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  • LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX : DUFTICHISME ET DE SES CONSQUENCES

    Jan Spurk

    La Dcouverte | Revue du MAUSS

    2009/2 - n 34pages 209 229

    ISSN 1247-4819

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-du-mauss-2009-2-page-209.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Spurk Jan, Le noyau dur de la thorie sociale de Marx : du ftichisme et de ses consquences , Revue du MAUSS, 2009/2 n 34, p. 209-229. DOI : 10.3917/rdm.034.0209--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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  • Le noyau dur de la thorie sociale de Marx :

    du ftichisme et de ses consquences

    Jan Spurk

    Jaimerais reprendre dans cet article le fi l dune argumentation qui traverse luvre de Marx, une argumentation centrale pour la thorie de Marx et sa comprhension tout comme pour la compr-hension de la socit daujourdhui : le ftichisme de la marchandise et ses consquences. Cette argumentation dbute avec les critiques marxiennes de Hegel et de Feuerbach dans les annes 1840. En passant par ses travaux sur lalination, elle mne jusquau Capital. Jvoquerai galement les Grundrisse o sont labores les notions de lchange marchand, de la forme marchande et du ftichisme de la marchandise. Ces notions ont trouv une prolongation dans les notions de caractre social et dindustrie culturelle, fcondes pour lanalyse de notre socit actuelle.

    Il sagit, en outre, de montrer la complmentarit de cette argu-mentation et de la thorie du don, du donner-recevoir-rendre. Leur complmentarit consiste dabord en leur ambition de comprendre la socit et en leur contribution la comprhension de la socit fonde sur lchange ; elles sont des qutes de sens de la socit. Ensuite, elles partagent leur fondation anti-utilitariste, bien que lanti-utilitarisme soit argument trs diffremment dans les deux cas.

    Cest lautre anti-utilitarisme, celui de Marx, qui est au centre de cet article. Chez Marx, la critique de lutilitarisme intrinsque au capitalisme couvre un champ extrmement large qui va de la ralit objective, aux visions du monde et aux raisons dagir des sujets ainsi quaux thories et la culture. Bref, son anti-utilitarisme est une critique globale de la fantasmagorie du capitalisme : sa croyance en lui-mme et les objectivations de cette croyance.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?210

    Pour rester le plus fi dle possible aux arguments dvelopps par Marx et les autres auteurs dont il sera question dans cet article, jai choisi de les reconstruire dans le texte et je plaide lindulgence des lecteurs pour lcriture ncessairement lourde, car elle sappuie souvent sur des citations que jai traduites de lallemand.

    Lautre anti-utilitarisme ?

    Lanalyse marxienne veut comprendre la spcifi cit du capita-lisme en tant que lien social pour expliquer sa reconstitution grce lagir des individus, grce leur intgration dans la cration du capitalisme d la gnralisation de la logique marchande et de la forme de lchange marchand. Cette intgration englobe les agir tout comme les formes de pense.

    Cest ceci qui donne lutilitarisme, aussi bien sur le plan tho-rique1 que dans les visions du monde, sa force sociale car il est une ide qui a pris possession des masses , pour paraphraser une formule chre Marx. Les objectivations et lidologie dominante, mais aussi la structure de la subjectivit des sujets correspondent dsormais aux exigences du capitalisme. Elles sont utiles pour la constitution de ce lien social tout comme pour la vie des sujets au sein de cette socit. Lutilitarisme caractrise galement lappa-rence de la socit, sa forme spcifi que du donner-recevoir-ren-dre , qui forge le vcu et les mondes vcus des sujets tout comme la fantasmagorie du capitalisme.

    Dans cette socit spcifi que, luniversalit de la forme du don gagne sa qualit sociale spcifi que tout en ressemblant au don dans dautres socits et dans dautres poques. Ainsi, il semble relever de la nature humaine ou dune donne anthropologique. En effet, dans la conscience des sujets tout comme dans lidologie domi-nante, le donner- recevoir-rendre selon les critres de lchange marchand apparat comme naturel, ternel et invitable, bref comme une seconde nature, pour reprendre cette notion de Lukacs et de lcole de Francfort.

    1. Au sujet du dveloppement des thories utilitaristes cf., bien sr, Laval [2007].

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  • 211LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    Une tradition oublie ?

    La notion de ftichisme est considre dans quelques travaux classiques [Lukacs 1922/1978, Korsch 1967] comme noyau dur de la thorie marxienne ; dans dautres (dans les travaux de lcole de Francfort, par exemple), la rfrence cette notion est discrte mais structurante. On doit galement rappeler les analyses de Sohn-Rethel [1973, 1992]. En France, ce sont surtout les travaux de J.M. Vincent [1987, 2001] et plus rcemment les travaux dArtous [2006] et Jappe [2003] ainsi que la publication en franais du livre de Postone [2009] qui ont contribu ractualiser le dbat sur le ftichisme2.

    Pourtant, le marxisme traditionnel a pris un autre chemin en choisissant comme point de dpart une interprtation ontologique du travail chez Marx. Il a essay de dvelopper une critique du capitalisme du point de vue du travail 3. La notion de ftichisme est dans ce courant considre comme un reste hglien dans la thorie de Marx, un reste mtaphysique et nuisible.4 Une autre interprtation, linterprtation de Balibar [1977] par exemple, en fait une simple prolongation de la notion dalination sur les rap-ports conomiques, conjugue avec une interprtation radicale de lessence dans le sens de Feuerbach. Enfi n, on a galement rduit la notion de ftichisme la critique de la fausse conscience des travailleurs qui attribue aux produits du travail des qualits quils nont pas et qui rend les vrais rapports humains obscurs. Pourtant, les notions dchange marchand et de ftichisme ouvrent une voie danalyse de la socit que ces marxismes ontologiques et cono-micistes vitent. Elles permettent la comprhension de lchange comme forme concrte de la rciprocit, fondatrice des rapports sociaux. Or, largumentation de Marx est largement ensevelie sous les dcombres des diverses interprtations et vulgates de sa thorie. Cest pour cette raison que jbaucherai la gnalogie de ces notions qui fait apparatre le sens que Marx leur attribua.

