrami, « The horne-centered society », The Listener, 26 novembre 1959, p. 914-915.

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immédiatement la manière moderne d'utiliser ces loisirs. Cependant, en l'absence de données comparatives valables, il faut se garder d'attribuer une importance excessive à cette tendance et surtout d'y voir u n phénomène essentiellement nouveau. Il y a trente ans déjà Hans Speier notait l'embour­geoisement de l'ouvrier allemand et l'importance qu'avait prise chez lui la vie privée1.

Dans le cas des organisations professionnelles ou créées pour la défense des intérêts d 'un groupe particulier (ancien combattant, réfugié, etc.), la signi­fication de l'appartenance et aussi la répartition sociale des membres sont très différentes. L'appartenance aux syndicats et autres associations profes­sionnelles est souvent plus ou moins obligatoire dans certains groupes et ne saurait être interprétée c o m m e la manifestation d'un tempérament socialement actif. E n fait, on ne relève pas, dans le cas de ces organisations, le rapport habituel entre la situation socio-économique et l'appartenance. Le taux d'appartenance le plus élevé se trouve chez les travailleurs qualifiés, les membres des professions libérales et les h o m m e s d'affaires; il est sensiblement plus faible chez les employés de bureau et les ouvriers non qualifiés. L'effet de ce phénomène aberrant est m ê m e assez fort pour renverser dans certains groupes de salariés le rapport normal entre la situation sociale et le taux général d'appartenance à des organisations.

Ainsi, on a pu montrer qu'à Detroit, parmi les salariés des deux sexes, les ouvriers, les ouvriers qualifiés et les contremaîtres comptent en moyenne plus de membres d'organisations (y compris les organisations confessionnelles pour lesquelles le taux d'appartenance varie normalement en sens inverse) que les employés de bureau et les employés de commerce (81 % contre 69 % ) 2 . D e m ê m e , l'enquête nationale allemande a montré que parmi les ouvriers de sexe masculin il y a davantage de membres d'associations que parmi les employés de bureau, à l'exception des fonctionnaires (75 % chez les ouvriers, 70 % chez les employés de bureau et 90 % chez les fonctionnaires)3. O n retrouve toutefois le rapport normal lorsqu'on considère des appartenances multiples : les ouvriers syndiqués appartiennent moins souvent à une seconde organisation que les membres d'autres associations professionnelles (y compris les syndicats d'employés).

Pour interpréter ces différences il faudrait examiner quels sont les facteurs favorables et les facteurs défavorables à une association sur la base d'intérêts professionnels. Ce problème est manifestement trop vaste pour être étudié ici, mais on peut en tout cas admettre que la complexité des rôles professionnels, l'importance des avantages immédiats que procure l'appartenance à l'organi­sation et la spécialisation de l'organisation (les syndicats ouvriers, par exemple, s'occupent davantage des intérêts généraux de leurs membres que les autres organisations professionnelles) constituent à cet égard des variables impor­tantes.

Les organisations professionnelles ou de défense des intérêts d 'un groupe sont, suivant leurs objectifs, favorables ou défavorables aux modifications sociales. Elles entreprennent souvent des activités dans le domaine propre­ment politique. Certains de leurs membres n'en font partie que pour des raisons d'intérêt personnel, mais d'autres ont très à cœur les intérêts du

1. Hans Speir, « The worker turning bourgeois », résumé et traduit de Magazin der Wirtschaft, 1931, dans Social order and the risks of war, N e w York, Stewart, 1952, p. 53-67.

2. Morris Axelrod, A study of formal and informal group participation..., op. cit. 3. Reigrotzki, op. cit., p. 166.

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groupe. D e tous ces points de vue, ces organisations ne diffèrent des organisa­tions d'action sociale, politique ou civique que par la hiérarchie établie entre les objectifs, plutôt que par les objectifs eux-mêmes. Les intérêts que repré­sentent ces dernières organisations ne sont pas expressément des intérêts professionnels ou particuliers : on considère souvent qu'elles servent une cause, une fin c o m m u n e . Mais bien des ambitions personnelles inspirent leurs membres , et il faudrait se garder d'opposer leurs fins « altruistes » aux fins « égoïstes » des organisations de la catégorie précédente.

Les organisations de la troisième catégorie comptent relativement moins de membres , mais, en raison de leur caractère civique et politique, elles constituent sans doute la catégorie la plus importante dans une démocratie pluraliste. L'appartenance à des organisations d'action sociale, politique et civique semble plus fréquente dans les groupes socio-économiques supérieurs. Il y a à cela plusieurs raisons : ces groupes ont davantage d'intérêts dans l'administration des affaires publiques, davantage d'obligations sociales, davan­tage d'instruction et une meilleure compréhension des questions politiques.

E n ce qui concerne les membres des classes inférieures, on constate qu'ils adhèrent à certains types d'associations de loisirs aussi souvent que les personnes d'une condition sociale plus élevée, et aussi qu'ils font partie des organisations qui ont pour objet immédiat la défense de leurs intérêts matériels (syndicats, groupements d'intérêts). E n revanche, leur faible taux de participation aux cercles mondains et aux organisations d'action sociale, civique et politique donne l'impression qu'ils sont moins bien intégrés socialement et plus indiffé­rents à leurs devoirs de citoyens1.

Le fait de n'appartenir à aucune organisation n'implique pas un m a n q u e d'intégration sociale en général, mais seulement un m a n q u e d'intégration aux niveaux de la vie sociale qui dépassent le milieu immédiat, c'est-à-dire à la communauté locale et à la communauté nationale. Pour ce qui est de la communauté locale, il y a en fait des raisons de croire que l'appartenance à des organisations et l'intégration vont de pair.

O n a montré, par exemple, que la participation est fonction de l'adaptation à la communauté et de la satisfaction que procure le climat social de celle-ci : l'impression de faire partie « très réellement » de la communauté est deux fois plus fréquente chez les membres actifs d'organisations que chez les per­sonnes inactives2. Ces études n'indiquent pas clairement si c'est l'intégration qui favorise la participation ou vice versa, mais apparemment les deux cas existent. Ainsi des études de migrants ont montré que les nouveaux venus dans une communauté , évidemment moins bien intégrés que les résidants de longue date, fournissent proportionnellement moins de membres d'organi­sations3. D'autre part, les membres d'organisations sont moins disposés à quitter leur communauté 4 .

1. Voir Gunna r Myrdal, An American dilemma, N e w York, Harper, 1944, p . 176 ; et aussi l'étude sur la « classe

inférieure apathique » dans Joseph Kahl, The American class structure, N e w York, Rinehart, 1959, p. 210-215,

et les sources qui y sont citées ; et Geneviève Knupfer, * Portrait of the Underdog », dans Reinhard Bendix et

S e y m o u r M . Lipset, Class, status and power, Glencoe (111.), Free Press, p. 255-263, pour ne citer que quelques

exemples.

2. A . R . M a n g u s et H . R . Cot tam, a Level of living, social participation, and adjustment of Ohio farming people e,

Ohio Agricultural Experiment Station, Bulletin, 624, 1941 ; B r o w n , op. cit.

3. Basil G . Z i m m e r , Adjustment of migrants in the urban area, thèse de doctorat inédite, University of Michigan,

1954 ; Harry P . Sharp, Migration and social participation m the Detroit area, thèse de doctorat inédite, Univer­

sity of Michigan, 1954 ; les faits cités par Hyrnan , op. cit., ne confirment pas ces résultats de façon très convain­

cante ; en revanche, la participation plus faible des migrants est signalée par Zetterber, op. cit., pour la Suède.

4. Reigrotzki, op. cit., p. 181 ; Zetterberg, op. cit.

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E n ce qui concerne l'intégration à la société en général, il convient de dis­tinguer deux modes d'intégration essentiellement différents : passif et actif. Certains s'accommodent ou se satisfont de l'état de choses existant, en partici­pant de façon purement passive à la vie publique à travers l'image qu'en donnent les moyens d'information. Cette attitude ne signifie nullement que l'on se sépare de la société. D'autres, tout en s'identifiant de façon générale avec la société, s'attaquent à quelques-uns de ses aspects particuliers. C'est ce second m o d e d'intégration qui caractérise le m e m b r e actif d'une organi­sation1. O n peut en conclure que, si l'activité organisée est plus faible dans les classes sociales inférieures — surtout en ce qui concerne la participation à la troisième catégorie d'organisations — ce n'est pas nécessairement l'indice d'une absence d'intégration, mais peut-être seulement l'indice d'une inté­gration différente.

Cette intégration passive pourrait toutefois être qualifiée d'apathie civique. L e citoyen actif peut évidemment prendre part aux scrutins et se tenir au cou­rant des questions politiques sans nécessairement faire partie d'une organisation, ou en étant tout au plus inscrit à un parti politique. Mais il existe en fait une relation directe entre l'appartenance à une organisation et l'activité politique.

Lipset, se fondant sur les statistiques électorales d 'un certain nombre de pays occidentaux, constate que les membres d'organisations sont en général plus nombreux à voter que les non-membres2 . L'écart peut être très appré­ciable : par exemple, lors de l'élection présidentielle américaine de 1952, la proportion des votants a été de 72 % parmi les membres d'organisations et de 63 % parmi les non-membres3 . E n Allemagne occidentale le pour­centage des personnes ayant exprimé leur intention de voter aux prochaines élections était de 94 % pour les membres de trois organisations ou plus, de 90 % pour les membres de deux organisations, de 87 % pour les membres d'une organisation, et de 80 % pour les personnes n'appartenant à aucune organisation. Des mesures sommaires de l'activité de l'information et du juge­ment politique ont donné les m ê m e s résultats4. Des études de communauté faites aux États-Unis confirment et précisent ces constatations. A Elmira, le pourcentage des non-votants est de 36 % parmi les personnes n'apparte­nant à aucune organisation, et de 15 % seulement parmi les personnes appar­tenant à deux organisations au moins5. A Detroit, on a constaté que les membres les plus actifs des organisations étaient aussi ceux qui votent le plus régulièrement, qui discutent le plus de politique, cherchent le plus souvent à prendre contact avec les autorités et participent le plus activement aux campagnes politiques6. O n a observé à Denver que les membres d'organi­sations manifestaient davantage d'intérêt pour les questions politiques les plus diverses7.

1. O n trouve des faits à l'appui de cette thèse dans B r o w n , op. cit., qui montre que les membres actifs d'organisa­

tions critiquent plus souvent certains services de la c o m m u n a u t é que ne le font les membres inactifs et les non-

m e m b r e s . D e m ê m e Renate Mayn tz , dans Parteigruppen m der Grossstadt, op. cit., p. 80, 84,10G-107, montre que

les membres actifs d ' u n parti critiquent davantage certains aspects particuliers de leur organisation que les

m e m b r e s passifs, qui se déclarent le plus souvent satisfaits dans l'ensemble clés objectifs et du fonctionnement

d u parti.

2. Lipset, op. cit., p . 1S2.

3. Données fournies par H y m a n et Sheatsley, reproduites par Kornhauser, op. cit., tableau 3, p . 64.

4. Reigrotzki, op. cit., p. 177-180.

5. Bernard R . Berelson ; Paul F . Lazarsfeld et William N . M c P h e e , Voting, Chicago, University of Chicago

Press, 195 f. ; chiffres établis sur la base des données indiquées dans le tableau L X X X , p. 176.

6. Ronald Freedman et Morris Axelrod, « W h o belongs to what in a great metropolis », Adult leadership, novembre

1952 ; et Axelrod, A study of formal and informal group participation..., op. cil.

7. Données provenant d 'une étude de c o m m u n a u t é du N O R C citée par Wright et H y m a n , op. cit., p. 293.

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Indépendamment de cela, la participation aux scrutins et les autres formes d'activité politique dépendent évidemment d 'un grand nombre de facteurs divers. E n particulier, la proportion des votants dans de nombreux pays occidentaux varie en fonction de la situation socio-économique, de la m ê m e façon que l'appartenance à des organisations1.

U n e enquête nationale américaine sur les élections de 1952 a montré que le pourcentage des abstentionnistes était de 10,3 % dans la plus élevée des quatre classes socio-économiques, et de 44,7 % dans la plus basse. L e pour­centage des abstentionnistes permanents était de 6,3 % dans la classe la plus élevée, contre 38,9 % dans la classe la plus basse2. E n Allemagne, où le pourcentage des votants est généralement plus élevé, ces différences sont plus faibles, mais de m ê m e ordre3.

O n peut se demander dès lors si la participation à des organisations et l'activité politique sont simplement deux effets des m ê m e s causes sociales, ou si l'un de ces facteurs a une influence directe sur l'autre. Le problème n'a guère été étudié concrètement. Il y a lieu de croire cependant que la situation socio-économique n'explique pas tout : les membres de certaines organisations votent plus que les non-membres ayant la m ê m e situation sociale4. Mais la participation à des organisations et l'activité politique ne seraient-elles pas les manifestations d'une personnalité active en général, résultant en partie de la formation sociale reçue au cours de l'enfance ? Il est établi en tout cas que, dans une certaine mesure, l'intérêt pour la politique et les opinions politiques se transmettent des parents aux enfants5, et il en est de m ê m e en ce qui concerne la participation à des organisations.

Les rapports existant entre l'appartenance à des organisations et l'activité politique peuvent s'expliquer de diverses manières, mais une étude au moins a montré que l'appartenance exerçait une influence directe sur la partici­pation électorale. Cette constatation est particulièrement significative, du fait qu'elle concerne les membres d'une organisation apolitique : une asso­ciation locale d'activités récréatives. Les membres de cette association avaient déjà une participation électorale supérieure à la moyenne — ce qui semble montrer que les personnes politiquement actives ont davantage tendance à adhérer à des organisations. Mais cette participation s'est encore accrue aux élections suivantes, particulièrement chez les membres les plus actifs de l'asso­ciation6. L e simple fait d'être en contact avec un groupe dont la majorité prend part aux élections exerce un effet stimulant sur l'activité politique.

L'appartenance à des organisations ne stimule pas seulement l'intérêt politique : elle l'oriente aussi. Ainsi, aux Etats-Unis, les membres de syndicats votent pour le Parti démocrate dans une proportion plus forte que les non-syndiqués ayant une situation socio-économique équivalente, m ê m e lorsque le syndicat ne fait rien pour influencer le vote. Et les syndiqués actifs ont

1. Lipset, op. cit., p . 182.

2. Morris Janowitz et Dwaine Marvick, « Competitive pressure and democratic consent», Michigan governmental

studies, n° 32, University of Michigan, 1956, p . 26, 29 ; voir aussi les trois dernières études résumées par Korn -

liauser, op. cit., tableau 6, p . 71-72.

3. Reigrotzki, op. cit., p . 66-68.

4. O n l'a constaté no tamment par une comparaison entre travailleurs syndiqués et travailleurs non syndiqués ;

voir Harold ! . . Wilensky, « T h e labor vote : a local union's impact on the political conduct of its m e m b e r s »,

Social forces, vol. 35, n° 2, décembre 1956, p . 111-1:0 ; et aussi Berelson, etc., op. cit., p . 46 ct suiv.

5. Herbert H . H y m a n , Potitical socialization, Glencoe (111.), Free Press, 1959, en particulier les chapitres 3

et 4.

Herbert Maccoby , « T h e differential political activity of participants in a voluntary association», American

sociological review, vol. 2^, n° 5, octobre rgsS, p . 524 et suiv.

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davantage tendance à voter pour le Parti démocrate que les syndiqués passifs1. Il est compréhensible que l'appartenance à u n syndicat influence le vote.

Mais m ê m e l'appartenance à une organisation apolitique peut influer sur le choix d'un parti politique. Si la majorité des membres de l'organisation appar­tiennent à la m ê m e catégorie sociale, ils auront les m ê m e s opinions et créeront ainsi naturellement un climat politique qui renforcera ces opinions.

A Elmira, « parmi ceux qui estimaient que la plupart des membres de leur organisation voteraient républicain, 88 % avaient eux-mêmes l'inten­tion de voter républicain; parmi ceux qui faisaient partie d'une organisation à prédominance démocrate, 23 % seulement. Ceux qui assistent assidûment aux réunions de leur organisation ont davantage tendance à voter confor­m é m e n t à la position adoptée par cette organisation... ». Berelson conclut pour Elmira : « ... L'effet principal des organisations est, semble-t-il, d'aider à « extérioriser » les tendances sociales latentes sous la forme d'adhésion à u n parti. L'appartenance à des organisations aide à déterminer lesquelles des inclinations, expériences, attaches et attitudes de l'individu interviendront dans ses décisions politiques2. »

Les membres ayant une opinion politique différente de celle qui prédomine dans leur organisation sont soumis à des pressions qui tendent à modifier leur attitude. C e phénomène a été observé à l'occasion d'élections syndicales aux États-Unis3, et aussi en Suède. Ainsi, les ouvriers suédois appartenant à une association à prédominance bourgeoise ont voté pour des partis bourgeois dans une proportion deux fois plus forte que la moyenne des ouvriers4. D e telles pressions peuvent créer des conflits chez l'individu — ce qui paraît être l'effet général des pressions — retarder et m ê m e empêcher les décisions. E n revanche, en portant le conflit sur le plan individuel, elles l'atténuent sur le plan collectif. Les organisations dont les membres proviennent de milieux sociaux différents et peuvent appartenir à d'autres organisations ayant une orientation politique différente seront plus modérées et plus disposées à faire des compromis dans leurs programmes, à la fois délibérément pour rete­nir leurs membres et en raison de la diversité des opinions de leurs diri­geants5. L'attitude conciliante et pragmatique des partis politiques qui cherchent à se créer une clientèle en dehors de catégories sociales étroite­ment délimitées en est un bon exemple.

O n a montré que l'appartenance à des organisations stimule l'intérêt pour la politique et influence l'attitude politique. L'existence d 'un rapport étroit entre la participation à des organisations et l'activité politique est confirmée par le fait que les membres de partis ou cercles politiques sont également membres d'autres organisations dans une proportion plus forte que les membres de toute autre catégorie d'organisations. U n e étude de communauté améri­caine a fait apparaître que les membres de cercles ou organisations politiques

1. Wilensky, op. cit-, et Berelson, etc., op. cit., p . 46-49.

2. Berelson, etc., op. cit., p. 51-52 ; Wilensky, op. cit., p. 119, se fondant sur de nombreuses données concernant le

comportement électoral des m e m b r e s de syndicats, fait une observation analogue : * . . . les syndicats ne

modifient que peu de votes... mais ils font beaucoup pour mobiliser les électeurs, intensifier l'esprit de classe

et renforcer la propagande des partis ».

3. Seymour M . Lipset, Martin T r o w et James Coleman, Union democracy, Glencoe (111.), Free Press, p . 338-345.

4. Zetterberg, op. cit., p . 10.

5. L'effet positif de l'appartenance à diverses organisations et à divers groupes sociaux est souligné par David

B . T r u m a n , The governmental process, N e w York, Knopf, 1951, chapitre 16 ; et aussi par Lewis A . Coser, The

functions of social conflict, Glencoe (111.), Free Press, 1956, chapitre 4 et passim. Walter B . S imon estime qu 'en

¡élargissant sa base sociale de recrutement une organisation politique renonce à une action radicale au service

de ses fins propres pour adopter des moyens d'action licites conformes aux principes démocratiques ; voir son

article : « Politische Ethik und politische Struktur », Kolner Zeitschrift für Soziologie, vol. 11, n° 3,1959, p. 445-459.

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appartiennent en moyenne à 3,56 organisations, alors que les membres d'autres organisations privées appartiennent en moyenne à 2,32 organisa­tions1. L'enquête allemande a montré également que ce sont les membres de partis politiques qui appartiennent au plus grand nombre d'organisations2. D'autre part, les membres de partis politiques appartiennent à un nombre d'organisations d'autant plus grand qu'ils sont plus haut placés dans la hiérarchie du parti3.

O n peut se demander si l'adhésion à une organisation politique constitue une dernière étape pour une minorité exceptionnellement active, ou si au contraire l'appartenance à une organisation politique favorise l'adhésion à d'autres organisations. D'après l'étude de communauté américaine qui vient d'être citée, il apparaît que l'appartenance à une organisation politique exerce un « effet catalytique » sur la participation à d'autres activités organisées. Parmi les personnes ayant adhéré en premier lieu à une organisation non politique, 56 % seulement ont adhéré ultérieurement à d'autres organisations, en majorité non politiques. E n revanche, parmi les personnes ayant adhéré en premier lieu à une organisation politique, 90 % se sont inscrites ultérieure­ment à d'autres organisations, et aucune de ces personnes ne s'est inscrite uniquement à une autre organisation politique4. Tocqueville avait déjà observé que la pratique des associations politiques stimule le développement des asso­ciations civiques.

E n conclusion, on peut dire que, dans les classes sociales inférieures, la participation à des organisations, aussi bien que l'activité politique, est moindre que dans les classes supérieures. C o m m e nous l'avons fait observer, la non-participation n'implique pas nécessairement une attitude négative ou un m a n q u e d'intégration sociale; elle peut exprimer simplement une participation plus passive qu'active aux affaires de la communau té au sens large. E n ce qui concerne la participation politique, on a soutenu de m ê m e que l'abstention­nisme pourrait manifester une certaine satisfaction au sujet de l'état de choses existant et ne devait pas nécessairement être interprété dans un sens négatif. A ce propos, on souligne qu'une participation électorale élevée est assez caractéristique des périodes de crise et présage parfois l'effondrement du régime démocratique, c o m m e en Allemagne avant l'avènement de Hitler5. O n attribue à la prospérité et à la satisfaction matérielle l'absence d'un esprit de classe militant chez les travailleurs américains et le déclin du marxisme doctrinaire en Angleterre et dans la République fédérale d'Allemagne. L'apaisement des passions politiques dans les sociétés occidentales prospères, surtout parmi les travailleurs, introduit dans la politique un nouvel élément de pragmatisme. Les partis apparaissent c o m m e des candidats rivaux à un pouvoir qu'ils exerceraient de façon assez analogue, en tenant compte avant tout des néces­sités pratiques de la situation. Il est évident qu'une telle conception des partis politiques, qui admet un accord fondamental sur les principales valeurs sociales et culturelles, peut diminuer l'importance attribuée par les individus aux consultations électorales.

Il existe donc deux attitudes fondamentalement différentes qui ont toutes deux pour effet d'encourager l'inactivité : le sentiment que tout va bien et

1. Merton, etc., op. cit., chap. x. 2. Reigrotzki, op. cit., p. 190-191. 3. Mayntz, Parteigruppen in der Grossstadt, op. cit., p. 73. 4. Merton, etc., ibid. 5. Tel est du moins le raisonnement de Lipset, op. cit., p. 181, 189-190.

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qu'il n 'y a rien à changer, et le sentiment que les choses vont mal, mais qu'il n'est pas possible de les modifier vraiment. Il est à noter que ces deux attitudes contradictoires peuvent se combiner chez ceux qui demeurent passifs. L a situation apparaît plus ou moins acceptable et il existe des facteurs qui, par leur action propre, contribuent à la maintenir : un gouvernement dont on peut penser qu'il ne recourra pas à la coercition brutale et ne soutiendra pas une exploitation flagrante, des syndicats qui défendent les avantages obtenus et qui, continuant sur leur lancée, demandent toujours un peu plus. Il est difficile d'exiger mieux dans un m o n d e imparfait par essence, et il est donc aussi bien de se consacrer à ses affaires privées. Cette acceptation plus ou moins résignée de la situation existante peut très bien être renforcée par l'inté­gration culturelle factice et le sentiment factice de participation que suscitent les moyens d'information modernes1. Si cette interprétation théorique de la passivité est exacte, on ne devrait pas s'attendre à une augmentation sensible mais plutôt à une diminution de la participation à mesure que s'accroîtra la prospérité des classes inférieures.

Dans cette hypothèse, l'attitude générale qui incite à l'activité est celle où l'on reconnaît que la situation n'est pas aussi bonne qu'elle pourrait être mais qu'il est possible de l'améliorer. Cette attitude serait caractéristique d u « bon citoyen », c'est-à-dire du participant actif pour qui cette activité non seulement répond à une norme sociale, mais est en outre rationnelle du point de vue de ses intérêts particuliers. Les citoyens idéaux de ce genre sont à vrai dire une minorité-. Il s'agit de savoir si cette minorité est suffisamment importante pour maintenir la vitalité d'une démocratie pluraliste. L a réponse à cette question est avant tout une question de convictions. Mais s'il est vrai qu 'une meilleure compréhension des affaires publiques incite les gens à se comporter en citoyens actifs, on peut espérer que la participation augmentera avec la démocratisation de l'enseignement supérieur et l'élévation du niveau m o y e n d'instruction, sinon avec la prospérité (et l'extension des loisirs).

Theodor W . Adorno, « Theorie der Halbbildung », Der Monat, vol. Il, n° 132, septembre 1959, p . 30-43. Janowitz et Marvick, o/>. cit., tableau ri, p. 32, trouvent 28,5 °0 de « citoyens efficaces » dans leur échantillon­nage, en se fondant sur le degré de confiance en soi en matière politique, et le degré d'intérêt personnel dans les élections ; en utilisant des mesures assez différentes, une enquête de Divo, Untersuchung der Wählerschaft und Wahlcntscheidung, 1957, Frankfurt a m Main, polycopiée, trouve 20 °0 de « bons citoyens » dans l'échantillon­nage national.

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LES CONDITIONS D'UNE PLANIFICATION SOCIALE DU LOISIR

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O n observe au cours des cent dernières années des changements considérables dans les domaines technique et socio-économique —• changements dont le rythme s'est accéléré au cours des dernières décennies. Des études de plus en plus nombreuses constatent et analysent les différents aspects de ces change­ments et leurs conséquences sur la vie de l'individu et de la société, ainsi que sur l'utilisation du loisir. Elles essaient m ê m e de prévoir l'évolution future.

D u point de vue du loisir, trois aspects de ces changements, mutuellement liés entre eux, sont importants à envisager. Il s'agit : a) du progrès technique, caractérisé surtout par l'introduction de nouvelles sources d'énergie, et un degré croissant d'organisation des processus de production entraînant un accroissement de la productivité ; b) du développement économique, caractérisé principalement par l'accroissement des forces productrices, ainsi que du volume de la production, de l'échange des biens et de l'accumulation du capital ; c) des changements dans les rapports sociaux, et aussi dans le rôle de l'individu dans la vie privée et publique — ces transformations étant caracté­risées essentiellement par les possibilités nouvelles qui s'offrent à l'individu d'affirmer plus complètement sa personnalité, ses droits et ses devoirs.

Tous ces changements donnent une coloration particulière aux événements quotidiens. D 'une part, ils soulèvent une série de problèmes dans la vie éco­nomique et sociale, tant du point de vue de l'individu que de celui de la collec­tivité — ce que de nombreux auteurs observent non sans souci et avec un pessimisme qui va jusqu'à douter de la pérennité des fondements de notre civilisation; d'autre part, ils introduisent des améliorations dans la vie de l'individu et jettent une lumière favorable sur les perspectives d'avenir de la société — ce que d'autres auteurs observent avec un optimisme euphorique, en acclamant l'avènement prochain de « l'ère du loisir ».

Les changements économiques, techniques et sociaux de notre époque se reflètent dans le loisir. La majorité de la population a de plus en plus de temps libre, et conserve de plus en plus d'énergie psychique et physique à sa dispo­sition, ce qui entraîne des possibilités d'action plus variées que par le passé, mais exige aussi que cette énergie soit orientée vers des entreprises actives. Dans le m ê m e temps, le niveau de plus en plus élevé de la vie matérielle rend possible l'accès des individus aux biens divers accumulés par une production en croissance constante.

E n outre, à côté de cet aspect quantitatif des choses, il importe de souligner des aspects qualitatifs importants : le loisir a pris un contenu nouveau, façon­nant un nouveau style de vie, introduisant de nouvelles valeurs dans la vie sociale et ouvrant de nouvelles possibilités d'expression à l'individu et à la

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société. Essayons d'envisager ce phénomène à l'aide d'une analyse fort schéma­tique :

A u cours d u siècle dernier, c o m m e Lengrand l'avait déjà remarqué, le loisir était encore un « élément de distinction entre les individus »1 , un critère de différenciation entre les classes sociales. Il concernait d'abord le secteur étroit des personnes aisées, pour la plupart propriétaires des moyens de pro­duction, qui disposaient de beaucoup de temps libre. Pour cette raison, elles se livraient à des activités diverses souvent sans contenu réel et, quand elles prenaient part à des activités culturelles, c'était plutôt par gloriole que pour des motifs profonds. A côté de ces privilégiés prenaient place quelques individus d'élite, producteurs et consommateurs de valeurs et d'idées scientifiques et artistiques, qui trouvaient d'ailleurs peu d'écho auprès des masses. L a grande majorité de la population — c'est-à-dire les producteurs industriels et ruraux — consacrait le loisir qui lui restait après un travail fatigant au repos et à la régé­nération de ses forces psycho-physiques, dans l'inaction. O n peut affirmer que, pour la majorité, loisir était synonyme de repos, ou d'écoulement d 'un temps inutile.

Le début d u siècle coïncide avec l'apparition d'une situation nouvelle, caractérisée par l'élévation constante du niveau de vie, le nivellement relatif des situations matérielles, l'accroissement de la mobilité sociale et l'épanouis­sement des moyens de grande information. Cette situation crée, à son tour, une base objective pour le nivellement du style de vie et des activités de loisir, mais les possibilités existantes ne sont pas utilisées de la m ê m e manière par toutes les couches de la population. Alors que pendant la période précédente le facteur économique était le facteur principal de différenciation entre les individus, ce rôle est désormais assuré par des nuances relativement peu importantes du style de vie, par la participation aux valeurs culturelles et à la vie sociale. U n e élite prend part à la vie culturelle et sociale. Elle s'efforce intensément d'enrichir ses connaissances et son expérience générale et profes­sionnelle2, intervient activement dans la vie politique ou syndicale, tandis que la grande majorité de la population tombe graduellement sous l'emprise d'une culture commercialisée, appauvrie et d'activités de loisir à bon marché, qui offrent des possibilités attrayantes de dégagement intensif et agréable des tensions psycho-physiques. L'hypertrophie d u divertissement va de pair avec la passivité culturelle et sociale des masses que les efforts ne parviennent pas à secouer, si enthousiastes soient-ils, d'individus et de groupes intéressés.

Après la seconde guerre mondiale, on pouvait noter parfois, au niveau de la société tout entière, des efforts systématiques visant à stimuler et à pro­mouvoir la participation active des individus à la civilisation, à la vie politique et aux possibilités de développement physique. Il s'agissait, en fait, d 'un effort systématique en vue d'inciter les masses à participer plus activement aux valeurs de la société. Quelquefois l'éducation générale, professionnelle et politique était encouragée3, d'autres fois il était question d'une promotion socio-culturelle générale, qui devait progressivement et indirectement réduire

ï. P . Lengrand, « T e m p o libero et sviluppo umano dei lavoratori », p. 377-396, Quaiîerni di azione zociale, R o m a ,

1959. X . n° 3-4-2. A . Pizzorno (dans «Accumulation, loisirs et rapports de classe», Esprit, Paris, 1959, X X V I I I , n° 6, p. 1000-

1016, et dans : « Sulle condizioni sociologiche dell'accumulazione e il ruolo délie idéologie di claase », Passato e Presente, Bologna-Roma, 1959, X , n° ro, p. 1265-1279) aperçoit dans les différences de l'accumulation d'expé­riences de travail la possibilité d'une différenciation entre les classes sociales.

3. N . Ignatiev et G . Ossipov, t Le communisme et le problème des loisirs », Esprit, Paris, 1959, X X V I I , n° 6, p. 1060-1067.

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les différences culturelles et sociales existant entre les divers groupes sociaux1. E n tout cas il est encore difficile de juger des résultats que dans une société déterminée des initiatives de cette nature pourraient avoir.

E n essayant de résumer ces développements et de caractériser l'époque présente, on peut constater que la situation est en pleine effervescence. Les tendances diverses luttent les unes contre les autres et les divers styles de vie s'entremêlent. Dans les différents contextes socio-économiques, on aperçoit des conceptions différentes des diverses fonctions du loisir et une hypertrophie, plus ou moins considérable, de certains de ses aspects. Le loisir, c o m m e Dumazedier l'a fait observer, est une réalité fondamentale ambiguë2 .

Néanmoins, nous nous trouvons sans doute au seuil d'une époque qui doit résoudre, en théorie et en pratique, le problème de l'équilibre des fonctions diverses du loisir et de leur intégration dans la vie générale — qui, en d'autres termes, s'efforcera d'assigner une place appropriée au développement personnel de l'individu et à sa participation aux différents domaines de la vie culturelle et sociale, c o m m e au divertissement, au repos. C e n'est pas là seulement le souhait des h o m m e s de science, des philosophes et des h o m m e s d'action, mais une nécessité pour l'individu et pour la société qui, l'un c o m m e l'autre, sont également engagés dans le m ê m e effort délibéré de construction et d'inté­gration.

L a civilisation, de nos jours, évolue de plus en plus vite et devient de plus en plus complexe. L'activité de l'individu et de la collectivité est en train de devenir plus complexe elle aussi; les hypertrophies et déficiences qu'affectent l'un ou l'autre ont des conséquences de plus en plus graves. Alors que les crises de l'économie d'hier, réglée par la loi de l'offre et de la demande , frappaient seulement les individus les plus faibles, les fluctuations d'une économie non coordonnée peuvent à l'heure actuelle amener une nation au bord de la catastrophe. Des inventions techniques, dont l'application dépendait hier encore de décisions individuelles, peuvent mettre en danger l'existence du genre humain. Les divertissements paraculturels d'aujourd'hui, développés par l'entremise de sources commercialisées très variées, sont en état de plonger des générations entières dans une passivité conformiste ou bien de faire naître dans les masses des tendances pathologiques. Les crises qui frappaient jadis, avec des conséquences restreintes, des groupes réduits d'individus et des territoires limités, peuvent à présent toucher des générations et des civilisations entières. Les événements hasardeux, l'hégémonie des groupes de pression, restreints mais puissants, qui n'aspirent qu'à imposer leurs propres intérêts à la majorité inhibée et d'horizon étroit, doivent donc être contenus.

L e barrage le plus efficace contre les éléments irresponsables est constitué par une communauté d'individus actifs, psychiquement et physiquement sains et équilibrés, ayant un vaste horizon culturel et politique. U n e telle conception de la défense de l'individu et de la société est, de plus en plus, considérée c o m m e une nécessité qu'aussi bien l'individu que la société veulent mettre en œuvre comme un droit normal, et acceptent tous deux comme une obligation normale. L a société démocratique ne peut pas fonctionner selon le gré d'individus, si ingénieux soient-ils. Elle doit fonctionner grâce à la gestion conjointe et à l'action c o m m u n e de tous les membres de la collectivité. Les valeurs culturelles

ï. J. Dumazedier, « Aspects de la promotion culturelle et sociologie de l'éducation populaire », Int. Rev. of Educ.

H a m b u r g , 1957, III, n° I, p. 33-34-2. Ibid., « Réalités du loisir et idéologies », Esprit, Paris, 1959, X X V I I , n» 6, p. 866-893.

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ne peuvent plus être conservées par une poignée d'individus — l'élite — mais doivent vivre et se transformer au sein de chaque individu qui les assimilera, les développera, les défendra et agira selon ce qu'elles lui paraîtront exiger de lui.

Ainsi, le besoin d'une activité rationnelle de l'individu et de la société s'impose progressivement c o m m e une exigence courante; il en est de m ê m e de la conception du loisir — loisir de chaque individu et loisir de tous les individus — qui est un des aspects les plus importants de la vie culturelle des masses. Dans les circonstances actuelles, on ne satisfera cette exigence que par l'effort méthodique de la collectivité entière — c'est-à-dire par la planification sociale.

L a planification sociale n'est pas une nouveauté. O n en rencontre déjà les éléments dans les premières formations sociales organisées. Tour à tour, l'humanité a cherché à organiser, en fonction de buts préétablis, des domaines de plus en plus vastes de la vie sociale : armée, administration, économie, instruction publique, sécurité sociale, etc. C e n'est qu 'au xx e siècle que les plans commencent à embrasser l'ensemble. La planification de type moderne s'est affirmée d'abord dans le domaine économique, où elle se fonde sur la recherche du meilleur rendement de l'action planifiée. C'est seulement récem­ment qu 'a c o m m e n c é à se faire jour une planification coordonnée des différents aspects de la vie sociale, dans laquelle les domaines économiques et non éco­nomiques sont envisagés à égalité et liés entre eux. Dans ce contexte, il est naturel que la jeune sociologie du loisir, qui tend à affirmer une planification du loisir, soit en train de se faire une place. Bien que la planification ne soit pas liée exclusivement, en principe, à des conditions socio-économiques parti­culières, celles-ci se reflètent néanmoins dans son fonctionnement et sa mise en œuvre. D e u x éléments surtout déterminent la planification : l'ordre social général — caractérisé par la nature des relations de production — et le degré de développement de la civilisation — caractérisé par le degré de développe­ment de l'industrialisation. Myrdal1 relève qu'en principe, dans les pays où les facteurs fondamentaux de la production sont socialisés, ainsi que dans les pays dans lesquels le développement de l'industrie est relativement faible, et qui sont obligés de créer leur potentiel économique de base, la planification des réalités économiques et sociales est acceptée plus volontiers et repose sur des conditions relativement plus favorables à son exécution que dans les pays de démocratie parlementaire et les pays plus développés : dans ces deux derniers groupes de pays, la planification ne se fait admettre que lentement et, souvent, seulement sous la menace d'une crise. L a garantie de la stabilité économique et du fonctionnement efficace des différents organes sociaux et le bien-être des masses exigent cependant, dans ces pays aussi, une coordination et une direction planifiée des réalités sociales. E n principe, la planification sociale n'est donc pas limitée à des domaines particuliers ou à des secteurs socio-économiques spécifiques : elle se fait jour dans des domaines différents et varie selon l'ordre social des pays envisagés.

Bien que la technique de planification soit de plus en plus utilisée dans la vie sociale moderne, on trouve dans la littérature scientifique des discussions vives sur des questions de principe : la planification est-elle utile à l'individu et à la société ? Est-elle justifiée des points de vue économique, politique,

ï. G . Myrdal, « The theoretical assumptions of social planning », Transactions of the Fourth World Congress of Sociology, London, ISA, 1959, p. 155-167.

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éthique ? Est-elle possible et efficace ? E n posant des questions de ce genre, on aborde souvent le problème par un mauvais côté, mêlant aux questions de planification proprement dite les questions relatives à la centralisation admi­nistrative, à la limitation de la liberté personnelle, à la suppression des droits fondamentaux de l ' h o m m e , aux entraves apportées à l'exercice des fonctions naturelles de la société et de son économie, etc.1. L a planification tend à conduire de manière rationnelle les événements sociaux et à agir consciem­ment sur eux, en vue d'obtenir des résultats déterminés. Dans cette concep­tion, la planification peut prendre pour base aussi bien un système centralisé qu 'un système décentralisé; elle peut limiter ou, au contraire, exalter la liberté de l ' h o m m e ; elle peut, notamment, restreindre ou élargir ses besoins et ses droits, entraîner ou favoriser son développement. E n se refusant à admettre la centralisation et la suppression des droits de l ' h o m m e c o m m e techniques de planification ou en rejetant des méthodes inefficaces de plani­fication, on n'invalide pas, pour autant, l'idée m ê m e de planification et le souci de diriger rationnellement les événements sociaux. E n tout cas, il paraît bien, à l'heure actuelle, que le stade des discussions de principes, souvent abstraites et peu réalistes, est bien dépassé : la planification est appliquée de plus en plus, dans les domaines les plus divers. Les questions qui retiennent surtout l'attention sont des questions d'exécution pratique — ce qui n 'empêche pas qu'il y ait encore nombre de problèmes de principe à résoudre.

E n dépit de cette prise de position, la planification n'est pas seulement une méthode ou une technique d'action sociale; elle est aussi une orientation. L a tendance qui consiste à introduire un élément rationnel dans les événe­ments sociaux a pour point de départ la conviction que les événements sociaux actuels sont tellement complexes et mouvants que suivre les formes d'action traditionnelles, utiliser les recettes routinières, adopter des doctrines et des idées préconçues, ou bien réagir spontanément à des situations déterminées, ne permet plus d'arriver à des solutions satisfaisantes. Il s'agit, en fait, d'une nécessité : celle d'économiser des efforts, de canaliser et de stimuler les événe­ments en cours ou bien de développer, en partant des éléments existants, de nouveaux événements allant dans le sens du progrès individuel et social.

O n peut dire que toute activité d 'un individu ou d 'un groupe se caractérise par trois éléments : la situation originelle de l'agent et son milieu; le but visé; les moyens utilisés.

L a caractéristique fondamentale de l'activité planifiée, à la différence de l'activité non planifiée ou spontanée, réside dans la direction de l'activité vers un but perspectif, fixé au préalable et plus ou moins éloigné, ainsi que dans le fait que la succession des actes particuliers est subordonnée au dessein d'atteindre le but, dessein que ne dévient ni les obstacles mineurs occasion­nels, ni les buts accessoires, incompatibles avec le but principal. U n e action non planifiée peut également viser un but et elle pourra m ê m e conduire, par la succession des actes, au m ê m e but que l'action planifiée ; elle tiendra compte, cependant, uniquement de la situation momentanée, et le but visé n'aura pas été fixé au préalable, en vertu d 'une analyse consciente de la situation complexe et des besoins perspectifs. O n considère, par conséquent, que l'action planifiée est plus consciente, plus rationnelle et plus économique, qu'elle avance plus assurément et plus vite vers ses buts.

ï. Cf. G . Friedmann, i Introduction — Étude et pratique de la plenification », Revue internationale des sciences sociales, Paris, Unesco, 1959, X I , n° 3, p . 339-352.

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L a planification, son exécution et son efficacité — et, dans une certaine mesure aussi, sa justification — dépendent de la mise en harmonie et de l'intégration de trois éléments : la situation de départ, le but et les moyens. Le but doit être en rapport, autant que faire se peut, avec les conditions de la situation existante et les moyens disponibles pour l'atteindre. Cette exi­gence, d'ailleurs logique, rencontre assurément dans la pratique beaucoup de difficultés. Mais les problèmes de caractère technique ne nous intéressant pas ici, c'est un des trois éléments de la planification — le but — qui se trouvera seul au premier plan de l'analyse qui suit.

