ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE -DCEM1-

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ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE DCEM1 P. P. de Saint-Maur janvier 1996 PLAN I.- IMPORTANCE DE L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE EN MÉDECINE A. - ANATOMIE PATHOLOGIQUE, RAISONNEMENT MÉDICAL ET LANGAGE MÉDICAL B. - ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PRATIQUE MÉDICALE II. - PATHOLOGIE DES CELLULES, DES TISSUS ET DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES A. - DIFFERENCIATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE B. - ADAPTATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE C. - RENOUVELLEMENT DES CELLULES DE L’ORGANISME D. - PATHOLOGIE DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES III. - ÉLÉMENTS DE PATHOLOGIE MÉTABOLIQUE - PIGMENTS A. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DES LIPIDES B. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DU GLYCOGÈNE C. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DES PURINES: LA GOUTTE D. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DU FER ET PATHOLOGIE DES PIGMENTS FERRIQUES E. - CHOLESTASE F. - CALCIFICATION IV. - PATHOLOGIE DES TROUBLES CIRCULATOIRES ET HÉMODYNAMIQUES A. - CONGESTION B. - HÉMORRAGIES C. - THROMBOSE D. - EMBOLIE E. - ISCHÉMIE F. - INFARCTUS, INFARCISSEMENT HÉMORRAGIQUE, CHOC

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ANATOMIE PATHOLOGIQUE GÉNÉRALE

DCEM1

P. P. de Saint-Maur janvier 1996

PLAN

I.- IMPORTANCE DE L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE EN MÉDECINE

A. - ANATOMIE PATHOLOGIQUE, RAISONNEMENT MÉDICAL ET LANGAGE MÉDICAL B. - ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PRATIQUE MÉDICALE

II. - PATHOLOGIE DES CELLULES, DES TISSUS ET DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES

A. - DIFFERENCIATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE B. - ADAPTATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE C. - RENOUVELLEMENT DES CELLULES DE L’ORGANISME D. - PATHOLOGIE DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES

III. - ÉLÉMENTS DE PATHOLOGIE MÉTABOLIQUE - PIGMENTS

A. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DES LIPIDES B. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DU GLYCOGÈNE C. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DES PURINES: LA GOUTTE D. - TROUBLES DU MÉTABOLISME DU FER ET PATHOLOGIE DES PIGMENTS FERRIQUES E. - CHOLESTASE F. - CALCIFICATION

IV. - PATHOLOGIE DES TROUBLES CIRCULATOIRES ET HÉMODYNAMIQUES

A. - CONGESTION B. - HÉMORRAGIES C. - THROMBOSE D. - EMBOLIE E. - ISCHÉMIE F. - INFARCTUS, INFARCISSEMENT HÉMORRAGIQUE, CHOC

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V. - INFLAMMATION

A. - RÉACTION INFLAMMATOIRE, MORPHOLOGIE DE L’INFLAMMATION ET DE LA RÉPARATION B. - PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RÉACTION INFLAMMATOIRE: LES MÉDIATEURS CHIMIQUES C. - INFLAMMATION ET IMMUNITÉ D. - VARIÉTÉS ANATOMO-CLINIQUES ET ÉVOLUTIVES DE L’INFLAMMATION E. - VARIÉTÉS ÉTIOLOGIQUES DE L’INFLAMMATION F. - CONTRIBUTION DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE AU DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE DES INFLAMMATIONS

VI. - PATHOLOGIE TUMORALE

A. - GÉNÉRALITÉS SUR LES TUMEURS B. - TUMEURS BÉNIGNES C. - TUMEURS MALIGNES : GÉNÉRALITÉS D. - HISTOIRE NATURELLE DES TUMEURS MALIGNES E. - CARCINOMES F. - SARCOMES G. - TUMEURS MÉLANIQUES - TUMEURS MÉSOTHELIALES TUMEURS NERVEUSES - TUMEURS EMBRYONNAIRES H. - CONTRIBUTION DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE À LA PRATIQUE CANCÉROLOGIQUE

VII. - LÉSIONS DUES AUX RADIATIONS IONISANTES

A. - RADIO-SENSIBILITÉ CELLULAIRE B. - RADIO-SENSIBILITÉ TISSULAIRE C. - IRRADIATION DES TUMEURS

- IMPORTANCE DE L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE EN MÉDECINE

- ANATOMIE PATHOLOGIQUE, RAISONNEMENT MÉDICAL ET LANGAGE MÉDICAL

- ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET LÉSION

L'Anatomie Pathologique est une spécialité médicale clinique et biologique. C'est la partie de la médecine qui étudie les altérations morphologiques de l'organisme au cours des maladies.

Les maladies sont des perturbations des fonctions normales d'un ou plusieurs organes, secondaires à une agression reconnue ou ignorée, et qui se traduisent par des symptômes et des signes. Les altérations morphologiques sont des signes des maladies, au même titre que les signes cliniques. Il y a une séméiologie anatomo-pathologique, comme il y a une séméiologie clinique ou radiologique.

Le terme d'altération morphologique doit être pris au sens large, il désigne toutes les modifications visibles, que ce soit à l'oeil nu et par différents moyens d'observation et de grossissement ou que ce soit par différents procédés indirects. Ces modifications peuvent être le résultat de l'agression qui a déclenché la maladie ou celui des réactions progressivement apparues au cours de son déroulement.

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L'inspection des modifications visibles à l'oeil nu et à la loupe, complétée par la palpation et la dissection, constituent l'Anatomie Pathologique proprement dite ou Anatomie Pathologique macroscopique .

Les modifications des tissus sont visibles au microscope photonique. Leur étude est l'Anatomie Pathologique microscopique ou histologie pathologique ou histopathologie . L'étude des modifications des cellules isolées constitue la cytologie pathologique .

Certaines modifications ne peuvent être mises en évidence que par l'étude en microscopie électronique qui révèle des anomalies ultra-structurales.

Quelque soit le moyen d'observation qui ait permis de la déceler, une altération morphologique porte le nom de lésion.

La plupart des lésions ont à la fois un aspect macroscopique, une image histologique et cytologique, et une image ultra-structurale. Il est d'autant plus vain de vouloir privilégier l'une ou l'autre image que bien souvent, l'étude histologique ou ultra-structurale ne fournit de renseignements interprétables que lorsqu'une étude macroscopique bien faite, en fonction des données de l'anamnèse et des différents examens cliniques et para-cliniques, aura permis de faire des prélèvements judicieux et repérés.

Il n'est pas constant qu'une lésion histologique ou ultra-structurale ait une traduction macroscopique (cf infra).

- IMPORTANCE DE LA CONNAISSANCE DES LÉSIONS

C'est l'inventaire des lésions et l'idée simple qu'à une lésion donnée correspondait une maladie donnée, d'expression clinique variable, qui a été le premier fondement de la nosologie, c'est-à-dire du classement rationnel des maladies, et de l'étude des caractères qui les distinguent les unes des autres.

Un grand nombre de maladies, la tuberculose ou l'infarctus du poumon par exemple, ont ainsi été baptisées du nom de la lésion qui leur est propre. C'est ce qui explique l'importance de l'Anatomie Pathologique dans la constitution du langage médical, tel qu'il existe actuellement. Un grand nombre de termes d'emploi courant ont une signification très précise définie par la tradition anatomo-pathologique.

C'est la constatation qu'une anomalie de l'examen clinique correspondait à une lésion macroscopique qui est généralement la même pour une même anomalie clinique, qui a été le fondement de la séméiologie clinique et reste encore actuellement la base de l'interprétation des données des différentes techniques d'imagerie médicale.

Enfin, l'étude des lésions, de la manière dont elles se succèdent entre-elles, au cours de processus lésionnels, a permis des découvertes importantes en matière de physiologie normale et pathologique des différents organes et systèmes.

- DIFFERENTES CATÉGORIES DE CAUSES DES LÉSIONS ET LIM ITES DE L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE

Les causes des lésions sont multiples et variées; elles vont du traumatisme majeur à l'anomalie métabolique subtile. La liste qui suit n'est pas exhaustive:

anomalies génétiques,

agents infectieux: bactéries, virus, parasites,

agents chimiques: toxiques, caustiques, médicaments,

agents physiques: froid, chaleur, radiations, modifications de la pression atmosphérique, traumatismes,

déséquilibres nutritionnels dont l'hypoxie et l'anoxie, et déséquilibres hormonaux,

troubles immunitaires innés ou acquis,

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sénescence.

On connait de multiples lésions dont la cause est actuellement inconnue. Certaines maladies sont définies par des lésions extrêmement caractéristiques dont la cause nous échappe. Ce fut longtemps le cas de la tuberculose, qui avait été définie 50 ans avant qu'on ne mette en évidence le bacille de Koch. C'est encore le cas actuellement pour la sarcoïdose, pour la plupart des cancers, et pour bien d'autres affections.

A l'inverse, il existe des maladies au cours desquelles aucune lésion ne peut être décelée avec les moyens d'investigation actuels, hormis des lésions d'apparition secondaire. Le nombre de ces maladies a décru au fur et à mesure qu'apparaissaient les moyens d'observation qui ont permis de décrire successivement des lésions purement histologiques, puis des lésions purement ultra-structurales. Dans un certain nombre de cas, le concept de lésions peut même être transposé au niveau biochimique pour désigner une anomalie moléculaire (anomalie de structure de la molécule d'hémoglobine par exemple), qui est concevable et démontrée, mais qui n'est pas directement visible.

Une dernière éventualité est le cas des modifications visibles de l'organisme, parfois importantes, qui ne s'accompagnent pas de maladie au sens où nous l'avons définie. Ces anomalies n'ont aucune expression pathologique. Ce peut être le cas par exemple de l'absence congénitale d'un organe pair (par aplasie ou agénésie) qui est en règle parfaitement compensée. Elle peut cependant se révéler sur un mode dramatique en cas de lésion de l'organe unique restant (rupture traumatique d'un rein unique par exemple).

- ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PRATIQUE MÉDICALE

Après une période d'analyse et d'inventaire des lésions dans le but de fonder la séméiologie et la nosologie, les médecins ont très rapidement effectué la démarche inverse et recherché une lésion ou un ensemble lésionnel particulier pour faire le diagnostic d'une maladie donnée. Certaines lésions ou certains ensembles lésionnels sont en effet caractéristiques de certaines maladies ou de certains groupes de maladies. On dit alors qu'ils sont spécifiques.

Tel est le principe des examens anatomo et cyto-pathologiques tels qu'ils sont pratiqués aujourd'hui sur les prélèvements les plus divers.

L'Anatomie Pathologique permet donc de diagnostiquer certaines maladies de façon formelle, elle permet également de juger de l'évolution des lésions sur des prélèvements successifs, et d'établir le pronostic, notamment en ce qui concerne les cancers.

LES PRÉLÈVEMENTS POUR EXAMENS ANATOMO ET CYTO -PATHOLOGIQUES

LES PRÉLÈVEMENTS POUR EXAMENS HISTOLOGIQUES: BIOPSIES ET PIECES OPÉRATOIRES

On appelle biopsie l'acte par lequel on prélève un fragment tissulaire chez un sujet vivant pour en faire l'examen histologique. Par extension, le terme désigne aussi le fragment prélevé.

La biopsie peut etre faite au cours d'une intervention chirurgicale, sous anesthésie locale ou générale, que l'intervention ait été décidée pour permettre le prélèvement, ou que l'on ait découvert en cours d'intervention une lésion dont la nature sera précisée par l'examen histo-pathologique. Le prélèvement peut n'emmener qu'une partie de la lésion. Dans d'autres cas, celle-ci est prélevée en totalité. On parle alors de biopsie exérèse.

Le prélèvement biopsique peut encore être fait par ponction.

Les ponction-biopsies consistent dans le prélèvement d'une carotte tissulaire grâce à un trocard tranchant, dans un organe superficiel (sein), un organe profond (foie, rein) ou au niveau de la plèvre pariétale. La drill-biopsie est une variante de ponction-biopsie utilisant un trocard tournant mû par un petit moteur électrique. Selon le siège de la ponction biopsie, elle sera faite à l'aveugle, ou guidée par

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la palpation et surtout par l'échographie ou la tomodensitométrie, s'il s'agit de prélever au sein d'une lésion limitée située dans un organe profond.

Les biopsies peuvent encore être faites par curetage (curetage biopsique de la muqueuse utérine, aspiration).

Elles peuvent, enfin, être réalisées au cours d'une endoscopie, grâce à des pinces flexibles ou rigides ou à des anses diathermiques.

On appelle pièce opératoire tout ce qu'un chirurgien aura pu enlever au cours d'une intervention chirurgicale. Le terme recouvre partiellement celui de biopsie chirurgicale. D'une façon générale, toute pièce opératoire doit être adressée au Laboratoire d'Anatomie Pathologique, même lorsqu'une biopsie pré-opératoire a permis un diagnostic formel ou lorsque le chirurgien est sûr de son diagnostic macroscopique.

L'examen de la pièce est en effet indispensable pour la confirmation du diagnostic et surtout pour préciser l'extension des lésions. Ceci, en matière de cancer, permet une évaluation pronostique et règle souvent le traitement complémentaire.

LES PRÉLÈVEMENTS POUR EXAMENS CYTOLOGIQUES

La recherche d'anomalies cytologiques sur des cellules isolées ou assemblées en placards, étalées sur une lame, peut se faire sur des prélèvements de diverses provenances.

Outre les étalements sanguins ou médullaires qui constituent la cytologie hématologique, on peut étudier:

des cellules obtenues par raclage de la surface d'une muqueuse (frottis cervico-vaginaux, frottis buccaux),

des cellules obtenues par aspiration, souvent au cours d'une endoscopie (aspiration bronchique),

des cellules desquamées et excrétées (crachats, culot de centrifugation des urines, écoulement mamelonnaire),

des cellules concentrées par cyto-centrifugation de liquides (épanchements des séreuses, liquide céphalo-rachidien, contenu de kyste),

des cellules obtenues par apposition de la tranche de section d'un ganglion, d'une tumeur, qui laisseront une empreinte sur la lame,

des cellules obtenues par ponction à l'aiguille fine. Cette technique est utilisée de longue date pour des lésions superficielles, telles les lésions mammaires, ganglionnaires, prostatiques ou thyroïdiennes. Elle se développe actuellement pour les lésions profondes, grâce aux progrès de l'imagerie médicale.

Cet examen ne remplace pas la ponction-biopsie, mais a l'avantage d'être faisable dans bien des cas où une ponction-biopsie serait dangereuse.

EXAMENS NÉCROPSIQUES

La nécropsie ou autopsie peut être pratiquée dans tous les cas de décès jugés naturels par le médecin de l'état civil, à condition qu'il n'y ait pas d'opposition. L'opposition est celle que le malade a pu formuler de son vivant ou qu'il a pu faire connaître par l'intermédiaire de ses proches. Il peut s'agir également d'opposition systématique de droit coutumier ou d'opposition réglementaire (pensionnés de guerre: Article 115 du code des pensions).

L'examen nécropsique a été l'un des fondements de l'Anatomie Pathologique, de la nosologie et de la séméiologie. Il reste encore une contribution importante à la pratique médicale car il demeure irremplaçable pour:

vérifier l'exactitude du diagnostic qui a guidé la thérapeutique et éclairer les cliniciens sur les particularités de la séméiologie d'un cas donné,

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mettre en évidence des lésions souvent majeures et cliniquement muettes ou peu parlantes. Ceci fournit des renseignements épidémiologiques plus complets que ceux donnés par la seule clinique qui aura nécessairement méconnu les lésions latentes. Ces lésions latentes sont parfois l'explication d'un échec thérapeutique inexpliqué,

juger des effets à long terme de certains traitements, notamment chimio ou radiothérapiques.

Une nécropsie comporte l'étude macroscopique des organes et la confrontation systématique des lésions observées aux éléments cliniques et para-cliniques du dossier. On peut mettre en oeuvre sur des prélèvements autopsiques toutes les techniques histologiques ou cytopathologiques. Les résultats cependant sont bien souvent aléatoires car les contraintes administratives sont telles qu'il est rare de pouvoir faire une autopsie avant la survenue de l'autolyse qui va profondément modifier l'image histologique et la rendre ininterprétable.

La nécropsie, enfin, est un complément essentiel de tout prélèvement d'organe dans le but de greffe; elle contribue à affirmer que le donneur est indemne de toute affection qui pourrait être transmise par le greffon.

- TECHNIQUES DES EXAMENS ANATOMO ET CYTO -PATHOLOGIQUES

TECHNIQUES DE BASE: LES EXAMENS DE ROUTINE

Ces techniques sont utilisées dans tous les Laboratoires d'Anatomie Pathologique, même les plus simplement installés, en pratique de ville, comme en pratique hospitalière. Elles apportent la réponse à la grande majorité des questions dont la solution peut être demandée à un examen anatomo-pathologique.

Examens histo -pathologique L'examen histo-pathologique se fait en regardant par transparence grâce à un microscope photonique (optique) des lames colorées. L'Anatomo-Pathologiste, au terme de son examen, porte un diagnostic et rédige un compte-rendu qui sera adressé au clinicien qui aura prescrit l'examen.

Entre le moment où il est prélevé et l'envoi du compte-rendu, le prélèvement subit des préparations dont les détails sont du domaine de la spécialité mais dont le principe doit être connu. Les différentes étapes de cette préparation sont les suivantes:

fixation,

enregistrement du prélèvement,

inclusion en paraffine,

coupe du bloc inclus en paraffine,

coloration, habituellement par l'Hématéine-Eosine,

examen microscopique,

rédaction du compte-rendu,

archivage des lames, des blocs d'inclusion et du double du compte-rendu. La première étape du traitement du prélèvement est la fixation.

Elle consiste à immobiliser les constituants cellulaires et tissulaires dans un état aussi voisin que possible de l'état vivant. Faute de fixation, les tissus séparés de l'organisme subiront les altérations qu'ils subissent après la mort et seront progressivement détruits par les enzymes qu'ils contiennent, au cours d'un processus d'autolyse. Ce processus débute très rapidement et il sera impossible sur un fragment autolysé de reconnaître les lésions ou de faire la part de ce qui est lésion et de ce qui est autolyse dans les images observées.

Sauf lorsque le laboratoire d'Anatomie Pathologique est à proximité immédiate, il appartient au médecin qui effectue le prélèvement d'assurer la fixation aussi précocément que possible, les règles suivantes doivent être connues:

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La fixation se fait par immersion dans un liquide. Il existe de multiples formules. Dans la majorité des cas, on utilise:

soit le formol à 10 % (dilution à 10 % de la solution de Formaldéhyde du commerce),

soit le liquide de Bouin (Formol + acide picrique),

l'alcool n'est pas un bon fixateur mais peut être utilisé à défaut de Formol ou de Bouin,

L'immersion dans le sérum physiologique, encore trop souvent pratiquée n'a aucun effet fixateur, elle empêche la dessication du prélèvement mais non son autolyse.

