Aristocrate et saint, le cas d'Eudokimos - CORE le Typikon de la Grande Église 13 , le Synaxaire de...

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Aristocrate et saint, le cas d’Eudokimos Sophie M´ etivier To cite this version: Sophie M´ etivier. Aristocrate et saint, le cas d’Eudokimos. eatrice Caseau. Les r´ eseaux familiaux : Antiquit´ e tardive et Moyen ˆ Age. In memoriam A. Laiou et E. Patlagean, ACHCByz, pp.95-112, 2012, 978-2-916716-34-3. <http://www.achcbyz.com/achcbyzV2/infoPublication- 83.html>. <halshs-01351224> HAL Id: halshs-01351224 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01351224 Submitted on 4 Aug 2016 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

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  • Aristocrate et saint, le cas dEudokimos

    Sophie Metivier

    To cite this version:

    Sophie Metivier. Aristocrate et saint, le cas dEudokimos. Beatrice Caseau. Les reseauxfamiliaux : Antiquite tardive et Moyen Age. In memoriam A. Laiou et E. Patlagean, ACHCByz,pp.95-112, 2012, 978-2-916716-34-3. .

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  • Les rseaux familiaux: Antiquit tardive et Moyen ge, d. B. Caseau (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance, Monographies 37), Paris 2012

    AristocrAte et sAint le cas deudokimos

    Sophie Mtivier

    velyne* Patlagean et Angliki Laiou ont toutes deux soulign et analys limportance des cultes de saints familiaux lpoque msobyzantine, les liens troitement tisss entre domination aristocratique, famille et sacr. Je nexaminerai pas de nouveau la fonction de la famille et des liens familiaux dans la constitution et le fonctionnement du milieu aristocratique, une fonction qui a t mise en lumire, y compris donc dans le champ du sacr 1. Je mattacherai au contraire au second aspect qui sous-tend les tudes des deux historiennes, comment laristocratie a aussi investi la sphre religieuse et lglise par le biais en particulier du culte des saints.

    Dans son tude intitule Saintet et pouvoir, velyne Patlagean voque comment lassise sociale du saint et de son action se prcise et se resserre lpoque msobyzantine au profit de laristocratie 2. Outre quil a pour premiers interlocuteurs des membres de llite dirigeante, il peut lui-mme appartenir ce groupe social, soit que son statut soit un gage, parmi dautres, de sa saintet velyne Patlagean parle de rfrences aristocratiques, soit que cette dernire contribue lillustration de sa famille (voire de son groupe ?) 3. Dans un article consacr aux rapports de saint Michel Malinos, higoumne au mont Kyminas, avec Nicphore Phocas, Angliki Laiou a dvoil toutes les utilits de la saintet de Michel pour sa famille, lune des familles de laristocratie dAsie Mineure les plus solidement associes lexercice du pouvoir au xe sicle 4. Elle na pas manqu de conclure que la

    * Que Vincent Droche trouve ici lexpression de mes remerciements pour ses relectures et corrections.1. .Patlagean, Les dbuts dune aristocratie byzantine et le tmoignage de lhistoriographie: systme

    des noms et liens de parent aux ixe-xesicles, dans The Byzantine aristocracy : IX-XIIIcenturies, ed. by M.J.Angold (BAR International Series 221), Oxford 1984, p.36: De ConstantinV BasileII le miroir de lhistoriographie [byzantine] montre les formes traditionnelles du pouvoir politique investies par des hommes appuys sur leur parentle, et dont les surnoms peu peu transmissibles attestent lorigine non pas populaire, mais commune. J.-Cl.Cheynet, Laristocratie byzantine (viiie-xiiiesicle), Journal des savants, juillet-dcembre 2000, p.281-322, en particulier p.282-298, repris dans Id., The Byzantine aristocracy and its military function (Variorum CS 859), Aldershot 2006, I, p.1-43. Lhistorien en conclut, ibid., p.297, que [l]a notion daristocratie reconnat une place minente aux liens du sang et lhrdit ds la seconde moiti du viiiesicle.

    2. .Patlagean, Saintet et pouvoir, dans The Byzantine saint, ed. by S.Hackel, London 1981, p.88-105, repris dans Ead., Figures du pouvoir Byzance (ix e-xii esicle) (Collectanea 13), Spoleto 2001, p.173-195 (larticle est dsormais cit dans cette dernire dition).

    3. Ibid., p.187-190: examen de lorigine sociale de plusieurs saints.4. A.E.Laiou, The general and the saint: Michael Maleinos and Nikephoros Phokas, dans :

    mlanges offerts Hlne Ahrweiler (Byzantina Sorbonensia 16), Paris 1998, t.2, p.399-412.

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    saintet de Michel confortait les positions et le statut du groupe aristocratique auquel il appartenait. Les deux historiennes ont donc clairement fait valoir que laristocratie a promu des cultes en vue de la dfense de ses intrts, des intrts qui, quels quils fussent, taient dclins lchelle de la famille. Cest cette conclusion que jaimerais examiner pour redfinir les enjeux de ce rapport entre culte des saints et institution ecclsiastique dune part, aristocratie dautre part, et pour en identifier les modles.

    Les historiens, qui ont longuement discut la notion daristocratie dans le monde byzantin, nont pas retenu la saintet comme critre, une fois admis que les saints appartenaient de facto la noblesse de lEmpire (ce que signifie le topos hagiographique, bien connu, de leugneia du saint) 5. Plusieurs des auteurs des actes du colloque intitul The Byzantine aristocracy: IX to XIIIcenturies, dit par Michael Angold en 1984, ont dcrit et analys les valeurs et les codes attachs au groupe aristocratique par les Byzantins eux-mmes, les reprsentations que celui-ci a suscites: la relation privilgie avec Dieu et avec le sacr ny apparat pas comme lun des fondements et lune des justifications de la domination aristocratique. Ou encore, et plus rcemment, dans une tude consacre la fonction minemment politique de la gnalogie en milieu aristocratique, Pris Gounaridis nvoque le rapport des aristocrates avec le sacr qu loccasion de leur parent avec lempereur 6. Bien quelle ait investi le monachisme 7, voire lhagiographie, en croire velyne Patlagean, laristocratie na pas revendiqu ou fait valoir en la matire une relation privilgie ou spcifique. Alexander Kazhdan va jusqu suggrer qu lpoque comnne lidal proprement nobiliaire et lidal de saintet auraient t antagonistes 8.

    Pour montrer que cette question mrite dtre reconsidre, jexaminerai, dans cette tude, le cas de saint Eudokimos. Sa qualit aristocratique est mise en exergue dans le dossier hagiographique, en particulier dans la Vie mtaphrastique. Eudokimos, n dans une riche et illustre famille, fils de patrice, est commandant militaire lui-mme 9. Si velyne Patlagean na pas pris en compte ce cas dans son tude sur les rapports entre saintet et pouvoir, en revanche AnglikiLaiou la voqu en quelques lignes de manire lumineuse 10. Elle a soulign en premier lieu que son culte ne sest dvelopp Constantinople aux

    5. Sur le caractre protiforme de la notion deugneia, voir P.Magdalino, Byzantine snobbery, dans The Byzantine aristocracy: IX to XIIIcenturies (cit n.1), p.58-78.

    6. P.Gounaridis, Constitution dune gnalogie Byzance, dans Parent et socit dans le monde grec de lAntiquit lge moderne, textes runis par A.Bresson et al., Bordeaux 2006, p.271-280, en particulier p.273: lorsque la famille aristocratique fait valoir une gnalogie de modle rgalien, du fait de son appartenance la famille impriale, elle constitue un groupe familial qui participe au pouvoir de lempereur couronn par Dieu. Ou encore, ibid., p.275: [] le modle rgalien fait participer lindividu au choix des cieux.

    7. Voir n.63.8. The Byzantine aristocracy: IX to XIIIcenturies (cit n.1), p.7. A.Kazhdan, The aristocracy and the

    imperial ideal, ibid., p.43-57, ici p.50: lessor dun nouvel idal social, celui du chevalier noble et courageux, explique la dvalorisation contemporaine de la figure du saint homme.

    9. Cette courte vocation de lascendance dEudokimos correspond ce que Pris Gounaridis a appel, dans Constitution dune gnalogie Byzance (cit n.6), p.273, le modle patricien, un modle qui prsente une gnalogie indpendante, voire antagoniste, du pouvoir politique byzantin et quillustre pour partie la Vie de Michel Malinos.

    10. Laiou, The general and the saint (cit n.4). Voir aussi ., , dans . , 8-16, .-, 2004, p.123-144, qui insiste en particulier sur le rle de la famille et limportance de la puissance de celle-ci dans la survie et la diffusion du culte. .Patlagean a nanmoins mentionn le saint dans Le basileus assassin et la saintet impriale, dans Media in Francia

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    ixe-xesicles quavec le soutien de sa famille, les Malinoi, et des allis de celle-ci, les Phocas, en second que ce saint illustre un genre de vie religieux et militaire devenu une tradition dans cette aristocratie. Il existe, bien sr, dautres cultes familiaux immdiatement contemporains de celui de saint Eudokimos, mais Alice-Mary Talbot, dans un article sur les cultes familiaux Byzance, qui examine en particulier celui de sainte Thodora de Thessalonique, souligne quils concernent pour lessentiel des femmes, qui sont ou ont t maries, tandis que la mmoire des saints hommes a t perptue par leurs disciples monastiques plutt que par leurs parents ( lexception de Philarte le Misricordieux et de Sabas le Jeune) 11. Dans une tude sur les inflexions du discours hagiographique aux ixe et xe sicles, Bernard Flusin a prcisment montr que la saintet monastique ne passait plus ncessairement par la rupture avec le monde ni par labandon de tout lien familial et de toute gnalogie 12. Le cas dEudokimos, un homme et un lac qui ne revtit jamais lhabit monastique, est singulier.