L a question du but mérite une attention spéciale, étant donné que c'est le but qui détermine l'orientation de l'action pratique, qui en conditionne la norme et en établit le critère. Cependant, cet élément — à la différence des deux autres, la situation de départ et les moyens d'exécution — n'a pas, à notre avis, suffisamment retenu l'attention, bien que le problème du critère se trouve depuis peu à l'ordre du jour de toutes les sciences sociales. Les critères d'évaluation de l'action sont, surtout en ce qui concerne le loisir, trop souvent abandonnés à la pratique quotidienne ou posés abstraitement en principe. L a norme dont nous avons besoin pour l'action sociale en matière de loisir doit préciser u n but concret, réaliste et perspectif, bien intégré dans le contexte général des événements sociaux, à la fois assez spécifique pour l'usage pratique et assez général pour l'usage théorique. C'est cette norme, d'après laquelle l ' h o m m e d'action orientera son action, qui représente pour le chercheur la variable dépendante principale ou le critère de validation empirique. Si l'on analyse de ce point de vue les critères dégagés par la pratique contemporaine ou posés par la théorie, en relation avec les normes de l'activité de loisir, on constate qu'ils sont peu satisfaisants, tantôt parce qu'ils se limitent à des aspects particuliers des choses, et les mettent abusivement en lumière en négli­geant les autres, tantôt parce qu'ils sont trop abstraits pour l'action concrète, ou bien trop empiriques, improvisés et dépourvus de perspective.

L a détermination du critère du loisir doit prendre en considération beau­coup d'éléments différents. Dans l'état présent de la situation, on peut en mentionner quelques-uns, tout en reconnaissant qu'ils constituent plutôt des propositions et des problèmes à résoudre que des règles et des solutions.

L a première question qui se pose concerne la relation entre les besoins objectifs et subjectifs de l'individu et les exigences de la société. L'expérience quotidienne montre que les besoins subjectifs qui se manifestent consciem­ment par des intérêts et des attitudes, et inconsciemment par certaines moti­vations, ne peuvent constituer la seule règle ou la règle dominante de l'acti­vité humaine, parce que ces besoins sont très souvent trop étroits, enracinés dans des comportements routiniers ou traditionnels qui s'opposent aux changements graduels et parce que très souvent l ' h o m m e n'est pas conscient de ses besoins réels à long terme. Cependant, on ne peut passer à l'autre extrême et affirmer que les besoins objectifs de l'individu ou de la société constituent la meilleure base de l'action individuelle ou collective, étant donné qu'il y a bien peu de chances pour que les h o m m e s veuillent ou m ê m e puissent accepter et satisfaire des demandes établies sur cette seule base. E n principe, le problème est simple : il faut concilier ces deux aspects des choses, mais cette conciliation ne laisse pas de soulever à son tour bien des questions.

Parallèlement se pose la question des besoins hédonistes, car le bien-être de l'individu est souvent, surtout en matière de loisir, identifié avec le plaisir, le confort, la passivité, avec un état d'absence d'efforts et de conflit. O r , un

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tel état — surtout s'il se prolonge — entraîne stagnation et inhibition pour l'individu et pour la société : tous deux cherchent à l'éviter, parce qu'il est démoralisant. Le propre de la nature humaine réside dans l'interaction de l ' h o m m e et du milieu qui l 'amène à affirmer ses besoins et à répondre aux stimuli extérieurs. E n faisant valoir ses besoins et en franchissant les obstacles, l'individu est stimulé par l'action et il éprouve u n sentiment de satisfaction s'il réussit à s'affirmer. La passivité, au contraire, ainsi que les tâches trop ardues, le démoralisent ou le conduisent à des réactions mal adaptées. Nous en avons la confirmation dans le nombre considérable des activités de loisir dans lesquelles l'individu cherche la possibilité d'actualisation qui lui est refusée souvent dans le travail professionnel. Cela est clair, mais ne permet pas de déterminer avec précision la situation qui constitue l'optimum dyna­mique, c'est-à-dire la fonction d'équilibre entre les forces opposées, représen­tées par les besoins subjectifs et les obstacles du m o n d e extérieur.

L a question du critère concerne aussi la dimension du temps. L e postulat inhérent à la planification est la poursuite du but perspectif, mais celui-ci, pour ne pas être une simple fiction, doit être défini par rapport à un temps concret, à un lieu spécifique et à des personnes réelles, sous peine de perdre tout caractère fonctionnel. C o m m e n t donc mesurer une durée appropriée à une société changeante et dynamique c o m m e l'est notre société actuelle?

Il est caractéristique que les questions ainsi soulevées se relient souvent à la dichotomie traditionnelle, individu-société, où l'on attribue à l'individu les facteurs subjectifs, les motifs hédonistes et l'imprévoyance, et à la société les facteurs objectifs, réels et perspectifs. La relation entre l'individu et la société n'est pas nécessairement limitée à ces dimensions; de m ê m e , elle ne doit pas être fondée sur le conflit, puisque la société se forme et fonctionne dans l'acti­vité de ses membres et qu'elle représente et actualise leurs intérêts. Voilà encore une solution de principe, dont la réalisation soulève une série de problèmes.

Cette discussion nous conduit à la question de la liberté individuelle et sociale de décision et d'action — question discutée si souvent en relation avec le loisir et la planification sociale. L'absence de pressions extérieures et la satisfaction des besoins spontanés de l'individu sont-elles les composantes essentielles de la liberté individuelle ? Q u e signifie une décision « subjecti­vement libre », si elle est déterminée par des attitudes qu'une propagande soigneusement élaborée a formées dans notre subconscient, ou si elle n'est pas fondée sur une connaissance au moins élémentaire de son propre objet ? N e choisirons-nous pas plutôt pour critère de la liberté les décisions conscientes, celles qui reposent sur une connaissance rationnelle et sur le respect de la réalité objective et subjective, celles par lesquelles nous réalisons sciemment — et limitons sciemment — notre propre liberté ?

Il est d'autres problèmes qui se posent encore, parallèlement à ceux dont il vient d'être question, par exemple le problème des rapports entre les trois dimensions — plus ou moins reliées l'une à l'autre —- de l'activité humaine : l'extensivité (ou la diversité), l'intensité et la créativité. Estimons-nous préfé­rable que l ' h o m m e soit engagé, ne fût-ce que superficiellement, dans des activités psycho-physiques aussi nombreuses et diversifiées que possible, ou bien désirons-nous le voir épouser, afin qu'il les vive plus intensément, quelques activités choisies parmi les plus valables et les plus saines ? Si nous plaidons en faveur de l'enrichissement de l ' h o m m e , nous souhaiterons que son enga­gement soit à la fois le plus diversifié et le plus intense possible. Mais quelle

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est la qualité de cet engagement ? Nous souhaiterions qu'il soit le plus sélectif et le plus original — le plus créateur. E n d'autres termes, le loisir devrait permettre à l'individu d'exprimer sa personnalité avec le m i n i m u m de confor­misme passif, tout en demeurant dans les limites d'une adaptation active à la société. Mais les rapports entre les trois dimensions ne sont ni linéaires ni unidirectionnels, et la situation se trouve, de ce fait, bien compliquée.

N o n seulement nous voulons que les h o m m e s soient engagés activement dans les domaines d'activité les plus divers, mais nous souhaitons, en m ê m e temps, que chaque activité soit équilibrée et intégrée dans l'ensemble des activités de la vie quotidienne. Cette tendance à l'intégration des différents domaines se manifestera par le désir de réduire la dualité entre le travail et le loisir, entre l'action privée et l'action publique, entre les préoccupations intellectuelles et artistiques, psychiques et physiques, etc. Considérés de ce point de vue, les différents aspects du loisir doivent avoir un contenu nouveau et revêtir des formes nouvelles. C'est ainsi que nous devons introduire de la récréation dans nos activités culturelles et de la culture dans nos récréations, ou que, s'il s'agit de sport, nous devons faire porter l'accent moins sur la compétition entre les individus que sur le développement psychique et physique général, sur la participation sociale, sur l'affranchissement émotif, sur la jouissance esthétique, etc. Nous devons faire en sorte que la participation politique devienne une codécision active des couches les plus larges de la population intéressées au règlement des problèmes sociaux, économiques et culturels de la collectivité. Cependant, m ê m e ces impératifs-là sont ambi­tieux, à bien des égards, et engendrent, à leur tour, d'autres impératifs.

Ces problèmes et propositions, en font naître d'autres, réclament des analyses approfondies et des réponses concrètes et coordonnées. Mais ces réponses, qui les fournira et au n o m de quoi seront-elles formulées ?

Notre critère comporte deux éléments fondamentaux, l'un rationnel, qui doit être relié logiquement et empiriquement au déterminisme objectif de la réalité et de l'évolution sociale, et l'autre qui englobe des valeurs, esthétiques et éthiques à la fois, exprimant des normes et des fins individuelles et sociales. Les valeurs, c'est l ' h o m m e , en tant qu'individu et en tant que m e m b r e d'une société, qui les incarne; ce qui exprime les lois rationnelles, c'est la science et ce sont les praticiens. Si nous essayons de donner à notre critère une valeur opérationnelle, la question qui se pose est de savoir c o m m e n t assurer la représentation de ces facteurs. S'il s'agit de valeurs individuelles, la solution est simple : on interroge un échantillon de la population. Mais, dès qu'il s'agit de valeurs sociales, nous nous demandons s'il faut se laisser guider par l'opinion de la majorité, par celle de représentants élus ou par celle d'individus appartenant à des élites1. Nous obtiendrons, de m ê m e , des réponses très diverses si nous nous adressons à des h o m m e s de science et à des h o m m e s d'ac­tion appartenant à des disciplines diverses, tels que : sociologues, psychologues, pédagogues, économistes, etc. Leurs réponses différeront apparemment et, souvent, essentiellement. L à encore, il y a donc des problèmes non résolus.

L a tâche qui consiste à conceptualiser le critère et à le mettre en œuvre est une tâche urgente, mais complexe. A l'heure actuelle, nous ne pouvons espérer que des solutions provisoires; mais cela m ê m e sera précieux pour la théorie et la pratique de la planification sociale du loisir.

ï. Cf. J. Ader, < Leaders populaires et entraînement mental », Intern. Rev. of Community Development, 1959,

n°3, P- I47-I57-

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D E U X I È M E P A R T I E

LES SCIENCES SOCIALES DANS LE MONDE

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I. ÉTUDES EN COURS ET CENTRES DE RECHERCHES

RECHERCHES COORDONNEES SUR LES LOISIRS DANS QUELQUES PAYS EUROPEENS

R. HENNION

Les recherches empiriques consacrées directement ou indirectement à l'étude des loisirs se sont multipliées considérablement en Europe au cours des dix dernières années. U n e bibliographie « sélective » des études effectuées aux Pays-Bas depuis 1953, établie à l'occasion du dernier Congrès mondial de sociologie, réunit à elle seule 36 titres1. Le m o m e n t serait certes venu de tenter de donner, pour les pays européens, un aperçu d'ensemble analogue à celui que A . Heckscher et S. de Grazia ont entrepris de présenter pour les Etats-Unis, sous les auspices du Twentieth Century Fund 2 . Cependant, faute d 'un cadre général d'interprétation et d'une suffisante unité dans les méthodes, il est aujourd'hui encore difficile de tirer parti, dans une perspective comparative, de la masse appréciable de données ainsi rassemblées. E n outre, à part de notables exceptions c o m m e l'enquête néerlandaise de l'hiver 1955-1956a, les recherches actuelles ont, pour la plupart, u n objectif particulier et limité, portent sur une seule catégorie de la population, sur une activité de loisir isolée ou n'abordent le phénomène du loisir que d'une manière marginale, dans le cadre d'une étude de la vie associative, de la participation politique ou des conditions de travail.

Pour étudier le loisir dans son ensemble et c o m m e tel, ainsi que son évo­lution dans la civilisation contemporaine, u n Groupe international d'étude des sciences sociales du loisir s'est progressivement constitué à partir de 1956 (Congrès de sociologie d'Amsterdam) en vue de stimuler, par des recherches coordonnées, une étude comparative des problèmes du loisir en fonction des différents niveaux techniques et des différentes structures sociales des sociétés industrielles. Patronné et soutenu, depuis son origine, par les instituts de l'Unesco pour les sciences sociales, pour l'éducation et pour la jeunesse, puis par le Département des sciences sociales de l'Unesco, ce groupe rassemble, à ce jour, des chercheurs de douze pays européens, d'Israël et des Etats-Unis. Des enquêtes coordonnées sont en préparation, en cours ou en voie de dépouil­lement dans onze de ces pays (République fédérale d'Allemagne, Belgique, Danemark, Finlande, France, Israël, Italie, Pays-Bas, Pologne, Suisse et Yougoslavie). L a liaison est assurée, entre les chercheurs associés, par des réunions de travail annuelles — la dernière s'est tenue à Portoroz (Yougoslavie), en juin i960 — et par un bulletin intérieur, dont neuf numéros ont été publiés par le secrétariat installé à l'Institut de l'Unesco pour l'éducation (Hambourg). U n rapport intérimaire, préparé sous la responsabilité de M . Dumazedier

1. Research an leisure in the Netherlands, A m s t e r d a m , T . T . ten H a v e , document polycopié.

2. Time, work and leisure, par A . Heckscher in Prod, vol. ï, n° 4 , Princeton (N. J.).

3. Vrije-tijdsbesteding in Nederland, winter 1955-56, Zeist, 1957-1958, 8 volumes publiés.

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(Centre d'études sociologiques, France), sera présenté à l'Unesco à la fin de i960. Il comprendra, outre l'exposé général du projet et la présentation des diverses enquêtes nationales, des études comparatives sur la durée du temps libre, les divers groupes d'activités de loisir, les relations travail et loisir, famille et loisir, vie sociale et loisir, ainsi que des réflexions méthodologiques sur les problèmes posés par la recherche coordonnée.

L'orientation des travaux du groupe international résulte d 'un compromis entre les positions de principe, les hypothèses fondamentales qui sont à l'origine du projet et les nécessités pratiques imposées par le m o d e de coopération et de financement. Il eût été séduisant d'établir un projet d'ensemble solidement structuré et d'en financer l'exécution grâce à des fonds internationaux. E n réalité, les équipes nationales de recherche ont gardé jusqu'à présent leur autonomie et la responsabilité financière de leurs propres travaux. Il leur a donc fallu le plus souvent intégrer le projet c o m m u n ou certains de ses aspects dans le programme ordinaire de leurs instituts respectifs, tenir compte des intérêts objectifs des organismes qui finançaient les enquêtes locales : associa­tions d'éducation des adultes, municipalités, syndicats ou services publics. Seuls les frais entraînés par la coopération sont restés à la charge des organi­sations internationales responsables du projet. Cette économie du travail n ' a évidemment pas simplifié la tâche des chercheurs, ni l'effort de coordination; cependant le bilan, au moins dans la phase initiale du projet, présente nombre d'aspects positifs : en particulier, les membres du groupe ont été conduits à donner au projet une structure plus souple et plus ouverte, sans cesse adaptée à la diversité des situations et des conditions nationales et locales; ils ont été contraints aussi à intéresser — et m ê m e à associer — éducateurs, animateurs sociaux et administrateurs à des recherches qui peuvent les aider dans leur action. U n tel effort, en réalité peu c o m m u n , doit conduire, avec le temps, à mettre en place un dispositif permanent d'étude des besoins et d'évaluation des résultats de l'action culturelle et sociale, plus propre qu'une enquête, si large soit-elle, dont les résultats seraient rapidement remis en question par l'intervention d'événements ou de facteurs nouveaux, à mettre en lumière les problèmes posés par l'évolution des loisirs et les possibilités qu'ils ouvrent à l'élévation du niveau culturel des milieux sociaux. Et ceci répond bien à l'un des objectifs premiers du groupe dont les réunions constitutives, à Gauting (Allemagne) et à Annecy (France), en juin 1957, ont rassemblé autour d 'une m ê m e table praticiens de l'action culturelle et spécialistes des sciences sociales.

Le projet c o m m u n a pour objet l'étude des grandes tendances de l'évolution des pratiques et des besoins en matière de loisir (détente, divertissement ou développement), ces tendances étant considérées dans leur rapport avec l'évo­lution des activités professionnelles, des obligations familiales et de la partici­pation sociale, compte tenu des traditions culturelles, de l'équipement et de l'environnement, ainsi que l'action exercée par les associations culturelles et le secteur commercial. Le dispositif général adopté par le groupe comporte essentiellement, pour chacun des pays associés, l'étude soçiographique d'une agglomération industrielle d'importance moyenne, une étude complémentaire portant sur une ou plusieurs communautés rurales en voie de développement et une documentation statistique sur l'état de l'équipement culturel et récréatif à l'échelle nationale ou régionale. Des enquêtes complémentaires — sondages, monographies, études longitudinales, recherches particulières ou marginales effectuées par des membres du groupe ou par les équipes nationales auxquelles ils appartiennent — sont également utilisées dans une perspective compara-

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tive, avec les précautions de méthode indispensables. A ce niveau, la coordi­nation est souvent bilatérale ou multilatérale à l'intérieur du groupe — loisir et famille : Yougoslavie, Allemagne, Autriche; loisirs des jeunes : Allemagne (Krefeld) et Italie (Milan), Israël et Suisse.

Les communautés urbaines soumises à enquête sont choisies en fonction de critères c o m m u n s (population, équipement, degré de développement industriel). L'étude sociographique comporte d'abord u n sondage, portant sur u n échantillon pris au hasard et effectué à l'aide d 'un questionnaire établi par le groupe, mis à l'épreuve en divers endroits et adapté, le cas échéant et après consultation réciproque, aux nécessités locales. Le questionnaire comprend diverses sections concernant le travail professionnel, les trajets, la durée du temps libre, les conditions de logement, les ressources, les types d'activités de loisir et leur fréquence, une échelle de participation à la vie associative, les rapports de voisinage, etc. Après le sondage viennent une étude morphologique de l'environnement socio-culturel — en particulier des groupe­ments de loisirs récréatifs — et une étude quantitative et qualitative, d'après des critères relativement comparables, de l'influence des organismes d'édu­cation populaire. Enfin vient une étude historique de l'évolution de ces phéno­mènes au cours des cinquante dernières années, fondée sur une analyse de contenu de la presse et des archives locales, sur l'histoire des associations et sur des interviews de personnes âgées. L a première enquête de ce genre a été menée à Annecy (France). Certaines sont en cours à Slagelse (Danemark), à Krefeld (Allemagne), à Pruszkow (Pologne) et à Trbovlje (Yougoslavie). D'autres sont prévues, notamment en Italie et aux Pays-Bas.

Les premières confrontations, tout en permettant de situer avec plus de précision des niveaux de comparabilité, ont mis en évidence un certain nombre de difficultés. Certaines sont d'ordre technique et, c o m m e telles, surmon-tables. D'autres tiennent au rôle joué par une condition particulière à l'une des communautés étudiées (logement, horaire du travail dans l'industrie, survivance de structures familiales de type patriarcal, sous-équipement culturel, etc.). D'autres encore viennent de la signification différente du couple loisir-travail dans des sociétés en voie de développement très rapide, où la vie associative est intense et l'influence du secteur commercial c o m m e tel négligeable. Enfin, une difficulté, d'ailleurs féconde, tient à l'incertitude des frontières entre les loisirs et les obligations — incertitude qui a conduit à utiliser la catégorie mouvante de « semi-loisir ». Tous ces problèmes seront exposés en détail dans le rapport intérimaire mentionné plus haut.

Voici quelles sont actuellement, pour chaque pays, les principales enquêtes qui sont menées par des équipes de recherches représentées dans le groupe international, et qui sont reliées directement ou indirectement au travail d'ensemble.

RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE

Conduite par 1'Europäische Forschungsgruppe für Industriesociologie (pro­fesseur Specht et D r Liebermann), une enquête est en cours à Krefeld, ville industrielle de 200 000 habitants. Pour des raisons pratiques, elle est limitée, pour le m o m e n t , au groupe d'âge de quinze à vingt-quatre ans. Le question­naire international a été appliqué au cours de l'été 1959 à un échantillon de 502 individus constitué par sondage aléatoire. U n emploi du temps détaillé

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d'une journée de travail, d 'un samedi et d'un dimanche, a été établi pour chacun des cas étudiés. L'analyse des résultats est en cours, mais ne pourra donner tous ses fruits que lorsque l'enquête aura été étendue aux autres groupes d'âge de la population.

L a section de sociologie du Forschungsinstitut für Sozial und Verwaltungs­wissenschaften de l'Université de Cologne (professeur König, D r Scheuch) poursuit depuis 1952, dans la ville m ê m e , une étude permanente de c o m m u ­nauté qui est, en m ê m e temps, un instrument de recherche méthodologique. Dans le cadre de cette étude, plusieurs enquêtes ont été menées sur les pro­blèmes du loisir — en particulier l'enquête de 1954-1955, complétée en 1956, sur « Loisir et famille » (trois échantillons de la population adulte totalisant 1 500 interviews), et une enquête sur « les moyens de communication et la communau té» qui a eu lieu en 1957-1958 (800 interviews). L a variété des techniques utilisées et la rigueur des contrôles ont conduit à formuler certaines remarques d'ordre méthodologique, qui permettent d'envisager d'un point de vue critique certaines catégories ou méthodes courantes dans les études sur les loisirs. A l'occasion de ces recherches, une étude a été faite du contenu des conversations du soir et de leur rôle dans la cohésion familiale. L a seconde enquête a fait l'objet de deux dissertations. Les résultats de la première ont été étudiés dans plusieurs publications : H e r m a n Meier : Freizeit und soziale Schickt, thèse de doctorat polycopiée, 2 vol., Cologne, 1957; Erwin K . Scheuch : « Leisure and the Family », rapport présenté au IV e Congrès mondial de sociologie, Stresa, 1959; Erwin K . Scheuch : « Family cohesion in leisure time», The sociological review (Keele), juin-juillet i960; Erwin K . Scheuch : Leisure behaviour and social integration, document polycopié; Annerose Schneider : Familienstruktur und Freizeitverhalten, thèse de doctorat polycopiée, Cologne, 1960.

B E L G I Q U E (Institut de sociologie de l'Université de Liège, sous la direction du professeur Clemens)

Dans le cadre d'une étude de développement d'une région rurale (Bas-Luxembourg) portant sur 68 c o m m u n e s et entreprise depuis 1956, une enquête spéciale, faisant suite à un recensement de l'équipement collectif utilisable aux fins de loisir, a été consacrée aux habitudes de loisir de la population et à l'information qu'elle possède sur l'équipement culturel mis à sa disposition. Le sondage a porté sur un échantillon à deux degrés de 400 ménages appar­tenant à 13 communes , classées, suivant la prédominance professionnelle, en communes agricoles, industrielles, administratives ou mixtes. Le question­naire utilisé pour cette enquête comprenait un grand nombre de questions ouvertes et quelques questions hypothétiques (Que feriez-vous si... ?), destinées à mettre en évidence des besoins latents. L'exploitation des résultats est ter­minée mais ils n'ont pas été publiés. L'enquête a confirmé, sur le plan du loisir, la distinction établie entre les communes purement agricoles et les autres, y compris les communes mixtes, à peine touchées encore par l'industrialisation. L'évolution des attitudes à l'égard du loisir semble donc précéder celle du caractère objectif de la population et exercer, de ce fait, une influence dyna­mique sur l'évolution des sociétés considérées. Il a été possible également de constater un hiatus considérable entre l'équipement culturel et l'information du public.

Parmi les projets envisagés figurent : a) une enquête à Charleroi et à H u y ,

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menée sur la base du questionnaire international, et complétée par un relevé de l'équipement culturel de cette région (ce projet serait réalisé en collabo­ration avec l'Institut provincial de l'éducation et du loisir du Hainaut) ; b) un relevé de l'équipement culturel à l'échelle nationale; c) une étude sur les « vacances ouvrières ».

D Ä N E M A R K ( M M . Elberling et Jensen)

Des recherches ont été effectuées, sous les auspices du Conseil danois de l'édu­cation des adultes, dans la ville de Slagelse, n œ u d de communications, centre industriel et commercial de 22 000 habitants dans l'île de Seeland, à 90 k m de Copenhague. L e projet avait d'abord pour objectif l'étude des formes d'éducation des adultes et des besoins du public en ce domaine. Il a été étendu, par la suite, à toutes les activités de loisir et intégré dans le projet international.

L'étude a comporté deux étapes : a) une enquête sur la totalité du public fréquentant les cours du soir pendant l'hiver 1957-1958, au m o y e n d 'un questionnaire axé surtout sur les motivations et les besoins ( 1 496 réponses) ; b) une enquête (février 1958) sur les loisirs et les activités culturelles de la population de Slagelse, portant sur un échantillon pris au hasard de l'ensemble de la population adulte (721 interviews) et un échantillon spécial du public précédemment étudié (75 interviews). Le questionnaire utilisé était très proche du questionnaire international. U n premier rapport, publié sous forme poly­copiée, expose les premiers résultats de ces deux enquêtes (Kulturmilje og Oplysningsarbejde i to Danske Samfund, ï, B . V . Elberling og Holger Jensen, Dansk Folkeoplysnings Samrád, 1959; voir aussi, des m ê m e s auteurs, un rapport polycopié en anglais, rédigé pour le I V e Congrès mondial de socio­logie : Study of cultural milieu and adult education in an urban community in Denmark). U n deuxième rapport, actuellement en préparation, sera consacré à un traite­ment statistique plus approfondi des résultats (en particulier, modèles d'habi­tudes de loisir, tableaux croisés portant sur l'âge, l'éducation et les intérêts de loisir, comparaison entre les deux enquêtes).

Des études complémentaires sont en cours sur les habitudes de lecture de certains groupes homogènes, les activités de loisir d'enfants d'âge scolaire, les mouvements de jeunesse; enfin, une étude de contrôle porte sur les insti­tutions culturelles d'une autre communauté urbaine.

Parmi les projets, signalons : l'étude d'une zone rurale, conduite selon les m ê m e s lignes que l'enquête de Slagelse; l'étude du développement culturel d'un certain nombre de personnes ayant des styles de vie différents (change­ments des habitudes culturelles en relation avec les changements de rôle et de milieu).

D e son côté, l'Institut des sciences sociales de Copenhague (professeur Friis) prépare une étude sur les conséquences de la réduction des heures de travail, qui touchera, évidemment, au problème des loisirs.

FINLANDE

L'Institut de recherches de l'Ecole des sciences sociales d'Helsinki ( M . Littu-nen) poursuit actuellement u n travail de recherches sur le thème « vacances et fatigue sociale ». L'hypothèse générale est que le fonctionnement de chaque

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groupe restreint engendre à la longue une « fatigue sociale », distincte de la fatigue physique et source de conflits. Les vacances annuelles, suspendant provisoirement la participation à la vie du groupe, constitueraient un remède permettant de « résorber » cette fatigue sociale. U n e première enquête d'explo­ration vient d'être achevée; elle doit permettre de formuler des hypothèses plus détaillées.

U n e enquête sur les loisirs et les sports dans la population masculine a été conduite en 1956, dans une communauté urbaine de 10 000 habitants, sous les auspices de l'Institut des sciences sociales de l'Université d'Helsinki, par M . Kalevi Heinilä, et publiée par ses soins (Kalevi Heinilä. Vapaa-aika ja urheilu, Werner Söderström Osakeyhtiö, 1959, 215 pages; un sommaire en anglais, de 8 pages, figure en annexe et a été tiré à part sous le titre Leisure and sports, dans la série des Publications de l'Institut de sociologie, n° 5, Helsinki, !959)-

FRANCE

Plusieurs études et recherches sont conduites sous l'égide du Centre d'études sociologiques (Groupe d'étude des loisirs et de la culture populaire, dirigé par M . J. Dumazedier).

L a plus importante est l'enquête menée sur l'agglomération urbaine d'Annecy (communes d'Annecy, Cran et Annecy-le-Vieux, 40 000 habitants). L'enquête sur le terrain, commencée en 1955, a été achevée à la fin de 1957. Le dispositif d'enquête comprenait : a) une étude psycho-sociologique portant sur trois échantillons, un échantillon représentatif de 14 000 foyers (500 dos­siers), un échantillon raisonné d'individus ayant une attitude active à l'égard des associations culturelles de la ville (750 interviews), un échantillon typo­logique (types de culture et de style de vie, 50 autobiographies) ; b) une étude morphologique de l'environnement social et culturel comportant l'interview de 300 leaders d'associations, à propos de l'activité de leurs m o u v e ­ments respectifs et l'étude de l'équipement commercial (750 points de vente, 200 cafés) et non commercial (200 associations) ; c) une étude historique comportant une étude du contenu de la tribune locale de la presse quoti­dienne depuis 1900, et l'interview de 55 « anciens », âgés de plus de soixante-dix ans et sélectionnés selon un choix raisonné, en fonction des milieux sociaux et des activités de loisir dominantes. E n outre, un certain nombre de recherches actives ont été entreprises en vue d'étudier les résultats obtenus par diverses institutions considérées c o m m e novatrices (réorganisation d 'un parc, d 'un théâtre, d 'un ciné-club, d 'un cercle, etc.).

Le travail d'exploitation est en cours. Il vise : à dégager des types et des niveaux culturels à partir de l'étude corrélative des activités de loisir et des autres activités et à procéder à une analyse structurelle des institutions de loisir, en relation avec certains types de structure sociale et culturelle.

L'enquête d'Annecy sera publiée sous le titre : Le loisir et la société. L'ouvrage comprendra trois tomes : I. « Travail et loisir », à paraître au mois d'octobre ( M U e Latouche) ; IL «Loisir et culture», à paraître à la fin de i960 ( M m e Ripert) ; III. « Loisir et vie sociale et familiale ».

Pour répondre à des demandes précises, une exploitation plus systéma­tique de certains éléments des résultats a été entreprise : a) les interviews de la population féminine font l'objet d'une étude spéciale, confiée à M U e L a n -

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fant; b) une étude détaillée du fonctionnement social et culturel des cafés, demandée par le Comité d'études contre l'alcoolisme, mettra en évidence les relations entre la fréquentation des cafés et les attitudes à l'égard du travail professionnel et des loisirs récréatifs et culturels ; c) une étude des habitudes de lecture, en relation avec le problème de la promotion sociale, a été entre­prise; d) une étude du contenu des bibliothèques de France, en juin 195g (J. Hassenforder) ; e) une étude de l'attitude des milieux populaires à l'égard de l'instruction (J. Dumazedier, « L'instruction et les masses ») paraîtra dans la Revue internationale de pédagogie; f) deux publications ont été consacrées aux attitudes des Anneciens à l'égard du cinéma : J. Dumazedier, Revue inter­nationale de sociologie, août 1959, et A . Ripert, Esprit, juin i960.

U n e autre enquête vient d'être menée sous la direction de A . Meister pour étudier le sous-développement économique, social et culturel d'une zone comprenant le plateau de L a M u r e et 10 communes rurales environnantes, soit 6 000 habitants. L'échantillon est composé de 400 chefs de famille tirés au hasard (1 sur 10). O n en attend quelques hypothèses sur le loisir en tant que facteur de développement ou de sous-développement d'une région.

U n e étude plus approfondie sur la sociologie de la lecture en France a été demandée par le Commissariat à la productivité. Cette enquête est effectuée sur un échantillon systématique de 150 individus considérés c o m m e « actifs ». Elle comporte deux étapes : a) étude des pratiques de lecture au foyer (parents et enfants) ; b) étude de types de lecture (recherche active).

U n e enquête a été conduite dans une petite ville industrielle, sur les condi­tions et le processus de l'autodidaxie. Elle portait sur 80 leaders profession­nels, syndicaux ou culturels âgés de vingt et un à trente-cinq ans. Cette année, 250 nouveaux cas seront étudiés (S. Hervé et J. Ader). Il s'agit de définir les centres d'intérêt des adultes dans leur recherche spontanée de connaissances nouvelles et d'étudier les relations entre ces intérêts, les préoccupations de la vie quotidienne et les activités de loisir. Dans ce cadre, il convient de signaler une étude des témoignages autobiographiques d'autodidactes du xixe siècle, effectuée par B . Cacéres, qui paraîtra aux Editions du Seuil, Paris. Il s'agit d'un travail de dépouillement de sources littéraires, permettant l'analyse des motivations et des difficultés liées à la formation personnelle.

ISRAËL1

U n e série de recherches figurant au programme de l'Institut Henrietta Szold de Jérusalem (directeur, M . Smilansky) incluent l'étude des loisirs des jeunes (14-18 ans) et des jeunes adultes (18-25 a n s ) - Il s'agit, en réalité, de projets différents, poursuivis à la requête de diverses institutions ou de divers services publics, mais qui relèvent d'une thématique c o m m u n e : le développement et l'adaptation des jeunes dans une société soumise à une industrialisation très rapide et à l'afflux constant de nouveaux immigrants.

U n e première étude, commencée en 1954, a porté sur la totalité des élèves parvenus au terme de la scolarité obligatoire (14 ans). L'étude a été répétée chaque année, permettant ainsi de suivre le développement et l'orientation de ces jeunes jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Quatre séries de recherches sont actuel­lement en cours : a) une enquête longitudinale, qui suit les m ê m e s lignes que

1. La majeure partie de ces renseignements proviennent d 'un rapport présenté au groupe à la fin de 1957.

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la précédente et porte sur une grande ville et une localité moins importante (30 000 habitants) ; b) une étude des problèmes d'adaptation des jeunes adultes (24-25 ans) dans plusieurs localités comptant des pourcentages très différents d'immigrants récents d'origines diverses; c) l'étude de certains problèmes spécifiques, tels qu'ils se présentent dans des localités, des condi­tions ou des milieux différents; d) l'étude de problèmes posés par les résultats de la première enquête, par exemple l'influence du cinéma et de la télévision, des habitudes de lecture, etc.

Bien que ces différents projets aient chacun u n objectif propre, les résultats concernant les pratiques et besoins en matière de loisir des populations étu­diées font l'objet d 'un traitement particulier et seront communiqués au groupe international. Tel est le cas, en particulier, en ce qui concerne les activités de loisir de jeunes appartenant à des milieux culturels différents, dans six localités, et les habitudes de lecture déjeunes, à deux étapes différentes de leur développement (14 et 17 ans).

ITALIE

U n comité réunissant les représentants de divers groupements et instituts de recherche a été constitué en 1957 sur l'initiative de l'Umanitaria (Milan), la liaison avec le groupe international étant assurée par le professeur Ushino Pizzorno. Avant d'aborder l'étude systématique d'une communauté urbaine, cette équipe a procédé à un certain nombre de recherches préliminaires, per­mettant de fixer plus nettement les cadres théoriques de l'enquête.

U n e première étude pilote porte sur la vie des organisations culturelles, au sens large. Il s'agit d'étudier les « activités liées à u n engagement à l'égard d 'un programme de loisir à long terme ». Les principales hypothèses de travail sont les suivantes : a) la diminution de la vie associative au profit des loisirs de masse entraîne une évolution des associations en vue de s'adapter aux besoins nouveaux de leurs membres ; b) on assiste à une diminution progressive de l'activité des associations à but idéologique et à un décalage entre les buts institutionnels affirmés et les techniques employées pour garder le public; c) la crise de la participation est plus sensible dans les associations qui ne sont pas liées aux organismes de production; on a procédé à 60 interviews de leaders d'associations et à un certain nombre d'études de cas.

U n e deuxième étude, portant sur de jeunes ouvriers, élèves d'écoles profes­sionnelles de Milan, a utilisé des interviews en profondeur, sur la base d 'un schéma directeur. Elle a permis de formuler quelques hypothèses sur les intérêts de loisirs respectifs des jeunes dont la famille est d'origine urbaine ou d'origine paysanne1.

A Gênes, une enquête a été conduite sur « le temps libre de la jeunesse ouvrière2 ».

U n e étude de communauté , a été menée sur une agglomération de 8 000 habi­tants caractérisée par une industrie traditionnelle en voie de modernisation. U n e section d u questionnaire a trait à l'influence de la rationalisation du travail et des rapports de l'individu avec la société globale sur les activités de loisir.

1. Cf. Leone Dierre, Glï nomïui e le masse Euraudi, i960. 2. Luciano Cavalli, Il lempo libero dei giovanni la.oratori, Genova, 1959.

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U n certain nombre de questions sur le loisir ont été intégrées dans le questionnaire utilisé pour une enquête générale permanente sur le m o n d e du travail qui est effectuée par les bureaux de statistiques I S T A T et qui touche 60 000 familles.

U n e enquête importante sur u n échantillon national représentatif est également envisagée en ce qui concerne les camps de vacances.

PAYS-BAS

Pour coordonner les recherches consacrées au loisir, un Comité consultatif interdisciplinaire sur l'utilisation des loisirs a été fondé à la fin de 1957. C e comité prépare un sommaire exhaustif des recherches en cours ou en prépa­ration.

Bien qu'elle soit antérieure au projet international, il convient de citer, à cause de son importance, l'enquête générale conduite par le Bureau central de statistiques sur les « loisirs aux Pays-Bas au cours de l'hiver 1955-1956 ». Elle a porté sur un échantillon représentatif de la population de plus de douze ans, complété par quelques échantillons de groupes sous-représentés. L'enquête avait pour objet d'établir un relevé de l'équipement utilisable aux fins de loisir et des associations de loisir et de donner un aperçu de la structure de la vie culturelle aux Pays-Bas. Les sujets traités dans les huit premiers volumes parus sont les suivants : a) introduction méthodologique; b) les soirées et les fins de semaine; c) la fréquentation des cinémas; d) les habitudes de lecture; e) la vie associative;/) le théâtre et la musique; g) la pratique des hobbies; h) milieu social et loisir.

Dans le cadre tracé par le groupe international, une enquête pilote a été menée en 1958, sous la responsabilité du Sociaal-Pedagogisch Instituut de l'Université d 'Amsterdam ( M . ten H a v e ) , dans u n quartier de cette ville. Il s'agissait, avant tout, de mettre à l'épreuve le premier projet de question­naire international; 175 habitants ont été interrogés — pour la plupart des h o m m e s , ouvriers qualifiés ou petits employés ou fonctionnaires. Cette enquête a conduit à reviser assez profondément la première formulation du ques­tionnaire; en outre, et malgré le caractère insuffisamment représentatif de l'échantillon, les résultats obtenus ont été soumis à une analyse approfondie, qui a permis de formuler certaines hypothèses concernant, en particulier, la relation entre intérêts de loisir, âge et niveau d'éducation, entre la satisfaction dans le travail et le style de loisir, la fatigue et les loisirs passifs, etc.1.

POLOGNE

U n e étude des loisirs dans l'agglomération de Pruszköw a été conduite, sous la direction de M . Zajaczkowski, par une équipe de chercheurs, rattachée d'abord au Centre de recherche sociologique et d'histoire de la culture, puis à la chaire de pédagogie sociale de l'Université de Varsovie. Située à 30 k m de Varsovie, Pruszkòw est une ville-satellite industrielle de 30 000 habitants. Le questionnaire international a d'abord été adapté et complété par des

1. Cf. T . T . ten Have, A pilot study on leisure activais in an Amslerdam-area, à paraître dansle Bulletin, n° X , du groupe international.

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questions sur les déplacements professionnels, la classification sociale et les dépenses affectées aux loisirs. L a très grande mobilité sociale et la proximité de la capitale retentissent, en effet, profondément sur les modèles et habitudes de loisirs. L'enquête a porté sur un échantillon représentatif de 500 personnes. Les résultats sont en cours d'exploitation.

Des sondages sont effectués dans plusieurs autres villes satellites par l'Institut d'opinion publique; ils portent sur le budget-temps de la population.

L e Centre de recherche de pédagogie sociale de l'Université de Varsovie (professeur Wroczinsky) poursuit depuis plusieurs années une étude sur les habitudes de lecture des habitants d 'un quartier ouvrier de la capitale.

SUISSE

Aucune enquête de sociologie du loisir n'a encore eu lieu. Cependant, certains aspects de la question ont été étudiés indirectement à l'occasion d'enquêtes sociologiques portant sur d'autres sujets. U n e enquête de la Fédération des ouvriers de la métallurgie et de l'horlogerie a notamment permis de déterminer la durée effective (journalière et annuelle) du temps libre dont dispose cette importante catégorie de travailleurs. Cette m ê m e enquête fournit des données intéressantes sur le m o d e de vie et la structure des budgets familiaux (dépenses pour les vacances, notamment). D e son côté, le M o u v e m e n t populaire des familles a publié une brochure intitulée Alerte, où sont consignés les résultats d'une recherche portant sur mille familles. E n outre, des instituts d'étude du marché et d'étude de l'opinion ont effectué des enquêtes diverses, à l'occasion desquelles des questions ont été posées sur des phénomènes tels que la lecture de la presse, l'écoute de la radio, etc. Certains bureaux cantonaux ou muni ­cipaux de statistiques se livrent à des recherches qui touchent plus ou moins directement aux problèmes du loisir (voir, par exemple, les publications du Bureau de statistiques de Zurich). D e son côté, la Société suisse de sociologie a entrepris des préparatifs en vue d'une recherche sur le loisir.

L e Centre de recherches sociologiques de Genève (professeur Girod) envi­sage, enfin, d'entreprendre une monographie sur les loisirs des jeunes gens et jeunes filles d'une vingtaine d'années. Cette enquête s'inspirera, dans toute la mesure du possible, des principes énoncés par le groupe international. Elle se limitera sans doute au canton de Genève.

Y O U G O S L A V I E

U n e enquête sur les loisirs de la population adulte a été conduite, en 1958-1959, dans trois c o m m u n e s industrielles de Slovénie — Trbovlje (15 000 habitants), Vrhnika (3 000 habitants) et M e d v o d e (2 500 habitants) — qui diffèrent entre elles par leur structure socio-économique. Le projet, réalisé par un groupe de chercheurs ( M M . V . Ahtik, V . Bonac, S. Saksida), est patronné, entre autres, par le Conseil des syndicats, l'Association d'éducation ouvrière et l'Institut des sciences sociales de Ljubljana (professeur Ziherl). Dans les trois communautés, des échantillons représentatifs ont été constitués, sur la base du personnel des usines, qui comprend 40 % de femmes dans les deux dernières communautés ; au total, 850 personnes adultes ont été interviewées.

L e dispositif d'enquête comportait trois étapes : a) une étape d'exploration

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

(1958), comprenant en particulier : une étude de l'emploi du temps quotidien établi par 100 chefs de famille; une enquête préliminaire, portant sur un échan­tillon systématique de 100 ouvriers de Ljubljana; l'interview de leaders respon­sables de l'action culturelle; b) une étape d'enquête proprement dite, compre­nant : des interviews d'échantillons, en reprenant l'essentiel d u questionnaire international et en y ajoutant des questions à l'usage des organisations inté­ressées (avril 1959); une étude de l'équipement culturel; une étude du déve­loppement historique de la vie culturelle et sociale; c) une étape d'expéri­mentation, sur le terrain et en laboratoire, pour vérifier : les hypothèses concernant l'évolution des activités de loisir; les hypothèses concernant l'effi­cacité des organisations de loisirs récréatifs et culturels.

L'enquête portant sur les trois c o m m u n e s a fait l'objet d'une publication exposant les méthodes de recherche, l'équipement des c o m m u n e s étudiées et les résultats généraux en ce qui concerne les diverses activités de loisir en relation avec le travail professionnel, la vie familiale, la participation sociale et l'éducation des adultes.

O n s'est efforcé de saisir la réalité du loisir au triple niveau du comporte­ment , des attitudes individuelles (motivations explicites) et de l'information. Trois dimensions relativement indépendantes ont été distinguées dans l'étude des activités de loisir : la diversité, l'intensité et la capacité d'expression.

