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Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers Apprendre le français à Nantes : quel parcours pour les personnes ? Retour sur l'atelier du samedi 5 décembre 2015

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Conseil nantais pour la citoyenneté des étrangers

Apprendre le français à Nantes : quel parcours pour les personnes ?

Retour sur l'atelier du samedi 5 décembre 2015

SOMMAIRE

I - Présentation de la démarche .......................................Page 3 à 6

• Pourquoi la Ville a lancé cette démarche ? • Récit de l'atelier • Programme

II - Synthèses des ateliers ..............................................Page 7 à 16

• Atelier «Quand le besoin d’apprendre le français est là, trouver une réponse à Nantes, c’est facile ?»

• Atelier « Ca change quoi dans la vie d'apprendre le français ? »• Atelier « Aller apprendre le français, c'est loin ? »• Atelier « Apprendre le français : images réelles, images rêvées, images du pire»

III - Des témoignages, parcours de vie à Nantes .........Page 17 à 18

• Extraits de témoignages de personnes suivant des cours de français à l'Accoord,exposés lors de la journée

• Récits illustrés par Tanitoc et Guillaume Carreau

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I - Présentation de la démarche

1 - Pourquoi la Ville a lancé cette démarche ?

Cet atelier citoyen est dédié à l'apprentissage et à la maitrise de la langue française.

Le besoin d’apprendre la langue française est primordial. C’est un atout majeur pour l’autonomiesociale, professionnelle et la participation citoyenne des étrangers s’installant à Nantes etsouhaitant vivre pleinement leur ville.

Pour vivre au quotidien dans son quartier, sa ville, travailler, accompagner la scolarité de sesenfants, avoir accès à ses droits, pour toutes ces situations différentes, le français est un besoin.

Les élus de la Ville de Nantes ont souhaité lancer une démarche de Dialogue citoyen afin demieux comprendre le parcours vécu par les personnes confrontées à cette question et lever lesfreins à l’apprentissage du français.

Cet atelier est intitulé « Apprendre le français à Nantes : Quels parcours pour lespersonnes ? ».Il cherche à répondre aux questions suivantes :

- Quel est le parcours d’un Nantais étranger arrivant à Nantes pour un accès à l’offre defrançais ?

- Quelles démarches, quelles ressources, quels obstacles rencontrés ?

Quelques données générales pour mieux cerner la question

Les Pays de la Loire sont la 6ème région d’accueil des étrangers en France, Nantes accueillela majorité des étrangers qui arrivent en Pays de la Loire.

Si l’on considère l’ensemble des étrangers qui arrivent pour séjourner à Nantes, la ville deNantes accueille environ 1700 personnes chaque année qui signent un Contratd'intégration républicaine

Chaque année, ce sont environ 3 500 étudiants étrangers qui arrivent pour leurs études àNantes.

Au recensement de la population de 2012 Nantes comptaient 18 115 étrangers soit 6,2%des nantais.

Les immigrés représentaient environ 24 339 personnes, soit plus de 8,3% de lapopulation nantaise.

2ème région en terme de croissance annuelle de population immigrée (Insee 2012)

4ème région d’accueil des demandeurs d’asile, avec pour l'accueil sur la Loire-Atlantique1397 demandeurs d’asile en 2015 (OFPRA).

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2 - Récit de l'atelier

L'atelier citoyen s'est déroulé le samedi 5 décembre 2015 à la Manufacture des Tabacs à Nantes.

Les participants:Des Nantais, qui un jour dans leur vie à Nantes, ont ressenti le besoin d'améliorer ou de renforcerle français. Ils prennent des cours ou en ont pris, ou finalement n'ont pas été au bout de leurdémarche. L'atelier était ouvert à toute personne individuelle ou association qui s'intéresse à ce thème etsouhaite partager sa connaissance des parcours des personnes. La jauge était limitée à 80 participants pour garantir la participation de tous. Plus de 100 personnesavaient manifesté leur souhait de s'inscrire.

La participation de tous : La diversité des participants forçait une animation adaptée et soucieuse des personnes quiparticipaient pour la première fois dans un cadre institutionnel. Une attention a été également portée à la participation de personnes non ou peu francophones.Aussi, sur indication les personnes pouvaient être tutorées par des personnes bilingues ouinterprètes professionnels.

Répartis en 8 équipes, les participants réalisaient un parcours de 4 ateliers aux formes etthématiques différentes. Ces ateliers se nourrissant les uns les autres, ont permis une contributionvariée, des temps forts de production et des temps de rencontre, d'échanges. Pour permettre cettecirculation, les ateliers étaient d'un temps équivalent de 45 minutes.