Le froid retarde l'autolyse mais n'agit véritablement comme fixateur qu'à des degrés de refroidissement très bas.

Pour une fixation correcte, il faut un volume de fixateur plusieurs fois supérieur à celui du prélèvement à fixer. Ceci ne fait pas de problèmes pour les petites biopsies, mais reste vrai et ne doit pas être oublié lorsque l'on fixe une pièce volumineuse.

Qu'il arrive au laboratoire frais ou déjà fixé, le prélèvement est enregistré et pourvu d'un numéro d'ordre.

Après fixation, les petits fragments biopsiques sont inclus en paraffine pour acquérir la consistance et l'homogénéité qui permettront de les couper en tranches fines de 5 microns d'épaisseur environ. Pour les pièces opératoires, même de taille modeste, il est matériellement impossible de faire un examen histologique de la totalité des tissus prélevés. On incluera donc en paraffine des fragments sélectionnés de 2 à 3 cm de côté et de 3 mm d'épaisseur. On choisira les fragments à inclure dans les zones qui paraissent macroscopiquement les plus pathologiques ou dans les zones d'aspect normal, mais dont l'examen doit être systématique (par exemples, limites de résection et ganglions des pièces de chirurgie carcinologique).

Les coupes obtenues à partir des blocs de paraffine seront étalées sur des lames de verre numérotées, puis colorées, de façon à obtenir un contraste qui permette de distinguer les détails de la structure, et montées pour assurer leur conservation. Il ne reste plus à l'Anatomo-Pathologiste qu'à examiner les lames, à réfléchir, éventuellement à lire et à consulter avant de rédiger son compte-rendu en tenant compte des renseignements cliniques qui lui auront été fournis.

Il est important de remarquer que, sans même envisager l'acte proprement médical de l'Anatomo-Pathologiste, les étapes de la technique histo-pathologique ne sont que très partiellement automatisables, à la différence de celles de la plupart des autres examens biologiques. La grande majorité des étapes mentionnées ci-dessus, notamment la fixation et l'inclusion, demandent plusieurs heures et le délai normal de réponse pour un prélèvement dont le diagnostic n'offre pas de difficultés particulières est de 48 heures au minimum, sans compter les délais d'acheminement postal.

Si ce délai est un minimum en routine pour un petit fragment biopsique, il est allongé lorsqu'il s'agit d'examiner une pièce opératoire qui devra parfois être minutieusement disséquée, étudiée et photographiée, confrontée éventuellement aux radiographies, échographies, etc ... avant que l'on puisse faire à bon escient des prélèvements pour examen histologique qui compléteront et préciseront l'examen macroscopique, sans pouvoir se substituer à lui. Le délai d'examen est également prolongé pour les fragments osseux qui devront être décalcifiés avant l'inclusion en paraffine.

Examen histologique extemporané

Il est nécessaire de réduire le délai de réponse lorsque le chirurgien a besoin d'un diagnostic histo-pathologique au moins approximatif en cours d'intervention pour régler sa conduite thérapeutique. On parle dans ce cas d'examen histologique extemporané. Divers artifices permettent de pratiquer en quelques minutes ce type d'examen. Le plus souvent, l'homogénéité et la consistance nécessaires à l'obtention de coupes fines sont obtenues en portant le fragment tissulaire à très basse température (-

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30° environ). Les coupes ainsi obtenues n'ont pas l a qualité d'une bonne coupe à la paraffine et les diagnostics qu'elles permettent de proposer doivent toujours être confirmés par une inclusion ultérieure. Il faut savoir également que les coupes à congélation nécessitent un appareillage qui, sans être très sophistiqué, ne se trouve pas dans tous les laboratoires.

Examens cyto -pathologiques

La technique est ici plus simple, les cellules étalées sur lames, soit directement, soit à partir d'un culot de centrifugation, doivent être également fixées, par dessiccation rapide, par immersion dans l'alcool-éther, ou par pulvérisation de fixateur. Les lames sont ensuites colorées et examinées par transparence.

Selon les circonstances, les examens cytologiques sont utilisés:

soit seuls pour le dépistage du cancer (frottis gynécologiques),

soit comme éléments d'un examen plus complet (examen cytologique d'un liquide pleural, associé à l'examen biochimique et bactériologique),

soit comme le complément d'un examen histologique (apposition d'une tranche d'un ganglion ou d'un fragment de tumeur examiné au cours d'une biopsie extemporanée),

soit pour préciser la nature d'une lésion profonde inaccessible à une biopsie.

Dans tous les cas, l'examen cyto-pathologique a ses limites propres que nous reverrons.

Coût des techniques de base

Il existe pour la cotation des actes d'Anatomie et de Cytologie Pathologiques une lettre clef particulière, le B.P.

En octobre 1995, la valeur du B.P. est de 1,8O F et l'application de la nomenclature donne les prix suivants pour les principaux examens courants. On remarquera la modicité de ces prix:

Examen cytologique: environ 100 F.

Examen de prélèvements biopsiques: de 185 F à 240 F.

Examen d'une pièce opératoire complexe (gastrectomie, colectomie, mammectomie, ...): 410 F environ.

Examen histologique extemporané suivi de contrôles en paraffine et d'examen de la pièce opératoire: 560 F.

Tous ces actes sont remboursés par la Sécurité Sociale.

L'exercice de l'Anatomie et de la Cytologie Pathologiques est réservé aux Docteurs en Médecine titulaires d'un Certificat de spécialité ou du D.E.S. de la discipline et inscrits au Conseil de l'Ordre des Médecins comme spécialistes ou compétents.

TECHNIQUES PARTICULIÈRES

Ces techniques sont très variées, et ne seront en principe mises en oeuvre que pour résoudre une question dont la réponse ne peut pas être fournie par les techniques de base. Certains laboratoires les pratiquent en routine pour certains domaines particuliers de la pathologie.

Colorations spéciales

Les colorations utilisées en histo-pathologie sont destinées à donner un contraste aux différentes structures visibles. On a essayé depuis longtemps d'affiner les méthodes de coloration en

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sélectionnant les colorants capables de se fixer électivement sur une structure histologique donnée (fibres élastiques, fibres de réticuline, etc ...) ou sur un corps chimique donné (glycogène, muco-substances, etc ...).

Il existe tous les intermédiaires entre les colorations complètement empiriques et celles qui permettent la caractérisation biochimique précise d'une molécule (un acide aminé par exemple). La mise au point et la réalisation des colorations de ce dernier type constituent l'histochimie.

Histo -Enzymologie

Elle n'est plus utilisée pour le diagnostic que dans des cas très particuliers. Elle consiste à mettre en évidence sur une lame le lieu où se produit dans les tissus une réaction enzymatique. On utilise une réaction colorée qui ne se produira qu'au terme du déroulement normal de la réaction enzymatique. Il faut le plus souvent utiliser des fragments non fixés et coupés à congélation. Cette technique permet d'étudier de façon précise le siège des réactions enzymatiques et de juger de leurs perturbations éventuelles. On peut également, grâce à ce moyen, identifier certaines cellules pathologiques qui contiennent l'équipement enzymatique caractéristique d'une souche cellulaire déterminée. C'est une technique répondant au même principe que l'on utilise pour les réactions immuno-enzymatiques (voir ci-dessous).

Immunofluorescence et réactions immuno -enzymatiques

Elles constituent ce que l'on appelle encore l'immuno-histochimie. Le principe de ces méthodes est d'identifier une structure ou une molécule sur une préparation histologique ou cytologique grâce à leurs propriétés antigéniques et non plus à leur structure chimique. On obtient ces résultats en faisant réagir la lame avec un anticorps purifié, éventuellement monoclonal, lui-même couplé soit à une molécule de fluorochrome (immuno-fluorescence), soit à une molécule enzymatique, peroxydase le plus souvent (réaction immuno-enzymatique).

Si l'antigène recherché est présent dans le prélèvement, il fixera l'anticorps marqué et le point précis où se trouve le complexe antigène anticorps apparaîtra au microscope, soit sous forme d'une zone fluorescente si l'anticorps est lié à un fluorochrome, soit sous forme d'une zone colorée si l'anticorps est couplé à une enzyme révélée par une méthode histo-enzymatique.

L'immuno-histochimie est actuellement pratiquée dans la majorité des laboratoires hospitaliers et libéraux. Le forfait de la Sécurité Sociale est d'environ 200 F par examen immuno-histochimique, qui s'ajoutent au coût de la technique de base.

Hybridation In Situ

Le principe de cette technique est d'identifier un acide nucléique, ARN ou ADN, présent dans des cellules d'une préparation histologique ou cytologique. Comme le sont les anticorps utilisés pour l'immuno-histochimie, les sondes nucléiques sont couplées à des traceurs, fluorochrome ou enzyme. La visualisation au microscope de l'acide nucléique recherché, auquel s'est fixée la sonde, utilise donc des méthodes identiques à celles utilisées pour l'immuno-histochimie.

En pratique, l'hybridation in situ est réalisée pour mettre en évidence les ARN messagers de certains gènes, ou les acides nucléiques de certains agents pathogènes (viraux par exemple).

Inclusion en plastique, coupes fines

Il s'agit d'améliorations de la méthode d'inclusion à la paraffine permettant d'éviter l'échauffement du prélèvement et d'obtenir des blocs d'inclusion particulièrement durs et homogènes dont on pourra tirer

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des coupes plus fines que celles que l'on obtient avec la paraffine. Elle est peu utilisée, sauf pour l'os non décalcifié.

Histomorphométrie

C'est l'ensemble des procédés qui permettent une appréciation quantitative sur une préparation histologique ou cytologique après diverses colorations. On utilisera soit des dispositifs optiques simples mais imprécis, soit des dispositifs électroniques automatiques. L'histophotométrie sert, par exemple, à apprécier la taille moyenne des noyaux dans une population cellulaire, la masse calcifiée présente sur un fragment d'os ou le degré de fibrose d'un tissu.

Auto -histo -radiographie

C'est une méthode qui permet, en mettant au contact une préparation histologique et une émulsion photographique, de révéler la présence au sein des tissus d'éléments radio-actifs. On l'utilise surtout pour juger de la concentration et de la localisation précise dans un organe ou une lésion de molécules marquées injectées avant le prélèvement. Elle a plus d'intérêt pour certaines études de métabolisme cellulaire que pour le diagnostic histo-pathologique.

Culture des tissus

On peut mettre en culture les tissus tumoraux. Les cellules tumorales en culture pouvant manifester des caractères morphologiques qui permettront de préciser leur lignée d'origine. La culture peut être suivie d'une étude caryotypique à la recherche d'anomalies chromosomiques caractéristiques de certaines tumeurs.

Microscopie électronique

Toutes les techniques précédentes permettent d'obtenir des préparations qui seront examinées avec un microscope photonique avec ou sans fluorescence à un grossissement utile qui dépasse à peine 1 000. Pour obtenir des grossissements plus importants, il faut changer de méthode et remplacer le faisceau lumineux par un faisceau d'électrons qui sera recueilli pour former une image, soit après avoir traversé l'objet (microscopie électronique à transmission), soit après s'être réfléchi à sa surface (microscopie électronique à balayage).

L'application des méthodes immuno-enzymatiques est possible en microscopie électronique (immuno-histochimie ultra-structurale).

La limitation majeure du microscope électronique, en dehors de son coût, est liée au fait que plus le grandissement est important, plus le champ examiné est petit. Il est donc extrêmement difficile d'avoir une vue d'ensemble d'un prélèvement dès qu'il est un peu volumineux.

Le microscope électronique a perdu beaucoup de son intérêt diagnostique avec l'essort de l'immuno-histochimie.

Cytométrie en flux

Elle peut être utilisée pour mesure de la quantité d'ADN dans les cellules tumorales, soit sur des cellules en suspension dans un liquide, soit sur un fragment tissulaire dont les cellules auront été remises en suspension après diverses manipulations.

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Biologie moléculaire

C'est un ensemble de méthodes qui permettent d'identifier, dans des cellules ou des tissus, des anomalies qualitatives et quantitatives de la structure et de l'expression des gènes. Réalisées sur des extraits cellulaires ou tissulaires, ces techniques nécessitent souvent du matériel non fixé et congelé. Cependant on peut éventuellement les appliquer à certains prélèvements fixés et inclus en paraffine.

On les met en oeuvre pour caractériser certaines tumeurs dont elle permet de préciser la lignée d'origine, ainsi que pour identifier la présence d'agents pathogènes (bactéries, parasites, virus).

- PRESCRIPTION DES EXAMENS ANATOMO ET CYTO -PATHOLOGIQUES. LE COMPTE -RENDU

LA PRESCRIPTION Les examens de routine

Le prescripteur a une responsabilité dans la qualité de l'examen anatomo-pathologique car il doit impérativement veiller à ce que le prélèvement soit acheminé dans de bonnes conditions, c'est-à-dire dans les plus brefs délais et accompagné d'une demande d'examen rédigée dans les formes.

Une demande d'examen motivée est indispensable, même lorsqu'il s'agit d'un examen systématique. Elle doit comporter au minimum les renseignements élémentaires d'état civil: nom, prénon, âge, sexe avec l'origine ethnique si possible. Elle doit encore comporter des renseignements sur le siège de la lésion et son aspect macroscopique ou endoscopique éventuel, voire son aspect radiologique pour une tumeur osseuse.

A défaut d'un résumé complet de l'observation, des renseignements sur les antécédents, sur les interventions chirurgicales antérieures, sur les examens anatomo-pathologiques antérieurs éventuels, ainsi que sur les traitements médicamenteux suivis, sont parfois indispensables à l'interprétation correcte des images.

Le prélèvement doit être acheminé rapidement au Laboratoire d'Anatomie Pathologique.

Si celui-ci est à proximité, comme c'est le cas dans les Hôpitaux, on peut adresser la pièce fraîche. Il est souhaitable que les chirurgiens réfrènent leur légitime impatience et n'ouvrent pas la pièce de façon telle que l'étude macroscopique de l'Anatomo-Pathologiste, dont on se rappellera toujours l'importance essentielle, soit rendue impossible. Le chirurgien peut placer sur la pièce des repères qui permettent de l'orienter convenablement et qui sont d'une grande utilité pour la dissection ultérieure.

Si le laboratoire est à distance, c'est au médecin prescripteur d'assurer la fixation, sans laquelle l'examen ultérieur sera aléatoire ou même impossible. L'immersion dans le fixateur suffit pour les petits prélèvements, pour les prélèvements volumineux, ils doivent être ouverts ou tronçonnés car le fixateur pénètre peu dans l'épaisseur des tissus.

Dans le cas particulier des frottis cervico-vaginaux, la règle de la fixation précoce à l'alcool-éther ou par spray fixateur s'impose également.

Les liquides d'épanchement seront acheminés en tubes héparinés. Si leur acheminement immédiat est impossible, ils peuvent être conservés au frigidaire à 4° ou dilués au double de leur volume avec de l'alcool à 60°.

Les techniques particulières

L'Anatomo-Pathologiste, spécialiste qualifié, est formé pour savoir quelles sont les techniques adaptées pour trouver la réponse à la question posée par le clinicien. Les techniques complémentaires ne devraient donc pas être prescrites par le demandeur de l'examen, sauf cas

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particulier, et après accord préalable. Il ne faut jamais oublier que la technique la plus sophistiquée et la plus récente n'est pas nécessairement la plus efficace pour aboutir à un diagnostic dans un cas donné.

Beaucoup de techniques particulières ne peuvent pas être réalisées sur des prélèvements qui auront été fixés et destinés à une inclusion en paraffine. On peut faire une étude immuno-histochimique beaucoup plus complète sur des fragments congelés, certains antigènes fragiles étant masqués ou détruits par la fixation et ne réagissant plus sur des prélèvements inclus en paraffine.

Les demandes de nécropsies

Son but ultime étant la corrélation anatomo-clinique, une nécropsie n'a d'intérêt que si elle est faite pour répondre à une question précise posée par le clinicien responsable. La question peut être très simple si le malade décédé n'a fait qu'un bref séjour aux urgences, ou s'il s'agit d'un décès post-opératoire, la question, à l'inverse, peut être très complexe et parfois insoluble pour des malades hospitalisés longtemps, sans qu'un diagnostic précis ait pu être posé.

Dans tous les cas, l'Anatomo-Pathologiste doit recevoir avec la demande d'autopsie tous les éléments de l'observation du malade décédé.

LE COMPTE-RENDU

Toute demande d'examen anatomo-pathologique appelle une réponse sous forme d'un compte-rendu signé par lequel l'Anatomo-Pathologiste engage sa responsabilité professionnelle. Ce compte-rendu comporte la description des lésions ou ensembles lésionnels et la conclusion que l'Anatomo-Pathologiste aura formulée en tenant compte de ce qu'il aura vu et des renseignements cliniques qui lui auront été fournis. La rédaction de ce compte-rendu est un acte médical beaucoup plus comparable à la conclusion d'un examen clinique qu'à la fourniture d'un résultat de dosages.

Dans les cas les plus heureux, l'Anatomo-Pathologiste pourra formuler une conclusion définitive et poser un diagnostic formel et précis. Celui-ci peut confirmer le diagnostic clinique ou l'infirmer radicalement.

Dans de nombreux cas cependant, l'examen anatomo-pathologique ne permet pas d'aboutir à un diagnostic qui soit à la fois certain et précis. Il est des cas où la conclusion est entièrement négative, réfutant une hypothèse clinique sans proposer d'alternative. Souvent les lésions ne sont pas significatives, soit parce que l'affection dont souffre le patient ne donne guère de lésions spécifiques, soit parce que les prélèvements n'ont pas été faits dans la zone pathologique ou qu'ils sont de trop petite taille pour permettre une analyse séméiologique.

L'affinement des techniques peut diminuer le nombre des prélèvements non significatifs mais ne saurait prétendre à obtenir une exactitude constante et absolue.

L'usage et la sagesse veulent que le compte-rendu ne soit jamais remis directement au malade mais transmis au médecin prescripteur. L'Anatomo-Pathologiste a l'obligation légale de conserver au laboratoire, pour une durée indéfinie, un double de son compte-rendu. Il y a également obligation légale de conservation des lames et des blocs d'inclusion. Le cas échéant, on conserve des fragments tissulaires, congelés avant fixation par immersion dans l'azote liquide, et conservés à - 80°. Des études de biologie moléculaire, immédiates ou différées, peuvent être faites sur ces tissus.

Lorsqu'un patient revient en consultation, parfois après des années, il est possible et souhaitable de revoir les prélèvements initiaux, et éventuellement d'appliquer sur le matériel pathologique en réserve de nouvelles techniques de diagnostic.