    2. Signalons galement la publication dun autre texte classique : Roubine [2009].

    3. Au sujet de la notion de travail chez Marx, cf. Spurk 2003.4. Cf. par exemple, Althusser 1973.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?212

    De lalination au ftichisme

    Les discussions sur la notion dalination sont devenues trs rares depuis les annes 1970. Considre comme une occupation favorite du freudo-marxisme, cette notion joue aujourdhui un rle trs modeste dans les sciences sociales. Certes, Honneth [2005], par exemple, la rethmatise ; nanmoins elle semble tre une notion dpasse et dsormais bien range dans les manuels de philosophie ou dans les archives des dbats dune autre poque que la ntre.

    Alination

    La notion dalination est bien plus quun hritage mal assum de Hegel par le jeune Marx rvolt et humaniste5. Elle ouvre son analyse du capital comme rapport social. La racine latine du mot alination, alienatio, ainsi que le mot allemand, Entfremdung, donnent des premires indications pour comprendre la notion marxienne. Si alienatio peut tre traduit par le devenu tranger , le mot Entfremdung indique le processus du devenir et le fait dtre tranger par rapport quelque chose ou quelquun.

    Bien sr, dautres auteurs avaient dvelopp bien avant Marx des notions dalination. Marx ne se rfre pas seulement Hegel mais galement Feuerbach et Adam Smith. Chez Smith, lalination revt un sens juridique et conomique, lors de la vente ou du dpla-cement dune proprit, des pratiques quil lie systmatiquement lchange marchand. Feuerbach insiste sur la reproduction durable de la non-raison qui produit et reproduit lalination.

    Hegel, quant lui, constate non seulement dans la tradition des Lumires et surtout de Kant que les rfl exions sur la raison divergent, en effet, de plus en plus. Il y a pourtant lespoir que les mdiations des pratiques deviennent de plus en plus intelligibles et raisonnables. Hegel va beaucoup plus loin dans le dveloppement de cette notion. Il insiste, par exemple dans sa Philosophie du Droit6, sur limportance de (s) aliner dans le sens du entussern, du mettre lextrieur de soi , non seulement de sa proprit mais

    5. Cf. galement Spurk [2003].6. Cf. surtout le 73.

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  • 213LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    aussi de sa volont7. Lalination gagne une existence objective par rapport moi et, comme Hegel lcrit ce point ma volont comme aline (entussert) est du mme coup une autre . Ensuite, Hegel constate quil existe et persiste un clivage, une scission, une brisure ou une rupture (Spaltung) entre moi et lautre que je ne suis plus ; ce clivage fait que je me perds dans lautre. Je me sens dessaisi de moi-mme. La conscience malheureuse (Hegel) est la conscience de cette situation clive.

    Cette interprtation hglienne de lalination est la base la plus importante pour llaboration de la position de Marx. Ainsi, dans La question juive8, par exemple, Marx caractrise lhomme comme tant tranger lui-mme. Il qualifi e dans les Manuscrits de 18449 le travail comme action dalination, comme Entusserung. Dans une note sur Feuerbach de 1845, on lit que les individus se sont toujours pris eux-mmes comme point de dpart, ils partent toujours deux-mmes. Leurs rapports (Verhltnisse) sont des rapports de leur processus de vie rel. Pourquoi leurs rapports sautonomisent-ils par rapport eux ? Pourquoi les puissances de leur propre vie les dominent-elles ? (MEW 3, p. 540)10. Certes, en 1845 sa notion de travail ntait encore que peu dveloppe, mais pour notre sujet, ce qui est le plus important est le fait que Marx considre galement la conscience de soi comme aline. Cest aux philosophes de prendre la mesure du monde alin (Marx).

    Ses Thses sur Feuerbach11 souvrent avec une dfense de la subjectivit et de lactivit humaine sensuelle, la praxis [1re thse, MEW 3, p. 5]12. La vie sociale est essentiellement pratique, affi rme-t-il. Tous les mystres trouvent leur solution rationnelle dans la praxis humaine et dans la comprhension de cette praxis [8e thse, MEW 3, p. 7]. Il ny a pas dessence de lhomme, dans le sens dune qualit abstraite et ternelle, qui habite les individus, comme

    7. Notons quen allemand aliner signifie entussern et entfremden.8. MEW 1, p. 93-123.9. MEW 1, p. 347-377.10. Die Individuen sind immer von sich ausgegangen, gehen immer von sich

    aus. Ihre Verhltnisse sind Verhltnisse ihres wirklichen Lebensprozesses. Woher kommt es, dass ihre Verhltnisse sich gegen sie verselbstandigen ? dass die Mchte ihres eigenen Lebens bermchtig gegen sie werden ? (MEW 3, p. 540).

    11. Nous nous rfrons aux notices de Marx de 1845 (MEW 3, p. 5-7) et non pas la version retravaille par Engels (1888, MEW 3, p. 533-535).

    12. Cf. galement 5e thse, MEW 3, p. 6.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?214

    le prtend Feuerbach. Ce quon appelle lessence de lhomme est en ralit lensemble des rapports sociaux (gesellschaftliche Verhltnisse) [6e thse, MEW 3, p. 6]. On doit, par consquent, situer la ralit historiquement car lessence ne peut tre conue comme le gnral intrieur et muet, liant beaucoup dindividus naturellement [6e thse, MEW 3, p. 6]. Le mot naturellement signifi e pour Marx allant de soi . Comme la soi-disant nature humaine, les phnomnes psychiques ou lme religieuse dont parle Feuerbach, par exemple, sont eux-mmes un produit social et lindividu abstrait appartient une vie sociale concrte [7e thse, MEW 3, p. 7].