    Le culte du saint

    Le culte de saint Eudokimos est attest par des documents liturgiques constantino-politains, le Typikon de la Grande glise 13, le Synaxaire de Constantinople 14 et le Mnologe de Basile II 15 ainsi que le Mnologe mtaphrastique (BHG607) 16 et les mnologes impriaux (BHG607e) 17. Alors que lon dispose de notices abrges et dune mtaphrase, la Vie originale est perdue 18. Il est galement fait allusion au saint dans un canon attribu

    (Mlanges K.F.Werner), Paris 1989, p.345-361, repris dans Ead., Figures du pouvoir Byzance (ixe-xiiesicle) (Collectanea 13), Spoleto 2001, p.53-71 (prcisment p.56).

    11. A.-M.Talbot, Family cults in Byzantium : the case of St Theodora of Thessalonike, dans : studies presented to Lennart Rydn on his sixty-fifth birthday, ed. by J.O.Rosenqvist (Acta Universitatis Upsaliensis. Studia Byzantina Upsaliensia 6), Uppsala 1996, p.49-69. Laiou, The general and the saint (cit n.4), p.401, qualifie tort Eudokimos de moine.

    12. B.Flusin, Lhagiographie monastique Byzance au ixe et au xe sicle:modles anciens et tendances contemporaines, dans Le monachisme Byzance et en Occident du viii e au x e sicle: aspects internes et relations avec la socit, d. par A.Dierkens, D.Misonne et J.-M.Sansterre, Abbaye de Maredsous 1993 (=Revue bndictine 103,1993), p. 31-50.

    13. J.Mateos, Le typicon de la Grande glise: ms. Sainte-Croix n40, xe sicle (OCA 165), Roma 1962, I, p.354.

    14. Syn. CP, 31 juillet, 1, col.857. Voir la traduction de la notice en appendice.15. Mnologe de BasileII dans PG117, col.565D-568B. Le texte en est identique celui du Synaxaire

    de Constantinople.16. Vie mtaphrastique dEudokimos: , . ..

    ( 96), - 1893 (=Zitie svjatogo Evdokima Pravednogo, d.Ch.M.Loparev), p.1-23. Voir lanalyse de la Vie en appendice. La Vie est prsente et rsume, avec des additions empruntes ltude de Loparev, dans G.DaCosta-Louillet, Saints de Constantinople aux viiie, ixe et xe sicles, Byz.27, 1957, p.783-788.

    17. Menologii anonymi Byzantini saeculiX quae supersunt.Fasciculus alter,menses Iunium, Iulium, Augustum continens,sumptibus Caesareae Academiae scientiarum e codice Hierosolymitano S.Sepulcri 17, ed.B.Latyev, Petropoli 1912, p.228-232. Il sagit dun rsum de la Vie mtaphrastique.

    18. Voir A.Ehrhard, berlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirche von den Anfngen bis zum Ende des 16.Jahrhunderts, Leipzig 1937, II, p.614-615, p.643 et n.1. Il est difficile darticuler les unes avec les autres les diffrentes pices du dossier hagiographique, notamment la notice du Synaxaire de Constantinople et la Vie mtaphrastique: les divergences entre les deux textes (voir p.107-108) tmoignent-elles de lexistence de deux traditions diffrentes ou simplement de lampleur de la mtaphrase ?

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    Joseph lHymnographe 19. Enfin, et pour sen tenir lpoque macdonienne, son culte est voqu dans la Vie de saint Michel Malinos qui fut compose sous le rgne de Nicphore Phocas par un disciple de Michel 20.

    La disparition de la Vie originale fait de la Vie mtaphrastique le principal document, sans que lon puisse dceler avec certitude quels sont les motifs propres au Mtaphraste, et ce, en dpit de particularits marques : contrairement la notice du Synaxaire de Constantinople, la Vie mtaphrastique met en valeur le rle de la famille et le caractre non monastique de la saintet dEudokimos. On nen ignore pas moins quand et par qui le modle de saintet illustr par Eudokimos, modle explicite dans la Vie mtaphrastique, fut, sinon forg, du moins formul le Mnologe mtaphrastique aurait t rdig dans le dernier quart du xe sicle 21.

    Mme si lon ne peut prciser cette gestation, le dossier hagiographique dEudokimos est cohrent, ce dont tmoigne le canon, antrieur 886, de Joseph lHymnographe, skeuophylax du patriarcat de Constantinople, connu, entre autres, pour avoir ddi plusieurs hymnes des saints contemporains. Du canon de Joseph la notice du Synaxaire et la Vie mtaphrastique il y a une vritable continuit thmatique, plus que lexicale. Les motifs dominants du canon sont en effet ceux de la notice du Synaxaire et, plus encore, de la Vie mtaphrastique: la philanthropie et la thaumaturgie posthume du saint 22. Les miracles sont des miracles de gurison face aux maladies et aux dmons, accomplis au tombeau dEudokimos. Le canon introduit un motif hagiographique amplement dvelopp dans la Vie mtaphrastique, que [n]i la confusion du monde, ni la puissance du commandement, ni la gloire mortelle nont mouss ton dsir du Seigneur, Eudokimos 23. De mme que la mtaphrase fait demble allusion la signification du nom Eudokimos, le canon commence par interprter lacception de celui-ci (et exposer la thmatique de lclat) pour y renvoyer, par la suite, de manire rpte 24. On note enfin dautres parallles entre le canon de Joseph et la mtaphrase, lide quEudokimos est sa propre source de noblesse, la puret de vie ds sa prime jeunesse, son attachement lenseignement des critures, son imitation du Christ, lincorruptibilit de son corps 25.

    Eudokimos aurait vcu sous le rgne de Thophile 26. Cest du moins ce que prcise la notice du Synaxaire de Constantinople, alors que la Vie mtaphrastique ne donne aucune

    19. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.24-35. Sur ce canon qui nomme Eudokimos et mentionne sa vertu et ses miracles, voir linventaire des uvres de Joseph dans ., , 1971, p.182, no364. Sur Joseph lHymnographe, voir PmbZ 3454.

    20. Vie de Michel Malinos, 3, dansL.Petit, Vie et office de saint Michel Malinos, suivis dun trait asctique de Basile Malinos, ROC7, 1902, p.551.

    21. C.Hgel, Symeon Metaphrastes: rewriting and canonization, Copenhagen 2002, p.63.22. Joseph lHymnographe, Canon (cit n.19), p.24, l.15-21 (philanthropie) ; p.25, l.20-24, p.28,

    l.19-23, p.29, l.18-22, p.31, l.1, p.33, l.23-24, p.35, l.25-29 (thaumaturgie). Sur les rapports entre les canons de Joseph et la tradition des synaxaires, voir A.Luzzi, Un canone inedito di Giuseppe innografo per un gruppo di martiri occidentali e i suoi rapporti con il testo dei sinassari, dans Id., Studi sul Sinassario di Costantinopoli, Roma 1995, p.123-176.

    23. Joseph lHymnographe, Canon (cit n.19), p.29, l.7-9.24. Ibid., p.24, l.9-10, p.26, l.20, p.28, l.16, p.29, l.10-11, p.30, l.16-17, p.33, l.22-23.25. Ibid., p.32, l.7-19 ; p.29, l.4-5 (prcocit) ; p.26, l.23-25, p.32, l.9-10 (sagesse) ; p.27, l.20-21

    (imitation du Christ) ; p.25, l.27-30, p.30, l.8-13 (incorruptibilit du corps).26. PmbZ 1640. La notice adopte la reconstitution et la chronologie de ses faits et gestes proposes

    par Loparev, alors quelles sont entirement hypothtiques. La chronologie en particulier est dduite de lidentification du hiromoine Joseph mentionn dans la Vie mtaphrastique avec Joseph lHymnographe. Cette identification et les donnes historiques (en particulier les titres dEudokimos) sont discutes dans

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    indication chronologique, par refus sans doute de faire allusion lempereur iconoclaste 27. Eudokimos a prcisment t identifi par Igor evenko et Marie-France Auzpy comme un saint de lpoque iconoclaste, au vu, entre autres, de lomniprsence des rfrences vtrotestamentaires, et de la qualit un soldat et de la vertu la philanthropie du saint 28. Les critres qui font pour Marie-France Auzpy le saint iconoclaste ne sont pas tous uniment pertinents dans le cas de saint Eudokimos. Si les rfrences vtrotestamentaires, qui attesteraient lducation iconoclaste de son auteur, sont en effet prdominantes 29, lhagiographe nexclut pas systmatiquement le terme de saint pour dsigner Eudokimos comme le suggre lhistorienne. Employ une unique fois dans le rcit de sa vie, il lest cinq occasions dans le rcit des miracles posthumes et du transfert du corps Constantinople 30. Ces miracles, des gurisons individuelles, ne relvent pas non plus de la caractrisation donne aux miracles accomplis par les saints iconoclastes, celle de miracles utiles la socit 31. Ces deux remarques nautorisent cependant pas infirmer lhypothse iconoclaste, tout au plus suggrent-elles que la deuxime partie de la Vie (la partie post mortem) est largement imputable la mtaphrase. Enfin Marie-France Auzpy considre comme caractristique de lhagiographie iconoclaste lancrage dEudokimos dans le monde, grce son action essentiellement sociale, ancrage doubl, dans la Vie mtaphrastique, dune critique explicite de lasctisme et du monachisme, un dernier lment que retient aussi Igor evenko. On ne peut exclure nanmoins que les comparaisons entre la saintet du hros et celle des asctes de Dieu naient dautre fonction que de justifier lexception que constitue la saintet strictement mondaine dEudokimos. Quelques lignes suffisent montrer le caractre apologtique de largumentation. Ainsi, cet extrait du prambule: [] [C]e qui lui est spcifique, et presqu lui seul, [] cest que sa vie dans le monde ait t au-dessus du monde. Alors quil vivait au milieu de ces tumultes instables et pleins de la plus grande agitation et salet, le fait quil ait conserv une me intacte, calme et propre, montre que sont peureux et lches ceux qui cherchent fuir le monde et usent du dsert comme dun refuge, comme si celui qui naviguerait par mer calme, sans vague ni tempte ni vent violent, mritait dtre appel un marin expriment et expert en ce qui concerne la mer. Il est peut-tre hasardeux de faire de cette critique de lasctisme la

    , (cit n.10), p.129-132. Lassimilation du hiromoine qui prend soin du corps dfunt dEudokimos Joseph dArimathie suffit expliquer sa dnomination.

