Anesthésie chez l’enfant myopathe OG... · 2013-06-05 · Dreifuss, LGMD myopathie des ceintures...
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Anesthésie chez l’enfant myopathe
Dr Olivier Gall
Département d’Anesthésie Réanimation Chirurgicale
et SAMU de Paris
Hôpital Necker Enfants Malades
Introduction : myopathies de l’enfant
• affections primitives de la fibre musculaire (squelettique, myocardique et lisse)
• pathologies rares
• morbidité anesthésique importante – hyperthermie maligne (HM)
– rhabdomyolyse, réactions HM like
– arrêt cardiaque induit par la succinylcholine
– insuffisance cardiaque
– insuffisance respiratoire
– décompensation métabolique
Hyperthermie
Maligne
Risque
Cardiaque
Risque
Respiratoire
Dystrophies
musculaires
progressives
Dystrophinopathies
- Duchenne de Boulogne
- Becker
Non
Non
important
cardiomyopathie dilatée
risque de mort subite
important
syndrome restrictif
Sarcoglycanopathies
Autres atteintes proximales
Non faible faible
Dystrophies
myotoniques
Steinert
Type II
Non important à l’âge adulte
tr conductifs et tr du rythme
important à l’âge adulte
faiblesse du diaphragme
trouble de la commande
ventilatoire
Myopathies
congénitales
Central core, multi minicore (RyR1)
Autres (à bâtonnets, myotubulaire, …)
Oui (70 % des HM)
Non
faible
faible
Canalopathies
Paralysie périodique Hypokaliémique
(Westphal) (CACNA1S)
Hyperkaliémique (Gamstorp)
Normokaliémique
Oui (1% des HM)
Non
Non
faible
faible
Myopathies
métaboliques
Maladie de Pompe
Autres glycogénoses
Maladies du métabolisme lipidique
Non
Non
Non
important
cardiomyopathie dilatée
faible
cardiomyopathie hypertrophique
important
faibe
Myopathie
mitochondriale
Non cardiomyopathie hypertrophique
important
McCarthy et al. Ryanodine receptor mutations in malignant hyperthermia and central core disease. Hum Mutat 2000; 15: 410–417.
Jeong et al. A double mutation of the ryanodine receptor type 1 gene in a malignant hyperthermia family with multiminicore myopathy. J Clin Neurol 2008;
4: 123–130.
Bataille J, Sidi D. Atteintes cardiaques des maladies neuromusculaires de l’enfant in les maladies neuromusculaires par A Barois, Douin Ed 1999
1. Anesthésie d’un enfant ayant une
myopathie diagnostiquée
2. Anesthésie d’un enfant suspect de
myopathie
Hyperthermie maligne
• mutation RyR1
• libération massive de Ca à partir du
reticulum sarcoplasmique
• contraction permanente des myofilaments
contracture
• hypermétabolisme acidose
• déplétion des stocks de glycogène et
débordement des systèmes
d’homéostasie calcique (ATP dépendants)
hyperthermie
Lehmann-Horn. Anesthesiology 2011;115:915-7
Indices cliniques de susceptibilité HM
• 7% histoire clinique évocatrice de myopathie
• 1 % urines foncées après stress physique ou thermique
• 50 % ont déjà eu plus de 2 anesthésies générales sans
problème particulier
Larach. Anesth Analg 2010;110:498-507
Duchenne de Boulogne
• 1e myopathie héréditaire de l’enfant, 1/3000
naissances de garçons
• transmission récessive liée à l’X
• mutation du gène de la dystrophine
• atteinte progressive
Dystrophine
• protéine de 427 Kd
• ancrage des myofibrilles à la matrice
extracellulaire
• rôle de charpente
fragilité de la membrane cellulaire aux contraintes mécaniques
destruction prédomine dans les tissus les plus sollicités (ceintures)
Tableau clinique
• atteinte progressive:
– 3-6 ans : troubles de la marche (démarche dandinante sur la pointe des pieds), hyperlordose, hypertrophie des mollets
