Approche diagnostique des masses médiastinales

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Approche diagnostique des masses médiastinales N Sans J Giron P Fajadet D Galy-Fourcade C Baunin G Durand JP Senac JJ Railhac Résumé. Les masses médiastinales représentent un vaste ensemble de tumeurs et de pseudotumeurs pouvant intéresser les divers compartiments du médiastin. Les auteurs proposent une approche diagnostique radiologique partant du cliché thoracique simple avec l’étude des lignes médiastinales et du transit œsophagien pour aboutir aux classifications que permet l’imagerie moderne avec la tomodensitométrie et l’imagerie par résonance magnétique. La démarche proposée se compose des neuf lignes médiastinales et des deux « fils d’Ariane » que sont les compartiments où siègent les masses et les comportements qu’elles affichent en tomodensitométrie (densitométrie avant et après bolus iodé) et en imagerie par résonance magnétique (T1, T2, T1 gadolinium). Le diagnostic étiologique final peut être apporté par la chirurgie mais aussi, dans certains cas, par ponction-biopsie percutanée. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Introduction Les masses médiastinales sont, depuis longtemps, un problème « central » en imagerie thoracique. La littérature est abondante à leur sujet. La tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont fait faire des progrès certains quant à leur approche ainsi que le développement de la ponction-biopsie thoracique (PBT) guidée. Nous nous proposons de faire une synthèse de ces acquis récents et de mettre en avant une démarche qui s’appuie sur la connaissance de l’anatomie du médiastin, de ses lignes et bords et sur les deux « fils d’Ariane » que sont le compartiment où elles siègent et le comportement qu’elles affichent en TDM et IRM. Définition On appelle médiastin l’espace central du thorax compris entre les deux ensembles pleuropulmonaires à droite et à gauche et l’orifice d’entrée cervicothoracique en haut, et l’orifice de sortie thoracoabdominal interphrénique ou espace inframédiastinal postérieur en bas. C’est un espace vaste, de forme ovoïde, qu’il faut comprendre dans les plans frontal-sagittal (radiographie thoracique face et profil, IRM, TDM spiralée en reconstruction), mais aussi axial transverse (TDM, IRM). C’est donc bien un volume qu’il faut saisir en trois dimensions (3D). On le divise en divers sous-compartiments (fig 1). Nicolas Sans : Praticien hospitalier. Jacques Giron : Praticien hospitalier. Pierre Fajadet : Praticien hospitalier. Denise Galy-Fourcade : Praticien hospitalier. Christiane Baunin : Praticien hospitalier. Jean-Jacques Railhac : Praticien hospitalier. Unité d’imagerie thoracique, pavillon J Baudot, centre hospitalier universitaire Purpan, 31059 Toulouse cedex, France. Gérard Durand : Praticien hospitalier. Jean-Paul Senac : Praticien hospitalier. Centre hospitalier universitaire Arnaud de Villeneuve, 555, route de Ganges, 34295 Montpellier cedex 5, France. Ses bords latéraux sont limités par les replis pleuropulmonaires à droite et à gauche. L’affrontement de densité entre l’air pulmonaire d’un côté et les organes et la graisse du médiastin de l’autre détermine, par le « signe de la silhouette », ses contours : ceux du cœur avec deux arcs à droite et trois arcs à gauche et ceux du médiastin supérieur au-dessus. Ces affrontements de densité constituent les fameuses lignes du médiastin (cf infra). Ces lignes peuvent être déplacées, déformées ou effacées par une tumeur médiastinale. On appelle masses médiastinales tous les processus médiastinaux créant un effet de masse, qu’il s’agisse de tumeurs développées à partir d’organes médiastinaux (ou de ganglions) ou de pseudotumeurs liées essentiellement aux ectasies vasculaires, notamment aortiques. Les pseudotumeurs du médiastin constituent un ensemble hétérogène d’affections développées dans le médiastin ou à son contact, responsables d’une déformation permanente, d’étendue variable, de ses contours. La définition exclut les tumeurs primitives, développées à partir du tissu médiastinal, des vestiges thymiques, des reliquats embryonnaires, ou les tumeurs issues des organes qui siègent dans le médiastin. Le rôle du radiologiste est fondamental car les pseudotumeurs médiastinales et les tumeurs bénignes peuvent avoir une expression clinique latente et sont fréquemment découvertes sur des radiographies thoraciques systématiques. Affirmer le diagnostic de masse médiastinale avant la TDM (sémiologie médiastinale en radiographie thoracique) Avant la TDM, l’« imagier » dispose d’« instruments » simples qui vont de la radiographie thoracique simple au transit œsophagien (TO) et à l’échographie. Mais il doit disposer aussi d’« instruments conceptuels » venant des bases anatomiques lui donnant une Encyclopédie Médico-Chirurgicale 32-535-D-10 32-535-D-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Sans S, Giron J, Fajadet P, Galy-Fourcade D, Baunin C, Durand G, Senac JP et Railhac JJ. Approche diagnostique des masses médiastinales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic — Cœur-Poumon, 32-535-D-10, 2000, 18 p.

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Approche diagnostique des massesmédiastinales

N SansJ GironP FajadetD Galy-FourcadeC BauninG DurandJP SenacJJ Railhac

Résumé. – Les masses médiastinales représentent un vaste ensemble de tumeurs et de pseudotumeurspouvant intéresser les divers compartiments du médiastin. Les auteurs proposent une approche diagnostiqueradiologique partant du cliché thoracique simple avec l’étude des lignes médiastinales et du transitœsophagien pour aboutir aux classifications que permet l’imagerie moderne avec la tomodensitométrie etl’imagerie par résonance magnétique. La démarche proposée se compose des neuf lignes médiastinales et desdeux « fils d’Ariane » que sont les compartiments où siègent les masses et les comportements qu’elles affichenten tomodensitométrie (densitométrie avant et après bolus iodé) et en imagerie par résonance magnétique(T1, T2, T1 gadolinium). Le diagnostic étiologique final peut être apporté par la chirurgie mais aussi, danscertains cas, par ponction-biopsie percutanée.© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Les masses médiastinales sont, depuis longtemps, un problème« central » en imagerie thoracique. La littérature est abondante à leursujet. La tomodensitométrie (TDM) et l’imagerie par résonancemagnétique (IRM) ont fait faire des progrès certains quant à leurapproche ainsi que le développement de la ponction-biopsiethoracique (PBT) guidée. Nous nous proposons de faire unesynthèse de ces acquis récents et de mettre en avant une démarchequi s’appuie sur la connaissance de l’anatomie du médiastin, de seslignes et bords et sur les deux « fils d’Ariane » que sont lecompartiment où elles siègent et le comportement qu’elles affichenten TDM et IRM.

Définition

On appelle médiastin l’espace central du thorax compris entre lesdeux ensembles pleuropulmonaires à droite et à gauche et l’orificed’entrée cervicothoracique en haut, et l’orifice de sortiethoracoabdominal interphrénique ou espace inframédiastinalpostérieur en bas.C’est un espace vaste, de forme ovoïde, qu’il faut comprendre dansles plans frontal-sagittal (radiographie thoracique face et profil, IRM,TDM spiralée en reconstruction), mais aussi axial transverse (TDM,IRM). C’est donc bien un volume qu’il faut saisir en trois dimensions(3D). On le divise en divers sous-compartiments (fig 1).

Nicolas Sans : Praticien hospitalier.Jacques Giron : Praticien hospitalier.Pierre Fajadet : Praticien hospitalier.Denise Galy-Fourcade : Praticien hospitalier.Christiane Baunin : Praticien hospitalier.Jean-Jacques Railhac : Praticien hospitalier.Unité d’imagerie thoracique, pavillon J Baudot, centre hospitalier universitaire Purpan, 31059 Toulousecedex, France.Gérard Durand : Praticien hospitalier.Jean-Paul Senac : Praticien hospitalier.Centre hospitalier universitaire Arnaud de Villeneuve, 555, route de Ganges, 34295 Montpellier cedex 5,France.