4 ateliers :- Quand le besoin d'apprendre le français est là, trouver une réponse à Nantes, c'est facile?- Ca change quoi dans la vie d'apprendre le français?- "Aller apprendre le français", c'est loin? - Apprendre le français : images réelles, images révées, images du pire.

4 formes :- Un atelier d'échanges basé sur l'oral, animé via l'outil carte mentale (schématisation), 1 équipepar atelier,- Un atelier d'échanges et de manipulation d'objets, 2 équipes par atelier,- Un atelier de géolocalisation des déplacements sur une base cartographique, 1 équipe paratelier,- Un atelier laissant place à l'expression corporelle et au mime animé par une comédienne, 2équipes par atelier.

Tout au long de la matinée, une proposition de raconter son parcours auprès de deux illustrateurspour une mise en dessins.

Les ateliers étaient suivis d'un temps de synthèse et d'échanges en présence d'Aicha BASSAL,adjointe à la vie associative, l'égalité et la lutte contre discriminations et Nathalie BLIN, conseillèremunicipale en charge de la citoyenneté des étrangers.

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3 - Programme

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II - Synthèses des ateliers

1 - Atelier "Quand le besoin d’apprendre le français est là, trouver uneréponse à Nantes, c’est facile ?"

Cet atelier, sur un support schématisé et organisé autour de 4 grandes questions, a été pensécomme une contribution par les différents groupes pour produire une seule matière finale.

Il était animé par la mission Intégration et lutte contre les discriminations et l'agence de consultantsRADAR.

Question 1 : Pourquoi voulez-vous ou avez-vous voulu apprendre le français ?

Les besoins exprimés sont divers puisqu’en lien avec la situation, le profil linguistique (scolarisé,non scolarisé dans sa langue maternelle, par exemple), le niveau de langue, le projet initial de lapersonne, le motif d’installation de la personne, etc (multitudes des profils). Apprendre lefrançais est néanmoins une nécessité évidente pour les participants : « maitriser la langue, c’estla clé (…), sans la langue, on est aveugle, sourd et muet ».

Les motivations des apprenants sont fortes : maîtriser la langue du pays dans lequel on vitapparaît comme une évidence dans un processus d’intégration. Maitriser la langue est ainsi un enjeu très important : pour l’apprenant (enjeu d’intégrationréussie) mais aussi pour la société d’accueil (enjeu de cohésion sociale). Les besoinss’expriment tant au niveau de l’oral que de l’écrit.

Les participants mettent en avant le besoin d’autonomie : ne pas maîtriser la langue du paysd’accueil peut avoir pour conséquence une certaine dépendance dans la vie de tous les jours(pour faire ses courses, prendre rendez-vous chez le médecin, dans une administration...) etoblige à recourir à son entourage pour pouvoir effectuer certaines démarches. Maîtriser la langueest un préalable pour faire valoir et accéder à ses droits: travail, santé, logement, éducation,déplacements « être mobile », etc. Un enjeu qui peut être accentué pour les femmes, certainesparlant de « trouver sa place en tant que femme dans la société ».

L’accès à l’emploi : les participants sont conscients des exigences liées à l’accès à l’emploi (lettrede motivation, contrat de travail, compréhension des consignes, dialogue/échange/communicationavec les collègues, progression dans la carrière professionnelle) mais aussi à l’accès à la

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formation qualifiante (dont l'accès aux études supérieures). Certains expriment très clairement lebesoin en terme de Français langue professionnelle (expertise métier), qu’ils soient diplômés ousans qualification.

L’ouverture/ la socialisation : ce besoin est important ; il correspond à la volonté de « sortir de sacommunauté », ou bien de « rompre la solitude (…), de se faire des ami-e-s », de pouvoir"communiquer avec ses voisins", "participer à la vie culturelle", "aller vers des activités de loisirs"mais aussi un enjeu d'estime et de confiance en soi. Il s’agit bien de « vivre comme les autres etavec les autres ». La maîtrise de la langue relève effectivement d’un enjeu de cohésion sociale enpermettant aux personnes de s’ouvrir à la société et d’éviter le repli sur soi. Cet apprentissage peutpermettre un "mieux vivre ensemble", car la communication est facilitée par une langue commune.Il peut permettre aussi de lutter contre les préjugés et les discriminations d’une manière générale.