– 8-12 ans : perte de la marche
– 15 ans : cyphoscoliose et syndrome restrictif croissants, besoin d’assistance ventilatoire permanente
• cardiomyopathie
– longtemps peu symptomatique (réduction d’activité physique)
– évolution vers cardiomyopathie dilatée
– fréquence des morts subites
• difficultés de langage et d’apprentissage
• macroglossie
• tendance à l’obésité
Diagnostic
• CPK élevées > 1000 dès la petite enfance
• Biopsie musculaire : altérations de structure des fibres
musculaires, étude de la dystrophine (IF et Western Blot)
– Duchenne : dystrophine absente ou < 30 %
– Becker : dystrophine > 40 %, anomalie qualitative
• Étude de l’ADN (prélèvement sanguin) mutation du gène de la
dystrophine (Xp21)
Évaluation préopératoire
• en lien avec l’équipe pluridisciplinaire qui suit le patient et le cardiologue
• l’âge est un facteur de gravité important
Au-delà de 10 ans
Intervention type Arthrodèse vertébrale
Évaluation
cardiovasculaire
Examen clinique
ECG, Holter
Echographie
Scintigraphie (FEI) ou IRM+ Dobutamine si
dyskinésie
Évaluation
respiratoire
Examen clinique
Rx thorax
GDS, EFR
Éléments péjoratifs :
• Fc > 110 /min au repos
• dyskinésie latérale
• FE 45 % peu améliorée par dobutamine
Évaluation préopératoire
Avant 10 ans Au-delà de 10 ans
Intervention type Biopsie musculaire
Nissen gastrostomie
Ténotomies
Arthrodèse vertébrale
Évaluation
cardiovasculaire
Examen clinique
ECG
Echographie
Examen clinique
ECG, Holter
Echographie
Scintigraphie (FEI) ou IRM+ Dobutamine si
dyskinésie
Évaluation
respiratoire
Examen clinique
RX thorax
SpO2 air ambiant
Examen clinique
Rx thorax
GDS, EFR
• capital veineux
• état nutritionnel
• difficultés d’accès aux voies aériennes (macroglossie)
En consultation d’anesthésie
• préparation respiratoire : intensification de la kinésithérapie,
indication à initier la VNI
• information risque anesthésique, séjour postopératoire en
réanimation
• poursuite du traitement habituel, y compris IEC, jusqu’au matin
de l’intervention
• prémédication à la demande
Morbidité peropératoire
• arrêt cardiaque avec la succinylcholine (hyperkaliémie par
rhabdomyolyse précoce et massive)
• curarisation prolongée avec les curares non dépolarisants
• rhabdomyolyse ± hyperthermie, sans signes directs
d’hypermétabolisme (réactions HM like) avec les halogénés
Gronert. Anesthesiology 2001; 94: 523-9.
Hayes et al. Paediatric Anaesthesia 2008 18: 100-106
Conclusion des auteurs : pas de risque d’HM, halogénés tolérés en exposition brève (difficulté d’intubation et/ou d’accès IV)
– conversion immédiate en AIVOC
– surveillance kaliémie et enzymes musculaires
Arrêt cardiaque sur hyperkaliémie
aiguë
Élévation de la T° et de la
fréquence cardiaque
Rhabdomyolyse postopératoire
Présentation
clinique
13 patients (8 Duchenne, 5 Becker)
12/13 âgés de moins de 8 ans
7 Halothane, 2 Isoflurane, 1
Sévoflurane, 3 combinaisons
0 succinylcholine
AC perop à M20 postop
K+ entre 6,9 et 12 mmol.l-1
9 patients 9 Duchenne
2 fièvres per opératoires cédant
à l’arrêt des halogénés
7 fièvres per et post opératoires
de résolution spontanée
6 patients (5 Duchenne, 1 Becker)
Entretien halothane, sévoflurane ou
enflurane
1 patient a reçu du Dantrolène pour
T°>40°3 et tachycardie per opératoire
Étiologie HM très peu probable à peu
probable
AC sans prodrome très inhabituel
dans l’HM
HM peu probable. Tachycardie
peu spécifique. Absence de
contracture et de signes
d’hypermétabolisme.
5/6 HM très peu probable.