    27. Dautres variations existent entre la notice du Synaxaire de Constantinople et la Vie du Mnologe mtaphrastique: seule la premire mentionne le titre de candidat confr Eudokimos par Thophile et ses dons aux glises.

    28. I.evenko, The hagiography of the iconoclast period, dans Iconoclasm, ed. by A.Bryer and J.Herrin, Birmingham 1977, p.127: lauteur invoque la fois la familiarit dEudokimos avec le palais imprial lpoque de Thophile, labsence de toute mention dicnes, ainsi que les pointes contre les moines. M.-F.Auzpy, Lanalyse littraire et lhistorien: lexemple des vies de saints iconoclastes, BSl.53, 1992, p.57-67, repris dans Ead., Lhistoire des iconoclastes (Bilans de recherche 2), Paris 2007, no5, p.329-340. Peu convaincu par lassimilation dEudokimos un saint iconoclaste, , (cit n.10), p.132-134, fait valoir que lhypothse est en contradiction avec la composition dun canon en lhonneur du saint par liconophile Joseph lHymnographe.

    29. Rfrences aux psaumes (p.3, l.26-p.4, l.6 ; p.10, l.2-3), Job (p.5, l.25-29) et Isae (p.8, l.3-4). Voir , (cit n.10), p.134, n.72.

    30. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.1, titre (), p.2, l.19 (), p.10, l.24 () et l.30 (), p.12, l.10 (), p.21, l.26 (), p.22, l.10 ().

    31. Auzpy, Lanalyse littraire et lhistorien(cit n.28), p.332: [] ce [que le saint] fait, ce ne sont pas des miracles, puisque les auteurs nen font pas le rcit ; quand ils le font, rarement, ils choisissent des miracles utiles la socit.

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    marque dune hagiographie iconoclaste hostile au monachisme, dautant que ces apologies ont t introduites par lhagiographe dans le prambule et lissue du rcit de la premire srie de miracles, des passages de la Vie susceptibles davoir t remanis, sinon labors, au moment de la mtaphrase, comme je viens de lindiquer 32.

    Outre le canon compos par Joseph lHymnographe (dcd avant 886), la plus ancienne attestation du culte que lon ait conserve date du tournant des ixe et xe sicles. Cest en effet dans le manuscrit du monastre de Saint-Jean-le-Thologien Patmos, le Patmiacus 266, quon trouve mention dune notice hagiographique sur saint Eudokimos, ainsi que de sa synaxe dans le Typikon de la Grande glise 33. Si ce manuscrit est dat des xie-xiiesicles, le modle utilis par son copiste aurait t compos dans les dernires annes du ixe sicle ou dans les premires du xe, une conclusion dHippolyte Delehaye gnralement accepte, mme si Andrea Luzzi a contest la qualit de synaxaire du texte en question 34. Les autres attestations du culte sont postrieures. Celui-ci aurait donc t promu ds les lendemains de la mort du saint, ou du moins dans les premires dcennies qui lont suivie, entre le deuxime et le dernier quart du ixe sicle.

    Le plus remarquable est cependant lintroduction de saint Eudokimos dans le sanctoral et le calendrier liturgique de lglise de Constantinople. Alors quvelyne Patlagean a constat un dcalage, et mme une discordance, entre lhagiographie et la liturgie aux ixe-xesicles, la clbration de saint Eudokimos dans le synaxaire de la Grande glise est de peu postrieure la naissance de son culte. La reconnaissance ecclsiastique est quasi immdiate. De lensemble des saints du viiie-xesicle quvelyne Patlagean a examins dans le cadre de son tude sur saintet et pouvoir, et dont Eudokimos ne faisait pas partie, seule une minorit bnficie dune notice dans les ditions considres comme les plus anciennes du Synaxaire de Constantinople (le Patmiacus 266/P et le manuscrit Sainte-Croix no40/H) et dans le Mnologe de BasileII 35.

    Autre particularit notable du culte, Eudokimos est lun des saints du mnologe mtaphrastique, le dernier des quatre saints retenus pour le mois de juillet 36. Le mnologe mtaphrastique comprend 148 entres. Selon ltude de Christian Hgel, seuls huit des saints qui y sont commmors auraient vcu aux viiie-xesicles 37. Il sagit de martyrs ou dasctes. Fait exception Eudokimos, un fils de laristocratie et un commandant militaire qui ne sest illustr que par ses vertus et ses miracles posthumes. Les notices biographiques

    32. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.1, p.13-14. Le deuxime passage, moins critique quapologtique, entend souligner le caractre exceptionnel de la vertu dEudokimos en rappelant que seuls les moines sont thaumaturges.

    33. Synaxaire de Constantinople (cit n.14), 31 juillet, 1, col.857. Mateos, Le typicon de la Grande glise (cit n.13), t.I, p.354.

    34. Sur la datation de P, voir Mateos, Le typicon de la Grande glise (cit n.13), t.I, p.x-xviii ; B.Flusin, Lempereur hagiographe: remarques sur le rle des premiers empereurs macdoniens dans le culte des saints, dans P.Guran (d.), Lempereur hagiographe: culte des saints et monarchie byzantine et post-byzantine, Bucarest 2001, p.41-47 ; A.Luzzi, Il semestre estivo della recensione H* del sinassario di Costantinopoli, dans Id., Studi sul Sinassario di Costantinopoli (cit n.22), p.5-6, n.3 ; Id., Precisazioni sullepoca di formazione del Sinassario di Costantinopoli, RSBN 36, 1999, p.75-91.

    35. Patlagean, Saintet et pouvoir (cit n.2), p.192-194. Son chantillon comprend trente-quatre saints au total, dont sept femmes. Sont cits, dans P, Thophane, Thodore Stoudite, Nicphore le Patriarche et Ignace le Patriarche, dans H, les mmes ainsi que Nicphore de Mdikion et limpratrice Thophan. Il sagit donc, et au plus, de moins de quinze pour cent des saints.

    36. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16).37. Hgel, Symeon Metaphrastes (cit n.21), p.125.

  • 101AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    des synaxaires comme la Vie mtaphrastique ne font que dcrire sa pit, sa misricorde et son amour de la justice, sans jamais prciser ses actions.

    Un saint cappadocien

    Alors que le profil de saintet prsent par les notices hagiographiques et la Vie mtaphrastique est, comme pour dautres cultes familiaux, vanescent 38, elles enracinent le saint dans un double contexte, cappadocien et constantinopolitain. Eudokimos est le fils de deux Cappadociens tablis Constantinople, Basile et Eudocie. Lui-mme aurait t lev dans la capitale impriale. Nomm commandant militaire Charsianon, en Cappadoce, il y rside le reste de sa vie. Mme si les formulations divergent dune notice hagiographique lautre et hsitent sur les rapports entre la Cappadoce et Charsianon 39, toute laction du saint, aprs comme avant sa mort, a lieu Charsianon o il officie en tant que commandant militaire, o il uvre en faveur de ses soldats et des dmunis, o il opre des miracles titre posthume 40.

    Charsianon dsigna dabord une forteresse de Cappadoce, que les auteurs grecs et arabes mentionnent pour la premire fois pour lanne 730 41. Le toponyme dsigna ensuite une subdivision administrative et militaire de lEmpire, une clisure, puis un thme. Tandis que la clisure a t cre dans la premire moiti du ixe sicle, le thme, qui en procda, fut rig entre 863 et 873 42. Il fut largi peu aprs, linitiative de LonVI 43, bien que la forteresse ne ft pas leve au rang dvch contrairement dautres bourgades de la rgion la mme poque 44. Cette rorganisation administrative et militaire fut la consquence en particulier des combats que Byzantins, Arabes et Pauliciens sy livrrent, du rgne de Thophile celui de LonVI 45. Elle profita, au ixe sicle et jusque dans la premire moiti du xe sicle, la forteresse de Charsianon. Dans un loge que lon ne saurait considrer

    38. La Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16) a conscience de linconsistance de la saintet dEudokimos: p.9, l.29-31, elle rappelle quil sen fallut de peu que la vie selon Dieu dEudokimos passt inaperue.

    39. Voir S.Mtivier, Lorganisation de la frontire arabo-byzantine en Cappadoce (viiie-ixesicle), dans Puer Apuliae: mlanges offerts Jean-Marie Martin, d. par E.Cuozzo et al. (MTM 30), Paris 2008, t.2, p.449.

