Anca Cosaceanu - Semantique Lexicale
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8/19/2019 Anca Cosaceanu - Semantique Lexicale
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Anca COSĂCEANU
SÉMANTIQUE LEXICALE
UNIVERSITATEA BUCUREŞTI
EDITURA CREDIS
2003
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Referent ştiinţific: prof.dr. Paul MICLĂU
Descrierea CIP a Bibliotecii Naţionale a României
COSĂCEANU, ANCACours de Sémantique lexicale/ Anca Cosăceanu.- BucureştiCREDIS, 2003
Bibliogr.
ISBN 973-8336-70-4
811.133.1(074)
Editura CREDIS Bd. Mihail Kogălniceanu, Nr. 36 – 46
Cămin B, Etaj IV, Sector 5
Tel: (021) 315 80 95Fax: (021) 315 80 96
Email: [email protected]
ISBN 973-8336-70-4
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TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE IFONDEMENTS THÉORIQUES 7
1.1. Préliminaires 7
1.2. Concepts de base 91.2.1. Le signe linguistique 91.2.2. Le sens 171.2.3. Le référent 191.2.4. La signification 231.2.5. Dénotation /vs./ connotation 241.2.6. Le sens figuré 251.2.7. Le sens implicite 261.2.8. La production du sens 27
CHAPITRE IILA DESCRIPTION SÉMANTIQUE TRADITIONNELLE DU MOT
2.1. Le sens dans les dictionnaires 28
2.2. Principes de rédaction d'un dictionnaire 29
2.3. Les définitions 372.3.1. Les définitions référentielles 372.3.2. Les définitions paraphrastiques 38
CHAPITRE IIIL’ANALYSE STRUCTURALE DU SENS (L’ANALYSE SÉMIQUE)
3.1. Principes généraux 40
3.2. Les unités de sens 413.2.1. Les sèmes 41
3.2.2. Le sémème 423.2.3. L’archisémème 473.2.4. L’épisémème. 493.2.5. Le métasémème 493.2.6. Le modèle de Rastier 49
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3.3. La sémantique du prototype 523.3.1. Principes 523.3.2. La ressemblance de famille 57
APPLICATIONS 59
CHAPITRE IVL’ANALYSE SÉMIQUE: APPLICATIONS 66
4.1. Les traits sémantiques des noms 664.1.1. Traits génériques 664.1.2. Traits spécifiques 70
4.2. Les traits sémantiques des verbes 724.2.1. Traits génériques 724.2.2. Traits spécifiques 74
CHAPITRE VLES CHAMPS LEXICO-SÉMANTIQUES 75
5.1. La notion de champ 77
5.2. Types de champs 805.2.1. Les champs lexicaux 805.2.2. Les champs morphologiques 80
5.2.3. Les champs sémantiques (conceptuels) 815.2.4. Les champs morpho-sémantiques 835.2.5. Les champs thématiques 845.2.6. Les champs morpho-lexicaux et les champs situationnels 845.2.7. Les terminologies scientifiques et techniques 855.2.8. Le schéma de Duchaček 855.2.9. Champs onomasiologiques et champs sémasiologiques 86
5.3. Traitement lexicographique des champs 90
5.4. Traitement sémantique des champs 935.5. Solidarité langue – discours dans le traitement des champs 95
5.6. Difficultés et limites des champs lexico-sémantiques 96
APPLICATIONS 98
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CHAPITRE VIRELATIONS SÉMANTIQUES PARADIGMATIQUES 103
6.1. La polysémie 1036.1.1. Sources de la polysémie 1076.1.2. Types des polysémies 112
6.2. L'homonymie 1196.2.1. Homonymie et histoire 1236.2.2. Manifestations formelles de l'homonymie 124
6.3. L’hyponymie 1266.4. La synonymie 129
6.4.1. Types de synonymes 132
6.5. L’antonymie 1366.5.1. Types d’antonymes 1386.5.2. Antonymie et polysémie 1426.5.3. Lexicalisation des rapports d’opposition 142
APPLICATIONS 144
CHAPITRE VIIRELATIONS SÉMANTIQUES SYNTAGMATIQUES 159
7.1. Les combinatoires 1597.1.1. Les niveaux fonctionnels 1637.1.2. Le figement 165
7.2. L’isotopie 1707.3. Les tropes 174
7.3.1. La métonymie 1767.3.2. La synecdoque 1777.3.3. La métaphore 179
APPLICATIONS 186
CORRIGÉS 194
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 205
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CHAPITRE I
FONDEMENTS THÉORIQUES
1.1. Préliminaires
La sémantique est traditionnellement définie comme étudesystématique des phénomènes de sens . Cependant, si le sens aconstitué depuis l’Antiquité et à travers le Moyen Age jusqu’àl’époque moderne une préoccupation des philosophes, la sémantique
n’acquiert un statut d’indépendance parmi les disciplines linguistiquesqu’à partir de la fin du XIX-e siècle (Michel Bréal lui dédie dans lesannées 1880 un premier ouvrage). La pensée linguistique del’époque était dominée par l’historisme; aussi n’est-il pas étonnantque la sémantique se donne alors pour but d’étudier l’évolution dusens des mots: c’était une sémantique diachronique .
Avec l’essor, au début du XX-e siècle, de la linguistique
structurale, apparaît la sémantique synchronique , ayant pour objetl’étude des contenus encodés dans les langues naturelles. Cette idéed’encodage nous ramène au fameux schéma du processus decommunication linguistique inspiré de Roman Jakobson (v. pagesuivante; trad. fr. Essais de linguistique générale , Éditions de Minuit,1963)
Le sens , objet de la sémantique, serait selon ce modèle de
représentation l’information communiquée par l’intermédiaire desmoyens que toute langue fournit à ses usagers, à savoir des signeslinguistiques .
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La communication linguistique :
contexte linguistique etextralinguistique
code = langue naturelle
ÉMETTEURencodage = parcoursonomasiologique (ducontenu vers l’expression)
MESSAGE RECEVEURdécodage = parcourssémasiologique(de l’expression versle contenu)
- point de départ référentiel
+ intention decommunication qui estconceptualisée,
canal (auditif, visuel)
- organisation mentale =représentation,
- « mise en signes » à l’aidedes moyens fournis parune langue naturelle =mise en discours.
Les unités linguistiques douées de sens sont:
les mots (les lexèmes, unités lexicalessimples)
les lexies (unités lexicales complexes)niveau lexical
les syntagmes (groupes de mots)les phrases, les énoncés
niveau syntaxique, phrastique
les discours, les textesniveau transphrastique (discursif,
textuel)
Compte tenu des niveaux du parcours communicationnel
représentés ci-dessus, on peut classer les sémantiques comme suit
(B. Pottier, 1992):
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a. la sémantique référentielle étudie les relations entre le
monde, la conceptualisation et les systèmes linguistiques.
b. la sémantique structurale (lexicale ou phrastique) étudie les
signes d’une langue naturelle à travers leurs signifiés (cf. ci-
dessous, la description saussurienne du signe linguistique).
c. la sémantique discursive étudie les mécanismes de
passage de la langue au discours et inversement.
d. la sémantique pragmatique étudie les relations entre les
interlocuteurs, lesquelles déterminent la forme et le contenu
des messages.
Ces quatre sémantiques sont complémentaires et coexistantes.
S’y ajoutent les sémantiques « indépendantes » : la sémiotique
textuelle, les sémiologies parallèles (iconique, mimo-gestuelle, etc.),
les sémantiques non-linguistiques (logique, mathématique).
Dans le présent ouvrage, nous nous occuperons des questions
de sémantique structurale lexicale .
1.2. Concepts de base
1.2.1. Le signe linguistiqueLa linguistique structurale définit les langues naturelles comme
des systèmes de signes, appelés signes linguistiques . Il y a
plusieurs modèles de description du signe linguistique, dont deux
nous semblent fondamentaux : le modèle proposé par Ferdinand de
Saussure et le modèle du « triangle sémiotique ».
A. Le modèle saussurien: le signe linguistique commeentité biplane.
Pour Ferdinand de Saussure, le signe linguistique est la réunion
d’un concept et d’une image acoustique. Le concept est le signifié du
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signe, l’image acoustique en est le signifiant . Qu’il nous soit permis
de citer plus abondamment les pages de Saussure (1967, pp. 97 -
103), révélatrices pour la pensée d’un des pères fondateurs du
structuralisme linguistique:
« Pour certaines personnes la langue, ramenée à son principe
essentiel, est une nomenclature, c'est-à-dire une liste de termes
correspondant à autant de choses.
Cette conception est critiquable à bien des égards. Elle suppose
des idées toutes faites préexistant aux mots; elle ne nous dit pas si le
nom est de nature vocale ou psychique, car (un nom comme) arbor
peut être considéré sous l'un ou l'autre aspect; enfin elle laisse
supposer que le lien qui unit un nom à une chose est une opération
toute simple, ce qui est bien loin d'être vrai. Cependant cette vue
simpliste peut nous rapprocher de la vérité, en nous montrant que
l'unité linguistique est une chose double, faite du rapprochement de
deux termes.
On a vu à propos du circuit de la parole, que les termes
impliqués dans le signe linguistique sont tous deux psychiques et
sont unis dans notre cerveau par le lien de l'association. Insistons sur
ce point.
Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un
concept et une image acoustique. Cette dernière n'est pas le son
matériel, chose purement physique, mais l'empreinte psychique de ce
son, la représentation que nous en donne le témoignage de nos
sens; elle est sensorielle, et s'il nous arrive de l'appeler « matérielle »,
c'est seulement dans ce sens et par opposition à l'autre terme de
l'association, le concept, généralement plus abstrait.
Le caractère psychique de nos images acoustiques apparaît bien
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quand nous observons notre propre langage. Sans remuer les lèvres
ni la langue, nous pouvons nous parler à nous-même ou nous réciter
mentalement une pièce de vers. C'est parce que les mots de la
langue sont pour nous des images acoustiques qu'il faut éviter de
parler des « phonèmes » dont ils sont composés. Ce terme,
impliquant une idée d'action vocale, ne peut convenir qu'au mot parlé,
à la réalisation de l'image intérieure dans le discours. En parlant des
sons et des syllabes d'un mot, on évite ce malentendu, pourvu qu'on
se souvienne qu'il s'agit de l'image acoustique.
Le signe linguistique est donc une entité psychique à deux faces:
CONCEPT et image acoustique
Ces deux éléments sont intimement unis et s'appellent l'un
l'autre. Que nous cherchions de sens du mot latin arbor ou le mot par
lequel le latin désigne le concept « arbre », il est clair que seuls les
rapprochements consacrés par la langue nous apparaissent
conformes à la réalité, et nous écartons n'importe quel autre qu'on
pourrait imaginer.
Cette définition pose une importante question de terminologie.
Nous appelons signe la combinaison du concept et de l'image
acoustique: mais dans l'usage courant ce terme désigne
généralement l'image acoustique seule, par exemple un mot ( arbor ,
etc.). On oublie que si arbor est appelé signe, ce n'est qu'en tant qu'il
porte le concept « arbre », de telle sorte que l'idée de la partiesensorielle implique celle du total.
L'ambiguïté disparaîtrait si l'on désignait les trois notions ici en
présence par des noms qui s'appellent les uns les autres tout en
s'opposant. Nous proposons de conserver le mot signe pour désigner
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le total, et de remplacer concept et image acoustique respectivement
par signifié et signifiant ; ces derniers termes ont l'avantage de
marquer l'opposition qui les sépare soit entre eux, soit du total dont ils
font partie. Quant à signe , si nous nous en contentons, c'est que nous
ne savons par quoi les remplacer, la langue usuelle n'en suggérant
aucun autre.
Le signe linguistique ainsi défini possède deux caractères
primordiaux. En les énonçant nous poserons les principes mêmes de
toute étude de cet ordre.
Premier principe: l'arbitraire du signe.
Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire, ou encore,
puisque nous entendons par signe le total résultant de l'association
d'un signifiant à un signifié, nous pouvons dire plus simplement: le
signe linguistique est arbitraire .
Ainsi l'idée de « sœur » n'est liée par aucun rapport intérieur
avec la suite de sons s - ö - r qui lui sert de signifiant; il pourrait être
aussi bien représenté par n'importe quel autre: à preuve les
différences entre langues et l'existence même de langues différentes:
le signifié « bœuf » a pour signifiant b - ö - f d'un côté de la frontière,
et o - k - s ( Ochs ) de l'autre.
Le principe de l'arbitraire du signe n'est contesté par personne;
mais il est souvent plus aisé de découvrir une vérité que de lui
assigner la place qui lui revient. Le principe énoncé plus haut dominetoute la linguistique de la langue; ses conséquences sont
innombrables. Il est vrai qu'elles n'apparaissent pas toutes du premier
coup avec une égale évidence; c'est après bien des détours qu'on les
découvre, et avec elles l'importance primordiale du principe.
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Une remarque en passant: quand la sémiologie sera organisée,
elle devra se demander si les modes d'expression qui reposent sur
des signes entièrement naturels - comme la pantomime - lui
reviennent de droit. En supposant qu'elle les accueille, son principal
objet n'en sera pas moins l'ensemble des systèmes fondés sur
l'arbitraire du signe. En effet tout moyen d'expression reçu dans une
société repose en principe sur une habitude collective ou, ce qui
revient au même, sur la convention. Les signes de politesse, par
exemple, doués souvent d'une expressivité naturelle (qu'on pense au
Chinois qui salue son empereur en se prosternant neuf fois jusqu'à
terre), n'en sont pas moins fixés par une règle; c'est cette règle qui
oblige à les employer, non leur valeur intrinsèque. On peut donc dire
que les signes entièrement arbitraires réalisent mieux que les autres
l'idéal du procédé sémiologique; c'est pourquoi la langue, le plus
complexe et le plus répandu des systèmes d'expression, est aussi le
plus caractéristique de tous; en ce sens la linguistique peut devenir le
patron général de toute sémiologie, bien que la langue ne soit qu'un
système particulier.
On s'est servi du mot symbole pour désigner le signe
linguistique, ou plus exactement ce que nous appelons le signifiant. Il
y a des inconvénients à l'admettre, justement à cause de notre
premier principe. Le symbole a pour caractère de n'être jamais tout à
fait arbitraire; il n'est pas vide, il y a un rudiment de lien naturel entre
le signifiant et le signifié. Le symbole de la justice, la balance, ne
pourrait pas être remplacé par n'importe quoi, un char, par exemple.
Le mot arbitraire appelle aussi une remarque. Il ne doit pas
donner l'idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant
(on verra plus bas qu'il n'est pas au pouvoir de l'individu de rien
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changer à un signe une fois établi dans un groupe linguistique); nous
voulons dire qu'il est immotivé , c'est-à-dire arbitraire par rapport au
signifié, avec lequel il n'a aucune attache naturelle dans la réalité.
Signalons en terminant deux objections qui pourraient être faites
à l'établissement de ce premier principe:
1° On pourrait s'appuyer sur les onomatopées pour dire que le
choix du signifiant n'est pas toujours arbitraire. Mais elles ne sont
jamais des éléments organiques d'un système linguistique. Leur
nombre est d'ailleurs bien moins grand qu'on ne le croit. Des mots
comme fouet ou glas peuvent frapper certaines oreilles par une
sonorité suggestive; mais pour voir qu'elles n'ont pas ce caractère
dès l'origine, il suffit de remonter à leur formes latines ( fouet dérivé de
fägus « hêtre », glas = classicum ); la qualité de leurs sons actuels, ou
plutôt celle qu'on leur attribue, c'est un résultat fortuit de l'évolution
phonétique.
Quant aux onomatopées authentiques (celles du type glou-glou,
tic-tac, etc.), non seulement elles sont peu nombreuses, mais leur
choix est déjà en quelque mesure arbitraire, puisqu'elles ne sont que
l'imitation approximative et déjà à demi conventionnelle de certains
bruits (comparez le français ouaoua et l'allemand wauwau ). En outre,
une fois introduites dans la langue, elles sont plus ou moins
entraînées dans l'évolution phonétique, morphologique, etc. que
subissent les autres mots (cf. pigeon , du latin vulgaire pipiö , dérivé
lui-même d'une onomatopée): preuve évidente qu'elles ont perduquelque chose de leur caractère premier pour revêtir celui du signe
linguistique en général, qui est immotivé.
2° Les exclamations , très voisines des onomatopées, donnent
lieu à des remarques analogues et ne sont pas plus dangereuses
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pour notre thèse. On est tenté d'y voir des expressions spontanées
de la réalité, dictées pour ainsi dire par la nature. Mais pour la plupart
d'entre elles, on peut nier qu'il y ait un lien nécessaire entre le signifié
et le signifiant. Il suffit de comparer deux langues à cet égard pour
voir combien ces expressions varient de l'une à l'autre (par exemple
au français aïe! correspond l'allemand au! ). On sait d'ailleurs que
beaucoup d'exclamations ont commencé par être des mots à sens
déterminé (cf. diable! mordieu! = mort Dieu , etc.).
En résumé, les onomatopées et les exclamations sont
d'importance secondaire, et leur origine symbolique en partie
contestable.
Second principe; caractère linéaire du signifiant.
Le signifiant, étant de nature auditive, se déroule dans le temps
seul et a les caractères qu'il emprunte au temps: a) il représente une
étendue, et b) cette étendue est mesurable dans une seule
dimension : c'est une ligne.
Ce principe est évident, mais il semble qu'on ait toujours négligé
de l'énoncer, sans doute parce qu'on l'a trouvé trop simple;
cependant il est fondamental et les conséquences en sont
incalculables; son importance est égale à celle de la première loi.
Tout le mécanisme de la langue en dépend. Par opposition aux
signifiants visuels (signaux maritimes, etc.), qui peuvent offrir descomplications simultanées sur plusieurs dimensions, les signifiants
acoustiques ne disposent que de la ligne du temps; leurs éléments se
présentent l'un après l'autre; ils forment une chaîne. Ce caractère
apparaît immédiatement dès qu'on les représente par l'écriture et
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qu'on substitue la ligne spatiale des signes graphiques à la
succession dans le temps. »
xxx
L’ensemble des signifiants de tous les signes d’une langue
naturelle forme le plan de l’expression de cette langue.
L’ensemble des signifiés de tous les signes d’une langue
naturelle forme le plan du contenu de cette langue. Les deux plans
ont une structure isomorphe.
