Anthropologie des sens

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POUR UNE ANTHROPOLOGIE DES SENS David Le Breton ERES | « VST - Vie sociale et traitements » 2007/4 n° 96 | pages 45 à 53 ISSN 0396-8669 ISBN 2749208404 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2007-4-page-45.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- David Le Breton, « Pour une anthropologie des sens », VST - Vie sociale et traitements 2007/4 (n° 96), p. 45-53. DOI 10.3917/vst.096.0045 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.19.150.162 - 17/07/2015 03h17. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.19.150.162 - 17/07/2015 03h17. © ERES

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POUR UNE ANTHROPOLOGIE DES SENSDavid Le Breton

ERES | « VST - Vie sociale et traitements »

2007/4 n° 96 | pages 45 à 53 ISSN 0396-8669ISBN 2749208404

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-vie-sociale-et-traitements-2007-4-page-45.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------David Le Breton, « Pour une anthropologie des sens », VST - Vie sociale et traitements 2007/4(n° 96), p. 45-53.DOI 10.3917/vst.096.0045--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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La sensorialité du mondeEntre la chair de l’homme et la chair dumonde nulle rupture, mais une continuitésensorielle de chaque instant. L’individu neprend conscience de soi qu’à travers lesentir, il éprouve son existence par les réso-nances sensorielles et perceptives qui necessent de le traverser. Il est inclus dans lemouvement des choses et se mêle à ellesde tous ses sens. Pourtant, la perceptionn’est pas coïncidence avec les choses, maisinterprétation. Tout homme chemine dansun univers sensoriel lié à ce que son his-toire personnelle a fait de son éducation.Parcourant la même forêt, des individusdifférents ne sont pas sensibles aux mêmesdonnées. Il y a la forêt du chercheur dechampignons, du flâneur, du fugitif, cellede l’Indien, la forêt du chasseur, du garde-chasse ou du braconnier, celle des amou-reux, des égarés, des ornithologues, laforêt aussi des animaux ou de l’arbre, celledu jour et de la nuit. Mille forêts dans lamême, mille vérités d’un même mystèrequi se dérobe et ne se donne jamais qu’enfragments. Il n’y a pas de vérité de la forêt,mais une multitude de perceptions à sonpropos selon les angles d’approche, lesattentes, les appartenances sociales et cul-turelles 2. « Ainsi ce que nous découvrons en dépas-sant le préjugé du monde objectif, ce n’estpas un monde intérieur ténébreux 3. » Ce

n’est pas davantage une réalité physiqueobjective, mais un immense test projectifqui dit l’histoire personnelle et la culture del’individu. C’est un monde de significationset de valeurs, un monde de connivence etde communication entre les hommes enprésence et leur milieu. Le reste échappe àla perception.Nos sociétés occidentales valorisent delongue date l’ouïe et la vue, mais en leurdonnant une valeur parfois différente, eten conférant peu à peu à la vue une supé-riorité qui éclate dans le monde contem-porain. Un vocabulaire visuel ordonne lesmodalités de la pensée dans diverseslangues européennes. Voir c’est croire,comme le rappellent des formules cou-rantes : « Il faut le voir pour le croire », « Jele croirai quand je l’aurai vu », etc. « Ah,mon oreille avait entendu parler de toi, ditJob, mais maintenant mon œil a vu. » « Jevois » est synonyme de « Je comprends ».Avoir vu « de ses propres yeux » est unargument sans appel. Ce qui « saute auxyeux », ce qui est « évident », ne se discutepas. Dans la vie courante, pour être perçuecomme vraie, une chose doit d’abord êtreaccessible à la vue. « Voir » vient du latinvidere issu de l’indo-européen veda : « Jesais », d’où dérivent des termes commeévidence (ce qui est visible), providence(pré-voir selon les inclinations de Dieu). Lateoria est la contemplation, une raison