Ses bords latéraux sont limités par les replis pleuropulmonaires àdroite et à gauche. L’affrontement de densité entre l’air pulmonaired’un côté et les organes et la graisse du médiastin de l’autredétermine, par le « signe de la silhouette », ses contours : ceux ducœur avec deux arcs à droite et trois arcs à gauche et ceux dumédiastin supérieur au-dessus. Ces affrontements de densitéconstituent les fameuses lignes du médiastin (cf infra). Ces lignespeuvent être déplacées, déformées ou effacées par une tumeurmédiastinale.On appelle masses médiastinales tous les processus médiastinauxcréant un effet de masse, qu’il s’agisse de tumeurs développées àpartir d’organes médiastinaux (ou de ganglions) ou depseudotumeurs liées essentiellement aux ectasies vasculaires,notamment aortiques.Les pseudotumeurs du médiastin constituent un ensemblehétérogène d’affections développées dans le médiastin ou à soncontact, responsables d’une déformation permanente, d’étenduevariable, de ses contours. La définition exclut les tumeurs primitives,développées à partir du tissu médiastinal, des vestiges thymiques,des reliquats embryonnaires, ou les tumeurs issues des organes quisiègent dans le médiastin.Le rôle du radiologiste est fondamental car les pseudotumeursmédiastinales et les tumeurs bénignes peuvent avoir une expressionclinique latente et sont fréquemment découvertes sur desradiographies thoraciques systématiques.

Affirmer le diagnostic de massemédiastinale avant la TDM(sémiologie médiastinaleen radiographie thoracique)

Avant la TDM, l’« imagier » dispose d’« instruments » simples quivont de la radiographie thoracique simple au transit œsophagien(TO) et à l’échographie. Mais il doit disposer aussi d’« instrumentsconceptuels » venant des bases anatomiques lui donnant une

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Sans S, Giron J, Fajadet P, Galy-Fourcade D, Baunin C, Durand G, Senac JP et Railhac JJ. Approche diagnostique des masses médiastinales. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiqueset Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Radiodiagnostic — Cœur-Poumon, 32-535-D-10, 2000, 18 p.

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représentation en volume 3D de l’espace étudié : les compartiments,le « fil à plomb » œsophagien et les lignes médiastinales.

CLICHÉ STANDARD

Le plus souvent, une tumeur médiastinale est mise en évidence surles clichés standards du médiastin de face et de profil. Il arrivequ’elle ne soit visible que de profil, notamment si elle est strictementrétrosternale. Ceci est alors une exclusivité du profil. Il arrive enfinque ni la face, ni le profil ne permettent de la soupçonner mais ceciest rare et reste une exclusivité de la TDM. De face, il s’agit d’uneopacité de densité hydrique le plus souvent homogène, à limiteexterne nette et continue, convexe vers le poumon, se raccordant enpente douce avec le médiastin, à limite interne invisible car noyéedans le médiastin. Ce syndrome de masse pousse, refoule, effaceune ou plusieurs des lignes du médiastin, permettant ainsi de lalocaliser, ce qui représente déjà une approche du diagnosticétiologique. Le cliché de profil permet la localisation dans l’un destrois compartiments du médiastin (fig 2).D’autres signes sémiologiques permettent également de localiser cesopacités [10] :

– signe de la silhouette ;

– signe du défilé cervicothoracique ;

– signe de la convergence du hile ;

– signe du recouvrement du hile.Par ailleurs, les clichés standards peuvent montrer des signesassociés, tels un épanchement pleural, une lyse osseuse de voisinage,une atteinte parenchymateuse pulmonaire.

Les clichés numérisés (plaques phosphorescentes, sélénium etc)possèdent une résolution en contraste optimale pour l’étude dumédiastin et de ses lignes. Certaines incidences complémentairespeuvent enrichir la sensibilité diagnostique de la radiographie : lesmanœuvres de Valsalva et de Müller, ainsi que les clichéscomparatifs pratiqués en positions debout et couché, modifient lataille des structures veineuses médiastinales ; la moyenne tensionétudie les structures osseuses ou recherche des calcifications.On ne tient pas compte d’un élargissement médiastinal sur un clichécouché puisque, dans cette position, l’élargissement estphysiologique et lié à la technique. Une inclinaison à 45°, pour lemoins, chez le traumatisé est nécessaire, avant d’affirmer unélargissement qui pourrait orienter vers un hémomédiastin et unéventuel traumatisme avec rupture partielle aortique [30] (fig 3).Une déviation de la trachée est un signe d’intérêt. On la rechercheaussi sur le profil. Mais un simple déroulement de la crosse aortiquechez le sujet âgé peut provoquer une déviation vers la droite de latrachée basse, paraphysiologique.De même, parmi les divers débords latéraux du médiastin, on sesouvient que l’élargissement du médiastin supérieur droit peut êtresimplement lié, chez le sujet âgé, à une ectasie du tronc artérielbrachiocéphalique droit déroulé et déformé en « chandelier ».L’incidence latérale peut confirmer la topographie rétrosternale maisau niveau trachéal de ce processus vasculaire artériel, alors qu’uneectasie veineuse serait plus antérieure.Les débords médiastinaux antérieurs au niveau des hiles sont àdistinguer par le signe du recouvrement hilaire d’une véritabletumeur hilaire ou d’un gros hile vasculaire. Cette sémiologie estparfois délicate et le cliché de profil peut permettre de progresser en

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2-3 Compartiment médiastinal antérieur 4 - Compartiment médiastinal moyen

5 - Compartiment médiastinal postérieur

2 - espace rétrosternal3 - angles cardiophréniques

1-6-7-8 Limite du médiastin

1 - dérivé cervicothoracique6 - espace intramédiastinal postérieur7 - hiles8 - ligaments triangulaires

4 - région para-trachéo-œsophagienne 41 - crosse azygos 42 - région sous-carinaire 43 - fenêtre aortopulmonaire 44 - région azygo-œsophagienne

5 - gouttière costovertébrale

limites des étages : supérieurmoyen, inférieur

En médaillonLimites des compartiments médiastinaux

en TDM

2 - antérieur, prévasculaire4 - moyen, para-trachéo-œsophagien5 - postérieur, paravertébral

1 Compartiments du médiastin.

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situant l’opacité en territoire antérieur et non pas au hile. Il vautmieux parler d’opacité en « projection hilaire » quand les signes deconvergence ou de recouvrement ne sont pas évidents (fig 2).

C’est seulement sur le cliché de profil qu’une masse rétrosternale,thymique par exemple, peut se révéler alors que le cliché de faceparaissait normal. Il peut en aller de même pour des opacités situéesdans les gouttières costovertébrales postérieures. C’est ainsi qu’ilfaut savoir qu’il existe des « exclusivités » du profil. Il faut restaurercette incidence latérale quelque peu délaissée aujourd’hui [8].

Aux deux extrémités du médiastin (défilé cervicothoracique etespace inframédiastinal postérieur), le silhouettage par l’airpulmonaire peut orienter en créant le « signe du défilécervicothoracique » et le « signe de l’iceberg » de Felson. À la base,une opacité totalement entourée d’air est intrathoracique(intrapulmonaire ou dans le ligament triangulaire pulmonaire), alorsqu’une masse thoracoabdominale n’a que son dôme entouré d’air etse perd en sous-phrénique. Au sommet, les masses médiastinalessupérieures antérieures ne sont pas entourées d’air alors que lesmasses totalement entourées d’air sont nécessairement supérieureset postérieures puisque l’apex pulmonaire est très postérieur. C’estle cas des neurinomes du défilé cervicothoracique, à l’opposé desgoitres plongeants (fig 4).

L’apport des clichés conventionnels est important pour le diagnosticpositif ainsi que dans la localisation de la tumeur.

Toutefois, certaines localisations médiastinales, telles la loge deBaréty, la région sous-carinaire, la fenêtre aortopulmonaire, sont peuparlantes en radiologie classique. De plus, le caractère tumoral de la

lésion est difficile à affirmer, l’extension lésionnelle souvent sous-estimée et l’étiologie exceptionnellement approchée (dent visible ausein d’une opacité médiastinale antérieure en rapport avec untératome bénin).

« FIL À PLOMB » ŒSOPHAGIEN

L’espace médiastinal est le siège du cœur et des gros vaisseaux dansses compartiments moyens et inféroantérieurs. Il est aussi une voiede passage pour l’axe aérodigestif dans son compartiment moyende haut en bas. On retient que trachée et œsophage sont le « fil àplomb » du médiastin. Ce « fil à plomb » peut être déplacé par unetumeur du médiastin, d’où l’intérêt des clichés avec opacification del’œsophage ou TO.