B. Le signe linguistique comme entité triplane: le triangle
sémiotique
Selon les tenants de l’approche « sémiotique » du signe
linguistique, qui enrichit le modèle saussurien (il s’agit surtout des
représentants de l’école américaine, dont le philosophe Ch.S. Peirce,
les psycholinguistes Ogden et Richards, le logicien Ch. Morris), le
signe est le résultat de l’utilisation par un locuteur d’une unitélinguistique (Symbole) douée de sens (Référence) afin de référer à
quelque chose d’autre que soi-même (Référent, Objet). La
représentation schématique de ce modèle est connue sous le nom de
triangle d’Ogden et Richards ou triangle sémiotique :
Signifié(Référence)
Signifiant(Symbole)
Référent(Objet)
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La relation entre Symbole (la forme linguistique) et Référent n’est
pas immédiate; elle s’instaure par l’intermédiaire de la Référence.
C. Le trapèze sémiotique
Des linguistes allemands (Klaus Heger, Kurt Baldinger) ont
proposé de remplacer le triangle sémiotique par une figure plus
complexe, un trapèze sémiotique à quatre composantes où figure le
concept , en plus du signifiant, du signifié et du référent. Ce concept
ou représentation est ce qui, tout en relevant du logique, du
psychologique et du cognitif, ne s'identifie pas au signifié. Voici le
trapèze sémiotique:
sens représentationsnon linguistiques
forme référent
Dans le trapèze, dont les côtés représentent des relations entre
les entités situées aux quatre angles, la partie gauche relève du
langage (forme et sens = expression et contenu, signifiant et signifié);
le secteur supérieur de la partie droite relève du psychologique non
langagier; le secteur inférieur de la partie droite relève de la réalité
extérieure.
1.2.2. Le sens
Dans l’acception saussurienne, le sens pourrait être identifié au
signifié , unité du plan du contenu d’une langue naturelle.
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Si l’on considère le signe linguistique comme une entité triplane,
alors le sens serait la propriété de l’unité linguistique à référer à un
objet autre que soi-même.
Il faut cependant prendre en considérations d’autres hypothèses
quant à la nature du sens. En effet, si la langue est envisagée
essentiellement comme un instrument de communication, alors le
sens est justement
- la communication d’une information sur un état du monde, sur
la réalité
ou
- la communication d’une information sur un état du monde,
modalisée par une attitude du locuteur.
Le sens comme voie d'accès au référent
Le sens constitue un moyen d'accès au référent, même s'il n'est
pas que cela. Toutefois pour désigner un référent actuel, pour
permettre à l'auditeur de l'identifier, le sens du mot ou même du
groupe de mots ne suffit pas toujours. Il faut aussi tenir compte del'emploi . Citons C. Touratier (2000): « Soit la question: « Connaissez-
vous cette ville? » Le sens du mot ville , tel qu'il est connu par les
usagers du français, leur permet bien de comprendre la question,
même si elle est détachée de son contexte, mais non à lui seul d'y
répondre. Leur compréhension reste dans ce cas incomplète. Pour
répondre, il faut qu'ils sachent de quelle ville particulière il s'agit, et le
démonstratif cette fait justement allusion soit au contexte, parexemple à un nom de ville qu'on vient de citer (Paris, Londres, etc.),
soit à la situation, à la ville où les interlocuteurs se trouvent.
Il y aurait donc deux niveaux du sens: d'une part le sens en
langue , sur lequel les usagers ont un savoir relativement stable et
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que les dictionnaires tentent de décrire à l'aide de définitions, d'autre
part le sens en emploi - d'autres préfèrent effets de sens, sens en
discours, sens actuel, sens textuel, sens contextuel , de même
qu'on peut dire, au lieu de sens en langue, sens potentiel , etc.
Cependant, comme l'exemple ci-dessus le montre, la distinction, qui
vaut pour les noms communs, ne vaut pas pour les noms propres,
lesquels n'ont, en principe, qu'une seule possibilité de référence.
Quand il s'agit de noms propres, il n'y a pas lieu d'opposer référence
virtuelle et référence actuelle , puisqu'elles s'identifient ».
1.2.3. Le référent
Le référent est “l’objet” concret ou abstrait auquel le mot réfère.
Il s’oppose en cela au sens ou signifié, vu comme réalité
psychologique, comme moyen d’accès au référent.
La référence est l'opération qui consiste à faire correspondre au
mot un référent. Citons C. Touratier (2000):
« On doit faire attention à ne pas confondre sens et référent . Le
sens du mot chat , par exemple, est une réalité psychologique, à bien
distinguer de la réalité extérieure à l'esprit qu'est un chat. Nous
pouvons dire que nous avons à faire à trois sortes de réalités:
- la forme du mot (son signifiant , son expression) ;
- son sens (son signifié , son contenu) ;
- son référent , qui ne fait pas partie du mot ».
On peut cependant établir une distinction entre Référent et Objet
aussi. Selon A. Măgureanu (1981): « Le signe peut renvoyer à:
- une entité ou une classe d’entités concrètes du monde réel:
école, chien, froid, écrire renvoient à des entités dont
l’existence peut être perçue par les sens.
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- une entité ou une classe d’entités abstraites: qualités,
actions, événements, dont l’existence est perçue par
l’expérience: bonté curiosité, angoisse renvoient à des
sentiments, des propriétés perçus à travers l’expérience
commune.
- une entité concrète ou abstraite n’existant pas dans le
monde réel, mais à laquelle on peut référer de la même
façon que dans le cas des objets réels »
Ainsi par exemple, licorne, sirène, le cheval Pégase, cyclope etc.
sont des signes qui n’ont pas de référent, qui ne renvoient à aucun
objet réel. Il en est de même des personnages littéraires, qui, bien
que ne renvoyant pas à des personnes qui existent dans le monde
réel, ont des référents qui sont reconnus par tous les sujets parlants
possédant un certain savoir culturel. Citons à ce propos C. Baylon
(1995): « Puisque l'imagination des individus, ainsi que ce qui s'y
trouve, fait d'une certaine façon partie de la réalité - l'imagination et
son contenu se trouvent dans leur cerveau, dans leur esprit - les
référents fictifs ont une existence, même si elle est différente de
celle des référents perceptibles tels qu'un cheval concret ou un objet
matériel. Dans leurs emplois littéraires, les mots du langage
comportent très souvent ce genre de référent.
Il y a d'autres emplois sans référent . Quant on évoque un
cavalier qui monte uniquement des chevaux appartenant à autrui
parce que ses moyens ne lui permettent pas d'en avoir un en propre,
on peut dire: "Il ne possède pas de cheval". Dans ce cas, cheval est
dépourvu de référent: la tournure négative consiste justement à
dénier au cavalier la possession d'un cheval. Par conséquent, selon
les cas, un même mot peut évoquer un référent ou ne pas en
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évoquer. Tout dépend de l'emploi qui en est fait. »Il en résulte que toute langue naturelle, en tant que système de
signes, n’a pas seulement pour fonction de « nommer » les objets
existant dans le monde réel, mais elle crée aussi des mondespossibles, en construisant des objets qui, bien qu’imaginaires,peuvent être décrits, reconnus, à propos desquels on peut « dire deschoses ». L’objet du signe linguistique est un objet construit par leslocuteurs, résultat d’une certaine expérience du monde: leRÉFÉRENT est le produit d’une construction culturelle.
Le même objet existant dans le monde réel peut être
« reconstruit » différemment, en tant que référent, dans des languesnaturelles différentes. C’est ce que veut dire Ch. Trier lorsqu’il affirmeque « chaque langue est un système qui opère une sélection autravers et aux dépens de la réalité objective. Chaque langue crée uneimage de la réalité, complète, qui se suffit à elle-même. Chaquelangue structure la réalité à sa propre façon et, par là même, établitles éléments de la réalité qui sont particuliers à cette languedonnée ».
L’existence, dans des langues différentes, de référents différentspour les mêmes objets du monde réel rend compte de la vision dumonde propre à des communautés linguistiques / des peuplesdifférents. Ainsi par exemple, bœuf en français et bou en roumainrenvoient à la même classe d’animaux réels, « mammifèreartiodactyle ruminant domestique ». Mais dans une phrase usuellecomme Il ne mange que du bœuf, il hait le porc, le référent du motfrançais bœuf correspond à celui du mot roumain vacă = viande debœuf ou de vache que l’on mange. De même, dans les expressionstravailler comme un bœuf = travailler beaucoup et sans manifester de
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fatigue ou avoir un succès bœuf = un succès très grand et étonnant ,
le référent de boeuf diffère par ses propriétés du référent de bou .
L’ensemble des référents des signes d’une langue naturelle
forme l’univers sémantique de la langue en question, illustrant les
différents domaines d’expérience humaine.
N.B. Les domaines d’expérience correspondent aux divers
domaines de la pratique sociale des membres d’une communauté
linguistique donnée. Les signes linguistiques peuvent être regroupés
selon les domaines d’expériences auxquels ils sont susceptibles
d’appartenir. Ceci a pour conséquent le fait qu’un même signe trouve
sa place dans plusieurs ensembles de signes (plusieurs paradigmes),
selon le domaine d’expérience pris en considération.
ex. « canard » appartient aux paradigmes:
zoologie (oiseaux): mouette, hirondelle, autruche etc.
ferme (volailles): poule, dindon, pintade etc.
cuisine: poulet, dinde, caille, etc.
musique: son, couac etc.
médias: rumeur, bobard, etc.