    Comme sil sadressait une grande partie des chercheurs en sciences sociales daujourdhui, il critique le matrialisme regar-dant (Marx) de Feuerbach, qui ne peut pas dpasser lopinion des diffrents individus et de la socit bourgeoise (brgerliche Gesellschaft) [9e thse, MEW 3, p. 7]13. Il propose, en revanche, une analyse de la socit du point de vue de la socit humaine ou de lhumanit sociale [10e thse, MEW 3, p. 7] qui nexiste pas (encore), mais elle est possible et cet avenir possible est le cadre normatif de sa pense. Enfi n, dans une note sur Hegel et Feuerbach [MEW 3, p. 536)], il constate que le dpassement de lalination nest pas un acte purement intellectuel. Son dpassement demande galement le dpassement de laction sensuelle, de la praxis et de laction relle . Pourtant, comment pourrait-on imaginer ce dpassement ? Malheureusement, cette note de Marx se termine par doit encore tre dvelopp . On peut donc retenir, entre autres, que Marx ne dfend pas une conception anthropologique base sur lessence humaine. Au contraire, il conoit les sujets comme des individus dans la socit, dans laquelle ils sont inscrits et qui sinscrit en eux. La notion dalination reste cependant une bauche bien que la problmatique qui a pouss Marx laborer cette notion persiste

    13. Il reprend presque mot mot une position hglienne. Hegel critique ainsi les philosophies rflexives de la subjectivit (Hegel).

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  • 215LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    Ftichisme

    Il est trop connu pour quil soit ncessaire de le dvelopper ici que Marx ne se sert, aprs les annes 1840, presque plus de la notion dalination et que ses travaux oscillent dsormais entre les analyses politiques, des prises de positions politiques et ses efforts pour dvelopper une critique de lconomie politique , comme lindique le sous-titre programmatique de son opus magnum, Le Capital. On ne peut non plus ignorer que pendant cette entreprise, Marx est assez souvent tomb dans le pige de lconomisme14. Cest dans les Grundrisse et le premier volume du Capital [MEW 23] quil tente ou quil tente nouveau une rponse la question de savoir pourquoi les hommes agissent dans le sens de la production et de la reproduction du capital bien quils dussent avoir lintrt inverse. Cest sa manire de critiquer lutilitarisme. Les auteurs de lconomie politique nont jamais pos cette question, tout comme la plupart des travaux en sciences sociales aujourdhui, par ailleurs. Ce fait est pour leur conscience bourgeoise (brgerlich) comme une ncessit naturelle allant de soi tout comme le travail productif [MEW 23, p. 95-96]. Cest cette pseudo-nature, cette seconde nature quil veut comprendre et dvoiler.

    La notion de ftichisme joue un rle central dans cette entre-prise. Elle est le vritable centre de la thorie sociale marxienne, qui dpasse ses rfl exions sur lalination. Une brve esquisse gnalogique le montre bien. En 1842, Marx mne des tudes sur la religion et il projette des livres sur ce sujet15. Le livre de Charles de Brosses Du Culte des Dieux Ftiches [1670/1989] fait partie de ses lectures. De Brosses dveloppe que le ftichisme nest pas une fausse magie. Cet auteur appelle ftichisme la gnralisation des phnomnes de culte et de religions les plus divers. Il opre une vritable abstraction du ftiche au ftichisme. Le ftichisme existe toujours, partout et dans toutes les religions. En effet, ce livre est depuis longtemps un des textes de rfrence des sciences de la religion. Kant se rfre galement explicitement de Brosses, tout comme Feuerbach dans sa recherche de la nature gnrale de la religion . Dans les Lumires, la notion de ftichisme gagne

    14. Cf. ce sujet Vincent [1987] et Spurk [2003].15. Cf. lettre A. Ruge du 20/3/1842.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?216

    un sens encore plus gnral que chez de Brosses. Grce au dtour par la critique de ce qui est trange et lointain, on veut comprendre ltranget dans la socit, chez soi et en soi-mme. Se confronter au ftichisme de ltranger implique, par consquent, la confrontation avec des phnomnes au sein de sa propre socit o le mythe existe (encore). Cette socit nest pas compltement scularise.

    Marx reprend comme beaucoup dautres ce fi l. Certes, il na jamais crit les livres annoncs dans la lettre de 1842, mais on retrouve dans certains articles des annes 1840, cest--dire dans les annes dans lesquelles il dveloppe son ide de lalination, des bauches de ses arguments sur le ftichisme. Dans un article sur Les dbats sur la loi contre le vol de bois [Debatten ber das Holzdiebstahlgesetz, MEW 1], par exemple, il analyse dans ce sens un dbat politique sur le vol de bois dans sa rgion natale, prci-sment dans les montagnes de lEifel. Il montre que les arguments pseudo-religieux de ce dbat cachent le caractre politique et social de ces vols. Dans lintroduction la Contribution la critique de la philosophie du droit de Hegel16 de 1843, il entame un vritable tournant dans son argumentation qui le mne llaboration de sa notion de ftichisme constatant (un peu trop vite mon avis) qu en Allemagne la critique de la religion est pour lessentiel termine et la critique de la religion est la condition toutes for-mes de critiques [MEW 1, p. 378]. Cest donc sur la base de la critique de la religion quil sattaque la critique du capital et de la socit bourgeoise. La tche de la philosophie serait dsormais de dvoiler les auto-alinations dans leurs formes non saintes. La critique du ciel se transforme, par consquent, en la critique de la terre, la critique de la religion en la critique du droit, la critique de la thologie en la critique de la politique [MEW 1, p. 379]. Pourtant, le ftichisme ne disparat pas de la socit. Bien au contraire, le ftichisme occupe une place centrale au sein du capitalisme et il prend une nouvelle signifi cation.