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détachée du sensible, même si elle y puiseson premier élan. « Spéculer » vient despeculari : voir. Une série de métaphoresvisuelles qualifie la pensée à traversnotamment le recours à la notion declarté, de lumière, de luminosité, de pers-pective, de point de vue, de vision deschoses, de vue de l’esprit, d’intuition, deréflexion, de contemplation, de représen-tation, etc. L’ignorance, à l’inverse, solli-cite des métaphores traduisant ladisparition de la vue : l’obscurité, l’aveu-glement, la cécité, la nuit, le flou, lebrouillard, le brumeux, etc. L’usage courant des termes « vision dumonde » pour désigner un système dereprésentation (encore une métaphorevisuelle) ou un système symbolique propreà une société traduit l’hégémonie de lavue dans nos sociétés occidentales, savalorisation qui fait qu’il n’y a de mondeque d’être vu. « Essentiellement, écrit W.Ong, quand l’homme technologiquemoderne pense à l’univers physique, ilpense à quelque chose susceptible d’êtrevisualisé, ou en termes de mesures et dechartes visuelles. L’univers est pour nousquelque chose dont on peut essentielle-ment dresser une image 4. » La vue exerceun ascendant sur les autres sens dans nossociétés, souvent définies par ailleurscomme « sociétés du spectacle » ou de« l’image » ; elle est la première référence.Mais d’autres sociétés, plutôt que de« vision » du monde, parleraient de « gus-tation », de « tactilité », d’« audition » oud’ « olfaction » du monde pour rendrecompte de leur manière de penser ou desentir leur relation aux autres et à l’envi-ronnement. Les Tzolil, par exemple, orga-nisent leur univers à travers des indicesthermiques. Des variations symboliquesdu chaud ou du froid introduisent à une

connaissance globale de leur environne-ment 5. Pour les Kaluli de Papouasie-Nou-velle-Guinée, vivant dans une épaisse forêttropicale, la clé de leur société tient à unecosmologie acoustique 6. Les anciens habi-tants des Andes entendent également leurunivers en termes sonores 7. Pour lesOngee des îles Adaman, la texture et lesmouvements de monde, incluant leshommes qui le composent, se tramentdans un symbolisme olfactif.Ces conceptions sensorielles du mondesont des cosmogonies complexes qu’il estdérisoire de résumer car elles intègrent parailleurs d’autres modalités sensorielles ;elles n’ont rien de commun avec celles quise rencontrent dans nos sociétés occiden-tales. Elles en ébranlent même les fonde-ments, en dépaysant absolument toutesnos représentations et nos usages à traversune radicale altérité qui force à une tra-duction, et suscite une inévitable forme deréduction (sinon de trahison). Mais l’an-thropologie, pour le meilleur d’elle-même,est vouée à être une entreprise de traduc-tion des cultures. Une culture détermine un champ de possi-bilité du visible et de l’invisible, du tactile etde l’intouchable, de l’olfactif et de l’in-odore, de la saveur et de la fadeur, du puret du souillé, etc. Elle dessine un universsensoriel particulier particularisé, bienentendu, par les appartenances de classe,de groupe, de génération, de sexe, et sur-tout l’histoire personnelle de chaque indi-vidu. Les mondes sensibles ne serecoupent pas car ils sont aussi desmondes de significations et de valeurs.Venir au monde, c’est acquérir un style devision, de toucher, d’entendre, de goûter,de sentir propre à sa communauté d’ap-partenance. Les hommes habitent des uni-vers sensoriels différents.

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L’expérience anthropologique est unemanière de se déprendre des familiaritésperceptives pour ressaisir d’autres modali-tés d’approche, sentir la multitude desmondes qui s’arc-boutent dans le monde.Elle invente sur un mode inédit le goûter,l’entendre, le toucher, le sentir. Elle casseles routines de pensée, elle appelle audépouillement des schèmes anciens d’in-telligibilité afin d’ouvrir à un élargissementdu sensible. Elle est une invitation augrand large des sens et du sens, car sentirne va jamais sans mise en jeu de significa-tion. Elle est un rappel de ce que toutesocialisation, même si elle est ouverture aumonde, est restriction de la sensorialitépossible. De même que pour parler il fautmanier une langue en toute évidence,pour sentir l’environnement il faut descodes de perception, même si les sensibili-tés individuelles les débordent parfois.Mais si les façons de parler une languesont infinies, il en va de même de touteexpérience perceptive.