La parentalité / l’éducation: La fonction parentale est un déclencheur important dans le besoind’apprentissage de la langue. Les parents souhaitent participer à la scolarité de l’enfant, enassurer le suivi, comprendre les règles de fonctionnement de l’école et du système scolairefrançais d’une manière générale : être en capacité de lire et comprendre les bulletins scolaires, lescarnets de correspondance, l’emploi du temps scolaire, échanger lors des réunions parents-professeurs, etc. « Être à l'aise en tant que parent dans la relation à l'école ». Il est relevé (etregretté) également le rôle assigné à certains enfants dans l’accompagnement de leurs parentspour assurer les démarches de la vie quotidienne (rejoint l’enjeu d’autonomisation : être capablede se débrouiller seul-e).

Apprendre le français peut également revêtir une obligation administrative : « avoir sespapiers », « renouveler son titre de séjour ou accéder à la carte de résident ». A l’inverse, certainsparticipants évoquent leur simple envie d’apprendre (exemple d’étudiantes) et/ ou detransmettre (dans l’optique d’un retour au pays d’origine).

Question 2: Où avez-vous trouvé / cherché l'information ?

L’offre de formation est peu lisible, « éclatée », segmentée (selon la catégorie administrative de lapersonne), ce qui nécessite des efforts importants pour accéder à l’information ou negarantit pas que la première information/orientation corresponde bien aux besoins de lapersonne.Le paysage de la formation linguistique est ainsi relativement ardu à comprendre : diversité desbesoins, diversité de l’offre et des dispositifs, diversité des acteurs qui constituent le paysage de laformation linguistique.

Des moyens et appuis informels sont mobilisés en priorité par les personnes en recherche deformation. Les réseaux familiaux, amicaux, relations dans le quartier, les connaissances de mêmeorigine, de même langue première sont des relais importants dans la lecture et la compréhensiondes possibilités d’apprentissage de la langue du pays d’accueil. Le bouche à oreille est égalementun vecteur d’information précieux.

Le réseau professionnel dans le champ de l’action sociale ou de l’insertion sociale etprofessionnelle est largement mobilisé : les professionnels de l’emploi (mission locale, pôleemploi), les travailleurs sociaux (assistants sociaux), les acteurs de l’urgence sociale (médecin dumonde, foyers d’accueil, CADA), les associations de défense des droits des étrangers ou desoutien aux demandeurs d’asile (AIDA - Accueil Information Demandeurs d'Asile, etc).

Internet est source de renseignements et d’information pour mener ses recherches, seul-e. La recherche par mots clés « cours de français Nantes » a pu permettre à certaines personnes detrouver la fiche pratique mise en ligne par la Ville de Nantes (mais dépend du référencement dans

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les moteurs de recherche).

Les services des communes (mairies, point Infos Parents), les équipements de quartiers(maisons de quartier ou centres socioculturels) sont aussi repérés comme des lieux ressources:présence de flyers, renseignements sur demande, etc.

L’Université et services associés sont également repérés comme relais importants : le Crij, l’Irffle,les associations étudiantes.

Les limites et les freins identifiés : Savoir s’exprimer ou lire le français pour demander des renseignements, lire les

informations papier : c’est-à-dire, maîtriser a minima la langue ! Parallèlement, l’absence des supports écrits, les informations sont souvent données à

l’oral.

De nombreuses situations de « mauvaise orientation » sont mentionnées : la solution oula proposition ne correspond pas au projet ou besoin initial de la personne. Ceci interrogela connaissance fine et actualisée des relais d’information, notamment professionnels. Celainterroge également l’approche par public privilégiée aujourd’hui, qui ne prend pas encompte les compétences, les motivations, les besoins pour mener à bien ce projet et lesobjectifs de l’apprenant.

Les situations de précarité, voire d’urgence sociale sont un frein majeur àl’apprentissage : incapacité à se projeter, à se lancer dans un processus d’apprentissage(« disponibilité intellectuelle, matérielle »). Le repli sur soi, la peur amènent les personnes às’auto-censurer dans leur demande d’information. Il est relevé comme essentiel laposture bienveillante que doit adopter le relais d’information / médiateur / chargéd’accompagnement / etc).

Question 3 : Comment avez-vous choisi un cours plus qu'un autre ?