Les mots de nature à comporter un référent sont appelés
référentiels ou pleins: tel est le cas des substantifs, (même ceux qui
ne réfèrent pas à des êtres ou à des objets réels), des verbes, des
adjectifs qualificatifs, des adverbes. Par contre, les mots
grammaticaux ou vides – prépositions, conjonctions - sont le plus
souvent non référentiels dans tous ou une partie de leur emplois..Jean-Claude Milner propose, pour les substantifs, la notion de
référence virtuelle ou potentielle , qui serait l'aptitude à avoir des
référents, notion opposée à celle de référence actuelle - l'évocation
effective d'un ou de plusieurs référents. Ainsi par exemple, le mot
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chat permet de référer à n'importe quel chat du monde: c'est la
référence virtuelle . Quand on l'emploie effectivement, dans le
discours, chat réfère à tel chat, à tels chats ou bien à tous les
membres de l’espèce des chats: c'est la référence actuelle . Celle-ci
varie selon les emplois. Robert Martin, remplace le terme de
référence virtuelle par celui d’ extensité et le terme de référence
actuelle par ceux d’ extension ou de détermination . Définir un
ensemble en extension c’est le relier aux « entités » (êtres, objets)
dont la réunion le constitue. Au contraire, le définir en intension (ou
compréhension ) c’est insérer entre l'ensemble et ses éléments
constitutifs des propriétés permettant de savoir si un élément
quelconque, selon qu'il les possède ou non, lui appartient. L'
intension permet de distinguer les éléments faisant partie de
l'ensemble défini et les autres, qui font partie d’ensembles «
complémentaires». De la même façon, le sens d'un mot donne accès
aux référents que le mot est susceptible de désigner, par opposition à
tous les autres.
Les unités linguistiques peuvent se servir de référents à elles-
mêmes. C’est le cas des grammaires d’une langue, écrites dans cette
langue même (une grammaire du français écrite en français). Un tel
emploi est dit métalinguistique . On appelle métalangue ou
métalangage l'ensemble des mots qui, tout en faisant partie d'une
langue naturelle, prennent comme référent cette langue elle-même.
1.2.4. La signification
La signification peut être envisagée comme un niveau particulier
du sens. C’est la propriété des unités linguistiques à être utilisées par
les locuteurs afin de communiquer entre eux. La signification
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caractérise surtout les énoncés utilisés dans le discours, dans
différents contextes de communication. Elle fait l’objet de la
sémantique du discours plutôt que de la sémantique lexicale.
Certains linguistes utilisent sens tout court pour le sens en
langue et signification pour le sens en emploi. D'autres font
exactement l'inverse. Puisque l'accord ne s'est pas réalisé sur ces
mots de sens et signification, nous pouvons utiliser les expressions
énumérées plus haut.
SENS SIGNIFICATION1. Ce que veut dire un mot, un énoncé. (même chose)
2. Ce que veut dire un mot, un énoncé sans les précisions liées à l'emploi.
Ce que veut dire un mot, un énoncé avec les précisions liées à l'emploi.
3. Ce que veut dire un mot, un énoncé avec les précisions liées à l'emploi.
Ce que veut dire un mot, un énoncé sans les précisions liées à l'emploi.
4. (=1.) Ce que veut dire un mot, unénoncé
Ensemble des opérations par lesquelles lesens est obtenu, production de sens.
Il y aurait donc deux niveaux du sens:
- le sens en langue (que les dictionnaires tentent de décrire à
l’aide de définitions)
- le sens en discours (en emploi, en contexte).
1.2.5. Dénotation /vs./ connotation
La dénotation d’un signe linguistique est tout ce qui, dans le
sens de ce signe, est propriété objective du référent. C’est la classe
d’objets que le signe évoque. Ainsi par exemple, la dénotation dechaise est la classe des chaises existantes, ayant existé ou
possibles, caractérisée par des propriétés énumérables. C’est le sens
central, objectif, littéral du mot.
La connotation d’un signe linguistique est tout ce qui, dans le
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sens de ce signe, n’est pas propriété objective du référent. C’est le
sens périphérique, subjectif, additionnel du mot. Ainsi par exemple, le
mot bagnole dénote la même classe d’objets que le mot voiture , mais
il connote en plus un certain registre de langue, le registre familier.
Ainsi donc, en plus de leur sens dénotatif, les mots comportent
des connotations. Ces connotations évoquent surtout:
- des jugements de valeur portés sur le référent ( Boche pour
Allemand a une connotation raciste et marque le mépris de celui
qui utilise ce mot envers le groupe ethnique en question).
- l’appartenance du mot aux divers registres de langue (donc un
jugement porté sur le mot lui-même). Par exemple, le mot cheval
appartenant à la langue courante a pour équivalent en français
familier canasson , dans le langage des enfants dada , en français
soigné coursier .
Dans le dernier cas, le jugement ne porte plus sur le référent,
mais sur le mot lui-même, qu'une décision collective, admise
inconsciemment par tous les locuteurs, affecte à un niveau particulier.
Mais la majorité des mots appartiennent à la langue commune , qui
transcend les divers registres, au vocabulaire général , en principe
maîtrisé par tous les usagers d'une langue et qui assure la possibilité
de compréhension mutuelle.
1.2.6. Le sens figuré
Si le sens connotatif ajoute des informations supplémentaires, denature surtout subjective, aux informations portées par le sens
dénotatif d’un même mot, le sens figuré implique “un changement de
sens” du mot, plus précisément, un changement de référent. Ainsi par
exemple les dents d’une scie (métaphore), boire un verre de vin
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(métonymie), apercevoir une voile à l’horizon (synecdoque). Nousretrouverons une description des « figures de sens » ou tropes auchapitre VI de cet ouvrage.
1.2.7. Le sens implicite
À part le sens littéral , directement rattaché au signe linguistique,le langage comporte non seulement du sens figuré, mais aussi dusens implicite.
L'un des exemples souvent cités afin d’illustrer cet aspect dusens (cf. C. Baylon 1995) est celui d'une phrase comme « Avez-vousLe Monde? » dite chez un marchand de journaux. Elle évoquesimultanément divers référents: d'abord, grâce au nom propre, un
journal du soir bien connu, plus exactement un exemplaire de ce journal, ensuite, grâce au verbe avoir , la possession d'un telexemplaire par un commerçant à qui réfèrent à la fois le pronom vous et la désinence verbale -ez . L'inversion du sujet et du verbe est unprocédé qui en français a comme signifié une interrogation quiappelle une réponse par « Oui » ou « Non ». Cependant lasignification globale de la phrase est tout autre: c’est une demandede faire (= de vendre), une requête . Le vendeur conserve lapossibilité de répondre « Non », s'il ne possède pas d'exemplaire du
journal, ou « Oui » s'il en a, mais dans ce dernier cas la réponse« Oui » doit s'accompagner de l'acte de vente. Le client seraitdéconcerté d'entendre un « Oui » non suivi d'effet. D’autre part, laphrase exprimant explicitement la requête, par exemple « Vendez-moi Le Monde », paraîtrait déplacée. La phrase à sens implicite estune phrase – type dont on se sert dans une situation biendéterminées afin d’obtenir un effet attendu.
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CHAPITRE II
LA DESCRIPTION SÉMANTIQUE TRADITIONNELLE
DU MOT
2.1. Le sens dans les dictionnaires
Depuis ses origines, la lexicographie – attestée pour la
première fois en tant que « science » des dictionnaires dans le
Larousse de 1886 - a étudié le contenu des unités linguistiques.
Les plus anciens ouvrages de ce genre étaient des recueils de
mots, des glossaires , expliquant seulement les mots vieillis ou peu
connus; l'article de glossaire, la glose , donnait des mot examinés des
synonymes plus connus, auxquels l'auteur ajoutait ou non quelques
éclaircissements complémentaires. L’objet de la lexicographie
moderne est par contre de décrire à la faveur des mots (ou entrées
lexicographiques) la composante sémantique du langage, ainsi que
ses aspects stylistiques. Les lexicographes étudient les unités
lexicales une à une, dans un ordre alphabétique, en donnant leurs
datations, leurs définitions motivées, des exemples contextuels,
éventuellement des illustrations.
Les dictionnaires peuvent être regroupés dans les classes
suivantes:
- dictionnaires monolingues / bilingues / multilingues;- dictionnaires de langue (tel le Lexis ) / dictionnaires
encyclopédiques (tel le Larousse );- dictionnaires de langue généraux / spécialisés (dictionnaires
de synonymes, de locutions, etc.) / correctifs (dictionnaires de
fautes, de difficultés);
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- dictionnaires de spécialité (= terminologies des différents
domaines scientifiques, techniques, etc.)
Aucun des mots courants ne doit être absent d'un dictionnaire
« général ». De ce point de vue, le dictionnaire est un ouvrage
conventionnel qui représente la somme des mots en usage à une
époque donnée, enregistrant toutes les unités employées par les
membres d’une communauté linguistique d’un niveau moyen de
culture .
Les inventaires lexicaux d’un dictionnaire comprennent deux
sortes de mots: les mots grammaticaux et fonctionnels
(sémantiquement « vides ») et les mots lexicaux (sémantiquement
« pleins »). Naturellement, ce sont ces derniers qui bénéficient d’une
description de leurs sens, notamment à l’aide des définitions .
Pour mieux renseigner sur le sens des mots, les définitions sont
parfois accompagnées d’illustrations, dessins, photo ou graphiques,
et le plus souvent d’exemples. Si l'utilité pratique des illustrations
n’est pas contestable, elles constituent une représentation du
référent, mais jamais directement du sens. Les exemples ont un rôle
subordonné, étant censés compléter les définitions.