Les perceptions sensorielles comme symbolique du mondeIl n’y a pas, sur une autre rive, un mondeque nous pourrions percevoir avec dis-tance sans être imprégné de ses émana-tions et qu’un observateur indifférentpourrait décrire en toute objectivité. Il n’ya de monde que de chair. Impossible pourun homme de ne pas être en permanencechangé et transformé par l’écoulementsensoriel qui le traverse. Le monde estl’émanation d’un corps qui le traduit entermes de perceptions et de sens, l’unn’allant pas sans l’autre. Le corps est unfiltre sémantique. Nos perceptions senso-rielles, enchevêtrées à des significations,dessinent les limites fluctuantes de l’envi-ronnement où nous vivons. La sensationde soi est immédiatement et en perma-

nence une sensation des choses. La chairest toujours d’emblée une pensée dumonde, une manière pour l’acteur de sesituer et d’agir à l’intérieur d’un environ-nement intérieur et extérieur qui fait tou-jours plus ou moins sens pour lui, et quiautorise en outre la communication avecceux qui partagent plus ou moins saconception du monde. Elle se trame à l’in-térieur de sa condition sociale, culturelle,de genre, son histoire personnelle et sonattention à l’environnement. Le monde apparaît sous la forme du sen-sible. Il faudrait rappeler avec David Humeou John Locke, et bien d’autres philo-sophes, qu’il n’est rien dans l’esprit qui nesoit d’abord passé par les sens. Avant lapensée, et pourtant toujours mêlée à elle,il y a les sens. On ne peut dire avec Des-cartes « je pense donc je suis », et expédierles sens comme d’inépuisables sourcesd’erreurs ou comme des scories n’ayantqu’un statut mineur dans la relation aumonde, mais plutôt « je sens, donc jesuis 8 ». Autre manière de poser que lacondition humaine n’est pas toute spiri-tuelle, mais d’abord corporelle. G. Simmel rappelle que « si nous nousmélangeons dans des réciprocités d’action,cela vient avant tout de ce que nousréagissons par les sens les uns sur lesautres. Tandis qu’en général ceci a étéadopté comme un fait évident, ne nécessi-tant pas de discussions ultérieures, uneconsidération plus rigoureuse montre queces échanges de sensations ne se bornentaucunement à n’être qu’une base et unecondition communes aux relationssociales, mais que chaque sens fournitd’après son caractère spécifique des ren-seignements caractéristiques pour laconstruction de l’existence collective, etqu’aux nuances de ses impressions corres-

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pondent des particularités, des relationssociales 9 ». L’anthropologie des sensrepose sur l’idée que les perceptions sen-sorielles ne relèvent pas (ou pas seulement)d’une physiologie ou d’une psychologie,mais d’abord d’une orientation culturellelaissant une marge à la sensibilité indivi-duelle. Les perceptions sensorielles for-ment un prisme de significations sur lemonde, elles sont modelées par l’éduca-tion et mises en jeu selon l’histoire person-nelle de chaque individu. Ce sont lesressources de sens de l’individu qui décou-pent son monde en schèmes de compré-hension et d’action. Dans une mêmecommunauté, elles varient d’un individu àl’autre, mais elles s’accordent à peu prèssur l’essentiel. Au-delà des significationspersonnelles insérées dans une apparte-nance sociale, le fait d’être un homme ouune femme, un enfant ou un vieillard, etc.se dégagent des significations plus larges,des anthropo-logiques qui réunissent deshommes de sociétés différentes dans leursensibilité au monde.Les perceptions sensorielles paraissentl’émanation de l’intimité la plus secrète dusujet, mais elles n’en sont pas moins socia-lement et culturellement façonnées. L’ex-périence sensorielle et perceptive dumonde s’instaure dans la relation réci-proque entre le sujet et son environne-ment humain et écologique. L’éducation,l’identification aux proches, les jeux du lan-gage qui nomment les saveurs, les cou-leurs, les sons, etc. façonnent la sensibilitéet instaurent une aptitude à échanger avecl’entourage sur ses ressentis en étant rela-tivement compris par les membres de sacommunauté. Les perceptions sensoriellesdessinent un monde de significations et devaleurs, un monde de connivence et decommunication entre les hommes en pré-