    40. Le saint opre au moins un miracle ailleurs que dans le Charsianon : la Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.22, mentionne le monastre de Mantine en Paphlagonie. Sur ce monastre, voir C.Mango, St.Anthusa of Mantineon and the family of ConstantinV, AnBoll 100, 1982, p.401-409 ; K.Belke, Paphlagonien und Honrias (TIB9), Wien 1996, p.249-251.

    41. Thophane, Chronographia, d. C. de Boor, Leipzig 1883, I, p. 409. Al-abar, Tarkh, d.M.J.deGoeje, Leyde 1879-1901, II1530, trad.The History of al-abar, Albany 1985-2002, t.25, p.69 (n.293: mention des autres sources arabes). Michel le Syrien, Chronique, d. et trad. J.-B.Chabot, Paris 1901, II, p.501.

    42. N.Oikonomids, Les listes de prsance byzantines des ix e et x e sicles (Le monde byzantin), Paris 1972, p.55. Continuation de Thophane, d.E.Bekker (CSHB), Bonn 1838, p.181 et Jean Skylitzs, Synopsis historiarum, d.H.Thurn (CFHB. Series Berolinensis 5), Berlin 1973, p.100-101 : Empereurs de Constantinople, trad.B. Flusin et annot. J.-Cl.Cheynet (Ralits byzantines 8), Paris 2003, p.89 (dernire attestation de la clisure en 863). Continuation de Thophane, p.272 et Jean Skylitzs, Synopsis historiarum, p.138 (premire attestation du thme). Voir Mtivier, Lorganisation de la frontire arabo-byzantine (cit n.39), p.448-451.

    43. Constantin Porphyrognte, De administrando imperio, d.G.Moravcsik, trad.R.J.H.Jenkins (DOT 1), Washington DC 1967, 50, p.236.

    44. Notitiae episcopatuum Ecclesiae Constantinopolitanae, d.J.Darrouzs (Gographie ecclsiastique de lEmpire byzantin 1), Paris 1981, p.66-68, Notitia7, nos103-118, p.274.

    45. Voir TIB2, p.163-165.

  • 102 S. Mtivier

    comme la simple expression dun lieu commun, lhagiographe de Michel Malinos le suggre assez clairement en dcrivant Charsianon comme une forteresse inattaquable et dun abord difficile pour les raids barbares, qui a donn son nom toute la rgion et qui a concurrenc et fait disparatre lancienne appellation, celle de Cappadoce 46. Si le thme de Charsianon perdura 47, il perdit, ds les premires dcennies du xe sicle, son importance stratgique il nest pas mentionn dans le De Velitatione qui sattache pourtant dcrire la guerre conduite, au xe sicle, contre les Arabes, aux frontires de lEmpire 48 et il nest pas certain que la forteresse homonyme ait continu den tre le quartier gnral pass le troisime quart du xe sicle 49.

    Si lon excepte les batailles qui y eurent lieu, on sait fort peu de chose du Charsianon avant le xe sicle 50. Au xe sicle le Charsianon est cit avant tout comme lune des assises territoriales de plusieurs familles aristocratiques, les Malinoi, les Argyroi et les Phocas, dont les anctres commencent tre connus au ixe sicle, sous les rgnes de MichelIII et de BasileIer (Nicphore Malinos, en 866 prcisment, Lon Argyros et Nicphore Phocas lAncien) 51, voire considr par lhistoriographie moderne comme leur berceau. Sil est encore impossible aujourdhui dassurer quil sagissait dune aristocratie autochtone, ne de la guerre contre les Arabes, son assise rgionale nen tait pas moins garantie par lexercice de commandements militaires dans le thme en question 52 et dans les thmes

    46. Vie de Michel Malinos (cit n.20), 3.47. Sceaux, jusque-l indits, de stratges de Charsianon du xiesicle dans DOSeals4, 40.17, 40.18. Ont

    t aussi conservs des sceaux de fonctionnaires civils du thme de Charsianon.48. Le trait sur la gurilla (De velitatione) de lempereur Nicphore Phocas (963-969), d.G.Dagron et

    H.Mihescu, trad. et commentaire G.Dagron (Le monde byzantin), Paris 1986, p.242: Le thme de Charsianon, qui fut longtemps lun des principaux pivots de la dfense byzantine, nest pas mentionn, peut-tre parce quil ne commande plus directement aucune portion de la frontire et que le De velitatione sen tient une stricte dfinition des thmes frontaliers. Y sont voqus en revanche les thmes de Sleucie, des Anatoliques, de Cappadoce et du Lykandos.

    49. Aucune source ne la mentionne dsormais de manire assure, une mconnaissance que lon peut rapprocher des incertitudes concernant sa localisation et de limportance que recouvra Csare dans le dernier quart du xe sicle. Dernire mention assure de la forteresse en tant que telle dans la Continuation de Thophane (cit n.42), Rgne de ConstantinVII, 40, p.426, propos de Jean Kourkouas. Sur la localisation de la forteresse de Charsianon, voir I.Beldiceanu-Steinherr, Charsianon kastron/Qale-i arsans, Byz.51, 1981, p.410-429.

    50. Voir TIB2, p.163-165 ; . (7-11 .), . ., .-, ., ., . ( 1), 1998, p.299-305.

    51. J.-C.Cheynet, Les Malnoi, dans Id., La socit byzantine: lapport des sceaux (Bilans de recherche3), Paris 2008, t.2, p.511-524. Id., en collab. avec J.-F.Vannier, Les Argyroi, ZRVI40, 2003, p.57-90, repris dans Id., La socit byzantine: lapport des sceaux, t.2, p.525-561. Id., Les Phocas: appendice, dans Le trait sur la gurilla (cit n.48), p.289-315, repris dans Id., La socit byzantine, t.2, p.473-497.

    52. Plusieurs stratges de Charsianon connus par des sceaux portent, au xe sicle, des noms de baptme attests dans la famille Phocas, Lon et Nicphore. Voir DOSeals4, 40.18 (Lon, protospathaire imprial et stratge de Charsianon, xe/xie sicle), 40.19 (Lon, patrice, protospathaire imprial et stratge de Charsianon, xe sicle), 40.20 (Nicphore, protospathaire imprial et stratge de Charsianon, xe sicle), 40.21 (Nicphore, spatharocandidat imprial et stratge de Charsianon, ixe/xe sicle). Nanmoins les sceaux au nom de Lon peuvent avoir appartenu des Argyroi, connus eux aussi pour avoir t stratges de Charsianon: voir Cheynet Vannier, Les Argyroi (cit n.51).

  • 103AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    voisins comme par une richesse foncire locale qui a frapp leurs contemporains dans la seconde moiti du xe sicle 53.

    Lanalyse conduite par Angliki Laiou met en vidence la fonction primordiale de ces mmes familles aristocratiques, attaches au thme de Charsianon, dans la promotion du culte de saint Eudokimos 54. Dune part, en croire la Vie mtaphrastique, la translation de la relique Constantinople se fait linitiative exclusive de la mre dEudokimos ; si Eudocie ne cre pas le culte (cest, dans le rcit, le rle de la population locale), elle assure son transfert et sa dposition dans un sanctuaire familial 55. Dautre part, mme si lon ignore quelle famille de laristocratie appartenait Eudokimos, puisquelle nest pas nomme dans les textes hagiographiques 56, le saint a t appropri, au xe sicle au plus tard, par les Malinoi et leurs allis, les Phocas. Les premiers prtendent tre apparents au saint: lhagiographe de saint Michel Malinos achve sa prsentation de la gnalogie de celui-ci, dont le pre porte le mme nom dEudokimos, par la mention du saint, dont il fait un parent et un prcurseur de Michel, tout en sabstenant de le situer prcisment parmi les aeux de celui-ci 57. Quant la Vie mtaphrastique, elle fait implicitement dEudokimos un prototype de Nicphore Phocas. Pour reprendre les termes dAngelikiLaiou, Eudokimos est, comme le Nicphore Phocas dcrit par Lon le Diacre, un soldat profondment pieux et au comportement dascte, un homme trs juste 58, sauf quil nest fait nulle mention des actions militaires dEudokimos. On sait pourtant que, ds le dbut du xe sicle, des hros fameux taient chants en Asie Mineure 59.

    Le poids du contexte familial dans la gense et la diffusion du culte est dautant plus net qualors que dautres cultes familiaux contemporains, ceux de Thodora de Thessalonique, de Marie la Jeune et dIrne de Chrysobalanton par exemple, se dployrent dans un cadre monastique, il nen est pas mme question dans notre cas 60. Le culte de saint Eudokimos nest associ que trs tardivement un monastre, dans le tmoignage en russe de la Description anonyme de Constantinople, un texte de lextrme fin du xive sicle 61.

    53. Voir lpisode fameux de la rception de BasileII par Eustathe Malinos dans ses domaines de Cappadoce dans Jean Skylitzs, Synopsis historiarum (cit n.42), d.p.340, trad. fr. p.284.

    54. Laiou, The general and the saint (cit n.4).55. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.15-23.56. Cest conforme ce que lon sait des pratiques de dnomination de ce milieu: voir J.-Cl.Cheynet,

    Lanthroponymie aristocratique Byzance, dans Lanthroponymie, document de lhistoire sociale des mondes mditerranens mdivaux: actes du colloque international, Rome, 6-8octobre 1994, recueillis par M.Bourin, J.-M.Martin et F.Menant (CEFR226), Rome 1996, repris dans Id., The Byzantine aristocracy and its military function (cit n.1), noIII, p.15-16.