Les apprenants n’ont pas le sentiment de choisir réellement la formation ou les cours qui leurconviennent. Beaucoup évoquent le « non-choix » puisque s’inscrivant dans le cadre d’uneprescription (formation obligatoire > prescription directe vers l’organisme de formation via l’Ofii) oubien de choix par défaut ne correspondant pas forcément aux critères souhaités. Plusieurscritères permettent d’orienter sa recherche et/ou de préciser sa demande :

Le coût financier : la gratuité est une condition sine qua non pour la majorité despersonnes. Certains sont prêts à « investir » mais dans une formation intensive et rapideou bien en lien direct avec une expertise métier.

Le « bouche à oreille » : une personne conseille telle ou telle association notamment pourles personnes qui n'ont pas reçues de prescription institutionnelle ou l'orientation par desorganismes « accompagnateur », associations ou organismes institutionnels. Dans ce cas,c'est parfois la première information trouvée qui fait office de « choix » pour lapersonne.

La disponibilité de l’offre : offre saturée, liste d’attente, report sur d’autres structures ourejoindre le secteur associatif pour patienter « là ou il y a de la place ».

L’organisation : durée, rythme (intensif), proximité (déplacements), régularité (cours surles vacances scolaires), mixité des groupes, nombre de personnes dans les cours

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collectifs, collectif ou individuel, horaires (cours du soir ou week-end), professionnalisationdes intervenants et méthode.

La convivialité : conditionnant le développement de l’entraide ou non entre les apprenants.

Le niveau pris en charge et/ou à atteindre : le certificat délivré correspond plus àl’assiduité qu’à un niveau atteint réellement (offre de droit commun). Peu de possibilité deperfectionnement (offre quasi inexistante) ou de suites de parcours.

L’orientation/ la prescription : décalage dans la perception des niveaux à l’issue destests de niveaux linguistiques.

Informations / connaissance insuffisantes sur les détails, objectifs, modalités de laformation, « méthode proposée », qualification de l'intervenant….

Les participants notent toutefois que « le choix est plus aisé ou possible quand la langue estacquise ».

Également, il est relevé qu’apprendre la langue peut se faire en dehors de cours ou deformation : les loisirs sont un support intéressant pour apprendre (sport, bricolage, etc).

Question 4 : Quelles sont les améliorations à mettre en place pour trouver facilement un cours quicorrespond à votre besoin ?

Des « trous dans la raquette » : Prise en charge des publics européens, des personnes installées en France depuis

longtemps sans pour autant avoir une maîtrise de la langue suffisante pour être autonomedans la vie quotidienne ou la recherche d’emploi.

Le volume de l’offre de premier niveau est insuffisant (et le niveau trop faible). Possibilité de perfectionnement insuffisante, notamment à l’écrit. Insuffisance de l’offre en matière de français langue professionnelle. Pas assez d'offre intensive accessible, diversification des horaires proposés (peu d'offre

le samedi notamment).Des questionnements :

L’égalité des territoires : accès à l’offre nécessite des moyens / capacités de mobilité. La fonction évaluation/ diagnostic et orientation : un guichet unique ? La structuration de l’offre : offre saturée, construction d’un parcours ? Les méthodes et outils/ supports innovants à explorer pour une adaptation aux différents

profils linguistiques / projet de l’apprenant. Manque de financement ou imprécision sur les champs d'intervention des

financeurs : le français pour travailler ou pour une utilité autre ?

Agir sur l’information : rendre lisible En direction des professionnels et des apprenants potentiels. Fluidité des échanges entre partenaires et institutions (pour une meilleure orientation).

Les leviers d’actions : Diversifier les lieux et moyens d’information

o Dans les lieux d’accueils du public : lieux de loisirs, lieux publicso Via les supports NTIC avec une vigilance en direction des publics non équipés

(ordinateur)o Organisation de forums/ événements

Une « personne ressource », référente et ressource.

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Agir sur l’outillage des acteurs Repérer le « qui fait quoi ? » dans le détail : méthodes/ outils, façons de travailler, niveaux. Professionnalisation des bénévoles/ acteurs associatifs.

Les leviers d’actions : Recensement de l’offre globale : tout public, tout support / format (apprentissage à

distance, par exemple). Nécessité d’une information actualisée et cartographiée. Idée d’un annuaire.

Agir sur l’orientation : adéquation offre / besoins de l’apprenant Améliorer les modalités d'information, renforcer les lieux où les usagers peuvent trouver

l'information (lieux notamment attendus : Préfecture, OFII, écoles, établissements dusupérieur), renforcer le partenariat avec les Consulats.