    16. MEW 1, p. 378-391.

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  • 217LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    Le ftichisme

    Marx dveloppe explicitement dans le Capital [MEW 23, p. 86-87] lide que les rapports sociaux entre les hommes devien-nent dans le capitalisme des rapports sociaux entre des choses. Les choses apparaissent aux sujets comme si elles disposaient de qualits subjectives. Ce phnomne est comparable la religion et au ftichisme religieux : le produit des hommes, le produit quils ont cr, leur apparat comme indpendant deux ; ils ladorent et le produit les matrise. Bref, ces choses sont des ftiches. Pourtant, ce nouveau ftichisme nest pas une nouvelle variante de la religion, mais il est le centre de la fantasmagorie de la socit capitaliste. ce nest que le rapport spcifi que des hommes qui prend ici la forme fantasmagorique dun rapport entre les choses. Cest pour cette raison que nous devons fuir dans la rgion brumeuse du monde religieux pour trouver une analogie. Ici, les produits de la tte humaine semblent dous dune vie propre, comme des fi gures auto-nomes qui entretiennent des rapports avec les hommes, mais aussi entre elles. De la mme manire les produits de la main humaine existent dans le monde des marchandises. Cest cela que jappelle le ftichisme qui colle aux produits du travail ds quils sont pro-duits comme marchandises ; ainsi, le ftichisme est insparable de la production de la marchandise [MEW 23, p. 86-87].

    Ce sont cette pseudo-nature, cette seconde nature ainsi que la fantasmagorie du capitalisme que Marx veut comprendre et dvoiler. La notion de ftichisme joue un rle central dans cette entreprise. En effet, les produits devenus marchandises disposent dun caractre mystique qui ne rsulte pas de leur valeur dusage mais de leur forme marchande. Lanalyse du travail gagne ainsi pour Marx toute son importance. Non seulement les travailleurs mobilisent leur subjectivit en travaillant pour crer des produits et la valeur des marchandises, mais la force de travail, cest--dire le potentiel subjectif de crer la valeur en travaillant, est une marchandise qui schange sur un march. On lappelle le march du travail, mais il est le march de la force de travail. Cet change marchand ncessite que les diffrents travaux soient compatibles et dans ce sens gaux. Pourtant, matriellement parlant, les diff-rentes forces de travail, tout comme les autres marchandises, sont foncirement ingales. De toute vidence, la force de travail dun

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?218

    maon nest pas la mme que la force de travail dun sociologue, par exemple, tout comme une casserole nest pas un lgume. De mme, les travaux concrets ne sont pas gaux et sont, dans leurs formes concrtes, incomparables. Le travail concret du sociolo-gue qui rdige ce texte, par exemple, nest pas gal au travail de louvrier qui a mont son ordinateur. Cest leur valeur dusage qui les rend diffrents et en grande partie incompatibles. En revanche, le fait que toutes ces marchandises incarnent une valeur dchange les rend compatibles. Lgalit des travaux humains reoit une forme matrielle (sachlich) qui est de la mme matrialit que la valeur des produits de travail [MEW 23, p. 86]17 devenus des marchandises.

    Ce qui est mystrieux dans la forme marchande est quelle refl te aux hommes le caractre social de leur travail sous la forme dun caractre matriel des produits du travail eux-mmes, comme des qualits sociales et naturelles de ces choses [ibid.] Par cons-quent, le rapport social entre les producteurs et le travailleur gnral apparat comme un rapport entre des choses et comme un rapport extrieur aux individus. Cest cause de ce quiproquo que les produits du travail deviennent des marchandises, des choses sociales sensuelles-mtasensuelles [ibid.]. Pour les hommes, les rapports sociaux concrets prennent dsormais des formes fantas-magoriques, comme sil sagissait de rapports entre des choses. Marx dveloppe explicitement que les hommes adorent dsormais les choses auxquelles ils attribuent des qualits humaines. Ces choses sont adules comme de vritables ftiches ou des divinits. Les automobiles, les quipements lectroniques ou les vtements lillustrent bien. Les hommes ont produit ces choses tout comme les rapports sociaux qui leur apparaissent comme des rapports entre des choses extrieures eux. Ces rapports les dominent. Ils sy soumettent, ils les acceptent comme naturellement ncessaires (Marx), comme une seconde nature.

    Dune manire gnrale, la rfl exion sur les formes de la vie humaine commence post festum et par consquent [elle commence avec] les rsultats existants du processus de dvelop-

    17. Die Gleichheit der menschlichen Arbeiten erhlt die sachliche Form der gleichen Wertgegenstndlichkeit der Arbeitsprodukte (MEW 23, p. 86).

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  • 219LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    pement [MEW 23, p. 89]18. Non seulement les visions du monde mais aussi les sciences qui traitent du capitalisme considrent les formes de penser existantes comme allant de soi et comme des for-mes naturelles, comme Marx le souligne lexemple de lconomie politique. Pour eux, il va de soi et il est naturel que les gens pensent selon et avec les catgories tablies des rapports sociaux (lchange, leffi cacit, linvestissement, le profi t, etc.). Bien sr, on ne peut pas nier cette ralit ni limportance de ces ides, mais on doit les considrer pour ce quelles sont. Elles sont des formes de pense socialement tablies, donc des formes objectives dides concernant les rapports de production de la marchandise, des formes objectives des ides de ce mode de production spcifi que sur le plan historique et social [MEW 23, p. 90]19. Marx appelle ces formes objectives des ides galement des abstractions relles . Elles forment ensemble un univers abstrait qui ne permet pas une dialectique ouverte de luniversel, du particulier et du singulier le monde dans lequel les sujets vivent est fait de contraintes surprenantes et incomprises, de totalisations inabouties ou qui sgarent [Vincent 2004, p. 31-32].