Le TO était un examen autrefois indispensable dans les bilans deslésions médiastinales moyennes et postérieures. Ses indications ontnettement diminué au profit de la TDM (fig 5). Un niveauhydroaérique médiastinal visible en radiographie thoracique deprofil en territoire moyen et inférieur est confirmé comme étant dûà une hernie hiatale par un TO simple.

Le TO reste toutefois un examen de base en cas de néoplasieœsophagienne pour préciser en particulier l’extension en hauteur,l’existence d’une double localisation, dans le cadre du biland’opérabilité.

Il renseigne en cas de doute entre une lésion extraœsophagienne etune lésion de la paroi œsophagienne : quand une massemédiastinale nettement latéralisée attire l’œsophage vers elle ou nele refoule pas, l’origine du processus est pariétale (léiomyome,

2 Tératome mature du médiastin antérosupérieur gauche.A. Radiographie thoracique de face : signe du recouvre-ment hilaire (flèches).B. Radiographie thoracique de profil : opacité dans l’es-pace clair rétrosternal avec ponctuation calcique (flèche).C, D. Tomodensitométrie : tératome bien limité compre-nant des zones graisseuses (grosse flèche) et des zones« calciques », en l’occurrence : une dent (petites flèches).

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duplication digestive, kyste antérogénique intramural). Unprocessus extraœsophagien refoule l’œsophage. Cette sémiologie aété précisée par Felson.

En cas de processus volumineux, il apparaît parfois difficile, mêmeen TDM, de situer l’œsophage ; le TO, dans ces conditions, renseignerapidement sur l’état de ce dernier.

Enfin, le transit aux hydrosolubles (l’Hytrast ayant disparu…) peutêtre réalisé pendant les coupes TDM (TO-TDM). Ceci permet, en casde suspicion de complications, de rechercher une fistuleœsotrachéale, œsobronchique, œsopleurale, voire de préciser untrouble de la déglutition.

COMPARTIMENTS

En dehors du « fil à plomb » œsophagien, il existe un autre axevertical du médiastin qui est un double axe vasculaire : l’aortedescendante en arrière jouxtant la gouttière costovertébrale gaucheet la veine cave supérieure en avant, à droite et en avant de latrachée.

Les vaisseaux dessinent aussi un axe horizontal, antéropostérieur :la crosse de l’aorte à gauche et la crosse de l’azygos à droite.

Ces deux crosses déterminent l’étage des crosses (T4-T5) quicloisonne le médiastin droit et gauche en étages sus- et sous- parrapport à cet étage des crosses.

Enfin, à l’étage moyen horizontal, de chaque côté le médiastin seprolonge en pédicule pour chaque poumon avec l’artère pulmonaireet la bronche souche qui pénètrent et les veines pulmonaires quisortent des hiles. L’artère pulmonaire droite reste prébronchique etdonne sa branche lobaire supérieure dans le médiastin (artèremédiastinale supérieure droite) alors que l’artère pulmonaire gaucheenjambe la bronche souche gauche et ne se divise qu’au-delà duhile.

Au total, on peut diviser l’espace médiastinal en plusieurscompartiments.

Felson le fait en traçant deux horizontales par la crosse aortique etles veines pulmonaires inférieures et deux verticales par le bordantérieur de la trachée et le bord antérieur du rachis [4].

Il délimite ainsi neuf compartiments dont trois sont occupés par lecœur (fig 1). Heitzman [12] le fait en préférant délimiter descompartiments plus spécifiques quant à leur abord chirurgical ouleurs particularités pathologiques (type de tumeur rencontré).

Les deux façons de procéder se recoupent. Dans chaquecompartiment, les tumeurs rencontrées peuvent être liées au« contenu » du territoire ou au « contenant ». Par exemple, le thymusou des adénomégalies (qui sont ubiquitaires dans divers territoires)dans le médiastin antérosupérieur, appelé aussi l’espace rétrosternalet prévasculaire, et à l’opposé des tumeurs issues des parois mêmesdu territoire comme un kyste bronchogénique dans l’espace sous- etrétrocarinaire, appelé aussi médiastin moyen-moyen.

Beaucoup de ces territoires ou compartiments médiastinauxconstituent des loges ganglionnaires médiastinales et la tumeur quiy est développée peut alors être une adénopathie lymphomateuse,cancéreuse, infectieuse... Les groupes ou loges ganglionnaires ontété décrites par les anatomistes comme Rouvière ou des clinicienscomme Bariéty [1] et ont reçu récemment une numérotation parlocalisation par l’American Thoracic Society (ATS) [15] (fig 6). Uneloge particulière est constituée par la fenêtre aortopulmonaire entrecrosse aortique au-dessus et artère pulmonaire gauche enjambant labronche souche gauche au-dessous.

Dans cette fenêtre se situe le reliquat qu’est le ligament artériel quisépare l’espace ganglionnaire médial nommé 4 L de l’espaceganglionnaire latéral nommé 5, lequel se prolonge en haut vers lemédiastin antérosupérieur gauche où se situe le groupeganglionnaire 6. Dans cette fenêtre, sous l’arche aortique, passe lenerf récurrent gauche. Celui-ci n’est pas visible, ni en TDM, ni enIRM, mais le radiologue doit connaître son existence car un

neurinome peut se développer à ses dépens. Le ligament artériel esten revanche visible en TDM s’il est calcifié et toujours en IRM enséquence bien pondérée en T1. La visualisation de ce ligamentartériel par IRM peut être de grand intérêt lors des bilanspréopératoires des cancers bronchopulmonaires gauches.

3 Rupture partielle aortique calcifiée20 ans après le traumatisme thoracique.

A. Radiographie thoracique de face :liseré calcique plus large que le bou-ton aortique normal.B. Tomodensitométrie : anneau calci-que isthmique.C. Imagerie par résonance magnéti-que : déformation séquellaire isthmi-que et sus-isthmique.

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La loge de Baréty est un autre exemple de loge ganglionnaire dumédiastin. Elle occupe le bord antérodroit de la trachée et se situedans le médiastin antérosupérieur droit. Les ganglions de cette logesont nommés 4 R et 2 R par l’ATS.À côté des possibilités tumorales venant du « contenu » et du« contenant », il faut se rappeler qu’une tumeur peut venir d’ailleurset « glisser » d’un territoire à l’autre. C’est le cas notamment desthymomes qui sont souvent plexiformes et peuvent venirs’« accoucher » en bas en latérocardiaque droit et sus-phrénique.La compréhension du médiastin par compartiments et loges nerelève pas d’un « caprice anatomiste » mais permet d’asseoir unedémarche diagnostique devant une masse médiastinale [22].

LIGNES DU MÉDIASTIN

On distingue classiquement les lignes vraies (air/air) et les bords(organe/air). Elles ont été particulièrement étudiées par Heitzmanet Rémy [12, 19]. Elles sont au nombre de neuf (fig 7).Leur démonstration en TDM (la même démonstration en IRM estpossible) est éducative et permet de comprendre leurs mécanismesde formation, les raisons de leurs inconstances et leurs altérations

par les masses du médiastin. Ces lignes sont un reflet remarquablede l’anatomie interne du compartiment médiastinal concerné. À cetitre, leur identification sur le cliché simple doit être systématique. Ilfaut bien sûr pour cela que le cliché simple soit de qualité(radiographie thoracique en haute tension ou numérisée). Uneanomalie au niveau des lignes médiastinales sur le clichésimpleconstitue une excellente indication pour un examen TDM ouIRM. L’absence d’une ligne médiastinale n’est pas nécessairementpathologique car elles ne sont pas toutes constantes et leur fréquenceest variable chez le sujet normal. Les plus constantes sont les lignesaortique, aortopulmonaire et azygo-œsophagienne.Bien que ces lignes médiastinales soient aujourd’hui bien connues,il ne nous paraît pas inutile de les resituer dans ce texte de démarchediagnostique.