Donner des réponses adaptées à leurs besoins et les disponibilités des formations. Centralisation des disponibilités des cours / formations. Améliorer / harmoniser la « fonction évaluation », mieux prendre en compte les besoins et

objectifs des publics. Accueil du public : tout public, y compris ceux installés en France depuis longtemps.

Les leviers d’actions : Un guichet « plate-forme d'accueil et d'orientation » et/ou une « personne ressource »,

référente et ressource.

Agir sur l’offre : la construction d’un parcours Pour une « formation continue tout au long de la vie pour permettre d'entretenir son

niveau ». Améliorer la cohérence et l’harmonisation des différentes solutions d’apprentissage de la

langue. Les niveaux pris en charge/ à atteindre : suite de parcours et perfectionnement. Suivi des parcours d'apprentissage « accompagnement des personnes tout au long de la

phase d'apprentissage ».

Sensibilisation des publics : « Inciter à » (constat : repli sur soi de certains publics ; autocensure dans l’expression de la

demande). Médiation pour les publics éloignés pour accéder à l'offre et s'y intégrer.

2 - Atelier « Ca change quoi dans la vie d'apprendre le français ? »

L’atelier était organisé sur un mode actif (station debout) et participatif ( manipuler des objets,échanger avec d’autres pour symboliser les besoins des apprenants).

L'atelier était animé par Elvire Bornand, sociologue praticienne.

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Apprendre est un effort à plus d’un titre. Ce que disent les participants :

La temporalité : l’apprentissage du français est considéré comme une priorité par l’administrationfrançaise. C’est au moment où la personne subie le stress le plus important (conditions d’arri-vée, démarches administratives, recherche d’une sécurisation des besoins primaires - argent, toit-, découverte d’un pays avec ses us et coutumes) qu’elle doit être disponible et réceptive àl’apprentissage d’une nouvelle langue. La connaissance de la langue et l’expression en languefrançaise sont considérées comme des signes de la volonté du migrant de s’impliquer activementdans le pays d’accueil.

L’invisibilité de la langue étrangère : Les francophones natifs tendent à s’exprimer en françaismême quand la question est formulée dans une autre langue qu’ils comprennent. Il est donc parti-culièrement difficile de faire ses premiers pas dans la langue. Il faudrait apprendre tout, tout desuite. C’est le cas dans le quotidien (demander son chemin) comme dans les démarches adminis-tratives. Il n’y a pas de bienveillance face à un « mal parlé français », il est attendu du migrantqu’il comprenne et utilise les « bons mots ». Ceci rend particulièrement difficiles les démarchesliées à l’obtention de papiers. Dès que le migrant est accompagné d’une personne native delangue française ou le parlant avec une parfaite maîtrise, l’attitude des interlocuteurs change et lessituations se débloquent alors que rien n’a changé si ce n’est la qualité de l’expression orale.

Les langues françaises : en France, on parle en fait plusieurs langues, la langue française duquotidien, celle de l’administration, celle de la santé…. Il faut faire l’effort de les apprendre touteset c’est bien compliqué.

La vie au quotidien : apprendre le français ce n’est pas qu’une question de grammaire, de pro-nonciation et de vocabulaire. C’est savoir utiliser ces règles dans des contextes très variés (faireses courses, négocier un contrat de travail, rencontrer le professeur des enfants)… Or les cours defrançais ne fournissent pas souvent des exemples du quotidien. Il faut être en capacité de semettre en en difficulté pour apprendre à parler français sur le tas, en pratiquant une activité spor-tive par exemple ou en participant aux activités du quartier.

Emploi et formation : trouver du travail est la première des préoccupations. Les besoins écono-miques supplantent totalement le besoin d’apprendre la langue. Il est difficile de faire l’effort d’ap-prendre quand l’avenir immédiat est complètement incertain. Il faut avoir le moral et confiancedans sa propre situation pour trouver l’énergie d’apprendre.

La parentalité : les enfants apprennent la langue plus vite que les parents ce qui leur fait parfoisjouer, dans la famille, un rôle qui n’est pas le leur. L’apprentissage de la langue joue sur la ca-

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pacité à garder sa place de parents dans la famille et à accompagner ses enfants dans leursdevoirs et dans les relations avec l’école.