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- PATHOLOGIE DES CELLULES, DES TISSUS ET DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES

- DIFFÉRENCIATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE

- LA DIFFÉRENCIATION D’UNE CELLULE OU D’UN TISSU

est le fait pour cette cellule ou ce tissu d’avoir une image histologique qui lui est particulière et qui est généralement en rapport avec sa spécialisation fonctionnelle (cils de l’épithélium respiratoire; maturation cornée de l’épiderme; bordure en brosse des entérocytes, etc.).

La différenciation du tissu résulte de la différenciation des cellules qui le composent mais toutes les cellules ne sont pas au même degré de différenciation. Celle-ci est nulle ou peu marquée pour les éléments jeunes et s’accentue progressivement au cours de leur vieillissement.

- LA DÉDIFFÉRENCIATION

est l’arrêt ou le ralentissement, temporaire ou définitif, du processus de différenciation. On l’observera, par exemple, après une destruction épithéliale. Les éléments qui vont proliférer pour reconstituer l’épithélium seront dans un premier temps moins différenciés que les cellules d’origine.

- ADAPTATION CELLULAIRE ET TISSULAIRE

Les cellules et les tissus, quelle que soit leur différenciation, sont capables de réagir à une modification de leur environnement au sens le plus large de ce terme. Ce sont ces modifications qui constituent l’adaptation cellulaire. Selon les cas, elle est secondaire à un stimulus physiologique ou à un stimulus pathologique; elle peut, à l’inverse, être secondaire à l’arrêt d’une stimulation normale.

Les quatre types les plus importants d’adaptation cellulaire et tissulaire sont: l’atrophie, l’hypertrophie, l’hyperplasie et la métaplasie.

- ATROPHIE

Dans le langage courant, l’atrophie désigne communément la diminution de volume d’un organe ou d’un viscère qu’elle qu’en soit la cause. En fait, la définition de l’atrophie est précise et limitative: il s’agit d’une diminution de volume des cellules fonctionnelles d’un tissu ou d’un organe, ce qui a généralement pour conséquence une diminution de volume de l’organe entier.

La cellule atrophique reste vivante, sa masse diminue par disparition de certains éléments fonctionnels (myofibrilles pour le muscle, ergastoplasme pour les hépatocytes, etc.) Cette diminution est la conséquence à la fois de l’arrêt du renouvellement de ces structures et de leur destruction par autophagie.

L’atrophie résulte d’une diminution des apports nutritifs. Il peut s’agir des apports caloriques; Exemple: fonte du pannicule adipeux dans l’amaigrissement (les

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adipocytes persistent tout en diminuant de volume par perte de leurs enclaves lipidiques).Il peut s’agir d’une insuffisance d’apport d’oxygène: atrophie par hypoxie dans certains cas d’ischémie chronique.

L’atrophie peut résulter également d’une perte d’un stimulus physiologique; Exemple: atrophie du muscle strié par inactivité ou dénervation; atrophie de l’endomètre par disparition des stimulus ovariens après la ménopause ou après ovariectomie bilatérale.

En principe, l’atrophie est un état réversible si l’on restaure les conditions métaboliques normales. En fait, l’atrophie accentuée aboutit à la mort de certains éléments cellulaires qui seront remplacés par un accroissement compensateur du tissu conjonctif et adipeux. Exemple: adipose interstitielle du muscle strié chez les vieillards inactifs.

- HYPERTROPHIE

Ici encore, le langage courant donne au mot hypertrophie un sens plus large que le sens anatomo-pathologique précis. L’hypertrophie n’est pas l’augmentation de volume pure et simple d’un organe ou d’une partie du corps, c’est l’augmentation de la taille des cellules d’un tissu ou d’un organe sans multiplication cellulaire. Ceci a généralement pour conséquence une augmentation de volume de l’organe entier.

Le terme d’hypotrophie est un terme clinique qui désigne l’insuffisance de développement de l’ensemble du corps. On l’emploie surtout à propos de nouveau-nés et de nourrissons de petit poids.

L’hypertrophie a deux ordres de causes:

A) L’adaptation de la cellule à l’augmentation de l’apport nutritif ou à une sollicitation fonctionnelle accrue. Dans ce cas, c’est à peu près l’inverse de l’atrophie puisque les cellules restent vivantes et accroissent leur masse fonctionnelle en multipliant le nombre de leurs organelles (myofibrilles, mitochondries, etc.).

Exemple: hypertrophie compensatrice du rein restant après néphrectomie. Le nombre des néphrons ne s’accroît pas, chacun d’entre eux est plus volumineux qu’un néphron normal, hypertrophie du myomètre au cours de la grossesse, induite par l’action des oestrogènes sur les myocytes du myomètre qui deviennent énormes, hypertrophie du muscle squelettique des athlète, hypertrophie du myocarde des insuffisances cardiaques.

Cette adaptation à l’augmentation des sollicitations fonctionnelles n’est pas illimitée.

B) La seconde cause possible est l’accumulation dans les cellules de substances solubles en quantité accrue. L’Exemple le plus simple est celui de l’eau qui, accumulée dans une cellule (oedème cellulaire), aboutit à une hypertrophie. Exemple: gros rein de la néphrose osmotique.

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- HYPERPLASIE

L’hyperplasie est définie par un accroissement du nombre des cellules d’un organe avec augmentation du volume de cet organe par rapport au volume normal. Elle se voit dans les organes dont les cellules ont gardé la capacité de se diviser, au moins sous l’influence de certains stimulus. Ces stimulus sont variables, il peut s’agir d’une exagération des apports nutritionnels ou d’une hyperoxie, il peut s’agir d’une stimulation hormonale. L’hyperplasie s’observe également au cours ou au décours de certains processus inflammatoires et au cours de l’infestation par certains virus (Cf. papillome et condylome).

S’il est aisé de définir l’hyperplasie, il est en fait souvent difficile de tracer les limites de ce processus pathologique.

HYPERPLASIE ET HYPERTROPHIE

En principe, une population cellulaire s’adapte à un stimulus, soit par une hyperplasie, soit par une hypertrophie. Dans quelques cas, le stimulus aura pour conséquence à la fois une augmentation de la taille des cellules et une augmentation de leur nombre. La multiplication est cependant toujours limitée.

Exemple: le muscle cardiaque de l’enfant subit une hypertrophie en cas d’insuffisance cardiaque mais également une hyperplasie car certaines cellules se divisent; il y a également des divisions cellulaires dans le myomètre au cours de la grossesse.

HYPERPLASIE ET RÉGENÉRATION

Lorsqu’un tissu aura été détruit et reconstitué par la prolifération des cellules restantes, on aboutit à une régénération. Celle-ci est finalement peu différente d’une hyperplasie, puisqu’il s’agit d’une hyperplasie temporaire qui va s’interrompre dès qu’elle aura atteint son but en restaurant la masse tissulaire détruite. Il peut arriver que la régénération soit excessive.

RAPPORTS ENTRE HYPERPLASIE ET TUMEUR

L’accroissement du volume d’un organe par un phénomène d’hyperplasie est un processus limité qui ne dépassera pas certaines proportions. Ceci est une distinction théorique fondamentale avec les tumeurs. La distinction pratique peut cependant être difficile:

Le phénomène d’hyperplasie peut être localisé à un secteur d’un organe (hyperplasie nodulaire du foie, hyperplasie nodulaire des surrénales). Les limites entre hyperplasie nodulaire et tumeur bénigne restent souvent floues. Certains cancers sont fréquents chez les sujets ayant des lésions d’hyperplasie plus ou moins durables. On parle dans ce cas d’hyperplasies atypiques. Ce terme d’hyperplasie atypique est très voisin en pratique de celui de dysplasie épithéliale. On désigne ainsi des anomalies des épithéliums de revêtement à renouvellement rapide (col utérin, estomac, etc.). Ces anomalies peuvent être la conséquence d’une régénération anormale après irritation ou inflammation. Certaines d’entre

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elles sont des lésions pré-cancéreuses.

Il faut noter que le terme de dysplasie a un autre sens tout à fait différent, beaucoup plus ancien et consacré par l’usage, qui est celui de maladie constitutionnelle à caractère malformatif plus ou moins manifeste. Exemple: dysplasie fibreuse des os.

A propos de l’hyperplasie, on doit définir deux autres termes qui sont en quelque sorte l’opposé de l’hyperplasie.

- HYPOPLASIE

Ce n’est pas exactement l’inverse de l’hyperplasie. On emploie ce terme à propos des organes anormalement petits, ayant un nombre de cellules inférieur à celui d’un organe normal en raison d’un trouble du développement. Un organe ou un tissu hypoplasiques sont donc un organe ou un tissu qui n’ont jamais atteint leur taille normale et non pas des organes ou des tissus qui auraient pu perdre au cours de la vie une partie de leur contingent cellulaire normal.

- APLASIE

C’est théoriquement l’absence d’un organe dont l’ébauche embyonnaire quoique présente, n’a pas subi l’induction qui lui aurait permis un développement normal au cours de l’embryogénèse. C’est donc une lésion congénitale; Exemple: aplasie rénale, aplasie diaphragmatique, etc..

Pour les organes constitués de cellules qui se renouvellent rapidement (moelle osseuse essentiellement) le développement n’est jamais achevé mais au contraire perpétuellement recommencé; on peut alors parler d’aplasie pour désigner l’arrêt du renouvellement cellulaire qui succède à un blocage de la maturation des cellules souches ou à leur destruction. De même, un renouvellement insuffisant de la moëlle osseuse pourra porter le nom d’hypoplasie médullaire.

- MÉTAPLASIE

Ce type d’adaptation cellulaire ou tissulaire est défini comme la transformation d’un tissu normal en un autre tissu normal de structure et de fonction différentes. Cette transformation morphologique traduit un changement dans la différenciation des cellules qui assurent normalement le renouvellement du tissu. Ceci peut aboutir à un tissu mieux adapté à une agression que le tissu qu’il remplace. Exemple: métaplasie malpighienne de l’épithélium bronchite chez le fumeur. Cet épithélium métaplasique serait moins irritable que l’épithélium respiratoire normal.

Dans certains cas, la métaplasie est simplement l’équivalent d’une dédifférenciation par perte de spécialisation. C’est ainsi que dans les gastrites atrophiques, l’épithélium gastrique différencié retourne à un type intestinal simplifié. C’est la métaplasie entéroïde ou intestinale.

Les phénomènes de métaplasie sont fréquents; ils sont cependant assez peu variés car la plupart des tissus n’ont pas les capacités de renouvellement nécessaires à la constitution d’une métaplasie. Pour un tissu donné, les capacités de métaplasie sont

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elle-mêmes limitées. Il n’y a pas de métaplasie d’un tissu conjonctif en tissu épithélial ou inversement mais simplement métaplasie d’un type d’épithélium en un autre comme nous l’avons vu ou d’un type de tissu conjonctif en un autre; Exemple: métaplasie osseuse du tissu conjonctif dans une cicatrice.

Les rapports entre les métaplasie et les tumeurs sont très étudiés mais encore mal connus. On peut considérer empiriquement que certaines métaplasies sont des états pré-cancéreux.

Il est important de souligner que les différents phénomènes d’adaptation cellulaire et tissulaire que nous avons vus peuvent être associés. C’est ainsi qu’un épithélium peut être à la fois métaplasique, hyperplasique et dysplasique. Exemple: métaplasie malpighienne atypique de l’épithélium bronchique.

- DYSTROPHIES

Toutes les lésions que nous avons envisagées au cours de ce chapitre sur l’adaptation cellulaire et qui sont secondaire à une modification de l’environnement rentrent dans un vaste groupe qui est celui des dystrophies. Ce groupe réunit des lésions morphologiquement très différentes mais qui ont en commun d’être liées à un trouble des apports nutritionnels au sens le plus large du terme. Ce groupe contient bien plus de choses encore que ce que nous avons vu car il est d’usage d’en faire un cadre d’attente et de considérer comme dystrophie toute lésion d’origine inconnue ou mal précisée et qui n’est manifestement ni une inflammation, ni une tumeur, ni une malformation.

- RENOUVELLEMENT DES CELLULES DE L’ORGANISME

La capacité qu’ont les différentes cellules de l’organisme à se renouveler est variable d’une lignée cellulaire à l’autre et, en outre, selon les circonstances physiologiques ou pathologiques.

Les divisions cellulaires interviennent dans les circonstances suivantes:

- CROISSANCE NORMALE

Il est clair qu’elle n’est possible que grâce à la multiplication du nombre des cellules présentes à la naissance ou à leur accroissement volumétrique. Ces deux processus sont souvent associés mais il n’en est pas nécessairement ainsi. Il y a des lignées cellulaires dans lesquelles il n’y a pas normalement de multiplication au cours de la croissance. C’est le cas pour les neurones qui sont présents à la naissance aussi nombreux qu’à l’âge adulte; ils subissent au cours de la croissance une maturation et un accroissement volumétrique mais ne se divisent pas. De même pour le muscle strié dont les fibres augmentent de volume et de longueur sans qu’il y ait de division cellulaire.

- MAINTIEN DE L’ORGANISME EN ÉTAT D’ÉQUILIBRE, UNE FOIS LA CROISSANCE TERMINÉE

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Ceci suppose l’arrêt des stimulations qui permettaient l’accroissement du nombre des cellules et une adéquation exacte entre le nombre des cellules détruites au terme de leur vie normale et de celles qui viendront les remplacer. La durée de vie des cellules normales est extrêmement variable selon les souches cellulaires considérées; quelques jours pour les entérocytes, cellules épithéliales de la muqueuse de l’intestin gr’le, quelques semaines pour les cellules sanguines. Elle est beaucoup plus longue pour les hépatocytes. La capacité de renouvellement des cellules diminue avec l’âge et c’est un des facteurs de la sénescence.

- RÉGÉNERATION TISSULAIRE

La régénération permet à l’organisme de reconstituer les éléments cellulaires détruits à la suite d’un phénomène pathologique ou physiologique (menstruation par exemple). La régénération parfaite est celle qui aboutit à la restitution d’un tissu épithélial ou d’un tissu conjonctif spécialisé absolument semblable à celui qui a été initialement détruit. La possibilité de régénération et sa qualité varient considérablement d’un organe à l’autre et d’une souche cellulaire à l’autre. Deux facteurs interviennent dans cette régénération:

la capacité des cellules spécialisées à se reproduire, la restitution de la charpente conjonctive de l’organe. Le tissu conjonctif, en effet, en cas de destruction tissulaire aura toujours tendance à venir combler la perte de substance. Si la régénération des éléments fonctionnels est trop lente ou impossible, ils seront remplacés par un tissu conjonctif cicatriciel.

- POPULATIONS CELLULAIRES

En fonction des capacités de renouvellement des cellules et de leur aptitude à régénérer, on peut distinguer dans l’organisme trois catégories de populations cellulaires

POPULATIONS LABILES

Il s’agit de cellules qui se renouvellent rapidement comme les cellules de l’épiderme, les entérocytes ou les cellules sanguines. Si nécessaire, la régénération complète des tissus détruits se fait dans des conditions de rapidité telles que le support conjonctif soit peu modifié. Ces éléments capables de renouvellement sont bien entendu capables également de donner des lésions d’hyperplasie et de métaplasie.

POPULATIONS STABLES

Il s’agit de cellules épithéliales ou conjonctives, à durée de vie très longue dont le renouvellement est nul ou très lent à l’état normal, tels les myocytes du muscle strié, les hépatocytes, les éléments épithéliaux du rein. En cas de besoin, ces cellules peuvent récupérer leur capacité à se reproduire et les organes qu’elles constituent peuvent régénérer. Cette régénération cependant est aléatoire dans la mesure où elle peut être gravement perturbée par des modifications de la charpente conjonctive.

Il n’y a pas de règle générale dans ce domaine. Le muscle strié squelettique est susceptible d’une certaine régénération aux dépens de cellules de réserve

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normalement présentes dans le muscle adulte; le myocarde est dépourvu de cette capacité. Bien que les hépatocytes se divisent assez peu normalement, le foie a des capacités de régénération importantes. Chez l’animal, une hépatectomie des 4/5 est suivie d’une véritable repousse de tissu hépatique complètement différencié. En pathologie, le foie est susceptible de régénérer de façon très complète en restaurant une masse hépatocytaire normale mais dont l’architecture sera parfois complètement pertubée (cirrhose). Cette capacité de régénération va de pair avec la possibilité de présenter les lésions d’hyperplasie.

Pour le rein, les capacités de régénération sont moindres. L’épithélium des tubes rénaux peut régénérer après une néphrite mais il n’y a pas de repousse du tissu rénal après néphrectomie partielle. On observera non pas une régénération mais une hypertropie compensatrice.

POPULATIONS PERMANENTES

Il s’agit essentiellement des neurones qui ne se divisent pas quelles que soient les circonstances pathologiques. De ce fait, la diminution progressive du nombre des neurones observés au cours de la sénescence n’est pas compensée et toute destruction pathologique des neurones entraîne un déficit définitif. La régénération que l’on peut observer au niveau du tissu nerveux est celle des prolongements cellulaires (axones ou dendrites) d’un neurone dont le corps cellulaire est intact. Ici encore, cette régénération n’est possible qu’en l’absence d’interposition conjonctive. Il va de soit que les phénomènes d’hyperplasie et de métaplasie sont inconnus dans les tissus constitués de populations cellulaires permanentes.

- SOUFFRANCE ET MORT CELLULAIRE

Les stimulus ou les agressions qui atteignent la cellule peuvent provoquer une adaptation cellulaire ou tissulaire. Ils peuvent également altérer certains constituants cellulaires et provoquer des lésions. Lorsque celle-ci sont réversibles, on parle de souffrance cellulaire. Lorsqu’elles sont irréversibles, c’est la mort cellulaire. Lorsque cette mort cellulaire survient au sein d’un organisme vivant la lésion est une lésion de nécrose. Cette nécrose peut atteindre des cellules isolées des groupes de cellules, des tissus ou des organes entiers.

CAUSES DE LA SOUFFRANCE ET DE LA MORT CELLULAIRE

De multiples agents peuvent être responsables de lésions cellulaires et leurs mécanismes d’action à l’échelon moléculaire sont encore très imparfaitement connus. On sait cependant que l’un des facteurs les plus importants est l’anoxie ou l’hypoxie, c’est-à-dire l’arrêt ou la diminution de l’apport d’oxygène à la cellule. Cette anoxie est sans doute le biais par lequel agissent directement ou indirectement la plupart des stimuli pathogènes.