L'Institut fédéral de statistiques a achevé, en décembre 1958, une enquête nationale sur les femmes au travail dans l'industrie; 27 478 femmes ont été interrogées dans 62 centres urbains. Le questionnaire comprenait une impor­tante section sur les loisirs quotidiens, hebdomadaires et annuels. Les résultats ont été publiés dans le Bulletin de statistiques, n° 55 (avec un sommaire anglais). Ils mettent en évidence le rôle de la qualification professionnelle, du niveau des revenus, de l'éducation scolaire et surtout de la structure familiale sur les loisirs des femmes. U n grand nombre d'autres enquêtes sont en cours ou en préparation : en particulier une étude sur les loisirs des travailleurs à Belgrade (Institut des sciences sociales) et une enquête auprès de 13 000 apprentis en Slovénie (un tiers des questions posées portaient sur les loisirs) ; il convient, enfin, de signaler le travail permanent du Bureau d'étude des besoins et intérêts qui fonctionne à l'Université ouvrière de Zagreb.

Cet aperçu d'ensemble n'a pas la prétention d'être complet. Il ne signale, pour les pays mentionnés, que les enquêtes plus ou moins directement ratta­chées aux travaux du Groupe international d'étude des sciences sociales du loisir. Pour des raisons accidentelles, des renseignements précis ont fait défaut pour deux des pays représentés au sein de ce groupe : le R o y a u m e - U n i et l'Autriche.

Le groupe a mis à l'étude un projet de fichier international centralisé des sciences sociales du loisir, qui serait alimenté par les équipes nationales. C e fichier doit permettre d'accélérer et de systématiser l'information des cher­cheurs et des praticiens de l'action culturelle en ce qui concerne les travaux et recherches menés dans chaque pays. U n e première bibliographie systéma­tique a déjà été établie pour la France, en avril 1959 (J. Dumazedier et F . de Charnace : Les sciences sociales du loisir — Bibliographie française et guide d'orien­tation documentaire, polycopié, 150 pages, Centre d'études sociologiques, Paris).

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

LA SOCIOLOGIE DES LOISIRS AUX ETATS-UNIS

A L I N E R I P E R T

Il ne peut être question, en quelques pages, de retracer de façon détaillée l'histoire de la sociologie des loisirs aux Etats-Unis. Il est d'autant moins possible de rendre compte des études entreprises sur ce sujet depuis main­tenant soixante ans que l'extrême variété de leurs orientations conduirait à un aperçu confus. N o u s avons préféré, peut-être avec un certain parti pris, présenter cinq chercheurs dont les travaux nous paraissent les plus caracté­ristiques des principales tendances de la sociologie des loisirs depuis le début du xx e siècle.

Les conditions dans lesquelles sont apparus les problèmes du loisir n'ont plus besoin d'être longuement exposées. Rappelons seulement qu'outre le rôle déterminant de l'industrialisation et de l'urbanisation, certains facteurs particuliers aux États-Unis ont largement contribué à rendre aiguë l'actualité de ces problèmes. L'expansion industrielle et économique s'est réalisée avec une extrême rapidité, bousculant du m ê m e coup les structures économiques et sociales établies, et les transformant radicalement.

L'absence d'une civilisation traditionnelle et de modèles culturels fonda­mentaux préexistants a facilité l'emprise de la civilisation industrielle, tandis que la juxtaposition de nombreuses cultures diversifiées, importées par les emigrants d'origine différente, a fait rechercher le m o y e n de compenser l'hétérogénéité du melting pot par une culture c o m m u n e , qui ne pouvait être qu'une culture de masse. Celle-ci, tout naturellement, se manifeste et prend toute sa signification au cours de l'utilisation du temps libre.

D'autre part, la valeur primordiale attribuée au travail depuis l'installation des premiers pionniers, et jusqu'au début du xx e siècle, en passant par le gilded age, a créé u n climat austère, impropre à susciter un intérêt spontané pour le loisir. U n e solide tradition religieuse, alliée au respect du travail, qui seul a pu apporter la richesse aux temps héroïques, telles sont les composantes de ce puritanisme si souvent dénoncé aux Etats-Unis. Mais, dans les faits, le loisir est devenu un problème national, en raison du développement du temps libre et de l'importance croissante prise par les industries du loisir. Il est devenu indispensable de « consommer » du loisir. Dès lors, à l'éthique du travail tend progressivement à se substituer une éthique du loisir, la fun morality, selon l'expression de Martha Wolfenstein.

Si l'on tente de schématiser l'évolution de la sociologie des loisirs aux États-Unis, deux remarques s'imposent.

E n premier lieu, le m o d e d'approche des problèmes a suivi une évolution circulaire. Expliquons-nous : A la fin du xixe siècle, The theory of the leisure-class, de Veblen, qui a marqué les débuts de la sociologie du loisir, rendait compte d'une recherche menée d 'un point de vue global. E n effet, le loisir y était étudié en tant que tel et l'objectif était d'en saisir la ou les significations. A l'étude du loisir s'est progressivement substituée l'étude des loisirs, laquelle s'attache surtout à comprendre le rôle des différentes activités, à décrire des comportements, etc. Actuellement, compte tenu des éléments fournis par ces études partielles, des sociologues abordent de nouveau le concept de loisir et cherchent à dégager de leurs études et de leurs enquêtes le m o y e n de c o m ­prendre les significations et les fonctions de celui-ci.

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

THORSTEIN V E B L E N

L a publication, en 1899, de The theory of the leisure-class1, par Thorstein Veblen, marque la première date importante dans l'histoire de la sociologie des loisirs aux États-Unis. Certes, Veblen n'était pas un sociologue au sens où nous l'en­tendrions aujourd'hui. A vrai dire, ni l ' h o m m e , ni l'œuvre ne se rangent aisément sous l'étiquette d 'une spécialité. Economiste de formation, c'est à l'étude des facteurs économiques dans la vie moderne que Veblen consacra son œuvre. L'ampleur de son dessein le conduisit à ne pas fonder seulement ses analyses sur des bases économiques, mais à recourir aux apports de l'ethno­logie et de la psychologie sociale. C'est finalement dans la lignée des grands philosophes sociaux du xixe siècle qu'il convient sans doute de situer Veblen.

L a contribution de son livre à la sociologie du loisir est double : il met pour la première fois en évidence l'importance du loisir c o m m e fait social; il montre les relations très étroites qui existent entre les pratiques de loisir et les structures sociales.

L a démarche intellectuelle de Veblen s'explique aisément, si l'on tient compte de la situation sociale qu'il s'attache à analyser.

Le loisir étant, en cette fin d u xixe siècle, l'apanage d'une élite, c'est assez naturellement que l'auteur axera son étude sur le loisir considéré dans ses rapports avec les classes sociales et, plus précisément, avec la classe privilégiée qui bénéficie d 'un temps de loisir. C'est d'ailleurs sur la notion de temps qu'il fondera son concept de loisir. Pour lui, le loisir recouvre toute la durée de la vie hors travail et la quantité de loisir dont jouit l'individu le classe auto­matiquement soit dans la classe privilégiée, dite « de loisir », soit parmi les producteurs. D o n c , la « classe de loisir » ne participe pas directement à la production et dispose de temps et de revenus beaucoup plus importants que les autres classes sociales. Le concept de loisir prend ainsi un sens économique et social.

O n retrouve, en effet, l'imbrication des données économiques et sociales dans le concept de consommation ostentatoire {conspicuous consumption), repris, après Veblen, par nombre de sociologues. Selon Veblen, la richesse dans la civilisation industrielle prend de l'importance en tant que source d'estime et de réputation. Il s'agit d'obtenir l'estime des autres : les biens de consomma­tion manifestent la richesse et assurent honneur, respectabilité et prestige.

L a possession des biens de consommation indique le montant des revenus et le temps passé à des activités de loisir est la preuve du temps libre et de la non-participation au m o n d e d u travail.

O n assiste là à un véritable renversement des valeurs traditionnelles qui glorifient le travail et associent loisir et oisiveté. Veblen, nordique, puritain et solitaire, constate ce phénomène avec d'autant plus de pessimisme que cette « classe du loisir » joue un rôle déterminant dans la transmission des modèles culturels aux autres classes sociales. E n définitive, les valeurs de la classe de loisir lui paraissent stérilisantes pour l'ensemble de la société. Ceci explique le caractère de pamphlet que présente son ouvrage — et qui, pour certains, suffit à en réduire la portée scientifique.

L 'œuvre de Veblen demeure néanmoins fondamentale pour la sociologie des loisirs, m ê m e si l'évolution de la civilisation industrielle est venue démentir certains de ses jugements et de ses pronostics.

1. Thorstein Veblen, The theory of the leisure-class. N e w York, The Modern Library ,189g.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

E n particulier, l'étude de la « classe de loisir » a conduit Veblen à faire une description des types de comportements de loisir, qui, si incomplète soit-elle, marque le premier essai scientifique dans ce domaine.

ROBERT S. LYND

Les années qui suivirent la publication de The theory of the leisure-class virent la publication de nombreux essais philosophiques ou moraux et de pamphlets. Il faut cependant attendre 1929 et la publication de Middletown1 par Robert Lynd pour trouver une étude sociologique traitant des loisirs de façon substan­tielle.

A u m o m e n t m ê m e où la sociologie industrielle progressait grâce aux tra­vaux d'Elton M a y o , Robert Lynd ouvrait un nouveau c h a m p aux études sociologiques par une enquête menée à l'échelle d'une ville. Par cette recherche, Lynd inaugurait une technique tout à fait nouvelle dans le domaine des loisirs : l'étude en milieu réel. C'est avec lui, également, qu'est née la recherche empirique en ce qui concerne le loisir. Lynd a entrepris ses travaux avec la naïveté méthodique et concertée qui est la règle de l'ethnographe. Il a tenté d'analyser les pratiques de loisir des habitants de Middletown et de saisir de quelle façon s'opérait l'intégration du loisir dans la vie urbaine. Avec les moyens dont il disposait, Lynd a cherché à mettre en rapport les pratiques de loisir de 1925 et celles de la fin du xixe siècle. Les résultats ont souligné le délaissement de certains loisirs traditionnels, c o m m e les fêtes, par exemple, au profit de loisirs nouveaux, offerts par le progrès technique, c o m m e la lecture des périodiques illustrés ou l'écoute de la radio. Ces changements constatés dans les pratiques de loisir ont profondément modifié le m o d e de vie des habi­tants. L'apparition de l'automobile est peut-être l'exemple le plus caractéris­tique d'un facteur de transformation radicale de la vie quotidienne.

D e la lecture de Middletown se dégage un intéressant portrait du m o d e de vie de l'Américain m o y e n en 1929. Mais là ne réside pas, à m o n avis, l'apport essentiel de Lynd. Il faut plutôt lui reconnaître le mérite d'avoir, le premier, tenté une enquête scientifique sur le terrain, en milieu réel, et d'avoir ainsi présidé au développement de la recherche empirique en matière de socio­logie des loisirs. D'autre part, le dépouillement de ses interviews et de ses données statistiques a prouvé, par des résultats scientifiques, l'importance du loisir, non seulement par la place qu'occupent les pratiques de loisir dans la vie quotidienne, mais aussi par le rôle que joue le loisir c o m m e facteur capable de modifier la vie sociale. Ainsi le loisir n'est plus un fait social à étudier en tant que tel parmi tant d'autres : il joue un rôle décisif dans l'adaptation ou l'inadaptation sociale, dans l'intégration ou la non-intégration à la société.

C e point est d'ailleurs mis encore mieux en lumière dans la deuxième enquête menée à Middletown par Lynd en 19352. A u cours de sa première enquête, celui-ci avait constaté que le changement social était permanent et que ce changement résultait d'actions et de réactions individuelles aux influences extérieures. Désireux de saisir la nature et les causes du changement, afin de pouvoir entreprendre une sociologie prévisionnelle, Lynd s'attacha à

1. Robert S. Lynd et Helen Lynd, Middletown, traduction par F. Alter, Paris, Éditions du Carrefour, 1931. 2. Robert S. Lynd et Helen Lynd, Middletown in transition, New York, Harcourt Brace & Co., 1937.

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l'étude des transformations sociales et culturelles qui s'étaient produites à Middletown à la suite de la crise économique de 1929.

Ainsi les nouveaux modes d'utilisation du temps libre allaient être mis en rapport avec l'évolution économique et sociale.

L'utilisation d'une documentation très abondante montre les changements intervenus après la crise dans les pratiques et les aspirations. L'ensemble des deux études offre, pour la première fois, un essai de sociologie dynamique et relationnelle. E n cela, Lynd peut être considéré c o m m e un précieux novateur.

LLOYD W A R N E R

Professeur d'anthropologie, il a publié, entre 1941 et 1947, 5 volumes rendant compte des résultats d'une étude qu'il avait menée pendant trois ans dans une ville américaine1. L'enquête avait pour cadre une petite ville, Yankee City, et l'objectif général de Warner était d'arriver à analyser les mécanismes du comportement.

Les pratiques de loisir et les attitudes à l'égard du loisir ont été étudiées à ce titre. Si l'on peut relever, à travers toute l'enquête, u n intérêt marqué de la part de Warner pour les problèmes posés par le loisir, il est néanmoins frap­pant de constater l'absence du terme m ê m e de loisir. Cela s'explique par la définition que Warner en donne — à savoir l'ensemble de la vie hors travail. Ainsi, le temps qui n'est pas passé à l'usine ou au bureau est automatiquement un temps de loisir.

Selon l'auteur, l'évolution sociale est partiellement déterminée par les comportements individuels. O r ceux-ci dépendent essentiellement de la posi­tion des individus dans la hiérarchie sociale. Warner a donc été conduit à établir a priori une classification des catégories sociales, pour pouvoir étudier les différents comportements socio-culturels. Sa contribution à la sociologie du loisir est constituée par des données intéressantes, mais limitées à des traits culturels considérés dans leurs rapports avec les classes sociales, elles-m ê m e s un peu rigidement définies.

L'étude des budgets familiaux, d'une bibliothèque municipale ou des associations locales donne néanmoins, à cet égard, de nombreux et précieux renseignements.

D'autre part, sur le plan méthodologique, l'enquête de Warner est d'une facture nouvelle. Il ne se contente pas d'énoncer des hypothèses : tout au long de l'exposé des résultats, il indique les techniques qu'il a utilisées et présente des tableaux statistiques et des diagrammes qui permettent de suivre simulta­nément le processus de la recherche et le cheminement de la pensée. C'est la première fois que l'étude de chaque fait social concernant les loisirs est soumis à un contrôle technique qui nous assure de sa validité.

PAUL LAZARSFELD

L e prodigieux développement des moyens de grande information (mass media) — presse, radio, cinéma et télévision — au m o m e n t de la seconde

1. Lloyd W . Warner et Paul Lunt, « The status system of a m o d e m community », Yankee City series, t. I, New Haven, Yale University Press, 1941.

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guerre mondiale a suscité tout particulièrement l'attention du gouvernement et des chercheurs.

Paul Lazarsfeld, qui avait déjà, à la demande du gouvernement, fait des études sur les phénomènes de propagande, était tout désigné pour devenir un spécialiste de la question. Si ses travaux n'ont jamais porté sur les problèmes du loisir en général, ses enquêtes sur la presse et la radio ont largement contri­bué à la prise de conscience de l'importance des mass media dans le m o n d e moderne. Mais c'est surtout dans un livre passionnant, Personal influence1, paru en 1955, que Paul Lazarsfeld a tiré de ses précédentes enquêtes un ensei­gnement particulièrement intéressant. E n effet, il a cherché à déterminer le rôle que jouent les mass media dans la formation et la transformation des opi­nions, ainsi que la manière dont ces opinions se transmettent. L'auteur a montré, pour la première fois, les deux degrés qui existent dans le processus de communication : de la radio ou de la presse au leader et du leader aux masses.

Phénomène capital, si l'on songe aux conséquences : le leader est en mesure, s'il le souhaite, d'exercer une pression en vue d'obtenir un changement dans les attitudes ou les opinions des membres du groupe. Niais, dans l'état actuel des choses, il est souvent un des agents responsables du conformisme attribué généralement au développement des mass media.

E n ce qui concerne les loisirs, Lazarsfeld a été le premier à mettre l'accent sur l'importance de la minorité agissante constituée par les leaders. Les ani­mateurs socio-culturels, ceux que les Américains appellent les « travailleurs sociaux », sont reconnus pour ce qu'ils sont : le trait d'union entre la culture et les masses.

E n ce sens, les recherches de Paul Lazarsfeld s'inscrivent positivement dans l'évolution historique de la sociologie des loisirs, bien que cet auteur ne se soit intéressé qu'aux problèmes posés par les moyens de grande infor­mation.

D A V I D RIESMAN

David Riesman m è n e simultanément des recherches théoriques sur le concept et les significations du loisir et des recherches empiriques, concernant les activités de loisir.

Ses travaux, qui devaient apporter une contribution majeure à la compré­hension des problèmes du loisir, ont trouvé leur point de départ dans la constatation de la profonde inadaptation de l'Américain contemporain à une société de la consommation et du loisir.

The lonely crowd2, dont la publication eut un grand retentissement aux Etats-Unis, est consacré à une analyse des transformations du caractère américain. Cette analyse débouche sur l'idée que c'est seulement dans le loisir que l ' h o m m e aura une chance de réaliser une adaptation librement consentie. Les changements qui interviennent dans la population et dans la technologie sont à mettre partout en corrélation avec ceux qui affectent le caractère social. Riesman ne nie pas l'influence qu'exercent sur l'individu les transformations de son environnement économique et social, mais il insiste

1. Paul F. Lazarsfeld et Elihu Katz, Personal influence, Glencoe (111.), The Free Press, 1955. 2. David Riesman, Reuel Denney et Nathan Glazer, The lonely crowd, New Haven, Yale University Press, 1950.

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

très fortement sur la réciprocité de ce processus dans la détermination des comportements individuels et collectifs. Sur ce point, Riesman a été profon­dément marqué — il le reconnaît lui-même — par la personnalité et l'œuvre d'Erich F r o m m . Celui-ci est u n des psychanalystes américains qui ont beau­coup contribué au rapprochement de la sociologie et de la psychanalyse. Fear of freedom1, publié en 1942, et Alan for himself, publié en 1947, ont eu une importance capitale pour la pensée de Riesman.

Les transformations de la société américaine ont déterminé les mutations successives du caractère de l ' h o m m e moderne. Cet h o m m e , dirigé par les autres {other directed) et soumis à l'influence des peer-groups dont il fait partie, ne peut trouver son autonomie que dans le loisir. E n effet, le travail ne peut plus permettre à l ' homme moderne de conquérir cette autonomie, il offre seulement le m o y e n d'accéder au loisir. O r Riesman constate que nos connais­sances en ce qui concerne les problèmes du loisir sont insignifiantes, en raison de définitions culturelles qui donnent la priorité au travail.

Il insiste sur la nécessité de porter la plus extrême attention aux transfor­mations en cours dans la société américaine. L'importance manifeste du loisir ne doit pas entraîner des conclusions trop hâtives. L'accélération du change­ment social et le manque de connaissances réelles incitent à la prudence. C'est dans cet esprit que Riesman procède à une analyse fine de certains comportements de loisir, à propos desquels il met assez souvent en évidence l'insuffisance des schémas traditionnels d'interprétation, par exemple ceux qui s'appliquent aux rapports du secteur commercial et du secteur non commercial.

Certains critiques ont reproché à Riesman l'insuffisance des données sur lesquelles se fondent ses affirmations. Mais Riesman a répondu en insistant sur le fait que le modèle qu'il propose vaut, c o m m e hypothèse de travail, pour des travaux d'investigation dont il ne conteste ni la nécessité ni l'impor­tance.

Cette recherche théorique devait trouver son prolongement dans les enquêtes menées par le Centre d'études du loisir, à Chicago, dont Riesman fut n o m m é directeur en 1955. Rolf Meyersohn, directeur des recherches, et plusieurs sociologues, dont Reuel Denney, qui est depuis longtemps le collaborateur de Riesman, complétaient l'équipe de chercheurs. L'importance des pro­blèmes posés conduisit à rechercher la coordination des travaux et la coopé­ration de différentes disciplines. Étant donné les multiples centres d'intérêt et les méthodes différentes des chercheurs réunis autour d 'un si vaste sujet d'études, il fut décidé d'aborder les problèmes du loisir au m o y e n d'enquêtes menées dans trois directions.

L a première enquête avait pour cadre et pour sujet la banlieue. Les pratiques de loisir y sont différentes des pratiques urbaines traditionnelles. Pour les nouveaux venus, il se pose un problème d'adaptation. L'enquête a cherché à déterminer le processus de cette adaptation, à connaître les modèles offerts aux individus et à en étudier les modifications. Le jardinage a été ainsi l'une des activités de loisir étudiées par le centre.

U n e autre série d'enquêtes a porté sur les rapports travail-loisir. Les atti­tudes de loisir ont été étudiées dans une usine où la semaine de travail était bouleversée par un système de congés de fin de semaine donnant, à certains moments, trois jours de repos consécutifs. L a mise en application de la semaine

1. Erich Fromm, Fear of freedom, London, Kegan Paul, Trench, Trubner, 1942.

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de travail de quatre jours, prévisible dans un avenir assez proche, explique l'intérêt de Riesman pour l'étude des attitudes au travail, en fonction d u calendrier, et des répercussions de l'allongement des week-ends sur les atti­tudes de loisir.

Les mass media ont fourni le troisième centre d'intérêt. L'objectif était de déterminer la nature du plaisir que retirent les individus de l'utilisation de ces moyens d'information, l'importance respective de l'évasion et de l'identi­fication, l'apport du cinéma dans la psychologie populaire.

Bien que le Centre d'études du loisir ait été dissous récemment, les enquêtes en cours seront menées à bien. L a démarche de David Riesman est inté­ressante à plus d 'un titre. D ' u n e part, l'équilibre entre la recherche théorique et la recherche expérimentale paraît être la bonne solution pour faire progresser la sociologie des loisirs. Riesman a su voir les défaillances théoriques des enquêtes empiriques précédentes. D ' u n autre côté, les résultats d'enquêtes lui apportent de quoi vérifier la validité de ses hypothèses. Par ses travaux, Riesman se distingue à la fois des philosophes sociaux du type Veblen et des chercheurs qui se contentent d'enquêtes empiriques, fatalement partielles et limitées.

Le besoin de reprendre les anciens concepts et la nécessité d'appuyer la recherche sur une théorie nouvelle sont profondément ressentis par tous les sociologues américains qui s'intéressent aux problèmes du loisir. L a publi­cation, au cours des deux dernières années, de deux numéros spéciaux de revues et d'une anthologie1 entièrement consacrés à ces problèmes en constitue une preuve suffisante. Ces ouvrages reprennent certains articles ou chapitres de travaux déjà publiés, mais d'autres analyses témoignent du dynamisme de l'actuelle sociologie des loisirs. E n effet, pour ne citer qu 'un exemple, E . Larrabee2, dans un article consacré au hobby (dada), n'hésite pas à pro­clamer l'urgence d'une remise en question des concepts et le besoin de renou­vellement d'une pensée théorique sur le loisir : jusqu'à ces dernières années, en effet, le loisir était étudié surtout c o m m e moyen d'intégration sociale et c o m m e source de biens de consommation.

Il n'y a pas de doute qu'à l'heure actuelle les sociologues américains ont compris l'importance spécifique du loisir en tant que fait social. Leurs recherches ne s'orientent plus seulement désormais vers des analyses de comportements et d'attitudes, elles cherchent aussi à saisir les différentes fonctions et significations du loisir dans la civilisation industrielle.

1. « The uses of leisure », The American journal of sociology, vol. LXII , mai 1957. « Recreation in an age of auto­mation », The annals of the American Academy of Political and Social Science, septembre 1957. Mass-Leisure, edited by Eric Larrabee et Rolf Meyersohn, Glencoe (111.), The Free Press, 1958.

2. Eric Larrabee, « What 's happening to hobbies ? », Mass-leisure, op. cit., p. 268-274.

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PARTICIPATION D'EXPERTS DE L'UNESCO A LA MISSION D'ETUDE DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES SUR L'URBANISATION

DANS LA REGION MEDITERRANEENNE

(mai-décembre 1959)

Par sa résolution 694 ( X X V I ) C . 2. du 31 juillet 1958, le Conseil économique et social de l'Organisation des Nations Unies avait demandé d'étudier quelles mesures préli­minaires pourraient être prises en vue d'établir par la suite un programme d'action concertée dans le domaine de l'urbanisation. A la suite de cette demande un groupe de travail intersecrétariat chargé des questions d'urbanisation, après avoir examiné les divers problèmes et possibilités d'action concertée dans ce domaine, recommandait, c o m m e mesure préliminaire la plus appropriée, d'effectuer des enquêtes dans diffé­rentes régions en vue : a) d'évaluer sur place les problèmes les plus urgents dont il conviendrait de rechercher la solution des efforts coordonnés des divers services admi­nistratifs nationaux; b) d'étudier les cas où ces efforts coordonnés ont été entrepris; c) de formuler des recommandations en vue de multiplier ces cas.

L a mission d'enquête sur l'urbanisation dans la région méditerranéenne, dont il sera question dans ce rapport, a été constituée en exécution de la résolution ci-dessus. Mise sur pied par l'Organisation des Nations Unies, qui s'était réservé le choix d'un des membres et du chef de la mission, elle comprenait les membres suivants désignés par les agences spécialisées intéressées : Chef de la mission : André Prothin, directeur général honoraire au Ministère de la

construction, Paris, spécialiste des problèmes d'administration publique, de l'urba­nisme et de la planification (désigné par l ' O N U ) ;

Membres : D r G . Hendricks, chef du Département de la recherche, de la planification et du développement communautaire, L a Haye , spécialiste en matière de services sociaux et du développement communautaire (désigné par l ' O N U ) ; E m m a n u e l Keukjian, administrateur des affaires économiques, Nations Unies, N e w York, économiste (désigné par l ' O N U ) ; professeur G . Parenti, Université de Florence, démographe-sociologue spécialisé dans les problèmes urbains (désigné par l'Unesco) ; professeur G . Canaperia, directeur général au Ministère de la santé, spécialiste des problèmes de santé et d'hygiène publique (désigné par l ' O M S ) ; G . Lambert-L a m o n d , administrateur des affaires sociales, Nations Unies, Genève, secrétaire de la mission.

D e plus, des fonctionnaires désignés par le B I T , l'Unesco et la F A O ont participé aux travaux de la mission à Genève, et des représentants et experts de ces deux organisa­tions dans les quatre pays étudiés ont coopéré avec la mission dans les domaines de leurs compétences respectives.

U n avant-projet de recherche, établi par un groupe de travail inter-secrétariats, confiait à chaque organisation participante ( F A O , O M S , O I T , Unesco, O N U ) le soin de rassembler et de mettre à la disposition de la mission les données et les rensei­gnements disponibles dans le domaine de sa compétence, sur la base d'un plan général à agréer. L'Unesco, en particulier, s'était engagée à prendre les mesures nécessaires pour que la mission dispose en matières de sciences sociales de données sur les pro­blèmes et l'évolution de l'urbanisation dans chacune des régions à visiter, rassemblées à l'avance par des spécialistes locaux. Elle décidait, en outre, dans la mesure où le permettrait le temps fixé pour l'enquête, d'organiser des études en vue de recueillir de nouveaux renseignements.

Les tâches de l'expert de l'Unesco étaient donc les suivantes : 1. Contribuer, en qualité d'expert conseil de l'Unesco, à la préparation de la mission,

soit en participant aux réunions de planification et de consultation avec les insti­tutions spécialisées intéressées, soit en agissant en tant qu'organisateur et conseiller

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

pour les études devant être confiées à des spécialistes locaux dans les pays à visiter. 2. Participer en qualité de m e m b r e désigné par l'Unesco aux travaux de la mission

d'enquête sur l'urbanisation dans la région méditerranéenne, afin d'aider à l'inter­prétation et à l'évaluation des données existantes en matière de sciences sociales.

3. Participer à l'élaboration du rapport final sur les résultats de cette enquête, destiné aux Nations Unies et aux agences spécialisées.

A u cours des réunions préparatoires du groupe de travail intersecrétariat en mars et avril 1959 à Genève — auxquelles participait l'expert de l'Unesco — l'accord se fit sur les pays et les villes à visiter. U n e liste provisoire de questions sur lesquelles des informations préalables devaient être rassemblées avant le départ de la mission fut établie. L'Unesco prenait à sa charge le rassemblement de la documentation concernant la structure sociale des pays et des villes à visiter. L'analyse des motivations des migra­tions vers les villes, l'étude des problèmes de transition et d'adaptation des migrants et des conséquences de l'urbanisation sur la vie familiale, etc. A cet effet, une mission préliminaire de l'expert était prévue, en vue de prendre contact avec des spécialistes locaux dans les pays choisis (Grèce, Maroc , province d'Egypte de la R A U ) pour leur confier, sur la base d'un schéma agréé, la tâche de condenser dans des rapports rédigés à l'intention de la mission les données et les études scientifiques en matière d'urba­nisation.

Le groupe de travail inter-secrétariats constata toutefois que la documentation dont les organisations participantes disposaient dans certains secteurs, et notamment dans celui des mouvements migratoires internes, du niveau de vie, des conditions de travail et d'habitation, n'était pas suffisante pour fournir une base adéquate à l'activité de la mission. L'expert de l'Unesco fut donc chargé de prendre contact, à l'occasion de sa mission préliminaire, avec les institutions et les services nationaux ou locaux intéressés, en vue d'obtenir des compléments d'information sur certains aspects de l'urbanisation dans les pays respectifs.

L'expert accomplit sa mission préliminaire en mai-juin 1959, après avoir visité la F A O à R o m e et après avoir pris connaissance de la documentation recueillie par cette organisation pour la préparation du projet de développement de la région méditer­ranéenne.

U n e liste de documents préliminaires rédigés à l'intention de la mission figure en annexe au présent document.

L a mission s'est réunie à Genève du 2 au 7 novembre 1959 pour prendre contact avec les représentants des organisations participantes, afin d'examiner la documen­tation rassemblée ou reçue par ces organisations à la suite de la mission préliminaire de l'expert de l'Unesco et de préciser la méthode de travail, le programme des visites, l'étendue et le contenu du rapport à présenter. Elle quitta Genève pour Athènes le 7 novembre 1959 et séjourna en Grèce jusqu'au 18. D u 19 au 29 elle visita l'Egypte (Le Caire), et du 30 au ier décembre la Libye (Tripoli). La visite au Maroc (Rabat, Casablanca, Agadir) eut lieu du 3 au 13 décembre.

L a méthode de travail adoptée consistait, dans chacun des lieux visités, en des entre­tiens des membres de la mission — individuellement ou en groupes — avec les autorités nationales ou locales responsables des services, des mesures ou des politiques touchant directement ou indirectement à l'urbanisation, y compris les services d'études ou de documentation. Des contacts furent également pris avec les chercheurs et les institu­tions de recherche intéressées en ce domaine. Les résultats de ces entretiens étaient discutés en groupe, sur la base des expériences et des connaissances de chacun et à la lumière des renseignements écrits, mis préalablement à la disposition de la mission. Les conclusions provisoires étaient ensuite arrêtées.

Dans ce travail d'équipe l'expert de l'Unesco, en raison de sa compétence person­nelle, s'est vu confier, en plus du secteur de la recherche sociale et de l'éducation, les contacts concernant le rassemblement et l'analyse critique de la documentation statistique et des enquêtes spéciales portant sur les niveaux de vie et les conditions d'habitation. L ' examen des techniques de la planification économique a aussi retenu l'attention de l'expert agissant en collaboration avec l'économiste de la mission.

Les études rédigées par des spécialistes locaux sous contrat avec l'Unesco — ainsi

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

que leur participation directe à la discussion et à l'interprétation de certaines données d'ordre social — ont été très utiles à la mission.

Les quatre pays que la mission a visités présentent une caractéristique c o m m u n e fondamentale : une surpopulation rurale se manifestant sur une superficie cultivable limitée, mais dont l'utilisation pourrait être parfois améliorée. Cette surpopulation se manifeste par l'importance de l'économie de subsistance, par des niveaux de vie très bas et par un sous-emploi chronique. Dans ces conditions, il est normal que les habitants des campagnes aient cherché des moyens d'existence dans les régions urbaines qui offraient certaines possibilités d'emploi. Le développement de l'industrie et des services, l'amélioration des communications et des échanges entre villes et campagnes et la désagrégation des structures traditionnelles ont contribué à accélérer ce mouvement qui a largement contribué depuis une vingtaine d'années au taux de croissance des villes dans les pays visités.

Des facteurs secondaires, dont la guerre ou les troubles civils semblent avoir été les plus importants, ont aussi joué leur rôle. Mais, en général, il semble que l'attraction réelle exercée par les villes ait été moins forte que le refoulement des régions rurales, dû à la nécessité pour une partie de la population de quitter les campagnes. E n fait, le nombre des emplois stables qui ont été créés dans les zones urbaines semble avoir été relativement réduit. L'industrie s'est surtout développée récemment sur des bases et avec des techniques modernes impliquant l'usage de capitaux importants mais contri­buant assez peu à élever le niveau de l'emploi.

M ê m e en Grèce, où la production industrielle a augmenté de 50 % dans les dix dernières années, le nombre des personnes employées dans les entreprises industrielles s'est à peine accru. L a situation est à peu près la m ê m e dans les pays où coexistent deux systèmes économiques, en ce sens que la croissance du secteur moderne a, en fait, réduit les possibilités d'écoulement de la production artisanale et aggravé le chômage et le sous-emploi dans le secteur traditionnel.

Le développement accéléré de certaines grandes villes a créé ou aggravé un certain nombre de problèmes d'ordre administratif, économique et social. L a mission a estimé, toutefois, qu'il ne convenait pas de les attribuer nécessairement tous à l'urbanisation. Dans bien des cas l'accroissement des villes a simplement mis en lumière des difficultés qui existaient déjà dans les régions rurales et dans l'ensemble des pays.

Parmi ces problèmes ou difficultés on peut noter en premier lieu l'extension en surface des villes due au m a n q u e de plans directeurs et à la spéculation sur les terrains dans les quartiers moins périphériques. C e genre d'expansion a compliqué le développement normal des villes et la fourniture des services. C'est ainsi que le coût de l'équipement sanitaire, de la distribution d'eau et d'électricité, de l'enlèvement des ordures et des transports publics a augmenté démesurément ou est m ê m e devenu impossible à assurer avec les ressources disponibles. Partout les logements populaires laissent consi­dérablement à désirer, tandis que (dans la partie centrale et les quartiers résidentiels des villes) on peut noter de beaux immeubles collectifs et des habitations individuelles modernes, souvent construits dans les années d'après guerre et munis de tous les perfec­tionnements. Il y a eu, pour les classes aisées, un très gros effort de construction privée, qui se poursuit encore rapidement dans des villes c o m m e Athènes, mais qui, pour le m o m e n t , est arrêté en partie, soit pour des raisons de politique générale c o m m e au Caire, soit pour des raisons économiques c o m m e à Casablanca. Par contre, à de rares exceptions près, les efforts accomplis pour doter les couches moins favorisées de la population d'habitations économiques n'ont guère été développés. Il en résulte un entassement alarmant du point de vue social et surtout du point de vue sanitaire dans les vieux quartiers, longtemps négligés (Athènes, Le Caire) ou dans les cités tradition­nelles (médinas) en Afrique du Nord. Q u a n d cet entassement est arrivé au point de saturation, des logements improvisés ont surgi où habitent principalement les migrants. Dans les pays visités, les « bidonvilles » proprement dits n'existent toutefois sur une grande échelle qu 'au Maroc et à Tripoli.

Quant aux problèmes spécifiquement liés à l'adaptation des migrants, la mission a noté qu'ils se posent avec une intensité très variable, suivant les villes visitées. Elle a remarqué que, d'une façon générale, il n'existe guère de données précises permettant

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

de se faire une idée rigoureuse des courants de migrations intérieures et surtout de leurs conséquences. Des conclusions, m ê m e provisoires, nécessiteraient donc des études d'ensemble, longues et approfondies, qui semblent pour le m o m e n t dépasser les possi­bilités des gouvernements intéressés. L a mission n'a pu donc faire état à ce sujet que des renseignements qui lui ont été fournis, et de l'impression subjective qu'elle s'est formée. Sur ces bases, il apparaît tout d'abord que les difficultés d'adaptation des migrants varient considérablement suivant les villes. A Athènes, par exemple, les autorités considèrent qu'il n'existe pas de difficultés d'adaptation particulières, m ê m e pour les habitants des régions rurales les plus reculées, en raison de l'homogénéité de la population et d u développement des moyens de communication. A Casablanca, par contre, il semble que les difficultés d'adaptation soient beaucoup plus grandes et la mission a estimé que cet état de chose pouvait être attribué à la séparation marquée entre l'économie européenne et les modes de vie traditionnels. Dans aucune des villes étudiées il n'existait de services spéciaux destinés à l'adaptation des migrants. O n considère qu'ils peuvent faire usage des services existants et que certains d'entre eux, bien qu'ils ne leur soient pas spécialement destinés, peuvent leur apporter une aide particulière. Il en est ainsi par exemple des centres sociaux existant à Athènes et au Caire, des services de la Division de la jeunesse et des sports dans les villes du Maroc et, d'une façon générale, des services sanitaires, récréatifs et éducatifs organisés dans les quartiers populaires ou bidonvilles, dont une grande partie de la population est c o m p o ­sée de migrants. L'extension des services sociaux reste limitée à la fois par un m a n q u e de fonds et par un m a n q u e de personnel. A cet égard, en dehors de la charité ou de l'entraide traditionnelle, les associations privées qui jouent un rôle important n'ont généralement pas encore assimilé les concepts et techniques modernes du service social.

L a mission a pu constater que, dans les villes qu'elle a visitées, il n'existait aucun programme d'ensemble pour résoudre les problèmes créés ou aggravés par l'urbanisa­tion rapide. Elle a eu l'impression que ces problèmes sont souvent traités en ordre dispersé et dans la mesure où certains d'entre eux finissent par présenter un caractère de gravité telle qu'il paraît impossible d'en remettre à plus tard la solution. Elle n'a pas non plus noté à l'échelon national de plans d'ensemble prévoyant une répartition rationnelle de la population entre les différentes régions et villes du pays ni, d'une façon plus générale, entre zones urbaines et zones rurales. Les dirigeants des pays visités ont cependant montré qu'ils avaient conscience des problèmes posés par l'urbanisation mais ils ne semblaient pas toujours à m ê m e de les affronter et de les résoudre.

Si cette situation peut être attribuée dans une large mesure au manque de personnel et de ressources, tant sur le plan municipal que sur le plan national, la mission a estimé que d'autres facteurs ont joué un rôle important, en particulier l'existence d'une orga­nisation administrative mal adaptée aux nécessités créées par un développement urbain rapide et important et l'absence ou l'insuffisance de plans et de recherches de base. O n peut cependant constater à ce sujet l'existence de certaines études récentes ou en cours d'exécution, qui ont fourni ou fourniront des renseignements utiles pour une action efficace dans le domaine de l'urbanisation, et qui démontrent une orientation favorable de la part des autorités officielles compétentes.

E n Grèce un certain nombre de recherches ont été récemment entreprises ou termi­nées sous les auspices du Ministère de la coordination et des services de statistique. U n e des plus importantes porte sur l'étude des budgets familiaux qui a été entreprise pour la première fois en 1958 et qui fait maintenant partie du programme ordinaire du Service national de statistique. Les renseignements sont recueillis par sondages et portent sur les caractéristiques économiques et sociales des familles dans leur ensemble et de leurs membres , sur les sources de revenus en espèces et en nature, sur la structure des dépenses et sur un certain nombre d'éléments du niveau de vie. Le gouvernement hellénique a, d'autre part, l'intention d'entreprendre aussitôt que possible des enquêtes du m ê m e genre dans les zones rurales. Ces enquêtes devront fournir des données très étendues sur tous les aspects de la vie des villages.

Des études préparatoires ont déjà été entreprises pour fixer les méthodes d'enquête les plus appropriées et pour obtenir des renseignements de base sur les villages étudiés. U n e enquête pilote qui est sur le point d'être terminée porte sur 2 000 foyers dans

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

quatre villages et a pour but de dégager des méthodes permettant l'obtention de données sur les taux des migrations.

E n ce qui concerne le logement, une enquête par sondage portant sur les villes de plus de io ooo habitants vient d'être publiée. Elle a permis d'avoir des renseignements d'ordre quantitatif et qualitatif sur les habitations bâties après 1951 et sur la densité de peuplement et les services dont dispose la population.

E n Egypte, sur la base d 'un recensement complet des ménages effectué en 1957, deux enquêtes par sondages ont été faites après cette date. Ces enquêtes ont porté l'une sur la composition de la main-d'œuvre et l'autre sur certains aspects du niveau de vie de la population. Bien que le but immédiat de ces enquêtes n'ait pas été d'étudier les problèmes créés par l'urbanisation, le fait que les zones urbaines aient été analysées en m ê m e temps que les zones rurales et la possibilité d'obtenir des évaluations sépa­rées pour l'agglomération du Caire rendent ces travaux particulièrement intéressants. Parallèlement une enquête par sondage sur les budgets familiaux a été terminée en octobre 1959. Cette enquête avait pour but d'obtenir de nouveaux nombres-indices sur la consommation et les dépenses familiales dans les zones urbaines et rurales. Les résultats de ces enquêtes n'ont pas encore été complètement dépouillés et les données recueillies ne seront publiées qu'ultérieurement.

A u Maroc on dispose déjà d 'un certain nombre de recherches démographiques et sociologiques portant soit sur le pays dans son ensemble, soit sur des villes ou des quartiers déterminés. Ces recherches, publiées pour la plupart dans le Bulletin écono­mique du Maroc, ont été faites par des particuliers, mais souvent avec l'appui des services nationaux de statistique et d'urbanisme. U n e enquête par sondages sur la main-d'œuvre à Casablanca et des recherches sur les budgets familiaux et sur certains éléments du niveau de vie ont été récemment effectuées par les services officiels.

Tout en reconnaissant l'importance des problèmes qui se posent aux villes visitées, la mission s'est rendu compte que l'amélioration durable des conditions créées par l'urba­nisation dépend dans une très large mesure de la solution de questions économiques et sociales sur le plan national et régional dans le cadre des politiques ayant pour objet à la fois le développement rural et le développement urbain sous tous leurs aspects. A cet égard la mission a reconnu qu'il est dans l'immédiat difficile pour les gouver­nements intéressés de s'opposer à l'implantation de nouvelles activités industrielles dans les grandes villes, étant donné la nécessité de développer l'industrie alors que le volume des investissements qui peuvent être affectés à la construction de nouvelles infrastructures demeure restreint. Toutefois, elle a estimé que, pour éviter un accrois­sement nouveau et disproportionné de l'exode rural vers ces villes, les gouvernements devraient encourager en m ê m e temps l'expansion industrielle dans des régions moins développées ou dans des villes d'importance secondaire. Il paraît d'ailleurs évident que cette expansion ne pourrait se réaliser que dans la mesure où elle contribuerait au développement d'ensemble du pays en tenant compte de l'importance respective des facteurs sociaux et économiques.