sence et leur milieu. Face au monde,l’homme n’est jamais un œil, une oreille,une main, une bouche ou un nez, mais unregard, une écoute, un toucher, une gus-tation ou une olfaction, c’est-à-dire uneactivité. À tout instant, il institue le mondesensoriel où il baigne en un monde de senset de valeurs. La perception n’est pas l’em-preinte d’un objet sur un organe sensoriel,mais une activité de connaissance diluéedans l’évidence ou fruit d’une réflexion,une pensée par corps en prise sur le fluxsensoriel qui baigne l’individu en perma-nence. Ce n’est pas le réel que les hommesperçoivent mais déjà un monde de signifi-cations. Tout homme chemine dans ununivers sensoriel lié à ce que son histoirepersonnelle a fait de son éducation. Les sens ne sont pas « fenêtres » sur lemonde, « miroirs » offerts à l’enregistre-ment des choses en toute indifférence auxcultures ou aux sensibilités, ce sont desfiltres qui retiennent dans leur tamis ce quel’individu a appris à y mettre ou ce qu’ilcherche justement à identifier en mobili-sant ses ressources. Les choses n’existentpas en soi, elles sont toujours investiesd’un regard, d’une valeur qui les renddignes d’être perçues. La configuration etla limite de déploiement des sens appar-tiennent au tracé de la symbolique sociale.Nous sommes immergés dans un environ-nement qui n’est rien d’autre que ce quenous percevons. L’homme voit, entend,sent, goûte, touche, éprouve la tempéra-ture ambiante, perçoit la rumeur intérieurede son corps, et ce faisant il fait du mondeune mesure de son expérience ; il le rendcommunicable aux autres immergéscomme lui au sein du même système deréférences sociales et culturelles. La per-ception est avènement du sens. Ne serait-ce que pour dire son embarras devant un

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son mystérieux ou un goût indéfinissable. L’expérience perceptive d’un groupe semodule à travers la succession deséchanges avec les autres. Des discussions,des apprentissages spécifiques modifientou affinent les perceptions, qui ne sontjamais figées dans l’éternité mais toujoursouvertes sur l’expérience et liées à unerelation présente au monde. À tout ins-tant, il est loisible de se défaire des rou-tines sensorielles pour entrer dans d’autresapprentissages, élargir la finesse de sonregard, de ses perceptions chromatiques,de sa gustation, de sa tactilité, s’ouvrir àd’autres musiques, d’autres sonorités, etc.Une modeste expérience d’œnologie parexemple dévoile en quelques jours uneinfinité de nuances sensorielles que l’indi-vidu ne soupçonnait guère dans son verrede vin.Le foisonnement du monde n’est pas équi-valent au foisonnement du langage, tou-jours les perceptions sont en dette de cequ’elles pourraient percevoir. L’individuéchoue à se saisir de tout, et telle est sachance. Il y a toujours trop à voir, àentendre, à sentir, à goûter ou à toucher,et au-delà encore, le réel n’est jamais pourl’individu qu’un théâtre de projections designifications qui ne se contente pas depercevoir, mais d’abord de concevoir, c’est-à-dire de le découper en schèmes visuels,olfactifs, gustatifs, tactiles, auditifs. Lesdésaccords de perception ne sont pas seu-lement des conflits d’interprétation, ils tra-duisent aussi des désaccords de monde.

La vue est aussi apprentissageNous sommes immergés dans la profusionsans limite du voir. La vue est le sens le plusconstamment sollicité de notre rapport aumonde. Il suffit d’ouvrir les yeux. Voir estinépuisable car les manières de regarderl’objet sont infinies même si, dans la vie