    Marx critique galement le culte de lhomme abstrait (Marx) qui, par ailleurs, nest pas une spcifi cit du protestantisme, comme il le constate, et que lon trouve au centre de la plupart des analyses sociologiques de nos jours. Ceci est le cas car les hommes se comportent par rapport leurs produits comme des marchandises, comme des valeurs, et sous cette forme matrielle, ils mettent en rapport leur travail priv comme sil sagissait dun travail humain quivalent [MEW 23, p. 93]20. Cet argument nous importe car, selon Marx, la rciprocit entre les sujets se constitue de cette manire.

    Les rapports sociaux et les manires de penser, les visions du monde tout comme les thories (que lcole de Francfort a appeles

    18. Nachdenken ber die Formen des menschlichen Lebens beginnt post festum und daher mit den fertigen Resultaten des Entwicklungsprozesses (MEW 23, p. 89).

    19. Es sind gesellschaftliche gtige, also objektive Gedankenformen fr die Produktionsverhltnisse dieser historisch bestimmten gesellschaftlichen Produktionsweise, der Warenproduktion (MEW 23, p. 90).

    20. sich zu ihren Produkten als Waren, als Werten, zu verhalten und in dieser sachlichen Form ihre Privatarbeit auf einander beziehen als gleiche menschliche Arbeit (MEW 23, p. 93).

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    plus tard thories traditionnelles ) ressemblent de plus en plus lchange marchand21. Bien sr, cela ne signifi e pas que lon puisse les rduire des comportements caractriser par la formule tout se vend et tout sachte , mais les rapports sociaux sont conus comme sil sagissait de rapports marchands. Dans un acte dchange, rien ne dpasse, car lchange est quitable, la marchandise a un prix que je dois payer pour lobtenir et la valeur marchande des marchandises les rend comparables. Ds que je lachte, elle nest plus marchandise et je peux dsormais me rendre compte de sa valeur dusage. Si jai chang 5 euros contre un paquet de cigarettes, je peux le fumer ou partager les cigarettes avec dautres ou les jeter. La marchandise est dsormais ma proprit prive et dans le cadre des normes et des valeurs dune socit donne, je peux en faire ce que je veux. Lacte dchange se termine de cette faon par la consommation et il peut reprendre dans les mmes conditions. De mme, je peux changer mes 5 euros contre un carnet pour prendre mes notes de lecture. Les valeurs dusage des cigarettes et du carnet sont incomparables, mais labstraction de la valeur dchange et la mdiation grce largent, le nexus rerum et hominum (Marx), rend cet change possible. Il est crateur de rapports sociaux.

    La subjectivit dans le capitalisme (brgerliche Subjektivitt) est en effet fonde sur une contradiction, la contradiction entre lindpendance personnelle [et] la dpendance vis--vis des cho-ses (sachlich) [Marx, MEW 42, p. 91]. Cette contradiction se maintient dans la mesure o les hommes sont soumis leur besoins alins. Cest dans ce sens que lhomme est un tre dshumanis, aussi bien en ce qui concerne son corps que son esprit [Marx, MEW, Ergb. 1, p. 524].

    Les manires de penser et les formes de pense ainsi que les visions du monde correspondent de plus en plus aux formes cono-miques car le capital qui est un rapport social sexprime conomique-ment22. Lide de grer son couple ou sa carrire , par exemple, fait aujourdhui partie des visions du monde habituelles. Ce sont des formes objectives des ides (objektive Gedankenformen), des abstractions relles (Realabstraktionen). La pense dans

    21. Cf. MEW 23, p. 649 et MEW Ergb.1, p. 373, 517-518, 548.22. Lcole de Francfort a particulirement bien dvelopp cette argumentation ;

    cf. galement Spurk [2003], p. 33-98.

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  • 221LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    sa forme marchande a particulirement augment la vieille impuis-sance transmise [par dautres poques] ; car le devenir-marchandise capitaliste de tous les hommes et de toutes les choses leur donne non seulement [le caractre d] une alination, mais il les claire : la forme de pense marchandise est elle-mme la forme de pense accrue, elle est devenue, elle est un fait [Bloch 1976, p. 329]23.

    Enfi n la notion marxienne de la soumission relle de la force de travail au capital (Marx) rsume lintgration et linscription des sujets dans le capital et, vice-versa, du capital dans la subjectivit des travailleurs. Dans une perspective chronologique et logique, Marx distingue la soumission formelle de la soumission relle . La soumission formelle consiste intgrer les travailleurs dans le pro-cessus de production par la violence extrieure et (surtout) sans que les travailleurs aient intrioris leur statut, leur rle et leur fonction au sein de la production. Ils font leur job , forcs et contraints, pour (sur) vivre et parce quils nont pas dautre choix, selon leurs visions du monde. Ils sont lis la production qui les fait travailler par un lien de violence et, en mme temps, dextriorit. Le systme technologique, organisationnel et social de la production reste grosso modo inchang compar la production artisanale. Elle prend la forme organisation-nelle de la manufacture qui nest pas une entreprise capitaliste stricto sensu mais une forme transitoire entre latelier artisanal et lentreprise capitaliste qui merge avec la grande industrie .

    La soumission relle dsigne, en revanche, une situation sociale dans laquelle lentreprise est tablie et lentreprise prend lhomme entier [Goetz Briefs], pour se servir dune expression de la sociolo-gie de lentreprise allemande des annes 1930. Dans le processus de production et dans lentreprise tout comme dans la socit, le sujet fait dsormais rellement partie de lensemble de ces liens sociaux htronomes et productifs que sont non seulement la production et lentreprise, mais toute la socit. Cest cela linscription de lindividu dans la socit et de la socit dans lindividu.