2.2. Principes de rédaction d'un dictionnaire
Tous les dictionnaires ont toujours cherché à respecter, le plus
possible, une rigueur logique de rédaction et de présentation des
articles. Cette exigence générale de rigueur logique est concrétisée
par quatre principes rédactionnels:
- principe de formalité;
- principe de cohérence;
- principe d'uniformité;
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- principe d'exhaustivité.
a. Le principe de formalité: toute description dans un dictionnaire
est strictement formelle.
Comme principe rédactionnel, «la description formelle» se
manifeste par les deux caractéristiques suivantes:
1.- Toute description lexicographique est effectuée dans un
métalangage formel préétabli. Il s'agit du métalangage
lexicographique: indications morphologiques, marques d'usage,
présentation de la prononciation, etc. Le principe de formalité
suppose un métalangage suffisamment expressif pour la description
sémantique (la définition), pour la description syntaxique (le régime)
ainsi que pour la description cooccurrentielle (les fonctions lexicales)
- exigences qui permettent au lexicographe de décrire de façon
formelle tous les phénomènes observés.
2.- Toute description lexicographique est explicite. Ainsi, un bon
dictionnaire ne peut se limiter à définir ACTE comme « ce qui est fait
par une personne », puisque cette définition ne distingue pas entre:
- acte volontaire, instinctif : action, manifestation humaine, geste,
mouvement;
- acte médical : consultation, visite, intervention;
- manifestation de volonté ayant des conséquences juridiques :
acte à titre gratuit, acte constitutif, acte de gestion, acte de
gouvernement, etc.;
- pièce écrite qui constate, enregistre : acte administratif, acteauthentique, acte d'état civil, etc.;
- recueil des comptes rendus, procès-verbaux et décisions de
certaines séances d'une assemblée délibérante (actes des
conciles), recueil des mémoires et communications présentés
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aux assemblées savantes (acte d'un congrès, colloque,réunion) ou collection de documents de caractère historique(actes des martyrs, actes de la Commune);
- chacune des divisions principales d'une pièce de théâtre (unetragédie en quatre actes).
Tous ces renseignements seront présentés d'une manièrespécifique (par rapport au type de dictionnaire - général, explicatif, despécialité, terminologique, etc.) et dans un métalangagelexicographique spécial qui est en même temps formel et explicite.
b. Le principe de cohérence interne: les descriptions sémantique,syntaxique et cooccurrentielle du mot « vedette » doivent exprimer unaccord complet.
La rigueur logique appliquée à un article de dictionnaire entraînela nécessité d'une cohérence interne, d'une correspondanceréciproque entre les composants sémantiques dans la définition d'uneunité lexicale, les précisions d’ordre syntaxique cooccurrencielle.
Ainsi CÉLIBATAIRE peut être défini comme « personne en âged'être mariée qui n'a jamais été mariée ». Cette définition serait tout àfait acceptable. Cependant, elle ne tient nul compte des deuxcooccurrents lexicaux usuels: vieux et endurci .
Le premier problème d'une telle définition est que ces adjectifsne s'appliquent normalement qu'aux hommes et cette particularitén'est pourtant pas incluse dans la définition.
Le second problème de la définition considérée est que, l'adjectifendurci étant perçu comme un intensificateur, la définition citée necontient pas de composante qui puisse accepter cette intensification.
Selon le principe de la cohérence, l'article CÉLIBATAIRE devraobligatoirement refléter les deux faits mentionnés; vieux célibataire /
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célibataire endurci ne s'applique qu'aux hommes; endurci est unintensificateur. Il faut donc consigner les adjectifs en question dansl'article de dictionnaire CÉLIBATAIRE, en mentionnant les restrictions
correspondantes: vieux célibataire (l'adjectif toujours antéposé) /célibataire endurci (l'adjectif postposé).
Le traitement simultané et comparatif des données sémantiques,syntaxiques et cooccurrencielles aboutit à quelques conclusions:
- parfois il faut changer la définition de départ, en l'adaptant à lasyntaxe et à la cooccurrence observées;
- d'autres fois, on décide de la description des cooccurrences
particulières par des fonctions lexicales particulières (il en estainsi pour vieux et endurci dans l'article CÉLIBATAIRE);
- de nombreux autres cas, souvent très complexes (parexemple, le problème de cohérence entre la définition du mot«vedette» et l'inventaire de ses actants syntaxiques) imposentdes recherches plus approfondies.
Pour résumer le contenu du principe de cohérence, nouspouvons affirmer qu'un article de dictionnaire devient cohérent dansla mesure où le sémantisme, la syntaxe et la cooccurrence lexicalesont bien mis en correspondance.
c. Le principe de traitement uniforme: dans un dictionnaire, lesdescriptions des mots sémantiquement liés sont réalisées de lamême façon. Ainsi, les articles de dictionnaire des mots d'un même
champ sémantique doivent montrer un accord aussi complet quepossible.
Ce principe ne semble pas toujours observé dans lesdictionnaires traditionnels. Citons à titre d'exemple le traitement des
noms ethniques. Dans les dictionnaires courants, [un] FRANÇAIS est
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défini comme une "personne de nationalité française" (Hachette ) - cequi est inexact: un Français est quand même une personne denationalité française de sexe masculin - ou il n'a pas de définition;
[un] CHINOIS n'a pas de définition, mais est considéré comme unsens à part; [un] ALLEMAND n'a ni définition ni sens à part;[un] ESPAGNOL est traité avec l'indication du féminin possible (Le PetitLarousse ). Il semble qu'on ne trouve pas deux noms ethniques ayantune structure de description identique. Le principe de traitementuniforme exige que tous les noms ethniques soient décrits de lamême façon. Ainsi, ils pourraient être décrits au pluriel (par leurnature, les caractéristiques ethniques ne sont attribuées qu'à descollectivités) et par rapport au lieu géographique et à la languematernelle spécifiques, ce qui donnerait:
les FRANÇAIS = ethnie originaire de la France dont la languematernelle est le français;
les CHINOIS = ethnie originaire de la Chine dont la languematernelle est le chinois;
les ALLEMANDS = ethnie originaire de l'Allemagne dont lalangue maternelle est l'allemand, etc.
Cette présentation ne couvre cependant pas certainescomposantes ou cas particuliers:
- il reste à définir les concepts « ethnie » et « languematernelle »;
- la définition ne couvre pas le cas des États multinationaux (lesBelges, les Suisses, les Canadiens, etc.);
- elle n'inclut pas le cas des ethnies pour lesquelles il estimpossible de spécifier un seul pays d'origine (les Peuls, lesBerbères, etc.);
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- elle laisse de côté certaines populations pour lesquelles il estdifficile de déterminer l'ethnie (les Alsaciens, les Corses, etc.);
- elle ne prévoit pas les cas non prototypiques (un Français né
en Chine et qui ne parle pas français).Les exigences du principe de traitement uniforme ne doivent pas
être interprétées comme une obligation absolue de décrire tous lesmots d'un même champ sémantique strictement de la même façon.
Ainsi, le nom SUISSES ne peut pas être défini comme « ethnieoriginaire de la Suisse ». Une définition plus adéquate dans ce casest: SUISSE(S) = originaire(s) de la Suisse. Dans le même ordre
d'idées, le nom BERBÈRES doit être défini comme « ethnie dont lalangue maternelle est le berbère » (sans spécification du paysd'origine), etc.
d. Le principe d'exhaustivité: l'article « vedette » inclut tous lesrenseignements lexicographiques nécessaires, d'une part, pour bienutiliser le lexème lui-même, et d'autre part, pour pouvoir trouverd'autres syntagmes sémantiquement liés.
Ce principe concerne la microstructure du dictionnaire, laprésentation de la totalité des informations lexicographiques pourchaque unité lexicale, y compris les références à toutes les unitéslexicales apparentées (références faites de façon directe ou à traversd'autres lexèmes).
Avant tout, le principe d'exhaustivité vise la « vedette » (l'unité
lexicale décrite par un article de dictionnaire) ou ce qu'on appelledans la littérature de spécialité « entrée ». Chaque article dedictionnaire contient trois zones majeures:
- la zone phonologique (le signifiant de l'unité lexicale) où ledictionnaire spécifie la forme phonologique du signifiant de l'entrée,
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des remarques sur les problèmes d'orthoépie et d'orthographe, desdonnées prosodiques.
- la zone sémantique (le signifié de l'unité lexicale) qui comprend
deux sous-zones: la définition lexicographique de l’entrée et sesconnotations, division reflétant la présence des deux types de traitssémantiques – dénotatifs et connotatifs.
- la zone de combinatoire de l'unité lexicale, qui se divise enquatre sous-zones:
1) la sous-zone de combinatoire morphologique (partie dudiscours, types de déclinaison / conjugaison, formes non
réalisables, formes irrégulières, etc. );2) la sous-zone de combinatoire stylistique (marques d'usage
telles littéraire, familier, archaïque , etc. qui indiquent le type decontexte textuel dans lequel l'unité lexicale peut s'insérer);
3) la sous-zone de combinatoire syntaxique (classes et sous-classes syntaxiques, constructions types, régime, etc.);
4) la sous-zone de combinatoire restreinte - la présentation desfonctions lexicales (l'ensemble des possibilités dans le même« paradigme » sémantique ).