La sensibilité des différentes populations cellulaires à l’hypoxie est extrêmement variable: les neurones ne supportent pas une anoxie dépassant quelques minutes, les fibroblastes à l’inverse résistent beaucoup plus longtemps et l’on peut obtenir des cultures viables de fibroblastes à partir de cellules prélevées plusieurs heures après l’arrêt circulatoire,

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les différentes autres cellules ont des sensibilités intermédiaires et variables. EXPRESSIONS DE LA SOUFFRANCE CELLULAIRE

Une des premières consèquences d’une agression au niveau d’une cellule est la perte pour celle-ci de la capacité d’assurer l’équilibre de son bilan hydro-électrolytique. Il en résulte un oedème intra-cellulaire avec augmentation de la taille de la cellule dont le cytoplasme devient peu colorable. On appelle clarification ou tuméfaction cellulaire l’image de cet oedème intra-cellulaire. Lorsque le liquide qui se trouve en excés dans la cellule s’accumule dans des vacuoles, on parle de vacuolisation (ou dégénérescence vacuolaire). Si les vacuoles sont très volumineuses et donnent l’impression de souffler la cellule, c’est la ballonisation.

Dans d’autres cas, l’expression de la souffrance cellulaire est une accumulation intra-cytoplasmique de triglycérides. C’est ce que l’on appelle une stéatose. Ceci survient notamment dans les cellules qui utilisent ou transforment les triglycérides (cellules musculaires du myocarde, hépatocytes). Les apports de triglycérides sont normaux mais la cellule a perdu la capacité de les utiliser et ils s’accumulent sur place. Exemple: stéatose anoxique du foie de stase sub-aigue.

EXPRESSION MORPHOLOGIQUE DE LA MORT CELLULAIRE

La distinction entre lésion cellulaire réversible et lésion cellulaire irréversible est difficile. Le caractère irréversible de la lésion et la mort effective de la cellule ne peuvent être affirmés que lorsque apparaissent des images de nécrose qui traduisent un début de destruction de la cellule morte par des enzymes protéolytiques des lysosomes. Ce processus est analogue à celui de l’autolyse mais, par définition, il n’y a nécrose que lorsque la cellule morte est restée dans un environnement vivant.

A la différence des lésions de souffrance cellulaire qui peuvent être visibles dans les premières minutes suivant l’agression pathogène, la nécrose n’est manifeste que plusieurs heures après la mort cellulaire. La cellule nécrosée est habituellement éosinophile car l’A.R.N. cytoplasmique responsable de la basophilie normale disparaît rapidement.

Le cytoplasme peut être homogène ou vacuolaire, ce sont les modifications du noyau qui sont les indicateurs les plus sûrs de la mort cellulaire. Au début du processus, le noyau est rétracté et réduit à une petite masse hyper-colorable: c’est la pycnose. Cette masse résiduelle va ensuite disparaître soit en donnant l’impression de fondre sous l’influence des DN-ases lysomiales: c’est la caryolyse, soit en se fragmentant en petites masses éparpillées: c’est le caryorrhexis.

La nécrose peut frapper des éléments cellulaires isolés. Le plus souvent en fait elle atteint un segment d’organe dans son ensemble, c’est-à-dire non seulement les cellules fonctionnelles de l’organe mais également le tissu conjonctif interstitiel avec ses cellules et ses structures fibrillaires. La mort et la lyse d’un secteur de tissu ou nécrose tissulaire peut avoir diverses expressions morphologiques qui peuvent dans certains cas fournir des indications sur l’étiologie de la nécrose:

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Nécrose de coagulation

Elle aboutit dans un premier temps à la formation de fantômes cellulaires, à cytoplasme éosinophile, à noyau lysé mais dont la forme et l’agencement en tissu sont longtemps conservés en raison d’une coagulation rapide des protéines de structure. La nécrose ischémique est le prototype de ces nécroses de coagulation. L’évolution ultérieure se fait vers le détersion par les enzymes des polynucléaires.

Nécrose de liquéfaction

Il s’agit ici d’un ramollissement et d’une liquéfaction rapide du territoire nécrosé sous l’action d’enzymes protéolytiques provenant des propres cellules nécrosées ou des cellules sanguines attirées dans le foyer nécrotique. On observe ce type de nécrose dans le cas se suppuration et dans le cas de nécrose ischémique du tissu cérébral.

Autres types de nécrose

On peut citer:

a) la cytostéatonécrose: nécrose du tissu adipeux sous l’influence d’une lipase agissant localement, activée en cas de pathologie pancréatique ou à la suite d’un traumatisme du tissu adipeux.

b) la nécrose caséeuse dont nous reverrons l’importance à propos de la tuberculose.

c) la nécrose gangréneuse qui est un exemple de sommation lésionnelle puisqu’elle est due aux effets combinés d’une ischémie et de germes anérobies.

- ÉLÉMENTS DE PATHOLOGIE ULTRA-STRUCTURALE

L’étude des cellules et des tissus en microscopie électronique dans diverses circonstances pathologiques a permis de mettre en évidence des modifications caractéristiques au niveau des organites intra-cellulaires ou des structures interstitielles. Selon les cas, ces lésions ont été observées au cours de maladies dans lesquelles l’examen histologique ordinaire ne montrait rien ou, plus souvent, elles ont permis de fournir une explication aux images observées en microscopie photonique.

Il s’agit là d’un domaine très vaste auquel nous avons fait quelques allusions à propos de l’adaptation cellulaire et de la souffrance cellulaire: nous nous bornerons à quelques exemples:

ACCROISSEMENT DU RETICULUM ENDOPLASMIQUE LISSE

On l’observe dans les hépatocytes lors des inductions enzymatiques par exemple liées au phénobarbital. Il est d’ailleurs repérable en microscopie optique sous forme d’un aspect finement spumeux du cytoplasme.

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ACCROISSEMENT DU RETICULUM ENDOPLASMIQUE RUGUEUX

Il s’oberve dans les cellules ayant une activité intense de synthèse protéique. On peut observer l’accumulation de la sécrétion elle-même dans ce réticulum endoplasmique rugueux. C’est le cas pour les immuno-globulines de certains plasmocytes.

MODIFICATIONS DES MITOCHONDRIES

Mitochondries géantes dans les hépatocytes des alcooliques; multiplication des mitochondries dans les cellules des glandes endocrines ou dans les cellules du muscle strié dans le cas d’hypertrophie.

MODIFICATIONS DES LYSOSOMES

Participation des lysosomes à la digestion des particules phagocytées et à l’auto-phagocytose; accumulation de substances non métabolisables dans les lysosomes dans certaines carences enzymatiques lysosomales. Ceci constitue une des causes possibles des maladies de surcharge (mucopolysaccharidoses, certaines glycogènoses, etc.).

IDENTIFICATION D’INCLUSIONS DIVERSES,

permettant de reconnaître la souche d’origine d’une cellule pathologique:

Granules de Bierbeck ou " corps X " des histiocytes de l’histiocytose X; Grains de sécrétion des cellules du système APUD et des tumeurs qui en dérivent; Mélanosomes des mélanocytes peu différenciés; Filaments intermédiaires du cytoplasme des cellules des sarcomes; etc.

L’immunohistochimie tend de plus en plus à se substituer à la microscopie électronique dans l’identification de certains de ces marqueurs cellulaires.

MODIFICATIONS DU CYTO-SQUELETTE

Apparition des myofilaments dans les fibroblastes au cours de la cicatrisation et de la rétraction des plaies. Diverses modifications des microtubules et des myofilaments allant de pair avec des changements de la mobilité cellulaire ou du siège des sites antigéniques à la surface des cellules.

MODIFICATIONS DES CILS VIBRATILES

Anomalies de structure de l’appareil ciliaire expliquant l’immobilité des cils, innée ou acquise, cause de certaines insuffisances respiratoires.

L’ÉTUDE DES ÉLÉMENTS INTERSTITIELS

montre également des lésions qui peuvent être caractéristiques:

modifications du type des fibres collagènes normalement présentes dans un tissu;

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Mise en évidence de collagène anormal; depôts divers au niveau des membranes basales, dans le glomérule rénal par exemple; identification ultra-structurale des fibrilles d’amyloïde.

- PATHOLOGIE DES SUBSTANCES INTERCELLULAIRES

La pathologie des substances inter-cellulaires se traduit par des lésions observables au niveau des fibres inter-cellulaires ou des substances fondamentales. Il s’agit de modifications quantitatives ou qualitatives de ces différents éléments.

Le terme de pathologie des substances inter-cellulaires est morphologique et ne préjuge pas de la physiopathologie des lésions. En effet, la cause première de ces lésions est souvent une modification fonctionnelle des cellules. Ceci est bien illustré par l’exemple du tissu conjonctif où se déroule l’essentiel de la pathologie des substances inter-cellulaires. On sait que les éléments fibrillaires et la substance fondamentale du tissu conjonctif sont synthétisés par les fibroblastes et il est bien évident que les altérations des substances interstitielles ne sont souvent que la conséquence d’un fonctionnement anormal du fibroblaste. Ceci cependant n’est pas constant et la pathologie des substances interstitielles comprend également la destruction des substances fondamentales ou des fibres sous l’effet, par exemple d’enzymes bactériens (hyaluronidase, collagénase ou élastase); elle comprend encore le dépôt de substances étrangères dans l’élaboration desquelles le fibroblaste n’a aucune part.

Les plus importants des processus pathologiques qui se déroulent au niveau des substances inter-cellulaires sont l’oedème, la sclérose et les dépôts de substances de nature protéique.

- OEDÈME TISSULAIRE

C’est la plus banale des lésions des substances inter-cellulaires. On définit l’oedème comme l’augmentation, macroscopiquement et histologiquement perceptible, de la quantité de liquide contenu dans les espaces interstitiels.

Le liquide d’oedème provient du système vasculaire; il passe dans le tissu conjonctif dans trois circonstances étiologiques principales.

AUGMENTATION DE LA PERMÉABILITE VASCULAIRE

au niveau des capillaires et des veinules: c’est l’oedème inflammatoire; le liquide d’oedème est riche en protéines. Le terme d’exsudat est pratiquement synonyme d’oedème inflammatoire.

AUGMENTATION DE LA PRESSSION HYDROSTATIQUE INTRA-VASCULAIRE

C’est l’oedème de la congestion passive encore appelé oedème de stase; le liquide d’oedème est pauvre en protéine. Le terme de transsudat est pratiquement synonyme d’oedème de stase.

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DIMINUTION DE LA PRESSION ONCOTIQUE

du plasma en cas d’hypo-protéinémie. C’est l’oedème de carence; il est pauvre en protéines.

- SCLÉROSES

Il s’agit ici encore d’une lésion d’une extrême banalité et d’une extrême importance.

A l’origine, le terme de sclérose avait une signification macroscopique et on l’appliquait aux organes durs ("scléros" signifiant dur en grec). La définition est ensuite devenue histologique: la sclérose est l’accroissement du nombre ou de l’épaisseur des fibres du tissu conjonctif dans un territoire donné de celui-ci. Le terme de fibrose, employé comme synonyme de sclérose, se réfère à cette image histologique.

Le plus souvent, la sclérose est un accroissement des fibres collagènes. Celles-ci peuvent être d’un ou de plusieurs des cinq types actuellement connus, et parfois différent du type normal pour l’organe où apparaît la sclérose. Il peut s’agir également d’un accroissement des fibres élastiques.

CAUSES DE LA SCLÉROSE

La sclérose peut être la conséquence de pratiquement n’importe quelle agression survenue au niveau du tissu conjonctif. Parmi les causes les plus importantes, on peut citer:

Les processus inflammatoires

qu’il y ait ou non perte de substance qui sera comblée par une lésion de sclérose, la persistance d’un processus inflammatoire entraîne un accroissement du tissu conjonctif. Il est très vraisemblable que les lymphocytes T et les cellules de la lignée monocytaire élaborent des facteurs qui stimulent la synthèse du collagène par les fibroblastes.

Les processus dystrophiques

peuvent être à l’origine de sclérose. Exemple: sclérose de l’intima artérielle autour des lésions d’athérome. D’une façon générale, toute destruction d’un élément cellulaire fonctionnel qui ne régénère pas sera suivie d’un accroissement compensateur des tissus conjonctifs; c’est le cas dans l’ischémie aiguê ou chronique, nous avons vu également le cas des atrophies.

Les processus tumoraux

la croissance des tumeurs maligne induit une prolifération conjonctive qui constitue le stroma. Le stroma peut être sclérosé et ceci est parfois un élément important de la

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séméiologie clinique. Exemple: stroma scléreux et rétractile du cancer du sein responsable de la rétraction de la tumeur et de la peau sus-jacente. Stroma scléreux des cancers infiltrants de l’estomac avec rigidité pariétale (linite plastique).

CLASSIFICATION TOPOGRAPHIQUE DES SCLÉROSES

Toute lésion de sclérose peut être caractérisée par deux des quatre adjectifs suivants: une sclérose sera soit systématisée, soit mutilante et soit localisée, soit généralisée.

On parle de sclérose systématisée

lorsque le processus de sclérose atteint la charpente conjonctive d’un organe. Cette charpente devient anormalement épaisse mais l’architecture d’ensemble reste reconnaissable, au moins lorsque le processus n’est pas trop évolué. Au niveau du poumon par exemple, la sclérose systématisée sera l’épaississement des cloisons inter-lobulaire et des cloisons inter-alvéolaires. Ce processus peut atteindre l’ensemble des deux poumons; il s’agit alors d’une sclérose systématisée généralisée. Il peut au contraire n’atteindre qu’un lobe à la suite d’une pneumopathie lobaire: il s’agira alors d’une sclérose systématisée localisée.

La sclérose mutilante

est l’inverse de la sclérose systématisée: elle consiste en un remplacement d’une portion d’un organe, qui aura été détruite, par un tissu conjonctif cicatriciel. Cette sclérose peut également être localisée, c’est le cas lorsque la lésion de sclérose représente l’évolution d’une lésion tuberculeuse unique du poumon. Cette sclérose mutilante peut être également généralisée; c’est le cas lorsque des lésions tuberculeuses sont multiples et disséminées aux deux poumons.

ASPECTS ANATOMIQUES DE LA SCLÉROSE

La sclérose est le résultat d’un processus de néoformation de fibres qui comporte plusieurs étapes successives. L’aspect de la sclérose varie ainsi au cours de son développement.

Une lésion de sclérose en voie de constitution ou sclérose jeune est caractérisée macroscopiquement par un aspect tuméfié, parfois congestif et une consistance encore modérée. Histologiquement, le tissu conjonctif en cours d’élaboration est oedémateux, riche en substance fondamentale et en fibroblastes et encore relativement pauvre en fibres collagènes. Il peut contenir de nombreux vaisseaux capillaires néoformés.

On peut décrire morphologiquement tous les intermédiaires entre l’oedème chronique et la sclérose jeune. L’association d’un oedème important et d’une sclérose porte le nom de scléroedème.

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A l’opposé, une lésion de sclérose ancienne, fixée, est de consistance dure et se présente souvent comme une zone de rétraction. Histologiquement, le tissu conjonctif est constitué de trousseaux collagènes épais contenant peu de cellules et peu de vaisseaux. Cette sclérose évoluée peut se calcifier.

Entre ces deux extrêmes s’observent tous les intermédiaires. Une lésion de sclérose ancienne évoluée est généralement fixée, irréversible, une lésion de sclérose jeune au contraire peut s’atténuer et s’appauvrir en structures fibrillaires après un stade d’accroissement passager. Il est cependant des cas où elle s’aggrave et s’étend, paraissant échapper aux mécanismes régulateurs de l’organisme. De telles scléroses extensives peuvent avoir des conséquences graves et se rapprochent de certaines tumeurs à malignité locale (cf.fibromatose).

Dans le cas de sclérose systématisée à l’ensemble d’un organe, l’aspect macroscopique de celui-ci est variable. D’une façon générale, toute sclérose un peu évoluée se traduit par une induration de l’organe; cette induration peut s’accompagner d’une augmentation de volume. Plus souvent, elle s’accompagne d’une diminution de volume avec rétraction d’ensemble. Exemple: petit rein scléreux de l’artériosclérose rénale.

- DEPÔTS PATHOLOGIQUES DANS LA SUBSTANCE INTER-CELLULAIRE

Les dépôts qui peuvent se produire dans la substance inter-cellulaire au cours d’un certain nombre de troubles métaboliques sont nombreux et variés.

Ici, nous aurons en vue essentiellement des dépôts inter-cellulaires de substances anormales constituées dans leur totalité ou en majorité par des protéines.

Il s’agit de la substance fibrinoïde, de la substance hyaline et de la substance amyloïde.

Les dépôts de ces trois substances ont en commun un certain nombre de caractères: la substance protéique qui se dépose dans le tissu conjonctif est composée au moins en partie de protéines sanguines qui traversent la paroi des vaisseaux. Les dépôts sont donc situés dans la majorité des cas dans le tissu conjonctif de la paroi vasculaire elle-même et moins souvent dans le tissu conjonctif à distance des vaisseaux.

DEPÔTS DE SUBSTANCE FIBRINOÏDE

La définition en est purement morphologique: il s’agit de la présence au sein du tissu conjonctif d’une substance ayant l’aspect de la fibrine sur les lames colorées par l’hématéine-éosine, c’est-à-dire qu’elle est rouge, légèrement réfringente et d’aspect un peu fibrillaire. L’image résulte à la fois du dépôt de substance fibrinoïde et de modifications locales du tissu conjonctif.

La structure de la substance fibrinoïde est variable selon les maladies où on l’observe. Dans un certain nombre de cas, il a été démontré qu’elle était constituée de complexes immuns capables d’activer le complément et de déclencher une réaction inflammatoire. Qu’il y ait ou non réaction inflammatoire, la paroi du vaisseau

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ou la zone du tissu conjonctif où s’est produit le dépôt peuvent se nécroser donnant naissance à une lésion de nécrose fibrinoïde. Exemple: nodule rhumatoïde, vascularite nécrosante type périartérite noueuse ou états apparentés.

SUBSTANCE HYALINE

L’adjectif hyalin signifie vitreux; on l’emploie pour désigner les substances ou les organes réfringent et translucide (cartilage hyalin, par exemple). Il qualifie également certaines inclusions intra-cellulaires (boules hyalines, corps hyalins de Mallory).

En matière de pathologie des substances inter-cellulaires, l’adjectif hyalin est employé dans deux circonstances:

pour qualifier certaines scléroses dites scléroses hyalines qui sont très peu cellulaires et dans lesquelles les fibres collagènes se distinguent mal les unes des autres; la sclérose de la silicose en est un exemple classique; pour qualifier des dépôts de substances éosinophiles et homogènes, constitués de protéines et de lipides qui se font dans la paroi des vaisseaux artériolaires. On emploie alors souvent comme synonyme le terme de hyalinose artériolaire.