    57. Vie de Michel Malinos (cit n.20), 3.58. Lon le Diacre: Leonis diaconi Calonsis Historiae libri decem, d.C.B.Hase (CSHB), Bonn 1828,

    p.89-90. Laiou, The general and the saint (cit n.4), p.403.59. C.Jouanno, Dignis Akritas le hros des frontires: une pope byzantine, Turnhout 1998, p.103-104.

    Voir aussi la justification du nom dArgyros dans Jean Skylitzs, Synopsis historiarum(cit n.42), d.p.189, trad. fr. p.159, et la mention de la clbration littraire de Jean Kourkouas dans la Continuation de Thophane (cit n.42), Rgne de ConstantinVII, 40, p.426.

    60. Talbot, Family cults (cit n.11). Voir aussi E.Patlagean, Thodora de Thessalonique: une sainte moniale et un culte citadin (ixe-xxesicle), dans Culto dei santi, istituzioni e classi sociali in et preindustriale, a cura di S. Boesch Gajano e L. Sebastiani, LAquila 1984, p.39-67. Ead., Saintet et pouvoir (cit n.2), p.179-186.

    61. Voir G.P.Majeska, Russian travelers to Constantinople in the fourteenth and fifteenth centuries (DOS19), Washington DC 1984, p.148, p.316-318 (localisation du monastre). Le couvent de saint Eudokimos est prs de la Porte dOr ; le corps du saint y repose sur le ct gauche. En revanche ce monastre nest pas mentionn par Antoine de Novgorod vers 1200.

  • 104 S. Mtivier

    Cette singularit du culte de saint Eudokimos accompagne ou redouble (et explique) la dvaluation de lascse propre au monachisme nonce deux reprises dans la Vie, comme on la vu. Elle est dautant plus notable quon constate la mme poque dune part la place prdominante de la saintet et de lhagiographie monastiques 62, dautre part la fondation par laristocratie de nombreux monastres 63. Cest le cas, en Charsianon mme, du monastre Sainte-lisabeth fond par le tourmarque Lon Argyros, pendant le rgne de MichelIII 64. Comme contre-courant, le culte de saint Eudokimos semble avoir contourn les points dappui et intermdiaires quasi indispensables qutaient le monastre et linstitution ecclsiastique, en particulier dans les rapports entre laristocratie et le sacr. La famille, entre Constantinople et la Cappadoce, apparat comme son seul support, une famille dont la position est illustre, puisque le pre du saint, Basile, est patrice, que lon identifie ou non ce dernier avec un certain Basile de Charsianon, missaire de Thophile envoy auprs du calife en 838 65. La Vie mtaphrastique fait dailleurs une claire apologie du lien familial, en loccurrence celui qui unit lenfant ses pre et mre: lorsquelle prie son fils dfunt de porter secours elle-mme et son poux, Eudocie argue de ce que lhonneur rendu par lenfant aux parents remonte Dieu, le premier pre de tous 66.

    Contemporaines, la gense du culte de saint Eudokimos et la rorganisation administra-tive et militaire de la rgion qui aboutit aux crations de la clisure, puis du thme de Charsianon, profitrent, au ixe sicle et jusque dans la premire moiti du xe sicle, la forteresse de Charsianon. Celle-ci, si caractristique du paysage anatolien model par la confrontation avec les Arabes, est doublement mise en valeur par le culte de son saint comme par son nouveau statut dans lorganisation du territoire imprial. Peut-tre faut-il y voir les effets de linfluence de ces familles aristocratiques dont la puissance est attache au contexte anatolien et lhistoire rcente de la rgion, comme si elles avaient russi obtenir de ltat imprial une double reconnaissance institutionnelle, civile et religieuse, en faveur de lune des bases territoriales de leur pouvoir.

    Cette premire analyse tend situer au niveau local lenjeu que constitue la promotion du culte de saint Eudokimos. La perspective en est trop rduite.

    62. Patlagean, Saintet et pouvoir (cit n.2), p.180-181. M.-F.Auzpy, Les saints et le triomphe de lOrthodoxie, dans (cit n.10), p.17-29. Aprs liconoclasme les saints sont trs majoritairement des moines. Sur les inflexions propres cette priode de lhagiographie labore en milieu monastique, voir Flusin, Lhagiographie monastique Byzance (cit n.12), p. 31-50.

    63. R.Morris, The Byzantine aristocracy and the monasteries, dans The Byzantine aristocracy: IX to XIIIcenturies (cit n.1), p.112-137. Ead., Monks and laymen in Byzantium 843-1118, Cambridge 1995.

    64. Continuation de Thophane (cit n.42), Rgne de LonVI, 27, p.374. Jean Skylitzs, Synopsis historiarum (cit n.42), d.p.188-189, trad. fr.p.159.

    65. Michel le Syrien, Chronique (cit n. 41), t. 3, p. 95-96. Bar Hebraeus, Chronography, trad. E.A.W.Budge, London 1932, t.1, p.138. Voir A.A.Vasiliev, Byzance et les Arabes. 1, La dynastie dAmorium (820-867), trad.H.Grgoire et M.Canard (Corpus Bruxellense Historiae Byzantinae 1), Bruxelles 1935, p.174-175 ;PmbZ 937. Basile avait pour mission de ngocier lchange des prisonniers dAmorion. Lmissaire nest nomm que par Michel le Syrien et Bar Hebraeus, et non par les sources grecques. Lidentification nest propose que par D.Potache, Le thme et la forteresse de Charsianon: recherches dans la rgion dAkdagmadeni, dans Geographica Byzantina, sous la dir. de H.Ahrweiler (Byzantina Sorbonensia3), Paris 1981, p.110, n.2.

    66. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.17, l.23-30.

  • 105AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    Un culte constantinopolitain

    Les parents dEudokimos ne se satisfont pas du culte rendu leur fils Charsianon. Ils organisent le transfert de sa dpouille Constantinople. La mre dcide louverture du tombeau, qui dvoile lincorruptibilit du corps ; elle impose la translation de la relique, quelle fait dposer, Constantinople, dans une glise de la Thotokos difie par les soins du couple, dans lHexakionion 67. La translation est ce point russie que le culte semble avoir t dracin. Les textes hagiographiques ont beau voquer la ferveur des habitants de Charsianon, qui tentrent de sopposer lenlvement de la relique, aucune trace de ce culte na t conserve en Cappadoce. Saint Eudokimos nest jamais reprsent dans les glises de la rgion, dont liconographie est pourtant riche en images de saints, en particulier de saints militaires 68. Cest en saint militaire quEudokimos est pourtant reprsent dans les manuscrits enlumins du Mnologe mtaphrastique 69.

    Alors que dautres cultes familiaux des ixe-xesicles ont une assise essentiellement provinciale, comme ceux de sainte Thodora Thessalonique et de sainte Marie la Jeune Bizy 70, le culte de saint Eudokimos est proprement constantinopolitain, comme en tmoignent le dossier hagiographique et liturgique et les mentions que lon a dun monastre Saint-Eudokimos jusqu lpoque palologue 71, et mme si le calendrier de lglise de Constantinople vaut pour tout lEmpire. Lhagiographe de saint Michel Malinos a beau affirmer que les miracles de saint Eudokimos illuminaient le monde entier, il commence par prciser que le saint tait grandement acclam dans la reine des villes 72. Son culte semble dpendre troitement du contexte constantinopolitain, faute dtre plus gnralement attest. Eudokimos nest, ma connaissance, jamais reprsent sur les sceaux 73.

    On en conclut que la promotion du culte de saint Eudokimos na pas eu pour fin principale de lgitimer symboliquement la domination dune ou de plusieurs familles aristocratiques dans une rgion donne de la Cappadoce. Cette assise locale tait probablement dj acquise cette date, mme si lon ne connat pas dans le dtail la distribution gographique des commandements et des fortunes aristocratiques 74. On

    67. Cest ce que prcise le Patmiacus266: . Voir R.Janin, Constantinople byzantine: dveloppement urbain et rpertoire topographique (Archives de lOrient chrtien 4), Paris 1950, 1964, p.351-352.

    68. Voir, par exemple, C.Walter, The warrior saints in Byzantine art and tradition, Ashgate 2003, p.3-4, p.250-251 (de nombreuses rfrences sont faites aux programmes des glises cappadociennes dans le cours de ltude) ; C.Jolivet-Lvy, Hagiographie cappadocienne : propos de quelques images nouvelles de saint Hiron et de saint Eustathe, dans . , 1991, t.1, p.205-218, repris dans Ead., tudes cappadociennes, London 2002, p.471-497.

    69. N.Patterson evenko, Illustrated manuscripts of the Metaphrastian Menologion, Chicago 1990, p.46 (dans ldition D [Alexandrie, Fol.92v] le saint est reprsent en soldat portant une courte barbe sombre, avec une lance et une pe son ct gauche), p.69, p.79, p.141.