quotidienne, une perception plus fonction-nelle suffit à guider les déplacements ou àfonder les actions. Les perspectives s’ajou-tent aux variations de lumière pour épaissirles couches multiples de significations. Lavue est sans doute le plus économique dessens, elle déplie le monde en profondeur làoù les autres doivent être à la proximité deleurs objets. Elle comble la distance etcherche assez loin ses perceptions. À la dif-férence de l’oreille, emprisonnée dans leson, l’œil est actif, mobile, sélectif, explo-rateur du paysage visuel, il se déploie àvolonté pour aller au loin chercher undétail ou revenir au plus près. Visuellement, toute perception est unemorale. Le paysage est dans l’hommeavant que l’homme ne soit en lui car lepaysage fait sens seulement à travers cequ’il en voit. Les yeux ne sont pas seule-ment des récepteurs à la lumière et auxchoses du monde, ils en sont les créateursen ce que voir n’est pas le décalque d’undehors, mais la projection hors de soid’une vision du monde. La vue est la miseà l’épreuve du réel à travers un prismesocial et culturel, un système d’interpréta-tion, portant la marque de l’histoire per-sonnelle d’un individu à l’intérieur d’unetrame sociale et culturelle. Tout regard projeté sur le monde, même leplus anodin, effectue un raisonnementvisuel pour produire du sens. La vue filtredans la multiplicité du visuel des lignesd’orientation qui rendent le monde pen-sable. Elle n’est nullement un mécanismed’enregistrement mais une activité 10. Nousallons dans le monde de coups d’œil encoups d’œil en sondant visuellement l’es-pace à parcourir, en nous arrêtant plus lon-guement sur certaines situations, en fixantl’attention plus spécifiquement sur undétail. En permanence un travail de sens

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s’effectue avec les yeux. « La vision n’estrien sinon un certain usage du regard », ditMerleau-Ponty 11. L’œil est sans innocence,il arrive devant les choses avec une histoire,une culture, un inconscient. Il est celuid’un sujet. Enraciné au corps et aux autressens, il ne reflète pas le monde, il leconstruit par ses représentations. Il se saisitde formes porteuses de sens : les nuagesqui précèdent l’orage, des gens qui pas-sent, les restes d’un repas, le givre d’unmatin de gel sur une vitre, mille événe-ments qui se déroulent à sa proximité. Unjeu de significations ne cesse de s’échan-ger entre le perçu et le voyant.Les figures qui nous entourent sont visuel-lement ordonnées en schèmes de recon-naissance selon l’acuité du regard et ledegré d’attention. L’individu reconnaît leschème « arbre » et cela suffit, mais sinécessaire, il identifie un arbre spécifique :un cerisier, un chêne, ou plus précisémentencore celui de son jardin. L’appréhensionvisuelle facilite ainsi la vie courante. Unprincipe d’économie s’impose en effetpour ne pas être submergé d’informations,noyé dans le visible. Une reconnaissancesommaire des données de l’environne-ment suffit pour s’y mouvoir sans dom-mage. La plupart s’en satisfont, mais pourd’autres, le même espace est inépuisablede savoirs. Ainsi du jardinier capable detenir un discours sur chaque plante croiséesur son chemin. Les hommes n’arpententpas le même monde visuel et ne vivent pasdans le même monde réel. Les sens doivent faire sens pour orienter lerapport au monde. Il faut apprendre à voir.À la naissance, l’enfant ne discerne pas lasignification des formes indécises, coloréeset mouvantes, qui se pressent autour delui, il apprend lentement à les discriminer,à commencer par le visage de sa mère, en