La hyalinose artériolaire est une lésion fréquente. C’est une conséquence du viellissement artériel au niveau des artérioles rénales et des artérioles spléiques. Dans cette localisation, la lésion peut s’observer dès l’adolescence.

A côté de ces phénomènes quasi-physiologiques, il y a des hyalinoses pathologiques que l’on peut observer lorsqu’il y a modification de la perméabilité artériolaire après radiothérapie et surtout dans le diabète, au cours duquel la hyalinose artériolaire est précoce et étendue.

SUBSTANCE AMYLOÏDE

A la différence des dépôts de substance fibrinoïde et de substance hyaline, les dépôts de substance amyloïde peuvent être très abondants et être la cause d’une déchéance viscérale, surtout rénale ou cardiaque, au cours de maladies qu’on appelle les amyloïdoses généralisées.

Aspects macroscopiques des organes infiltrés de substance amyloïde

ces organes sont gros, pâles, durs et élastiques, d’aspect cireux et vaguement translucide.

Exemple: / rate jambon fumé en cas de dépôts amyloïdes massifs dans la pulpe rouge splénique; / rate sagou semée de petits grains translucides en cas d’atteinte de la pulpe blanche. / Gros rein "vieil ivoire". / Coeur grisâtre et rigide qui semble avoir été fixé au formol.

Aspect histologique de la substance amyloïde

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c’est une substance anhiste et homogène, éosinophile. Elle infiltre les vaisseaux et la charpente conjonctive des organes et peut comprimer et détruire les éléments fonctionnels des parenchymes. C’est le cas, par exemple, dans le coeur dont les cellules musculaires myocardiques finissent par disparaître, progressivement étouffées, atrophiées par la compression de la substance amyloïde qui les entoure; les anses glomérulaires sont détruites de la même manière.

Les petits dépôts de substance amyloïde sont pratiquement impossibles à distinguer de dépôt de hyaline sur les colorations de routine. On utilise donc pour mettre en évidence l’amyloïde des colorations spéciales qui sont caractéristiques, la première surtout:

coloration par le rouge Congo, que l’on examinera au microscope polarisant, coloration par la Thioflavine T, que l’on examinera au microscope à fluorescence, coloration par le violet de Paris, qui donnera une métachromasie pourpre.

Constitution chimique de la substance amyloïde

on a d’abord pensé que la substance amyloïde était un glucide complexe analogue à l’amidon. Il ne reste de cette hypothèse que le nom qui lui a été donné à l’époque et que l’usage a consacré bien qu’il soit impropre.

On sait actuellement qu’il existe de nombreuses substances amyloïdes chimiquement distinctes qui ont le même aspect histologique et le même aspect ultrastructural. Les différentes substances amyloïdes ont un constituant glycoprotéique commun, le composant P, et un constituant protéique de nature variable mais dont la configuration spatiale réalise toujours un plissement de type béta. L’aspect ultrastructural fibrillaire est lié à cette configuration spatiale de la molécule protéique, c’est pour cette raison que l’on a proposé de remplacer le terme d’amyloïdose par celui de béta-fibrillose.

Pour qu’apparaisse une amylose généralisée, deux phénomènes interviennent: la formation, parfois en très grande quantité, d’un précurseur de la protéïne de l’amyloïde et une anomalie de la dégradation de ce précurseur. Les précurseurs actuellement identifiés sont les chaînes légères d’immunoglobulines, les protéines SAA, produites en excès dans les inflammations chroniques, les préalbumines et certaines hormones protéiques.

Les cadres anatomo-cliniques des amyloïdes

ils sont extrêmement disparates et variés mais on a pu établir des corrélations entre l’étiologie de l’amyloïdose, la topographie des dépôts et la nature chimique de la protéine amyloïde et de son précurseur. C’est la base des classifications actuelles. Les principales variétés d’amyloïdoses sont les suivantes:

L’amyloïdose primitive (sans affection causale reconnue) et l’amyloïdose des dysglobulinémies (myélome multiple, gammapathies monoclonales)

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pour lesquelles les dépôts sont surtout linguaux, cutanés, digestifs et cardiaques. La substance amyloïde est constituée de protéine AL (" amyloid light chain "), résultant de la dégradation de chaînes légères d’immunoglobulines.

L’amyloïdose secondaire

autrefois très fréquente dans les infections chroniques (tuberculose, syphilis, ostéomyélite chronique...) elle est devenue très rare comme celles-ci disparaissaient. On la voit encore dans la lèpre et, sous nos climats, dans la polyarthrite rhumatoïde, les colopathies inflammatoires chroniques et certains cancers (maladie de Hodgkin et adénocarcinome rénal notamment). C’est une amyloïdose à topographie hépato-splénorénale prédominante. La protéine de la substance amyloïde est la protéine AA (" amyloid associated ") dont le précurseur est la SAA (" serum amyloid associated ") fabriquée par le foie.

L’amyloïdose sénile

elle est relativement fréquente chez les vieillards de plus de 80 ans. Les dépôts sont presqu’exclusivement cardiaques. La protéine de la substance amyloïde, dite protéine AF, dérive d’une protéine transthyretine mutante.

Les amyloïdoses familiales

il y en a plusieurs variétés. Les plus fréquentes en Europe sont l’amyloïdose de la maladie périodique, à prédominance rénale, pour laquelle le précurseur est la SAA et l’amyloïdose familiale portugaise avec neuropathie périphérique et atteinte digestive pour laquelle le précurseur est une protéine transthyretine mutante.

Les amyloïdoses localisées

elles n’ont pas la gravité des formes précédentes. Il s’agit tantôt de dépôts localisés de protéine AL comme dans les amyloïdoses des dysglobulinémies et tantôt de dépôts situés dans le stroma de certaines tumeurs. L’exemple le mieux étudié est celui du carcinome thyroïdien médullaire à stroma amyloïde, né des cellules C qui élaborent la thyrocalcitonine; la protéine amyloïde est ici un produit de dégradation de la thyrocalcitonine.

Diagnostic anatomopathologique des amyloïdoses

le seul moyen que l’on ait actuellement de faire le diagnostic d’amyloïdose avec certitude est de mettre en évidence la substance amyloïde sur une préparation histologique. Ceci peut se faire sur toutes sortes de prélèvements. En pratique, on recherche la substance amyloïde sur une biopsie de la muqueuse rectale qui est facile à faire, peu douloureuse et pratiquement sans danger. La substance amyloïde peut être présente dans la muqueuse, plus souvent elle n’est visible que dans la

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paroi des petits vaisseaux de la sous-muqueuse. C’est pour cette raison qu’il faut que la biopsie soit relativement profonde: une biopsie superficielle négative serait sans valeur.

Hormis le cas d’amylose localisée ou d’amyloïdose sénile exclusivement cardiaque, la biopsie rectale a de bonnes chances dêtre positive quel que soit le type anatomo-clinique de l’amyloïdose.

- ÉLÉMENTS DE PATHOLOGIE MÉTABOLIQUE - PIGMENTS

On réunit dans ce chapitre des lésions qui résultent de l’accumulation anormale dans les cellules ou les espaces interstitiels de diverses substances. Il peut s’agir de substances normalement présentes dans l’organisme qui deviennent visibles parce qu’elles sont en quantité anormalement élevée, en raison d’une modification de leur métabolisme normal. Il s’agit alors d’une surcharge . Dans d’autres cas, les substances accumulées ne sont pas normalement présentes dans le tissu où on les observe: il s’agit alors d’une infiltration (voir aussi substance fibrinoïde, substance hyaline et substance amyloïde).

Le terme surcharge s’applique à une lésion localisée; lorsque l’anomalie métabolique et le dépôt atteignent l’ensemble d’un organe, d’un système ou d’un tissu, voire l’organisme entier, il s’agit d’une maladie de surcharge . Le terme de thésaurismose , souvent employé comme synonyme de maladie de surcharge, a un sens un peu plus large puisqu’il englobe à la fois les maladies de surcharge et les accumulations dans l’organisme de substances exogènes non résorbables; par exemple, les excipients de certains médicaments injectables utilisés sur de longues périodes.

Les pigmentations anormales sont souvent la conséquence d’un trouble métabolique.

- TROUBLES DU MÉTABOLISME DES LIPIDES

Remarque préliminaire

L’inclusion des tissus en paraffine se fait après passage dans l’alcool et le toluène ou le xylène, ce qui a pour effet de dissoudre les graisses. La mise en évidence histochimique des lipides présents dans les tissus ne peut donc se faire sur des prélèvements inclus en paraffine. Elle doit être effectuée sur des prélèvements frais coupés à congélation, à la rigueur sur des prélèvements conservés dans le formol.

- STÉATOSE

DEFINITION ET MORPHOLOGIE

La stéatose est l’accumulation, sous forme figurée, de triglycérides à l’intérieur d’une cellule parenchymateuse fonctionnelle.

C’est au niveau du foie que la stéatose est la plus fréquente:

Macroscopiquement, elle se traduit par une augmentation du volume du foie qui est pâteux, jaune d’or et homogène lorsque la stéatose est pure et massive.

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Histologiquement et après inclusion en paraffine, la lésion de stéatose apparaît sur l’Hématéine-éosine comme une image de soustraction en négatif. Les cellules qui contenaient les triglycérides sont criblées de petites vacuoles ou déformées par une vacuole unique qui refoule le noyau en périphérie. La topographie de la stéatose varie selon son intensité et son étiologie.

PATHOGÉNIE DE LA STÉATOSE

La stéatose est toujours le témoin d’une augmentation en quantité absolue de triglycérides. Cette augmentation peut se produire par plusieurs mécanismes physiopathologiques:

Apport accru de triglycérides à une cellule dont les capacités métaboliques sont intactes mais disproportionnées à l’accroissement de l’apport: exemple: stéatose hépatique de l’obésité (c’est une forme d’hypertrophie).

Apports normaux de triglycérides à une cellule dont les capacités métaboliques sont diminuées. Exemple: stéatose hépatique de l’hypoxie dans le foie cardiaque, stéatose des intoxications, notamment de l’intoxication éthylique.

Quel que soit le mécanisme physiopathologique, la stéatose est un phénomène réversible qui disparaît lorsqu’est restauré l’équilibre entre l’apport et les capacités métaboliques de la cellule: la stéatose de l’intoxication éthylique disparaît ainsi en quelques semaines en cas de sevrage.

- ATHÉROME ET ATHÉROSCLÉROSE

Bien que ces affections ne soient pas uniquement la conséquence d’un trouble du métabolisme des graisses, il est d’usage de les étudier dans ce chapitre.

ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE L’athérome

est une lésion élémentaire de l’intima des artères caractérisée par une nécrose grumeleuse riche en lipides (la bouillie athéromateuse). Rarement isolé, l’athérome est le plus souvent associé à des lésions de sclérose réalisant un complexe lésionnel qui est:

L’athérosclérose

la définition adoptée par l’O.M.S. en 1954 pour cette affection est la suivante: "association variable de remaniements de l’intima des grosses et moyennes artères consistant en une accumulation segmentaire de lipides, de glucides complexes, de sang et de produits sanguins, de tissu fiibreux et de dépôts calcaires, le tout accompagné de modifications de la média".

En pratique

on emploie indifféremment ces deux termes pour désigner soit les lésions que nous allons décrire, soit la maladie dans laquelle on les observe, maladie fréquente et grave qui est une des grandes causes de mortalité dans le monde occidental.

PATHOGÉNIE DE L’ATHÉROSCLÉROSE

Elle est encore très imparfaitement connue, bien qu’elle soit très étudiée. Elle fait intervenir de nombreux facteurs différents. On invoque actuellement:

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Des lésions endothéliales , traumatiques ou liées à l’hypercholestérolémie ou à l’anoxie (tabagisme). Ces lésions rendent possible le contact des plaquettes et des macrophages avec le conjonctif sous-endothélial.

Plaquettes et monocytes sécrètent des facteurs de croissances actifs sur la prolifération des cellules musculaires sous -jacentes qui vont migrer de la média vers l’intima.

Les substances interstitielles de l’intima artérielle subissent des modifications qualitatives qui les rendent progressivement incapables d’assurer des transferts pariétaux normaux.

Enfin, interviennent les modifications qualitatives des lipides plasmatiques : hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie, etc.

TOPOGRAPHIE DES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE

L’athérosclérose débute dans l’intima et atteint exclusivement les artères de la grande circulation. On ne l’observe dans l’artère pulmonaire que sous forme ébauchée et uniquement en cas d’hypertension artérielle pulmonaire. Les lésions d’athérosclérose sont segmentaires. Elles ont des localisations préférentielles au niveau des bifurcations artèrielles et du point de départ des collatérales, zones où s’observent à la fois des turbulences circulatoires et des efforts de cisaillement au niveau de l’endothélium vasculaire.

STADES INITIAUX DE LA LÉSION D’ATHÉROSCLÉROSE

Les premières lésions que l’on puisse observer sont le point lipidique ou la strie lipidique et la plaque gélatineuse:

Le point ou la strie lipidique

sont des lésions très précoces et réversibles qui constituent de petites élevures jaunâtres de l’endothélium des artères et correspondant histologiquement à des amas de cellules spumeuses d’origine myocytaire ou histocytaire contenant du cholestérol estérifié.

La plaque gélatineuse

est une élevure grisâtre et translucide de moins d’un centimètre de diamètre qui correspond à une lésion d’oedème intimal avec modification de la substance fondamentale du tissu conjonctif.

LES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE CONSTITUÉE La pustule athéromateuse

est le résultat de l’évolution fibreuse d’un strie lipidique ou de la surcharge en lipides d’une plaque gélatineuse. C’est une lésion lenticulaire lisse et brillante, jaunâtre ou blanchâtre, de 0,5 cm de diamètre sur 2 mm d’épaisseur environ, plus ou moins saillante. Histologiquement, le centre est constitué de lipides intra-cellulaires et extra-cellulaires entourés d’une coque de fibrose élaborée par les cellules myocytaires et myofibroblastiques qui prolifèrent sous l’influence des facteurs plaquettaires.

La plaque athéromateuse

est le stade suivant: il s’agit d’une lésion arrondie de consistance carlagineuse mesurant de 1 à 3 cm de diamètre pour 3 ou 4 mm d’épaisseur et située dans la partie profonde de l’intima. Le centre est occupé par une infiltration de lipides au sein d’une plage de nécrose grumeleuse éosinophile riche en cristaux lancéolés dont le nombre augmente avec l’ancienneté de la lésion.

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LES LÉSIONS DE L’ATHÉROSCLÉROSE COMPLIQUÉE

Une plaque athéromateuse comme celle que nous venons de décrire peut déjà réduire de façon très importante la lumière d’un vaisseau lorsque celui-ci est de petit calibre. On parle d’athérosclérose compliquée lorsque la plaque athéromateuse subit diverses modifications:

Calcification de la plaque

La plaque devient alors rigide et peut se décoller de la paroi restée plus souple.

Hémorragie intra-pariétale

Elle naît des vaisseaux néoformés sous la plaque par bourgeonnement des vasa vasorum. Elle peut être à l’origine d’une augmentation de volume brutale de la plaque avec aggravation d’une sténose vasculaire.

L’ulcération de la plaque

peut aboutir à la migration dans le courant circulatoire de la bouillie athéromateuse dont les débris peuvent provoquer des embolies distales (embolies athéromateuses).

Thrombose

Celle-ci peut également survenir à l’occasion de l’ulcération d’une plaque; elle aura pour conséquence la formation d’un thrombus mural qui pourra être la source d’embolies distales parfois répétées.

Anévrysme

Il s’agit de la dilatation de l’artère dans le cas de plaque épaisse avec destruction de la média sous-jacente. La média perd ses propriétés mécaniques et se laisse distendre par l’ondée sanguine. L’anévrysme lui-même peut se compliquer de thrombose de sa lumière ou de rupture.

- DÉPÔTS TISSULAIRES EXTRA-VASCULAIRES DE CHOLESTER OL

Le dépôt de cholestérol dans les tissus peut être le résultat de la dégradation locale de produits biologiques contenant du cholestérol. Dans ces cas, le cholestérol démasqué se dépose en cristaux lancéolés qui vont généralement induire une réaction inflammatoire à corps étranger et une sclérose. Ainsi peut être réalisée une pseudo-tumeur inflammatoire qui porte le nom de cholestéatome .

Exemples: dépôts du cholestérol sanguin après dégradation du contenu d’un hématome; démasquage du cholestérol contenu dans la kératine en cas de remaniement d’un kyste épidermoïde ou en cas d’accumulation de kératine dans une cavité fermée revêtue d’un épithélium malpighien métaplasique (cholestéatome de l’oreille moyenne des otites chroniques).

Dans d’autres cas, le cholestérol, généralement associé à d’autres graisses, s’accumule dans des cellules histiocytaires qui prennent un aspect finement spumeux. Le cholestérol peut provenir de la bile et s’accumuler dans les histiocytes du chorion muqueux de la vésicule biliaire. Il s’agit alors d’une cholestérolose . Dans d’autres cas, le cholestérol provient du sang et s’accumule dans les histiocytes du tissu sous-cutané ou des tendons. Il s’agit alors d’une xanthomatose avec xanthomes tendineux. Ces lésions s’observent dans les hypercholestérolémies familiales dans lesquelles on observe également des dépôts artériels.

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Il y a également de grandes quantités de cholestérol dans certaines tumeurs bénignes (voir histiocytofibrome) et parfois dans le stroma de certaines tumeurs malignes.

- LIPIDES COMPLEXES

Un certain nombre de maladies rares sont l’expression d’un trouble métabolique des lipides complexes (glycolipides, phospholipides, etc.) par carence enzymatique innée. Des lipides complexes s’accumulent alors en divers point de l’organisme: système nerveux central, éléments du système de phagocytes mononucléés du foie et de la rate. On regroupe ces maladies dans un cadre commun de dyslipidoses héréditaires . A une maladie donnée correspond l’accumulation d’un lipide donné, souvent dans les lysosomes. La présence de ce lipide dans les cellules peut déterminer des altérations microscopiques ou ultra-structurales caractéristiques qui permettent de distinguer entre les diverses dyslipidoses. L’étude biochimique est cependant plus précise et permet des subdivisions au sein de maladies ayant des lésions ultra-structurales très voisines.

- TROUBLES DU MÉTABOLISME DU GLYCOGÈNE

La présence du glycogène est physiologique dans le foie et le muscle où il constitue une réserve glucidique immédiatement mobilisable. Sa quantité peut être anormalement élevée dans divers états pathologiques ou au contraire diminuée dans le jeûne prolongé ou la cachexie.

On appelle glycogénoses héréditaires des maladies constitutionnelles caractérisées par un déficit enzymatique variable, d’un enzyme lysosomial ou cytoplasmique, qui aboutit à une surcharge cellulaire en glycogène normal ou anormal. Cette surcharge se fait dans l’un ou plusieurs des organes suivants: foie, rein, coeur, muscle squelettique.