Obstacles et leviers

- La méthode :Pour les participants les cours n’utilisent pas assez les références au quotidien. Il faudrait que lagrammaire soit abordée non pas par les règles mais dans la pratique. Il serait plus motivant que levocabulaire et la grammaire soient appris par des mises en situation réelle, par la réalisation d’acti-vités concrètes du quotidien. Dans le prolongement de cette idée, les cours pourraient privilégier laconversation puisque les principaux besoins des migrants concernent leur capacité à communi-quer et se faire comprendre dans leurs interactions avec des personnes et des institutions. Les enseignants, surtout bénévoles, ne sont pas formés à la « phonétique » alors qu’ils initient aufrançais des locuteurs maîtrisant des langues ne faisant pas appel au mêmes environnement pho-nétiques que le français.

-Les personnes souhaitant faire des études supérieures même si elles possèdent les qualifica-tions techniques et les compétences pour accéder aux études visées, doivent d’abord obtenir undiplôme en langue française ce qui représente un investissement en temps et financier important.

-Il faut être vigilant au rapport à l’école et à la parentalité et éviter que les parents migrants sesentent disqualifiés. Le temps de la rentrée de septembre est particulièrement difficile car il repré-sente un échange écrit important entre l’école et les familles.

-L’apprentissage du français est aujourd’hui évalué par un nombre d’heures accordées par desinstitutions et non par les besoins des migrants, il faudrait inverser le raisonnement. Cela appa-raît d’autant plus nécessaire que le fait de migrer n’implique pas que l’ensemble des migrants aientdes traits communs, forment une population homogène à laquelle une offre uniforme s’adressant àdes personnes de tous âges peut répondre.

-Il pourrait être engagé des actions de sensibilisation en direction des nantais pour rompre avecles attitudes qui stigmatisent, qui font ressentir de la honte à la personne qui s’exprime dans unfrançais imparfait.

3 - Atelier « aller apprendre le français, c'est loin ? »

L'atelier proposait d'étudier à partir des expériences vécues l'effort de mobilité des personnes pour apprendre le français et la cartographie de l'offre existante.

L'atelier était animé par la mission intégration et lutte contre les discriminations.

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Les grands constats :

- La répartition de l'offre sur le territoireL'échelle du besoin (lieux de résidence des personnes) est métropolitaine, l'offre, elle, seconcentre à Nantes.La répartition de l'offre n'est pas pensée, et de fait l'offre n'est pas répartie au regard d'unbesoin perçu : Les organismes de formation proposent un lieu unique de formation (Espaces formation, CFPPresqu'ile...). La localisation de l'offre associative est plus liée à la localisation des associations et à ladisponibilité de locaux à Nantes qu'à une réponse à un besoin perçu.L'ACCOORD est la seule offre qui couvre tout Nantes au sein des centres socioculturels et maisonde quartier. L'offre n'est toutefois pas la même sur chaque territoire (répartition des niveaux).Quelques associations ancrées dans certains quartiers captent majoritairement un public duquartier (ex de l'Association culturelle musulmane de Nantes nord).Dans la majorité des cas, les structures offreuses font le constat que leur public vientindifféremment de différents quartiers, de Nantes majoritairement mais également hors Nantes(agglomération voire au-delà).Un témoignage rappelle que, dans les années 90, des habitants s'étaient mobilisés pour avoir uneoffre de proximité dans leur quartier (Nantes Nord).

- Les apprenants se déplacent pour apprendre le français, seules quelques formules (hors coursparticulier payants) sont à domicile (réseau d'échanges réciproques des savoirs, secourscatholique notamment).Les lieux ressources notamment NTIC qui permettraient de minimiser les déplacements (àdomicile, médiathèque de son quartier...) ne sont pas cités par les participants.

- Les trajets vécus par les apprenants:• Un investissement en temps important

Beaucoup de trajets rapportés sont de 30 minutes ou plus l'aller, à raison d'1 à 3 fois parsemaine. Plusieurs témoignages rapportent des trajets d'1heure ou plus, liés à des lieux de résidence endehors de Nantes (exemples cités : Rezé, Vertou, Casson, Basse-Goulaine, Ancenis, Sautron,Treillères, Sorinières, Rezé, Couëron, Saint-Philbert-de-Grand-Lieu, Legé).

La question de la mobilité et des trajets est à penser dans un ensemble : les personnesmultiplient souvent les démarches (notamment administratives) ce qui génére nombre dedéplacements hebdomadaires qui viennent s'ajouter aux allers-retours (souvent minimum 2) parsemaine pour apprendre le français. Cette réalité peut impacter l'assiduité des personnes enapprentissage.