    70. Talbot, Family cults in Byzantium (cit n.11), p.57, p.63, p.65-67.71. Voir Majeska, Russian travelers to Constantinople (cit n.61), p.316-318.72. Vie de Michel Malinos (cit n.20), 3.73. Voir J.Cotsonis, The contribution of Byzantine lead seals to the study of the cult of the saints

    (sixth-twelfth century), Byz.75, 2005, p.383-497.74. Sur les fortunes aristocratiques, voir J.-C.Cheynet, Pouvoir et contestations Byzance (963-1210)

    (Byzantina Sorbonensia 9), Paris 1990, 1996, p.213-216 ; Id., Fortune et puissance de laristocratie (xe-xiiesicle), dans Hommes et richesses dans lEmpire byzantin. 2, viii e-xv esicle, d. par V.Kravari, J.Lefort et C.Morrisson (Ralits byzantines 3), Paris 1991, p.199-213. M.Kaplan, Les grands propritaires de Cappadoce, dans Le aree omogene della Civilt Rupestre nellambito dellImpero bizantino : la Cappadocia,

  • 106 S. Mtivier

    retrouve ici ce que Stphanos Efthymiadis a par ailleurs montr, labsence dutilit proprement sociale et locale du saint dans lAsie Mineure msobyzantine 75. Linvestissement du sanctoral de lglise de Constantinople est en revanche un enjeu important pour des familles qui sont prsentes et considres par les chroniqueurs et hagiographes de lpoque comme provinciales, mme si elles taient tablies de longue date dans la capitale impriale 76. Cest du moins ce que suggre la Vie mtaphrastique dEudokimos: alors quelle passe sous silence son lieu de naissance, elle prcise quil aurait t duqu Constantinople.

    La promotion du culte sacralisa Constantinople, dans la capitale impriale, la ou les familles qui revendiquaient le saint, comme les Malinoi. Ou du moins elle leur donna une clbrit dans la vie qui ne tenait pas uniquement, pour contrefaire le propos du Trait de Philothe, la glorieuse valeur des titres accords par lempereur 77. Cest aussi la fonction de la Vie mtaphrastique (comme de la notice du Synaxaire, toutes mesures gardes), qui, par ses nombreuses allusions la gloire dEudokimos et des siens, renouvelle celle-ci tout en lenracinant dans le milieu aristocratique. En des termes qui nont rien doriginal, la Vie commence par voquer avec insistance la gloire profane du saint, gloire que fondent sa bonne naissance, la richesse de sa famille et le service quil assure au nom de lempereur: Ainsi, ce saint Eudokimos tait originaire de Cappadoce par sa famille, pieux rejeton de parents pieux, dune part Basile, de lautre Eudocie, qui a gnr son nom, insignes () par leur famille, abondamment riches et illustres () par leur dignit. Basile brillait () en effet de la gloire () des patrices. Lenfant, dont les sources de la famille taient clatantes (), cest moins cause de ses pres quil se montra noble () et quil se ceignit de gloire (), [que de] toute la noblesse () que lui-mme, et de son propre mouvement, a procure ses pres par ses bonnes actions. 78 Dans un second temps la Vie voque,

    Galatina 1981, p.125-158, repris dans Id., Byzance: villes et campagnes (Les mdivistes franais7), Paris 2006, p.100-122.

    75. S.Efthymiadis, The function of the Holy Man in Asia Minor in the middle Byzantine period, dans (6-12 .) ( 6), 1998, p.151-161.

    76. Sur le caractre provincial de laristocratie, voir M.Angold, Introduction, dans The Byzantine aristocracy: IX to XIIIcenturies (cit n.1), p.3-4 ; J.-C.Cheynet, Pouvoir et contestations (cit n.74), p.207-237 (Lenracinement provincial de laristocratie), qui prcise demble, p.207, que [l]es notables byzantins acquraient une influence dterminante dans une province donne, tout en notant, p.237, quun nombre lev de familles taient venues des diffrentes provinces de lEmpire et taient installes durablement dans la capitale[]. Ce caractre provincial est suggr par les chroniqueurs lorsquils voquent, sans prcision, sinon les origines, du moins les anctres de leurs protagonistes. Lun des cas les plus explicites concerne les Argyroi: voir la Continuation de Thophane (cit n.42), Rgne de LonVI, 27, p.374, et Jean Skylitzs, Synopsis historiarum (cit n.42), d.p.188-189, trad.fr.p.159. La premire chronique, en particulier, insiste sur limplantation familiale des Argyroi dans la rgion en mentionnant successivement, lors du retour dEustathe dans le Charsianon, un de ses hommes, puis ses deux fils, ainsi que sa maison et le monastre fond par son pre. En quelques mots le chroniqueur fait du Charsianon le fief des Argyroi. Quant aux Phocas, dont lanctre est prsent comme un soldat cappadocien, ils sont tablis dans la capitale impriale ds Nicphore Phocas lAncien: Georges Hamartlos, Chronique, dans , .., - 1922, t.II, p.20 ; Cheynet, Les Phocas (cit n.51), p.473-476.

    77. Trait de Philothe, d. et trad. N.Oikonomids, dans Les listes de prsance (cit n.42), p.83, l.18. Il est fait usage de la mme expression dans la notice du Synaxaire de Constantinople consacr saint Eudokimos, la ligne5 ( ).

    78. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.2, l.19-p.3, l.7. Pour comparaison, voir Jean Skylitzs, Synopsis historiarum (cit n.42), d.p.10, trad. fr.p.10: [Bardanios Tourkos] tenait compte, bien

  • 107AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    trois reprises, le surplus de gloire que le saint a confr sa famille (et en particulier sa mre) 79. Au fil du rcit, la naissance, la richesse et le service de lempereur, puis la saintet, soit le choix de Dieu, sont donns successivement comme constitutifs de la clbrit qui fait laristocrate. Lhagiographe (sagit-il uniquement du Mtaphraste ?) fait ainsi de la saintet de laristocrate un autre fondement de son rang et de sa distinction dans le monde.

    La saintet aristocratique et le modle imprial

    Le modle de la promotion de ce culte familial singulier est moins chercher dans les milieux ecclsiastiques et monastiques que dans la famille impriale elle-mme et dans la dynastie des Macdoniens. BernardFlusin a montr que les empereurs macdoniens, en premier lieu LonVI et ConstantinVII, avaient organis, pour partie, le culte des saints Constantinople, dune part en ordonnant des transferts de reliques au profit de Constantinople 80, dautre part en composant ou en commanditant discours et notices hagiographiques, faisant de la cour un lieu de llaboration hagiographique 81. Ils ont aussi fait valoir des dvotions privilgies ( lie et aux archistratges) 82. Enfin la famille impriale a t source de saintet, en mode mineur, comme lavait montr velyne Patlagean dans son article intitul Le basileus assassin et la saintet impriale 83. BasileIer aurait tent de promouvoir le culte de son fils an Constantin, dcd prmaturment 84. Alors que ce culte ne simposa pas (confondu peut-tre avec celui de Constantin le Grand), lpouse de lempereur LonVI, Thophan, dcde en 895 ou 896, fut en revanche rapidement vnre comme sainte, grce au soutien conjoint de LonVI et, surtout, de sa famille, les Martiniakoi 85.

    Si lon en croit le cas de saint Eudokimos, des familles aristocratiques ont agi de manire similaire: elles ont fait valoir non plus seulement des dvotions particulires mais une saintet personnelle ou familiale, entranant cette aristocratisation du sanctoral comme de lhagiographie, examine par velyne Patlagean. Que ce soit cette pratique des empereurs byzantins qui ait inspir les organisateurs du culte de saint Eudokimos, cette dduction ressort assez clairement de ce que le saint, comme lempereur, imite ou suit le Christ, du moins daprs les dtails que donne seule la Vie mtaphrastique (je rappelle que la Vie

    sr, de la qualit des personnes, qui lui faisait mpriser cette prophtie [rendue par le moine de Philomnion]: un patrice, assis sur le trne des domestiques, investi de toute la puissance possible, dune origine clatante ( ), dune illustre maison ( ), allait manquer son but [].

    79. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.15, l.7-10 (son pre et sa mre avaient le dsir passionn dtre vus comme les parents de celui qui resplendissait ainsi par ses miracles), p.16, l.9-12 (la grce et la gloire [ ] pour la mre), p.20, l.31-33 (il te suffit pour la gloire [ ] de ttre montre comme la mre de celui-ci).

    80. B.Flusin, Construire une nouvelle Jrusalem: Constantinople et les reliques, dans LOrient dans lhistoire religieuse de lEurope: linvention des origines, d. par M.A.Amir-Moezzi et J.Scheid, Turnhout 2000,p. 51-70.

    81. Flusin, Lempereur hagiographe (cit n.34), p.35-51 (sont mentionns, outre les empereurs LonVI et ConstantinVII, variste, Grgoire le Rfrendaire et Thodore Daphnopats).

    82. G.Dagron, Empereur et prtre: essai sur le csaropapisme byzantin (Bibliothque des histoires), Paris 1996, p.201-210.

    83. Patlagean, Le basileus assassin et la saintet impriale (cit n.10).84. Dagron, Empereur et prtre (cit n.82), p.208-209.85. Ibid., p.209-212 ; Flusin, Lempereur hagiographe (cit n.34), p.30. Suivant Bernard Flusin, la Vie

    anonyme de sainte Thophan, la premire pouse de LonVI, [] ne doit rien une commande impriale [] [mais] a t compose, de faon caractristique, la demande de [cette] famille.