Les remarques qui précèdent montrent clairement que les mesures susceptibles d'influencer directement ou indirectement l'urbanisation intéressent déjà et intéresse­ront de plus en plus à l'avenir plusieurs administrations. Celles-ci, au lieu de travailler en ordre dispersé, seront appelées à collaborer étroitement, étant donné qu'aucun des problèmes posés par l'accroissement rapide des villes ne peut être résolu par les seuls efforts d'une administration ou d 'un service déterminé. D'autre part, les adminis­trations locales, régionales ou nationales ont fait et font appel à l'assistance d'insti­tutions internationales dans des domaines étroitement liés à la solution des problèmes d'urbanisation (santé, hygiène, services sociaux, logement, emploi, services de place­ment, formation professionnelle, éducation de base, urbanisme, etc.).

Dans ces conditions, la mission a cru pouvoir recommander que les Nations Unies et les institutions spécialisées envisagent de coordonner certaines de leurs activités dans le cadre d 'un programme à long terme.

Dans une première phase de ce programme, une action internationale concertée dans le domaine de l'urbanisation devrait notamment avoir pour objectifs : a) d'encou­rager par l'exemple l'application pratique de programmes nationaux coordonnés;

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

b) d'aider les gouvernements à réaliser les tendances et politiques existantes ou à renfor­cer leur action dans certains domaines particulièrement urgents; c) de concentrer les efforts internationaux sur un petit nombre de problèmes fondamentaux; d) de complé­ter et d'harmoniser les programmes internationaux individuels et concertés déjà élaborés et envisagés dans les domaines tels que le développement communautaire, l'habitat économique et l'industrialisation.

Les recommandations détaillées de la mission sont consignées dans un rapport agréé par ses membres et transmis par l'Organisation des Nations Unies aux instances inter­nationales compétentes. Il appartient maintenant à ces dernières de décider de la suite à donner à ces recommandations et de la nature de l'action internationale qu'il importe d'entreprendre.

ANNEXE

Documents de travail

Grèce : « L'urbanisation en Grèce et dans l'agglomération athénienne », par Georges B . Kavadias; « Réflexions sur l'urbanisation en Grèce », par M . Taïoglou; « Aspects économiques de l'urbanisation », par M . Taïoglou et M . Doussis.

Maroc : « Étude sur le système d'administration municipale au Maroc », par M . Villa­ret; « Note concernant certains aspects du cadre social au Maroc », par G . Martinet.

RA U (province d'Egypte) : « Alexandria : an analysis of industrialisation and ecological development - Summary and conclusions of a research project carried out in 1954-1956», par le professeur Hassan El-Saaty; « Development of local government in the U A R (Southern Region) », par PInstitute of Public Administration, Le Caire; « The growth and development of urbanisation in Egypt », par le professeur Alphonse M . Said; « Rural and urban social structure in Egypt», par le D r Laila Shukry El Hamansy.

L'INSTITUT D'ADMINISTRATION PUBLIQUE DE LA REPUBLIQUE DU SOUDAN1

Khartoum

U n e loi portant création d'un Institut d'administration publique — organisme auto­nome mais rattaché au Ministère des finances et de l'économie — a été promulguée par le gouvernement de la République du Soudan. Cet institut a été doté d'un conseil d'administration.

La création de l'institut résulte d'une coopération entre la République du Soudan et l'Organisation des Nations Unies. A la demande du gouvernement soudanais, une équipe d'experts des Nations Unies avait effectué en 1958 une enquête pour déterminer les besoins du pays en matière de coopération technique dans le domaine de l'admi­nistration publique, et elle avait recommandé la création d'un institut d'administration publique. M . Eric G . James (États-Unis d'Amérique), conseiller principal de l'Orga­nisation des Nations Unies, est charge depuis juillet 1959 de fournir des avis au gouver­nement au sujet des caractéristiques de l'institut, de la formation qu'il pourra dispenser et des services qu'il pourra assurer avec le concours de l'Organisation des Nations Unies. M . James a enseigné l'administration publique à l'Université de N e w York et les sciences politiques à Brooklyn College et il s'est occupé pendant de nombreuses années de la formation des fonctionnaires.

1. Texte communiqué par Je vice-chancelier de l'Université de Khartoum.

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L E S S C I E N C E S S O C I A L E S D A N S L E M O N D E

A u début de mars i960, le Conseil des ministres a approuvé les recommandations dont il était saisi et adopté les instruments portant création d 'un institut de caractère permanent. Le conseil d'administration de l'institut comprend les personnalités suivantes : le sous-secrétaire permanent du Ministère des finances et de l'économie (président); le sous-secrétaire permanent du Ministère de l'intérieur; le gouverneur de la Banque centrale du Soudan; le directeur du Ministère de l'administration locale; le vice-chancelier de l'Université de Khar toum; le directeur de l'enseignement; le directeur de la fonction publique; le président de la Commission du service public; le directeur de l'Institut d'administration publique; le conseiller principal de l'Orga­nisation des Nations Unies pour les questions d'administration publique.

Le gouvernement a demandé à M . James de cumuler avec ses fonctions de conseiller principal celles de premier directeur de l'institut. Trois autres experts des Nations Unies en matière d'administration publique sont attendus vers la fin du printemps. Il est également prévu que des Soudanais spécialisés dans le domaine de l'administration publique viendront compléter le personnel de l'institut en tant que professeurs adjoints ou assistants de recherche.

Des bourses d'études et de perfectionnement à l'étranger sont mises à la disposition du gouvernement à l'intention de ces auxiliaires soudanais. L'institut sera notamment chargé d'assurer, en organisant des cours, des stages et d'autres institutions permettant la formation en cours d'emploi, le perfectionnement des fonctionnaires publics et du per­sonnel des organismes semi-publics. Il devra en outre conseiller les départements minis­tériels pour les aider à améliorer leurs méthodes administratives, et appliquera un pro­g r a m m e de documentation et de recherches dans le domaine de l'administration publique. Pendant l'été, en attendant des locaux permanents, le siège de l'institut a été provi­soirement installé à la Faculté de droit de l'Université de Khartoum. L'adresse postale permanente de l'institut est la suivante : Institute of Public Administration P . O . Box 1492, Khartoum (République du Soudan).

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II. DOCUMENTS DES NATIONS UNIES ET CHRONIQUES BIBLIOGRAPHIQUES

DOCUMENTS ET PUBLICATIONS DES NATIONS UNIES

ET DES INSTITUTIONS SPECIALISEES1

ORGANISATION DES NATIONS UNIES

ASSEMBLÉE G É N É R A L E

TERRITOIRES N O N AUTONOMES

L e comité des renseignements relatifs aux territoires non autonomes a reçu, à l'occasion de sa onzième session, des documents parmi lesquels figurent no tamment ceux qui sont mentionnés ci-dessous.

Note sur les travaux du comité, décembre 1959, 9 pages (A/AC.35/L.313). [Bl. Ej. Pr. Org.] Cette note donne des indications sur les travaux de la onzième session du comité.

Influence des termes de l'échange sur Véconomie des territoires non autonomes, janvier i960, 24 pages (A/AC.35/L.314).

[Ej. Pr. St. D p . ] C e document présente des données sur l'évolution des termes de l'échange dans plusieurs territoires non autonomes. Les années de référence choisies sont 1948, 1949 et 1951. L'évolution, depuis ces années jusqu'à l'époque présente, est étudiée sous les titres suivants : fluctuations des valeurs unitaires des exportations et des importations; évolution de la structure des exportations et des importations.

Le régime de la monnaie et des banques centrales dans les territoires non autonomes, janvier i960, 23 pages (A/AC.35/L.315).

[Ej. Pr. D p . ] Description technique des institutions qui règlent les questions monétaires dans ces territoires, qu'il s'agisse d'institutions autochtones ou non.

Productivité dans les territoires non autonomes, janvier i960, 10 pages (A/AC.35/L.316). [Ej. Pr. St.] Rapport préparé par le B I T . Facteurs influant sur la productivité. Pro­blèmes de statistique. Aperçu des mesures visant à augmenter la productivité.

Balance des paiements des territoires non autonomes avec les pays métropolitains, février i960, 27 pages (A/AC.35/L.317).

[Ej. Pr. St. D p . ] L'objet de cette étude est simplement de présenter et d'analyser statisti­quement les postes les plus importants de la balance des paiements de ces territoires avec leur métropole.

I. E n règle générale, nous ne signalons pas les publications et documents qui paraissent de manière en quelque sorte automatique : rapports administratifs réguliers, comptes rendus de réunions, etc.

Nous avons traduit librement le titre de quelques publications et documents que nous n'avons pu nous pro­curer à temps en français.

Les titres que nous avons traduits nous-mêmes sont désignés par un astérisque (*). Pour les abréviations conventionnelles utilisées dans ce chapitre, voir p. 634.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Le passage de V agriculture de subsistance à V agriculture marchande, étude préliminaire, février i960,

12 pages (A/AC.35/L.318).

[Ej. Pr.] Ce rapport, présenté par la F A O , indique l'importance relative de la pro­

duction de subsistance et de la production marchande dans les territoires non autonomes,

précise les conditions du passage à une agriculture commerciale et met en lumière le

rôle des pouvoirs publics à cet égard.

L'élimination de l'analphabétisme dans les territoires non autonomes, février i960, 8 pages

(A/AC.35/L.319).

[Ej. Pr.] C e rapport, présenté par l'Unesco, formule et commente plusieurs principes

d'action dont l'importance s'affirme chaque année davantage.

Collaboration internationale dans le domaine du progrès économique, social et culturel, mars 1960,

30 pages (A/AC.35/L.323).

[Ej. Pr. D p . ] Ce texte, consacré aux activités du Conseil économique et social, de

ses organes subsidiaires et des institutions spécialisées, entre mars 1959 et février i960,

traite, en particulier, des activités des commissions régionales, dans la mesure où elles

concernent les territoires non autonomes.

RÉFUGIÉS

Rapport intérimaire sur le programme en faveur des nouveaux réfugiés hongrois, avec deux addenda,

mars i960, 18 pages (A/AC.96/58, plus annexes).

[Ej. Pr.] Description détaillée de la situation des réfugiés hongrois nouvellement arrivés

en Autriche. Ressources disponibles. Solutions envisagées pour les prochaines années.

DROIT MARITIME

Tableau synoptique concernant la largeur et le statut juridique de la mer territoriale et des zones

de mer adjacentes, février i960, 12 pages ( A / C O N F . 19/4).

[Pr.] Tableau revisé, qui tient compte de tous les changements demandés par les États

intéressés, depuis la première conférence des Nations Unies sur le droit de la mer.

Supplément au guide bibliographique pour l'étude du droit de la mer, février i960, 27 pages

( A / C O N F . 1 g/6).

[Ej. Pr. B1.] Ce document complète et met à jour un Guide bibliographique pour l'étude du

droit de la mer datant de 1957 ( A / C O N F . 1 3 / 1 7 ) . Il énumère un certain nombre de livres,

d'articles et de publications officielles.

D E U X I È M E C O N F É R E N C E INTERNATIONALE DES NATIONS UNIES SUR L'UTILISATION D E

L ' É N E R G I E ATOMIQ_UE A DES FINS PACIFIQUES (GENÈVE, 1958)

Progrès accomplis dans le domaine atomique ; répertoire de la conférence, volume 1, 1958,

481 pages, 12,50 dollars ( A / C O N F . 15/1).

[Ej. Pr. Se ] Environ 30 articles traitant de l'avenir de l'électricité d'origine nucléaire,

du recrutement et de la formation du personnel technique, du développement de la

collaboration internationale au cours des dernières années. E n annexe, liste des membres

du bureau, des délégations et des mémoires. Index des auteurs. Films projetés pendant

la conférence.

Réacteurs et centrales atomiques, volume 5, 1958, I 298 pages, 19 dollars ( A / C O N F . 15/1).

[Ej. Pr. Se ] Environ 80 articles traitant de l'exploitation des centrales nucléaires, des

utilisations de l'énergie nucléaire autres que la production d'électricité, et des projets

de construction de centrales, de réacteurs et de piles.

Physique et économie des réacteurs, volume 6, 1958, 1 400 pages, 19 dollars (A/coNF.15/1).

[Ej. Pr. Se] Environ 70 articles traitant des enceintes de sécurité des réacteurs, de la

cinétique et de la conduite des piles, des réacteurs à neutrons rapides et intermédiaires,

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

des réacteurs à modérateur liquide, des réacteurs à modérateur solide, de la physique et de la protection des réacteurs, des cycles de combustion et de l'économie de l'énergie nucléaire.

Combustibles irradiés et matières radio-actives ; protection contre les rayonnements, volume 8, ï 958, I 038 pages, 17,50 dollars (A/cONF.15/1).

[Ej. Pr. S e ] Environ 100 articles concernant le traitement des combustibles irradiés, la manutention des matières radio-actives, le traitement des déchets radio-actifs, l'inci­dence, sur le milieu, d 'une utilisation généralisée de l'énergie atomique, l'expérience acquise en matière de protection contre les rayonnements et l'évaluation des risques dus aux rayonnements.

Physique corpusculaire et chimie nucléaire, 1958, 805 pages, 14 dollars (A/coNF.15/1). [Ej. Pr. S e ] Environ 80 articles traitant des découvertes récentes en physique pure, en physique des particules élémentaires et des machines à haute énergie, en chimie nucléaire, et en ce qui concerne l'utilisation de l'énergie des produits de fission et des sources de rayonnement.

CONSEIL É C O N O M I Q U E ET SOCIAL

ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES, SOCIALES ET HUMANITAIRES DES NATIONS UNIES

Evaluation des programmes pour la période ig^g-ig6^. Travaux des Nations Unies dans les domaines économique et social et dans celui des droits de l'homme, décembre 1959, 93 pages (E/3260/REV. 1).

[Ej. Org.] Cette évaluation des programmes pour la période 1959-1964 tient compte de la tendance à recourir de plus en plus à l'action internationale dans l'intérêt d 'une meilleure intégration de l'économie mondiale. Cette orientation nouvelle résulte, entre autres, d u recul de la guerre froide, d 'un nouvel espoir de parvenir au désarme­ment , d 'un intérêt accru pour les plans d'intégration régionale et d 'un désir nouveau d'instaurer u n marché mondial unique. Elle est aussi la conséquence de la stabili­sation, notamment dans le domaine des produits de base, et d u fait, enfin, que l'expan­sion économique des régions sous-développées d u m o n d e est considérée c o m m e u n problème intéressant la c o m m u n a u t é internationale. Elle peut entraîner de nouvelles modalités d'action pour les Nations Unies. Les grandes lignes d u programme écono­mique, social, culturel et humanitaire des organisations internationales sont esquissées pour la période considérée.

ÉDUCATION POUR LA PAIX

Enseignement des buts et des principes, de la structure et des activités de V Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées dans les écoles et dans les autres établissements d'ensei­gnement des États membres, février i960, 148 pages (E/3322).

[Ej. Pr. Org . D p . ] C e rapport, présenté par le Secrétaire général des Nations Unies et le Directeur général de ¡'Unesco, couvre la période allant de janvier 1956 à décembre 1959. Il s'appuie sur des communications officielles provenant de 40 États, sur des rapports adressés chaque année au Conseil de tutelle, ainsi que sur des données tirées des archives de l'Organisation des Nations Unies. Il comprend trois chapitres. L e premier est consacré à une étude d'ensemble des progrès de l'enseignement relatif aux Nations Unies, dans les États m e m b r e s , pendant la période considérée. L e deuxième contient des extraits ou u n bref résumé de chacun des rapports nationaux, de façon à donner une idée de la grande diversité des conceptions adoptées et des méthodes utili­sées. Enfin, le troisième chapitre expose les programmes et les services de l'Organi­sation des Nations Unies et de l'Unesco qui visent à favoriser et à appuyer l'ensei­gnement relatif aux Nations Unies. Plusieurs additifs contiennent des informations sur des pays dont il n'est pas fait état dans le rapport proprement dit.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

DISCRIMINATION

Rapport de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection

des minorités à la Commission des droits de l'homme sur les travaux de sa douzième session,

il au 30 janvier ig6o, New York, février i960, 11g pages ( E / C N . 4 / S U B . 2 / 2 0 6 ) .

[Ej. D p . Bl.] Données sur les mesures discriminatoires constatées dans les divers pays,

en ce qui concerne la liberté de religion et les pratiques religieuses, les relations raciales,

l'enseignement, les activités professionnelles. E x a m e n des mesures proposées pour lutter

contre la discrimination.

Mesures adoptées par V Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

en vue d'établir une réglementation internationale concernant la discrimination dans l'ensei­

gnement, décembre 1959, 23 pages ( E / C N - 4 / S U B . a / 2 0 1 ) .

[Org.] Note concernant le calendrier des travaux de l'Unesco.

Mesures adoptées par l'Unesco en vue d'établir une réglementation internationale concernant la

discrimination dans l'enseignement, janvier i960, 25 pages (E/CN.4/suB.2/201 / A D D . I ) .

[Ej. Pr. D p . ] Cet additif à la note précédente contient une étude analytique des infor­

mations envoyées par les États membres, à la date du 15 décembre 1959, en réponse

à un questionnaire concernant le contenu et la portée de la réglementation à établir,

la définition de la discrimination dans l'enseignement, l'accès à l'éducation et la profes­

sion enseignante.

Élude sur la discrimination en matière d'éducation, mars i960, 20 pages y compris annexes

(E/CN.4/802/ADD. 1; E/cN.6/363).

[Ej. Pr. Org.] Textes proposés en vue d'une convention concernant la discrimination

en matière d'éducation et en vue d'une recommandation sur le m ê m e sujet. Travaux

préliminaires qui ont abouti à l'élaboration de ces projets. Modifications qu'on pourrait

encore leur apporter.

LIBERTÉ D E L'INFORMATION

Question d'une déclaration sur la liberté de l'information. Observations des gouvernements, février

i960, 16 pages (E/3323 et 5 additifs).

[Ej. Pr. D p . ] Observations de 33 pays sur l'opportunité, pour les Nations Unies,

d'adopter une déclaration relative à la liberté de l'information. Projet de texte en

annexe.

CONDITION DE LA FEMME

Renseignements sur la condition de la femme dans les territoires sous tutelle, décembre 1959,

10 pages (E/CN.6/352/ADD.1).

[Ej. Pr.] Additif concernant le Cameroun sous administration britannique.

Accès de la femme aux fonctions et services publics, janvier i960, I7pages (E/CN.6/354/ADD.1).

[Ej. Pr. D p . St.] Réponses des gouvernements australien, autrichien et pakistanais.

Renseignements concernant la condition de la femme dans les territoires non autonomes, décembre

1959, 35 P a g " (E/cN.6/355).

[Dp. Ej. Pr. St.] Ces renseignements sur l'évolution de la condition de la f e m m e du

point de vue économique, social et juridique, ainsi qu'en matière d'hygiène mater­

nelle et infantile, concernent un certain nombre de territoires administrés par l'Aus­

tralie (Papua), par la Belgique (Congo ex-belge), par le Royaume-Un i (Aden, îles

B a h a m a , Barbade, Basutoland, Guyane britannique, Chypre, Kenya, Nyassaland,

Sierra Leone, Singapour, Ouganda, Zanzibar), par la Nouvelle-Zélande (îles Cook)

et par les États-Unis (îles Samoa américaines).

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Consentement au manage, âge du manage et enregistrement des mariages, décembre 1959, 85 pages, y compris annexe ( E / C N . 6 / 3 5 6 ) .

[Ej. Pr. D p . St.] C e rapport, qui s'appuie sur des renseignements envoyés par les gouver­nements ainsi que par des organisations non gouvernementales, comprend trois cha­pitres : le premier traite des conditions requises pour établir le consentement au mariage, le deuxième donne des renseignements sur l'âge d u mariage, le troisième analyse les procédures d'enregistrement des mariages. E n annexe figure u n tableau indiquant, pour divers pays et territoires, l'âge m i n i m u m d u mariage selon les lois et coutumes.

Consentement au mariage, âge du mariage et enregistrement des mariages, mars i960, 50 pages (E/CN.6/356/ADD.1).

[ D p . Ej. Pr.] Cet additif au rapport précédent contient des renseignements en prove­nance de la Finlande, d u R o y a u m e - U n i et des territoires d'Afrique, d'Asie, d ' A m é ­rique centrale et des Caraïbes qui dépendent d u R o y a u m e - U n i .

Mise en œuvre de la Convention sur les droits politiques de la femme par les Etats parties, jan­vier ig6o, 12 pages ( E / C N . 6 / 3 6 0 ) .

[ D p . Ej. Pr.] Réponses fournies par la Bulgarie, la Chine, le D a n e m a r k , la Grèce, la Hongrie, Israël, le Liban et la Yougoslavie.

Accès desfemmes et des jeunes filles à l'éducation extrascolaire, janvier i960, 103 pages ( E / C N . 6 /

361). [Ej. Pr. D p . ] C e rapport, établi par l'Unesco, contient d'abord une brève étude de la législation relative à l'éducation extrascolaire, en général, et à celle des femmes et des jeunes filles, en particulier. Ensuite viennent des données sur les différentes m o d a ­lités de cette forme d'éducation : éducation des adultes, éducation postscolaire, édu­cation sociale.

Projet de rapport au Conseil économique et social sur la quatorzième session de la Commission de la condition de la femme, tenue à Buenos Aires (avril ig6o), 24 pages ( E / C N . 6 / 3 6 6 ) .

[Ej. Pr. Org . ] Participants, questions traitées (droits politiques, situation en droit privé, nationalité de la f e m m e mariée). Résolutions.

CHANGEMENTS SOCIAUX ET SANTÉ MENTALE

Afrique : changements sociaux et santé mentale, janvier i960, 40 pages (E /C.a /544) . (Anglais seulement.) [Ej. Pr. D p . ] Présenté par la Fédération mondiale pour la santé mentale, ce texte est le fruit d ' un colloque présidé par M . Brock-Chisholm, qui s'est tenu en mars 1959, à N e w York. Il décrit les difficultés d'adaptation des populations d'Afrique aux change­ments sociaux qu'implique la modernisation de la vie et indique les méthodes à appliquer pour éviter les tensions psychiques.

ASSISTANCE TECHNIQUE

Assistance technique, décembre 1959, 24 pages (E/3312). [Ej. Pr. Org . ] Rapport du Comité de l'assistance technique. P r o g r a m m e pour i960.

PRODUITS DE BASE

Étude sur les produits de base, IQ5Q, i960, 234 pages, 2,50 dollars ( E / C N . 13/36; S T / E C A / 6 2 ) . [Dp . Ej. Pr. St.] Analyse des effets de la reprise économique générale de 1958 sur le marché des produits de base en 1959. Aperçu d'ensemble de l'évolution d u marché des produits de base pris globalement, puis renseignements détaillés sur chaque produit.

Rapport sur l'étude des perspectives de la production et de la demande de produits de base, mars i960, 69 pages y compris annexe (E/CN.13/L.66).

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

[Ej. Pr. BI.] C e document est divisé en quatre sections : a) facteurs qui ont une influence sur la d e m a n d e de produits non agricoles; conclusions qu'il faut en tirer pour l'esti­mation de la d e m a n d e future; b) méthodes employées pour établir des projections de la d e m a n d e , avec commentaires spéciaux sur les difficultés qu'elles comportent pour la prévision des besoins à m o y e n terme; c) relations entre l'offre, la production, la d e m a n d e et les prévisions; d) conclusions et suggestions.

Conséquences des fluctuations de l'activité économique dans les pays industriels sur le commerce international des produits de base, mars i960, 102 pages (E/CN.13/L.68).

[Ej. Pr. D p . St.] Nature et ampleur des fluctuations de l'activité économique dans les pays industriels, après la seconde guerre mondiale. Incidences sur les échanges inter­nationaux, no t ammen t en ce qui concerne les produits de base. Importance relative des variations de l'offre et de la d e m a n d e dans le processus de formation des prix. Rôle des fluctuations de la d e m a n d e pour la constitution de stocks. Effet quantitatif global des variations de la d e m a n d e et des prix sur les échanges entre les pays expor­tateurs de produits primaires et les pays industriels.

Mesures tendant à remédier aux fluctuations sur les marchés des produits de base, mars i960, 179 pages y compris annexe (E/CN.13/L.69).

[ D p . Ej. Pr. St.] U n questionnaire a été envoyé aux gouvernements. L e document dont il s'agit ici présente, tout d'abord, quelques-uns des éléments c o m m u n s des réponses reçues, puis donne, en annexe, le texte de ces réponses (33 pays), ainsi que celui d u questionnaire.

Rapport sur l'étude des perspectives de la production et de la demande des produits de base. Projections de la demande et de la production des produits agricoles, avril i960, 14 pages ( E / C N . 13/L.70).

[Ej. Pr. Org.] Aperçu sommaire des travaux de la F A O dans ce domaine (travaux terminés et en cours). Indications sur les méthodes employées.

Examen des mesures financières destinées à compenser les fluctuations des receltes d'exportation des pays de production primaire, avril 1960, 35 pages plus une série de graphiques (E/cN.13/ L.71).

[Ej. Pr. D p . St.] Dans la première partie de cette étude, le Fonds monétaire inter­national examine la nature des fluctuations qui ont une incidence sur la balance des paiements des pays exportateurs de produits primaires; la deuxième partie a trait aux principes et pratiques d u Fonds en ce qui concerne les mesures financières destinées à compenser ces fluctuations.

INDUSTRIALISATION

Développement économique des pays sous-développés : programme de travail sur l'industrialisation, février i960, 19 pages (E/3328).

[Ej. Pr.] Informations récentes sur les progrès réalisés dans les travaux de recherche et en matière d'entraide technique internationale. Propositions concernant les futurs travaux relatifs à l'industrialisation.

COOPÉRATION

Coopératives, février i960, 38 pages (E/3321). [Ej. Pr.] C e rapport, présenté par le Secrétaire général des Nations Unies, avec le concours d u B I T et de la F A O , expose les études faites sur ce sujet par ces institutions et l'aide qu'elles ont apportée aux États m e m b r e s pour le développement des coopéra­tives. Il traite, en particulier, de l'utilisation, par les coopératives, des techniques modernes d'agriculture et de pêche, et de la construction d'habitations à bon marché dans les pays insuffisamment développés.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

SOCIÉTÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE

Rapport de la Société financière internationale, janvier i960, 38 pages (E/3315). [Ej. Pr. D p . St.] C e troisième rapport annuel (1958-1959) indique tout d'abord ce qu'est la Société financière internationale. Il précise les conditions de recevabilité des demandes de capitaux, les participations prises par la société et les ventes de valeurs en portefeuille. Puis il décrit la croissance de l'industrie dans les régions en voie de développement, en soulignant le rôle joué à cet égard par la Société financière inter­nationale, pendant la période considérée.

COURANTS D'INVESTISSEMENTS

Moyens d'augmenter le courant international de capitaux privés, février i960, 109 pages y compris annexes (E/3325).

[Ej. Pr.] C e rapport préliminaire examine les formes d'investissements privés étrangers que les pays sous-développés recherchent et que les détenteurs de fonds pratiquent volontiers, ainsi que les diverses mesures prises pour augmenter l'apport de capitaux privés dans ces pays. Il fait une place particulière à la protection des investissements privés étrangers contre les risques non commerciaux. E n annexe, figure une liste de lois et textes officiels concernant les investissements privés étangers dans les pays sous-développés, ainsi que le texte des conventions générales tendant à éviter la double imposition en matière d'impôts sur le revenu.

M A N U E L POUR LA PRÉPARATION DE PROJETS DE DÉVELOPPEMENT

* Manuel relatif aux programmes de développement économique, N e w York, 1958, 242 pages, 3 dollars ( E / C N . 12/326/ADD.i/REV. 1).

[Ej. Pr. St.] C e manuel, préparé par la Commission économique pour l'Amérique latine, expose les méthodes qui doivent présider à l'élaboration, à la présentation et à l'évaluation de projets d'investissements en faveur du développement économique et examine un certain nombre de ces pratiques.

PROBLÈMES STATISTIQUES

Étude générale des statistiques internationales, mars i960, 90 pages (E /CN.3 /263) . Cette étude, qui constitue le cinquième rapport consacré à l'évolution des statistiques internationales, aborde différents sujets : tendance du programme, évolution des normes, coopération. Dans son introduction, elle traite de deux projets : manuel des enquêtes par sondage et répertoire de normes statistiques internationales.

STATISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES

Rapport d'activité sur le programme de recensement mondial de la population de i960, janvier i960, 14 pages (E/cN.3/276).

[Ej. Pr. Org.] Aperçu des travaux effectués pendant ces deux dernières années au sujet d u programme de recensement mondial de la population de 1960. État dressé en décembre 1959 de la nouvelle série de recensements nationaux 1955-1964.

Rapport sur les activités dans le domaine des statistiques démographiques, ¡958-1959, mars i960, 10 pages (E/cN.3/277).

[Ej. Pr.] Les activités de l'Organisation des Nations Unies et des institutions spécialisées pendant la période 1958-1959 peuvent être rangées sous deux grandes rubriques : statistiques démographiques, et registres de population. L e rapport indique, dans leurs grandes lignes, les méthodes de rassemblement et de diffusion des données.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

STATISTIQUES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Projet de revision des normes internationales relatives aux statistiques industrielles de base, février i960, 89 pages y compris annexes (E /CN.3 /257) .

[Ej. Pr. St. S e ] Exposé des modifications qui ont été apportées, sur la base de divers rapports, à des propositions faites antérieurement. E n annexe, texte détaillé des propo­sitions actuelles concernant les normes revisées à adopter pour les enquêtes industrielles de base.

Récentes enquêtes industrielles de base, janvier i960, 57 pages y compris annexes (E/cN.3/257/ A D D . I ) .

[Ej. D p . St. S e ] Aperçu de l'évolution récente des pratiques nationales, puis liste de plus de 70 pays dans lesquels une enquête industrielle a été faite depuis 1952. Indications sur ces enquêtes.

Méthodes de collecte des statistiques industrielles, janvier i960, 36 pages y compris annexe (E/CN.3/257/ADD.2).

[St. Se. D p . Ej.] C e document a pour objet de donner des indications sur les conditions favorables à l'emploi des diverses méthodes, ainsi que sur les servitudes qu'elles c o m ­portent : combinaison des enquêtes industrielles avec d'autres enquêtes statistiques, méthode fonctionnelle et méthode institutionnelle, sources des données.

Propositions pour le programme mondial d'enquêtes industrielles de base de 1963, février i960, 30 pages y compris annexes ( E / C N . 3 / 2 5 8 ) .

[Ej. Pr. St. Sc. Dt.] Objectifs envisagés pour le programme m i n i m u m et méthodes qui s'offrent aux pays désireux d'atteindre ces objectifs. E n annexe, énoncé de propositions plus détaillées (plus de 60 pays envisagent déjà de participer au programme mondial de 1963).

L'unité statistique dans les enquêtes économiques, février ig6o, 62 pages ( E / C N . 3 / 2 5 9 ) . [Ej. Pr.] Remarques sur les unités statistiques qui se prêtent le mieux à différents genres d'enquêtes économiques et sur leurs rapports. Possibilités de coordination internationale qui existent dans le domaine des enquêtes économiques.

Statistiques des comptes de profits et pertes et des bilans, mars i960, 27 pages (E /CN.3 /260) . [Ej. Pr.] C e document indique les données qu 'on pourrait extraire de ces comptes ou de comptes analogues, avec la façon de les définir, de les évaluer et de les classer en vue d'obtenir des renseignements utilisables. Il traite également de l'unité statistique sur laquelle il conviendrait de recueillir les données, des catégories d'entreprises à étudier et de la nature des sources à utiliser.

La classification type pour le commerce international et la nomenclature douanière de Bruxelles de 1955, janvier ig6o, 128 pages y compris annexes ( E / C N . 3 / 2 6 1 ) .

[Pr. St. Se ] Projet de combinaison des deux systèmes, afin de permettre la comparaison internationale des données. E n annexe, code proposé pour cette combinaison.

Problèmes et méthodes relatifs au rassemblement de séries de prix de gros représentatifs et compa­rables, mars i960, 55 pages ( E / C N . 3 / 2 6 4 ) .

[Ej. Pr.] L a première partie de ce rapport est consacrée à la question des secteurs à couvrir dans le cadre des statistiques des prix de gros, et à celle du choix de séries de prix qui soient représentatives. L a suite du document porte principalement sur la question du rassemblement et de l'établissement de séries de prix comparables.

Évaluation de la formation brute de capital intérieur dans les pays sous-dêveloppés, février i960, 28 pages (E/CN.3/265).

[Dp. Ej. Pr. S e St.] C e mémoire, qui s'appuie sur des informations récentes, a pour objet de présenter un bref examen critique des méthodes et techniques utilisées en

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Afrique, en Asie et en Amérique latine par les pays en voie de développement, pour évaluer la formation de capital, et de suggérer des moyens de surmonter les difficultés d'ordre pratique que comporte cette évaluation.

Matrices des consommations et des productions et analyse des relations entre secteurs, janvier i960, 52 pages (E/cN.3/266).

[Ej. Pr. D p . St.] L'objet de ce document est la comptabilité nationale intersecteurs. Il en résume la logique, étudie une classification des activités productives, décrit la matrice des consommations et des productions dans leurs relations comptables et fonctionnelles, et donne finalement un aperçu de l'application de la comptabilité nationale inter­secteurs dans les différents pays. E n annexe, note sur la programmation linéaire.

Rapport d'activité sur la comptabilité nationale et les sujets connexes, mars i960 (E/cN.3/267). [Ej. Pr.] C e rapport rend compte des travaux réalisés par les Nations Unies dans le domaine de la comptabilité nationale, depuis la dernière session de la Commission de statistique. Le secrétariat s'est intéressé tout particulièrement aux questions métho­dologiques relatives à l'amélioration de la qualité des statistiques.

Statistique pour les programmes sociaux, janvier i960, 7 pages (E/cN.3/268). [Org.] R é s u m é des travaux récents du secrétariat en ce qui concerne la préparation d 'un recueil international de statistiques sociales, la définition et l'étude du niveau de vie, les statistiques de l'habitation, les enquêtes sur les budgets familiaux. Programme futur.

Recueil de statistiques sociales ig6j, janvier 1960, 10 pages (E/cN.3/269). [Pr. Org.] Ces pages contiennent le sommaire du Recueil de statistiques sociales 1963 : population et état civil, conditions sanitaires, consommation alimentaire et nutrition, habitation, enseignement et activités culturelles, main-d'œuvre et conditions d'emploi, agriculture, sécurité sociale, revenus et dépenses.

Définition et évaluation des niveaux de vie du point de vue international, mars i960, 34 pages (E/CN.3/270).

[Ej. Pr.] L a première partie de ce rapport s'appuie sur les recommandations du groupe de travail des statistiques pour les programmes sociaux, qui s'est réuni à Genève en septembre 1959. Ces recommandations concernent certains éléments constitutifs, caractéristiques d u niveau de vie (conditions sanitaires, alimentation, nutrition, éducation, conditions de travail, situation de l'emploi). L a seconde partie traite des activités récentes des Nations Unies et des institutions spécialisées en ce qui concerne l'étude des niveaux de vie.

Manuel des enquêtes par sondage sur les conditions d'existence des familles, février i960, 5 pages (E/CN.3/271).

[Pr. Org.] Mémoi re du Secrétaire général, donnant un aperçu des sujets qui pourraient être retenus pour la composition de ce manuel .

Méthodes proposées pour l'estimation des besoins de logement, janvier i960, 50 pages (E/cN.3/

274)-[Ej. Pr. St. D p . Bl.] Méthodes à employer pour estimer les besoins en matière de loge­ment, compte tenu des courants démographiques, économiques et sociaux.

Statistiques courantes de l'habitation, janvier i960, 8 pages ( E / C N . 3 / 2 7 5 ) . [Ej. Pr. St.] C e mémoire du Secrétariat donne un aperçu des travaux de mise au point des principes généraux qu'il est recommandé d'appliquer pour les recensements en matière d'habitation. E n annexe, p rogramme européen de statistiques courantes du logement et de la construction.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Rapport sur l'état des travaux relatifs aux statistiques des balantes de paiement, janvier i960, 12 pages (E/cN.3/278).

[Ej. Pr.] C e mémoire, présenté par le Fonds monétaire international, traite des travaux en cours ou projetés en ce qui concerne le Manuel des balances de paiement (Balance of Payements Manual ) et sa revision.

Classification des comptes publics, février i960, 9 pages (E/cN.3/279). [Ej. Pr.] Rapport sur l'état des travaux relatifs à la préparation d ' u n manuel de classi­fication économique et fonctionnelle des opérations de l'État. R é s u m é des observations reçues des gouvernements.

Rapport d'activité sur la comparaison des systèmes de statistiques industrielles en usage dans certains pays hautement industrialisés, mars i960, 33 pages ( E / C N . 3 / 2 8 1 ) .

[Dp. Ej. Pr. S e ] L'objet de ce rapport est de décrire, dans leurs grandes lignes, les systèmes de statistiques industrielles des pays suivants : République fédérale d'Alle­m a g n e , Pays-Bas, Union des républiques socialistes soviétiques, États-Unis d 'Amérique.

Rapport d'activité sur les plans et travaux relatifs aux recensements de l'habitation, février i960, Il pages ( E / C N . 3 / 2 7 2 ) . [Pr. St. D p . ] Tableau récapitulatif des points figurant aux programmes de recensement de l'habitation pour l'Europe et pour l'Amérique. Liste des régions et pays où des données sur l'habitation ont été recueillies pendant la période 1955-1959 et zones dans lesquelles on envisage de procéder à des enquêtes sur l'habitation en i960-1964.

ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE

Étude sur la situation économique de l'Afrique depuis ig^o, octobre 1959, 571 pages ( E / C N . 14/28).

[Ej. Pr. D p . St.] Cette étude analyse la structure économique des pays d'Afrique et les modalités de leur développement économique. Elle examine ensuite l'expansion de l'activité économique, depuis 1950, dans les principaux secteurs. Étant donné que le développement ne peut résulter que d'une expansion de l'économie monétaire et que, dans la plupart des pays africains, cette expansion dépend d u secteur des exporta­tions et d u secteur public, une attention particulière est accordée à ces secteurs.

STATISTICIENS, ÉCONOMISTES ET SPÉCIALISTES DES SCIENCES SOCIALES EN AFRIQUE

La formation d'Africains dans les sciences économiques et statistiques et dans des domaines connexes, décembre 1959, 111 pages y compris annexes ( E / C N . 14/35).

[Dp. Ej. Pr. Bl.] C e rapport, établi par l'Unesco, traite des besoins actuels en matière de formation d'économistes et de statisticiens, des problèmes qui se posent aux insti­tuts de formation existants, des solutions envisagées et d u m o d e d'assistance souhaitable (renforcement des instituts qui existent et création de nouveaux établissements). Il contient le texte d 'un questionnaire relatif au recrutement et aux possibilités d'emploi des économistes, statisticiens et spécialistes apparentés, fournit des informations suc­cinctes sur chacune des universités africaines (histoire, programmes), et donne u n aperçu des systèmes de bourses dont bénéficient actuellement, hors de leur continent d'origine, les étudiants africains qui se consacrent aux sciences sociales.

Recrutement et possibilités d'emploi des économistes, statisticiens et spécialistes apparentés en Afrique, décembre 1959, 8 pages ( E / C N . 14/35/ADD.1) ; janvier i960, 2 pages ( E / C N . I 4 / 3 5 / A D D - 2 ) ; janvier i960, 3 pages (E/CN.14/35/ADD.3) .

[Ej. Pr. D p . ] Ces trois additifs donnent, pour différents pays africains, des renseigne­ments supplémentaires sur le nombre d'économistes réellement employés, le niveau exigé des candidats à ce genre de postes et leur préparation dans le pays m ê m e ou à l'étranger.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

COMMISSION ÉCONOMIQUE POUR L'AFRIQUE

Note d'information sur l'assistance technique fournie aux pays et territoires de la région de la Commission économique pour l'Afrique au titre du programme élargi et des programmes ordi­naires, novembre 1959, 35 pages (E/cN.14/27).

[Dp. Ej. Pr. St.] Cette note concerne les activités de l'année 1959, pour laquelle le m o n ­tant du budget approuvé s'élevait à 5 090 000 dollars. A u 30 octobre, environ 24 % des allocations d'urgence autorisées avaient été attribuées à des organisations participantes pour aider les pays suivants : Guinée, Libye, Maroc , province égyptienne de la R é p u ­blique arabe unie, Somalie, Soudan, Togo et Tunisie. Ultérieurement, le montant de l'aide sera plus élevé, du fait de la création du Fonds spécial des Nations Unies, qui a c o m m e n c é à fonctionner en 1959. E n annexe figurent des tableaux statistiques concer­nant l'assistance technique en Afrique.

Enquête sur les ressources naturelles. La recherche géologique et minière en Afrique, décembre 1959, 112 pages y compris annexes ( E / C N . 14/30).

[Dp. Ej. Pr.] État actuel des connaissances. Tendances de la recherche et de l'exploi­tation des minerais. Recommandations relatives aux mesures propres à stimuler les recherches. E n annexe, liste d'organismes de recherche géologique qui opèrent en Afrique au sud d u Sahara et données sur l'état de la cartographie géologique en Afrique.

La commercialisation du bétail et de la viande dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique de l'Est et du Nord, novembre 1959, 9 pages ( E / C N . 14/31/ADD.1) .

[Ej. Pr.] Aperçu d u déséquilibre entre l'offre et la d e m a n d e de bétail africain. Obstacles au commerce d u bétail et de la viande. Possibilités d'amélioration et mesures envi­sagées.

Note d'information sur l'aide octroyée par le Fonds international de secours à l'enfance (FISE) pour les projets relatifs à la protection infantile en Afrique, décembre 195g, 12 pages ( E / C N .

'4/4f)-[Dp. Ej. Pr. Org.] Informations concernant 138 projets relatifs à la protection infantile, réalisés ou en cours de réalisation dans 40 pays ou territoires d'Afrique.

Réunion d'experts sur les techniques de programmation du développement en Afrique (30 novembre au j décembre 1959, Addis-Abéba), décembre 1959, 23 pages (E/cN.14/42).

[Ej. Pr.] Les problèmes suivants ont été abordés à l'occasion de cette réunion : aspects administratifs et financiers de la planification, incidences sur l'établissement du budget national, questions d'information que posent les programmes de développement.