- TROUBLES DU MÉTABOLISME DES PURINES: LA GOUTTE

Les troubles innés ou acquis du métabolisme des purines aboutissent à une hyperuricémie qui a pour conséquence la précipitation d’urates au niveau du tissu conjonctif.

Les hyperuricémies sont liées, soit à un trouble inné du métabolisme, soit à une destruction massive d’acides nucléiques (leucémie myéloïde chronique, par exemple). Le dépôt d’urates constitue une infiltration du tissu conjonctif et se présente comme un module qui porte le nom de tophus goutteux :

- MACROSCOPIQUEMENT

il s’agit d’un nodule de quelques millimètres à plusieurs centimères de diamètre que l’on trouve dans le tissu cartilagineux des articulations ou de l’oreille et dans le tissu sous-cutané au voisinage des articulations et des ligaments. Il existe également des dépôts au niveau de la pyramide rénale. A la coupe, ces tophus goutteux sont d’un blanc de neige.

- HISTOLOGIQUEMENT

Le tophus est constitué par une zone d’aspect nécrotique au sein de laquelle on peut retrouver des cristaux d’urates. Ce dépôt détermine alentour une réaction inflammatoire d’un type particulier analogue à une réaction à corps étranger.

- TROUBLES DU MÉTABOLISME DU FER ET PATHOLOGIE DES PIGMENTS FERRIQUES

Les anomalies localisées ou généralisées du métabolisme du fer ont pour conséquence morphologique la présence dans les tissus de pigments de nature chimique variable et encore mal définie réunis sous le nom d’hémosidérine . Ces pigments sont spontanément colorés en brun-jaunâtre. La présence de pigments ferriques s’observe dans des circonstances variables:

- HÉMOSIDÉROSES

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Ce sont des pigmentations ferriques résultant de la destruction des hématies:

HÉMOSIDÉROSE LOCALISÉE

C’est un phénomène extrêmement banal. Toute hématie ayant traversé la paroi d’un vaisseau par rupture de celui-ci ou par érythrodiapédèse sera détruite sur place par les macrophages qui vont élaborer du pigment ferrique à partir de l’hémoglobine. Cette hémosidérose localisée peut être systématisée à un organe; exemple: hémosidérose pulmonaire.

HÉMOSIDÉROSE GÉNERALISÉE

ou systématisée à l’ensemble des phagocytes mononuclées dans le foie, la rate et la moelle osseuse s’observe en cas d’hémolyse; celle-ci résulte d’une anémie hémolytique ou de la destruction des hématies amenées par des transfusions répétées. Dans un premier temps, on retrouvera l’hémosidérine dans les cellules du système des phagocytes mononucléés. La surcharge s’accroissant, on retrouve également l’hémosidérine dans les cellules épithéliales et notamment dans les hépatocytes.

- HÉMOCHROMATOSE

Dans cette affection, l’accumulation tissulaire du fer n’est plus liée à une hémolyse mais à une absorption accrue. L’hémachromatose est une maladie familiale héréditaire liée aux allèles A3 B7 et éventuellement B14 du système H.L.A.

L’accumulation tissulaire de fer a des conséquences qui peuvent être graves au niveau du foie, du coeur et du pancréas qui présenteront après un certain temps de surcharge, des lésions de sclérose . Le foie d’hémochromatose, imprégné de fer, est scléreux et gros, dur; il présente histologiquement des nodules hépatocytaires séparés par des bandes de sclérose annulaire (cirrhose hémochromatosique).

La surcharge ferrique et la fibrose peuvent être prévenues par des saignées. La fibrose une fois installée, les saignées pourront remobiliser le fer, sans toutefois faire régresser la sclérose.

- SIDÉROSE

Il est d’autre cas où l’on peut observer du fer dans les tissus. Lorsqu’il ne s’agit pas d’une hémochromatose et qu’on n’a pas la preuve que le dépôt est d’origine sanguine, on parle de sidérose. Celle-ci peut être endogène: sidérose par destruction du muscle strié et catabolisme de la myoglobine, ou exogène: sidérose pulmonaire par inhalation de poussières de fer.

- CHOLESTASE

La cholestase ou rétention biliaire a pour conséquence un ictère , c’est-à-dire une coloration jaune d’ensemble, plus ou moins intense, des téguments et des tissus. La cholestase n’est pas la seule cause des ictères. C’est au niveau du foie qu’on observera les lésions caractéristiques de la cholestase. Le foie est généralement augmenté de volume, brun-verdâtre ou même vert foncé franc, parfois inhomogène, les zones centro-lobulaires apparaissent plus foncées. Les voies biliaires intra et extra-hépatiques peuvent être dilatées si la cause de la cholestase est un obstacle mécanique sur les voies biliaires.

Histologiquement : la bile est visible sous forme de fines granulations brun-jaunâtres situées dans le cytoplasme des hépatocytes ou sous forme d’amas plus volumineux brun-verdâtres situés dans les canaux biliaires, à l’intérieur du lobule ou dans les espaces portes: ce sont les thrombi biliaires .

- CALCIFICATION

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La calcification est le dépôt, dans un foyer de nécrose ou dans la substance fondamentale du tissu conjonctif, de calcium amorphe, sous forme de carbonate de calcium ou d’hydroxyapathite. Il faut bien distinguer cette lésion de l’ossification qui serait la formation d’un tissu osseux par métaplasie osseuse du tissu conjonctif.

Il y a deux types de calcification:

- LA CALCIFICATION MÉTASTATIQUE

C’est celle que l’on observe en cas d’hypercalcémie . Le cas habituel est celui d’une lyse osseuse avec libération d’une grande quantité de calcium, celui-ci se déposant dans le tissu conjonctif. La précipitation de calcium se fait électivement aux zones d’élimination des ions acides, au contact des membranes basales dans le rein (néphrocalcinose), dans la muqueuse gastrique et dans les cloisons inter-alvéolaires du poumon. La calcification métastatique s’accompagne souvent de la formation de calculs, en particulier au niveau du rein.

- LA CALCIFICATION DYSTROPHIQUE

Ici, à l’inverse, la calcémie est normale et la précipitation de calcium est liée à des modifications métaboliques locales . Elle se fera essentiellement au niveau de tissus conjonctifs pathologiques ou de zones de nécrose. Exemples: calcification de territoires circonscrits du tissu conjonctif dont la substance fondamentale est altérée: cicatrices anciennes, média des artères (média-calcose), valvules sigmoïdes aortiques des sujets âgés (rétrécissement aortique calcifié); calcification de foyers de nécrose (caséum). On peut en rapprocher la calcification du mucus (pancréatite chronique calcifiante).

- PATHOLOGIE DES TROUBLES CIRCULATOIRES ET HÉMODYNAMIQUES

- CONGESTION

- DÉFINITION.

C’est l’augmentation de la quantité de sang présent e dans un organe ou un territoire de l’organisme, associée à la dilatation d’une partie du lit vasculaire correspondant.

� Remarque : Les deux termes de la définition sont importants; l’augmentation de la quantité de sang contenue dans un organe ne suffit pas à définir la congestion. Cette quantité peut en effet varier physiologiquement selon les exigences fonctionnelles du moment et peut, par exemple, s’accroître considérablement au niveau du muscle strié lors de l’exercice musculaire. Elle est réglée par le jeu des sphincters pré-capillaires et des anastomoses artério-veineuses.

Il y a deux types de congestion: la congestion active et la congestion passive .

- CONGESTION ACTIVE OU CONGESTION ARTÉRIELLE

C’est la conséquence d’une vaso-dilatation active artériolo-capillaire qui est soit d’origine chimique , soit d’origine nerveuse .

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� Les agents chimiques responsables de la congestion active sont les médiateurs chimiques de l’inflammation dans la très grande majorité des cas; congestion active est synonyme de congestion inflammatoire. Il est exceptionnel que cette congestion soit un phénomène pur. Elle s’accompagne en effet habituellement d’une augmentation de la perméabilité de la paroi vasculaire ce qui a pour conséquence un oedème, une diapédèse, etc ...

Dans la congestion active, les vaisseaux sont caractérisés histologiquement par une turgescence de leurs cellules endothéliales.

� Les congestions actives d’origine nerveuse sont celles que l’on voit après la section de certains nerfs sympathiques. Ce phénomène a été utilisé en thérapeutique pour pallier certains cas d’ischémie .

- CONGESTION PASSIVE OU CONGESTION VEINEUSE

Il s’agit d’une vaso-dilatation passive par obstacle au retour veineux. Elle s’accompagne toujours d’un ralentissement circulatoire dans le territoire congestif. Ce ralentissement est la stase , terme souvent employé comme synonyme de congestion passive.

ÉTIOLOGIE ET FORMES TOPOGRAPHIQUES DE LA CONGESTION PASSIVE Congestion veineuse localisée

l’exemple le plus banal est celui qu’on peut observer quotidiennement en posant un garrot au niveau d’un membre. On peut voir la situation analogue dans le territoire d’une veine variqueuse ou d’une veine obstruée. Autre exemple: compression d’une veine iliaque par une tumeur pelvienne avec stase et congestion veineuse du membre inférieur homolatéral.

Congestion veineuse régionale

Exemples: stase de la moitié supérieure du corps dans le syndrome de la veine cave supérieure provoqué par la compression ou l’obstruction de cette veine, le plus souvent par une tumeur médiastinale.

Congestion veineuse systématisée

à la grande ou à la petite circulation, ou généralisée. Exemples: grande circulation: stase veineuse systémique de l’insuffisance ventriculaire droite; petite circulation: stase veineuse pulmonaire de l’insuffisance ventriculaire gauche pure ou du rétrécissement mitral.

- CONSÉQUENCES GÉNÉRALES DE LA CONGESTION VEINEUSE

Le ralentissement du courant sanguin a pour conséquence une désaturation accrue en oxygène du sang veineux avec anoxie locale, ce qui entraîne une souffrance de la région en état de stase et de la paroi des vaisseaux eux-mêmes.

La conjonction de lésions anoxiques de l’endothélium et d’une hyperpression dans la lumière du vaisseau aboutit à la constitution d’un oedème de stase (ou d’épanchements des séreuses qui en sont l’équivalent). De plus, la stase favorise les thromboses .

Les organes atteints de congestion veineuse seront donc plus lourds parce qu’ils sont oedémateux et de coloration bleu-violacé (cyanique) parce qu’ils sont anoxiques. A long terme, les effets hypoxiques de la stase prolongée se traduiront par une atrophie des éléments nobles des parenchymes avec une sclérose systématisée de l’organe atteint.

- EXEMPLES DE RETENTISSEMENT VISCÉRAL DE LA CONGESTIO N VEINEUSE

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LE FOIE DE STASE

On l’appelle foie cardiaque, ceci parce que son étiologie habituelle est une insuffisance cardiaque droite ou globale. Il faut bien comprendre cependant qu’une image analogue peut s’observer lorsque la stase est purement loco-régionale et due à une obstruction d’une veine sus-hépatique.

L’aspect est un peu différent selon que la stase est aigüe, sub-aigüe ou chronique.

Stase aiguë

le foie est gros, violacé, les veines centrolobulaires visibles sur la tranche de section sont béantes et laissent écouler un sang abondant. Histologiquement, il y a une dilatation des veines centro-lobulaires et des capillaires sinusoïdes qui les entourent. Si la stase est importante et brutale, les hépatocytes de la région centro-lobulaire se nécrosent. Cette lésion peut régresser très rapidement: le foie récupère un volume normal sous l’influence du traitement, c’est en clinique le foie "accordéon".

Stase sub -aiguë

macroscopiquement le foie est gros, il est brun-jaune, mou et parsemé de petites taches hémorragiques qui correspondent aux régions centro-lobulaires. C’est le foie muscade . Histologiquement, ces zones centro-lobulaires sont congestives avec une nécrose éventuelle des hépatocytes. La zone médio-lobulaire est occupée par une stéatose qui témoigne d’une anoxie relative. Si la stase est très importante, les zones de nécrose centro-lobulaire convergent en pont d’un lobule à l’autre et finissent par isoler les territoires hépatocytaires intacts qui sont situés autour des espaces portes. On a alors l’impression que c’est l’espace porte qui constitue le centre du lobule: c’est l’image du lobule interverti .

Stase chronique

les phénomènes de congestion s’atténuent, ce qui a pour conséquence une diminution relative du poids du foie. Il apparaît une sclérose de la paroi de la veine centro-lobulaire et des capillaires sinusoïdes qui l’entourent. Les hépatocytes ont disparu dans cette zone scléreuse où l’on peut observer une pigmentation ferrique témoignant de la destruction des hématies extravasées (c’est un exemple d’hémosidérose localisée).

LE POUMON DE STASE

ou poumon cardiaque : alors que dans le foie on observe une prédominance des lésions hépatocytaires anoxiques, dans le poumon les lésions anoxiques sont beaucoup moins évidentes et ce sont les lésions d’oedème qui prédominent.

Stase aiguë

c’est l’oedème pulmonaire hémodynamique, inondation du poumon par un liquide riche en protéines et en hématies qui passe dans l’alvéole pulmonaire à partir des capillaires et des veinules dilatés, après un bref transit dans l’épaisseur de la cloison inter-alvéolaire.

Les poumons oedémateux sont des poumons lourds, crépitant à la palpitation. Ils laissent écouler à la coupe un liquide spumeux. Histologiquement, les protéines du liquide d’oedème sont visibles sous forme d’une coloration rose du contenu alvéolaire qui ne contient que de rares cellules en dehors des hématies.

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Stase sub -aiguë

l’oedème a tendance à s’atténuer, les poumons sont moins lourds et moins crépitants, ils commencent à avoir une consistance dure en raison d’une sclérose débutante. Histologiquement: sclérose systématisée aux parois inter-alvéolaires. Liquide d’oedème avec souvent de nombreux macrophages dans la lumière des alvéoles.

Stase chronique

l’oedème diminue encore, la sclérose s’aggrave. Le poumon est scléreux et dur et de coloration brune. Histologiquement, sclérose systématisée et importante hémosidérose au sein des macrophages alvéolaires qui ont digéré les hématies sorties des vaisseaux avec le liquide d’oedème.

- HÉMORRAGIES

- DÉFINITION

C’est l’issue du sang hors des conduits ou des cavités qui le contiennent à l’état normal.

La nomenclature et la classification des hémorragies sont du domaine du langage et de la pratique clinique. L’Anatomie Pathologique permet d’étudier plus précisément le mécanisme des hémorragies et le devenir du sang extravasé.

- MECANISME DES HÉMORRAGIES

Le sang qui s’écoule peut provenir des cavités cardiaques, de la lumière d’une artère, d’une veine ou de capillaires.

� L’hémorragie peut résulter d’une brèche dans la paroi d’un vaisseau ou dans la paroi du coeur: c’est l’hémorragie par rupture . Cette rupture peut être le fait d’un traumatisme sur un vaisseau ou un organe sain. Elle peut également se produire sur une lésion préexistante.

Exemple: une hémorragie par rupture de la paroi cardiaque peut résulter soit d’un coup de couteau qui perfore le ventricule, soit d’une rupture dite spontanée du coeur au niveau d’une zone nécrosée, c’est-à-dire d’un infarctus.

� Dans d’autres cas, les hématies traversent par érythrodiapédèse une paroi anormalement perméable. Cette hémorragie se voit exclusivement au niveau des capillaires. Les étiologies en sont multiples. Certaines hémorragies par érythrodiapédèse peuvent survenir dans un territoire étendu et entraîner une spoliation sanguine importante. C’est le cas, par exemple, dans les gastrites hémorragiques.

- CONSÉQUENCES LOCALES DES HÉMORRAGIES ET ÉVOLUTION D ES FOYERS HÉMORRAGIQUES

CONSÉQUENCES LOCALES DES HÉMORRAGIES

Ces conséquences varient selon le siège de l’hémorragie, selon son abondance, selon la pression sous laquelle le sang s’écoule. Dans le cas d’hémorragie interstitielle, c’est-à-dire au sein d’un tissu, plusieurs éventualités sont possibles. Si l’hémorragie est minime et la pression faible, les hématies vont s’infiltrer dans les interstices du tissu conjonctif. Par contre, lorsque le sang s’écoule de façon abondante et sous une certaine pression, variable selon le lieu du saignement, les tissus alentour peuvent être dissociés et il se forme une cavité remplie de sang liquide. C’est ce que l’on appelle un hématome .

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Lorsque l’hémorragie se produit au sein d’une cavité séreuse, les conséquences mécaniques sont variables en fonction de l’importance de l’hémorragie et du type de la cavité.

Dans un certain nombre de cas, les hémorragies vont entraîner rapidement la mort ou des délabrements importants par deux mécanismes:

� destruction d’un tissu vital dilacéré par une hémorragie interstitielle. Exemples: hématome intra-cérébral; hématome des surrénales avec insuffisance surrénale aiguë

� compression d’un viscère. Exemples: compression du cerveau par un hématome extra-dural développé entre la dure-mère et la paroi osseuse crânienne inextensible: hémo-péricarde comprimant le coeur et provoquant un syndrome d’insuffisance cardiaque par adiastolie (tamponnade).

ÉVOLUTION D’UN FOYER HÉMORRAGIQUE INTRA-TISSULAIRE

Une fois l’hémorragie tarie, le sang va se dégrader localement et il se produira une sclérose et une hémosidérose localisée. Dans le cas d’un hématome, le sang peut demeurer liquide, s’appauvrir progressivement en hématies et s’entourer d’une coque de sclérose, c’est l’enkystement . Il peut également se produire une surinfection et une suppuration des hématomes. Il peut dans certains cas y avoir une précipitation locale du cholestérol contenu dans le sang .

ÉVOLUTION DES ÉPANCHEMENTS SANGUINS DES SÉREUSES

Le sang épanché dans les séreuses devient rapidement incoagulable, car il est défibriné. La fibrine va se déposer à la surface des séreuses et subira une organisation conjonctive. Le tissu conjonctif qui se forme sur les deux faces de la séreuse aura tendance à confluer en une masse unique qui va souder les deux feuillets. Le résultat de cette soudure s’appellera une symphyse .

Exemple: Dans le cas d’un hémothorax , on intervient pour évacuer les caillots contenus dans la plèvre et éventuellement tarir la source du saignement. En l’absence d’évacuation de l’épanchement sanguin, le poumon aurait adhéré à la paroi par symphyse de la plèvre avec les conséquences que l’on imagine sur la physiologie respiratoire.

- THROMBOSE

- DÉFINITION

C’est un processus pathologique qui aboutit à la coagulation du sang dans un secteur du système cardio-vasculaire chez un sujet vivant. Le caillot formé s’appelle un thrombus .