    23. Das Denken in Warenform hat diese alt bernommene Ohnmacht besonders gesteigert ; denn das kapitalistische Zur-Ware-Werden aller Menschen und Dinge gibt ihnen nicht nur Entfremdung, sondern es erhellt : die Denkform Ware ist selber die gesteigerte Denkform Gewordenheit, Faktum (Bloch 1976, p. 329).

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?222

    Du ftichisme lindustrie culturelle

    Pour mieux comprendre limportance de la notion de ftichisme pour la comprhension du social en gnral et de lchange en particulier, on doit galement rappeler que Marx ne dveloppe ni une nouvelle philosophie ni une nouvelle conomie politique. La prsentation de lobjet philosophique ou conomique, par exemple, lui permet le dveloppement de sa critique. Dans la tradition hg-lienne, il ne dnonce pas son objet, car critiquer signifi e dgager dans la prsentation de lobjet la ngativit qui rside en lui. Cela signifi e que le phnomne porte en lui le potentiel dtre autre chose que ce quil est actuellement. Par exemple, lvocation de la libert ou de lgalit des chances entre les sexes ou entre des sujets dorigines sociales diffrentes ne dmontre pas que la libert ou lgalit existent, mais signifi e quelles pourraient exister. La non-libert et lingalit portent en elles le potentiel dune vie libre et de rapports sociaux entre gaux.

    Cest surtout la notion de ftiche qui donne accs Marx aux particularits de son objet de recherche : le capital. Il est un ensem-ble dabstractions relles qui ont gagn une certaine autonomie par rapport aux sujets et qui se conjuguent pour crer la domination des rapports productifs tablis sur les producteurs. Cest en dcri-vant ce rapport social concret que Marx envisage sa critique.

    Ftichisme et fantasmagorie

    On reconnat facilement dans la notion de fantasmagorie lap-port de lide de la magie indirecte [Hegel]. Hegel [1966] la caractrise comme un rapport instrumental et utilitariste vis--vis des choses. Pour atteindre un certain but, on attribue une chose quelconque certaines qualits et des capacits imaginaires. Ces choses deviennent par la suite lobjet de ladoration et du culte : un ftiche. On constate que chez Hegel, le ftiche est lobjet archaque qui permet lindividu dobtenir quelque chose.

    Pour Marx, en revanche, le ftichisme nest pas archaque. Comme on la vu, il souligne son actualit qui fait que les tra-vailleurs deviennent les appendices vivants de lautovalorisation de la valeur. Il insiste galement sur le fait que le ftichisme nest pas confondre avec un manque de savoir et de connaissances. Mme si

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  • 223LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    le ftichisme est compris, il reste actif24. Cest une folie [Marx, MEW 23, p. 90] qui domine la vie des individus et qui domine galement ceux qui ont compris ce quest le ftichisme et qui en souffrent. Ni Marx ni les autres analystes de la socit ne peuvent sautonomiser par rapport la socit dans laquelle ils vivent et chapper la domination du ftichisme.

    videmment, on ne peut pas transposer directement les analy-ses marxiennes dans notre socit daujourdhui sans prendre en compte les changements sociaux, culturels, psychiques et cono-miques intervenus depuis la fi n du XIXe sicle. On tomberait dans lessentialisme. Toutefois, le ftichisme na pas disparu depuis les analyses de Marx. Il persiste dans notre socit et sest mme consi-drablement renforc. On pourrait (re) lire dans cette perspective, comme fantasmagories, par exemple, le livre de N. Alter [Alter, 2009] qui analyse subtilement la ncessit du don pour que len-treprise existe, mais aussi leffort que font les sujets pour tablir le donner-recevoir-rendre dans lentreprise. Il dcrit brillamment la complexit de cette rciprocit ainsi que les efforts que demande ltablissement de la situation de don. En effet, cette situation ne stablit pas naturellement ; il faut la vouloir, il faut donner, recevoir et rendre, et enfi n : il faut prendre sur soi. Cependant, la volont des uns ne suffi t pas pour ltablir, il faut encore que les autres aussi la veuillent. Les travailleurs, par exemple, demandent cette situation sur la base de lchange marchand ; les managers rpondent selon la mme logique, mais pas toujours avec les mmes arguments et les mmes critres. Ils peuvent galement refuser la situation de don ou savrer incapables de donner-recevoir-rendre.

    On pourrait galement se rfrer des travaux plus classiques, par exemple ceux de Kracauer ou de Benjamin25, qui se servent explicitement de la notion marxienne de fantasmagorie . On trouve dans ces textes dautres cas exemplaires (Kracauer) de fantasmagories et des chiffons et rebus (Benjamin) tranant dans les rues de la vie quotidienne qui dvoilent des fantasmagories. Brecht, quant lui, les a mis en scne, par exemple, dans son opra Grandeur et dclin de la ville de Mahagonny .

    24. Cf. MEW 23, p. 88.25. Cf. surtout sens unique et Paris, capitale du XIXe sicle .

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?224

    Dans les situations les plus diffrentes de la vie quotidienne, le ftichisme de la marchandise sexprime, il sobjective dans les com-portements, les ornements [Kracauer 2008] et dans les visions du monde des sujets. Il forme un ensemble de formes objectives des ides et d abstractions relles ainsi que dobjectivations : le monde fantasmagorique du capitalisme. Les sujets adhrent ce monde fantasmagorique, ils veulent y vivre et ainsi ils sefforcent dy trouver leur place.