M A R C H É C O M M U N LATINO-AMÉRICAIN

Le marché commun de l'Amérique latine, 1959, 146 pages, 1,25 dollar ( E / C N . 12/531). [Ej. Pr. D p . St.] C e volume, présenté par le secrétariat de la Commission économique pour l'Amérique latine, a pour objet de démontrer la valeur d 'un marché c o m m u n en Amérique latine. Il expose les données générales du problème et les attitudes des diffé­rents gouvernements. Il comprend 4 parties principales. L a première traite du marché c o m m u n et du système des paiements multilatéraux. L a deuxième étudie l'influence possible de la création d 'un marché c o m m u n sur le développement économique de l'Amérique latine. L a troisième est consacrée à la question de la délimitation de l'aire de libre échange. L a quatrième résume les travaux de la seconde session du Comité de commerce .

VALEUR ET UTILISATION DES RECENSEMENTS EN AMÉRIQUE LATINE

U n cycle d'étude, organisé par les Nations Unies, a eu lieu à Santiago du Chili, du 30 novembre au 18 décembre 1959; il avait pour thèmes l'appréciation de la qualité

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

des données fournies par les recensements effectués en Amérique latine, et l'utilisation de ces données. Voici u n choix de documents préparés en vue de cette réunion.

Rapport préliminaire du cycle d'étude des Nations Unies sur l'appréciation qualitative et l'utilisa­tion des données de recensement en Amérique latine (Santiago du Chili, 30 novembre-18 décembre 195g), janvier i960, 160 pages ( E / C N . ( ) / C O N F . I / L . I ) .

[Ej. Pr. D p . Bl.] L e p rogramme d u cycle d'étude comprenait quatre grandes sections : I. Les études de population, en tant qu'éléments auxiliaires de la planification écono­mique et sociale. II. Évaluation de la qualité des données des recensements de popu­lation, coordination avec les statistiques provenant d'autres sources et utilisation des enquêtes par sondage pour compléter les recensements. III. Programmes nationaux en vue de l'exploitation et de l'analyse des résultats des prochains recensements de population. IV . Problèmes que pose l'exécution des programmes d'évaluation, d'analyse et d'utilisation des résultats des recensements de population. E n annexe, liste des documents de travail d u cycle, et étude sur les recensements de population.

Études démographiques en relation avec les tâches gouvernementales en ce qui concerne la population, novembre 1959, 26 pages ( E / C N . 9 / C O N F . I / L . 2 ) .

[Ej. Pr. D p . ] Moyens d'utiliser les études démographiques en tant que bases pour établir les principes directeurs d'une politique de la population dans les divers pays d'Amérique latine.

La mesure ou l'estimation du volume et des caractéristiques des migrations internes, novembre 1959, 41 pages (E/cN.g/coNF. 1/L.3).

[Ej. Pr. D p . Se. St.] Cette étude expose, tout d'abord, les méthodes de mesure et d'estimation des migrations internes, puis examine l'utilisation des données ainsi recueil­lies à propos du lieu de naissance, des probabilités de survie, et des facteurs qui influent sur les mouvements migratoires.

Etablissement de modèles généraux de développement économique et social, novembre 1959, 30 pages (E/CN.9/CONF.1/L.4).

[Ej. Pr. Se ] Le rôle essentiel du facteur démographique dans le développement éco­nomique et social de l'Amérique latine donne une importance particulière aux statis­tiques de la population de cette région. Cette étude a pour objet d'en faciliter l'utilisa­tion, en proposant différents modèles de croissance c o m m e cadres généraux d'inter­prétation.

Estimation des besoins de logement au Chili, 1932-1982, décembre 1959, 34 pages ( E / C N . Ç ) / CONF.1/L.18).

[Ej. Pr. D p . St. Bl.] Conditions générales et particulières qui sont à l'origine du m a n q u e actuel de logements au Chili. Estimation de l'évolution future des besoins, en liaison avec la croissance démographique. Cette partie de l'étude est divisée en deux sections : discussion des méthodes à suivre, analyse des résultats.

Appréciation des résultats des recensements de la population effectués en Amérique latine au cours des années 1942-1952, novembre 1959, 16 pages (E/CN.g/coNF.i/L.19).

[Ej. Pr. Se. D p . ] Cette étude analyse, suivant la méthode recommandée pour le recen­sement de i960, les résultats des recensements faits par certains pays de l'Amérique latine, par la section démographique des Nations Unies et par le Centre de forma­tion de recherches démographiques en Amérique latine.

Problèmes principaux se rapportant à l'organisation et à l'accomplissement des programmes prévus pour l'analyse et l'utilisation des données de recensements de la population en Amérique latine, décembre i960, 16 pages ( E / C N . 9 / C O N F . 1/1..20).

[Ej. Pr. S e ] Nature de ces problèmes. Méthode à appliquer pour les résoudre. Inter­prétation des données statistiques de base et des données administratives. Formation technique du personnel nécessaire. Coopération internationale.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

L'utilisation des données démographiques dans l'analyse des problèmes de développement économique, novembre 1959, 10 pages ( E / C N . 9 / C O N F . I / L . 2 I ) .

[Ej. Pr. S e ] Cette étude montre la nécessité d'établir un programme d'information et de recherches démographiques pour favoriser le développement économique des régions sous-développées.

Estimations (projections) concernant les enfants d'âge scolaire au Chili, 1957-1983, no­vembre 1959, 26 pages (E/cN.g/coNF.i/L.22).

[Ej. Pr. St.] Prévisions relatives à l'accroissement de la population d'âge scolaire et au nombre probable d'élèves des deux sexes dans les écoles primaires, secondaires et professionnelles du Chili au cours de la période 1957-1982. Besoins à prévoir en matière d'instituteurs, de locaux et de matériel scolaire.

Études sur la fécondité, la mortalité et la croissance de la population, novembre 195g, 10 pages ( E / C N - 9 / C O N F . I /L.23).

[Ej. Pr.] Examine brièvement c o m m e n t les recensements de population peuvent suppléer ou compléter les statistiques des naissances et des décès, pour aboutir à des estimations concernant la fécondité, la mortalité et la croissance démographique.

Évaluation des besoins du Chili en aliments : 1952 et 197z, novembre 1959, 19 pages (E/cN.g/ CONF.1/L.24).

[Ej. Pr. St.] L'objet de cette étude, consacrée aux besoins en aliments vers 1952 et à l'évaluation de ces m ê m e s besoins aux environs de l'année 1972, est d'examiner dans quelle mesure la politique d'approvisionnement doit être fondée sur la production domestique ou sur l'importation.

VALEUR ET UTILISATION DES RECENSEMENTS EN ASIE ET EN EXTRÊME-ORIENT

U n e réunion analogue à la précédente a été prévue pour l'Asie et l'Extrême-Orient (Bombay, 20 juin-8 juillet i960). Voici un choix de documents préparés à cette occasion.

Méthodes d'évaluation analytique de l'exactitude et de l'exhaustivité des données de recensement, décembre 1959, 34 pages ( E / C N . 9 / C O N F . 2 / L . 1).

[Ej. Pr. St.] Principales vérifications analytiques auxquelles les données de recensement pourront être soumises, pour ce qui est des grandes caractéristiques démographiques c o m m e l'effectif total de la population, la population totale des diverses subdivisions de chaque pays, la structure de la population selon le sexe et l'âge et la structure de la population active.

L'élude des migrations intérieures d'après les données sur le lieu de naissance et la durée de la résidence, décembre 1959, 49 pages (E/CN.9/CONF.2/L.2).

[Ej. Pr. St.] Inventaire complet, sous une forme schématique, des tableaux de recen­sement concernant les migrations. Degré de précision des statistiques ainsi obtenues. Esquisse d 'un programme de recensement idéal complet concernant ces migrations.

Utilisation des sondages pour élargir et compléter les renseignements obtenus au moyen des recen­sements de population, décembre 1959, 20 pages ( E / C N . 9 / C O N F . 2 / L . 3 ) .

[Ej. Pr.] C e document vise à mettre en évidence la relation qui existe entre les recen­sements et les sondages et à faire ressortir la nécessité d'appliquer une méthode intégrée, si l'on veut satisfaire la demande croissante de renseignements démographiques.

Données et analyses démographiques utiles pour l'élaboration des programmes d'éducation, décembre 1959, 31 pages (E/CN.9/CONF.2/L.4).

[Ej. Pr.] Principaux types de données fournies par les recensements et d'analyses néces­saires pour l'étude des cinq questions suivantes : nombre actuel d'enfants d'âge scolaire, changements à prévoir, rapport entre l'effectif de la population d'âge scolaire et le nombre des élèves inscrits, niveau d'instruction atteint par la population, besoins actuels et futurs des différents pays dans le domaine de l'éducation.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Les estimations et les projections de la population des grandes villes et leur utilisation dans la plani­fication du développement urbain, décembre 1959, 27 pages (E /CN.9 /CONF.2 /L .5 ) .

[Ej. Pr.] Exposé de méthodes diverses : projection mathématique, méthode des c o m p o ­sants, estimations liées à la planification.

Utilisation des données démographiques dans l'analyse des problèmes du développement économique, mars i960, 16 pages (E/cN.g/cONF.2/L.6) .

[Ej. Pr.] Vise à exposer les applications auxquelles se prêtent les données démogra­phiques dans l'étude des problèmes de développement économique et à indiquer quels sont les renseignements nécessaires pour favoriser la planification.

Exploitation des données fournies par les recensements de population en vue de Vélaboration de la politique économique et sociale dans les pays d'Asie et d'Extrême-Orient, janvier i960, 35 pages (E/CN.9/CONF.2/L.7).

[Ej. Pr.] C e document donne la liste des tableaux susceptibles d'être utilisés dans les enquêtes démographiques, économiques ou sociales, liées à l'élaboration d 'une politique de développement et de planification. Il indique également u n certain nombre d'études détaillées, susceptibles d'être ajoutées aux programmes types en ce domaine.

Construction de modèles généraux de développement économique et social, mars i960, 33 pages (E/CN.9/CONF.2/L.8).

[Ej. Pr. St.] Place que tiennent les facteurs démographiques dans les modèles géné­raux de développement économique et social. Élaboration de ces modèles. Utilisation des recensements et des renseignements démographiques connexes par les organismes chargés de la planification économique et sociale, à partir de modèles.

L'estimation des besoins actuels et futurs de logement : choix et analyse des données démogra­phiques nécessaires, avril i960, 33 pages ( E / C N . 9 / C O N F . 2 / L . 10).

[Ej. Pr. Bl.] Situation actuelle de l'offre et des besoins dans ce domaine. Besoins futurs.

Utilisation des données de recensement pour l'étude de la fécondité et de la mortalité, avril i960, 28 pages (E/CN.9/CONF.2/L.12).

[Ej. Pr. Bl.] Ce rapport, établi par le Centre de formation et de recherche démogra­phique de Bombay, a pour objet de montrer comment les données de recensement peuvent servir à mesurer la fécondité et la mortalité et d'étudier certains des facteurs qui influent sur ces phénomènes.

COMMISSION É C O N O M I Q U E P O U R L'ASIE E T L ' E X T R Ê M E - O R I E N T

Travaux de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture qui présentent un intérêt particulier pour la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient, février i960, 14 pages ( E / C N . I 1/522).

[Ej. Org . ] Travaux récents de la F A O dans la région. Projets qu'elle envisage d'entre­prendre. (Ces projets prennent une importance particulière d u fait de la c a m p a g n e mondiale contre la faim.)

Développements en rapport avec le marché commun européen et la zone de libre-échange en Europe, décembre 1959, 23 pages ( E / C N . I I / T R A D E / L . 3 1 ) .

[Ej. Pr. D p . ] Bref aperçu de l'évolution d u marché c o m m u n et de la zone de libre-échange (y compris les mesures prises pour mettre en pratique les divers articles d u traité de R o m e ) . Réponses de certains gouvernements de la région relevant de la compétence de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient à u n questionnaire touchant les répercussions d u traité de R o m e sur leur économie.

Commerce des minéraux en Asie et en Extrême-Orient, décembre 1959, 39 pages ( E / C N . I 1/ TRADE/L.30) .

[Ej. Pr. St. D p . ] Données générales sur le c o m m e r c e d u charbon, de la fonte, d u m a n g a -

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

nèse, du cuivre, du zinc, de la bauxite et de l'aluminium, du graphite et du mica. Problèmes de transports.

Rapport du Comité de l'industrie et des ressources naturelles de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient, février i960, 61 pages ( E / C N . I 1/523; E / C N . I I / I & N R / 2 Q ) .

[Ej. Org.] C o m p t e rendu de la douzième session d u comité. Progrès et problèmes de l'industrialisation. Plans prévus pour développer l'industrie des machines-outils et la mécanisation de la petite industrie.

Développement des ressources pétrolières (Commission économique pour l'Asie et VExtrême-Orient). décembre 1959, 9 pages ( E / C N . I I / I & N R / L . 16).

[Ej. Pr.] Présentation de deux résolutions adoptées par le Conseil économique et social, Suite à donner à ces résolutions.

Propositions pour un programme de travaux et de priorités pour les années ig6o-ig6i dans le domaine de l'industrie et des ressources naturelles (Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient), décembre 1959, 21 pages ( E / C N . I I / I & N R / L . 13).

[Ej. Pr. Org.] Principaux travaux accomplis en 1959. Propositions pour 1960-1961.

Travaux accomplis de janvier à décembre 195g dans le domaine de la maîtrise des eaux et de la mise en valeur des ressources hydrauliques, 18 février i960, g pages ( E / C N . I 1/512; E / C N . I I / FLOOD/20).

[Org.] Indications sur le travail accompli en ce qui concerne le contrôle des inondations et l'utilisation des forces hydrauliques au cours de l'année 1959 en Asie et en Extrême-Orient. P r o g r a m m e de travail pour la période à venir.

Rapport du cycle d'étude sur l'administration des entreprises industrielles publiques dans la région de la Commission économique pour l'Asie et VExtrême-Orient, décembre 1959, 39 pages ( E / C N . I 1/1&NR/21).

[Ej. Pr.] C e cycle d'étude a porté sur le développement des entreprises industrielles et les buts ainsi visés, sur le contrôle de la gestion, sur les problèmes posés par des facteurs intérieurs et extérieurs à l'entreprise, et sur l'équipement technique des organes administratifs.

Rapport du Comité de commerce de la Commission économique pour l'Asie et VExtrême-Orient, mars i960, 45 pages ( E / C N . 11/521).

[Ej. Pr. Bl.] Travaux de la troisième session d u Comité de commerce : échanges et politique commerciale, évolution actuelle; commerce des minéraux et produits miné­raux; transports maritimes et frets ; marché c o m m u n européen et association européenne de libre-échange, situation actuelle; arbitrage commercial. P rog ramme de travail pour la période à venir.

Rapport du comité des transports intérieurs et des communications de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient, mars i960, 49 pages ( E / C N . 11/511 ; E / C N . I i /TRANs/141).

[Org.] R é s u m é des rapports d u sous-comité des routes et des voies fluviales et du groupe de travail de la coordination des transports. P rog ramme de travail et ordre d'urgence.

PLANIFICATION, POPULATION ET STATISTIQUES EN ASIE ET EN EXTRÊME-ORIENT

Les techniques de la programmation du développement économique, mars i960, 151 pages (E/cN.ii/L.77).

[Se. Ej. Pr.] Rapport d 'un groupe d'experts sur les méthodes à employer en Asie et en Extrême-Orient pour établir les programmes de développement. Modèles d'analyse et de prévision. Informations nécessaires. Coordination internationale.

Conférence asiatique de la population, mars i960, 8 pages ( E / C N . I 1/L.82). [Org.] Cette note du secrétaire exécutif donne des indications sur ce que sera cette

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

conférence. L'ordre du jour suivant est proposé : la situation démographique en Asie et en Extrême-Orient; son état présent et son évolution future; ses incidences écono­miques et sociales; mesures destinées à permettre une meilleure utilisation des res­sources humaines; action sur l'évolution démographique. Cette conférence devrait avoir lieu en 1961 ou 1962.

Conférence des statisticiens asiatiques (troisième session). Recensement mondial de Vagriculture, février i960, 18 pages ( E / C N . I 1/ASTAT/CONF.3/L.5).

[Ej. Pr. D p . St.] C e document, préparé par la F A O , rend compte des progrès réalisés dans la préparation du recensement de l'agriculture en Asie et en Extrême-Orient. Il indique les dates prévues dans les différents pays de cette région, la base légale des opérations dans chaque pays et les possibilités d'utilisation des sondages.

Travaux relatifs aux statistiques : sondages, février i960, 53 pages ( E / C N . I 1/517). [Ej. Pr.] C e rapport du groupe de travail des spécialistes des méthodes de sondage de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient expose les difficultés qui se présentent quand on veut créer une organisation d'enquêtes par sondage, ainsi que la façon de les surmonter. Il traite de l'emploi des sondages dans les recensements mondiaux de la population et de l'agriculture, prévus pour 1960, de la préparation des bases d'enquête et des cartes.

Travaux relatifs aux statistiques : formation du capital, février 1960, 49 pages ( E / C N . I 1/518). [Ej. Pr.] Rapport du groupe de travail des spécialistes de la formation du capital de la Commission économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient. Problèmes de l'estimation de la formation nette du capital fixe, notamment sous l'égide de l'Etat. Méthodes et concepts relatifs à cette estimation.

SITUATION ÉCONOMIQUE DE L'EUROPE ET P R O G R A M M E DE LA COMMISSION ÉCONOMIQUE

POUR L'EUROPE

Situation économique de l'Europe en 1959, i960, 324 pages, 3 dollars (E/ECE/383). [Ej. Pr. St. D p . ] Cette treizième étude annuelle de la Commission économique pour l'Europe est divisée en quatre parties. L a première continue la traditionnelle analyse de l'évolution de l'économie de l'Europe. La deuxième est consacrée à l'étude des plans à long terme publiés au cours de l'année écoulée en Tchécoslovaquie, dans la République démocratique allemande, en Hongrie, en Pologne et en Union sovié­tique. L a troisième partie examine le rôle et l'importance du secteur public dans les économies hautement industrialisées de l'Europe occidentale. La quatrième partie traite de l'économie des pays moins industrialisés de cette région.

Rapport sur les problèmes de main-d'œuvre en Europe (Commission économique pour l'Europe), février ig6o, 19 pages (E/ECE/371).

[Ej. Pr. D p . ] Rapport préparé par le B I T . Considérations sur l'évolution du chômage dans quelques pays européens. Niveau de l'emploi. Main-d 'œuvre étrangère. Évolution de la formation professionnelle et technique. Activités de l 'OIT dans le domaine de la main-d'œuvre en Europe.

Programme des travaux de la Commission économique pour l'Europe pour ig6o-ig6i, mars i960, 45 pages (E/ECE/384).

[Ej. Pr. Org.] Les projets sont groupés selon l'ordre de priorité fixé par le Conseil économique et social et classés également par secteurs économiques (agriculture, charbon, énergie électrique, etc.).

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

SECRÉTARIAT

POPULATION

Estimations de l'évolution future de la population par sexe et âge : la population de l'Asie et de l'Extrême-Orient, ig^o-igSo, 1959, 110 pages, 1,50 dollar ( S T / S O A / S É R I E S A / 3 1 , RAPPORT IV) .

[Ej. Pr. D p . St.] Dans la première partie de ce rapport, les résultats de diverses projec­tions concernant les pays de cette région sont comparés et étudiés. Les méthodes utilisées font l'objet de la deuxième partie. L a troisième partie est consacrée à la Chine continentale. E n annexe, tableaux détaillés.

COMPTABILITÉ NATIONALE

Système de comptabilité nationale et tableaux connexes, i960, 49 pages, 0,75 dollar (ST/STST/ S E R . F / 2 / R E V . I).

[Ej. Pr. Se] Principes qui doivent servir de base à l'établissement d'une comptabilité nationale. Définitions détaillées des flux.

Groupe d'étude de la classification des comptes publics et de l'administration budgétaire en Amé­rique du Sud (Santiago du Chili, 27 mai-5 juin 1959), i960, 3g pages (sT/TAo/sER.c/39; E / C N . 12/538).

[Ej. Pr. Se. Bl.] L ' u n des principaux objectifs de la réunion était l'étude des moyens d'améliorer les méthodes de programmation financière en vue du développement économique. A cette fin, les participants ont surtout discuté le rôle des comptes du secteur public, la reclassification économique et fonctionnelle des opérations de l'État, prévues et réelles, ainsi que les problèmes liés à l'établissement de budgets-programmes et de budgets de réalisation. Ils ont également examiné les rapports d'interdépendance qui existent, sur le plan financier, entre les principales composantes du secteur privé. E n annexe, liste de documents.

AGRICULTURE

Revue de la situation agricole en Europe à la fin de 195g, 1959, 224 pages, 2 dollars ( S T / E C E / AGRl/l).

[Dp. Ej. Pr. St.] Analyse très complète de la conjoncture agricole des pays d'Europe occidentale et orientale vers la fin de 1959 : marché et perspectives à court terme d u commerce des principaux produits agricoles, cas spécial des céréales, de la viande et d u bétail, marché européen des produits laitiers, des œufs, de la volaille et des fruits frais.

Alécanisation de l'agriculture, 1959, 70 pages, 0,40 dollar ( A G R I / M E C H / I 2 ) . [Ej. Pr. D p . St. Bl.] C e rapport concerne spécialement la mécanisation de la culture et de la récolte des betteraves à sucre. Il décrit sommairement les sols et le climat des régions productrices de betteraves à sucre et traite des travaux préparatoires, des semis, de l'entretien des cultures et de la récolte.

COMMERCE

Annuaire des statistiques internationales du commerce : 1958; premier volume, 1959, 572 pages, 6 dollars ( S T / S T A T / S E R . G / 9 - V O L . I ) ; deuxième volume, i960, 167 pages, 2 dollars ( S T / S T A T / S E R . G / 9 - V O L . I I ) .

[Ej. Pr. D p . St.] Cette neuvième édition de l'annuaire contient des données détaillées par pays et par produit, ainsi que des tableaux statistiques de base montrant, entre autres, la contribution de chaque pays au commerce de la région à laquelle il appar­tient et au commerce du m o n d e .

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

DÉVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE

Série des publications des Nations Unies sur le développement communautaire : bibliographie sélective, i960, 15 pages ( S T / S O A / S E R . O / 3 3 ; S T / T A O / S E R . D / 3 3 ) .

[BL] Cette bibliographie sélective porte sur les domaines suivants : programmes natio­naux d'ensemble, programmes nationaux spécialisés, projets locaux et études de cas concrets, évolution locale non dirigée, méthodes et principes d'enquêtes sociales, publications périodiques, série des publications des Nations Unies sur le développement communautaire.

* Problèmes de direction des communautés, i960, 15 pages (sT/sOA/sER.0/36; ST/TAo/sER.D/36). [Ej. Pr.] C e guide, préparé par le Centre régional d'éducation de base d'Amérique latine, a pour objet d'aider les personnes qui ont pris la responsabilité de constituer et d'administrer des communautés. Il passe en revue les différents types de chefs et les différentes formes d'autorité.

SERVICE SOCIAL

L'organisation des programmes nationaux de service social, 1959, 74 pages, 0,75 dollar (ST/ SOA/40).

[Ej. Pr.] C e rapport d 'un groupe d'experts traite du service social en tant qu'aspect de la politique sociale — le service social étant défini c o m m e l'activité des travailleurs sociaux professionnels. Il expose les exigences correspondant aux différents stades de développement économique, précise les contributions que peuvent apporter les services sociaux à la protection de la famille et de l'enfance, au développement communautaire, à l'urbanisation et à l'amélioration des niveaux de vie familiaux, et énonce u n certain nombre de principes directeurs concernant la planification et l'exécution des pro­grammes nationaux de service social.

ASSISTANCE TECHNIQUE

Programme de l'assistance technique des Nations Unies : le service indien de développement écono­mique au Guatemala, i960, 46 pages ( S T / T A O / K / G U A T E M A L A / 2 ) .

[Ej. Pr. St.] Cette étude, préparée par des experts, à l'intention d u gouvernement du Guatemala, décrit la situation des Indiens au Guatemala et expose les projets visant à améliorer leur niveau de vie.

COMMISSIONS ÉCONOMIQUES RÉGIONALES

Coopération pour le progrès économique, janvier ig6o, 58 pages, 0,25 dollar. [Ej. Pr. D p . ] Cette brochure d'information expose l'organisation et le fonctionnement des commissions économiques régionales (pour l'Europe, pour l'Asie et l'Extrême-Orient, pour l'Amérique latine et pour l'Afrique).

TERRITOIRES NON AUTONOMES

Étude spéciale sur les conditions de l'enseignement dans les territoires non autonomes, i960, 100 pages, 1,50 dollar ( S T / T R I / S E R . A / I 6 ) .

[Ej. Pr. D p . St.] Participation locale àl'administrationde l'éducation, analphabétisme, écoles primaires de 1955 à 1957, écoles secondaires, études supérieures, développements récents en ce qui concerne la formation professionnelle et technique (y compris la formation du personnel sanitaire et la formation professionnelle agricole).

Une responsabilité sacrée, mars i960, 48 pages, 0,25 dollar. [Ej. Pr.] Cette brochure illustrée décrit l'œuvre des Nations Unies en faveur des terri­toires non autonomes : missions, rapports annuels, pétitions, etc. Tous ces efforts tendent à amener ces territoires à l'indépendance.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Résumés des renseignements transmis au Secrétaire général relatifs à l'année 1958 : Territoires d'Afrique centrale : Nyassaland, Rhodésie du Nord, i960, 21 pages ( S T / T R I / B .

I959/1)-Territoires d'Afrique orientale : Kenya, Ouganda, Somalie britannique, Zanzibar, i960,

49 P a g e s (sT/TRi/B.1959/2).

Territoires d'Afrique australe : Basutoland, Bechuanaland, Swaziland, i960, 23 pages ( S T / T R I / B . 1959/3).

Territoires de l'océan Indien : île Maurice, îles Cocos, Seychelles, i960, 22 pages ( S T / T R I / B . 1959/4)-

Territoires d'Afrique occidentale : Gambie, Nigeria, Sierra Leone, i960,36 pages ( S T / T R I / B . 1959/5)-

Territoires des Caraïbes et de l'Atlantique ouest : Bahama, Barbade, Bermudes, Guyane britannique, Honduras britannique, îles Leeward, Antigua, Saint-Christophe et Nevis, Anguilla, Montserrat, îles Vierges, îles Vierges américaines, Jamaïque, Trinité et Tobago, i960, 119 pages (ST/TRI /B .1959 /6 ) .

Territoires d'Asie : Bornéo du Nord, Brunei, Hong-kong, Sarawak, Singapour, i960, 59 pages ( S T / T R I / B . 1959/7).

Territoires du Pacifique : Fidji, Guam, Hawaii, îles Cook, îles Gilbert et Ellice, îles Salo­mon britanniques, Tokélaou, Niué, Nouvelle-Guinée néerlandaise, Nouvelles-Hébrides, Papua, Pitcairn, Samoa américain, i960, 92 pages ( S T / T R I / B . 1959/8).

[Ej. Pr. D p . St.] Ces rapports suivent le plan habituel : superficie et population, évo­lution récente des conditions économiques, sociales, culturelles et politiques.

PLANIFICATION RÉGIONALE

Développement des ressources hydrauliques aux États-Unis d'Amérique, en Autriche, en France et aux Pays-Bas, 1959, 143 pages (sT/TAo/sER.c/38).

[Dp . Ej. Pr.] Rapport d ' u n groupe d'experts d'Asie et d'Extrême-Orient. Résultats des visites qu'ils ont faites (vallée d u Tennessee, Hoover D a m , aménagement du Saint-Laurent, utilisation des chutes d u Niagara, plan d u delta de Hollande, canalisation du Rhin, port de Strasbourg, barrage de Serre-Ponçon et projet d'irrigation de la Camargue , etc.).

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EN ASIE ET EN EXTRÊME-ORIENT

Développement économique et planification en Asie et Extrême-Orient. Aspects sociaux, décembre 1959, 84 pages, 0,50 dollar.

[Ej. D p . St. Pr.] C e numéro spécial du Bulletin économique pour l'Asie et l'Extrême-Orient (vol. X , n° 3), après avoir exposé la nature d u problème, rend compte des expériences faites par les pays de la région en ce qui concerne les programmes de développement économique, souligne les interrelations entre le développement économique et le déve­loppement social et insiste sur la nécessité de coordonner ces deux formes de déve­loppement.

INSTITUTIONS SPÉCIALISÉES

ORGANISATION INTERNATIONALE D U TRAVAIL (OIT)1

JEUNESSE ET TRAVAIL

Rapport du Directeur général, première partie : la jeunesse et le travail, i960, 140 pages, 1 dollar. [Ej. Pr. Org.] Les premiers chapitres de ce rapport présenté à l'occasion de la 44 e session

1. E n règle générale, les publications de T O I T paraissent en anglais, en espagnol, en français et en russe.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

de la Conférence internationale d u travail fournissent des données numériques relatives aux classes jeunes et exposent brièvement la place qu'elles occupent dans la main-d 'œuvre . L e rapport étudie ensuite les possibilités d'emploi offertes aux jeunes, le choix d ' un métier, la préparation professionnelle, le passage de l'école à la vie pratique, les conditions d'emploi des jeunes, la satisfaction dans le travail. Politique de l ' O I T en faveur de la jeunesse actuelle.

ACTIVITÉS DE L ' O I T

Activités de l'OIT ig^g-ig6o. Rapport du Directeur général, deuxième partie, i960, 94 pages, 0,75 dollar.

[Ej. Pr. Org.] Action présente de l ' O I T et besoins futurs. Ses programmes en faveur d u développement économique de la main-d 'œuvre et de l'emploi, de l'amélioration des conditions de vie et de travail, et dans le domaine de l'assistance technique.

ÉVALUATION DE LA QUALIFICATION D U TRAVAIL

La qualification du travail, i960, 172 pages, 1,25 dollar. [Ej. Pr. St. D p . ] Buts et techniques de détermination de la qualification du travail (job evaluation). Exemples pratiques. Principales difficultés de cette méthode en tant qu'instrument de détermination des salaires. Trois annexes : extraits d u rapport de la Sous-commission des méthodes d'évaluation du travail dans les industries m é c a ­niques; extraits d u rapport de la Conférence internationale sur la qualification du travail; principales caractéristiques de quelques systèmes de qualification du travail utilisés dans divers pays.

ÉQUILIBRE ENTRE LES SALAIRES ET LES PRIX

Les fluctuations de l'emploi, la productivité et l'inflation des coûts dans les industries de transfor­mation, par H . A . Turner, i960, 30 pages.

[Ej. Pr.] E n dépit de l'accroissement persistant de la productivité, la progression des salaires réels dans la plupart des pays industriels où existe le plein emploi est constam­ment retardée par l'inflation. E n revanche, la stabilité des prix va souvent de pair avec u n niveau insuffisant de l'emploi. M . H . A . Turner examine ce di lemme. Il constate que l'interdépendance de tous ces éléments est plus complexe qu 'on ne le supposait et conclut qu 'on ne peut espérer trouver une solution sans agir en premier lieu sur la structure des salaires.

COMMUNICATIONS ET RELATIONS PROFESSIONNELLES

Les pratiques, procédures et techniques assurant d'eflicaces communications entre les employeurs et les employeurs et les travailleurs dans l'industrie du pétrole, i960, 132 pages.

[Ej. Pr. D p . ] C e rapport comprend trois parties. D a n s les deux premiers chapitres sont analysés la nature des communications dans les relations professionnelles, les besoins auxquels elles répondent, leur contenu et les difficultés qu'elles présentent. Les quatre chapitres suivants décrivent les différents moyens de communication. Dans les deux derniers, on a cherché à comparer l'efficacité de ces différents moyens.

FORMATION PROFESSIONNELLE

La formation professionnelle, i960, 121 pages, 0,75 dollar. [Ej. Pr.] Septième rapport de ce genre. Préparé en vue de la 44 e session de la Confé­rence internationale d u travail. Informations sur les plans nationaux en matière de préparation professionnelle et sur l'évolution de l'organisation de la formation dans le cadre des entreprises et des institutions d'apprentissage. E n annexe, propositions de révision des recommandations sur la formation professionnelle et l'apprentissage.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

LICENCIEMENT

Etude comparative des procédures de licenciement, i960, 36 pages. [Ej. Pr. D p . ] R é s u m é d'une série de monographies parues dans la Revue internationale du travail.

SÉCURITÉ SOCIALE

La sécurité sociale des membres des coopératives agricoles en Europe orientale, i960, 17 pages, [Ej. Pr. D p . ] O n trouvera dans ces pages l'essentiel des dispositions que la Bulgarie, la Hongrie et la Tchécoslovaquie ont prises en ce domaine.

Égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale, i960. 114 pages, 0,75 dollar.

[Ej. Pr.] Rapport préparé en vue de la 44 e session de la Conférence internationale d u travail. Restrictions apportées à l'égalité de traitement par la législation et la pratique des différents pays. Influence favorable du code international du travail. État actuel de ce code dans ce domaine. Problèmes techniques liés à la préparation d 'un instru­ment international nouveau relatif à l'égalité de traitement. Solutions proposées par une commission d'experts.

INDUSTRIE DU PÉTROLE

Commission du pétrole, sixième session (Genève, i960) : rapport général, i960, igi pages. [Ej. Pr. D p . St.] Porte notamment sur les points suivants : a) mesures adoptées dans les différents pays à la lumière des conclusions des sessions précédentes de la commission (durée du travail, services sociaux, relations humaines, etc.) ; b) dispositions prises par le bureau pour procéder aux études et enquêtes proposées par la commission; c) évé­nements et progrès récents dans l'industrie du pétrole (conjoncture économique, conditions de travail).

L'organisation des syndicats dans l'industrie du pétrole, i960, 110 pages. [Ej. Pr. D p . ] Histoire, organisation, action de ces syndicats.

PERSONNEL INFIRMIER

Emploi et conditions de travail du personnel infirmier, i960, ig8 pages, 2 dollars. [Ej. Pr. D p . ] Rapport établi d'après les réponses à un questionnaire que le Conseil international des infirmières a adressé à ses organisations affiliées dans 67 pays. Les chapitres I à X I donnent un tableau aussi complet que possible des conditions qui régnent dans différents pays et des principaux problèmes qui se posent à l'heure actuelle aux infirmières. Le chapitre X I I reproduit les conclusions auxquelles a abouti une réunion spéciale d'experts appelés à définir les normes de travail concernant le personnel infirmier.

TRAVAIL FÉMININ EN ITALIE

L'évolution récente du travail des femmes en Italie, par Franco Archibugi, i960, 40 pages. [Ej. Pr.] Sous plus d 'un rapport, l'évolution de l'emploi des femmes en Italie, depuis la fin du siècle dernier, s'est nettement distinguée de celle que l'on a constatée dans la plupart des pays industriels occidentaux. M . Archibugi analyse cette évolution et s'attache à en déceler les causes.

RÉALISATIONS PRATIQUES

L'œuvre de la Confédération générale du travail en Israël, par Aharon Becker, i960, 22 pages. [Ej. Pr.] Circonstances dans lesquelles s'est constituée l'Histadrut et part qu'elle a prise à l'effort de développement national.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

De quelques aspects des commissions paritaires en Belgique, par A . Delpérée, i960, 18 pages. [Ej. Pr.] Évolution de ces organismes depuis 1919. Leurs fonctions actuelles, notamment en matière de rémunération et de durée du travail.

Les accords du type Renault, i960, 26 pages. [Ej. Pr.] Histoire de cette expérience. Réactions qu'elle a provoquées.

INSTITUT INTERNATIONAL D'ÉTUDES SOCIALES

Institut international d'études sociales : établissement par le Conseil d'administration du Bureau international du travail, i960, 13 pages.

[Ej. Pr. Org.] Le Ier mars i960, le Conseil d'administration d u B I T a décidé d'établir à Genève u n Institut international d'études sociales. Nécessité de cet institut, son but et ses fonctions, son organisation.

B A N Q U E INTERNATIONALE P O U R LA R E C O N S T R U C T I O N ET LE D É V E L O P P E M E N T

Rapport de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, janvier i960, 91 pages (E/3314).

[Ej. Pr. St. D p . ] Exercice allant du Ier juillet 1958 au 30 juin 1959. Les diverses acti­vités de la Banque. V u e d'ensemble et analyse.

Rapport de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, février i960, 12 pages (E/3314/ADD.1).

[Ej. Pr. D p . ] Activités de la Banque du 1er juillet 1959 au 31 janvier i960. Signale la création de la Société internationale de développement, nouvel organisme de finan­cement qui est une filiale de la Banque.

FONDS M O N É T A I R E INTERNATIONAL

Rapport du Fonds monétaire international, janvier i960, 263 pages (E/3313). [Ej. Pr. D p . St.] C e rapport annuel résume, dans ses traits essentiels, l'évolution de l'économie mondiale en 1958-1959, puis décrit l'activité du Fonds pendant l'exercice

I958-I959-

ORGANISATION DES NATIONS UNIES P O U R L'ALIMENTATION ET L ' A G R I C U L T U R E (FAO)

ACTIVITÉS DE LA FAO

Évaluation des programmes de la FAO, ig^g-igõ^, 1959, 88 pages. [Ej. Pr. Org.] Besoins et responsabilités de la F A O à la lumière des problèmes critiques qui se posent dans les domaines de l'alimentation et de l'agriculture. Activités envi­sagées.

SITUATION ALIMENTAIRE MONDIALE

Disponibilités alimentaires, séries chronologiques. [Ej. Pr. D p . St.] Le présent recueil contient les données sur la consommation tirées des bilans nationaux des disponibilités alimentaires. Ces séries chronologiques four­nissent des moyennes trisannuelles. Production, approvisionnement disponible, alimen­tation animale et usages industriels, calories, protéines et matières grasses.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

CAMPAGNE MONDIALE CONTRE LA FAIM

Historique et situation de la campagne mondiale contre la faim, mars i960, 35 pages ( C / N G O / FFHc/2).

[Ej. Pr. Org.] Préparation de cette campagne dès juillet 1958. Objectifs, programmes de recherche et d'action. Organisation et financement. E n annexe, rapports de comités.

AGRICULTURE

Les paysans aujourd'hui, 1959, 77 pages, 2 dollars. [Ej. Pr. St. D p . ] C e volume contient deux études, l'une consacrée aux revenus agricoles et aux niveaux de vie dans l'agriculture, l'autre au développement de l'agriculture. Elles donnent un aperçu de la situation et de l'avenir de la production agricole dans le m o n d e (y compris la pêche et la sylviculture).

ÉTUDES SUR DIVERS PRODUITS

La situation de la noix de coco ; n° 2 novembre 1959, 28 pages, 0,50 dollar ; n° 3 avril i960, 44 pages, 0,50 dollar.

[Ej. Pr. D p . St.] Le n° 2 contient divers tableaux sur l'évaluation de la production dans divers pays, les exportations et importations des produits de la noix de coco, en général et par pays. L e n° 3 continue cet exposé et donne des chiffres jusqu'au Ier avril i960.

Statistique du cacao, vol. 3, n° 2, avril i960. [Et. Pr. D p . St.] C e numéro présente les tableaux statistiques concernant la produc­tion, l'importation et l'exportation du cacao. Classement par pays importateurs et exportateurs.

Niveaux de consommation de fibres par habitant : ig^8-ig^8, i960, 183 pages, 2 dollars. [Ej. Pr. St. D p . ] Les fibres étudiées sont le coton, la laine et les fibres artificielles, à l'échelle mondiale.

ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ (OMS)

ÉDUCATION

Préparation des enseignants à Véducation sanitaire, Série de rapports techniques, n° 193, i960, 21 pages, 0,30 dollar.

[Ej. Pr.] Rapport d 'un comité mixte O M S / U n e s c o . Résume l'état actuel de la prépa­ration des enseignants chargés de l'éducation sanitaire. C e qu'ils doivent savoir. M o d a ­lités de leur préparation. Formation en cours d'emploi. Mesures et recherches à envi­sager.

SERVICES DE SANTÉ

Le service de santé local, Série de rapports techniques, n° 194, i960, 56 pages, 0,60 dollar. [Ej. Pr. D p . St.] La santé publique à l'échelle locale. Méthodes d'organisation des efforts collectifs, aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. E n annexe, projet de programme pour des études sanitaires locales, et aperçu de six études pilotes.

SANTÉ MENTALE

Epidemiologie des troubles mentaux, Série de rapports techniques, n° 185, 1960, 32 pages, 0,30 dollar.

[Ej. St. D p . ] Pour être efficace, la prophylaxie des troubles mentaux doit s'appuyer sur une connaissance précise de leur prévalence et de leur incidence et sur une appré-

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

ciation exacte de l'importance des divers facteurs étiologiques. L 'une des méthodes les plus fructueuses consiste à envisager la maladie en tant que phénomène de masse et à faire une étude comparative de sa distribution dans le temps et l'espace. C'est l'objet de ce rapport.

La méthode épidémiologique dans l'étude des troubles mentaux, par D . D . Reid, Cahiers de santé publique, n° 2, i960, 87 pages, 1 dollar.

[Ej. Pr. Sc. B1.] L e but de cette étude est de présenter, en illustrant la théorie par des exemples, les principes généraux de cette méthode et d'indiquer aussi bien ses possi­bilités que les limites pratiques de son application en psychiatrie.

PALUDISME

Bulletin de l'Organisation mondiale de la santé, vol. 22, n° 6, ig6o, 163 pages, 2 dollars. [Ej. Pr. Se. D p . St.] C e numéro est consacré à l'étude du paludisme. Action sociale dans ce domaine et aspects médicaux du problème.

LÈPRE

Comité d'experts de la lèpre, Série de rapports techniques, n° 189, i960, 30 pages, 0,30 dollar. [Ej. Pr.] Le rapport de ce comité étudie tout d'abord la contagiosité et le m o d e de propagation de la lèpre, puis décrit les méthodes de lutte actuelles. Organisation des campagnes antilépreuses.

ORGANISATION DES NATIONS UNIES P O U R L 'ÉDUCATION, LA SCIENCE ET LA C U L T U R E (UNESCO)

ACTIVITÉS DE L'uNESCO

Évaluation des programmes de V Unesco à l'intention du Conseil économique et social, i960, 186 pages, 7 nouveaux francs.

[Org.] Dans ce volume, les principaux aspects des diverses activités de l'Unesco jusqu'en 195g font l'objet d 'un examen rétrospectif critique (objectifs de chaque activité, moyens mis en œuvre, résultats atteints). Esquisse sur chaque point d 'un programme pour i960-1964.

SOCIOLOGIE

Bibliographie internationale de sociologie, vol. VIII : Travaux publiés en 1958, i960, 319 pages, 21,25 nouveaux francs.

[Se. D p . ] Plus de 5 000 titres de livres, articles et documents sociologiques parus dans le m o n d e entier et dans les langues les plus diverses en 1958. Les titres sont traduits en anglais. Classement systématique. Index multiples.

ÉDUCATION

Rapport final sur la troisième session du Comité consultatif intergouvernemental du projet majeur relatif à l'extension de l'enseignement primaire en Amérique latine (Mexico, 14-19 mars i960), 25 mars i960, 19 pages (56/EX/23).