¶ Ligne médiastinale postérieureElle est créée par la jonction des languettes postérieures pulmonairesen avant du rachis, en arrière de l’œsophage, en inspiration forcée(fig 8).Elle se dessine en V ouvert en haut, au-dessus du manubriumsternal. Elle est très inconstante (15 %) ; entre autres, une lipomatose

4 Neurofibrome du défilé cervicothoracique.A. Radiographie thoracique de face : signe du défilé cervicothoracique.B. Radiographie thoracique de profil : topographie supéropostérieure de type neu-rologique de la masse.

C. Tomodensitométrie : densité tissulaire, bords nets.D. Échographie : échogénicité faible sans renforcement postérieur.

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5 Duplication œsophagienne.A. Radiographie thoracique de face : opacité sous-carinaire (flèche).B. Radiographie thoracique de profil : opacité située dans le médiastin moyen(flèches).C. Transit œsophagien : opacité au contact de l’œsophage et ne le déplaçant pas(flèche).D. Tomodensitométrie : contact intime avec l’œsophage, densité intermédiaire(entre liquide et tissu).E, F. Imagerie par résonance magnétique : topographie médiastinale latéro-œsophagienne droite repoussant la veine azygos, hypersignal en pondération échode spin (SE)-T2 témoignant d’un contingent liquide, faible captation de gadoli-nium en SE-T1.

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modérée empêche sa constitution (non-accolement des languettes).Son effacement est produit par les masses du médiastin postérieur« haut ».

¶ Ligne médiastinale antérieure

Elle est créée par le contact des languettes antérieures en arrière dusternum. Dessinée en V ouvert en haut, elle affleure au manubriummais ne le dépasse pas vers le haut à la différence de la lignepostérieure. La lipomatose peut empêcher sa constitution et soneffacement est produit par les masses du médiastin antérieur (fig 9).

¶ Ligne paratrachéale droite

Le récessus rétrotrachéal est dû à l’insinuation d’une languettepulmonaire en arrière de la trachée au niveau du défilécervicothoracique (fig 10).

Ligne 3Ligne 6

Ligne 1

Ligne 8

11R

8R 8L

Ligne 4

Ligne 5

Ligne 7

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2 R

4R

10R

10L

4L

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Trachée Œsophage

Artèrebrachiocéphalique sous-clavière

Artère

Veine azygos

Ligne 2

6 Ganglions médiastinaux : carte American Thoracic Society.Côté droit :ligne 1 : sommet de l’arche thoracique. Les ganglions latérotrachéaux supérieurs à cetteligne sont classés 2R.ligne 2 : niveau de l’arche azygos. Les ganglions latérotrachéaux entre ligne 1-ligne 2 sontclassés 4R.ligne 3 : niveau de la bronche souche à l’origine de la bronche lobaire supérieure. Les gan-glions latérobronchiques droits sous la ligne 2 et au-dessus de la ligne 3 sont classés 10R (outrachéobronchiques droits). Ceux situés le long des bronches lobaires en position latéraleou distale par rapport à la ligne 3 sont classés 11R (intrapulmonaires). Les ganglions à 3 cmsous la carène et adjacents à l’œsophage ou dans le ligament pulmonaire droit sont appelés8R (paraœsophagiens droits).Côté gauche :ligne 4 : sommet de l’arche aortique. Les ganglions paratrachéaux au-dessus de cette lignesont nommés 2L (paratrachéaux supérieurs gauches).ligne 5 : niveau carinaire.ligne 6 : sommet de la crosse de l’artère pulmonaire gauche. Les ganglions latérotrachéauxgauches entre la ligne 4 et 5 sont nommés 4L (paratrachéaux inférieurs gauches). Les gan-glions situés dans la fenêtre aorticopulmonaire en latéral par rapport au ligament artérielsont classés 5 et ceux qui sont médiaux sont 4L. Entre la ligne 7, analogue à la ligne 3 du côtédroit, situés à la division de la bronche principale gauche, on trouve des ganglions entre ca-rène et origine de la bronche lobaire supérieure qui sont classés 10L (péribronchiques gau-ches). De façon symétrique par rapport au côté droit, les ganglions latéro-œsophagienset intraligamentaires à partir de 3 cm sous la carène sont nommés 8L (paraœsophagiens gau-ches).Au centre : les ganglions dans la région sous-carinale entre les « jambes bronchiques » sontclassés 7 (sous-carinaires). La limite inférieure en est la ligne 8 placée à 2 cm sous la carène.Non représentés : les ganglions antérieurs médiastinaux numérotés 6 sont pré- et latéro-aortiques puis latéraux par rapport aux vaisseaux de la gerbe.

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7 Schéma global des li-gnes médiastinales.1. Ligne médiastinale posté-rieure ; 2. ligne médiasti-nale antérieure ; 3. ligne pa-ratrachéale droite ; 4. ligneparaœsophagienne supé-rieure ; 5. ligne para-azygos ; 6. ligne para-œsophagienne antérieure ;7. ligne para-aortique (etpara-sous-clavière gau-che) ; 8. ligne paraverté-brale droite et gauche ; 9. li-gne aortopulmonaire.

8 Ligne médiastinale postérieure (tumeurs de l’œsophage, tumeurs de la thyroïde,médiastin postérieur : neurinome, anévrisme de l’aorte, tumeurs vertébrales, média-stinites, adénopathies).

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C’est lui qui crée cette ligne à différencier de la bande trachéalepostérieure du cliché de profil. Il n’y a pas de ligne homologue àgauche du fait des vaisseaux de la gerbe.

Présente dans 50 % des cas, son effacement évoque une tumeur del’œsophage, son déplacement évoque une tumeur trachéale oupulmonaire.

¶ Ligne paraœsophagienne supérieure

Elle est rare (10 %) car sa formation nécessite un « moulage » dubord droit de l’œsophage par le poumon droit. Elle s’inscrit dans latrachée selon un trajet concave à droite, rejoignant en bas la lignepara-azygos au niveau de T4-T5.

Cette ligne est effacée par les tumeurs œsophagiennes, lesadénopathies, les goitres (fig 11).

¶ Ligne para-azygos

C’est la crosse azygos qui, moulée par le poumon, en estresponsable. La TDM montre la crosse de façon spectaculaire et cecirepère le plancher de la loge de Baréty. Le déplacement de cetteligne assez fréquente (35 %) est bien sûr lié essentiellement auxadénomégalies 4 R, 7 (fig 12).

¶ Ligne paraœsophagienne inférieure

De la carène jusqu’au diaphragme existe un récessus azygo-œsophagien du poumon droit qui peut aller même jusqu’au contactde son homologue gauche (ligne médiastinale postérieure).Cette ligne est quasi constante (85 %) et explique la différence detransparence des moitiés droite et gauche des somma vertébrauxdorsaux (fig 13).Elle est oblique en bas et à gauche, plus ou moins en S. Sesdéplacements sont liés aux tumeurs œsophagiennes, aux hernieshiatales en bas, aux adénopathies sous-carinaires en haut.

9 Ligne médiastinale antérieure (goitre endothoracique, tumeur thymique, tératome,adénome parathyroïdien, kyste pleuropéricardique, médiastinites, hématome,adénopathies).

10 Ligne paratrachéale droite (tumeurs de l’œsophage, trachéale, pulmonaire).

11 Ligne paraœsophagienne supérieure (tumeur de l’œsophage, goitres, médiastini-tes, hématomes, adénopathies).

12 Ligne para-azygos (adénopathies de la loge de Baréty, adénopathies précarinai-res hautes, ectasie azygos, lobe azygos).

13 Ligne paraœsophagienne inférieure (tumeur de l’œsophage, hernie hiatale [enbas], adénopathies sous-carinaires [en haut], épanchement pleural droit, dilatationde l’oreillette gauche).

14 Ligne para-aortique et para-sous-clavière gauche (anévrisme de l’aorte [segmentIII] b).

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Le plus souvent, on décrit une seule et même lignepara-azygo-œsophagienne.

¶ Ligne para-aortique

Elle est toujours visible en haute tension et borde l’aorte de la crossejusqu’à T11. Son déplacement évoque un anévrisme. Elle estprolongée en haut par la ligne para-sous-clavière gauche (fig 14).

¶ Ligne paravertébrale

À droite et à gauche, la réflexion de la plèvre sur les tissus mousparavertébraux crée cette ligne dans 35 % des cas, surtout du côtédroit (fig 15).