L'étude des trajets met également en évidence des situations de cumul de cours. Du faitnotamment de l'absence d'un parcours construit, les personnes fragmentent leur lieuxd'apprentissage pour répondre à leur disponibilité et leur souhait d'apprendre de manière plusintensive. Cette réalité peut donner lieu à des trajets différenciés plus ou moins long dans unemême semaine (exemple d'une personne qui cumulait sur plusieurs mois des cours à l'Université /IRFFLE, à l'association Babel 44 aux Dervallières et dans un centre ACCOORD).

La gestion des enfants (garde, scolarisation) peut générer des détours importants avant de serendre au "cours". C'est notamment le cas pour les personnes roms dont le maintien dans le

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logement est assujetti à l'obligation de scolarisation et d'apprentissage du français.

• L'importance des transports publicsLa voiture, lorsque les personnes en possèdent, est utilisée majoritairement par des personnesvenant de l'extérieur de Nantes ou pour les "cours" en soirée ne permettant pas facilement derentrer en transport en commun. La majorité des personnes utilisent les transports en commun.

• Des situations précaires qui font obstacle à l'apprentissage

L'utilisation des transports est rendue difficile pour les personnes qui ne peuvent pas bénéficier auregard de leur situation administrative de la gratuité du transport. Certaines associationstémoignent de personnes qui viennent à pied malgré des distances importantes, le retour peutdans ce cas être proposé en voiture par les bénévoles des associations.

Les personnes roms de Roumanie : du fait de leurs lieux de vie et de leur situation administrativesubissent souvent l'éloignement de l'offre et le cout des transports.

De même lorsqu'une personne change de lieu de résidence ou d'hébergement (situation quise répète d'autant plus que la personne est précaire administrativement et/ou financièrement), ellese trouve dans une situation d'éloignement qui varie; dans ce cas le critère éloignement peut poserproblème ou engager un changement d'organisme. Les cours obligatoires sont parfois loin pour les apprenants (pas d'antennes).

• L'appui sur les solidarités

Les apprenants sont parfois tributaires d'une solidarité familiale, amicale ou associative pourminimiser le temps de trajet (exemples de témoignages : personnes qui sont "rapprochées" envoiture d'un transport en commun, bénévoles d'associations qui raccompagnent les personneschez elles, une amie qui "vient à un point de rendez-vous en transport en commun pour récupérerl'enfant à garder d'un apprenant"...).

• Le coûtLa mobilité peut avoir un coût important pour les personnes qui ne peuvent prétendre à lagratuité des transports mais qui ont peu de ressources ainsi que pour les personnes tributairesd'un déplacement voiture.

- Comment est vécue la mobilité ?

Même lorsque les personnes ont des trajets relativement longs, peu de témoignages font échod'une situation "mal vécue" ou qui donne lieu à une appréciation négative. Cette impressionest corroborée par les professionnels qui constatent que les personnes ne "se plaignent jamais outrès rarement" alors même que certaines situations sont anxiogènes pour les personnes(particulièrement les retours en transport en commun en soirée pour un public jeune, le fait dedevoir faire le trajet à pied, le cout financier ou le risque de contrôle dans les transports pour lespersonnes étrangères qui ont peu de ressources mais ne peuvent prétendre à la gratuité du fait deleur situation administrative ou familiale).

La motivation qui prend le pas sur la contrainte de mobilité : l'absence d'appréciation négativeou de plainte est expliquée très souvent par la très grande motivation des personnes et le fait queles personnes sont "tellement contentes" de pouvoir apprendre le français. La mobilité devient un frein à l'apprentissage lorsqu'elle est couplée à une déception vis-à-vis ducours délivré : la personne dans ce cas se démotive plus vite.

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Les personnes qui utilisent les transports publics (la majorité des apprenants) ont uneappréciation plutôt positive de la couverture du réseau et de leur efficacité.

4 - Atelier « Apprendre le français : images réelles, images rêvées, images dupire»

Cet atelier, animé par Camille Lorrain, comédienne de la compagnie La Rage qui rit, proposait auxparticipants d'utiliser le corps et le collectif pour réfléchir et se poser sur la relation aux cours defrançais vécus et perçus par les participants, à travers une série de mises en scène de situationd'apprentissage.

Ce qui a été évoqué le plus souvent par les participants/apprenants sur les cours :

- Un positionnement plus fort par niveau :Les participants/apprenants se sentent « mélangés, de différents niveaux » dans les cours et fontpart d'un souhait d'un apprentissage plus adapté au besoin, avoir un test d'entrée pour êtrepositionné selon son niveau et son besoin.- Le collectif

• La présence de personnes locutrices de différentes langues est ressentie souvent commeune richesse et non comme un frein. Cela pousse les personnes à trouver des moyens decommuniquer entre elles, et apporte une dynamique positive et stimulante.