    Caractre social et industrie culturelle

    Dans la tradition de ces penses marxiennes, deux conceptions de lcole de Francfort, la conception du caractre social et celle de lindustrie culturelle, compltent les lments de rponse aux questions que Marx a poses. Pourquoi les sujets peuvent-ils et veulent-ils vivre dans la socit existante ? Pourquoi ne pensent-ils quexceptionnellement au dpassement de cette socit ? Pourquoi le donner-recevoir-rendre selon la logique marchande est-il considr dans leurs visions du monde comme normal et naturel, sachant que dans leurs visions du monde, cette forme de la rci-procit correspond lchange marchand ?

    Le monde fantasmagorique bas sur le ftichisme forge ga-lement la subjectivit des individus. Il ne reste pas lextrieur deux comme une sorte de dcor socital. Les sujets de notre po-que disposent dun caractre social spcifi que, ancr dans notre poque, appel dans la tradition de lcole de Francfort carac-tre autoritaire [Adorno et alii, 1952] ou caractre sadomaso-chiste [Fromm 1941/1963]. Le caractre social est leur matrice psychique [Fromm]. Le caractre est aussi peu naturel que les rapports sociaux, il est la forme spcifi que dans laquelle lner-gie humaine est modele par ladaptation des besoins humains au mode dexistence particulier une socit. Le caractre, son tour, dtermine la pense, le sentiment et la volont des indivi-dus [Fromm 1941/1963, p. 224]. Ainsi, on peut comprendre la structure du caractre non seulement comme relativement stable et durable ; elle est surtout un potentiel daction en tant qu agence de mdiation entre les infl uences sociologiques et lidolo-gie une structure dans lindividu ; quelque chose qui est capable dagir sur lenvironnement social et de choisir dans la multitude

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  • 225LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    des stimuli que cet environnement dgage [Adorno et alii, 1952, p. 8]. Surtout, Fromm a montr dans une longue suite dtudes comment ce caractre social sest constitu26. On aimerait en retenir seulement un des rsultats : afi n dassurer le bon fonctionnement dune socit donne, ses membres doivent acqurir un type de caractre qui les fasse vouloir agir exactement comme ils doivent agir en tant que membres de cette socit ou dune de ses classes. Il faut quils dsirent faire ce que, objectivement, il est ncessaire quils fassent. La pression extrieure se trouve alors remplace par la contrainte intrieure, et par cette nergie particulire qui est canalise dans les traits du caractre [Fromm 1944, p. 38]. Les sujets se situent individuellement par rapport aux exigences de la socit au sein de laquelle ils vivent ; ils internalisent ces exigences pour les traduire en dispositions et potentiels daction. Ils agissent comme sils taient des acteurs du march. Voil, lobjectivation du ftichisme dans la subjectivit !

    La force de la notion dindustrie culturelle dans la tradition de lcole de Francfort consiste dans le fait quelle explique comment le ftichisme a profondment pntr la sphre culturelle, qui tait jadis la sphre dexpression de la libert, de la qute de sens, de la vrit et du dpassement possible. La culture na pas disparu, elle sest pervertie. Les mythes nont pas disparu non plus, ils sont devenus fonctionnels. La culture est industrialise dans le sens marxien car, comme on la vu, Marx appelle grande industrie les entreprises capitalistes solidement tablies. Les lieux de production de cette culture sont des entreprises ou des institutions qui obissent la mme logique que les entreprises. Ensuite, la logique de la production de marchandise, de la valorisation et ainsi le ftichisme ont pntr la culture. Enfi n, cette culture nest pas seulement le produit de la production standardise, elle a galement lobligation de permettre aux individus de sidentifi er avec le gnral. Elle est ftichisante. Elle dveloppe ainsi une pseudo-individualit qui est seulement une variante du gnral : la fantasmagorie. Chaque produit se donne comme un produit individuel ; lindividualit sert au renforcement de lidologie en donnant limpression que tout ce qui est chosifi et mdi serait un abri pour limmdiatet et pour la vie [Adorno, 1967, p. 339]. En son sein, tout ressemble un

    26. Cf. Spurk [2003], p. 38-55.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?226

    commerce entre des biens changeables car la civilisation confre tout un air de ressemblance [Horkheimer/Adorno 1947/1967, p. 129] limage des marchandises. Bien sr, lindustrie culturelle montre aux hommes le modle de leur culture : la fausse identit du gnral et du particulier. La culture de masse est identique et son squelette, le squelette de notions prfabriques par le mono-pole [cest--dire, la forme actuelle du capital], prend forme [ibid., p. 144-145]. Comme les acteurs de lchange marchand, les sujets sont adaptables et remplaables. Ils nont dintrt quen tant quemploys, consommateurs et clients. Dans tous les cas, ils resteront des objets [ibid., 1947, p. 156].

    Lindustrie culturelle se donne ouvertement une forme mar-chande, comme si elle tait le rsultat de la rencontre de loffre correspondant la demande des consommateurs exprimant leurs besoins ; comme si elle correspondait aux besoins des consomma-teurs quelle a produits. Immanquablement chaque manifestation de lindustrie culturelle reproduit les hommes tels que les a models cette industrie dans son ensemble [id., p. 136]. La technique, si prsente dans lindustrie culturelle, est intimement lie au pouvoir et la domination quelle impose ses consommateurs. Le client nest pas roi, comme lindustrie culturelle veut le faire croire, il nest pas le sujet mais lobjet [Adorno, 1967, p. 337]. Les biens culturels ressemblent de plus en plus aux autres marchandises ( la nourriture ou aux vtements, aux voitures, etc.), comme on peut facilement le constater en comparant les discours politiques, par exemple. Ce sont linterchangeabilit, la libert du toujours pareil [Horkheimer/Adorno 1947, p. 195] et la mdiocrit qui y rgnent. Luvre mdiocre sen est toujours tenue sa similitude avec dautres, un succdan didentit. Dans lindustrie culturelle, cette imitation devient fi nalement un absolu [id., p. 139].