Un effacement et/ou déplacement latéral externe de cette ligne estproduit par la pathologie costovertébrale ou par les épanchementsmédiastinaux. En décubitus dorsal, un épanchement pleuralabondant peut faire se déplacer le poumon et donc cette ligne versl’extérieur, si l’épanchement concerne la plèvre médiastinale.

¶ Ligne aortopulmonaire

Elle relie le bouton aortique à l’artère pulmonaire gauche parréflexion du poumon gauche sur la graisse de la fenêtreaortopulmonaire. Felson l’appelle « ligne péricardique gauche ».Cette ligne est déplacée par les tumeurs de la fenêtreaortopulmonaire et parmi elles les adénopathies sont les plusfréquentes. Elle ne doit pas bomber en dehors sur le cliché simple.

ÉCHOGRAPHIE

Le médiastin de l’adulte se prête mal à l’exploration ultrasonore parvoie externe, en raison de l’étroitesse des fenêtres acoustiques.Cependant, dans certaines situations cliniques, le recours à unexamen ultrasonore avec des sondes de 3,5 ou 5 MHz est utile [7]. Lemédiastin est abordé par trois grandes voies : la voie sus-sternalepermet l’exploration en coupes frontales et sagittales du médiastinsupérieur ; les voies parasternales droite et gauche associées audécubitus latéral permettent d’explorer la loge médiastinaleantérieure et le cœur ; la voie abdominale récurrente sous-costalepermet une exploration transdiaphragmatique utile pourl’exploration des masses des angles cardiophréniques.Chez le petit enfant, l’étude des masses médiastinales est faite paréchographie, notamment pour les hypertrophies thymiques (fig 16).Chez le jeune enfant, le couple d’examens utiles est la radiographiethoracique et l’échographie alors que chez l’adulte, le couple est faitde la radiographie thoracique et de la TDM [28].Chez l’adulte, la pratique de l’échographie transœsophagienne estutile pour les pseudotumeurs aortiques (anévrismes outraumatismes ou encore dissections). Elle peut être couplée audoppler-couleur. On peut l’utiliser aussi pour l’étude des massesœsophagiennes avec fibroscopie œsophagienne et pour l’étude del’envahissement œsophagien d’une tumeur de voisinage ou d’uncancer bronchique étendu au médiastin [20] dans un bilan préalable àune éventuelle intervention.

DIVERS

De façon plus anecdotique, d’autres moyens d’imagerie peuvent êtreutiles : scintigraphie pour identifier un goitre, surtout si ectopique,mais en sachant que plus de 30 % de ces goitres plongeants et/ouectopiques sont peu fonctionnels et ne « fixent » pas ; scintigraphie

15 Ligne paravertébrale droite et gauche (pathologie costovertébrale, adénopathiepostérieure b).

16 Hypertrophie thymique.A. Radiographie thoracique de face : débord médiastinal supérieur avec le signe de la « voile latine ».B. Échographie : le tissu thymique « normal » est homogène échographiquement et ne repousse ni ne dévie les vaisseaux de la gerbe.

*A *B

17 Scintigraphie au mé-thoxy - isobutyl - isonitrile(MIBI) : localisation d’unadénome parathyroïdienectopique médiastinal.

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au méthoxy-isobutyl-isonitrile (MIBI) pour localiser un adénomehyperparathyroïdien (fig 17) ; angiographies pour lespseudotumeurs vasculaires ou pour une cartographiepréchirurgicale des masses et de leurs rapports anatomiques.

Écarter les faux diagnostics de massemédiastinale

Le rôle du radiologiste consiste tout d’abord à affirmer la nature à lafois médiastinale et tumorale du processus observé. Ce n’est pastoujours facile, du moins à l’étape du cliché simple. Les fauxdiagnostics relèvent des tumeurs pulmonaires, des épanchements etdes médiastinites.

TUMEUR D’ORIGINE PULMONAIRE

Une tumeur d’origine pulmonaire présentant une extensionmédiastinale peut donner le change. On retient, pour l’originepulmonaire, la présence de zones de troubles ventilatoires avecbronchogrammes et le sens de la déformation et du déplacement(médial vers le médiastin) de la plèvre médiastinale. Ce genre deproblème se pose parfois devant de volumineux cancers bronchiquesanaplasiques à petites cellules dont la part médiastinale (aspecttissulaire en « nappe ») peut être prédominante, voire entraîner unsyndrome cave (fig 18).

ÉPANCHEMENTS MÉDIASTINAUX

Il faut savoir les reconnaître et les différencier des massesmédiastinales.Les épanchements liquidiens sont le plus souvent localisés etcloisonnés au voisinage de leur « cause » d’origine.Il peut s’agir de collection rétrosternale après chirurgie parsternotomie, paranormale les premières semaines, elle peut êtresignificative ultérieurement, ou encore de collection latéro-œsophagienne après perforation iatrogène de l’œsophage(dilatations) ou non (diverticule de Zunker, néoplasie œsophagienne,ganglion tuberculeux chez l’enfant...).L’œsophage peut servir d’axe de propagation d’une infectiondescendante dans les médiastinites nécrosantes descendantespropagées depuis une angine de Ludwig ou des complicationsd’extraction dentaire.Les caractères sémiologiques sont ceux d’une opacité « hydrique »sur le cliché simple, souvent difficile à percevoir car de faiblevolume. Le profil peut aider à identifier l’opacité par la création delignes de tangences avec les commissures pulmonaires postérieures(droite surtout).En TDM, le diagnostic est plus aisé. L’opacité est de densitéhydrique et seule sa périphérie se rehausse après injection deproduit iodé quand il y a collection. Un drainage percutané peutêtre réalisé sous guidage TDM. Après drainage, un niveauhydroaérique peut exister. Sans drainage préalable, la présence d’unniveau liquide ou de bulles gazeuses au sein de la collection a unevaleur péjorative en faisant évoquer des germes anaérobies, unegangrène gazeuse ou encore une perforation œsophagienne. Dans lesyndrome de Boerhaave, la rupture œsophagienne lors desvomissements se fait au voisinage de l’orifice diaphragmatique, leplus souvent sur le bord gauche, et entraîne la constitution d’unecollection médiastinale et d’un épanchement sous- et extrapleuralbasal gauche. La fuite aérique peut remonter le long de la gaineœsophagienne (signe de Mingerota) ou être plus diffuse (fig 19).

MÉDIASTINITES CHRONIQUES

On rapproche des épanchements les médiastinites chroniquesdevenues plus ou moins fibreuses, voire calcifiées, de la tuberculose,de l’amyloïdose ou postradiques (fig 20). Sur le cliché simple, on

19 Syndrome de Boerhaave (rupture œsophagienne).A. Radiographie thoracique de face : collection médiastinale et épanchement sous-et extrapleural basal gauche. Pneumomédiastin le long de la paroi œsophagienne (tê-tes de flèche).B. Tomodensitométrie avec transit œsophagien : fuite aérique en « chapelet », épanche-ment pleural, collapsus pulmonaire (flèches).

*A

*B

18 Cancer bronchique àpetites cellules (anaplasi-que) à développement mé-diastinal simulant une tu-meur du médiastin (dia-gnostic par ponction percu-tanée sous tomodensi-tométrie).

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note un élargissement du médiastin, notamment supérieur etlatérotrachéal droit. En TDM, on recherche la compression parfibrose de l’arbre trachéobronchique, de l’œsophage, de la veine cavesupérieure, voire des artères et veines pulmonaires. La présence decalcifications au sein d’un processus de densité tissulaire, serehaussant de façon variable, peut orienter le diagnostic.

Parfois, aucune étiologie n’est retrouvée. Une origine auto-immuneest invoquée lorsqu’un autre processus fibrosant existe ailleurs(fibrose rétropéritonéale, thyroïdite de Riedel, cholangitesclérosante...). En pratique clinique, il faut savoir qu’un syndromecave supérieur à cliché thoracique « normal » peut correspondre àune médiastinite chronique (tuberculose, amylose radique ouidiopathique...).

Démarche étiologique

Une fois affirmée la nature médiastinale et tumorale du processus,se pose le problème de son étiologie.