À ces quatre zones majeures, qui reflètent directement la naturesémiotique de l'unité lexicale en tant que signe linguistique, s'ajoutentdeux zones auxiliaires, importantes du point de vue lexicographique:
- la zone d'illustrations n'enregistre que des phrases entières,démontrant les emplois standard de l’entrée. Les exemples peuventaider à prévenir les fautes et fournir implicitement des informationscomplémentaires. Ils doivent être absolument idiomatiques (=spécifiques à la langue décrite), courants et naturels, clairs, ni tropsimples, ni trop compliqués, etc. Ils doivent présenter de façon aussi
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précise que possible tous les aspects de la syntaxe et de la
cooccurrence lexicale restreinte de l’entrée.
- la zone phraséologique concerne la cooccurrence et la
combinatoire « fixe » (figée) de l’entrée et se propose de répertorier
toutes les expressions où figure celle-ci (collocations et locutions
idiomatiques de toute sorte).
Un article de dictionnaire est donc structuré en fonction de ces
zones, mais il faut observer que, dans cette structure, il n'y a pas de
frontières nettes entre les zones et sous-zones signalées; les
renseignements (phonologiques, sémantiques, syntaxiques,
phraséologiques, etc.) s'entrecroisent, parfois sont complémentaires
ou en opposition, d'autres fois ils découlent les uns des autres.
En guise d’illustration, nous présentons l’article EFFICACE tel
qu’il est traité par Le Petit Robert :
EFFICACE (efikas)adj . (déb. XIIIe; lat.efficax ). 1. Qui produit l’effet qu’on en
attend. (V.Actif, puissant, bon, souverain,sûr ). «Telle eau est efficace pour lesdermathoses » (ROMAINS). « Je croisl’insinuation plus efficace » (GIDE).
indications orthoépiques etmorphologiques; premièreattestation,etymologie; premiersens: définition; possiblessynonymes;illustrations;
Théol. grâce efficace , qui fournit laréalisation même du bien (alors que lagrâcesuffisante ne fournit que la possibilitéde faire le bien). Électr. Se dit de la valeurmoyenne de la tension, de l’intensité d’uncourant alternatif comparable à celle d’uncourant continu.
emplois particuliers dans desdomaines spécialisés (théologie,électricité); définitions +explications;
2. ( Personnes ). Dont la volonté, l’activité deuxième sens: restriction sur lenom déterminé, définition;
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sont efficaces (V.Efficient, valable ).« D’efficaces défenseurs de la religion »(GUIZOT). «Une classe dirigeante et
efficace » (MALRAUX).
possibles synonymes;illustrations
ANT. Inefficace. Inopérant . antonymes
2.3. Les définitions
La définition lexicographique est avant tout une représentation
sémantique de l’unité lexicale (du mot) à traiter. Pour ce faire, le
lexicographe se sert d’autres unités lexicales, d’autres mots: on
éclaire le sens du mot à définir grâce au sens d'autres mots; cesderniers sont à leur tour définis, à l'aide d'autres mots encore. Ce
procédé est inévitablement circulaire, répondant à un principe de
récursivité: pour définir certains mots, il faut qu'ils aient eux-mêmes
servi à définir. Cette circularité peut être lointaine ou immédiate: tel le
cas des synonymes qui sont définis l’un par l’autre).
Les définitions portent à la fois sur le sens et sur le référent;
souvent d’ailleurs, notamment dans les dictionnairesencyclopédiques, on accorde la priorité au référent, plus facile à
décrire que le sens. Les noms propres représentent un cas extrême,
étant définis par le seul référent. C’est la raison pour laquelle certains
dictionnaires leur réservent une section ou un volume à part (v. le
Robert ).
2.3.1. Les définitions référentielles
La théorie des définitions distingue plusieurs types de
définitions référentielles:
1 . les définitions en extension , qui visent les référents
essentiellement par deux procédés: montrer un membre de la classe
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– par exemple sous forme d'illustration, comme le fait parfois le
Larousse - ou en énumérer tous les membres, ce qui n’est possible
que lorsque les référents sont en nombre limité. Dans le cas
contraire, on donne un échantillon ( membre = main et pied de
l'homme, aile et patte de l'animal).
2. les définitions en compréhension (ou en intension ), c'est-à-
dire par les propriétés « essentielles » envisagées comme
constitutives du référent ( homme = animal doué de raison ou de
langage) ou par les propriétés « discriminantes » qui servent à
distinguer le référent à définir des référents voisins ( homme = le seul
bipède qui soit dépourvu de plumes).
3. Les définitions opératoires indiquent une opération
permettant d'identifier le référent ( alcali : tout corps qui fait virer au
bleu la teinture de tournesol).
4. Les définitions stipulatives sont des définitions qui confèrent
au terme son sens et auxquelles on fait appel pour définir surtout les
notions mathématiques ( cercle = l'ensemble des points situés dans
un plan à égale distance d'un autre point, le centre).
5. Les définitions synonymiques sont utilisées surtout dans le
cas des synonymes stylistiques, connotatifs ( mec = homme, nana =
femme). Ce genre de définitions sont valables seulement si le
synonyme auquel on renvoie est lui-même défini ailleurs.
2.3.2. Les définitions paraphrastiques
Une paraphrase est un énoncé plus développé, mais de contenu
équivalent, qui dans une phrase pourrait à la rigueur remplacer le mot
défini: ( aguicher = exciter par diverses agaceries et manières
provocantes; miauler (en parlant du chat ou de certains félins) = faire
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entendre son cri). Les définitions paraphrastiques sont du type
intensionnel et comportent une description plus ou moins précise du
référent, une évocation de la représentation qu'on en a.
Il y a plusieurs types de paraphrases:
1. strictement équivalentes (v. aguicher );
2. par un mot ou une expression de sens plus général, moins
précis ( un hyperonyme ) (ainsi, tous les noms de fleurs
peuvent être définis à l’aide du mot fleur ); on peut aussi
procéder par antonymie, en niant un hyperonyme de sens
opposé ( céder = ne plus résister à la pression);
3. par un terme métonymique , de sens voisin ( tête = partie du
corps; classe = ensemble d'individus ou d'objets).
4. par dérivation ( jovialité = caractère jovial);
5. par approximation (quiche = sorte de tarte de pâte brisée).
Dans les dictionnaires encyclopédiques, les définitions insistent
le plus souvent sur la description du référent. Dans les dictionnaires
de langue, qui insistent sur la connaissance du sens, on ne donne
que les renseignements strictement nécessaires à son identification.
Les contextes (exemples construits ou authentiques) sont
censés illustrer les emplois discursifs du mot à définir, à partir de
l’assertion théorique selon laquelle le(s) sens d’un mot ne s’éclaire(nt)
qu’en contexte, lors de son emploi effectif dans les différentes
situations de communication.
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CHAPITRE IIIL’ANALYSE STRUCTURALE DU SENS (L’ANALYSE
SÉMIQUE)
3.1. Principes généraux
L’analyse sémique repose sur certains axiomes généraux de la
linguistique structurale:
- une langue naturelle est un système de signes ;
- le signe linguistique est une entité biplane, réunissant un
signifiant (unité du plan de l’expression) et un signifié (unité du
plan du contenu);
- il se manifeste un isomorphisme structurel (= identité formelle,
même type de réseaux relationnels constitutifs) du plan de
l’expression et du plan du contenu.
Accepter ces axiomes, c’est accepter la possibilité d’appliquer au
plan du contenu le même type d’analyse qui a conduit àl’identification des unités du plan de l’expression et des relations qui
les unissent (voir, par exemple, l’analyse phonologique).
L’analyse sémique a pour but:
- d’identifier les unités minimales de sens;
- de classer ces unités (démarche paradigmatique);
- de décrire les relations que ces unités peuvent contracter entre
elles (démarche syntagmatique).
Chaque unité minimale du plan de l’expression – chaque lexème
– a pour correspondant dans le plan du contenu une ou plusieurs
(dans le cas des lexèmes polysémiques) unités appelées sémèmes .
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Cependant le sémème n’est pas l’unité minimale de contenu. Par la
méthode de l’analyse sémique on arrive à découper le sémème en
unités constitutives, qui sont les unités minimales de contenu,
appelées traits sémiques ou sèmes .
L’analyse sémique utilise les procédures de toute analyse
structurale: la segmentation et la commutation - substitution.
Par segmentation, on arrive à découper le contenu d’un lexème
(= le sémème) en unités constitutives.
ex. HOMME (bărbat) = être humain + sexué + mâle .
Par commutation, on opère une modification au niveau de ces
unités, pour voir si cette modification en entraîne une autre dans le
plan de l’expression.
ex . être humain + sexué + femelle = FEMME (femeie)
La substitution du trait mâle par le trait femelle entraîne donc une
modification dans le plan de l’expression, à savoir la substitution du
lexème HOMME par le lexème FEMME. Mâle et femelle sont par
conséquent des unités minimales distinctives du plan du contenu, des
sèmes distinctifs.
L’opération décrite ci-dessus démontre une fois de plus
l’inséparabilité des deux plans de la langue – expression et contenu –
et le fait que l’on peut se servir de l’étude de l’un de ces plans pour
l’étude de l’autre.
3.2. Les unités de sens
3.2.1. Les sèmes
Le sème est l’unité minimale de contenu, unité indécomposable.
Il peut être considéré comme un universel sémantique (ou
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conceptuel): les mêmes sèmes sont présents dans les plans du
contenu de toutes les langues naturelles (animé, objet, mâle, femelle,
action etc.)