[Org. Pr.] C e comité est chargé d'aider le Directeur général de l'Unesco dans l'exécu­tion du projet majeur n° 1 de cette institution (développement de l'enseignement pri­maire en Amérique latine). A u cours de sa troisième session, il a examiné les résultats obtenus dans le cadre de ce projet depuis 1957 et formulé son avis sur les plans prévus pour 1961-1962. Déroulement et recommandations de cette session. Partici­pants.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Discrimination dans le domaine de Venseignement, trois documents : 29 mai 1959, 23 pages (uNESCo/ED/167) ; 15 avril i960, 34 pages (uNESCo/ED/167/ADD.i) ; 15 avril i960, 171 pages (UNESC0/ED/167/ADD.2).

[Org. Ej. D p . Pr.] L 'Unesco a entrepris d'élaborer des recommandations et une conven­tion internationales concernant la discrimination dans le domaine de l'enseignement. Le document U N E S C O / E D / I 6 7 exposait les origines et les buts de ce projet. Il se terminait par un questionnaire rédigé à l'intention des États membres et portant sur la forme et le contenu à donner aux recommandations et à la convention envisagées. Le document UNESCo/ED/167/ADD.i contient une étude analytique des réponses reçues à la date du 15 mars i960 (38 gouvernements) et des commentaires ajoutés par 16 organisa­tions internationales non gouvernementales, ainsi que le texte des projets de conven­tion et de recommandations proposés par l'Unesco à l'issue de cette consultation. L e document U N E S C O / E D / I 6 7 / A D D . 2 reproduit le texte intégral de ces réponses et c o m ­mentaires.

Rapport de la réunion régionale des représentants des États membres d'Asie sur renseignement primaire obligatoire (Karachi, 28 décembre-g janvier ig6o), 29 février i960, 57 pages (uNESCo/ED/173).

[Org. Pr. D p . St.] L'objectif de la réunion était de déterminer les grandes lignes d ' un programme pratique concerté, destiné à assurer d'ici à 1980 environ, 7 années d'ensei­gnement primaire à 20 % à peu près de la population totale de la région. Selon ce plan, les écoles, qui accueillaient 38 millions d'élèves (5,7 % de la population totale) en 1950, en accueilleraient 220 millions vers 1980, ce qui correspond en gros à la proportion déjà atteinte dans des pays c o m m e le Japon ou Ceylan et demeure bien au-dessous des taux des pays économiquement plus développés. Déroulement et conclusions de la réunion. Cette conférence a été organisée par l'Unesco. Elle a été suivie par des représentants de 17 pays d'Asie, auxquels s'étaient joints des experts internatio­naux.

* Conférence des ministres et directeurs de l'éducation des pays d'Afrique tropicale (Addis-Abéba, 16-20 février ig6o), 18 mars i960, 14 pages (uNESCO/ED/174).

[Org. Pr.] Cette conférence organisée par l'Unesco avec le concours du gouvernement éthiopien et réunissant des responsables de l'instruction publique au Congo , au D a h o m e y , au Mali, à Madagascar, en Ethiopie, au Ghana , en Guinée, au Libéria, en Sierra Leone, en Nigeria, en Somalie, au Soudan, en O u g a n d a et au M o z a m b i q u e avait pour objet d'examiner les besoins de l'Afrique tropicale dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire. L a discussion s'est fondée sur une étude préli­minaire de l'Unesco, U N E S C O / E D / A F R I C A / 2 , 15 janvier i960, qui décrit la situation de 22 pays et territoires, à partir de données obtenues au m o y e n d 'un questionnaire spécial et de renseignements provenant de diverses autres sources. L e document U N E S C O / E D / I 74, ci-dessus, résume les travaux et recommandations de la conférence d'Addis-Abeba. Propositions relatives à un programme à long terme. Liste des participants.

ENSEIGNEMENT VISUEL

Stage d'études régional sur l'emploi des moyens visuels dans l'éducation des adultes et l'éducation scolaire en Amérique latine (Mexico, 28 septembre-iy octobre igsg), 25 mars i960, 27 pages (UNESCO/MC/38).

[Org. Pr.] L'objet de ce stage, organisé par l'Unesco avec le concours du gouvernement mexicain, était de permettre aux participants d'échanger des renseignements et des données provenant d'expériences relatives à la production, la diffusion, l'utilisation pédagogique et l'évaluation des auxiliaires audio-visuels dans l'éducation scolaire et extra-scolaire, et de leur fournir l'occasion d'examiner les problèmes que pose dans ce domaine la coopération internationale (rôle futur de l'Institut latino-américain du cinéma éducatif, etc.). Travaux, recommandations, liste des participants (originaires de 18 pays d'Amérique latine) et des observateurs.

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

Les films fixes : utilisation, évaluation et production, i960, 57 pages, collection Guides pratiques pour Véducation extrascolaire, n° 1, 2,25 nouveaux francs.

Cette brochure inaugure une nouvelle collection où l'on se propose de publier des manuels d 'un caractère très pratique, à l'intention des éducateurs travaillant sur le terrain. C o m m e n t faire des films fixes ? C o m m e n t les utiliser ? C o m m e n t se rendre compte de leur efficacité ? Telles sont les questions auxquelles s'efforce de répondre cette brochure. Illustrations.

URBANISME ET SCIENCES SOCIALES

Les villes nouvelles. Éléments d'une bibliographie annotée, réunis par Jean Viet, Rapports et documents de sciences sociales, n° 12, i960, 82 pages, 3,50 nouveaux francs. (Bilingue : anglais-français. )

[Dp . Ej. Bl.] Par « ville nouvelle», on entend ici une cité construite de toutes pièces selon u n plan rationnel. Ces créations sont de plus en plus nombreuses. E n Angleterre, par exemple, 15 villes nouvelles, mises en chantier depuis 1945, abriteront bientôt plus d ' u n million d'habitants. Des faits analogues peuvent être constatés dans d'autres pays (Brasilia, Chandigarh, etc.). Us donnent lieu à de nombreuses recherches d'ordre juridique, économique et sociologique. L a bibliographie ci-dessus présente et commen te 865 livres, articles ou documents relatifs à de telles recherches : catégories de villes nouvelles, problèmes administratifs et financiers, urbanisme, équipement économique, relations sociales et conditions de vie. Introduction générale due à un expert.

PRÉJUGÉS

* Relations raciales et santé mentale, par Marie Jahoda, collection La question raciale devant la science moderne, 48 pages, i960, 1,75 nouveau franc.

[Ej. Bl.] Dans cette collection, des spécialistes en vue sont invités à résumer les princi­pales conclusions de leur discipline concernant les questions ethniques. L a brochure de Marie Jahoda a été rédigée avant tout d ' u n point de vue psychanalytique. Les préjugés y sont considérés en tant que symptômes de dérèglement psychique. L'auteur a cependant recours à d'autres données, fournies notamment par la psychologie de la personnalité et par la sociologie. L a fonction psychique des préjugés. Leur genèse. Leurs rapports avec le déséquilibre mental. Leur thérapeutique.

INFORMATION

* Réunion sur le développement des moyens d'information en Asie du Sud-Est (Bangkok, 18-19 janvier i960), 15 avril i960, 51 pages (uNESCo/MC/39).

[Pr. Org.] Des représentants de 21 pays de la région ont pris part à cette réunion, de m ê m e que de nombreux experts internationaux. C e colloque sera suivi de deux autres conférences semblables (Amérique latine en 1961, Afrique en 1962). Il s'agit d'examiner les problèmes qui se posent dans les pays en voie de développement dans le domaine de l'information (journaux, périodiques, agences, radio, film, télévision, écoles de journalisme, etc.) et de formuler les grandes lignes d 'un plan d'action. L 'Unesco a été chargée d'organiser ces travaux par les Nations Unies. Travaux, recommandations, participants.

STATISTIQUES

Faits et chiffres : statistiques internationales relatives à l'éducation, à la culture et à l'informa­tion (1959), 198 pages, i960, 10,50 nouveaux francs. (Bilingue : anglais-français.)

[Dp . St.] Il s'agit de la quatrième édition d 'un recueil qui prend la forme d ' u n annuaire véritablement international de statistiques culturelles : analphabétisme, niveaux d'instruction, établissements d'enseignement, maîtres, élèves, durée de la scolarité, dépenses pour l'éducation, bibliothèques, musées, production de livres, traductions, tirage des journaux, fréquentation des cinémas, récepteurs de radio et de télévision...

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

* Rapport concernant le séminaire régional africain sur la standardisation internationale des statis­tiques de l'éducation (Khartoum, si novembre-3 décembre 1959), 14 mars i960, 14 pages (uNESco/ss/29).

[Org. Pr.] C e séminaire de l'Unesco a permis à des spécialistes venant d 'une trentaine de pays et territoires d'Afrique d'examiner de façon précise des moyens de rendre plus homogènes et plus comparables leurs méthodes de compilation, de classification et de présentation dans le domaine des statistiques de l'éducation. Travaux et r e c o m m a n ­dations. Participants.

SIGNIFICATION DES ABRÉVIATIONS CONVENTIONNELLES UTILISÉES

Bl. : Contient une bibliographie développée. D p . : L e document décrit les faits pays par pays (ou région par région). Ej. : Fournit aux éducateurs et aux journalistes qui traitent de question sociales

les éléments d ' u n bon exposé documentaire. O r g . : Particulièrement utile pour se tenir au courant des activités de l'organisme

international intéressé. Pr. : Peut fournir d'utiles indications concrètes aux praticiens (éducateurs, fonc­

tionnaires, m e m b r e s d'organisations internationales, d'institutions économiques et sociales, etc.) dont les activités sont en rapport avec la question traitée.

Se. : Mérite de retenir l'attention des personnes qui ont en chantier des travaux scientifiques dans le domaine considéré.

St. : Contient des statistiques. Il va sans dire que ces signes ont une valeur tout à fait relative et que nous n'entendons pas, en les employant, suggérer une classification quelconque. Nous avons simplement recours à ces symboles pour obtenir des analyses aussi brèves que possible, qui soulignent pourtant avec le m i n i m u m de précision nécessaire ce qui, dans chaque publication ou document, correspond plus particulièrement à tel ou tel secteur des sciences sociales.

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE

A L M O N D , Gabriel A . ; C O L E M A N , James S. The Politics of the developing areas. Princeton (N.J . ) , Princeton University Press, i960, x n + 591 pages, 10 dollars.

L'ouvrage est consacré à l'examen des systèmes politiques des « pays en voie de déve­loppement ». Ils sont comparés, d'abord avec les systèmes occidentaux, puis entre eux, et classés systématiquement, d'après certains concepts ou « catégories ».

L'introduction, intitulée « U n e approche fonctionnelle de la politique compara­tive », énumère ces concepts : « système politique », « fonction politique », « structure politique», «culture politique», «socialisation politique», qui sont préférés aux termes d' « État », de « pouvoirs », d ' « institutions », d' « opinion publique » et de « citoyenneté », dont le sens est plus étroit.

Après avoir étudié dans l'introduction chacune de ces catégories, les auteurs les appliquent à l'Asie d u Sud-Est, à l'Asie méridionale, à l'Afrique au sud du Sahara, au Proche-Orient et à l'Amérique latine pour dégager u n certain n o m b r e de carac­téristiques c o m m u n e s et arriver par là — c'est leur deuxième objectif — à l'analyse d u processus de modernisation et de transformation politique de ces pays.

D a n s chaque région, l'environnement politique et social se caractérise par le niveau de vie peu élevé d'une population presque entièrement paysanne, par le m a n q u e d'intégration entre les différentes classes de la société, ainsi que par l'énorme distance entre la masse de la population et l'élite « occidentalisée ».

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Les transformations dues à l'influence occidentale — urbanisation, restratification de la société, sécularisation sociale et politique, désir d 'un niveau de vie plus élevé, éducation occidentale — ont été à peu près les m ê m e s , mais leurs effets se sont révélés très différents selon les régions : il n'y a guère de relation entre le développement économique de ces nations et le développement d ' un esprit de concurrence politique, qui est pour l'auteur un attribut essentiel de la démocratie. Ces transformations n'en ont pas moins contribué à donner aux populations une impression de cohésion et d'identité, qui explique les poussées de nationalisme dans ces pays.

E n ce qui concerne les fonctions d u système politique, la poussée des mouvements nationaux a donné une charpente idéologique à la vie politique. E n général, les partis n'ont pas joué le rôle dominant, faute d'organisation. C e rôle est revenu à des groupes d'intérêts, et le plus souvent à des groupes d'intérêts « institutionnels » : bureaucratie et armée. Dans l'ensemble, la vie politique des régions en voie de développement n'est ni cohérente, ni très intégrée. Le monopartisme prédomine : on constate un certain clivage entre les générations, d 'où compétition pour le pouvoir; enfin, les moyens de communication politique — presse et radio — ne sont ni neutres, ni autonomes, ni accessibles à la grande majorité de la population. Quant à la séparation des trois pouvoirs — exécutif, législatif et judiciaire — le colonialisme et le passé traditionnel ont favorisé la tendance vers u n gouvernement extrêmement centralisé.

Les auteurs ont insisté sur la différence entre l'Amérique latine et les autres régions, différence due essentiellement aux circonstances de l'acquisition de l'indépendance. Les problèmes essentiels de l'Amérique latine — problème religieux et système de propriété de la terre — ne sont pas ceux de PAfrique-Asie — achèvement de l'indé­pendance et organisation de la nouvelle société nationale. Ces diverses comparaisons ont permis aux auteurs de classer les nations en voie de développement en cinq types principaux en partant du principe qu'un système politique moderne est caractérisé par la différenciation des sphères gouvernementales et politiques, et par la spécificité des structures politiques : les démocraties politiques, qui ont u n système de partis différenciés et autonomes, connaissant une séparation entre les pouvoirs (Philip­pines) ; les démocraties « tutélaires », où les pouvoirs sont concentrés entre les mains de l'exécutif et de la bureaucratie (Ghana) ; les oligarchies, en voie de modernisation, contrôlées par l'armée ou la bureaucratie (Pakistan et Soudan) ; les oligarchies tota­litaires (République populaire démocratique de Corée et République démocratique d u Viêt-nam) ; les oligarchies traditionnelles (Arabie Saoudite).

B E L L , Daniel. The end of ideology; on the exhaustion of political ideas in the fifties. Glencoe (111.), T h e Free Press, i960, 416 pages, 7,50 dollars.

C e livre, qui rassemble en les remaniant un certain nombre d'études déjà publiées, débute par un examen critique des théories de la société américaine; le thème de la « société de masse », la question d'une « classe dominante », les tentatives de défini­tion du capitalisme américain sont soigneusement passés au crible; l'auteur présente une théorie dite de «status politics» pour compléter les théories plus courantes des classes sociales ou des groupes d'intérêts. Cette discussion est suivie d'études de cas typiques portant sur des aspects marginaux de la société américaine : un chapitre intitulé « Crime as an American w a y of life » expose la relation entre les groupes ethniques, le crime et la mobilité sociale. D . Bell montre ensuite comment le confor­misme de l'efficacité entraîne des troubles profonds dans la vie américaine. L a dernière partie de l'ouvrage est consacrée au déclin de la gauche américaine; l'origine et le développement de 1' « aliénation » et de 1' « exploitation » c o m m e notions clés de la pensée marxiste y sont discutés, ainsi que les autres apports idéologiques du c o m m u ­nisme. L a conclusion insiste sur le fait qu'un certain nombre d'événements ont, dans le deuxième quart du X X e siècle, définitivement anéanti les espoirs que les idéologies du siècle précédent avaient suscités et s'efforçaient de promouvoir pour la réalisation d'un m o n d e meilleur. Si les idéologies « humanistes » de l'Occident sont ainsi parvenues au stade de l'épuisement, d'autres idéologies, plus matérielles et aux perspectives plus étroites, exercent leur action dans les continents en voie de développement c o m m e l'Asie ou l'Afrique.

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J A N O W I T Z , Morris. The professional soldier; a social and political portrait. Glencoe (111.), T h e Free Press, i960, xiv + 464 pages, 6,75 dollars.

S'appuyant sur les résultats d 'un grand nombre d'enquêtes menées auprès de militaires de carrière, ainsi que sur des témoignages écrits ou oraux, l'auteur étudie la vie profes­sionnelle, l'organisation, le commandemen t de l'armée de métier américaine au cours de la première moitié du xx e siècle. L'armée a dû s'efforcer de s'adapter aux nouvelles conceptions de la guerre, aux changements technologiques, à la multiplication de ses fonctions. C o m m e n t a-t-elle réagi en face de ces multiples évolutions ?

Quelques constatations préliminaires s'imposent : la carrière militaire ne jouit pas, aux États-Unis, d 'un très grand prestige; l'armée est un « groupe de pression» d ' u n caractère spécial, tant par l'immensité de ses ressources que par l'importance de sa tâche : veiller à la sécurité nationale; néanmoins, le contrôle des militaires par les civils est resté intact et les militaires l'acceptent.

L'organisation de l'armée exige un équilibre entre les rôles de trois personnages : le chef-héros, relativement indifférent aux affaires politico-militaires; l'administrateur, intéressé aux questions politiques; enfin, le technicien. Le processus de la prise de déci­sion reflète le dilemme qui résulte du maintien de l'esprit combatif et de l'accroisse­ment du rôle du technicien.

L a discipline traditionnelle a été peu à peu supplantée par l'initiative individuelle, la persuasion et le consensus d u groupe. Si la prise de décision reste centralisée, l'exé­cution des décisions l'est de moins en moins.

Le recrutement des militaires de carrière a, lui aussi, beaucoup évolué : il est plus hétérogène et plus représentatif socialement qu'auparavant; les Américains embrassent la carrière militaire soit par vocation, soit, depuis la dépression des années 30, par nécessité économique. E n général, l'armée fait preuve d'une neutralité politique qu'il ne faut pas confondre avec l'apolitisme; ses convictions politiques sont un reflet déformé de l'opinion des civils. Paradoxalement, elles sont devenues plus idéologiques, cepen­dant que le contenu idéologique des opinions des partis s'affaiblissait. 70 % de l'armée de terre et de la marine, 61 % de l'armée de l'air font preuve de « conservatisme» économique et social. D ' o ù un dilemme : à l'option conservatrice s'opposent les change­ments révolutionnaires provoqués par la guerre.

D e u x théories politiques sont concurremment en faveur dans l'armée américaine : la doctrine absolue, d'après laquelle la guerre est la base des relations internationales, et la doctrine pragmatique, qui considère la guerre c o m m e un instrument des rela­tions internationales, au m ê m e titre que la lutte idéologique et politique. O n assiste depuis 1945, et surtout depuis la réorganisation de l'armée par Eisenhower en 1953, à la vogue croissante de la théorie absolue.

L'emploi de la force dans les relations internationales a été tellement altéré, qu'il y a souvent lieu de parler plutôt de forces de police que de forces militaires. E n m ê m e temps est apparu de plus en plus fréquemment un nouveau type de militaire : l'intel­lectuel militaire, qui se considère essentiellement c o m m e un intellectuel.

L 'armée, organisation stable mais capable de s'adapter à un changement techno­logique rapide, est donc sans cesse amenée à effectuer des choix : il lui faut trouver un équilibre entre les armes du type classique de la guerre limitée, irrégulière ou révo­lutionnaire, et les armes modernes. Elle doit en outre savoir évaluer les conséquences possibles de la menace ou de l'emploi de la force. Elle est amenée à combiner l'orga­nisation de la force militaire et la participation aux contrôles politiques et adminis­tratifs.

L H O M M E , Jean. La grande bourgeoisie au pouvoir (1830-1880). Paris, Presses universitaires de France, i960, 373 pages, 18 nouveaux francs.

Dès les premières pages de son ouvrage, l'auteur précise qu'il entend faire œuvre à la fois d'historien, d'économiste et de sociologue. L'objet de son étude est un groupe social, la « grande bourgeoisie », dont il énumère les caractères spécifiques, et qu'il situe par rapport aux autres classes. Il est formé de personnes qui : a) travaillent; b) exercent des activités particulièrement rémunératrices et c) disposent de gros revenus. Il s'agit donc d'une fraction très restreinte de la société. Le comportement de ce groupe social

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sera étudié c o m m e celui d'une « classe » constituée et consciente de ses intérêts, face à d'autres classes dont les intérêts s'opposent aux siens, cela sur une période de cinquante années formant le cadre d'un cycle historique complet.

Sans préjuger l'origine exacte de ces dynasties bourgeoises que Beau de Loménie fait remonter au coup d'État de Brumaire, J. L h o m m e situe en 1830 leur avènement en tant que classe dirigeante, et l'âge d'or de la grande bourgeoisie dure autant que le règne de Louis-Philippe. « Des chaleurs de juillet aux brouillards de février », les grands bourgeois consolident leur puissance économique déjà considérable sous la Restauration, remplacent presque totalement l'aristocratie terrienne à la direction de la vie politique et, selon la « loi des trois pouvoirs », s'assurent une force sociale incontes­tée. Jamais, jusqu'alors, une seule classe n'avait concentré entre ses mains la puissance politique, économique, et sociale; durant ces années privilégiées, la grande bourgeoisie mettra tout en œuvre pour conserver cette suprématie. Comprenant que la puissance économique en constitue le fondement le plus solide, elle utilisera son pouvoir poli­tique à la consolidation de ses intérêts financiers et commerciaux, et liera son sort non pas à un régime mais à une forme de développement économique, le capitalisme industriel. D e la Monarchie de Juillet à la Troisième République, c'est toujours la m ê m e classe qui est au pouvoir; les h o m m e s d'État et les hauts fonctionnaires du second Empire sont les fils et les gendres des grands bourgeois orléanistes. Il s'agit bien de dynasties. Dès 1848 cependant, le déclin s'annonce. La grande bourgeoisie commet la m ê m e erreur que l'aristocratie terrienne de la Restauration en croyant qu'elle pourra maintenir indéfiniment sa domination sans la partager. Les classes moyennes qui ont réussi à renverser les Bourbons se voient refuser par la nouvelle classe dirigeante toute concession; leur déception se change en rancœur, d 'où la révolution de 1848. Certes, pendant plusieurs décennies encore, les grands bourgeois se maintiennent à la tête du pays, dont ils confondent trop souvent les intérêts avec les leurs, mais un m o u v e m e n d'opposition est sensible. La formation de la Troisième République ne constitue pas une menace directe pour les intérêts de la bourgeoisie, les équipes politiques lui empruntent la plupart de leurs membres , mais il apparaît cependant assez vite qu'il ne s'agit plus précisément de la m ê m e bourgeoisie. J. L h o m m e voit dans les premiers ministères radicaux, après 1880, le signe spécifique du déclin de la grande bourgeoisie en tant que classe dominante. La place qu'elle a laissée vide au sommet de l'échelle sociale n'a toutefois pas été occupée par d'autres. O n ne saurait donc parler d'échec des grands bourgeois. Ils possèdent encore aujourd'hui un terrain de lutte digne de leur entreprise; la victoire y appartiendra « à ceux qui auront su découvrir assez tôt quelles lignes de force dessinent l'avenir de nos sociétés ».

M U K E R J E E , Radhakamal. The symbolic life of man. B o m b a y , Hind Kitabs Ltd., 1959, xii + 294 pages, 15 roupies.

Dans ce livre, le philosophe et sociologue indien R . Mukerjee s'efforce d'établir une théorie générale des symboles. Le concept de symbole lui paraît propre à réconcilier, d'une part, les sciences humaines entre elles — notamment la psychologie avec la sociologie — et, d'autre part, l'ensemble des sciences sociales et m ê m e des sciences tout court avec l'art, la religion et la métaphysique. Le symbole peut être défini c o m m e la forme de culture la plus élémentaire et la plus fondamentale. C'est pourquoi une analyse de la triade personnalité-symbole-culture, où le concept central jouera un rôle unificateur, permettra d'élaborer une théorie générale de l ' homme et de combler le fossé qui sépare le biologique du mystique, la science de la nature de la philosophie des valeurs.

Tout au long de son livre, M . Mukerjee s'efforce de penser ensemble les trois niveaux biologique, psycho-social et spirituel : à chacun de ces niveaux, la vie symbolique de l ' h o m m e remplit une fonction positive, en assurant son contrôle bio-social, son inté­gration psycho-culturelle et son sentiment d'appartenance (ou de familiarité) cosmique : cosmic at homeness. C'est l'ascension successive de l ' h o m m e jusqu'à ces trois niveaux que l'auteur s'efforce de décrire, alors que, selon lui, la psychologie occidentale et en particulier la psychanalyse ont tendance à ne voir dans les symboles que leur aspect de déviation ou de régression.

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L'auteur commence par décrire l'univers symbolique de l ' h o m m e , et le rôle capital qu'il joue dans la constitution de son univers social. Il classe les symboles en trois grandes catégories : les symboles normatifs correspondant à la motivation, les signi­fications, croyances et jugements de caractère linguistique ou cognitif, et les symboles esthétiques, correspondant à la fonction d'appréciation. Il analyse ensuite la genèse des symboles, du signe et du geste animaux aux symboles et aux symptômes. Et il distingue, à cette occasion, c o m m e il le fera plusieurs fois, les symboles indicateurs de névrose ou de désadaptation et les symboles instruments de l'adaptation de l'individu à sa culture. L'analyse de cette intégration repose sur une distinction entre les symboles représentatifs, liés à l'attitude pragmatique et encore proches du signe, et les symboles « expressifs » de l'art, de la religion et de la métaphysique. Les uns permettent la « communication», les autres la « communion» . Dans les chapitres suivants, l'auteur reprend de plus près l'étude des différentes fonctions biologiques et sociales des symboles et celle de leur développement du régressif et du dérivant au logico-esthétique et à l'universel. Il souligne leur relation avec les valeurs et retrouve alors les niveaux de la raison et de la science, de l'émotion et de l'art ou de la religion, et du comportement et des m œ u r s , la dualité des symbolismes archaïques et inconscients et du symbolisme m û r et conscient. Deux chapitres spéciaux sont dédiés au rôle psychique et au rôle social des symboles (en particulier de ceux qui touchent au statut et à l'égalité). Enfin, à travers une étude du rôle de la métaphore dans la pensée et dans l'action, l'auteur arrive à l'analyse de la magie, du mythe, des rites, à celle du « monomythe » et de la métaphysique, enfin à celle de la religion. L a notion qui apparaît c o m m e essentielle est celle de rythme : la métaphysique et la religion retrouvent les rythmes fondamentaux du devenir, les grands concepts de la métaphysique, en particulier orientale, retrouvent les grands mythes religieux; l'ambivalence et la bipolarité exprimées par la religion trouvent leur confirmation dans la psychologie moderne dont la fonction recoupe en partie celle de la religion qu'elle comprend si mal. Mais c'est toute la civilisation occi­dentale actuelle qui, s'éloignant de plus en plus de l'unité psychique et de l'harmonie avec l'univers qu'expriment les religions et les métaphysiques orientales, engage l ' h o m m e contemporain dans l'univers fragmentaire et angoissé de la névrose, dans une chute du mystique au pragmatique, du symbole au signe. Aussi s'agit-il de retrouver l'unité non seulement des sciences sociales, mais, à travers la réconciliation de l'Orient et de l'Occident, de l ' h o m m e et de l'univers.

R E I S S M A N , Leonard. Class in American society. Glencoe (111.), T h e Free Press, 1959, x n + 436 pages, 6,75 dollars.

E n abordant la question des classes dans la société américaine, l'auteur rappelle d'abord brièvement les divers facteurs par lesquels on tente généralement d'expliquer le manque traditionnel de différenciation des classes et d'esprit de classe aux États-Unis : absence d'une aristocratie féodale, possibilités offertes par une société de pionniers, morale protestante. Puis il passe en revue quatre théories des classes sociales, celles de M a r x , de Weber , de Parsons et de Warner. Si on le lit sans préjugé et sans attacher une impor­tance excessive à quelques formules exagérément simplifiées mises en avant à des fins de polémique, M a r x offre beaucoup de généralisations utiles concernant la stratification sociale fondée sur les rapports de production. Cette conception exclusivement écono­mique des classes a besoin d'être complétée par les idées de Webe r qui sont centrées sur le rapport entre la classe et le pouvoir économique, social et politique. Les théories de l'école fonctionnaliste, axées sur les valeurs et sur l'utilité sociale, servent mieux à faire comprendre la psychologie sociale qu'à analyser la structure des sociétés. Quant à Warner, on lui doit un renouveau d'intérêt de la part des sociologues américains pour les questions de classes sociales (qu'il préfère d'ailleurs appeler « status groups » en raison des préventions des Américains contre le m o t « classe », considéré c o m m e une invention subversive). Ses ouvrages sont une source précieuse de renseignements sur la stratification sociale des villes américaines d'importance moyenne, mais son cadre théorique est sommaire, dépend beaucoup trop de critères subjectifs et n'a que peu de rapports avec la structure sociale de l'ensemble du pays.

L . Reissman étudie ensuite les divers critères qui ont servi, au cours des recherches

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sur la question, à distinguer les classes sociales. Les plus faibles sont sans aucun doute ceux qui reposent sur la possession d 'un certain nombre d'objets : « Tout le m o n d e ne vit pas exactement de la m ê m e façon en Amérique, mais les gens qui ont un m o d e de vie vraiment à part sont trop peu nombreux pour qu'on puisse opérer les distinctions à l'échelle du living-room. » Les critères qui reposent sur la profession ou sur le jugement porté sur soi-même ou sur les autres sont plus sûrs, mais aucun d'eux ne suffit à lui seul. D e l'avis de l'auteur, si l'on veut que les très nombreuses recherches entreprises dans ce domaine fournissent des données vraiment convaincantes et comparables, il importe de mettre au point une théorie systématique des classes.

Après cette introduction théorique et méthodologique, l'auteur examine divers aspects du « système de classes américain». Il compare le point de vue des « confor­mistes » qui, c o m m e David Riesman et W . H . Whyte , pensent que la société améri­caine se réduit de plus en plus à un dénominateur c o m m u n , aux conceptions des « élitistes », c o m m e S. Wright Mills, qui soutiennent au contraire que les postes clés, aux États-Unis, sont de plus en plus réservés à un petit groupe relativement fermé. L . Reismann se range à cette dernière opinion, ce qui paraît assez naturel, puisqu'il semble être, avant tout, c o m m e Mills, un disciple de M a x Weber . L e passage d'une classe à une autre devient, en Amérique, de plus en plus difficile, et surtout la mobilité sociale est en grande partie limitée aux groupes qui se situent au-dessous de la couche supérieure, laquelle constitue, c o m m e l'a écrit Mills, une « élite du pouvoir » qui se distingue très nettement de l'ensemble de la société.

L'auteur considère aussi la dynamique de la structure de classe. Il souligne le lien qui unit le nationalisme et la bourgeoisie au cours du processus d'industrialisation d'un pays et la tendance à passer d 'un système social ouvert, fondé sur le talent et le succès individuels, à un système fermé reposant sur le privilège héréditaire à mesure que l'industrialisation progresse. A son avis, l'évolution suivante s'est produite aux États-Unis : il y a eu passage du chef d'entreprise au directeur {manager) et du directeur à l'administrateur {executive), ce dernier étant une espèce de bureaucrate dont la prin­cipale préoccupation est d'avoir u n tapis dans son bureau, symbole de son rang social. Enfin, l'auteur examine un troisième type de société, dont l'Union soviétique et Israël offrent des exemples : les distinctions de classe y reposent sur les seuls critères compa­tibles avec l'idéologie dominante, c'est-à-dire la plus ou moins grande utilité de l'indi­vidu pour la cause de l'égalité; il souligne les conflits et les inconséquences qui en résultent.

S C H Ü T Z , Alfred. Der Sinnhafte Aufbau der sozialen Welt ; zweite unveränderte Auflage. W i e n , Springer Verlag, i960, vni + 286 pages, index.

L'ouvrage d ' A . Schütz, dont la première édition a paru en 1932, veut être une critique de la théorie de M a x Weber à la lumière des philosophies de Bergson et de Husserl.

E n partant des concepts fondamentaux de M a x Weber , tels que l'action et sa signifi­cation, le sens subjectif de l'action, le caractère social de l'action, l'auteur essaie d'éla­borer un système explicatif ayant ses racines dans la conscience des personnes agissantes.

A . Schütz adopte entièrement le point de départ de Weber , à savoir que tous les phénomènes complexes du m o n d e social ont une signification qu'il incombe au cher­cheur de révéler et que ce sont les personnes agissantes qui leur confèrent cette signifi­cation. Ainsi le monde social serait constitué d'une superposition de couches dont chacune serait intégrée dans un ensemble d'explications correspondant au sens que les h o m m e s attribuent à ce monde .

Mais, à partir de ce concept d'actions pleines de significations et, de ce fait, compréhensibles, Schütz procède à une critique des concepts de Weber .

Il s'attache particulièrement à la notion de signification attribuée à chaque action humaine. Pour cela il s'efforce de donner une définition de l'action. L'action en elle-m ê m e n'existe pas. C'est l'attention que l'individu porte d'abord à ses propres expé­riences, à ses activités spontanées vécues, qui les fait sortir de la sphère pré-phénoméno­logique du « pas encore perçu » pour les faire entrer intentionnellement dans la sphère de la réflexion. Finalement, c'est la réflexion qui constitue et crée l'événement. L'évé­nement n'est pas encore l'action. Celle-ci ne peut être comprise que parce que l'évé-

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nement a été préfiguré dans l'esprit de la personne agissante. Ainsi, le sens premier de l'action se trouve dans la correspondance de l'activité spontanée de l'individu avec sa préfiguration dans l'esprit, dans son imagination. Conservant le langage de Weber , pour qui le sens et le motif de l'action semblent coïncider, Schütz parle du Um-zu-Alotiv, du motif final.

Mais il y a un deuxième motif qui doit être mis en relief par l'analyse, c'est le motif causal, Weil-Motiv. Celui-ci ne peut entrer dans l'esprit de la personne agissante que lorsqu'elle a pris une vue claire du motif final. Il est le motif profond qui détermine le choix du motif final.

Cette distinction, qui pourrait paraître artificielle, ne devient compréhensible qu'à la lumière des philosophies de Bergson et de Husserl, qui, tous deux, ont dégagé la notion de « temps intérieur » et montré tout ce que cette découverte peut avoir c o m m e conséquence sur la perception d'actes et d'actions par la personne agissante.

Après une longue analyse des actions de l'individu isolé, A . Schütz en vient au m o n d e social. Il analyse les signes,les expressions, etc., en soulignant que chaque acte provenant d 'un individu peut être interprété de deux manières. D'abord, il fait partie d 'un ensemble — schéma — d'explications, lui-même synthèse de significations primaires; c'est grâce à la connaissance de ce schéma que ce produit humain peut être significa-tivement interprété, c'est-à-dire compris.

Ensuite, chaque produit humain présente un aspect subjectif relatif à la personne produisante. Cet aspect-là ne peut être compris que par analogie avec les expériences personnelles. Le regard de l'observateur ne doit pas s'attacher seulement à l'aspect extérieur du signe, mais aller directement jusqu'au sens que ce signe peut avoir pour celui qui l'émet.

D e l'analyse des expressions humaines, l'auteur en vient au m o n d e des relations sociales qui, pour lui, se présente sous quatre aspects différents : a) L'entourage immédiat {Umwelt), constitué par ceux avec lesquels on est en contact direct, qu'on voit vivre immédiatement : c'est le m o n d e de la liberté et le m o n d e de la connaissance directe, intuitive (Bergson) d'autrui {Mitmenschen) ; b) L'entourage contemporain {Mitwelt), constitué de ceux qu'on ne connaît que par des médiateurs : c'est ici le domaine de la sociologie; la réflexion doit, pour percevoir cet aspect du m o n d e , recourir à des types idéaux de deux sortes — type idéal d'action et type idéal de personne qui se trouvent en étroite relation; dans cet aspect du m o n d e , la liberté est restreinte, car l'action est confinée dans les limites du type et les personnes typisées {Nebenmenschen) ont perdu de leur spontanéité; c) L'entourage historique {Vorwelt) : c'est le m o n d e figé des actions et des personnes accomplies; d) L'entourage futur : c'est le m o n d e sans contenu aucun, mais structuré seulement par l'imagination préfigurative.

Le livre se termine par une tentative de formulation nouvelle des principaux concepts de la pensée wéberienne, tels ceux de type idéal, de chance subjective et objective.

S E L Z N I C K , Philip. The organizational weapon; a study of bolshevik strategy and tactics, 2 e édi­tion, avec une nouvelle préface de l'auteur. Glencoe (111.), T h e Free Press, i960, xxn + 350 pages, 6 dollars.

C o m m e n t un groupe minoritaire peut-il établir son contrôle sur une institution dont il fait partie ? C o m m e n t , sur le plan politique, et dans les conditions de la société moderne, une minorité ne disposant pas d'une large assise populaire peut-elle conquérir le pouvoir ? Telles sont les questions que pose l'auteur de cet ouvrage.

Dans la perspective de l'analyse sociologique qu'il adopte, il considère le groupe (parti politique, groupe de pression, syndicat...) c o m m e un organisme possédant une identité spécifique. Il s'agit de définir les caractéristiques de cet organisme, afin de dégager les lois générales de son action, et de bâtir un modèle. Le modèle permettra à son tour non seulement d'expliquer, mais de prédire l'action du groupe étudié.

Dans une communauté politique, la lutte pour le pouvoir qui se déroule entre les différents groupes est limitée dans un cadre, que l'auteur qualifie de « constitutionnel », au sens large, et dont l'acceptation générale assure à la communauté sa stabilité. Certains groupes préféreront agir en dehors du cadre constitutionnel, ou à la limite de ce cadre, et refuseront de se laisser absorber par la communauté politique sur laquelle

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ils cherchent à établir leur contrôle. L'organisation qu'adoptent ces groupes devient pour eux l'instrument essentiel qui leur permet d'atteindre leurs objectifs sans recourir à la violence.

Prenant c o m m e cas extrême u n parti dont le but est d'établir son contrôle sur toutes les institutions, politiques, sociales, économiques, d 'un pays donné, Selznick estime que l'exemple le plus typique à l'époque actuelle est fourni par le parti communiste bol­chevik, tel qu'il a été formé à l'origine par Lénine pour prendre le pouvoir en Russie. Il décrit donc en premier lieu l'organisation du parti communiste, ses stratégies et tactiques. Cependant, son but est debâtirlemodèle plus général d 'un « parti de combat », quel que soit le contenu idéologique et doctrinal de ce parti.

Le parti de combat doit essentiellement conserver son intégrité s'il ne veut pas se laisser absorber par la communauté au sein de laquelle il agit. C e premier impératif c o m m a n d e le type d'organisation qu'il adopte : le parti forme des cadres permanents, totalement dévoués à sa cause, acceptant à tout m o m e n t les ordres de la hiérarchie. E n ce sens, il forme des « agents » plutôt que des adhérents.

E n m ê m e temps, le parti doit éviter l'isolement. Pour cela, il peut soit placer ses agents à la tête d'organismes ou d'institutions existant déjà, soit susciter lui-même la création d'organisations nouvelles, qu'il cherchera ultérieurement à contrôler. Dans les deux cas, il tend avant tout à agir sur des « masses » organisées.

S'il essaie d'établir son contrôle sur une institution déjà existante, il devra principa­lement « neutraliser » les forces concurrentes, qui visent les m ê m e s objectifs que lui ; dans le cas où il veut créer des organisations qu'il pourra ultérieurement utiliser, il doit gagner la sympathie de certains secteurs de la société, sans pour autant être obligé de les convertir immédiatement à son idéologie. A ces deux types d'action, correspondent des techniques qui peuvent varier selon le contexte social dans lequel agit le parti.

D e cette façon, une minorité est capable d'acquérir une force sans c o m m u n e mesure avec l'importance apparente de ses effectifs. Le parti de combat peut ensuite conquérir effectivement le pouvoir par étapes successives, établissant graduellement sa propre infrastructure dans les principales branches de la société.

L'auteur situe son analyse dans le cadre de la société industrielle moderne. Il estime en effet que le parti de combat est essentiellement adapté à la lutte politique dans l'époque actuelle. Si la société veut maintenant son intégrité, elle devra elle-même trouver des méthodes correspondantes. Le problème sera alors pour elle de se défendre efficacement, sans renoncer aux principes sur lesquels elle repose.

LIVRES REÇUS

Altualità del pensiero politico di Simon Bolivar, préparé par A m o s Segala. Genova, Editrice del Columbianum, i960, 24 c m , vi + 107 pages, portr.h.t.

Ensemble de discours et de lettres présentant les principaux aspects de la pensée poli­tique de Bolivar, suivi de deux « éloges » et d'une brève biographie.

Bibliography on income and wealth, vol. VII , 1955-1956, préparé par Phyllis Deane. London, Bowes and Bowes, i960, 25 c m , 131 pages, index, 37 shillings 6 pence (International Association for Research in Income and Wealth.)

Couvrant, c o m m e le précédent, les publications de deux années, ce nouveau volume de cette bibliographie annotée cite près de 1 000 titres (certains apparaissent sous des numéros différents, par suite des renvois, dans plusieurs sections de la bibliographie). D e u x grandes parties, elles-mêmes subdivisées : études de nature théorique sur les concepts essentiels, études de nature statistique classées par sujets et par pays. Trois

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

index : des auteurs, des pays et des sujets. Il est regrettable que la parution de ce bon instrument de travail soit si lente.

B I T T N E R - S Z E W C Z Y K O W A , Halina. Materialv do bibliogrqfii etnografii Pohkiej za ig45-igH4 R, Supplement do XLIII T . Ludu . Wroclaw, Polskie towarzystwo ludoznawcze, 1958, 22 c m , 355 pages, index.

E n supplément au tome XLIII de la revue polonaise Lud, cette bibliographie réunit et classe les listes de plus de 3 800 ouvrages et articles ethnographiques publiés en Pologne entre 1945 et 1954.

B O U T I L L I E R , J . -L . Bongouanou, Côte-d'Ivoire; étude socio-économique d'une subdivision, avec la collaboration de Jean Causse, préface du gouverneur H . Deschamps. Paris, Berger-Levrault, i960, 22 c m , 224 pages, pi., carte, bibliogr., 19 nouveaux francs. (L'homme d'outre-mer, nouvelle série, 2.)

Dans le cadre d'une subdivision de la Côte-d'Ivoire, étude de la transformation accé­lérée d 'un pays du fait de l'économie monétaire. La première partie est consacrée à l'adaptation de la société Agni aux temps nouveaux, la deuxième traite des c o m m u ­nautés d'immigrés, et de leur place dans cette société.

B R E D O , William. Industrial estates; tool for industrialization. Glencoe (111.), T h e Free Press, i960, 24 c m , x v m + 240 pages, fig., carte, bibliogr. (International Industrial Development Center. Stanford Research Institute.)

Guide technique, administratif et financier destiné à ceux qui sont responsables de l'industrialisation d'une région ou d 'un pays. Cette étude s'appuie sur de nombreux exemples pris en Europe, aux États-Unis et dans plusieurs pays sous-développés.