intégrant des schèmes de perceptiond’abord singuliers et qu’il généraliseensuite. Pour reconnaître, il doit connaître.Pendant des mois, sa vue est moins affinéeque son ouïe, il n’en a ni sens ni usage. Elleprend peu à peu son essor pour devenir unélément matriciel de son éducation et deson rapport aux autres et au monde. Ilacquiert ainsi les clés de l’interprétationvisuelle de son entourage. Cet affinementpermet à l’enfant de se mouvoir en discer-nant les contours des objets, leur taille,leur distance, leur place, leur impact surlui, de nommer leur couleur, d’identifier lesautres à son entour et d’éviter les obs-tacles, d’attraper, marcher, grimper, jouer,courir, s’asseoir, etc. La vue est une orien-tation essentielle. Elle implique la paroledes adultes pour la préciser, et le sens dutoucher, profondément lié à l’expériencede la vue. Il est nécessaire d’acquérir les codes du voirafin de déplier le monde en toute évi-dence. Tel est l’enseignement de lafameuse question livrée à la sagacité desphilosophes de son temps en juillet 1688par le géomètre irlandais W. Molyneuxaprès sa lecture de l’Essai philosophiqueconcernant l’entendement humain deJ. Locke. Un aveugle de naissance ayantappris à discerner par le toucher unesphère d’un cube de même taille saura-t-il les distinguer si la vue lui est restituée à20 ans ? En d’autres termes, existe-t-il untransfert de connaissance d’une modalitésensorielle à une autre. Dans cette hypo-thèse, ce qui est connu par le toucher leserait d’emblée par la vue. Molyneux endoute et pense que le transfert du savoirtactile à celui de la vue exige une expé-rience. La figure que l’on touche et celleque l’on voit ne sont pas les mêmes.Locke, en accord avec Molyneux, pense

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que l’aveugle de naissance manque dansson enfance de l’éducation simultanée dela vue et du toucher, son jugement en estdonc affecté. Pour Berkeley également,l’aveugle né, devenu voyant, n’accède àun usage propice de ses yeux qu’au termed’un apprentissage. La question de Molyneux est soumisequelques décennies plus tard à l’épreuvedes faits. En 1728, une opération du chi-rurgien Cheselden rend la vue à un enfantde 13 ans atteint d’une cataracte congéni-tale, mais, paradoxe, sans lui en restaurerd’emblée l’usage, car celui-ci échoue àpercevoir les contrastes et certaines cou-leurs, et se dirige difficilement dans l’es-pace. « (Il) ne distingua de longtemps nigrandeurs, ni distances, ni situations, nimême figures, note Diderot. Un objet d’unpouce mis devant son œil et qui lui cachaitune maison lui paraissait aussi grand quela maison. Il avait tous les objets sur lesyeux, et ils lui semblaient appliqués à cetorgane, comme les objets du tact le sont àla peau 12. » Il lui faut deux mois pourapprivoiser le sens de la représentationd’un objet ; auparavant les images sont àses yeux de simples surfaces douées devariations de couleurs. Diderot, témoin d’une opération de lacataracte exécutée par Daviel sur un forge-ron dont les yeux se sont abîmés à causede l’exercice de son métier, observe com-bien, même après un usage de la vue sansdéfaut, il n’est pas simple de la retrouveraprès des décennies d’oubli : « Pendant lesvingt-cinq années qu’il avait cessé de voir,il avait pris une telle habitude de s’en rap-porter au toucher qu’il fallait le maltraiterpour l’engager à se servir du sens qui luiavait été restitué ; Daviel lui disait, en lefrappant : veux-tu regarder, bourreau ! Ilmarchait, il agissait ; tous ce que nous fai-

sons les yeux ouverts, il le faisait, lui, lesyeux fermés » (p. 214).Diderot conclut que « c’est à l’expérienceque nous devons la notion de l’existencecontinuée des objets ; que c’est par le tou-cher que nous acquérons celle de leur dis-tance ; qu’il faut peut-être que l’œilapprenne à voir, comme la langue à par-ler ; qu’il ne serait pas étonnant que lesecours d’un sens fût nécessaire à l’autre[…] C’est l’expérience seule qui nousapprend à comparer les sensations avec cequi les occasionne » (p. 190). Pourl’aveugle de naissance, le fait de retrouverla vue, loin d’ajouter une dimension sup-plémentaire à l’existence, introduit unséisme sensoriel et identitaire. Il imaginaitque le monde allait se donner à lui entoute innocence, il découvre une réalitéd’une infinie complexité dont il peine àacquérir les codes en essayant simultané-ment d’oublier ce qu’il doit au toucher età l’ouïe. Pour apprivoiser le monde, il doitse mettre désormais à en apprendre ce quifait évidence pour les autres.Après être resté longtemps séquestré dansl’obscurité d’une cave, et avoir développépar ailleurs une bonne vue dans la nuit,Kaspar Hauser est troublé par la lumière dujour et la profondeur du monde qui l’en-toure. Il peine à acquérir le sens de la pers-pective et de la distance aux choses. Unjour, le juriste A. Von Feuerbarch, qui s’estpassionné pour l’adolescent, lui demandede regarder par la fenêtre de sa maison,mais en se penchant vers le dehors ; l’en-fant ressent une crise d’angoisse, et balbu-tie l’un des rares mots qu’il connaît alors :« laid, laid ». Quelques années plus tard,en 1831, Kaspar a acquis la plupart descodes culturels qui lui manquaient. Etlorsque le juriste lui demande de revenirsur cette expérience, Kaspar lui explique :