BIOLOGIE ET CLINIQUE

Elles peuvent être occasionnellement contributives. Cependant,devant une masse du médiastin antérosupérieur chez le sujet jeune,il faut interroger son éventuelle origine embryologique à partir dusac vitellin par le dosage des alpha-fœtoprotéines et des bêta-humanchorionic gonadotropin (hCG). Une éosinophilie et un prurit ouencore un syndrome cave brutal chez le sujet jeune peuvent orientervers un lymphome hodgkinien (ou non).

À l’inverse, dans le cadre d’une myasthénie avérée, l’« imagier » doittrouver (« recruter ») une masse tissulaire, même de petite taille, etceci dans l’espace rétrosternal et prévasculaire correspondant à laloge thymique, mais aussi tout au long des lamespéricardophréniques jusqu’au diaphragme car on sait que la logethymique « vraie » s’étend de haut en bas du médiastin antérieur etque les tumeurs thymiques sont très plexiformes et peuvent« glisser » loin de leur loge « principale ». La cure chirurgicalesystématique, même en l’absence de tumeur en TDM, concerned’ailleurs l’ensemble du territoire rétrosternal, pour les auteursjaponais notamment.

APPROCHE ÉTIOLOGIQUE PAR L’IMAGERIEET L’« IMAGIER »

Notre démarche diagnostique radiologique devant une massemédiastinale est basée sur neuf lignes et deux « fils d’Ariane » :compartiment et comportement [22].

¶ Compartiment où siège la masse

Cela donne une première gamme d’étiologies possibles. Ainsi, lemédiastin moyen est dominé par l’axe trachéo-œsophagien ; lemédiastin antérosupérieur rétrosternal est dominé par la logethymique ; le médiastin postérieur au niveau des gouttièrescostovertébrales est avant tout le siège de tumeurs neurogènes(fig 21) ; l’espace sous- et rétrocarinaire a des tumeurs propres(kystes bronchogéniques, adénopathies, etc) comme le défilécervicothoracique (goitres, neurinomes, etc) ou encore commel’espace inframédiastinal postérieur (adénopathies, lymphomes,neurinomes, etc).

¶ Orientation tissulaire

Le comportement qu’affiche la masse va donner une orientationtissulaire. Le comportement chronodensitométrique après bolus iodéen TDM donne, non pas une caractérisation tissulaire, mais uneapproche des composants tumoraux. Le comportement en IRMaprès gadolinium est voisin mais les composants graisseux (T1) etles composants liquidiens ou nécrotiques (T2) sont mieux approchésencore par cette méthode. De là, naît une autre gamme depossibilités étiologiques qui va restreindre la première, venue dusiège tumoral (compartiment). Idéalement, la superposition des deuxgammes aboutit à une seule solution. Ainsi, un kyste « vrai » est dedensité hydrique (-10 à + 10 UH), ne se rehausse pas et présente uneparoi fine sans cloison de refend. Il obéit à la formule IRM : « T1noir - T2 blanc ». Il se différencie en tous points d’une tumeurkystisée à parois épaisses, irrégulières, à cloison de refend et dont lecontenu se rehausse plus ou moins par zones.De plus, le kyste « vrai » siège dans une zone habituelle ou« compatible » comme les angles cardiophréniques antérieurs ou lemédiastin moyen périœsophagien ou (rarement) la loge thymique.La superposition de ces deux « fils d’Ariane » et l’intersection de cesdeux ensembles d’hypothèses, topographiques et comportementales(TDM-IRM), peuvent faire naître la (ou les) solution(s).

20 Médiastinite tuberculeuse et adénomégalies tuberculeuses.A. Radiographie thoracique de face : débord médiastinal latéral trachéal droit.B. Tomodensitométrie avec injection : tissu médiastinal dense et adénomégalies avec centre hypodense.C. Ponction sous tomodensitométrie (avec voie extrapleurale créée par injections préalables de sérum physiologique) : présence de bacilles de Koch en culture.

*A *B *C

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Mais il faut bien reconnaître cependant que cette démarche avec un« fil d’Ariane » à chaque main n’est pas toujours triomphante. Ellepeut connaître des exceptions... nombreuses :

– une masse peut ne pas être dans sa topographie habituelle : parexemple, un kyste pleuropéricardique loin de l’anglecardiophrénique ;

– une masse peut subir des modifications trompeuses de densité :par exemple, hémorragie intrakystique ou dépôts de cristaux decholestérol dans un kyste bronchogénique normalement liquidienpur ;

– et si cette masse n’est ni à sa topographie, ni à sa densité, elle vapouvoir égarer le radiologue et causer des surprises : par exemple,un kyste pleuropéricardique de densité haute en latérotrachéal droit(loge de Baréty) ou pire encore, une masse fibromateuse pleuralefaisant « hernie » dans cette loge en provenant de la paroi pleuralemédiastinale.Néanmoins, c’est cette démarche avec deux « fils d’Ariane » quenous adoptons en pratique quotidienne. Pour bien suivre nos deux

« fils d’Ariane », nous nous référons aux compartiments de Felsonou encore aux compartiments plus précis au plan pathologique etchirurgical décrits par Heitzman [12] et Rémy [19]. Ainsi, nousséparons :

– les masses du compartiment médiastinal antérieur : pathologie del’espace rétrosternal et prévasculaire en y incluant le défilécervicothoracique et à l’étage inférieur, la pathologie des anglescardiophréniques antérieurs avec ses franges graisseuses, ses kystespleuropéricardiques ou les thymomes « éloignés » de leur sited’origine ;

– les masses du compartiment médiastinal moyen : pathologie para-trachéo-œsophagienne faite des kystes (fig 22) et des tumeurs du« fil à plomb », ainsi que des adénomégalies disposées autour delui ;

– les masses du compartiment médiastinal postérieur : pathologiedominée par les tumeurs neurogènes.De nos deux « fils d’Ariane », le second est, pour partie, la densité.C’est pourquoi nous proposons une classification des masses

21 Neurinome.A. Radiographie thoracique de face : tumeur à bords nets, postérieure à l’aorte.B. Radiographie thoracique de profil : confirmation de la topographie postérieure.C, D. Imagerie par résonance magnétique : prise de contraste variée et liberté desforamens.E, F. Angiographie intercostale et médullaire en préopératoire.

*A *B

*C *D

*E *F

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médiastinales selon leur comportement densitométrique. Celui-ci està bien connaître du radiologue qui classe les masses médiastinalesselon leur dominante densitométrique en masses graisseuses,liquidiennes, tissulaires, vasculaires ou inclassables.

Remarquons que, paradoxalement, les auteurs américains Moss-Gamsu, Naidich et Zerhouni n’emploient pas le guide descompartiments et ne se basent que sur les densités pour classifier lesmasses médiastinales [2, 16].

22 Kyste bronchogénique sous-carinaire gauche.A. Radiographie thoracique de face : cliché mal pénétré, apparemment normal.B. Radiographie thoracique de profil : masse arrondie en territoire médiastinal moyen (flèche).C, D, E. Imagerie par résonance magnétique : topographie précisée et hypersignal franc en pondération T2-écho de spin (SE).

*A *B

*C *D

*E

Tableau I. – Démarche diagnostique à double entrée : « compartiment-comportement ».

DensitéTopographie

Graisseuse Liquidienne Vasculaire Tissulaire Inclassable outrompeuse

Médiastin antérieur Thymolipome - Kyste thymique- Kyste pleuropéricardique

- Goitre- Adénome parathyroïdien- Thymome

Médiastin moyen - Kyste broncho-neuro-entérique

Ectasies veineuses et seg-ment II aortique

Adénopathies Kyste bronchogénique àdensité élevée

Médiastin postérieur Neurofibrome Méningocèle Anévrisme aorte descen-dante

NeurinomeNeurofibrome

Anévrisme thrombosé

Variable ou diffuse LipomatoseTératome

Kyste hydatique - Paragangliome- Tumeur de Castleman

- Adénopathies- Mélanome- Carcinose-fibrose

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Au terme de cette démarche, la gamme diagnostique s’est resserréeet le type de tumeur est approché. Le tableau I représente cettedémarche à double « entrée ». On peut y adjoindre une autre entrée :le comportement en IRM (en T1, T2, et T1 gadolinium).