Selon Bernard Pottier, il y aurait des sèmes spécifiques au sens
lexical, appelés sèmes substantiels ( objet, pour écrire , etc.) et des
sèmes relevant de l’information grammaticale, appelés sèmes
relationnels ( possessif, démonstratif , etc.) Un ensemble organisé de
sèmes substantifs forme un sémème . Un ensemble organisé de
sèmes relationnels forme un catégorème .
3.2.2. Le sémème
Le sémème représente le sens global d’un lexème, renfermant
tous les traits sémiques (sèmes) pertinents pour la définition de ce
lexème. Un sémème est composé d’au moins deux sèmes. En même
temps, deux sémèmes peuvent différer par un seul sème (cf.
l’exemple cité ci-dessus, HOMME / FEMME).
Analyse structurelle du sémème .Le sémème ne représente pas simplement la somme des sèmes
qui le constituent. C’est un ensemble hiérarchisé de sèmes , où les
sèmes de rang inférieur impliquent logiquement les sèmes de rang
supérieur et d’un niveau plus élevé de généralité. Ces relations
logiques entre les sèmes à l’intérieur du sémème s’actualisent dans
tous les contextes où le lexème correspondant est utilisé.
ex . voiture > véhicule > objet fabriqué > objet > toute chose qui
affecte les sens
Les sèmes relèvent de catégories sémiques diverses,
hétérogènes. (Une catégorie sémique est une catégorie appartenant
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à une certaine sphère notionnelle: p. ex. temporalité, causalité, forme,dimension, appartenance, etc.) Il y a cependant à l’intérieur dusémème une organisation logique de ces catégories, reflétant une
logique factuelle et/ou cognitive. On dira donc plutôt que le sémèmeest un ensemble hiérarchisé de catégories sémiques .ex. dans le sémème CANAPÉ on reconnaît la présence descatégories sémiques suivantes:
structure destination capacité consistance
sur pieds
à dossier
pour s’asseoir plusieurs
personnes
rigide
Analyse fonctionnelle du sémème
Du point de vue fonctionnel, le sémème comprend des sèmesgénériques , des sèmes spécifiques et des sèmes virtuels (ouconnotatifs).
ex. le substantif COLLABORATION actualise les sèmes- génériques: S1 /abstrait/
S2 /action/S3 / sujet humain/
- spécifiques: S4 /travail/S5 /participation à
un groupe/
- virtuels: S6 /péjoratif/S7 /assistance à l’ennemi en temps de guerre/
Les sèmes spécifiques ou sèmes nucléaires forment le noyau
sémique du sémème (sa différence spécifique). Les sèmesnucléaires sont stables, constituent l’invariant du sens et s’actualisentdans tous les contextes où le lexème correspondant est utilisé.
Les sèmes génériques ou classèmes donnent le genre
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prochain, commun à plusieurs sémèmes d’un paradigme sémantique.
Ils ont donc la propriété d’appartenir à au moins encore une autre
unité du contexte où un lexème est utilisé, assurant ainsi l’unité (la
cohérence) du discours.
Les sèmes virtuels sont des sèmes connotatifs, le plus souvent
implicites, suggérés à l’esprit du locuteur en vertu d’une association
habituelle, de nature culturelle. Ce sont des sèmes marginaux, qui ne
s’actualisent pas dans tous les contextes.
Le sème constitue la plus petite différence qui peut exister entre deux
sémèmes.
ex.
FEMME 1 (femeie)
/être humain/
/sexué/
/femelle/
FEMME 2 (nevastă)
/être humain/
/sexué/
/femelle
/mariée/
ou bienAUTOBUS
/moyen de transport/
/transport des personnes/
/pour plusieurs personnes/
/payant/
/+ intraurbain/
AUTOCAR
/moyen de transport/
/transport des personnes/
/pour plusieurs personnes/
/payant/
/- intraurbain/
Dans le premier exemple ci-dessus, la différence réside en la
présence d’un sème supplémentaire dans FEMME 2 (nevastă); dans
le deuxième exemple, la différence consiste en la présence dans les
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deux sémèmes des sèmes opposés/+ intraurbain / vs. // - intraurbain./
On peut faire une distinction, à l’intérieur du sémème, entre les
sèmes centraux et les sèmes périphériques, selon la position que lacatégorie dont relève le sème occupe dans la taxinomie sémique.
ex . Parmi les noms de mouvement, la distinction entre SAUT etGLISSEMENT est opérée par les traits périphériques/grande vitesse/ – présent dans les deux sémèmes /vs.//grande intensité/ – présent seulement dans le premier.Parmi les noms désignant des mouvements oscillatoires,
VIBRATION et TRÉPIDATION s’opposent par les traitspériphériques /très grande vitesse/ /vs./ /grande vitesse/ .
Enfin, il existe des traits sémiques qui n’ont pas de valeurdistinctive (= n’entraînent pas de modifications dans le plan del’expression) mais sont relevants pour la relation signifiant – référent,car ils reflètent des propriétés des objets du monde, enregistrées par
les référents. Ce sont les sèmes encyclopédiques , relevant parexemple de la forme, de la couleur, de la position dans l’espace etc.Les sèmes encyclopédiques ne sont pas hiérarchisables et occupenteux aussi une position périphérique dans la structure du sémème.
ex . TIGRE: Mammifère de grande taille, au pelage jaune rouxrayé de bandes noires transversales, félin d’Asie etd’Indonésie, carnassier cruel, qui chasse la nuit (le Petit
Robert )Dans la définition citée ci-dessus, les séquences soulignées
représentent des sèmes encyclopédiques.
Quant aux classèmes, ils ont non seulement la valeur de sèmes
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génériques indiquant le genre proche, mais aussi des fonctions
importantes:
- la fonction syntagmatique (discursive): les classèmes assurent
la cohésion du discours, en ce sens que deux ou plusieurs noyaux
sémiques ne peuvent se combiner que s’ils ont au moins un
classème commun, formant une base classématique commune.
ex . L’enfant mange une pomme .
/+animé/ /+animé/
- la fonction paradigmatique des classèmes permet la
classification des unités lexico-sémantiques, en ce sens que
plusieurs unités forment un paradigme si elles ont au moins un
classème commun.
ex. pommier, poirier, pêcher, abricotier ont en commun au moins
le classème / +végétal/ .
On distingue plusieurs types de classèmes:
A. Les classèmes dénotatifs
A.1. Les classèmes grammaticaux forment le sens des catégories
morphologiques et syntaxiques.
ex. genre, nombre, cas, transitif, temps, aspect, etc.
A.2. Les classèmes génériques relèvent des concepts universels
et/ou primitifs, ils servent à organiser les paradigmes référentiels
(les classes de référents) formant l’univers sémantique d’une
langue donnée.
ex. animé / inanimé, mâle / femelle, etc.
B. Les classèmes connotatifs
B.1. Jugement sur le référent. Les classèmes connotatifs peuvent
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relever d’un jugement sur le référent, jugement de nature
évaluative ou affective.
ex. / mélioratif/ /péjoratif/ relèvent d’un jugement évaluatif:
un régal est un mets que l’on trouve particulièrement délicieux, un
chauffard est un mauvais chauffeur.
le classème / +affectif/ est à retrouver dans des expressions
comme ma biche, mon chou, qui, adressées à un être humain
proche, connotent la tendresse.
B.2. Jugement sur la situation de discours. Les classèmes connotatifs
peuvent aussi relever d’un jugement sur la situation de discours.
Ces classèmes sont présents dans le contenu des lexèmes qui
connotent un certain registre de langue (standard, familier,
populaire, soigné) et qui sont donc utilisés dans des situations
caractérisées par des paramètres comme la familiarité, l’intimité
/ la distance entre les interlocuteurs, le caractère formel (officiel)
ou informel de la situation de communication, etc.
ex. bagnole pour voiture connote le registre familier
monture pour cheval connote le registre soigné; le même
mot, employé pour vélo ou pour moto , connote l’ironie.
3.2.3. L’archisémème
Un lexème sera d’autant plus concret, plus spécifique que son
contenu (sémème) comprend plus de sèmes et d’autant plus abstrait
que son contenu (sémème) comprend moins de sèmes. On dira,dans le premier cas, que le lexème en question a une forte densité
sémique et dans le second, que le lexème en question a une faible
densité sémique.
L’archisémème est un sémème d’une faible densité sémique ,
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d’un degré élevé d’abstraction, de généralité ; il comprend les sèmescommuns à toute une classe d’autres sémèmes. Il désigne une entitéabstraite, l’objet – type d’une classe.
ex. SIÈGE est l’archisémème de la classe chaise, tabouret,fauteuil, canapé , etc. Il est caractérisé par les sèmes / objetfabriqué, meuble, pour s’asseoir/ .
VÉHICULE est l’archisémème de la claseautobus, autocar,voiture, taxi , etc. Il comprend les sèmes / objet fabriqué,moyen de transport/ .
Certains archisémèmes ont des correspondants dans le plan del’expression, appelés archilexèmes . Il faut noter le fait que le mêmearchisémème peut avoir un archilexème correspondant danscertaines langues naturelles, et ne pas en avoir dans d’autres.
ex.archisémème archilexème
français roumain
VÉHICULE véhicule vehiculSIÈGE siège -OBJET POUR ÉCRIRE - -COUVERT 1(tout ce dont on couvre la table)
couvert masa
COUVERT 2(ustensiles de table)
couvert tacâmuri
L’archilexème peut être utilisé dans le discours pour remplacern’importe lequel des lexèmes de la classe qu’il représente. Ainsi, onpeut employer ANIMAL pour tout nom d’animal, FLEUR pour toutnom de fleur, CHOSE (ou en langage familier TRUC) pour toutsubstantif, etc.