• Le bruit dans les cours générés par d'autres impératifs (familiaux, personnels,administratifs) est vécu comme une gène.

- des attentes méthodologiques Les participants/apprenants portent un regard critique sur les méthodes d'enseignement.Certains expriment le souhait de cours plus tournés vers l'oral et moins vers l'écrit et pensentqu'une méthode plus basée sur la « phonétique » serait plus appropriée.

- Un lieu ressource au-delà du français ?• Des personnes se sentent démunies et aimeraient qu'en complément des cours, elles

puissent être mieux aidées dans leurs démarches de recherche d'emploi, administratives…là où la barrière de la langue se fait sentir.

• A contrario, sont également évoqués négativement les moments où les formateursprennent du temps au détriment du cours pour aider des personnes sur des démarchesadministratives.

Mime de situation d'apprentissage 1 « professeur » et 3 « élèves »Situation type mimée par les participants : « un élève comprend, un élève ne comprend pas, unélève n'écoute pas ».

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Apprendre le français à Nantes: quel parcours pour les personnes?Retour sur l'atelier du 5 décembre 2015

III - Des témoignages, parcours de vie à Nantes

Extraits de témoignages de personnes suivant des cours de français à l'Accoord, exposéslors de la journée

« Trouver des informations c'est très difficile, on se retrouve face à quelqu'un et quand on ne parlepas bien la langue on n'obtient pas d'information ou alors ce ne sont pas les bonnes. »

« C'est difficile de trouver du travail et un logement mais le reste c'est facile : inscrire les enfants àl'école, aller chez le médecin ; maintenant j'y vais seule, avant c’était mes enfants qui faisaient latraduction. »

« C'est difficile de trouver des cours de français tous les jours, pourtant le principal c'est d'étudier lalangue française, je voudrais plus de cours dans la semaine mais je ne trouve pas et je ne peux pas allerà l'université, je n'ai pas encore la carte de séjour. »

« Nous sommes arrivés en France en avril, ma femme, ma fille et moi, et c'est impossible de trouverdes cours de français à cette saison : il faut attendre le mois de septembre.»

« J'ai déménagé à Nantes exprès pour apprendre le français parce qu'avant j'habitais à Guingamp et iln'y avait pas de cours ! »

« Trouver un travail c'est très difficile quand on ne parle pas la langue française, sauf femme deménage ! J'ai étudié la finance dans mon pays, mais ici on ne me propose que des emplois de femme deménage, c'est compliqué ! »

« Les démarches pour trouver une place en crèche sont difficiles, j'ai attendu 4 mois et je n'avais uneplace que l'après-midi: j'ai dû rater les cours de français du matin. J’avais envie de faire plein dechoses mais je n'avais personne pour garder mon enfant et une nourrice c'était trop cher. »

« Dans ma famille, au pays, tout le monde travaille! Sauf moi, ici en France, j'ai honte! Je prends descours de français, ma mère m'encourage à chaque fois que je lui téléphone. Elle me dit: « t'es pas unmeuble, va au cours, sors ! » je cherche du travail mais je ne trouve pas ! »

« Je suis des cours de français pour arriver à bien écrire et bien parler pour aider mes enfants dansleur scolarité. Je suis gênée de ne pas répondre à leurs demandes pour les devoirs à la maison. »

« Quand on parle mal le français et quand on ne sait pas lire, on nous regarde avec mépris. Pourtant onfait des efforts ! »

« Je ne suis pas à l’aise quand je vais demander des papiers à la CAF. Je me bloque, alors que je medébrouille dans la vie quotidienne pour me faire comprendre de tout le monde ! »

« L'OFII refuse des cours de français après entretiens oraux estimant le niveau de français suffisant pour accéder à une formation professionnelle. La formation est ensuite refusée car le niveau de français est jugé insuffisant...??? »

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Récits illustrés par Tanitoc et Guillaume Carreau

Tout au long de la matinée, des participants ont pu partager leur parcours en apprentissage dufrançais auprès de deux illustrateurs. 8 portraits de vie de Nantais illustrent les chemins parcourus,la relation à la langue française et à son apprentissage, sa nécessité dans la vie de tous les jourset dans les projets d'intégration des personnes.

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