Hayes et al. Paediatric Anaesthesia 2008 18: 100-106
Prise en charge peropératoire
• monitorage habituel +
– cathéter artériel
– débit cardiaque, SvcO2
– kaliémie, CPK
• cell saver, accélérateur de perfusion
• PM : reprogrammation en mode asynchrone, bistouri bipolaire, patch de défibrillateur externe, aimant
• propofol et remifentanil en AIVOC, cibles abaissées, titration sur le BIS et la tolérance hémodynamique
• midazolam - sufentanil avec kétamine ou étomidate à l’induction si cardiomyopathie sévère
maintien de la précharge
remplacement rigoureux des pertes sanguines
éviter l’hypotension (remplissage, noradrénaline)
chirurgie rachidienne et fonction myocardique altérée
Prise en charge postpératoire
• optimisation hémodynamique
• sevrage ventilatoire difficile
– analgésie efficace
– CPAP ou VNI
Shapiro et al. Muscle Nerve 1992 15: 604-14
Atteinte cardiaque des laminopathies
• dystrophie musculaire congénitale (Emery
Dreifuss, LGMD myopathie des ceintures
scapulaire et pelvienne)
• lamine : protéine de structure
– rôle de charpente pour la membrane
nucléaire
– rôle d’interface entre la membrane nucléaire
et la chromatine, régulant expression des
gènes, différenciation et vieillissement
cellulaire
• troubles du rythme supraventriculaires ou
ventriculaires
• cardiomyopathie dilatée
Meune et al. N Engl J Med 2006 ; 354 : 209-10.
Dystrophie myotonique de Steinert
• 1e myopathie héréditaire de l’adulte, transmission
autosomique dominante
• prévalence 1/20 000, expressivité variable
• retard de relaxation après une contraction volontaire
ou réflexe (percussion, stimulation électrique)
• répétition de triplets sur le chromosome 19
Tableau clinique
• faiblesse musculaire prédominant aux extrémités, à la face, au pharynx et aux muscles du tronc (intercostaux, diaphragme)
• atteinte cardiaque, non corrélée à l’atteinte musculaire
• cataracte
• atteinte digestive
• insuffisance corticosurrénalienne et thyroidienne
• troubles cognitifs et troubles du comportement
• ptosis
• diplégie faciale
• atrophie massétérine et
temporale
• calvitie chez l’adulte
• phénomène d’anticipation de l’âge : atteinte plus précoce et plus
sévère au fil des générations
• forme congénitale : présentation sévère type arthrogrypose
• forme infantile : faiblesse musculaire peu évidente, pas de
myotonie avant 5 ans, difficultés d’apprentissage et troubles
cognitifs au premier plan
Prise en charge anesthésique
• chirurgie orthopédique, exceptionnellement jeune enfant
• chirurgie de la cataracte, cholecystectomie plutôt à l’âge adulte
• évaluation de la cardiopathie : ECG, Holter, enregistrement du faisceau de His (indication à implantation PM)
• crise myotonique déclenchée par
– hypothermie
– succinylcholine
– stimulations nociceptives chirurgicales (et anesthésiques)
• sensibilité aux morphiniques (intérêt ALR)
Veyckemans et al. Pediatric Anesthesia 2013 [Epub ahead of print]
Myopathies métaboliques
Métabolisme glucidique
• accumulation de glycogène,
• plusieurs types selon déficit enzymatique
• début à tous âges : – myalgies
– intolérance à l’effort
– hypoglycémies
• Maladie de Pompe : – atteinte musculaire squelettique
– cardiomyopathie
– hépatomégalie
– atteinte respiratoire
– enzymothérapie substitutive
Myopathies métaboliques
Métabolisme lipidique
• accumulation d’acides gras
• myalgies, intolérance à l’effort et au jeûne, encéphalopathie
• plusieurs types selon déficit
• déficit en carnitine – atteinte musculaire proximale
– hypoglycémies
– cardiopathie
– réversible sous traitement adapté
Prise en charge anesthésique
• avis spécialisé
• bases de données : Orphanet
• myocardiopathie
• jeûne opératoire
– régime « de stress » la veille et le jour de l’intervention
– apport calorique continu : G10% 3 ml.Kg-1.h-1
Cytopathies mitochondriales
• 1/4000 naissances
• cause fréquente de maladie neuro-musculaire
• modes de transmissions variés
• clinique – atteinte pluri-organique progressive
– organes ayant un fort métabolisme aérobie (cerveau, rétine, muscles, cœur, rein, foie…)
• bilan paraclinique – lactates sang et LCR, rapports lactate/pyruvate, 3-
hydroxybutyrate/acétoacétate
– chromatographie des acides aminés et acides organiques