    Rien dtonnant au fait que dsormais dominent les clichs, les strotypes, les effets et le clinquant ! Kracauer [1930/1971] ou la toute jeune cole de Francfort dans son enqute sur les ouvriers et les petits employs en Allemagne lavaient dj constat au dbut des annes 1930. Cependant, on ne peut pas rduire lindustrie cultu-relle une sorte dimmense show-biz, mais laffi nit qui existait lorigine entre les affaires et lamusement apparat dans les objectifs qui lui sont assigns ; faire lapologie de la socit. Samuser signifi e tre daccord, ne penser rien, oublier la souffrance mme l ou elle

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  • 227LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    est montre [cest galement] une fuite devant la dernire volont de rsistance que cette ralit peut encore avoir laiss subsister en chacun [Horkheimer/Adorno, 1947/1967, p. 153].

    Les argumentations, les rfl exions, les critiques et les rpliques raisonnables perdent dans cette situation leur raison dtre. Ce qui saffi che comme ide dominante est creux. La prtendue ide dominante est comme un classeur qui permet de mettre de lordre dans les papiers mais elle ne cre aucune relation cohrente entre eux. [id., p. 150]. Pourtant, lidologie produite par lindustrie culturelle est puissante. Profondment positiviste et utilitariste, elle a pour objet le monde tel quil est. Elle utilise le culte du fait en se contentant par une reprsentation aussi prcise que possible dlever la ralit dplaisante au rang des mondes des faits Ainsi se confi rme le caractre immuable des circonstances [id., p. 157].

    Enfin

    Lindustrie culturelle est la culture de notre poque exprimant lensemble des fantasmagories du capitalisme. lindustrie culturelle dispose de son ontologie [qui est] un chafaudage de catgories de base inertes et conservatrices [En outre,] ce qui apparat dans lindustrie culturelle comme le progrs, lternelle nouveaut quelle offre, reste le dguisement du toujours pareil; partout, le changement cache un squelette qui change aussi peu le motif de profi t depuis quil domine la culture [Adorno 1967, p. 339]. Cest pour cette raison que nous pouvons nous rfrer aux notions marxiennes dveloppes plus haut sans tomber pour autant dans lessentialisme.

    Bibliographie

    MEW : KARL MARX/FRIEDRICH ENGELS Werke, Dietz Verlag, Berlin.

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  • QUE FAIRE, QUE PENSER DE MARX AUJOURD'HUI ?228

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    ALTHUSSER Louis, 1973, Marxismus und Ideologie, Merve-Verlag, Berlin.

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    BALIBAR tienne 1977, ber historische Dialektik. Kritische Anmerkungen zu Lire le Capital, in : Urs Jaggi/Axel Honnerth (Ed.), Theorien des Hitorischen Materilismus, Suhrkamp-Verlag, Franfort,

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    HONNETH Axel, 2005, Verdinglichung, Suhrkamp-Verlag, Francfort. La rifi ca-tion, 2007, Gallimard, Essais.

    JAPPE Anselm, 2003, Les Aventures de la marchandise : Pour une nouvelle critique de la valeur, Denol, Paris.

    KORSCH Karl, 1967, Karl Marx, Verlag Neue Kritik, Francfort.

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  • 229LE NOYAU DUR DE LA THORIE SOCIALE DE MARX

    MARX Karl, 1842/1968, Zur Judenfrage, (MEW), Bd. 1, Berlin 1968, p. 93-123.

    MARX Karl, 1844/1968, konomisch-politische Manuskripte, (MEW), Bd. 1, Berlin 1968, p. 347-377 ; traduction franaise : Manuscrits de 1844, Paris, Garnier Flammarion, 1996.

    MARX Karl, 1953, Grundrisse, Dietz-Verlag, Berlin.

    MARX Karl, 1972, Das Kapital I-III, MEW 23- 25, Berlin, Dietz-Verlag, Berlin.

    MARX Karl, 1973, Theorien ber den Mehrwert, MEW 26.1-26.3, Berlin, Dietz-Verlag.

    MARX Karl, 1976, Introduction Contribution la critique de la philosophie du droit de Hegel, Band 1. Berlin/DDR.. S. 378-391.

    MARX Karl, Debatten ber das Holzdiebstahlgesetz, Marx-Engels-Werke (MEW) Bd. 1.

    MARX Karl, Note sur Feuerbach de 1845, MEW 3, p. 540.

    MARX Karl, Note sur Hegel et Feuerbach, MEW 3, p. 536.

    POSTONE Moishe, 2009, Temps, travail et domination sociale : Une rinterpr-tation de la thorie critique de Marx, Mille et une nuits, Paris.

    ROUBINE Isaak I., 2009, Essais sur la thorie de la valeur de Marx, Syllepse, Paris.

    SCHMIEDER Falko, 2005, Zur Kritik der Rezeption des Marxschen Fetischbegriffs, in/Marx-Engels-Jahrbuch 2005, Akademie-Verlag, Berlin, p. 106-127.

    SOHN-RETHEL Alfred, 1973, Geistige und krperliche Arbeit - zur Theorie der gesellschaftlichen Synthesis, Suhrkamp Verlag, Francfort.

    SOHN-RETHEL Alfred, 1992, Warenform-Denkform, Suhrkamp Verlag, Francfort.

    SPURK Jan, 2003, La thorie du travail de Karl Marx, in D. Mercure/J. Spurk (Eds.), Le travail dans la pense occidentale, Presses Universitaires de Laval, p. 201-226.

    VINCENT Jean-Marie, 1987, Critique du travail. Le faire et lagir, PUF, Paris.

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