¶ Confrontation TDM-IRM [6, 11, 22, 26]

L’IRM distingue mieux les rapports vasculaires et ses plansverticaux lui permettent de mieux examiner la fenêtreaortopulmonaire, la région sous-carinaire, les régionspéridiaphragmatiques...L’IRM peut compenser les limites de la TDM en matière de kystesmédiastinaux « troubles » dont la densité élevée et ne se rehaussantguère lors du bolus est déroutante (tumeur dite « solide » et nontissulaire). L’IRM peut identifier la fibrose (avec des limites) et lescollections hématiques.On peut distinguer, avec Coulomb, quatre types sémiologiquesde tumeurs médiastinales selon l’intensité du signal par rapportà celui de la graisse. Cette classification n’a qu’une valeurindicative en raison du caractère très hétérogène de la plupartdes lésions [5].

– Type A : ces masses présentent un signal élevé sur les séquencescourtes et longues. Il s’agit de masses graisseuses bénignes ou decollections hématiques de plus de 4 jours. Les masses graisseusesmalignes (liposarcomes plus ou moins myxoïdes) sont plus hétérogèneset fort rares (fig 23).

– Type B : ces masses présentent en séquences pondérées en T1 unsignal inférieur à celui de la graisse et sur les séquences pondérées enT2 un signal qui s’élève fortement. Il s’agit de kystes ou de collectionsliquidiennes. Toutefois, il apparaît difficile de différencier une collectionhématique aiguë d’un kyste infecté ou d’une collection suppurée.

– Type C : le signal sur les séquences pondérées en T1 est inférieurà celui de la graisse, il se rehausse sur les séquences pondérées enT2, mais moins que dans le type B. Il s’agit de la plupart destumeurs tissulaires, qu’il est difficile de différencier entre elles. La

nécrose hémorragique donne un hypersignal en séquence courte ;les foyers de suppuration, les kystes non pathologiques, les goitresdonnent un hypersignal en T2. Parfois, on retrouve une associationde tissus pathologiques différents comme dans les tératomes malinsmatures à contenu graisseux et tissulaire. La détection descalcifications est difficile.

– Type D : ces masses ont un bas signal en T1 en raison de laprésence de tissu fibreux. Ceci se retrouve dans les tumeurs à fortcontingent fibroblastique. La spécificité de ce type de signal estélevée et évoque les fibromes pleuraux bénins ou les mésothéliomeslocalisés. Il correspond en TDM à l’aspect dit « solide », ne prenantpas le contraste iodé mais de densité de repos élevée. Les lésionsfibreuses non évolutives présentent un signal de type D assezspécifique, mais selon le degré d’évolution de la fibrose, lediagnostic peut être malaisé puisque la fibrose jeune est immature,c’est-à-dire vascularisée (signal rehaussé sous gadolinium), voireœdémateuse (signal élevé en T2). Le problème de la fibrose jeune seretrouve pour apprécier dans le suivi sous traitement une récidiveou reprise évolutive d’un lymphome.

Dans les lymphomes, l’intérêt de l’IRM réside dans la rechercheperthérapeutique de récurrence d’activité dans une zone traitée.Zerhouni a montré que le signal en T2 s’élève avant mêmel’augmentation de taille dans une zone de récurrence [16]. Lelymphome a un bas signal comparé à la graisse en T1 et devientproche d’elle en T2. Après traitement, le T2 devient moins marqué,inférieur à celui de la graisse. Si le lymphome ne répond pas autraitement, le signal reste élevé. Les corrélationsanatomopathologiques sont bonnes entre les zones de bas signal(fibrose) et les zones de signal maintenu ou réapparu (divisionscellulaires maintenues ou réapparues) quand on se situe à distancedu traitement (au-delà de 3 mois).

Si le traitement est aussi radiothérapique, il faut savoir que, dans les3 mois suivant l’irradiation, la fibrose est immature etœdématovasculaire, donc susceptible de confusions. On peut s’aider,grâce aux séquences ultrarapides modernes, de la captation degadolinium avant la 20e seconde qui serait le fait des tumeursrécidivantes par leurs capillaires néoplasiques à très basse résistanceet grand débit. La ponction-biopsie (guidée par TDM) reste souventindispensable dans les cas douteux. Elle peut être réalisée à l’aiguillefine en plusieurs territoires signalés comme douteux [9].

Les lésions thymiques ont un signal iso-intense comparativement aumuscle et inférieur à la graisse en T1 et proche de celle-ci en T2.Chez l’adulte, dont le thymus subit une involution graisseuse, unepetite masse thymique peut être distinguée de la graisse par un T1ultracourt ou encore une séquence STIR. Un kyste thymique secomporte en kyste en T2 et un thymolipome se comporte en tumeurgraisseuse (T1, T2 élevés). L’hyperplasie thymique reste undiagnostic histologique.

L’IRM s’est imposée pour les tumeurs neurogènes. Il semble que lestumeurs neurogènes aient un comportement analogue quelle quesoit leur localisation : hypersignal net sur les séquences pondéréesen T2 avec des zones de signal élevé en T1 quand il y a de la graisseliée aux gaines myéliniques. Une zone centrale de bas signalpourrait suggérer une dégénérescence neurofibromato-sarcomateuse.Ceci reste à étayer.

L’utilisation d’antennes de surface permet une bonne explorationd’une lésion de la gouttière costovertébrale et de ses rapports avecle foramen et le canal rachidien. L’imagerie T2 permet une meilleureétude de l’extension au plan musculaire, où la tumeur présente unsignal plus élevé que celui du muscle. L’IRM peut donc éviter unemyélographie ou une angiographie complémentaires.

Pour les masses médiastinales, l’IRM apporte des éléments décisifsdans certaines étiologies et dans le suivi post-thérapeutique. Pour lebilan d’extension, l’IRM est supérieure à la TDM, notamment dansles tumeurs envahissant le canal rachidien, celles qui sont au contactdu cœur, à la jonction cervicothoracique ou thoracoabdominale,

23 Lipomatose intrapéri-cardique bénigne (aveccompression et adiastolie).

A, B, C. Imagerie parrésonance magnétiqueen T1-séquence rapi-de.

*A *B

*C

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celles aussi qui siègent dans la bifurcation trachéale, l’apex(syndrome de Pancoast-Tobias) ou près des coupoles.L’IRM devrait s’imposer pour les pseudotumeurs vasculaires(anévrismes, dissections, anomalies des arcs aortiques, etc) même sila TDM à balayage spiralé volumique donne un regain d’intérêt àl’angioscanner par ses reconstructions multiplanaires [14, 17, 21, 23, 25]

(fig 24).

Certitude étiologique

Le problème clé reste celui de la nature maligne ou non des massesmédiastinales.

24 Athérome aortique avec ulcérations.A. Tomodensitométrie injectée montrant l’athérome ulcéré.B. Reconstructions multiplanaires.

*A

*B25 Lymphangiome kystique médiastinal.

A. Radiographie thoracique de face : débord cervicomédiastinal droit mais aussigauche en interaorticopulmonaire.B. Tomodensitométrie injectée : densité liquidienne sans prise de contraste. Onnote la diffusion des éléments kystiques le long des bronches hilaires gauches.C. Ponction sous tomodensitométrie : la ponction est réalisée pour décompres-sion, le diagnostic étant acquis. Elle retire un liquide « eau de roche ».

*A

*B

*C

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PAR L’IMAGERIE

L’affirmation du caractère bénin ou malin est difficile car laspécificité TDM ou IRM reste basse. Mis à part les cas évidentscomme un lymphome très invasif, il n’est souvent pas possibled’affirmer la nature maligne ou (surtout) bénigne sur les seulscritères d’imagerie. Même un aspect kystique pur peut correspondreà une dégénérescence histologique enclose. Cette possibilité nous adonné une autre surprise, parmi les nombreuses surprises que lemédiastin procure régulièrement. Il s’agissait d’une masse kystisée,posée sur la coupole droite, ne se rehaussant quasiment pas et quis’est avérée être à l’intervention un thymome kystique à malignitéenclose.Faut-il regretter d’avoir réalisé un bilan TDM (voire IRM) et de nepas pouvoir conclure ? Certainement pas car le rôle de l’imageriereste, tout autant que l’approche de la nature des massesmédiastinales, celui de réaliser un bilan d’extension préopératoirecomplet : volume, contours, contacts, adhérences, rapportsvasculaires etc. En effet, devant une masse médiastinalediagnostiquée et documentée, l’intervention reste de règle.