C A I L L O I S , Roger. Man and the sacred (L'homme et le sacré), traduit par Meyer Barash. Glencoe (111.), T h e Free Press, 1959, 22 c m , 190 pages, bibliogr., index, 4,50 dollars.

Traduction américaine d 'un essai sociologique bien connu (publié en français en 1950), montrant comment les attitudes ambiguës de l ' h o m m e envers le sacré influencent son comportement et sa culture. E n outre, trois appendices inédits, sur les relations de la sexualité, d u jeu et de la guerre avec le sacré.

C H I N I T Z , Benjamin. Freight and the metropolis; the impact of America's transport revolutions on the New York region. Cambridge (Mass.), Harvard University Press, i960, 22 c m , xvi -+- 211 pages, fig., pi., tabl., bibliogr., 4,50 dollars.

Le port de N e w York; sa croissance depuis 1850 environ; évaluation de son importance future du fait d u canal du Saint-Laurent. Géographie industrielle de la région de N e w York; influence de la décentralisation industrielle aux États-Unis et rôle des transports.

Congrès (Les) internationaux de 1681 à i8gg; liste complète / International congresses i68¡ to 18gg;full list. Bruxelles, Union des associations internationales, 1960, 21 c m , 76 pages, index, 15 nouveaux francs. (Documents pour servir à l'étude des relations internationales non gouvernementales, n° 8, i960; publication U A I n° 164.)

Liste chronologique des 1 414 congrès internationaux qui ont eu lieu de 1681 à 1899; pour chaque congrès, on a mentionné uniquement la ville où il s'est tenu et la date.

D O R E S , Maria Eisa. O coeficiente capital-produto. Lisboa, i960, 21 c m , 59 pages, tabl., dipl., bibliogr. (Associação Industrial Portuguesa, Estudos de economia aplicada, 8.)

Discussion théorique du coefficient capital-produit et de son importance pour les modèles de croissance économique. Essai de calcul de ce coefficient pour le Portugal.

F A C I O , Rodrigo. Planificación económica en régimen democrático; doctrina, experiencias extran­jeras y algunas ideas para establecerla en Costa Rica. S.I., 1959, 23 c m , 79 pages. (Extrait de la Revista de ciencias sociales de la Universidad de Costa Rica, n° 4 , septembre 1959.)

Étude théorique de la planification en régime capitaliste, avec quelques exemples :

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

les pays nordiques, Porto Rico, l'Inde. L'auteur s'efforce ensuite de définir pour l'État de Costa Rica un système de planification qui apporte des solutions à ses problèmes économiques.

Finlay (DY Carlos J.) y el « Hall of Fame » de New York, préface du D r Serafín Ruiz de Zarate. L a Habana , Editorial Echevarria, 1959, 23 c m , 139 pages, fig., bibliogr., index. {Cuadernos de historia sanitaria, 15.)

Série de documents (comptes rendus de congrès, articles, travaux du D r Finlay) publiés en vue d'obtenir l'admission du savant cubain dans le « Hall of F a m e » de N e w York, pour ses travaux sur la fièvre jaune.

Foreign investment in economically underdeveloped countries. Bruxelles, Impr. M . Weissen-bruch, 1959, 22 c m , 108 pages, tabl., 1 dollar. (International Confederation of Free Trade Unions.)

Évaluation de l'aide nécessaire au développement des pays sous-développés ; compa­raison avec l'aide étrangère déjà accordée; origine, nature et rentabilité des investis­sements; rôle et importance des investissements privés; principaux fonds et organismes internationaux par l'intermédiaire desquels s'effectuent la plupart des investissements publics étrangers.

F R E Y R E , Gilberto. Uma política transnacional de cultura para o Brasil de hoje. Rio de Janeiro, Edições da Revista brasileira de estudos políticos, i960, 23 c m , 119 pages, bibliogr. (Faculdade de direito da Universidade de Minas Gerais. Estudos sociais e políticos, g.)

Conférence de l'auteur sur le thème du « lusotropicalisme », c'est-à-dire du processus d'assimilation culturelle et de mélange ethnique des Portugais au Brésil, présenté c o m m e un modèle pour le m o n d e contemporain.

G A D O U R E K , I. A Dutch community; social and cultural structure and process in a bulb-growing region in the Netherlands. Leiden, H . E . Stenfert Kroese N . V . , 1956, 25 c m , xvi + 555 pages, tabl., index. {Publications of the Netherlands Institute of preventive médecine, X X X . )

Étude sociologique d 'un village néerlandais : Sassenheim. L a première partie est consacrée à l'histoire, à la géographie, à la population, à la vie religieuse, adminis­trative et familiale, aux activités culturelles; la deuxième partie traite de l'interférence des différents facteurs sociaux, religieux et culturels; la troisième interprète les résultats et discute les méthodes d'étude utilisées.

G O N Ç A L V E S , Maria Filipa. A dimensão da empresa industrial. Lisboa, i960, 21 c m , 64 pages, fig., dépl., bibliogr. (Associação Industrial Portuguesa. Estudos de economia aplicada, 9.)

L a détermination de la dimension opt imum de l'entreprise industrielle a une grande importance au Portugal, où prédominent les unités de moins de 20 ouvriers à côté de certaines grandes unités.

G U T M A N , Robert. Birth end death registration in Massachusetts i6¡g-igoo. N e w York, Milbank Memorial Fund, 1959, 23 c m , 120 pages, bibliogr., 1 dollar. (Tirage à part de Milbank Memorial Fund quarterly, vol. X X X V I , no a 1 et 4 , 1958, et vol. X X X V I I , n°s 3 et 4 , 1959.)

Procédure, et répercussions sur l'évolution démographique, de l'enregistrement des naissances et des décès au Massachusetts, de 1639 à 1900.

H E S S , Moses. Briefwechsel, préparé par E d m u n d Silberner, avec la collaboration de Werner Blumemberg. 's-Gravenhage, Mou ton , 1959, 23 c m , 678 pages, h. t. 44 marks allemands. (Internationaal Instituut voor sociale Geschiedenis, Amsterdam. Quellen und Untersuchungen zur Geschichte der deutschen und österreichischen Arbeiterbewegung, IL)

Quatre cent cinquante lettres, pour la plupart inédites, échangées par M . Hess, notam­ment avec Berthold Auerbach, Karl M a r x , August Reckahn et Ferdinand Lassalle, de 1825 à 1881.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

H E Y S E , T . Problèmes fonciers et régime des terres; aspects économiques, juridiques et sociaux; Afrique, Congo belge, Ruanda-Urundi. Bruxelles, C E D E S A , i960, 22 c m , i x + 163 pages, index, 150 francs belges. (Centre de documentation économique et sociale afri­caine. Enquêtes bibliographiques, IV . )

Après les bibliographies, les recueils législatifs et les ouvrages de référence, cette biblio­graphie de 800 titres cite des livres et des articles sur l'utilisation du sol en Afrique, au Congo belge et en Ruanda-Urundi, les diverses réglementations agraires, ainsi que les problèmes économiques et sociaux soulevés par le respect d u droit coutumier et la nécessité du développement économique.

H U S Z A R , George B . de, éd. The intellectuals; a controversial portrait. Glencoe (111.), T h e Free Press, 1960, 24 c m , vui + 543 pages, index, 7,50 dollars.

Débat sur les intellectuels, par des intellectuels de nombreux pays, de 1789 à nos jours, avec de nombreuses citations : rôle, place, responsabilité de l'intellectuel dans la société.

J A C C A R D , Pierre. Histoire sociale du travail de l'antiquité à nos jours. Paris, Payot, i960, 23 c m , 350 pages, index, 21 nouveaux francs. (Bibliothèque historique.)

L e travail dans les sociétés archaïques; exemples de l'Egypte et de l'Inde. L a crise d u travail antique et l'échec de la civilisation gréco-latine. L'Occident à la recherche d'une juste attitude à l'égard du travail; les nouvelles conditions du travail industriel. L'idée de droit au travail. La crise d u travail moderne.

J O H N S O N , Elmer D . Communication; an introduction to the history of the alphabet, writing, printing, books and libraries, 2 e éd. N e w York, T h e Scarecrow Press, 1960, 23 c m , 251 pages,

bibliogr., index. Histoire du livre et des bibliothèques en Europe et en Amérique; description des bibliothèques les plus importantes existant actuellement aux États-Unis et dans le m o n d e ; étude de l'évolution de la profession de bibliothécaire.

K A U T S K Y , Karl. Erinnerungen und Erörterungen von Karl Kautsky. 's-Gravenhage, Mouton , i960, 23 c m , 587 pages, tabl., h . t., index. (Internationaal Instituut voor sociale Geschiedenis, Amsterdam. Quellen und Untersuchungen zur Geschichte der deutschen und österreichischen Arbeiterbewegung, III.)

Pour rédiger la première partie de ses mémoires, dès 1936, K . Kautsky a utilisé de nombreux documents concernant sa jeunesse et sa famille. Mais il s'est surtout appli­qué à décrire l'évolution de ses idées politiques et de ses diverses prises de position. E n revanche, les souvenirs d'enfance de la deuxième partie, écrits à la fin de sa vie, étaient destinés seulement à sa famille.

K U P E R , Hilda. Indian people in Natal. Pietermaritzburg, University of Natal Press, i960, 22 c m , xx + 305 pages, pi., tabl., bibliogr., index.

Ouvrage écrit à l'occasion du centième anniversaire de l'arrivée des premiers immi­grants indiens au Natal; il concerne essentiellement la jeunesse, son comportement et sa structure, la formation d'une élite sans castes, les rites religieux et les problèmes d'hygiène.

L A V E R G N E , Bernard. Individualisme contre autoritarisme; trois siècles de conflits expliqués par le dualisme social. Paris, Presses universitaires, 1959, 23 c m , 126 pages, 5 nouveaux francs.

L ' « idée dualiste » est la suivante : tout acte de consommation suppose un choix, donc une liberté; tout acte de production est nécessairement assujetti à une disci­pline collective. L'adhésion à une doctrine individualiste ou à une doctrine autoritaire vient de ce que l'on considère l ' h o m m e en tant que consommateur ou en tant que producteur. A la lumière du dualisme, l'auteur explique les conflits permanents entre théories individualistes et théories autoritaires, de Grotius à Karl M a r x .

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

L E C L E R C Q _ , H . Principes pour l'orientation d'une politique fiscale au Congo. Léopoldville, Éditions de l'Université, 1959, 21 c m , 51 pages, fig., 45 francs belges. [Studia Univer-sitatis « Lovanium ». Institut de recherches économiques et sociales, 2.)

Étude de l'efficacité du système fiscal au Congo : dans quelle mesure le fisc a-t-il p u prélever, à partir d u revenu, les impôts nécessaires aux besoins budgétaires, et de quelle manière ces recettes ont-elles été utilisées par le Gouvernement ? L'auteur préconise en conclusion une forte augmentation des investissements rentables à courte échéance.

L E W I S , Peter R . The literature of the social sciences; an introductory survey and guide. London, Library Association, 1960, 22 c m , xx + 222 pages, bibliogr., index.

Répertoire systématique et commenté des bibliographies et ouvrages de référence, des manuels, des principaux livres, recueils, sources documentaires, institutions inté­ressées, etc. C e guide, utile aux chercheurs, couvre les sciences sociales en général, l'économie, l'histoire économique (en particulier celle de la Grande-Bretagne), la statistique, le commerce et l'industrie, la science politique, le droit, les relations inter­nationales, la sociologie.

L E Y D E R , Jean. L'enseignement supérieur et la recherche scientifique en Afrique intertropicale, ire, 2 e et 3e séries. Bruxelles, C E D E S A , 1959-1960, 2 fase, 22 c m , 67 et 220 pages, index, 150 francs belges. (Centre de documentation économique et sociale. Enquêtes bibliographiques, II.)

Bibliographie chronologique et analytique qui couvre la période 1940-1959 et comprend environ 1 000 titres. L a première série concerne l'aspect descriptif et institutionnel, les deux autres séries rassemblent les contributions les plus marquantes à la promotion de l'enseignement supérieur en Afrique intertropicale.

L U D . Organ polskiego towarzystwa ludoznawczego, organe de la Société polonaise d'ethno­logie, tome X L I V (1957), tome X L V (1958-1959). Wroclaw, Polskie towarzystwo ludoznawcze, 1959-1960, 2 vol., 22 c m , 632 et 669 pages, fig., tabl., cartes, bibliogr., index.

Chaque volume de cet annuaire comprend d'abord une dizaine d'études ethnogra­phiques concernant surtout la Pologne, mais aussi l'Afrique, ou des problèmes de méthode. Chacune de ces études est brièvement résumée en allemand, en anglais ou en russe. L a deuxième partie contient des comptes rendus d'ouvrages d'ethnologie et la troisième partie, trois à cinq monographies sur l'organisation des musées ethno­logiques. Enfin, le volume de 1957 donne une importante bibliographie d'ouvrages ethnographiques polonais publiés en 1955 (630 titres).

M A C G R E G O R , Frances Cooke. Social science in nursing; applications for the improvement of patient care. N e w York, Russell Sage Foundation, i960, 23 c m , 354 pages, bibliogr., index, 5 dollars.

Étude de la nécessité d'appliquer les sciences sociales aux études médicales à partir d'une expérience vécue à l'École d'infirmerie d u N e w York Hospital.

M A N G O L D , Werner. Gegenstand und Methode des Gruppendiskusionsverfahrens; aus der Arbeit des Instituts für Sozialforschung. Frankfurt a . M . , Europäische Verlagsanstalt, i960, 21 c m , 176 pages, bibliogr. {Frankfurter Beiträge zur Soziologie, B d . 9.)

Objet et méthode des études de groupes : influence des groupes sur la formation de l'opinion, formation et signification des opinions de groupes, etc. E n annexe : exemples de discussions de groupes organisées chez des mineurs et des paysans.

Manual de procedimiento administrativo. Madrid, Imprenta del B O E , i960, 21 c m , 291 pages, fig., index, 80 pesetas. (Centro de formación y perfeccionamiento de funcionarios.)

Exposé de l'organisation administrative et des règles de procédure en vigueur en Espagne. E n annexe, exemples d ' « écrits administratifs » adressés par les particuliers à l'administration, par l'administration aux particuliers, ou intérieurs à l'organisation.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Marxism in Southeast Asia; a study of four countries, publié sous la direction et avec une introduction et une conclusion de Frank N . Trager; contributions de Jeanne S. Mintz, I. Milton Sacks, John Seabury T h o m s o n , David A . Wilson. Stanford (Calif.), Stanford University Press, 1959, 23 c m , 381 pages, bibliogr., index, 7,50 dollars.

Quatre monographies consacrées à la Birmanie, à la Thaïlande, au Viêt-nam et à l'Indonésie étudient la nature et le développement du marxisme, son influence sur les idéologies indigènes, ses applications politiques et économiques. L e dernier chapitre est une étude comparative des diverses formes d u marxisme et de leur influence sur la politique intérieure et extérieure de ces quatre pays.

M I L L S , C . Wright. Images of man; the classic tradition in sociological thinking, publié sous la direction et avec une introduction de C . Wright Mills. N e w York, G . Braziller, i960, 24 c m , 534 pages, index, 7,50 dollars.

Ensemble de textes des auteurs classiques de la sociologie sur la relation des idées avec la vie sociale, les éléments constitutifs de la société moderne et la personnalité en général.

Mondo latino-americano e responsabilità délia cultura europea; tavola rotonda del Columbianum, Genova, 12-15 dicembre 1958, préparé par A m o s Segala. Genova , Editrice del C o l u m ­bianum, 1959, 21 c m , 263 pages, dépl.

Les nombreux et éminents participants américains et européens à la table ronde dont les travaux sont reproduits ici ont discuté de l'influence des traditions européennes sur la littérature et l'art de l'Amérique latine, des structures politiques et économico-sociales de l'Amérique latine dans leurs rapports avec les idéologies et les expériences européennes, des aspects récents de la religiosité et des développements originaux, en Amérique latine, de la pensée catholique d'origine européenne.

M Ü L L E R , Henri. Monsieur Bourgueil; produire pour Vhomme et ses besoins. Rabat, Inframar, 1959, 21 c m , 178 pages, bibliogr.

Prenant pour exemple M . Bourgueil, petit industriel de la Loire-Atlantique, l'auteur démontre tous les avantages économiques et surtout sociaux que présenterait le « socia­lisme distributif », dont la théorie est l'objet de ce livre.

M U R T E I R A , Aurora. O problema das exportações nas economias subdesenvolvidas. Lisboa, i960, 21 c m , 7g pages, fig., tabl., dépl. (Associação industrial portuguesa. Estudos de economia aplicada, 12.)

Analyse des conséquences d u déséquilibre entre les possibilités d'exportation et les nécessités d'importation des économies sous-développées, de ses tendances à long terme et de ses fluctuations.

N E L L - B R E U N I N G , S. J. Oswald von. Kapitalismus und gerechter Lohn. Freiburg, Basel, W i e n , Herder, i960, 18 c m , 192 pages. {Herder-Bücherei, B d . 67.)

Caractéristiques d u capitalisme et critiques dont il est l'objet; divers critères intervenant dans la fixation des salaires en régime capitaliste; cas particulier des familles n o m ­breuses.

N E U M A N N W H I T M A N , Marina von. The United States investment guaranty program and private foreign investment. Princeton (N. J.), Princeton University, Department of economics and sociology, International finance section, 1959, 23 c m , 91 pages, tabl., 25 cents. {Princeton studies in international finance, g.)

Cette brochure expose les buts et les conditions des programmes d'investissements publics et privés américains, ainsi que leurs répercussions sur les économies étrangères.

R E M I T Z , U n o . Professional satisfaction among Swedish bank employees; a psychological study. Kopenhagen, Munksgaard, i960, 25 c m , 422 pages, fig., tabl., bibliogr.

U n e enquête, avec exposé de la méthode appliquée et des résultats obtenus concernant des employés de banque suédois, aboutit à une analyse du « concept de satisfaction »

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D O C U M E N T S E T P U B L I C A T I O N S

des employés. L'appendice reproduit tous les questionnaires utilisés. Discussion métho­dologique approfondie.

Resistencias à mudança; Fatôres que impedem ou difficultam o desenvolvimento, actes de sémi­naire international réuni à Rio de Janeiro, en octobre 1959. Rio de Janeiro, av. Pasteur 431, i960, 23 c m , 351 pages. (Centro latino-americano de pesquisas e m ciências sociais. Publicação, n° 10.)

Compte rendu d'un intéressant stage d'études international sur les problèmes du déve­loppement en Amérique du Sud, envisagés sous le point de vue — inhabituel — des résistances au changement.

R E Y N A U D , Jean-Daniel; C A T R I C E - L O R E Y , Antoinette; B E A U R E G A R D , G u y de. Les assurés

et la sécurité sociale; étude sur les assurés du régime général. S.l, 1959, 2 fase, 27 c m , 241 et 70 pages multigr. (Université de Paris. Institut des sciences sociales du travail.)

Résultats de l'enquête effectuée en 1958 auprès de 3 910 assurés sociaux à Paris et dans 37 villes de province. Le but de cette enquête était d'analyser, à partir des relations courantes entre les assurés et leurs caisses, et de leur information sur le système actuel, leurs opinions et leurs attitudes à l'égard des problèmes fondamentaux de la sécurité sociale. L e deuxième volume comprend le questionnaire lui-même et la distribution des réponses.

RoBBiNS, Sidney M . ; T E R L E C K Y J , Nestor E . ; S C O T T , Ira O . Jr. Money metropolis; a loca-tional study of financial activities in the New York region. Cambridge (Mass.), Harvard University Press, i960, 22 c m , fig., tabl., 5 dollars.

Facteurs qui ont influé sur la concentration des institutions financières à N e w York et qui ont fait de cette cité la capitale monétaire des États-Unis. Étude historique et par secteurs. Appréciation des méthodes utilisées pour le calcul de l'évolution du marché financier jusqu'en 1985.

S A N T O S , Rui Martins dos. Alguns polos do desenvolvimento económico africano. Lisboa, i960, 21 c m , 56 pages, tabl., cartes, bibliogr. (Associação Industrial Portuguesa. Estudos de economia aplicada, 7.)

Étude de quelques réalisations ou plans de développement économique en Afrique, notamment dans le domaine hydroélectrique et hydroagricole. Dans certains territoires, portugais notamment, ces plans devront constituer le point de départ de tout le dévelop­pement de base à promouvoir.

S E G A L , Martin. Wages in the metropolis their influence on the location of industries in the New York region. Cambridge (Mass.), Harvard University Press, i960, 21 c m , xn + 211 pages, tabl., index, 4,75 dollars. {New York metropolitan region study, 4.)

Rôle du niveau des salaires et de l'existence d'une main-d'œuvre qualifiée dans l'implan­tation et le développement d'industries dans la région n e w yorkaise. L'auteur a fondé son étude sur des documents du Bureau de statistiques d u travail, et sur de nombreux entretiens avec des h o m m e s d'affaires, des fonctionnaires et des syndicalistes.

S E R R U Y S , Jacques W . Le chef dans l'entreprise; fondements psychologiques de l'action du chef; conception de sa mission dans l'entreprise. Turnhout, Bruxelles, Brepols, 1959, 25 c m , 133 pages, bibliogr. {Bibliothèque pratique du commerce et de l'industrie, I.)

Quelques principes de psychologie sociale et règles techniques destinés à tous ceux qui ont la charge d'un poste de commandement : l'art de commander , la connaissance des subordonnés, la discipline, les entretiens non directifs, etc.

S M I T H , Bruce Lannes. Indonesian-American cooperation in higher education. East Lansing, Michigan State University, i960, 23 c m , x n + 1 3 3 pages, bibliogr., index. (Michigan State University. Institute of Research on Overseas Programs.)

Dans le cadre d'une série d'études sur les programmes internationaux des universités américaines et leurs réalisations d'outre-mer, cet ouvrage traite des relations entre les

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

Universités américaines et l'Indonésie, du point de vue des besoins de ce pays en matière scolaire et universitaire. Il souligne le rôle que peuvent jouer les universités américaines dans le développement culturel indonésien, grâce à une solide coopération inter­universitaire.

S O U Z A S A M P A I O , Nelson de. 0 diálogo democrático na Bahia. Rio de Janeiro, Edições da Revista brasileira de estudos políticos, i960, 23 c m , 145 pages. (Faculdade de direito da Universidade de Minas Gerais. Estudos sociais e políticos, 8.)

Étude de la vie politique de l'État de Bahia, de 1945 à 1958 : l'application d u système proportionnel, les campagnes électorales, les partis, les électeurs, l'élite dirigeante (qui tend à ne plus s'identifier avec l'élite intellectuelle).

S T E I N , Maurice R . ; V I D I C H , Arthur J., W H I T E , David Manning, ed. Identity and anxiety; survival of the person in mass society. Glencoe (111.), T h e Free Press, I1960, 24 c m , 658 pages, bibliogr., 7,50 dollars.

L'étude des concepts d'identité et d'anxiété permet de préciser la survivance de la personnalité dans une société de masse; les auteurs examinent le rôle destructeur joué à cet égard par diverses institutions sociales, puis les moyens par lesquels l ' h o m m e cherche à se préserver de cette destruction.

S T E I N E R , Lee R . Understanding juvenile delinquency. Philadelphia, N e w York, Chilton, i960 20 c m , vin + 199 pages, index, 3,95 dollars.

Étude des principaux cas de délinquance juvénile, illustrés par des exemples nombreux et variés; l'auteur veut démontrer que les juges des tribunaux pour enfants ont trop de pouvoirs et pas assez de compétence pour comprendre les véritables problèmes de l'enfance et leur apporter des solutions.

S T E P A N E K , Joseph E . Small industry advisory service; an international study. Glencoe (111.), T h e Free Press, i960, 24 c m , xiv + ig3 pages, tabl., fig., bibliogr. (International Industrial Development Center. Stanford Research Institute.)

Le problème de l'adaptation des entreprises aux nouvelles techniques sans cesse per­fectionnées : c o m m e n t et dans quelles institutions les petits entrepreneurs reçoivent la formation nécessaire. Étude illustrée de nombreux exemples pris dans vingt pays.

T A R D I T S , Claude. Les Bamiléké de l'Ouest-Cameroun; contribution à l'étude des populations, préface du gouverneur Hubert Deschamps. Paris, Berger-Levrault, i960, 23 c m , 140 pages, tabl., cartes, bibliogr., 15 nouveaux francs. (L'homme d'outre-mer, nouvelle série, 4.)

Résultats d'une mission chargée d'étudier l'organisation sociale des populations bamiléké et les problèmes posés par leur émigration. L'auteur expose l'organisation intérieure des chefferies et leur évolution, et tente d'apporter des solutions aux pro­blèmes que pose la poussée démographique dans une économie insuffisamment déve­loppée. L'étude est complétée par une vingtaine de pages sur l'état des sources et leur localisation.

V E R H A E G E N , Paul. Le problème de l'habitat rural en Afrique noire. Bruxelles, C E D E S A , i960, 23 c m , xiv + 73 pages. (Centre de documentation économique et sociale africaine. Enquêtes bibliographiques, III.)

Bibliographie analytique de 433 titres classés par ordre alphabétique et indexés : ouvrages généraux sur l'habitat, études sur le climat et l'hygiène, les procédés et maté­riaux de construction, le village, la protection contre les insectes, le bien-être social en milieu rural.

W E I N S T E I N , Eugene A . The self-image of the foster child. N e w York, Russell Sage Foundation, i960, 24 c m , 80 pages, index, 2 dollars.

Les résultats d'une enquête montrent que l'enfant placé hors du foyer familial s'adapte mieux à sa situation, s'il en comprend les raisons et les modalités.

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Page 153: Aspects sociologiques du loisir

III. INFORMATIONS

LE STAGE INTERNATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES SOCIOLOGIQUES SUR L'EMPLOI

DES MOYENS DE COMMUNICATION DE MASSE

Milan, 13-26 mars i960

E n collaboration avec l'United States Information Service de Milan, l'Uni­versité catholique du Sacré C œ u r , où, sous les auspices de l'Unesco, a été constitué par le gouvernement italien le Centre de recherches sociologiques sur l'emploi des moyens audiovisuels, a organisé, du 13 au 26 mars i960, un stage international d'études et de recherches sociologiques sur l'emploi des moyens de communication de masse. Y ont participé des étudiants et des membres des Facultés de sciences politiques, d'économie politique et de commerce, de jurisprudence, de lettres et philosophie et de pédagogie, appartenant à toutes les Universités italiennes et recrutés, sur titres, par une commission que présidait le recteur de l'Université catholique.

A la séance d'ouverture, le professeur Francesco Vito, recteur de l'Université catholique, a développé dans son discours le sujet suivant : « Les moyens audiovisuels, reflet et annonce de la transformation sociale ». Après avoir analysé les différents facteurs économiques et culturels qui déterminent la diffusion des moyens de communication de masse, le professeur Vito a étudié les différentes conceptions que les savants des États-Unis et de l'Europe conti­nentale, particulièrement de l'Italie, sont en train d'élaborer.

Il a indiqué, en outre, les mesures qu'il conviendrait d'adopter dans les facultés universitaires pour faire une place plus large aux enseignements de sociologie et de psychologie sociale entre lesquels se répartit l'étude systéma­tique des moyens audiovisuels d'information et des processus de communication dans leurs rapports avec le loisir.

Le directeur de l'USIS, le D r Kraus, a, dans un vaste exposé, mis l'accent sur l'importance prise par les moyens de communication de masse aux Etats-Unis, et procédé à une comparaison avec la situation en Italie. Il a particu­lièrement insisté sur les nombreuses applications de ces moyens dans le domaine de l'éducation et de l'instruction, y compris l'instruction universitaire. Enfin, il a signalé quelques lacunes dans l'utilisation de ces moyens aux Etats-Unis et rappelé les études et les recherches faites pour y remédier.

Les travaux se sont déroulés de la manière suivante : le matin avaient lieu deux leçons, suivies d'une discussion; l'après-midi, les participants se répar-tissaient en trois sections pour approfondir différents aspects du sujet traité le matin ; ce m ê m e sujet était repris ensuite au cours d'une discussion collective. Les travaux de chaque journée se terminaient par une conférence que pro­nonçait un spécialiste italien ou américain.

O n trouvera ci-après les n o m s des personnalités qui ont pris part à ce stage et les sujets de leurs leçons et conférences : professeur Francesco Alberoni, de l'Université catholique du Sacré C œ u r : Panorama historique des moyens de communication de masse et leur diffusion dans le m o n d e (deux leçons) ;

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

M . Leonardo Ancona, professeur de psychologie à l'Université catholique du Sacré C œ u r : Effets psycho-sociaux des communications de masse; M . Otto N . Larsen, professeur de sociologie à l'Université de Washington : Facteurs du développement des moyens de communication de masse dans les États-Unis d'Amérique (deux leçons) ; professeur G . Calvi, de l'Institut de psycho­logie de l'Université catholique du Sacré C œ u r : Emploi des moyens de communication de masse dans la publicité, la propagande et les relations publiques aux Etats-Unis (une leçon) ; D r Maria Maddalena Y o n , directrice de la R A I T V (Radiodiffusion-Télévision italienne) : Les moyens de communi ­cation de masse au service de l'instruction aux Etats-Unis (une leçon) ; D r Giorgio Mondadori : La publication des journaux et des revues de grande diffusion aux Etats-Unis (conférence) ; M . Giuseppe Flores d'Arcais, pro­fesseur de pédagogie à l'Université de Padoue : Caractéristiques des messages envoyés par les différents moyens de communication de masse : langage verbal et langage par images (deux leçons) ; M . Watson S. D u n n , professeur de journalisme à l'Université du Wisconsin : Institutions qui dirigent les moyens de communication de masse aux États-Unis, leurs rapports avec les utilisateurs en vue de l'établissement de contacts avec le public (deux leçons) ; M . Cesare Musatti, professeur de psychologie à l'Université de Milan : Réactions psycholo­giques au cinéma (conférence) ; professeur Paolo Resta du Service Opinions de la R A I : Problèmes et méthodes d'étude des moyens de communication de masse particulièrement à propos de la contribution des savants nord-américains (deux leçons) ; M . Pier Paolo Luzzato Fegiz, professeur à l'Université de Trieste et directeur de l'Institut Doxa de Milan : Moyens de communication de masse et opinion publique en Italie (conférence) ; professeur Alex Fanelli, directeur du Bureau des programmes U S I S , R o m e : C o m m e n t les moyens de communication de masse contribuent à former l'opinion publique aux États-Unis (deux leçons) ; professeur Nicholas Ruggieri, directeur de la Section moyens audiovisuels de l'USIS, R o m e : Réglementation et problèmes juri­diques des moyens de communication de masse dans les différents pays et particulièrement aux États-Unis (deux leçons) ; D r Domenico Porzio, journa­liste (conférence). M . Antonio Miotto, professeur agrégé de psychologie à l'Université de Milan : Influence des moyens de communication sur la vie des groupes primaires et en particulier sur la famille américaine (une leçon) ; M . Franco Leonardi, professeur chargé des cours de sociologie à l'Université de Catane : Influence des moyens de communication de masse sur la vie communautaire; professeur Francesco Fattorello, directeur de l'École des professions publicitaires de l'Université de R o m e : Importance relative des moyens de communication de masse dans un monde en transformation.

700

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I N F O R M A T I O N S

LE COLLOQUE SCIENTIFIQUE SUR LES PROBLÈMES DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL

A L'ACADEMIE DES SCIENCES DE HONGRIE1

G Y Ö R G Y RÓZSA

Budapest, 29 septembre - 2 octobre 1959.

Organisé par la section des sciences historiques et sociales de l'Académie des sciences hongroise et par l'Institut d'économie politique de cette aca­démie, un colloque scientifique, consacré aux problèmes de la productivité du travail, a eu lieu, du 29 septembre au 2 octobre 1959, dans les salles de l'académie.

Les économistes hongrois ont témoigné un vif intérêt pour cette réunion. Dix-neuf délégués, venant des pays socialistes (République démocratique allemande, Bulgarie, Pologne, Roumanie, Tchécoslovaquie, U R S S ) , ont parti­cipé aux travaux qu'elle a nécessités. Parmi les personnes ayant prononcé des conférences ou participé aux discussions figurent des chercheurs d'instituts scientifiques, des professeurs d'université, des statisticiens, des spécialistes de la planification, des experts comptables, des ingénieurs, etc.

D e u x groupes de travail ont été constitués, un groupe industriel et un groupe agricole. Leurs discussions ont porté sur 29 conférences et rapports, préalable­ment polycopiés et distribués aux participants, et elles ont donné lieu à plus de 60 interventions2.

Quinze conférences ont été présentées par des auteurs hongrois et quatorze par des délégués étrangers. A u cours du colloque, les conférences n'ont pas été lues, les conférenciers se contentant d'exposer sommairement leur thèse, ce qui a permis de consacrer plus de temps aux délibérations.

L a conférence inaugurale était due à M . István Friss, m e m b r e correspondant de l'Académie des sciences hongroise, directeur de l'Institut d'économie politique de l'académie. O n a pu entendre ensuite M . Jenö Fock, m e m b r e du Bureau politique du Comité central du Parti socialiste ouvrier hongrois et du Conseil scientifique de l'Institut d'économie politique. M . Ferenc Erdei, m e m b r e de l'Académie du Conseil scientifique de l'Institut d'économie poli­tique, secrétaire général de l'Académie des sciences hongroise, a pris également la parole.

Dans sa conférence d'ouverture, M . István Friss a esquissé les problèmes complexes qui donnent aux recherches relatives à la productivité du travail un intérêt d'actualité et une importance spéciale. C e sont : a) l'émulation pacifique des mondes socialiste et capitaliste; b) la division internationale du travail au sein du m o n d e socialiste; c) la situation présente et l'essor de la vie économique hongroise. Parmi ces problèmes complexes, il a mis l'accent sur le rôle des recherches touchant la productivité du travail dans ses rapports avec le développement de la division internationale du travail dans le m o n d e socialiste.

Dans son intervention, M . Jenö Fock a souligné que les résultats des déli­bérations peuvent avoir une très grande utilité dans la détermination des

1. Résumé, quelque peu modifié, du compte rendu publié par l'auteur dans la revue Magyar Tuãomány, pério­dique de l'Académie des sciences hongroise (n° lo, 1959).

2. Le procès-verbal des conférences et des discussions contient environ I 100 pages manuscrites.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

directives du deuxième plan quinquennal hongrois. Il a mis en relief l'apport des économistes dans l'élaboration d'une politique économique judicieuse. Il a insisté sur la nécessité du progrès technique qui, d'après lui, est le facteur le plus décisif de l'augmentation de la productivité. E n liaison avec l'essor technique, il a également abordé la question de l'automation dans la phase actuelle du développement économique hongrois.

M . Ferenc Erdei a c o m m e n c é par analyser les corrélations entre les recherches théoriques et la vie économique pratique, puis il s'est tourné vers l'agriculture et a passé en revue les indices qui, depuis la libération de 1945, ont été considérés c o m m e décisifs pour caractériser la production agricole. Il s'est occupé des imperfections et d u caractère unilatéral de ces indices. Il a souligné que les points de vue de la rentabilité et les indices de la produc­tivité ont récemment pris le dessus m ê m e dans l'agriculture.

Dans le groupe de travail agricole, c o m m e dans le groupe industriel, les conférences et les débats se sont concentrés principalement sur la planification et la mesure de la productivité du travail, d'une part, les réserves et les possi­bilités de développement de la productivité du travail, d'autre part. Les rap­ports et les interventions des deux groupes ont respecté les cadres fixés. Etant donné la diversité professionnelle des participants, les divers problèmes ont été élucidés sous des points de vue multiples. Certaines interventions présen­taient un caractère purement théorique et d'autres un caractère essentielle­ment pratique.

M . Fritz Behrens, académicien (République démocratique allemande), a traité par exemple, dans un rapport purement théorique aussi bien que dans son intervention, « le double aspect du travail, de la productivité du travail et du prix de revient ». D'autres rapporteurs et conférenciers se sont occupés, en revanche, des expériences essentiellement pratiques de certaines usines et entreprises.

L a méthodologie a été largement discutée. D e nombreuses conférences et interventions y étaient consacrées, indépendamment du domaine de validité de la méthode de calcul, de planification ou de mesure proposée. Cela a permis d'étudier les méthodes suggérées, abstraction faite de leur application à l'entreprise seule, à l'économie nationale tout entière ou aux rapports internationaux.

Notons en outre que les conférences et les interventions ont eu un caractère très net de débats. Les rapports et les discussions n'ont pas été fondés, ou ne l'ont été qu'en partie, sur des recherches pouvant être considérées c o m m e closes et définitives. A part les conférences et les interventions de caractère méthodologique et théorique, basées sur des recherches, plusieurs avaient plutôt un caractère pratique et expérimental.

Il s'ensuit que le colloque a moins résolu les problèmes discutés, que mis en relief la nécessité de continuer les recherches relatives à la mesure et à la planification de la productivité du travail. Il a contribué à éclaircir dans ses grandes lignes la divergence des conceptions; il a servi de forum où les points de vue contradictoires pouvaient s'affronter et — last but not least — il a permis de préciser les problèmes méthodologiques au sujet desquels une entente pouvait être réalisée.

Ces résultats semblent de nature à permettre aux économistes des pays socialistes de pousser plus avant leurs recherches, relatives aux problèmes de la productivité du travail. C e qui vient d'être dit se rapporte à l'activité des deux groupes de travail. Cependant, les débats du groupe agricole ont peut-être

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I N F O R M A T I O N S

été plus importants. Cela est d û au fait que , dans l'industrie, les questions touchant la productivité d u travail font, depuis des décennies, l'objet de recherches théoriques et pratiques approfondies. Les conceptions contradic­toires sont plus ou moins connues et les chercheurs peuvent puiser dans u n e littérature professionnelle abondante. E n revanche, l'agriculture est, sous ce rapport, beaucoup plus arriérée1.

Il n'était pas dans notre intention de donner ici u n exposé critique, m ê m e schématique, des conférences et des discussions de l'enquête. U n tel exposé est en effet de la compétence exclusive de la presse économique professionnelle. L e présent résumé n ' a d'autre objet que d'offrir u n aperçu de l'organisation, d u déroulement, des tendances et des résultats à attendre de la première enquête académique des économistes hongrois.

Q u o i qu'il en soit, il paraît certain que les recherches théoriques et pra­tiques relatives à la productivité d u travail doivent au colloque une impulsion nouvelle et ainsi l'on peut s'attendre à u n élargissement considérable de la littérature scientifique de la productivité d u travail, à la parution de n o m ­breuses publications nouvelles traitant les problèmes qui s'y rapportent.

UN PRIX DE LA WESTDEUTSCHER VERLAG

Pour favoriser les progrès de la science et de la recherche, la maison d'édition West­deutscher Verlag (Cologne et Opladen) a institué en mai 1959, à l'occasion de l'attri­bution du premier prix fondé par elle, un nouveau prix destiné à récompenser des travaux scientifiques portant sur la sociologie, l'économie politique, la gestion des entreprises et la science politique. Les conditions d'attribution de ce prix ont été fixées le 28 mai i960.

Le jury se compose des personnalités suivantes : Ossip K . Flechtheim, docteur en droit et en philosophie, professeur de science politique à l'Université libre de Berlin; Otto-Heinrich von der Gablentz, docteur en science politique, professeur de science politique à l'Université libre de Berlin; Karl H a x , docteur en science politique, profes­seur de gestion des entreprises à l'Université de Francfort-sur-le-Main; Walter Hoff­m a n , docteur en science politique, professeur de sociologie à l'Université de Cologne; Erich Kosiol, diplômé de sciences commerciales et docteur en philosophie, professeur de gestion des entreprises à l'Université libre de Berlin; Helmut Schelski, docteur en philosophie, professeur de sociologie à l'Université de Münster; Theodor Wessels, diplômé de sciences commerciales et docteur en science politique, professeur d'écono­mie politique à l'Université de Cologne.

Le montant total du prix est de 16 000 marks allemands. Cette s o m m e sera partagée, par fractions de 4 000 marks allemands, entre les auteurs des meilleurs travaux portant respectivement sur la sociologie, l'économie politique, la gestion des entreprises et la science politique.

Dans chacun des domaines, les candidats ont le choix entre deux sujets : Économie politique : 1. Dans quelle mesure les méthodes de la recherche sur les pro­

grammes et de la recherche opérationnelle (activity analysis : operations research)

ï. Cet état de choses se reflète fidèlement dans la Bibliographie des problèmes de la productivité du travail, publiée à l'occasion du colloque, c o m m e la première publication de la bibliothèque de l'Institut d'économie politique. Parmi les titres — plus de 700 — énumérés dans cette bibliographie, seule une minorité insignifiante est consa­crée à l'agriculture.

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R E V U E I N T E R N A T I O N A L E D E S S C I E N C E S S O C I A L E S

peuvent-elles être utilisées pour la prise de décisions de politique économique ? 2. L a notion de rente dans la théorie économique : analyse systématique.

Gestion des entreprises : ï. Dans quelle mesure les méthodes de la recherche sur les pro­grammes et de la recherche opérationnelle (activity analysis; operations research) peuvent-elles être utilisées par les entreprises pour la prise de décisions ? 2. L a fixation des prix par les entreprises sur la base de la nouvelle théorie du calcul des prix de revient.

Sociologie : ï. L'importance des recherches sur les petits groupes pour la théorie socio­logique. 2. Les problèmes sociologiques de l'enseignement dans une société indus­trialisée.

Science politique : ï. L a notion de terreur dans la démocratie radicale. 2. L a situation de la République fédérale d'Allemagne du point de vue constitutionnel en 1949 et en 1959 : étude comparative.

Le concours est ouvert aux Allemands et aux étrangers. Les travaux présentés devront être inédits et n'avoir été soumis à aucun autre éditeur; ils pourront être rédigés en allemand, en anglais ou en français.

Les manuscrits devront être expédiés, par lettre recommandée, le 30 juin 1961 au plus tard, à l'adresse du Westdeutscher Verlag à Opladen, sous pli fermé portant une marque distinctive et la mention « Preis des Westdeutschen Verlag» et accompagné d'un autre pli fermé portant la m ê m e marque distinctive et contenant le n o m et l'adresse de l'auteur.

Le jury procédera avant le 31 janvier 1962 à la désignation des lauréats et à l'attri­bution d u prix.

Si le jury décide de ne pas attribuer de prix pour l'un des quatre domaines consi­dérés, la s o m m e ainsi économisée servira, soit à augmenter la part des autres lauréats, soit à financer un prix ultérieur du Westdeutscher Verlag.

Les candidats s'engagent à se conformer aux conditions ci-dessus ainsi qu'aux déci­sions du jury, qui seront prises en dehors de toute influence du Westdeutscher Verlag ou de ses représentants, et ne pourront donner lieu à aucun recours en justice.