– biopsie musculaire: ragged red fibers, surcharge lipidique, glycogénique, normale
– étude enzymologique de la chaine respiratoire
– biologie moléculaire
Évaluation préopératoire
• orphanet
• neuropédiatres, métaboliciens
• bilan des organes cliniquement atteints :
– SNC: épilepsie, contact, polyhandicap, déglutition
– Muscles: tonus, contractures, lactatémies habituelles sans garrot
– Respiratoire: infections, toux efficace, SpO2 AA, apnées
– Rénale et hépatique:
– Digestif: dénutrition, RGO
• recherche systématique d’une cardiomyopathie
• apport calorique continu jusqu’à la reprise de l’alimentation
Prise en charge anesthésique
• monitorage habituel +
– cathéter artériel
– glycémies, lactates
• éviter le Ringer Lactate
• choix des agents anesthésiques
– éviter le propofol en perfusion continue (risque de PRIS)
– préférer halogénés (MAC diminuée) ou kétamine
• ALR en injection unique
– myotoxicité expérimentale des AL en infusion continue sur KT
Ross Pediatric Anesthesia 2007 17: 1–6
2. Anesthésie d’un enfant suspect de
myopathie
Indices cliniques de myopathie
Tableau clinique Myopathie Fréquence Implications anesthésiques
Atteinte prédominant aux ceintures
hypertrophie des mollets
CPK élevées
Dystrophie musculaire
progressive (Boulogne,
Becker)
+ Éviction succinylcholine et halogénés
Risque cardiopathie
Lenteur anormale du relâchement
musculaire
Cataracte
CPK élevées
Dystrophie myotonique
(Steinert)
- Éviction succinylcholine et halogénés
Risque de trouble du rythme
Attention hypothermie
? (atteinte le plus souvent
infraclinique)
CPK normales ou élevées
Myopathie congénitale
RyR1
- Éviction succinylcholine et halogénés
Myalgies à l’effort
Hypoglycémies
Myopathie métabolique - Éviction succinylcholine
Risque cardiopathie
Jeûne et hypothermie mal supportés
Atteinte inexpliquée de plus
de 2 organes (encéphalopathie,
hépatopathie, néphropathie…)
CPK normales
Lactates élevés
Cytopathie mitochondriale + Éviction succinylcholine
Éviction propofol en infusion continue
Risque cardiopathie
Jeûne et hypothermie mal supportés
série rétrospective de 351 anesthésies pour BM chez des enfants suspects de myopathie
Résultat des BM
–11: pas de résultat
–117: négatives, peu spécifiques
–39 suspicions de maladies
mitochondriales dont 3 confirmées
–7 dystrophies dont 2 DMD
–16 myopathies inflammatoires
–27 myasthénies
aucune rhabdomyolyse ou HM sous halogénés
aucune rhabdomyolyse ou HM sur 3 succinylcholine
Flick et al Pediatric Anaesthesia 2007 17:22-27
• première position dans la salle
• apport calorique continu
• pas de succinylcholine
• privilégier ALR + sédation
• si AG : propofol et remifentanil en AIVOC, ou halogénés ou kétamine
• surveillance postopératoire coloration des urines, glycémie, lactates, CPK
• séjour prolongé en SSPI ou USC
pour une intervention plus importante (gastrostomie, Nissen, chirurgie orthopédique)
Mes maîtres m’ont appris …
• première position dans la salle
• éviction de la succinylcholine et des halogénés (chaux
sodée changée, cuve halogéné démontée, circuit du
ventilateur purgé)
• anesthésie totale intraveineuse
• intérêt de l’ALR si la chirurgie le permet (ex BM)
• risque de trouble du rythme ventriculaire et d’insuffisance
cardiaque
• difficultés de sevrage ventilatoire
Liste non exhaustive des maladies mitochondriales
Diabète (3% des cas)
Syndrome de Kearns-Sayre (ophtalmoplégie externe avec rétinite pigmentaire)
Syndrome de Leigh (encéphalomyopathie nécrosante subaiguë)
Syndrome MELAS (encéphalomyopathie, acidose lactique et accidents vasculaires cérébraux)
Myopathie mitochondriale (enfant, adulte)
Syndrome MERRF (épilepsie myoclonique avec" ragged red fibers "
Syndrome MNGIE (encéphalopathie Myo-Neuro-Gastro-Intestinale)
Syndrome NARP (Neuropathie, Ataxie et Rétinite Pigmentaire)
Syndrome de Pearson (insuffisances pancréatique exocrine et anémie)
Ophtalmoplégie externe progressive chronique (PEO)
Atrophie optique de Leber
Ataxie de Friedreich
Encéphalomyopathie mitochondriale - aminoacidopathie
Maladie de Alpers (poliodystrophie sclérosante progressive)
Syndrome de luft, Ce syndrome est en rapport avec un dysfonctionnement mitochondrial. Comme beaucoup de maladies mitochondriales ce syndrome se manifeste essentiellement par une myopathie.