  • 108 S. Mtivier

    originale est perdue): Eudokimos dcde trente-trois ans ; un hiromoine du nom de Joseph prend soin du corps, comme Joseph dArimathie sest souci de linhumation du Christ. La rfrence lge du Christ sa mort nest pas si commune. Si je ne puis citer de parallle dans les Vies de saints (alors quil en existe probablement) 86, cest en revanche lge qui est donn Dignis Akritas son dcs, du moins dans la recension Z (et non dans celles des manuscrits de Grottaferrata et de lEscurial), une recension de la fin du Moyen ge 87. Outre que le Christ constitue la rfrence par excellence du pouvoir imprial byzantin 88, LonVI et ConstantinVII ont organis des translations Constantinople de plusieurs reliques du Christ, en particulier le Mandylion, et des amis du Christ (saint Lazare sous LonVI). La chapelle palatine de la Vierge du Phare en a t le principal lieu de dpt partir de la seconde moiti du ixe sicle 89. Une autre glise du Palais, la Na, fonde par BasileIer, est consacre au Christ. Lorsquil souligne quEudokimos imite le Christ, lhagiographe suggre aussi quil imite lempereur. Il nest pas anodin que le premier miracul dEudokimos se nomme lie, comme le prophte, protecteur tutlaire de BasileIer 90. De la prgnance du modle imprial tmoignent encore les vertus centrales qui fondent, avec les miracles, la saintet dEudokimos, soit la pit, la charit et la justice, des vertus par excellence de lempereur. Cest encore son intelligence que vante son hagiographe: soucieux de mettre en pratique les psaumes de David, Eudokimos les mdite tout en les chantant 91. De son examen des loges du pouvoir imprial lpoque macdonienne, Alexander Kazhdan conclut que the imperial ideal around the year 900 [] included piety and various civil values, often in the shape of the quartet spiritual fortitude, righteousness, chastity, and intelligence. 92Mme si lexcellence militaire nen est pas exclue, contrairement ce que tend suggrer Kazhdan, elle nen est pas pour autant valorise. Dans loraison funbre compose en lhonneur de BasileIer par son fils LonVI, ce dernier nhsite pas commencer par rappeler les victoires des armes de son pre contre les Arabes mais pour ne plus y revenir dans la suite du discours 93. Les fondements de la saintet aristocratique sont donc assimils ceux de linstitution impriale, ou du moins noncs sur le modle de ces derniers. Faut-il interprter ce rapport dimitation en terme de rivalit ?

    86. Th.Pratsch, Der hagiographische Topos : griechische Heiligenviten in mittelbyzantinischer Zeit (Millenium-Studien 6), Berlin New York 2005, ne signale aucun exemple.

    87. E.Trapp, Digenes Akrites: synoptische Ausgabe der ltesten Versionen (Wiener byzantinischen Studien8), Wien 1971, p.155, Z IV, v.250. Il sagit ici de la version du manuscrit de Trbizonde.

    88. Sur la place de limage du Christ dans liconographie des empereurs macdoniens, C.Jolivet-Lvy, Limage du pouvoir dans lart byzantin lpoque de la dynastie macdonienne (867-1056), Byz.57, 1987, p.441-470: usage du trne rserv au Christ, couronnement de lempereur par le Christ. E.Patlagean, Un Moyen ge grec: Byzance, ix e-xv esicle (Lvolution de lhumanit), Paris 2007, p.18.

    89. Flusin, Construire une nouvelle Jrusalem (cit n.80). P.Magdalino, Lglise du Phare et les reliques de la Passion Constantinople (viie/viiie-xiiiesicles), dans Byzance et les reliques du Christ, d. par J.Durand et B.Flusin (MTM17), Paris 2004, p.15-30. Voir aussi S.Lerou, Lusage des reliques du Christ par les empereurs aux xie et xiiesicles: le Saint Bois et les Saintes Pierres, ibid., p.159-182.

    90. Dagron, Empereur et prtre (cit n.82), p.201-205, p.210-218.91. Vie mtaphrastique dEudokimos (cit n.16), p.4, l.27-p.5, l.17.92. Kazhdan, The aristocracy (cit n.8), p.51-52. Voir aussi H.Hunger, Prooimion : Elemente der

    byzantinischen Kaiseridee in den Arengen der Urkunden (Wiener byzantinische Studien 1), Wien 1964, en particulier p.47-154.

    93. Oraison funbre de BasileI par son fils Lon le Sage, d. A.Vogt et I.Hausherr, Roma 1932 (=Orientalia Christiana 77, 1932), p.56, l.16-p.62, l.2.

  • 109AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    Les entreprises impriales et aristocratiques ne sont pas ncessairement concurrentielles, et encore moins antagonistes. On doit au contraire supposer que limplantation Constantinople de cultes familiaux na pu se faire que grce, sinon au soutien, du moins laccord des empereurs hagiographes, suivant lexpression de Bernard Flusin. Pour Christian Hgel, lintrt du pouvoir imprial pour les collections hagiographiques est aussi le moyen de contrler les ambitions des autres 94. Il suffit de rappeler que les Malinoi comme les Phocas ont assur des charges de commandement militaire importantes sous LonVI comme sous ConstantinVII 95, que Nicphore Phocas lAncien en particulier a bnfici de tout lappui de lempereurLonVI, comme en tmoignent les allusions faites ses actions militaires dans les Taktika du mme empereur 96. La promotion de leur saint et la reconnaissance de son culte prouvent dune autre manire la prminence acquise au sommet de ltat. Linsertion de la Vie de saint Eudokimos dans le Mnologe mtaphrastique constitue vraisemblablement une exception la conclusion de Christian Hgel, suivant lequel le Mnologe mtaphrastique, parce quil se dsintresse des principales personnalits monastiques de lpoque msobyzantine, nentendait soutenir personne dans la socit contemporaine, lexception peut-tre de la gloire de Constantinople 97. Ce sont dautres enjeux qui se font jour dans le cas dEudokimos.

    Lintrt nest pas tant que laristocratie assoie et proclame sa domination en investissant la sphre du sacr, mais quelle le fasse la manire des empereurs et dans le consensus, du moins dans le cas qui est le ntre. Lenjeu que revt cette saintet aristocratique est aussi et peut-tre dabord dans le rapport des familles aristocratiques avec lempereur. Dans quelle mesure ces familles de laristocratie revendiquent-elles une part de la fonction dintercesseur (la msiteia) que les empereurs font valoir auprs de leurs sujets 98 ?

    La cration du culte de saint Eudokimos recle plusieurs enjeux denvergure ingale, la promotion dune rgion domine par des familles aristocratiques, lintgration de ces mmes familles la Constantinople spirituelle, la sanctification de vertus aristocratiques, limitation et la concurrence du modle imprial. De mme quil serait souhaitable de prciser encore lhistoire du culte de saint Eudokimos au xe sicle, de comprendre en particulier pourquoi il est absent de la documentation liturgique du manuscrit Sainte-Croix no40, une dition du Synaxaire de Constantinople dont lexcution a t commande par ConstantinVII pendant son rgne personnel 99, de mme il faudrait continuer reprer, la suite dvelyne Patlagean, lintroduction, ou non, des saints contemporains dans les diffrents documents liturgiques des xe et xiesicles, pour dterminer si le cas de saint Eudokimos est exemplaire dune stratgie aristocratique, ou non. Ce serait surtout une autre manire danalyser les relations entre le pouvoir imprial et les familles aristocratiques.

    94. Hgel, Symeon Metaphrastes (cit n.21), p.59.95. Voir n.76.96. The Taktika of LeoVI, d. et trad.G.T.Dennis (CFHB 49), Washington DC 2010, XI 21, XV 32.

    Ces allusions Nicphore Phocas sont dautant plus remarquables que le trait ne mentionne comme autre contemporain byzantin que BasileIer.

    97. Hgel, Symeon Metaphrastes (cit n.21), p.125.98. Sur la fonction de msiteia revendique par les empereurs, voir Flusin, Lempereur hagiographe

    (cit n.34).99. A.Luzzi, Il semestre estivo (cit n.34).

  • 110 S. Mtivier

    Appendice 1 : Traduction de la notice du Synaxaire de Constantinople, d.H.Delehaye, 31 juillet, 1, col.857

    Mmoire de notre saint pre Eudokimos le Jeune. Ce bienheureux vcut sous le rgne de Thophile ennemi du Christ. Ses parents taient connus pour leur orthodoxie ainsi que pour leur clbrit dans la vie ils taient patrices en effet ; ils avaient pour nom Basile et Eudocie et ils taient cappadociens de naissance. Cest pourquoi, noblement lev par eux dans la vertu, il est honor par Thophile du rang de candidat et nomm stratopdarque dabord en Cappadoce, puis dans le Charsianon. Son joug est juste et sa rgle veille lquit en toutes choses ; il fait laumne autant que possible chaque jour, embellit et dote les glises, secourt les veuves et les orphelins et recherche en somme toute forme de vertu. Vivant ainsi selon Dieu, il fut donc frapp dune maladie du corps et rendit son me Dieu. Ses proches excutent ses ordres et lenterrent avec ses vtements et ses sandales. Il est glorifi par Dieu grce de nombreux miracles, que nous ne pouvons maintenant donner dans le dtail. Le transfert de sa dpouille Byzance eut lieu le 6 juillet, son dcs le 31 du mme mois de juillet.

    Appendice 2 : Analyse de la Vie mtaphrastique de saint Eudokimos, d. Ch.M.Loparev (cit n.16), p.1-23

    (p.1) Le 31 du mme mois. Vie et conduite du saint et juste Eudokimos.Il est utile de raconter la vie dEudokimos le bien-nomm parce quil choisit la vertu

    ds son plus jeune ge et surtout parce quil vcut dans le monde tout en sen prservant, (p.2) alors que ceux qui le fuient au profit du dsert sont des lches. Aussi constitue-t-il un modle pour tous, en particulier pour ceux qui vivent dans le monde.