� Remarque importante : Un caillot découvert à l’autopsie peut être le résultat d’une coagulation du sang après la mort; il ne s’agit pas alors d’un thrombus mais d’un caillot cadavérique. Les caractères macroscopiques et histologiques permettent dans la majorité des cas de distinguer les deux types de caillots.

- DIFFERENTES VARIÉTÉS DE THROMBOSES

On peut classer les thromboses de différentes manières:

selon la cavité atteinte: il y a les thromboses veineuses, artérielles, cardiaques ou capillaires,

selon l’extension du thrombus dans la lumière: la thrombose est oblitérante lorsqu’elle obture totalement la cavité où elle se développe; elle est pariétale ou murale lorsque le thrombus est plaqué à la paroi et laisse subsister une partie de la lumière.

- FACTEURS ÉTIOLOGIQUES GÉNÉRAUX DES THROMBOSES

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Trois facteurs interviennent dans le déclenchement du processus de thrombose. Il s’agit du facteur pariétal , du facteur hémodynamique et du facteur sanguin . L’importance respective de chacun de ces facteurs peut varier dans chaque cas déterminé.

FACTEUR PARIÉTAL

Il s’agit d’une lésion de la paroi du vaisseau, de nature et d’étiologie variables mais aboutissant toujours à une interruption de l’endothélium. Ce facteur pariétal est le seul qui soit absolument nécessaire à la constitution d’une thrombose et qui soit suffisant à lui seul pour déclencher le processus.

FACTEUR HÉMODYNAMIQUE

ll s’agit de la stase ou d’une turbulence du courant sanguin.

FACTEUR SANGUIN

C’est ce que l’on désigne sous le nom d’hypercoagulabilité . Les causes d’hypercoagulabilité sont beaucoup moins bien connues que les causes d’hypocoagulabilité. Des déficits précis, tel le déficit en anti-thrombine III, n’expliquent qu’une faible minorité des thromboses. Pour le reste, on est réduit à des constatations empiriques, et on sait depuis très longtemps que la tendance accrue aux thromboses s’observe dans des états pathologiques variés. On peut citer parmi ceux-ci: le syndrome néphrotique, le diabète sucré, les défaillances cardiaques, les cardiopathies rhumastismales avec fibrillation auriculaire, les traumatismes sévères ou les brûlures, les états post-opératoires ou le post-partum, la fin de la grossesse, les cancers disséminés et notamment le cancer gastrique muco-sécrétant (phlébite de Trousseau), l’alitement et l’immobilisation.

Les facteurs étiologiques de l’hypercoagulabilité sont d’une analyse extrêmement difficile. On a accusé des oestrogènes et singulièrement les oestrogènes utilisés à des fins contraceptives d'être des facteurs favorisant des thromboses. Ceci a été démontré par des études rétrospectives. Les études prospectives n’ont cependant rien confirmé et ont suggéré que le traitement contraceptif n’était pas sûrement la cause unique de l’augmentation fréquente des thromboses de la femme jeune: le tabac est probablement un facteur pathogène surajouté important et il est même manifeste que la fréquence des thromboses spontanées chez les femmes n’utilisant pas une contraception hormonale est supérieure, à âge égal, à celle des hommes.

- CONSTITUTION ET ASPECT ANATOMIQUE DES THROMBUS. ÉVO LUTION DES THROMBOSES

La morphologie et l’évolution varient dans une certaine mesure selon le type de cavité où se développe la thrombose. Nous décrirons en détail la thrombose veineuse qui est la plus fréquente et la plus importante, nous verrons ensuite à propos des autres localisations les différences que l’on peut observer par rapport au type de description.

THROMBOSE VEINEUSE.

C’est un processus pathologique extrêmement banal et important.

Facteurs étiologiques

Le facteur hémodynamique joue un rôle essentiel: l’étiologie majeure des thromboses veineuses est la stase . Le simple ralentissement du courant veineux lié à l'interruption des mouvements musculaires des jambes (alitement, plâtre) peut suffire à provoquer une thrombose des veines des membres inférieurs. La lésion pariétale est elle-même, sans doute, secondaire à la stase: c’est une lésion anoxique de l’endothélium veineux.

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Constitution du thrombus

Le point de départ du processus se trouve habituellement au niveau de la concavité d’une valve veineuse. Le thrombus se constitue en plusieurs temps:

Premier temps

la lésion endothéliale provoque l’adhérence des plaquettes et l’activation des facteurs plasmatiques de la coagulation. Les plaquettes commencent à libérer localement le contenu de leurs granulations (sérotonine, thromboxane A2, etc.). Il y a ensuite agrégation des plaquettes et formation d’un thrombus plaquettaire mêlé de fibrine. Ce thrombus est de couleur blanche, il adhère à l’endothélium, on l’appelle thrombus blanc . Le premier temps de la coagulation se déroule en quelques secondes, quelques minutes au maximum.

Deuxième temps

coagulation progressive de la fibrine qui enserre dans ses mailles les éléments figurés du sang. Les turbulences créées par le thrombus blanc vont déterminer en aval un train d’ondes stationnaires et la coagulation se fera sous forme de stries alternées blanches (plus riches en fibrine) et rouges (plus riches en hématies). Ce sont les stries de Zahn qui caractérisent le thrombus mixte .

Troisième temps

le thrombus mixte oblitère plus ou moins complètement le vaisseau et le sang coagule en masse en aval de l’obstacle: ainsi se forme le thrombus rouge ou thrombus de coagulation constitué de fibrine en réseau contenant les éléments figurés du sang. Il complète l’oblitération de la veine.

Un thrombus veineux complètement constitué est ainsi formé de trois parties:

le thrombus blanc ou tête de thrombus,

le thrombus mixte ou corps du thrombus,

le thrombus rouge ou queue du thrombus.

Le corps et la queue sont en aval de la tête et peuvent s’étendre sur plusieurs centimètres et même plusieurs dizaines de centimètres. La constitution d’un thrombus complet demande plusieurs heures.

Évolution spontanée du thrombus

Lyse

c’est la destruction du thrombus par les enzymes fibrinolytiques du plasma avec restauration de la perméabilité vasculaire. C’est une éventualité favorable mais rare. Une autre variété de lyse est le ramollissement puriforme par les enzymes des polynucléaires.

Migration

c’est la rupture de tout ou partie de la queue du thrombus qui est libérée dans le courant sanguin où elle va se déplacer constituant un embole . Ce phénomène de migration fait toute la gravité des thromboses veineuses. Il est précoce, survenant dès les heures suivant la constitution du thrombus.

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Suppuration

on l’observe dans les thrombus infectés; le thrombus suppuré se fragmente et les différents débris vont se disperser dans le courant sanguin, disséminant les germes à distance.

Organisation

c’est la plus fréquente des évolutions du thrombus. Elle débute en 48 h environ, si le thrombus n’a pas suivi une des évolutions précédentes. L’organisation est la colonisation du thrombus par le tissu conjonctif de la paroi veineuse. Ce tissu va proliférer et former un véritable bourgeon charnu qui sera l’équivalent de celui que l’on observe au cours des phénomènes de réparation. Les vaisseaux du bourgeon charnu progressent à l’intérieur du réseau de fibrine; ils vont amarrer solidement le thrombus. Dès que l’organisation débute, il n’y a donc plus de migration possible.

Le bourgeon charnu remplace progressivement la totalité du thrombus, les capillaires qu’il contient peuvent s’ouvrir dans la lumière du vaisseau en amont et en aval de l’obstruction. Il se forme ainsi des petits chenaux qui vont d’une extrémité à l’autre du thrombus et permettent un certain passage du sang. Ce phénomène est la reperméation . Les chenaux peuvent s’élargir et réduire les vestiges du thrombus à un réseau de brides entrecroisées qui s’intriquent avec les restes des valvules de la veine. Il n’y a jamais de restauration d’une lumière absolument normale et il persiste le plus souvent une stase résiduelle.

THROMBOSES D’AUTRES SIÈGES Thrombose cardiaque

Facteurs étiologiques:

la stase joue un rôle important. Exemple: rétrécissement mitral; le thrombus est en amont du rétrécissement dans l’oreillette gauche.

une lésion pariétale primitive peut intervenir. Exemple: infarctus du myocarde; le thrombus est dans le ventricule gauche à la surface de la zone myocardique nécrosée.

Le thrombus cardiaque est un thrombus mural.

Les différentes possibilités évolutives sont les mêmes que pour les thromboses veineuses, y compris la possibilité de migration, source d’embolies artérielles. L’organisation peut se faire d’une façon particulière par un phénomène de hyalinisation : les éléments figurés du sang disparaissent du thrombus qui n’est plus formé que de fibrine dégradée d’aspect hyalin. Cette fibrine sera progressivement plaquée sur la paroi et restera longtemps reconnaissable sans être colonisée par le tissu conjonctif sous-jacent.

Thrombus artériel

Facteurs étiologiques: Le facteur pariétal a ici un rôle essentiel. Les thromboses artérielles surviennent souvent sur des plaques d’athérome. Elle peuvent survenir sur une artère apparemment saine. On pense qu’elles sont alors déclenchées par une brèche de l’endothélium qui pourrait être due soit à l’action du tabac par le biais d’une hypoxie endothéliale, soit à une fragilisation de l’endothélium par un taux élevé de cholestérol, soit même à des dépôts de complexes-immuns circulants.

Le thrombus est un thrombus mural ou oblitérant selon le calibre de l’artère intéressée.

Le thrombus est habituellement moins volumineux et moins achevé qu’un thrombus veineux. Le courant circulatoire, en effet, est rapide et le thrombus peut se détacher et migrer alors qu’il est encore au stade de petit thrombus blanc fibrino-plaquettaire ou que le thrombus rouge est de petite taille.

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L’évolution ultérieure possède quelques particularités:

la lyse spontanée est possible: c’est surtout pour les thromboses artérielles qu’on essaye de provoquer par les enzymes fibrinolytiques (streptokinase, urokinase, ...) des lyses thérapeutiques,

l’organisation avec reperméation partielle est possible,

la hyalinisation est fréquente, les vestiges du thrombus laminés contre la paroi vont constituer une sténose artérielle ou, plus souvent, aggraver une sténose préexistante.

Thrombus capillaire

Les facteurs étiologiques sont la stase capillaire et les lésions endothéliales d’origine anoxique ou toxique (dans les chocs endotoxiniques, par exemple). Le thrombus est fibrino-plaquettaire et d’emblée oblitérant étant donné le tout petit calibre des vaisseaux.

Les thrombus sont généralement multiples, réalisant des états de coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Ces thrombus multiples immobilisent tant de plaquettes et de fibrine qu’il en résulte un déficit de ces facteurs avec des hémorragies paradoxales: c’est la coagulopathie de consommation .

- EMBOLIE

- DÉFINITION

C’est l’arrêt, dans un vaisseau trop petit pour lui livrer passage, d’un corps étranger qui chemine dans le courant circulatoire. Ce corps étranger porte le nom d’embole .

L’adjectif qui qualifie l’embolie indique le point d’arrêt de l’embole ou la nature de l’embole.

Exemples:

Embolie pulmonaire: arrêt de l’embole dans une artère pulmonaire ou une de ses branches;

Embolie cérébrale: arrêt de l’embole dans une artère ou un capillaire cérébral,

Embolie cruorique: embole constitué par un fragment de thrombus. - CLASSIFICATION DES EMBOLIES

On peut distinguer les embolies en fonction de la nature de l’embole et en fonction du trajet de l’embole.

SELON LA NATURE DE L’EMBOLE.

Dans la grande majorité des cas, l’embole est constitué par un fragment de thrombus qui a migré dans le torrent circulatoire: c’est l’embole cruorique .

L’embole peut être une bulle de gaz (air ou azote) constituant les embolies gazeuses multiples de la maladie des caissons ou des accidents de décompression. L’azote progressivement dissout dans le sang chez les individus soumis à une pression élevée passe brusquement sous forme gazeuse lorsque la décompression est trop rapide. Les bulles gazeuses dégagées dans le sang se comportent comme des corps étrangers et vont se bloquer dans un vaisseau trop petit pour leur laisser passage.

L’embole peut être constitué par des gouttelettes de graisse: ce sont les embolies graisseuses . On les observe après fracture des os longs ou divers traumatismes: la graisse des lacune médullaires de l’os est liquide à la température du corps. Elle peut pénétrer dans les sinus veineux, ne pas se dissoudre dans le sang et rester sous forme de gouttelettes qui sont autant de corps étrangers.

L’embole peut encore être constitué par des fragments de plaques d’athérome ou de bouillie athéromateuse: ce sont les embolies athéromateuses .

L’embole, enfin, peut être constitué par des cellules tumorales. Ces embolies néoplasiques ont une importance essentielle pour la dissémination des cancers .

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SELON LE TRAJET DE L’EMBOLE. Embolie régulière

L’embolie s’arrête dans le premier rétrécissement situé en aval de son point de départ.

Exemples: un embole parti d’une thrombose veineuse remonte vers le coeur droit, ressort par l’artère pulmona ire et se bloque dans une artériole pulmonaire. Le siège habituel de cette thrombose est le membre inférieur ou le pelvis. Les embolies artérielles de la grande circulation résultent de l’arrêt dans une artère ou une artériole (membre inférieur, cerveau, voire coronaire) d’un fragment de thrombus détaché d’un point situé en amont, c’est-à-dire de la paroi des cavités cardiaques gauches ou d’une artère de gros calibre (aorte, iliaque, carotide).

Embolie paradoxale

l’embole court-circuite un filtre capillaire. Un embole détaché d’un thrombus veineux peut ainsi remonter vers le coeur droit et aller se bloquer dans une artère cérébrale. Ceci ne s’observe que lorsqu’il existe une communication anormale entre les cavités cardiaques (communication inter-auriculaire ou inter-ventriculaire).

Embolie rétrograde

C’est le déplacement de l’embole à contre-courant. Il se produirait pour quelques emboles néoplasiques de petite taille à la faveur d’une inversion du courant dans certains plexus veineux, tels les plexus pelviens ou pré-vertébraux.

CONSEQUENCES DES EMBOLIES

Elles varient évidemment en fonction de la taille et du siège de l’embolie. Parmi les différentes éventualités possibles, on peut citer:

Mort subite

c’est une conséquence fréquente de l’embolie pulmonaire.

Ischémie et infarctus

Il peut s’agir d’une ischémie transitoire. Exemple: éclipses cérébrales par micro-emboles partis d’un trombus plaquettaire né sur une plaque d’athérome du sinus carotidien.

En cas d’embole plus volumineux, l’ischémie peut être définitive entraînant une nécrose. Exemples: gangrène d’un membre inférieur par embolie artérielle fémorale, infarctus du poumon par embolie pulmonaire.

Suppuration

Elle se produit lorsque l’embolie est la conséquence de la fragmentation d’un trombus septique et suppuré. Le phénomène d’embolie st essentiel dans la pathogénie des états septicémiques . Lorsqu’il y a septicémie; il y a en effet toujours une trombose au voisinage d’un foyer septique et c’est la surinfection et la fragmentation ultérieure du thrombus qui assurent le passage des germes dans la circulation. Si les fragments sont volumineux, ils forment des emboles septiques avec suppuration au point d’arrêt (septico-pyohémie).

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Métastases tumorales

Les cellules qui constituent les emboles néoplasiques peuvent se multiplier au point d’arrêt pour donner un foyer tumoral secondaire .

- ISCHÉMIE

- DÉFINITION

C’est la diminution ou l’abolition de l’apport du sang artériel dans un territoire limité de l’organisme. Elle provoque une anoxie , c’est-à-dire une diminution de l’oxygène délivré aux tissus dans la zone intéressée. Il faut bien avoir conscience qu’ischémie et anoxie ne sont pas synonymes.

L’ischémie est incomplète ou relative lorsque l’apport sanguin n’est que diminué. Elle est complète lorsque l’apport sanguin est aboli.

- ISCHÉMIE RELATIVE

C’est la diminution de l’apport sanguin artériel dans un territoire limité de l’organisme.

ÉTIOLOGIE

La cause essentielle de l’ischémie relative est l’athérosclérose. L’épaississement de l’intima par les dépôts lipidiques et la sclérose rétrécit la lumière du vaisseau, cette sténose peut être la cause d’un thrombus, le plus souvent mural.

CONSÉQUENCES DE L’ISCHÉMIE RELATIVE

Ces conséquences varient selon les territoires. L’expression habituelle est une souffrance tissulaire sans nécrose qui apparaît essentiellement à l’effort. Cette souffrance se traduit cliniquement par une douleur. Exemples: claudication intermittente de l’athérosclérose du membre inférieur, angine de poitrine de l’athérosclérose coronarienne.

L’ischémie relative a pour conséquence anatomique la constitution d’une circulation collatérale de suppléance, celle-ci se forme par le développement et la dilation des systèmes collatéraux préexistants; elle sera d’autant plus développée et efficace que l’ischémie relative se sera aggravée lentement. Cette circulation collatérale n’empêche pas toujours l’apparition d’une atrophie et d’une sclérose progressive des territoires ischémiques.

- ISCHÉMIE COMPLÈTE

ÉTIOLOGIE

Elle résulte d’une obstruction brutale de la lumière artérielle, elle-même due:

à une embolie artérielle,

à une thrombose: cette thrombose, nous l’avons vu, survient le plus souvent sur une lésion d’athérome. Dans ce cas, l’ischémie complète succède généralement à une ischémie incomplète déjà chronique. Il peut y avoir plusieurs épisodes de thrombose murale avant qu’il n’y ait une thrombose oblitérante.

exceptionnellement, l’ischémie complète est due à la compression d’une artère (garrot, hématome, oedème localisé dans une loge musculaire inextensible).

CONSÉQUENCES DE L’ISCHÉMIE COMPLÈTE

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Il n’ y a parfois aucune conséquence visible, soit que l’artère obstruée ne soit pas terminale et qu’une suppléance fonctionnelle soit possible, soit qu’une ischémie relative préexistante ait permis le développement d’une circulation collatérale efficace.

Dans les autres cas, la conséquence habituelle est une nécrose ischémique du territoire qui n’est plus irrigué:

La nécrose d’un segment de membre, le plus souvent du membre inférieur, s’appelle gangrène ischémique .

La nécrose d’une portion d’un viscère s’appelle infarctus .

- INFARCTUS, INFARCISSEMENT HÉMORRAGIQUE, CHOC

- DÉFINITION DE L'INFARCTUS

C’est un foyer circonscrit de nécrose ischémique d’un viscère secondaire à une obstruction artérielle. Cette définition est classique, elle doit être nuancée car il existe, en particulier au niveau du myocarde, d’authentiques infarctus sans obstruction artérielle.Il y a deux variétés d’infarctus: les infarctus blancs, les infarctus rouges.