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« Oui, ce que je vis alors était très vilain ;car, en regardant par la fenêtre, il me sem-blait toujours qu’on me mettait sous lesyeux un étalage sur lequel un barbouilleuraurait mélangé et éclaboussé le contenude ses différents pinceaux, couverts depeinture blanche, bleue, verte, jaune etrouge. À cette époque, je ne pouvaisreconnaître chaque élément distinctementcomme je les vois maintenant. C’étaitpénible à regarder, et, en outre, cela medonnait un sentiment d’anxiété et demalaise comme si l’on avait occulté mafenêtre avec cet étalage bigarré pourm’empêcher de regarder au dehors 13. »Von Feuerbach, de lui-même, fait le lienavec l’aveugle de Cheselden qui butecontre un réel collé à ses yeux et associe lefait de voir à l’expérience acquise. La vision implique de traverser les épais-seurs successives qui mettent en scène levoir. Le regard sollicite une saisie en pers-pective du réel, la prise en compte de laprofondeur pour déplier le relief et ladécoupe des choses, de leurs couleurs,de leurs noms, de leurs aspects chan-geant selon la distance d’où on les voit,les jeux de l’ombre et de la lumière, lesillusions engendrées par les circons-tances. L’aveugle de naissance qui naît à lafaculté de voir n’en a pas encore usage. Ilse perd dans un entrelacs de formes et decouleurs disposées sur le même plan qui luicollent aux yeux. Il ne comprend pas lesens des ombres qui accompagnent lesobjets. Péniblement englué au sein deformes incohérentes, de couleurs mêlées,immergé dans un chaos visuel, il discernedes figures, des frontières, des tonalitéscolorées, mais il lui manque la dimensiondu sens pour se mouvoir avec compréhen-sion dans ce labyrinthe. Ses yeux sont dis-posés à voir mais ne possèdent pas encore

les clés du visible. Pour distinguer un tri-angle d’un carré, il doit compter les coins.De même, il peine à comprendre la signifi-cation d’une toile ou d’une photographie.La représentation de l’objet en deuxdimensions soulève une difficulté de lec-ture. Un patient évoqué par Von Sendenqualifie la limonade de « carrée » car ellelui pique la langue comme une forme car-rée lui pique les doigts quand il la touche.Les anciens aveugles renouant avec la vuefournissent des efforts douloureux pourapprendre non seulement à se servir deleurs yeux, mais aussi à regarder. Ils traver-sent une période de doute, de désespoir,de dépression, se terminant parfois tragi-quement. Certains des aveugles décrits parVon Senden 14 (1960) sont soulagés deretomber dans la cécité et de ne plus avoirà se battre contre le visible. Tant qu’ilsn’ont pas intégrés les codes, ils demeurentaveugles aux significations du visuel, ils ontretrouvé la vue mais non son usage.Quelques-uns ne supportent pas le coûtpsychologique d’un apprentissage boule-versant leur relation antérieure avec lemonde. « Les aveugles opérés trop tardd’une cataracte congénitale apprennentrarement à bien se servir de la vue qui leura été octroyée, et restent parfois dans leurscomportements et leurs sentiments plusaveugles que ceux qui, par un processusinverse, ont accédé tardivement à la cécitécomplète 15. »Pour acquérir son efficace, le regard del’ancien aveugle doit cesser d’être unemain de rechange, et se déployer selon saspécificité propre. Mais là où l’enfant entredans la vision sans effort particulier, sanssavoir qu’il apprend et élargit ainsi sa sou-veraineté sur le monde, l’aveugle de nais-sance qui s’initie à voir avance pas à pasdans une nouvelle dimension du réel exi-