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3.2.4. L’épisémème.
L’épisémème est un signifié global, une unité de sens
correspondant dans le plan de l’expression aux locutions, proverbes,
expressions figées. Ce signifié global est réparti sur plusieurs faux
signifiants, qui n’ont de sens que dans leur ensemble. Dans
l’interprétation de ce sens, les classèmes jouent un rôle fondamental.
ex . prendre la poudre d’escampette = s’enfuir
bon gré mal gré = en se résignant
3.2.5. Le métasémème
Le métasémème est une unité de sens complexe, à caractère
dynamique (remplacement d’un sémème par un autre sémème), un
procès métasémique consistant en la suppression ou l’adjonction de
sèmes en contexte et qui conduit ainsi à des changements de sens
des lexèmes, à l’apparition de figures de sens. Ces figures de sens
(ou tropes ) peuvent être lexicalisées (passer dans l’usage commun)
ou constituer des images poétiques .
ex. tropes lexicalisés:
boire du champagne ( métonymie )
le propre des mortels (= des hommes) est de douter de tout
(synecdoque )
manger des langues de chat (= pâtisserie) ( métaphore )
effet de clair-obscur (en peinture) ( oxymore )
3.2.6. Le modèle de Rastier
F. Rastier (d’après Baylon, 1995) a posé les principes d'une
analyse en sèmes assez comparable à la précédente dans son
principe, mais qui envisage systématiquement la question de la
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polysémie et surtout le rôle du contexte dans le fonctionnement des
sèmes. Avec Bernard Pottier, Rastier oppose les sèmes
génériques aux sèmes spécifiques : les premiers caractérisent une
classe sémantique, les seconds permettent de distinguer, dans la
classe, les différentes unités lexicales. Ainsi, dans l'exemple des
noms de sièges, le sème |pour s'asseoir| est commun à tous les mots
et indique leur appartenance à la classe (appelée par Rastier
taxème ); les autres sèmes servent à opposer les mots les uns aux
autres dans la classe.
D’un autre point de vue, les sèmes génériques comme les
sèmes spécifiques peuvent être soit des sèmes inhérents , soit des
sèmes afférents . Ces derniers ont un statut assez proche de celui
des virtuèmes. Il existe deux types de sèmes afférents:
- sèmes afférents « socialement normés » et
- sèmes afférents « contextuels »
La différence entre les sèmes inhérents et les sèmes afférents se
traduit par l'effet qu'a le contexte sur l'interprétation à donner au mot:
- Pour les sèmes inhérents, seul est possible un effet négatif.
Ainsi par exemple, corbeau comporte |noir| parmi ses sèmes
inhérents. Le contexte peut conduire à une annulation du sème,
comme dans « Ce corbeau est blanc ». Mais en l'absence
d'indications formelles dans le contexte, le sème est activé et il
faut en tenir compte dans l'interprétation du sens du mot.
- Pour les sèmes afférents socialement normés, seul est possible
un effet positif d'activation: le contexte fait activer un sème qui
autrement demeure latent.
ex. Cet homme est un renard.
Dans l’énoncé ci-dessus, le sème activé est / rusé /, sème
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socialement normé, présent à l’état latent dans renard.
Les sèmes afférents contextuels, n’appartiennent pas en propre
à l'unité lexicale, mais lui viennent du contexte, ils peuvent « se
propager » d'un mot à un mot voisin.
ex. Julien Gracq écrit: « écrivain ou plumitif, percheron ou
pur-sang »
Dans cette expression, écrivain reçoit le sème / mélioratif / de
pur-sang , tout en étant opposé à plumitif , qui prête à percheron (gros
cheval pour travaux agricoles), le sème / péjoratif /.
Les divers sèmes inhérents ou afférents sont, selon le contexte
d'emploi, inhibés, activés ou même transmis. Ce processus est à
remarquer notamment dans les emplois figurés. Dans « Cet homme
est un renard », exemple déjà cité, tous les traits objectifs propres à
l'animal sont inhibés, ils demeurent sousjacents. Le recours au
contexte permet l'effacement des sèmes fondamentaux et la mise en
relief du sèmes secondaires / rusé /.
L’analyse en traits sémiques (analyse componentielle du sens) a
cependant ses limites. Dans bien des cas, la réduction des
significations à un ensemble de sèmes est impossible à opérer. Un
exemple souvent cité est celui du champ des couleurs. Si la lumière
- telle qu'un prisme la décompose - est un continu où n'apparaissent
pas de frontières nettes, ce continu est dans chaque langue découpé
en catégories distinctes; à chacune de ces catégories correspond un
nom de couleur différent (bleu / albastru, jaune / galben, etc.). Mais
ces catégories ne semblent pas posséder de propriétés discrètes et
on ne saurait leur appliquer une analyse en traits sémiques. Il en va
de même pour les catégories qui relèvent de l'univers subjectif des
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valeurs, de l'affectivité etc.
3.3. La sémantique du prototypeCertains linguistes préfèrent remplacer le modèle componentiel
d’analyse sémique par un modèle relevant des théories de la
catégorisation, reprises par les psychologues cognitivistes actuels;
ces théories se proposent d’identifier les catégories mentales qui
correspondent aux phénomènes du monde et de déterminer des
universaux cognitifs. Telle est la nature de la sémantique du
prototype, dont nous empruntons la présentation à C. Baylon (1995)et à C. Touratier (2000).
3.3.1. Principes
En sémantique, le problème majeur porte sur la catégorisation
du réel. Les éléments qui le constituent ne peuvent pas tous recevoir
des dénominations individuelles, c'est-à-dire des noms propres: on
ne saurait donner un nom à chacun des oiseaux existant en France,par exemple. Aussi ces éléments doivent-ils être regroupés en
ensembles, en catégories plus ou moins générales, dont chacune
porte un nom commun , collectif, comme merle, moineau ou oiseaux,
nom valable pour tous les membres de la catégorie.
Cette répartition en catégories repose sur un « choix » des
propriétés retenues, qui varie d'une langue à l'autre. La théorie du
prototype fait remarquer que les propriétés constitutives du lexiquedans toute langue sont largement interactionnelles, liées aux rapports
que l'être humain entretient avec les référents à caractériser. Mais
toutes les propriétés ne sont mises sur le même plan. Des propriétés
secondaires s’ajoutent aux propriétés majeures (les « sèmes
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inhérents » de Rastier). Les objets qui ont une propriété majeure de
plus ou de moins ne font plus partie de la même catégorie:
ex. oiseau a pour propriétés majeures « animal avec des ailes,
des plumes, qui peut voler »; sans plumes, un animal volant
ne sera normalement pas rangé parmi les oiseaux. Mais,
paradoxalement, ce sont des traits facultatifs qui distinguent
des autres les « meilleurs représentants » de la catégorie. Il y
a des oiseaux qui ne volent pas, comme l'autruche ou le
pingouin, et qui font sans conteste partie de la catégorie,
même s'il leur manque une propriété importante. Ceci
explique qu'on puisse dire: « C'est un oiseau, mais il ne vole
pas ».
Il faut voler pour être un oiseau pleinement représentatif de la
catégorie, un oiseau prototypique .
Au sens strict, la théorie du prototype est donc une conception
nouvelle des catégories cognitives et logiques, théorie selon laquelle
les catégories ne doivent pas être définies, comme on le fait
traditionnellement depuis Aristote, en termes de conditions
nécessaires et suffisantes, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas des
entités délimitées de façon rigoureuse et dont tous les représentants
possèdent nécessairement toutes les propriétés requises par la
définition même de la catégorie. « Les catégories naturelles, affirme
Eleanor Rosch (1975, « Cognitive Reference Points »), ont une
structure interne composée d'un prototype de la catégorie (les
instances les plus nettes, les meilleurs exemplaires) et de membres
non prototypiques placés dans un ordre qui va d'exemplaires
meilleurs à des exemplaires moins bons ».
On cite aussi l'exemple de la baleine . Au lieu de décider que cet
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animal mérite ou ne mérite pas d'être mis dans la catégorie des
animaux qu'on appelle poissons, la nouvelle théorie, grâce à la notion
de prototype, fournit une réponse nuancée, par plus ou moins . La
baleine n'est pas un « poisson parfait », mais elle est beaucoup plus
apte à être dénommée poisson qu'un moineau ou un lapin, qui ne le
sont absolument pas.
Le terme de prototype désigne le ou les membres les plus
caractéristiques de la catégorie dénommée, ceux du moins qui sont
jugés tels par les usagers, comme on peut l'établir par divers tests.
Ainsi par exemple, dans la catégorie des oiseaux, les moineaux et les
aigles sont prototypiques; le merle ou le rouge-gorge sont de
meilleurs représentants de la catégorie d'oiseau que l'autruche ou le
poussin, qui, eux-mêmes, y ont une présence moins marginale que le
pingouin ou le kiwi. Dans une catégorie donnée, il s'établit une
hiérarchie, depuis les objets de statut central, les prototypes,
jusqu'aux objets tout à fait étrangers à la catégorie, mais en passant
par des objets mixtes: telle, pour la catégorie des oiseaux, la chauve-
souris.
On peut envisager une application de cette théorie cognitive à la
sémantique, en con