Les candidats autorisent le Westdeutscher Verlag à publier leurs travaux, au cas où ils seraient primés, en leur appliquant les clauses habituelles des contrats d'édition. L'option ainsi accordée au Westdeutscher Verlag deviendra caduque si elle n'est pas mise à profit dans les six mois suivant l'attribution du prix.

BOURSES D'ETUDES DEMOGRAPHIQUES : 1961-1962

Le Population Council offre environ 25 bourses de recherches démographiques desti­nées à des titulaires du doctorat ou à des étudiants candidats au doctorat. Ces bourses peuvent être accordées à des candidats qualifiés originaires de n'importe quel pays, mais les demandes en provenance des régions insuffisamment développées sur le plan économique seront prises tout particulièrement en considération. Les candidats doivent avoir fait au moins une année d'études supérieures au-delà du niveau du B . A . degree, et avoir reçu une formation suffisante en matière de sciences sociales pour pouvoir se livrer à des études supérieures de démographie. Chacun d'eux établira lui-même son plan de travail, et choisira l'université où il désire se rendre; les bourses ont pour objet de former des démographes, mais les boursiers pourront aussi consacrer une partie de leur temps à des études connexes portant sur la sociologie, l'économie, la biostatistique, etc.

Le montant minimal de chaque bourse est de 2 700 dollars; il pourra être augmenté pour aider le bénéficiaire à couvrir ses frais de scolarité et de voyage, à assurer l'entre­tien des personnes à sa charge, etc. Les candidatures pour l'année universitaire 1961-1962 devront être reçues au plus tard le Ier février 1961.

704

Page 159: Aspects sociologiques du loisir

I N F O R M A T I O N S

Pour obtenir des renseignements supplémentaires et des formules de demande, écrire à : The Population Council, Inc, 230 Park Avenue, N e w York 17, N e w York, USA.

LE Ule CONGRÈS INTERNATIONAL DE CYBERNETIQUE

N a m u r , 11-15 septembre 1961

L'Association internationale de cybernétique organisera du il au 15 septembre 1961 le IIIe Congrès international de cybernétique qui aura lieu à N a m u r . Les travaux seront centrés sur les 5 thèmes suivants : fondements et méthodes de la cybernétique; les machines sémantiques; l'automation : aspects techniques; l'automation : aspects économiques et sociaux; la cybernétique et la vie.

Tous ceux qui désirent participer à ce congrès sont priés de se faire connaître dès maintenant au secrétariat de l'association, 13, rue Basse-Marcelle, N a m u r (Belgique).

705

Page 160: Aspects sociologiques du loisir

REVUE INTERNATIONALE DES SCIENCES ADMINISTRATIVES S O M M A I R E D U V O L U M E X X V I (1960) , N ° 3

S. A L V A R E Z - G E N D I N Y B L A N C O , Les garanties juridiques des administrés face au pouvoir exécutif*.

W . F. R A P P , L'analyse administrative aux sièges des administrations fédérales des États-Unis*.

J. C H Â T E L A I N , Le recrutement et la formation des cadres supérieurs de l'admi­nistration générale en France.

W . J. SIFFIN, La fonction publique thaïlandaise*. R . B O N N A U D - D E L A M A R E , Le problème de la région en tant que circonscription

administrative. M . A . C H A U D H U R I , Organisation et composition de la fonction publique au

Pakistan*. * Article rédigé en anglais ou en espagnol, mais suivi d'un résumé détaillé en

français. Recensions et comptes rendus bibliographiques (89 notices), informations et

nouvelles, chronique de l'Institut. Abonnement annuel: 400 F B (ou $8) Numéro isolé: 125 F B (ou $2.50)

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Moral Purpose in Foreign Policy: Realities and Illusions Kenneth W. Thompson

United States Propaganda Abroad: Notes on the U S I S in Italy J. A . Raffaele

In Defense of the Public Interest. . . Gerhard Colm Class Crystallization and its Urban Pattern. Werner S. Landecker T h e Needle-Trades Unions: A Labor M o v e ­

ment at Fifty J. B. S. Hardman A Psychological Concept of Freedom: Foot­

notes to Spinoza Mary Henle B o o k Reviews

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Page 161: Aspects sociologiques du loisir

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Jevons and Cairnes R . D . Collison Black Comparative Advantage, Graham's Theory, and Activ­

ity A n a l y s i s . . . . . . . . . . E . Kleiman O n Stability in the Sense of Harrod . . . . Dale W . Jorgenson A Note on Fox's Theory of Second-hand Markets. . H . Laurence Miller, Jr. Majumdar on 'Behaviourist Cardinalism'. . . . Richard G . Davis

and Walter G . Mellon A Reply Tapas Majumdar The Public Economy Jack Wiseman

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Articles de fond : Science politique, économie politique, économie sociale,

sociologie du travail, sociologie africaine, psychologie sociale, sociographie, etc.

Chronique du mouvement scientifique.

Notes et documents, comptes rendus critiques. Notices bibliographiques.

Acquisitions de la bibliothèque.

Chronique de l'institut.

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Sommaire du numéro 171 d'août 1960

Editorial: L'autre front, par Maurice L A M B I L L I O T T E ; Actualité de Maeterlinck, par Jean-Marie A N D R I E U ; La structurologie, par Alain C H A I G N O N ; Aspects de la pédagogie de Bergson, par André D E V A U X ; La psychanalyse humaniste d'Erich Fromm, par Mathilde NIEL ; Phénomène de conscience, par Paul V A N D E V I V È R E ; La dynastie étrangère en Russie et la chute de l'Empire (III), par Boris M O U R A V I E F F ; L'Europe peut sauver la paix, par Philippe T E S S O N .

Chroniques : Paris, spectacle permanent, par J E A N - L É O ; Chronique littéraire, par Henry C H A P I E R et Marcel L E C O M T E ; La dolce vita, un témoignage documentaire de Fellini, par André D E J A R D I N ; Les arts : Bernard Dufour, par René de SOLIER ; Les primitifs flamands à Bruges, par François M A R E T ; Le Marché commun, par J. É V R A R D - J U S S I A N T ; Synthèses de la presse étrangère, par D R A G O M A N .

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The Bournemouth Affair: Britain's First

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Contains in Volume XIV, No. 3, Summer içóo

I. Articles

Politics and change in the Security Council . . Norman J. Padelford The USSR and ILO . . . . . . . Harold Karan Jacobson Australia and SEATO . . . . . . . George Modelski

II. Comprehensive S u m m a r i e s

Recen t activities of United Nat ions organs a n d of the Specialized Agencies.

Recen t activities of major regional a n d functional organizations.

III. Selected Bibliography

Pertinent books and articles in American and foreign periodicals.

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Page 165: Aspects sociologiques du loisir

LA REVUE DE DROIT INTERNATIONAL DE SCIENCES DIPLOMATIQUES ET POLITIQUES

(THE INTERNATIONAL LAW REVIEW) fondée à Genève en 1923 par ANTOINE SOTTILE

est la S E U L E revue paraissant en Suisse en matière de droit international, de sciences diplomatiques et politiques. Elle préconise la rénovation du droit international, la renaissance de la justice mondiale, la souveraineté effective du droit, la solidarité internationale, la morale dans la politique internationale, le développement de l'esprit international, le règlement pacifique des conflits internationaux, la défense des droits des petits Etats pour autant que la soi-disant liberté de presse et les devoirs de neu­tralité le consentent. Paraissant au siège européen de l'Organisation des Nations Unies, la B E V U E D E D R O I T I N T E R N A T I O N A L est à m ê m e de faire rapidement connaître et apprécier avec sûreté les règles que stipule la communauté des nations.

La Revue de droit international paraît tous les trois mois, en livraisons de 90 à 135 pages. Les articles sont publiés dans la langue de leurs auteurs. Numéro spécimen (arriéré) contre envoi de 4,90 FS net. A B O N N E ­M E N T : Union postale, 62,50 FS net. — Suisse, 61,50 FS net. Tous les abonnements sont annuels et partent du numéro de janvier. Toute commande faite par l'intermédiaire de librairies peut être augmentée de 20 %. (La revue est honorée de souscriptions de gouvernements.)

Directeur : D r Juris Antoine Sottile c. d. Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire, consul, lie. en philos.,

anc. docent de droit international à l'Université de Genève, m e m b r e de la Société américaine de droit international, de l'Association internationale de droit pénal et de l'Académie diplomatique internationale.

THE AMERICAN ECONOMIC REVIEW Volume L September i960 Number 4

Articles First T w o Decades: American Economic Association A. W . COATS Operations Research ROBERT D O R F M A N Patterns of Industrial Growth H . B . C I I E N E R Y Credit Controls and Financial Intermediaries D . A. ALHADEFF

Review article The Radcliffe Report and Evidence J. G. G U R L E Y

Communications The Public Debt W . G. B O W E N , R. G. DAVIS,

and D . H . KOPF Capital Formation in Underdeveloped Countries N A T H A N ROSENBERG Wages and Interest—A Modern Dissection of Marxian Economic Models:

Comment F. M . GOTTIIEIL Reply P. A. SAMUELSON

The Pure Theory of International Trade: Comment H . G. JOHNSON

The AmericanEconomic Review, a quarterly, is the official publication of the American Economic Association and is sent to all members. The annual dues are six dollars. Address editorial communications to Dr. Bernard F. Haley, Editor, American Economic Review, Stanford University, Stanford, California. For information concerning other publications and activities of the Asso­ciation, communicate with the Secretary-Treasurer, Dr. James Washington Bell, American Eco­nomic Association, Northwestern University, Evanston, Illinois. Send for information booklet.

Page 166: Aspects sociologiques du loisir

REVISTA M E X I C A N A DE SOCIOLOGÍA

Publicada por el Instituto de Investigaciones Sociales de la Universidad Nacional Autónoma de México

Director: Dr . Lucio Mendie ta y Núñez

Se publica un ejemplar cada cuatro meses; contiene colaboraciones inéditas de los más prestigiados sociólogos latinoamericanos,

norteamericanos y europeos

Precio del ejemplar suelto: $0.60 Precio de la suscripción anual: $1.75

Instituto de Investigaciones Sociales de la Universidad Nacional Autónoma de México, Ciudad Universitaria, Edificio de Humanidades, 5.0 piso. Villa A . Obregón 20, México D . F .

THE EASTERN ANTHROPOLOGIST

A QUARTERLY RECORD OF ETHNOGRAPHY, FOLK CULTURE AND GENERAL ANTHROPOLOGY

PUBLISHED BY THE ETHNOGRAPHIC AND FOLK CULTURE SOCIETY, U.P.

Editor: D . N . Majumdar. Foreign Editor: Professor C. von Furer-Haimendorf.

V O L U M E X I I , N o . 1

Notes and Comments

Social Uses of Funeral Rites . . . . by David G . Mandelbaum

Features of Kinship in an Asur Village . by R . K . Jain

'Long Breath' and 'Taking Fire': Cultural

Survivals in Games of Chase . . . . by Paul G . Brewester

Caste and Occupation in a Malwa village . by K . S. Mathur

Research News and Views

Book Reviews

Rates: Rs.15, Available from: £1.5s. or $4 The Ethnographic and Folk Culture Society, U . P . , Department

per year. of Anthropology, Lueknow University, India.

Page 167: Aspects sociologiques du loisir

Published in January, i960

Vol. 4 , fase. 3:

acta sociológica Scandinavian Review of Sociology Skandinavische Zeitschrift für Soziologie Revue Scandinave de sociologie

Vilhelm Aubert and Harrison White: Sleep: A Sociological Interpretation. II

Yrjö Littunen : Deviance and Passivity in Radio Listener Groups

C. Arnold Andersen : Social Class as a Factor in the Assimilation of W o m e n into Higher Education

Thomas D. Eliot: A Century's Contrasts in Designs for Living. Family Studies in a Habitat Area

B o o k Announcements

In coming issues:

Torben Agersnap and Erik Johnsen: Decision G a m e . A N e w Tool for Group Experiments

Torgny T. Segerstedt : T h e Nature of Social Reality

Erik Allardt: Internal and External Criteria of Behavior Regularities

Thomas Mathiesen: Aspects of Social Stratification in a Changing C o m m u n i t y

T h e Danish National Institute of Social Research

Interdisciplinary Studies from T h e Scandinavian S u m m e r University

A C T A S O C I O L Ó G I C A is published quarterly in English and occasionally in G e r m a n and French.

Write for free sample pages to Acta Sociológica, io, Jul. Thomsens Plads, Copenhagen V , D e n m a r k .

Subscriptions are by one volume only. Orders should be m a d e to Ejnar Munksgaard, 6, Norregade,

Copenhagen K , D e n m a r k , or to any international bookseller. T h e subscription price is D a n . K r . 40

(approx. J6) per volume plus postage.

ORGANISATION OES ÉTATS AMÉRICAINS SECRÉTARIAT GÉNÉRAL

PUBLICATIONS SUR LES SCIENCES SOCIALES MANUELS TECHNIQUES

Guia para la clasificación de los datos culturales (1954, 284 p.) , $1.00. Adaptation espagnole de Outline

of Cultural Materials de G . P . Murdock, à l'usage des Human Relations Area Files.

Teoria y practica del estudio de áreas (1955, 86 p.) , So.50. Adaptation espagnole de Area Research: Theory and Practice, par J. H . Steward, du Social Science Research Council des États-Unis. Gula de campo del investigador social, premier fascicule (1956, 100 p.) , $0.50 ; deuxième fascicule (1957, 84 p.) , $0.50 ; troisième fascicule (1958, 85 p . ) , $0.50. Adaptation espagnole de Notes and Queries

on Anthropology d 'un comité du Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland.

MONOGRAPHIES Irrigation Civilizations: A Comparative Study (1955, 78 p.) . Î0.50. C o m p t e rendu d 'un colloque, par J. H . Steward, K . A . Wittfogel, etc. L a traduction espagnole est en vente. Programa de historia de la América indígena (1957, 76 p.), $0.50; par Pedro Armillas. Première partie : América pre-colombiana.

Studies in Human Ecology (1957, 138 p.), $1.00. Série de lectures données à 1'Anthropological Society de Washington. Bibliografia delas plantaciones (1957, 93 p.), $1.00 ; par Edgar T . T h o m p s o n .

Middle American Anthropology (1958, 60 p.), $0.50. Première partie. Special S y m p o s i u m of the American Anthropological Association. An Archeological Chronology 0/ Venezuela (1958, 278 p.) , $1.00. Première partie ; par I. Rouse and J. M . Cruxent.

RÉPERTOIRES Guia de instituciones y sociedades en el campo de las ciencias sociales :

Vol. II : Amérique latine (1954, édition revisée, T84 p . ) , $0.50.

Directorio de publicaciones periódicas en el campo de las ciencias sociales:

Vol. I : Amérique latine (r955, 83 p.) , $0.20.

O n peut obtenir sur d e m a n d e le catalogue général des publications traitant des questions latino-américaines en français, en anglais, en espagnol et en portugais.

U N I O N P A N A M É R I C A I N E , Secrétariat général de l'Organisation des États américains — Washington 6, D . C .

Page 168: Aspects sociologiques du loisir

RIVISTA INTERNAZIONALE

DI SCIENZE SOCIALI PUBBLICAZIONE BIMESTRALE A CURA DELL'UNIVERSITÀ

CATTOLICA DEL S. CUORE

V O L . X X X I . F A S C . III. M A G G I O - G I U G N O 1960.

S O M M A R I O

M . R . M A N F R A , Qualche ipotesi di lavoro sull'economia mista.

A . B E N E D E T T I , Considerazioni sul concetto di 'human relations'.

F . E . L O F F R E D O , L o stato assistenziale (welfare State) in una

polemica tra cattolici inglesi.

C . B R A S C A , Intorno all'opportunità di un ' imposta sul valore del

suolo.

G . G iORGi , L'agricoltura e il Mercato C o m u n e Europeo .

Abbonamento annuo per Vitalia L. 2 500; per V estero L. 5 000;

ovvero Vequivalente in valuta estera.

Abbonamento sostenitore L. 20 000.

Redazione e Amministrazione: piazza S. Ambrogio 9, M I L A N O (Italia).

Dinámica

Social D I N Á M I C A S O C I A L , publication du

Centro de Estudios Económico-Sociales

(Centre d'études économiques et sociales), paraît mensuellement en espagnol et en italien à Buenos Aires, calle Libertad 1050.

D I N Á M I C A S O C I A L , qui est entrée en septembre i960 dans sa dixième année

d'existence, est devenue depuis peu une revue largement illustrée, avec

une section de caractère technique, industriel et scientifique, à côté de

ses pages politiques et littéraires habituelles.

Dans cette nouvelle section ont été jusqu'à maintenant présentées de grandes entreprises industrielles c o m m e Pirelli, Fiat, Cinzano, Italmar,

Celulosa Argentina, Lepetit, Montecatini, E.N.I., Ansaldo, etc.

Page 169: Aspects sociologiques du loisir

A n interdisciplinary journal for behavioural a n d social scientists w h o wish to keep abreast of research concerned with the p rob lem of peace a n d international relations.

R E S O L U T I O N

A quarterly for research

related to war and peace.

Annual subscription: S5.50; per copy: $2.00

Published by T h e Center for Research on Conflict Resolution

820 East Washington, University of Michigan, A n n Arbor, Michigan

A Canadian Quarterly

INTERNATIONAL JOURNAL The winter issue contains:

THE FOREIGN POLICY OF COMMUNIST CHINA by E. Stuart Kirby

INDONESIA AT T H E CROSSROADS by J. M . Van der Kroef

CLIMACTERIC IN ASIA by Hugh Tinker

COMMUNISM—NATIONAL OR INTERNATIONAL? by H . Gordon Skilling

KHRUSHCHEV A N D CLIO by R. H . McNeal

Subscription rates: One year: $3.00 ($2.50 to teachers and students) Three years: $7.50

THE CANADIAN INSTITUTE OF INTERNATIONAL AFFAIRS

230 Bloor Street West Toronto 5, Ontario, Canada

Page 170: Aspects sociologiques du loisir

PHYLON A Review of Race and Culture

ONLY PUBLICATION DIRECTED EXCLUSIVELY TO TRENDS AND EVENTS IN RACIAL AND CULTURAL RELATIONS O N THE

W O R L D SCENE

Subscription rates: $3.00 per year; a two-year subscription or two subscriptions, $5.00. Canada and foreign, $3.50 per year, two years, $6.00.

Indexed in the International Index to Periodicals, N e w York, N . Y . , Psychological Abstracts and the Bulletin of Public Affairs Information Service.

Microfilms beginning with Volume X V I I are available to regular sub­scribers from University Microfilms, 313 N . First Street, A n n Arbor, Michigan.

PUBLISHED BY ATLANTA UNIVERSITY, ATLANTA, GEORGIA

Address all correspondence to: Phylon, Atlanta University, Atlanta 14, Georgia.

Centre d'études de politique étrangère, 54, rue de Varenne, Paris-7e

POLITIQUE ÉTRANGÈRE La grande revue des questions internationales

N° 3, 1960

Coexistence, sécurité, désarmement.

L'expansion du commerce extérieur et la politique de la République fédérale.

Eugène A R O N E A N U Le désarmement et la prévention d'une attaque

par surprise.

P . E . S C H R A M M Les relations germano-polonaises.

Maurice H A L F F Déséquilibre dans les mesures d'accélération du traité de R o m e .

Le numéro : 3,80 NF Abonnements : France et Communauté 20 NF Étranger 26 NF

Adresser les abonnements au Centre d'études de politique étrangère,

54, rue de Varenne, Paris-7e — C . C . P . 1865-41 Paris.

Page 171: Aspects sociologiques du loisir

JORDAN A STATE OF TENSION

by BENJAMIN SHWADRAN A historical and archaeological survey of the territory from antiquity down to the end of the Ottoman Empire, and development of the modern era, to the end of 1958.

The book treats the Arab revolt of 1916, the battles behind the apportioning of the spoils of World W a r I, King Abdullah's character and influence, his dream of Arab unity and his clashes with rival Arab leaders, the emergence of the Arab League, the war with Israel, the story of the Arab Legion, and conver­sion of the territory into a Hashemite kingdom.

A study of power politics in the Arab world, of Great Power bloc interests, and Arab nationalism.

Profusely illustrated. Maps, bibliography, index. Price $7

Some excerpts from reviews

*An invaluable and objective reference work covering the history of Jordan1—The New York Times. *A painstaking and skillful account... a sober piece of historical writing, well documented and—as far as the writing of contemporary history can be— unbiased'—Jerusalem Post. *A penetrating study of the politics of the modern Middle East... his book, both readable and illuminating, is an unusual and indispensable aid to all students of the Middle East'—Congress Bi- Weekly.

COUNCIL F O R M I D D L E E A S T E R N AFFAIRS PRESS 333 West 86th Street New York 24, N . Y .

SOCIOMETRY A JOURNAL OF RESEARCH IN SOCIAL PSYCHOLOGY Sociometry is concerned with the entire range of interests and problems represented by research in social psychology. It is concerned with the socialization process and with the study of the interrelationships of social structure and personality, as well as with studies of group process; it is concerned with conceptualization as well as with measure­ment. It is as concerned with studies of behaviour in natural settings as with contrived experiments. Sociometry seeks to represent the significant research interests of investigators w h o are concerned with giving the field of social psychology theoretical structure and reporting research which is clearly focused, well designed and competently conducted.

$9 per year for four issues - Special rate to members: $4.50

Order through jour subscription agent or

THE AMERICAN SOCIOLOGICAL ASSOCIATION New York University Washington Square, New York 3, New York

Page 172: Aspects sociologiques du loisir

in the S u m m e r issue of

THE MIDDLE EAST JOURNAL Somalia: T h e Problems of Independence

Anthony S. Reyner draws a general portrait of a newly independent and underdeveloped State.

Cultural Perspectives of Middle Eastern Students in America F . James Davis reports the results of a poll and interviews on attitudes towards life in America.

O n the Economic Feasibility of a Middle Eastern C o m m o n Market Daniel H . Garnick examines the pros and cons of such a union as among Egypt, Israel, Iraq and Turkey.

Change and Continuity in a Moroccan Immigrant Village in Israel Alex Weingrod records the problems of change for Oriental immigrants.

Kurdish Language Studies Ernest R . McCarus continues the Journal series on dialectal studies.

Price of the issue, $1.50 Year's subscription, S6.00

THE MIDDLE EAST INSTITUTE 1761 N STREET, N.W. WASHINGTON 6, D.C.

PARLIAMENTARY AFFAIRS

The Quarterly Journal of the Hansard Society for Parliamentary Government

The current issue includes articles on:

Parliamentary Developments March-May 1960.

The Government of Tunisia since Indepen­dence William Lee

Parliamentary Government in Scandinavia . Neil Elder

Commonwealth Membership: Its Present and

Future D.C.M. Yardley

Lord Salisbury as Party Leader (1881-1902) . Viscount Chilston

The Origins of the Military Attaché Service in Great Britain L. W. Hubert

Annual subscription: 30s.; $4.50 Single copies: 7s. 6d.; $1.25

Specimen copy from:

THE HANSARD SOCIETY FOR PARLIAMENTARY GOVERNMENT

79-80 Petty France, London, S . W . I

Page 173: Aspects sociologiques du loisir

Deutsche

Rundschau

Wichtige Beiträge in Winterhalbjahr 59/60

I u

< u un Q Z D

Sir Ivone Kirkpatríck

England und die deutsche Wiedervereinigung

Theodor Steltzer

Die Abhängigkeit des Westens von den Entwicklungsländern

Friedrich Heer

Politik und Metapolitik

Lotte Sternbach

Karl Kraus als Lyriker

Fritz Usinger

Über H a n s A rp

Harry Pross

H e r m a n n Broch oder das Irdisch-Absolute

Deutschlands älteste politisch-literarische Monatsschrift In jeder guten Buchhandlung Herausgeber Dr . Dr . hc. Rudolf Pechel Redaktion Dr. Harry Pross Verlag Baden-Baden E7, Schlosstrasse 8 Einzelpreis D M 2.10, jährlich D M 1 8 . -

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RELAZIONI INTERNAZIONALI

Hebdomadaire de politique étrangère

24 pages : 150 lires

Abonnement pour l'étranger: 10500 lires

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V i a C l e r i c i , 5 , M i l a n o ( I ta l ia )

Page 174: Aspects sociologiques du loisir

Uannée politique et économique FÉVRIER i960 •—• N° I53

Fondée en 1925

Bernard L A V E R G N E : Le séjour de M. Khrouchtchev en France et le problème du désarmement général. La politique intérieure et extérieure du général de Gaulle depuis son avènement au pouvoir.

Jacques C A U L A I S : Civilisation et pays sous-développés.

Jocelyn de N O B L E T : Le kibboutz : mode de vie en Israël.

Bernard L A V E R G N E : Les manœuvres américaines et allemandes contre le

général de Gaulle ou le fiasco de la prétendue entente franco-allemande.

Bernard L A V E R G N E : Quelques grands concepts politiques expliqués par

l'idée dualiste.

V . Georges R A D A : Rouble contre dollar.

Bibliographie critique.

La revue paraît tous les deux mois.

P R I X D E L ' A B O N N E M E N T A N N U E L : France et Union française: 18 N F . Étranger : 21 N F .

P R I X D U FASCICULE : France : 3,70 N F . Étranger : 4 N F .

ADMINISTRATION DE LA REVUE : 19, QUAI DE BOURBON, PARIS-4e. c. c. P. : PARIS 353-37-

rural sociology Volume 25 March i960 Number i

E D U C A T I O N A N D SOCIAL C H A N G E IN LATIN A M E R I C A

Early Rural Sociological Research in Latin America Carl C. Taylor

Higher Agricultural Education and Social Change in Latin America Alvaro Chaparro

and Ralph H . Allee Aspects of Land Tenure Problems in Latin

America João Gonçalves de Souza Rural Education and Socio-economic

Development in Brazil J. Roberto Moreira Social System Analysis of Supervised Agri­

cultural Credit in an Andean Community. Manuel Alers-Montalvo Social Structure and Information Exposure

in Rural Brazil Thomas Lucien Blair A Colonization Experiment in Bolivia. . . Sakari Sariola Some Problems of Cross-cultural Measure­

ment Charles E . Ramsey and Jenaro Collazo

Demographic Characteristics of the US-Mexican Border J. Allan Beegle,

Harold F. Goldsmith and Charles P. Loomis

Book reviews—News notes Write to: Managing Editor, Warren Hall, Cornell University, Ithaca, New York.

Page 175: Aspects sociologiques du loisir

Kölner Zeitschrift für Soziologie

und Sozialpsychologie begründet durch Leopold von Wiese,

herausgegeben im Auftrage des Forschungsinstituts für Sozial-und Verwal­tungswissenschaften in Köln von Prof. Dr. René König.

Der Jahrgang umfaßt 4 Hefte im Umfang von je I 50- I 80 Seiten Einzelpreis D M 12, —/halbjährlich D M 22, —bei Vorauszahlung für den ganzen Jahrgang D M 39,60.

Die Zeitschrift wurde im Jahre 1921 von Prof. Dr. Leopold von Wiese begründet. Sie erschien zunächst als „ Kölner Vierteljahreshefte für Soziologie", in der neuen Folge unter d e m Titel „Kölner Zeitschrift für Soziologie". Mit Jahrgang 7 der Neuen Folge wurde eine Titelerweiterung notwendig. V o n allen Jahrgängen der Neuen Folge sind Einzelhefte lieferbar. Vollständige Jahrgänge können in Leinen gebunden z u m Preis von D M 50, — pro Exemplar bezogen werden.

Als einziges selbständiges Organ der soziologischen Wissenschaft in Deutschland umfasst die „ K Z f S u S " , alle Zweige der Soziologie, Beiträge zur Betriebssoziologie, Pädagogik und Sozialpsychologie. Jedes Heft enthält ausserdem Besprechungen aus der deutschen und fremdsprachigen Fachliteratur, Berichte über Tagungen, Kongresse usw.

Ferner erscheint jährlich ein Sonderheft, das den Abonnenten zum Vorzugs­preis geliefert wird.

Bisher liegen vor :

„ Soziologie der Gemeinde " ,

232 Seiten, D M 12,50

, , Soziologie der Jugendkriminalität " , 188 Seiten, D M 10,—

„ Probleme der Medizin-Soziologie " , 336 Seiten, D M 17,50

„ Soziologie der Schule " , 200 Seiten, D M 9,80

Westdeutscher Verlag. Köln und Opladen

Page 176: Aspects sociologiques du loisir

REVUE FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE publiée par les soins du Centre d'études sociologiques

avec le concours du Centre national de la recherche scientifique

Directeur : J. S T O E T Z E L

AU SOMMAIRE D U N° 3 :

Pierre N A V I L L E Vers l'automatisme social Yves L E G O U X Le concept de technicien et la sociologie

François-A. I S A M B E R T Enterrements civils et classes sociales

Marie Moscovici Le changement social en milieu rural et le rôle des femmes

Henri R A Y M O N D Recherches sur un village de vacances Jean-Marie L E M A I N E Note sur le voisinage comme déterminant des

choix interpersonnels

Dans chaque numéro, rubrique sur l'ACTUALITÉ D E LA R E C H E R C H E , suivie d'une BIBLIOGRAPHIE et d'une R E V U E D E S R E V U E S analytiques.

Résumés des articles en anglais, en allemand, en espagnol et en russe.

Direction, rédaction : Centre d'études sociologiques, 82, rue Cardinet, PARIS-17e

W A G . 26-45.

Administration, abonnements : Julliard, 30-34, rue de l'Université, PARIS-7e — B A B . 17-90 4 numéros de 128 pages par an. Abonnement : France, 15 N F ; Étranger, 18 N F . Le N° 4,50 N F .

international journal of comparative sociology

A journal devoted to research, especially in the problems of social chatige arising out of

urbanization, indu-stralization and cross-cultural contacts.

Editor: D r . K . I S H W A R A N . Eminent sociologists from all over the world are also on the

Editorial Board.

Contents of Volume Jt No.

I. Articles:

Editorial

Western Urban M a n faces Leisure Neis Anderson Lineage, Structure in Himalayan Society, Himalayan District. . D . N . M a j u m d a r Colonial Expansion and Urban Diffusion in the Americas . . . Kingsley Davis Sociology in a Rapidly Changing Society K . A . Busia T h e Concept of 'Social Change ' in Sociological Theory . . . . B . Landheer Selected Problems of the Family in Urban and Rural Austria . . Leopold Rosenmayr External and Internal Causality in Cultural Change Sjoerd G r o e n m a n Is the Joint Family an Obstacle to Industrialization? . . . . M . F . Nimkoif Social Change in Social Class Peter Marris

/ / Notes and News:

Notes and N e w s

Publications Received.

T h e Journal is published twice a year (March and September) by the Department of Social Anthro­pology, Karnatak University, Dharwar (India).

Annual subscription 20 rupees; 25s.; S3.50; 15 N F . Order from: The Director, University Single copies 11 rupees; 13s.; $1.80; 8 N F . Publications Department, Karnatak Uni­

versity, Dharwar (India).

Page 177: Aspects sociologiques du loisir

IL POLITICO RIVISTA TRIMESTRALE DI SCIENZE POLITICHE

D I R E T T A D A

B R U N O LEONI

G I U G N O 1960

J. M . B U C H A N A N . Economie Policy, Free Institutions and Democratic Process. Politica económica, libere istituzioni e processo democrático.

A . K E M P . Atomic Energy in a Free Society.

L'energia atómica in una società libera.

R . K E L F - C O T I E N . Nationalisation in Great Britain.

Le nazionalizzazioni in Gran Bretagna.

B . L E O N I . U n a critica delle nazionalizzazioni.

A Critique of Nationalisation.

V . A . R A P P O R T & L . W . M o s s . The University and the Communi ty .

L'université americana e la società circostante.

M . F . S T O P P I N G . L'Europa non cade dal cielo.

N . B A L A B K I N S . A Soviet Version on Contemporary 'Bourgeois' Political Economy .

Gli economisti '"borghesi' visti dai Sovietici.

G . G A D D A C O N T I . Prospettive per la sociologia industríale.

J. C . R E E S . Political Science in America.

La scienza politica in America.

A . M O Z Z I L L O . Problemi demografici e Mezzogiorno.

K . L . H E R C Z E G . European-American Cooperation in Development Aid.

Europa, U S A e paesi sottosviluppati.

G . K O E T H E B . The Great F a r m Problem. Il grave problema dell'agricoltura in U S A .

C . E . F E R R I . Le facoltà di scienze politiche e l'industria.

Allività degîi istituti.

Recensioni e segnalazioni.

A N N O X X V N . 2

Subscriptions for 1960 (4 issues) : Students (foreign) $4.00 ; Foreign (regular) $5.00.

ISTITUTO DI SCIENZE POLITICHE

U N I V E R S I T Â Dl PAVIA, PAVIA (ITALY)

Page 178: Aspects sociologiques du loisir

PUBLICATIONS D E L ' U N E S C O : A G E N T S G É N É R A U X

A F G H A N I S T A N Panuzai, Press Department, Royal Afghan Ministry of Education, K A B U L .

ALBANIE N . Sh. Botimeve Nairn Frasheri, T I R A N A .

A L L E M A G N E (RÉP. FED.) R . Oldenbourg Verlag, Unesco-Vertrieb für Deutschland, Rosenheimerstrasse 145, M Ü N C H E N 8.

ANTILLES FRANÇAISES Librairie J. Bocage, rue Lavoir, B . P. 208, F O R T - D E - F R A N C E (Martinique).

ANTILLES N É E R L A N D A I S E S G . C . T . Van Dorp & Co., (Ned. Ant.) N . V . WiLLEMSTAD (Curaçao, N . A.)

ARGENTINE Editorial Sudamericana, S. A . , Alsina 500, B U E N O S A I R E S .

A U S T R A L I E Melbourne University Press, 369 Lonsdale Street, M E L B O U R N E C I (Victoria).

A U T R I C H E Verlag Georg Fromme & Co., Spengergasse 39, W I E N V.

BELGIQUE Office de publicité, S. A . , 16, rue Marcq, B R U X E L L E S I. N . V. Standaard Boekhandel, Belgiëlei 151, A N T W E R P E N .

Pour * Le Courrier » ; Louis de Lannoy, 22, place de Brouckère, B R U X E L L E S .

BOLIVIE Librería Selecciones, avenida Camacbo 369, casilla 972, L A P A Z .

BRÉSIL Fundação Getúlio Vargas, 186 Praia de Botafogo, caixa postal 4081, Río D E J A N E I R O .

B U L G A R I E Raznoïznos, i Tzar Assen, SOFIA.

CAMBODGE Librairie Albert Portail, 14, avenue Boulloche, P H N O M - P E N H .

CANADA L'Imprimeur de la Reine. O T T A W A (Ont.).

CEYLAN Lake House Bookshop, P.O. Box 244, Lady Lochore Building, 100 Parsons Road, C O L O M B O 2.

CHILI Editorial Universitaria, S. A . , avenida B . O'Higgins 1058, casilla 10220, S A N T I A G O .

CHINE The World Book Co., Ltd., 99 Chungking South Road, section 1, T A I P E H , Taiwan (Formose).

COLOMBIE Librería Central, Carrera 6-A, n.° 14-32, B O G O T A .

C O R É E (République de) Korean National Commission for Unesco, P. O . Box Central 64, SÉOUL.

COSTA RICA Imprenta y Librería Trejos, S. A . , apartado 1313, SAN JOSÉ.

CUBA Librería Económica, Pte. Zayas 505-7, apartado 113, L A H A B A N A .

D A N E M A R K Ejnar Munksgaard, Ltd., 6 Norregade, K O B E N H A V N K .

RÉPUBLIQUE DOMINICAINE Librería Dominicana, Mercedes 49, apartado de correos 656, C I U D A D T R U J I L L O .

EQUATEUR Casa de la Cultura Ecuatoriana, Núcleo del Guayas, Pedro Moncayo y 9 de Octubre, casilla dfí correo 3542, GUAYAQUIL.

ESPAGNE Librería Científica Medinaceli, Duque de Medinaceli 4, M A D R I D 14.

Pour * Le Courrier * : Ediciones Iberoamericanas, S. A . , Pizarro 19, MADRID.

ÉTATS-UNIS D 'AMÉRIQUE Unesco Publications Center, 801 Third Avenue, N E W Y O R K 22, N . Y. ;

et, sauf pour les périodiques : Columbia University Press, 2960 Broadway, N E W Y O R K 27, N. Y .

ETHIOPIE International Press Agency, P. O. Box 120, ADDIS ABABA.

FINLANDE Akateeminen Kirjakauppa, 2 Keskuskatu, HELSINKI.

FRANCE Librairie de PUnesco, place de Fontenoy, PARIS-7*.

GRÈCE Librairie H . Kauffmann, 28, rue du Stade, ATHÈNES.

HAÏTI Librairie < A la Caravelle ». 36, rue Roux, B . P. 111, P O R T - A U - P R I N C E .

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HONGRIE Kultura, P.O. Box 149, BUDAPEST 62.

INDE Orient Longmans Private Ltd.: 17, Chittaranjan Avenue, C A L C U T T A 13 ;

Indian Mercantile Chamber, Nicol Road, B O M B A Y I ; 36a Mount Road, M A D R A S 2 ; Gunfoundry Road, H Y D E R A B A D I ; Kanson House, 24/1 Asaf Ali Road, P.O. Box 386, N E W DELHI I.

Sous-dépôts :

Oxford Book & Stationery Co., 17 Park Street C A L C U T T A 16,

et Scindia House, N E W DELHI ; Rajkamal Prakashan Private Ltd., Himalaya House, Hornby Road, B O M B A Y I.

INDONÉSIE Bappit Pusat PERMATA, Djalan Nusantara 22, DJAKARTA.

IRAK McKenzie's Bookshop, B A G H D A D .

IRAN Commission nationale iranienne pour r Unesco, avenue du Musée, T É H É R A N .

IRLANDE The National Press, 2 Wellington Road, Ballsbridge, DUBLIN.

Page 179: Aspects sociologiques du loisir

ISRAEL Blumstein's Bookstores Ltd., 35 Allenby Road et 48 Nahlat Benjamin Street, T E L A V I V .

ITALIE Librería Commission aria Sansoni, via Gino Capponi 36, casella postale 552, FlBENZE.

JAMAÏQUE Sangster's Book Room, gi Harbour Street, KINGSTON ; Knox Educational Services, SPALDINGS.

JAPON Maruzen Co., Ltd., 6, Tori-Nichome, Nihonbashi, P . O . Box 605, Tokyo Central, T O K Y O .

JORDANIE Joseph I. Bahous & Co., Dar-ul-Kutub, Salt Road, P .O . Box 66, A M M A N .

LIBÉRIA J. Momolu Kamara, 69 Front & Gurley Streets, M O N R O V I A .

LUXEMBOURG Librairie Paul Brück, 33, Grand-Rue, L U X E M B O U R G .

MALAISIE (FÉDÉRATION DE) et SINGAPOUR

Federal Publications Ltd. Times House, River Valley Road, S I N G A P O R E .

M A L T E Sapienza's Library 26 Kingsway, V A L L E T T A .

MAROC Centre de diffusion documentaire du BEPI, B. P. 211, RABAT.

MEXIQUE E D I A P S A , Librería de Cristal, apartado postal 8092, M É X I C O r, D . F .

MONACO British Library, 30, boulevard des Moulins, M O N T E - C A R L O .

N I C A R A G U A Librería Cultural Nicaragüense, calle 15 de Septiembre 115, M A N A G U A .

NIGERIA C . M . S . (Nigeria) Bookshops, P.O. Box 174. L A G O S .

NORVÈGE A . S. Bokhjornet, Stortingsplass 7, O S L O .

NOUVELLE-ZÉLANDE Unesco Publications Centre, 100 Hackthorne Road, C H R I S T C H U R C H .

P A K I S T A N The West-Pak Publishing Co. Ltd., Unesco Publications House, P. O . Box 374 56-N Gulberg Industrial Colony, L A H O R E .

P A N A M A Cultural Panameña, Avenida 7.» n.° TI-49, apartado de correos 2018, P A N A M Á .

P A R A G U A Y Agencia de Librerías de Salvador Nizza Yegros, entre 25 de Mayo y Mcal. Estigarribia, A S U N C I Ó N .

P A Y S - B A S N . V . Martinus Nijhoff, Lange Voorhout g, ' S - G R A V E N H A G E .

P É R O U » E S E D A L - Oficina de Servicios», Dpto. de Venta de Publicaciones, avenida Tacna 359, ofic. 51, casilla 577, L I M A .

PHILIPPINES Philippine Education Co. Inc., 1104 Castillejos, Quiapo, P . O . Box 620, M A N I L A .

P O L O G N E Osrodek Rozpowszechniania Wydawnictw Naukowych P A N , Palac Kultury i Nauki, W A R S Z A W A .

P O R T U G A L Dias & Andrade Lda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70, LISBOA.

R É P U B L I Q U E A R A B E U N I E La Renaissance d'Egypte, 9 sh. Adly-Pasha, L E C A I R E (Egypte).

R O U M A N I E Cartimex, Str. Aristide Briand 14-18, P . O . Box 134-135, B U C U R E S T I .

R O Y A U M E - U N I H . M . Stationery Office, P . O . Box 569, L O N D O N S.E. I.

S A L V A D O R Manuel Navas & Cía., i.* avenida Sur n.° 37, S A N S A L V A D O R .

S I N G A P O U R Voir: Malaisie (Fédération de)

S U È D E A / B C. E . Fritzes Kungl. Hovbokhandel, Fredsgatan 2, S T O C K H O L M 16.

Pour « Le Courrier » ; Svenska Unescoradet, Vasagatan 15-17, STOCKHOLM C.

SUISSE Europa Verlag, Rämistrasse 5, ZÜRICH; Payot, 40, rue du Marché, GENÈVE.

TCHÉCOSLOVAQUIE Artla Ltd., 30 Ve Smeckàch, PRAHA 2.

THAÏLANDE Suksapan Panit, Mansion 9, Rajdamnern Avenue, B A N G K O K .

TURQUIE Librairie Hachette, 469 Istiklal Caddesi, Beyoglu, I S T A N B U L .

U N I O N S U D - A F R I C A I N E Van Schaik's Bookstore (Pty) Ltd., Libri Building, Church Street, P.O. Box 724, P R E T O R I A .

U R S S Mezhdunarodnaja Kniga, M O S K V A G-200.

U R U G U A Y Unesco, Centro de Cooperación Científica para América Latina, bulevar Artigas 1320-24, casilla de correo 859, M O N T E V I D E O ; Oficina de Representación de Editoriales, plaza Cagancha 1342, 1." piso, MONTEVIDEO.

VENEZUELA Librería Politécnica, calle Villaflor, local A , al lado General Electric, Sabana Grande, C A R A C A S .

V I Ê T - N A M Libra i rie-papeterie Xuân-Thu, 185-193. r u e Tu-Do, B.P. 283, SAIGON.

Y O U G O S L A V I E Jugoslovenska Knjiga Terazije 27, B E O G R A D .

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