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geant sa sagacité d’observation. En s’ap-propriant avec le temps, par un effortd’apprentissage, ce que les autres ont euen toute évidence en grandissant, ildécouvre que la vue est d’abord un faitd’éducation. Le nouveau voyant apprend,comme un nouveau-né, à discerner lesobjets, leur taille, leur distance, leur pro-fondeur, à identifier les couleurs, etc. Ilpeine à reconnaître un visage ou un objets’il ne l’a pas d’abord confronté à sesmains. Un long moment, le toucherdemeure le sens primordial de son appro-priation du monde. La vue ne coule pas desource, elle est une conquête pour qui n’apas eu l’occasion de se confronter à elle.Les perceptions sensorielles sont des rela-tions symboliques au monde. Si l’ensembledes hommes de la planète disposent dumême appareil phonatoire, ils ne parlentpas la même langue. De même, si la struc-ture musculaire et nerveuse ou l’équipe-ment sensoriel sont identiques, cela neprésage en rien des usages culturels aux-quels ils donnent lieu. D’une sociétéhumaine à une autre, les hommes éprou-vent affectivement et sensoriellement lesévénements à travers des répertoires cultu-rels différenciés, qui se ressemblent parfoismais ne sont pas identiques. Sentir lemonde est une autre manière de le penser,de le transformer de sensible en intelli-gible. Le monde sensible est la traductionen termes sociaux, culturels et personnelsd’une réalité inaccessible autrement quepar ce détour d’une perception sensorielled’homme inscrit dans une trame sociale. Ilse donne à l’homme comme une inépui-sable virtualité de significations 16.

DAVID LE BRETONUniversité Marc Bloch de Strasbourg (France)

Faculté des sciences sociales22, rue René-Descartes

67084 Strasbourg cedex

Notes

1. David Le Breton est professeur de sociologie àl’université Marc Bloch de Strasbourg, membre del’Institut universitaire de France. Derniers ouvragesparus : La saveur du monde. Une anthropologie dessens (Métailié) ; En souffrance. Adolescence etentrée dans la vie (Métailié) ; et un roman noir,Mort sur la route (Métailié).2. D. le Breton, La saveur du monde. Une anthropo-logie des sens, Paris, Métailié, 2006.3. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la percep-tion, Paris, Tel-Gallimard, 1945, p. 71.4. W. Ong, « World as view and world as event »,American Anthropologist, n° 71, 1969, p. 636.5. C. Classen, « McLuhan in the rainforest : the sen-sory worlds of oral cultures », dans Howes D. (ed.),Empire of the Senses. The Sensual Culture Reader,Berg Publishers Ltd, 2005, 148 sq.6. S. Feld, Sound and Sentiment : Birds, Weeping,Poetics and Song in Kaluli Expression, Philadelphie,University of Pennsylvania Press, 1982.7. C. Classen, Worlds of Sense : exploring the Sensesin History and across Cultures, Londres, Routledge,1993.8. D. Le Breton, La saveur du monde, op. cit.9. G. Simmel, « Essai sur la sociologie des sens »,dans Sociologie et épistémologie, Paris, PUF, 1981,p. 225.10. De même, par exemple, pour la perception de lacouleur qui repose sur un apprentissage culturel etnon sur une physiologie ou une chimie, cf. D. Le Bre-ton, La saveur du monde, op. cit.11. M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la per-ception, op. cit., p. 258.12. D. Diderot, Le rêve de d’Alembert et autresécrits philosophiques, Paris, Livre de poche, 1984,p. 191. 13. J. A. L. Singh, R. M. Zingg, L’homme en friche. Del’enfant-loup à Kaspar Hauser, Bruxelles, Complexe,1980, p. 314.14. M. Von Senden, Space and Sight. The Perceptionof Space and Shape in the Congenitally Blind beforeand after Operation, Glencoe, Free Press, 1960.15. P. Henri, Les aveugles et la société, Paris, PUF,1958, p. 436.16. Pour un élargissement des thèmes de l’article, cf.D. Le Breton, La saveur du monde, op. cit.

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