    Originaire de Cappadoce, Eudokimos tait le fils des illustres et riches Basile et Eudocie. (p.3) Basile tait patrice. Mais Eudokimos tira sa gloire moins de ses anctres que de la noblesse de ses actions. Ayant reu lordre de sappliquer la paideia, il y consacra de lui-mme beaucoup defforts. Pourtant il lui prfrait bien davantage la lecture de la Sainte criture et le chant des psaumes. (p.4) Il frquentait assidment les glises la diffrence des jeunes gens de son ge qui aimaient les parties de chasse et les courses lhippodrome. De ce genre de vie rien ne le distrayait. (p.5) En chemin vers le Palais ou dans une autre direction il chantait et mditait tout la fois les psaumes de David, contrairement la plupart qui, chantant sans comprendre, font, par distraction, le contraire de ce quils disent. Il chrissait la sagesse au point den faire la compagne de sa vie et de disposer quil naurait ni regard pour une jeune fille ni commerce avec une femme (p.6), seule sa mre, quil vnrait beaucoup, ayant accs lui. la sagesse il joint la misricorde, en toutes choses et sans parcimonie, par amour de Dieu et du prochain, (p.7) plus dsireux et plus heureux de donner que le ncessiteux de recevoir. Pre des orphelins et protecteur des veuves, il secourait les nus, les affams et les mes affliges. Et mme sil reut des honneurs impriaux et la gloire de ce monde, il ne peut en tre blm car son dsir de Dieu, auquel il imputait la grce faite en sa faveur, en tait accru. Il fut nomm stratopdarque dune rgion de la Cappadoce et rsida dans le Charsianon. Il prenait grand soin de son arme comme un pre (p.8) et rglait impartialement les conflits qui survenaient, en raison de son gale tendresse pour tous. Du fait de son amour de Dieu et de son prochain il dtestait et refusait les mdisances, de sa part comme des autres.

    Il mourut trente-trois ans. Alors que sa tte ne blanchissait pas encore, il lemportait sur les gens aux cheveux gris par son intelligence. Puisquil sy tait prpar toute sa vie

  • 111AristocrAte et sAint: le cAs deudokimos

    et (p.9) quil savait qu un commencement succdait une fin, ce ntait pas la mort qui laffectait mais de ne pas avoir vu sa mre, tant ltranger depuis longtemps. Malade, moribond, il appela ses serviteurs 100 et leur fit jurer de linhumer avec les vtements quil portait sans observer les usages funraires. Une fois ses serviteurs retirs sur son ordre, il pria mais sa prire fut entendue par un tmoin qui se tenait prs de la porte pour mourir dans lignorance de tous, de mme quil sen fallut de peu que sa vie selon Dieu ne passt inaperue (p.10). Aprs avoir rendu grces Dieu et ajout: Je dpose mon souffle en tes mains, il mourut. Ceux qui linhumrent excutrent sa consigne de manire grossire: ils le dposrent, avec ses vtements, ses sandales et mme les couvertures dont il tait envelopp, dans un cercueil en bois et le mirent en terre. Mais Dieu ne permit pas quil restt cach.

    Quelques jours aprs sa mort, un certain lie, possd par un esprit dmoniaque, volubile et agit, se rendit subitement sur sa tombe. Le dmon, (p.11) m par la puissance du saint, ou plutt par celle du Christ, en jeta lie terre, prs du dfunt, et sen chappa. Le miracle fut connu de beaucoup. Aussi la tombe devint-elle source de vie et de gurisons. Une femme, dont le jeune enfant avait les mains paralyses, enduisit celles-ci avec lhuile de la lampe de la tombe, qui les soulagea et les gurit. Un autre petit enfant, (p.12) dont les pieds souffraient du mme mal et qui tait port par une mme foi, les enduisit de cette huile et fut guri. Beaucoup clbrrent une action de grces. Une femme fut dlivre du dmon simplement en se rendant sur la tombe du saint. Une autre qui souffrait fut gurie miraculeusement aprs avoir dlay, avec ses larmes, de la terre quelle avait retire avec foi de la tombe, et lavoir applique sur la partie malade de son corps. de nombreux (p.13) malades, qui souffraient au loin, on apporta cette terre comme un remde universel, permanent, rapide, indolore et gratuit. Faute de temps et en raison de la fatigue on ne peut noter tous les miracles que celui-ci, qui fut transfr ici, accomplit. Puisque son transfert a t mentionn, il faut expliquer comment et pourquoi il eut lieu du territoire du Charsianon la reine des villes.

    Ses miracles furent connus de tous, dautant plus que laffaire tait nouvelle: o aurait-on attendu (p.14) un homme qui, vivant dans le monde et commandant une arme, serait capable de se retirer en son for intrieur et de rester pur ? Beaucoup, qui vivent dans le monde, sont pieux et vertueux, mais ce sommet de vertu, qui conduit la grce des miracles, est propre, dirais-tu, ceux qui ont renonc au monde pour le Christ. Une fois avertis, (p.15) ses parents, encore vivants, sa mre en particulier, furent enflamms par le dsir de leur enfant et lavidit dtre vus comme ses parents. Sa mre, faisant fi de la longueur de la route et de son ge, se hta de quitter Byzance pour le Charsianon. Elle regardait la foule de ceux qui se rendaient la tombe et de malades qui taient guris de leurs souffrances comme (p.16) les ennemis librent leurs prisonniers et fuient la vue dun noble stratge. Aussi pleura-t-elle. la faveur de cette gloire, elle sadressa lui dune voix forte: Enfant, do te vient cet clat des gurisons ? Plus que la rtribution de peines caches, ce sont les arrhes de biens venir. Je suis bienheureuse dtre ta mre. Je ne tappelle plus mon enfant, mais fils de Dieu, (p.17) et, toi que jai engendr dans la chair et qui ma engendre spirituellement, je tappelle mon pre. Intercde pour ta mre qui ta nourri et ton pre qui est g. Soucie-toi deux et de ta famille, puisque Dieu, le premier pre de tous, ordonne dhonorer ses parents. Elle ordonna ensuite douvrir le tombeau, den tirer le cercueil et (p.18) de louvrir. Dix-huit mois aprs la

    100. Le texte emploie le terme d.

  • 112 S. Mtivier

    mort, le cadavre ne prsentait aucun signe de dcomposition, comme si son me venait de le quitter. Il semblait dormir ou rflchir profondment. Mme les vtements et les couvertures taient intacts. Il y avait une odeur agrable, (p.19) comme si on avait ouvert un jardin. Pour preuve, alors quun certain Joseph, moine et prtre, saisit le cadavre pour le redresser, le mort se laissa faire. Lorsque le prtre lui demanda la permission de le dvtir, il lui abandonna ses pieds et ses mains et le prtre le changea sans difficult avant de le recoucher dans sa position initiale. Tout apparut comme un plan de Dieu, pour mettre en fuite dautant mieux dmons et maladies. (p.20) Puis la mre disputa aux gens de la rgion le corps. Tandis quelle faisait valoir quil tait n de son ventre, ils arguaient quil tait mort auprs deux et quil y avait accompli des miracles selon la volont de Dieu. Ils lui demandrent de ne pas les priver de cette source de grces divines, elle qui avait la gloire dtre sa mre. (p.21) Aprs les avoir couts et avoir chafaud un plan, elle retourna chez elle. Le moine et prtre, qui resta, finit par tromper leur vigilance et, une nuit, il enleva le trsor et senfuit. Mais le parfum des miracles rvla le vol. Une femme, en heurtant le cercueil, fut dbarrasse de lesprit mauvais qui lhabitait. (p.22) Peu aprs, lhigoumne du monastre de Mantineion, afflige dune grande douleur, se porta la rencontre du cercueil et, aprs lui avoir exprim sa souffrance, fut gurie rapidement. Dans ces circonstances le fardeau, remde efficace contre toutes les maladies, fut remis aux parents. La mre dpensa beaucoup, par amour pour son fils et pour Dieu, pour faire argenter le cercueil. (p.23) Elle fit dposer celui-ci dans lglise de la Thotokos, quelle et son mari, bienfaiteurs des hommes, avaient fait construire.

  • Les rseaux familiaux: Antiquit tardive et Moyen ge, d. B. Caseau (Centre de recherche dhistoire et civilisation de Byzance, Monographies 37), Paris 2012

    Sophie Mtivier Eudokimos, an aristocrat and a saint

    Building upon the foundations of velyne Patlageans and Angeliki Laious work on holiness, family and aristocracy during the middle Byzantine period, I have primarily focused my studies on the cult of Eudokimos; a Charsianons military chief in Cappadocia, under the reign of the emperor Theophilus (829-842). The research I performed in regards to this cult has revealed three characteristics that I believe to be very significant. First, Saint Eudokimos is first mentioned as a member of the Maleinos and Phokas families in the second half of the 10th century. Secondly, the Byzantine Church acknowledges the admission of the cult early in the 10th century: the saints feast on July 31 appears in the Synaxarion of Constantinople and the Typikon of the Great Church. Finally, the Vita of Saint Eudokimos is one of the few saints lives of this period to be included in the metaphrastic menologium; although, Eudokimos claim to holiness are few. This article discusses the consequences and issues behind the promotion of the cult. Locally, it is significant that the cult should appear around the same time that the Charsianon region becomes a theme. More importantly, however, the recognition of the cult in Constantinople shows the importance of the two families in the capital. Like the Macedonian emperors, these aristocratic families promote their holy man either to imitate the imperial family or to compete with it. Can we go as far as to suggest that they claimed a part of the divine election on which the emperors power is based?

    RSuMS / AbStRActS