PAR PRÉLÈVEMENT : PLACE DE LA PONCTIONPERCUTANÉE (fig 25)

Il convient cependant de savoir reconnaître, par l’imagerie et laponction percutanée guidée, les masses médiastinales dont letraitement n’est pas chirurgical, comme par exemple un lymphomeou encore un thymome invasif dont la résécabilité semble impossible(au vu de l’imagerie) au chirurgien lui-même. Dans ces cas-là, lediagnostic par ponction percutanée prend une place stratégique.C’est ce que nous défendons [9] en collaboration avec des

anatomopathologistes s’aidant de la cyto-immunologie, et c’est ceque défendent les radiologistes interventionnels [3, 13, 18, 24, 27, 29]. Il estcertain que le diagnostic par ponction (PBT) a plus de chances d’êtrefiable devant des masses carcinomateuses (anaplasique,adénopathiesmédiastinales de cancers du sein, des bronches, du rein) ou deslymphomes non hodgkiniens de haut grade. Devant une suspicionde maladie de Hodgkin, limitée à la loge thymique, la PBT doitlaisser la place à un prélèvement plus satisfaisant pour le typagecomplet. Un tel prélèvement peut être apporté par lamédiastinoscopie axiale. Celle-ci explore de façon satisfaisanteseulement les territoires 4 et 2, R et L ainsi qu’une partie du territoire7 (supéroantérieur).

La vidéothoracoscopie (qui nécessite une anesthésie générale) aaccès à presque tous les territoires du médiastin : 6, 7, 8, 9. Aprèstraitement, et notamment après radiothérapie ou après une premièremédiastinoscopie, le chirurgien préfère laisser la place auradiologiste interventionnel et à la PBT. Les limites de la PBT sontcertaines pour ce qui est du typage complet des tumeurs thymiquesdu fait de prélèvements insuffisants en volume. Mais les progrèsrécents de l’anatomocytologie avec immunomarquage sont certainset la PBT peut dorénavant être discutée au coup par coup. Et c’estsur le bilan d’imagerie qu’une prédiction de l’efficacité d’une PBTest basée car ce bilan peut faire prédire la nature carcinomateuse oudu moins « typable » sur un petit fragment de l’affectionmédiastinale. Une autre limite de la PBT pourrait être le fait detopographies dangereuses. L’intérêt du guidage TDM par rapport àla fluoroscopie est de pouvoir donner accès à de telles cibles. Dansces cas, les aiguilles inframillimétriques doivent être préférées. Ainsien est-il des ponctions de la région sous- et rétrocarinaire par voiepostérieure droite et des ponctions médiastinales antérieures

26 Goitre plongeant en « écharpe ».A. Radiographie thoracique de face : débord médiastinal supérieur droit et gauche.B. Radiographie thoracique de profil : opacité rétrotrachéale.C. Imagerie par résonance magnétique : goitre plongeant cervicomédiastinal en « écharpe ».

*A *B

*C

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gauches ainsi que de la fenêtre aortopulmonaire par voieantérolatérale gauche. Ces procédures restent controversées maisnous ont paru légitimes dans le bilan d’un cancer bronchique dulobe supérieur gauche, car la médiastinoscopie axiale n’a pas accèsà ces régions (la pratique thoracoscopique peut réduire cesindications).Les ponctions-biopsies du médiastin ont le même taux decomplications que les ponctions-biopsies des nodules centraux. Pouréviter un pneumothorax, la manœuvre de décollement pleural à laXylocaïnet ou au sérum peut être parfois réalisée et permet deconserver un trajet extrapleural. La voie transsternale est aussipossible. En mettant le cou en hyperextension, une voiesuprasternale avec trajet latérotrachéal (4 et 2, R et L) est aussiréalisable. Ces voies sont encore peu pratiquées mais sont faisablesavec un peu d’habitude et évitent de traverser le parenchymepulmonaire.Le résultat en termes de matériel suffisant ou non est un résultat quidépend pour une part de l’opérateur et de la balistique, mais pourune autre part de la lecture anatomopathologique et cytologique.L’opérateur doit étudier soigneusement l’image après rehaussementpour éviter de prélever hors de la tumeur ou dans une zone tropnécrotique. Il faut choisir une aiguille permettant une lecturehistologique et architecturale. En étudiant les lésions malignes oùles prélèvements cytologiques et histologiques ont pu être réalisésdans notre série, on constate que l’examen cytologique seul avaitapporté le diagnostic de malignité dans plus de 80 % des cas avecun typage dans 65 % des cas.Une collaboration personnalisée entre le radiologiste et lepathologiste est nécessaire. Il faut savoir que même avec de bonsprélèvements et de bons cytologistes, il peut y avoir [1, 12, 15] 20 % devariation entre différents lecteurs ainsi qu’entre la ponction-biopsieréalisée in vivo et les résultats constatés sur autopsie ou piècechirurgicale.Les bons résultats anatomopathologiques se situent à deux niveauxd’intérêts croissants :

– confirmation ou non de la malignité ;

– malignité avec reconnaissance histologique du site anatomiqueprélevé et type cellulaire.Il faut souvent obtenir le deuxième niveau pour éviter desexplorations supplémentaires. L’obtention du typage complet seraitidéale mais est souvent impossible pour des raisonsanatomopathologiques, même avec une bonne biopsie (thymomescomplexes, maladie de Hodgkin etc).

Le volume du matériel prélevé est un élément favorable pourobtenir le deuxième niveau. Mais avec l’aide des marqueurs etl’étude cyto-immunologique détaillée, il peut y avoir « compensationpartielle ».Ainsi, la collaboration étroite avec l’anatomopathologiste est-elle unélément déterminant. Une lecture extemporanée du matériel ramené(suffisant ou non) est utile.

PAR LA CHIRURGIE PREMIÈRE

Quand la suspicion à partir de l’imagerie va vers une massemédiastinale de type bénin ou en tous cas bien encapsulée etvraisemblablement non lymphomateuse, le choix pour le diagnosticétiologique définitif doit aller à la chirurgie première. C’est le casbien évidemment des goitres endothoraciques.Dans certains de ces cas d’aspect bénin, la décision peut être desurseoir à la chirurgie comme devant un vraisemblable kystebronchogénique non compliqué ou encore plus devant un kystepleuropéricardique dans sa topographie latérocardiaque et dans sastructure kystique pure. Néanmoins, le plus souvent, le doutepersiste et la règle reste, devant toute masse tissulaire du médiastin« non classée », d’envisager son diagnostic définitif et son traitementpar la chirurgie.

Conclusion

Les masses médiastinales restent un problème « central » en imageriethoracique. Les progrès apportés par la TDM et l’IRM commencent àêtre intégrés par la communauté médicale. Néanmoins, le point dedépart de l’imagerie est, et restera, le cliché thoracique simple sansoublier son complément : le profil gauche (fig 26). Il faut avoir desinstruments conceptuels basés sur une connaissance intime del’anatomie médiastinale et sur la fréquence et les « gamuts » desdifférents types tumoraux selon les compartiments. L’imagerie permetune démarche diagnostique basée sur les lignes du médiastin et sur lesdeux « fils d’Ariane » que sont le « compartiment » où siège la tumeuret le « comportement » tissulaire qu’elle affiche en TDM et en IRM(fig 27). Il convient de garder une grande modestie pour ce qui est deleur diagnostic définitif et leur abord chirurgical reste le plus souventde mise. Mais pour l’« imagier » thoracique, c’est une grandesatisfaction d’en réaliser le bilan d’extension exhaustif et parfois d’enpercer le mystère anatomopathologique quand il est aussi unradiologiste interventionnel, et sa ponction-biopsie percutanée évite ungeste chirurgical diagnostique inutile.

Figure 27 et Références ➤

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27 Varices œsophagiennes pseudotumorales.A. Radiographie thoracique de face : gros hile droit (ou mauvais cliché) pour ce qui estdu médiastin.B. Tomodensitométrie injectée : « masses » périœsophagiennes prenant le contrastemodérément et tardivement.C, D, E. Imagerie par résonance magnétique (IRM) : la nature vasculaire est évidenteen IRM et on suit les « méandres » des varices périœsophagiennes du diaphragme à latrachée avec le débord hilaire droit.

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*C

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