- INFARCTUS BLANC OU ANÉMIQUE

C’est l’effet de l’obstruction d’une artère terminale dans un organe à simple circulation , habituellement par thrombose ou embolie artérielle.

SIÈGE

Les infarctus de la rate et du rein sont fréquents, ils n’ont habituellement aucune traduction clinique, ni aucune conséquence grave.

Les infarctus du myocarde et les infarctus cérébraux sont fréquents, ils représentent une cause importante de mort dans le monde occidental.

ASPECT MACROSCOPIQUE DES INFARCTUS BLANCS

A la phase d’infarctus constitué, la zone nécrosée est exsangue, elle se présente comme un territoire circonscrit, d’aspect blanc ivoire ou jaunâtre et qui s’entoure rapidement d’une zone congestive où va se dérouler une réaction inflammatoire.

ÉVOLUTION DES INFARCTUS.

Tout infarctus passe par plusieurs étapes:

La première étape est la nécrose ischémique: elle n’est manifeste histologiquement qu’en 24 h environ. Le plus souvent, c’est une nécrose de coagulation: le tissu est homogène, éosinophile, les noyaux ont disparu et il ne persiste plus que des fantômes de cellules dont on devine la silhouette. Dans le système nerveux central, le tissu nerveux étant riche en lipides, la nécrose prend un type particulier et se liquéfie. Cette liquéfaction entraîne une diminution notable de la consistance de la zone de nécrose. C’est pour cette raison que les infarctus du système nerveux central sont appelés ramollissements .

La nécrose induit très rapidement une réaction inflammatoire dans le tissu qui entoure la zone de nécrose. Celui-ci va progressivement s’enrichir en polynucléaires puis en macrophages qui vont successivement migrer vers le foyer nécrosé.

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Ces éléments phagocytaires vont assurer la détersion des zones nécrosées, tandis qu’à la périphérie de l’infarctus se produit une pousse capillaire destinée à former un tissu conjonctif qui va remplacer les tissus nécrosés et donner une cicatrice. L’évolution normale d’un infarctus est donc la constitution d’une zone de fibrose mutilante. Il n’y a pas de régénération des éléments épithéliaux ou musculaires qui ont subi une nécrose ischémique.

- ÉVOLUTIONS INHABITUELLES

Elles sont relativement rares par rapport à la cicatrisation conjonctive:

Suppuration

de la zone nécrosée par surinfection ou ensemencement direct par un embole septique.

Kystisation

le tissu nécrosé se liquéfie et s’entoure d’une coque fibreuse. Il en résulte un pseudo-kyste. Cette éventualité est plus fréquente dans les ramollisements.

Calcification

de la nécrose sans organisation conjonctive, c’est une calcification dystrophique .

- INFARCTUS ROUGES OU INFARCTUS HÉMORRAGIQUES

C’est le résultat de l’obstruction d’une artère terminale dans un viscère à double circulation .

SIÈGE

Les infarctus rouges du foie existent mais ils n’ont aucune traduction clinique, ni aucune importance pratique.

Pour l’essentiel, les infarctus rouges sont des infarctus du poumon dont l’étiologie est dans la quasi-totalité des cas une embolie pulmonaire.

REMARQUE NOSOLOGIQUE

Le fait le plus saillant dans l’infarctus rouge du poumon est l’infiltration du tissu nécrosé par du sang. Laënnec qui a décrit la lésion il y a plus de 150 ans l’avait observée macroscopiquement et avait vu l’infiltration sanguine mais non la nécrose. Il proposa donc le terme d’infarctus (lésion farcie de sang).

La nécrose ne fut observée et décrite que bien plus tard mais on la considéra rapidement comme le phénomène essentiel. De là vient qu’on a appliqué le terme d’infarctus à toutes les nécroses ischémiques viscérales même lorsqu’elles ne sont pas infiltrées de sang, comme c’est le cas dans l’infarctus blanc.

ASPECT ANATOMIQUE DE L’INFARCTUS ROUGE

La lésion est systématisée au territoire de la distribution d’une branche plus ou moins volumineuse de l’artère pulmonaire, c’est-à-dire à un sous-segment, un segment ou même un lobe entier.

A la phase d’infarctus constitué, la zone atteinte est noire, dure et sèche, ceci permet de la distinguer d’une hémorragie interstitielle du tissu pulmonaire.

ÉVOLUTION DES INFARCTUS ROUGES

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C’est la même que celle des infarctus blancs avec cette particularité d’une importante hémosidérose localisée au niveau de la cicatrice. L’infarctus rouge peut présenter les mêmes évolutions inhabituelles que l’infarctus blanc.

- PHYSIOPATHOLOGIE DES INFARCTUS

Si la physiopathologie de l’infarctus blanc se comprend aisément, puisque la nécrose tissulaire est secondaire à l’ischémie non compensée, il n’en est pas de même pour l’infarctus rouge. Plusieurs théories ont été évoquées successivement. Nous n’en retiendrons qu’une qui a le mérite d’expliquer pourquoi l’obstruction d’une artère pulmonaire n’est pas nécessairement suivie d’infarctus.

Il y a deux cironstances différentes dans lesquelles on peut observer une embolie pulmonaire:

Embolie pulmonaire survenant chez un sujet à coeur et à poumons sains (traumatisé, accouchée). L’occlusion artérielle peut provoquer une mort subite par phénomène réflexe. Si ce n’est pas le cas, le tissu pulmonaire normalement vascularisé par l’artère occluse va être pris en charge par les artères bronchiques. Ce territoire sera perdu pour l’hématose mais il ne va pas se nécroser: il n’y aura pas d’infarctus pulmonaire.

Embolie pulmonaire survenant chez un sujet ayant un e stase pulmonaire ( insuffisance ventriculaire gauche). L’occlusion artérielle va ici survenir sur un tissu déjà anoxique en raison de la stase; il y a rupture d’un équilibre fragile et nécrose du territoire vascularisé par l’artère occl use . La perfusion par les artères bronchiques n’empêchera pas la nécrose, elle injectera du sang dans le territoire nécrosé d’où l’aspect hémorragique de l’infarctus.

- INFARCISSEMENT HÉMORRAGIQUE

Définition: c'est une lésion de nécrose tissulaire liée à l’obstruction d’une veine de drainage de ce tissu. C’est le degré maximum de l’anoxie provoquée par la stase.

SIÈGE

C’est une lésion relativement rare qui survient soit dans le poumon, soit plus souvent dans le cerveau: on parle alors de ramollissement hémorragique.

ÉTIOLOGIE

C’est habituellement une thrombose veineuse, plus rarement une compression veineuse.

ASPECT ANATOMIQUE

Il est semblable à celui de l’infarctus rouge avec quelques différences, en particulier la limitation moins nette de la lésion car les territoires de drainage des veines ne se superposent pas exactement aux territoires de distribution des artères et ont généralement des contours plus flous.

- CHOC

Définition: on entend sous le nom de choc un ensemble de syndromes caractérisés par une insuffisance circulatoire à bas débit de perfusion aboutissant à un déséquilibre entre les besoins métaboliques des organes vitaux et les apports sanguins disponibles.

Il en résulte habituellement une souffrance et éventuellement une mort cellulaire dans différents organes, sans oublier la possibilité de thromboses capillaires multiples.

Les organes touchés par le choc sont les suivants:

le cerveau : c’est l’encéphalopathie anoxique.

le coeur : il présente des hémorragies sous endocardiques et des nécroses parcellaires du

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myocarde.

le pou mon : les lésions sont essentiellement oedémateuses.

le rein : on peut observer une nécrose tubulaire aiguë.

les surrénales : les lésions vont jusqu’à la nécrose avec hématome surrénalien.

le tractus gastro -intestinal avec lésions de nécrose hémorragique de la muqueuse.

le foie avec une stéatose et une nécrose centro-lobulaire.

On distingue habituellement trois grands types de choc:

choc cardiogénique,

choc hypovolémique ou hémorragique (traumatique),

choc septique

On distingue encore, plus accessoirement, le choc neurogénique et le choc anaphylactique.

- INFLAMMATION

- RÉACTION INFLAMMATOIRE, MORPHOLOGIE DE L’INFLAMMA TION ET DE LA RÉPARATION

- GÉNÉRALITÉS

PROCESSUS INFLAMMATOIRE

L’inflammation est un phénomène banal, quotidien, intervenant dans une multitude de circonstances et de maladies dont l’expression clinique et la gravité sont extrêmement diverses. A première vue, il n’y a pas grand chose de commun entre un rhume et une polyarthrite rhumatoïde, ce sont pourtant deux maladies liées au déroulement d’un processus inflammatoire.

ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE

L’inflammation est un processus lésionnel complexe dont la morphologie est étudiée et connue de longue date et dont les enchaînements et la physiopathologie sont encore imparfaitement élucidés. Les étapes de ce processus lésionnel se succèdent dans un ordre déterminé, sous l’influence de substances chimiques qui apparaissent successivement dans le foyer inflammatoire et qui ont une action pharmacologique propre sur les cellules, les substances inter-cellulaires et les vaisseaux: ce sont les médiateurs chimiques de l’inflammation.

Le déclenchement du processus est la conséquence d’une agression de cause variable avec une destruction cellulaire localisée qui a entraîné une réaction du tissu conjonctif et des vaisseaux qui le parcourent. Les tissus dépourvus de vaisseaux, comme le cartilage ou la cornée, sont donc incapables de développer une réaction inflammatoire complète.

Les agressions par des agents pathogènes vivants (bactéries, virus, champignons, parasites), appelées infections, sont des causes fréquentes et importantes de réactions inflammatoires. Elles sont loin d’être les seules et les termes d’infection et

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d’inflammation ne sont nullement synonymes. Il existe, en effet, des inflammations de causes non infectieuses et des infections qui ne déclenchent pas de réactions inflammatoires.

On emploie comme synonymes d’inflammation, les termes de réaction inflammatoire ou de processus inflammatoire, selon que l’on voudra mettre l’accent sur le fait que l’inflammation se produit en réaction à une agression ou sur le fait que c’est un processus lésionnel dont le déroulement se fait en phases successives.

Bien qu’il existe de multiples exceptions, il faut retenir qu’en principe un terme médical terminé par le suffixe "ite" désigne une inflammation:

conjonctivite: inflammation de la conjonctive; péritonite: inflammation du péritoine; arthrite: inflammation d’une articulation, etc.

ÉVOLUTION DES CONNAISSANCES SUR LE PROCESSUS INFLAMMATOIRE

La connaissance que l’on a du processus inflammatoire s’est progressivement affinée au cours des siècles.

Jusqu’au 19è siècle, l’inflammation était définie comme elle l’avait été par CELSE dans l’antiquité par des signes purement cliniques: rougeur, augmentation de la chaleur locale, douleur et gonflement. Ces signes étaient les signes cardinaux de l’inflammation.

Dans la seconde moitié du 19è siècle, des chercheurs tels CONHEIM et METCHNIKOFF ont décrit en détails les évènements microscopiques qui se déroulent au cours d’une réaction inflammatoire.

L’étude de la physiopathologie a débuté vers 1910 avec la découverte de l’histamine, premier médiateur chimique.

Après 1950, l’étude de l’inflammation a bénéficié des progrès de l’immunologie, de la pharmacologie, de la biologie cellulaire et de la thérapeutique avec la découverte de médicaments anti-inflammatoires.

L’élucidation des mécanismes précis du processus inflammatoire et de tous les évènements qui contribuent à son déroulement est loin d’être achevée. Il faut qu’il soit clair qu’en matière de processus inflammatoire, il y a deux ordres de connaissances:

des connaissances relativement anciennes et presque figées. Ce sont celles qui concernent les lésions et la morphologie de la réaction inflammatoire. Elles ont été établies par de multiples observations maintes fois répétées; des connaissances relativement récentes et en mutation permanente. Ce sont celles qui concernent la physiopathologie de la réaction inflammatoire et expliquent l’enchaînement des diverses lésions et l’action des médicaments actifs sur l’inflammation.

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Pour pouvoir suivre l’évolution des connaissances physiopathologiques, il est indispensable d’avoir une idée claire de la séquence morphologique.

- LA SÉQUENCE MORPHOLOGIQUE DE LA RÉACTION INFLAMMATOIRE DANS L’EXEMPLE D’UNE PLAIE CUTANÉE.

La réaction inflammatoire a des caractères communs, quel que soit l’organe où elle se produit. On peut étudier ses différentes étapes à propos d’une lésion facile à reproduire expérimentalement: une plaie cutanée.

Les étapes de l’évolution sont les suivantes: agression initiale, réaction vasculo-sanguine, constitution d’un granulome inflammatoire, détersion, réparation et cicatrisation.

L’AGRESSION PATHOGÈNE

Dans l’exemple choisi, il s’agit d’une brèche de l’épiderme et du derme sous-jacent par un agent vulnérant. Cet agent vulnérant détruit sur son trajet un certain nombre d’éléments cellulaires et tissulaires et peut déposer dans la plaie des germes et des corps étrangers.

LA RÉACTION VASCULO-SANGUINE

C’est le premier temps de la réaction. Dans les instants qui suivent l’agression apparaissent une congestion et un oedème.

La congestion

résulte d’une vasodilatation active des vaisseaux artériolaires, rapidement suivie d’un ralentissement du courant circulatoire avec stase veineuse relative.

L’oedème

est le résultat du passage dans le tissu conjonctif de liquide intra-vasculaire. Ce passage est possible grâce à une augmentation de la perméabilité de la paroi des vaisseaux qui va permettre une exsudation, laissant passer non seulement l’eau mais également des protéines. Le voisinage de la plaie sera à ce moment rouge et tuméfié. Les espaces interstitiels du tissu conjonctif contiennent de l’eau et des protéines plasmatiques dont du fibrinogène, des fractions du complément et des globulines anticorps. Une partie de ce liquide d’oedème inflammatoire va passer dans la lymphe et apporter des informations immunologiques à la population lymphoïde des ganglions voisins.

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Fig 1: Pressions sanguines et forces osmotiques dans le capillaire normal et inflammatoire. Dans le capillaire normal, la pression sanguine (hydrostatique) est de 32 mm Hg sur le versant artériolaire, et de 12 mm Hg à sa terminaison. La pression sanguine moyenne égale la pression oncotique, et les transferts s'équilibrent. En cas d'inflammation, la pression hydrostatique est plus élevée (vasodilatation), et la pression osmotique plus basse (fuite de protéines): le résultat est un excès de fluides extravasés.

La diapédèse des polynucléaires

Elle est presque contemporaine de l’oedème et de la congestion. Il s’agit du passage des polynucléaires neutrophiles, ou éosinophiles, voire basophiles, à travers la paroi des veinules post-capillaires.

Ce passage se fait au terme de la séquence suivante: ralentissement du courant circulatoire; margination des polynucléaires qui se rapprochent de la paroi des vaisseaux, circulant à la partie périphérique de la colonne intra-vasculaire, dont le centre est occupé par les hématies; roulement des polynucléaires le long de l'endothélium; adhérence des polynucléaires à l’endothélium; passage des polynucléaires entre deux cellules endothéliales. Ce passage est rendu possible par l’écartement de ces cellules et la mobilité et la déformabilité du cytoplasme des polynucléaires. Ils peuvent émettre des pseudopodes, leur noyau est segmenté, formé de plusieurs masses chromatiniennes de diamètre réduit, ce qui leur permet de se fauliler entre deux cellules endothéliales. Les polynucléaires traversent ensuite la membrane basale, localement dissoute par leurs enzymes lysosomiaux.

Le phénomène d’adhérence des cellules inflammatoires sur l’endothélium vasculaire est rendu possible grâce à l’existence de molécules particulières: les molécules d’adhésion. Ces molécules, présentes sur la membrane des leucocytes (intégrines),

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se lient de façon spécifique à d’autres molécules, exprimées sur la membrane des cellules endothéliales. Au cours de la réaction inflammatoire, on observe une augmentation de l’expression de ces molécules d’adhésion sous l’influence de divers médiateurs( C5a, Il-1).

Fig 2. - Schéma illustrant les molécules d’adhésion présentes sur les membranes des leucocytes et des cellules endothéliales: les molécules d’adhésion endothéliales sont des ligands pour les intégrines des leucocytes.

Fig 3.- L’augmentation de l’expression des molécules d’adhésion peut intéresser le leucocyte (sous l’influence de la fraction C5a du complément par exemple): il s’agit

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d’une adhésion neutrophile dépendante. D’autres substances, comme l’Il-1, augmentent l’expression des molécules d’adhésion endothéliales.

Les polynucléaires vont quitter l’environnement des vaisseaux, attirés par un phénomène de chimiotactisme et exercer éventuellement une activité de phagocytose (voir ci-après). Le polynucléaire est une cellule à durée de vie limitée (de l'ordre de 24h); il sera rapidement détruit dans le foyer inflammatoire. Il peut, dans certains cas, se charger de graisse et perdre son noyau qui se pycnose. Lorsque les polynucléaires ainsi altérés sont en grand nombre, ils forment, avec les débris de la nécrose tissulaire, ce que l’on appelle le pus, liquide plus ou moins consistant défini comme une accumulation de polynucléaires altérés; le polynucléaire altéré porte le nom de pyocyte

Fig 4 - Cette figure montre comment les polynucléaires, après avoir franchi la paroi endothéliale, se dirigent vers le lieu de l’agression, guidés par le gradient de concentration des chimioattractants

L’exsudat inflammatoire

Au terme des événements qui précèdent, se trouve dans les tissus un liquide riche en protéines, contenant plus ou moins de fibrine, plus ou moins de polynucléaires, avec ou sans pus. L’ensemble de ces éléments qui sont sortis des vaisseaux pour passer dans le tissu conjonctif ou se répandre à la surface d’une plaie ouverte constitue l’exsudat inflammatoire. La réaction vasculo-sanguine constitue la phase exsudative de l’inflammation et l’on parlera d’inflammation exsudative lorsque les phénomènes vasculo-sanguins dominent l’ensemble du tableau anatomoclinique.

LA RÉACTION CELLULAIRE ET LA FORMATION DU GRANULOME

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INFLAMMMATOIRE

Très rapidement, le foyer inflammatoire va s’enrichir en cellules de provenance variée. Les polynucléaires arrivés dès la phase vasculo-sanguine sont suivis rapidement par d’autres cellules sanguines, les monocytes, qui vont se transformer dans les tissus en histiocytes. Outre cet affux sanguin, on assiste à une multiplication sur place d’un certain nombre de cellules telles les fibroblastes, les cellules lymphoïdes (lymphocytes et plasmocytes). Les histiocytes formés par transformation des monocytes peuvent eux-même se diviser et se multiplier sur place.

On donne à l’ensemble des cellules présentes dans le foyer inflammatoire le nom de granulome inflammatoire. Il est constitué d’éléments ayant des spécialités fonctionnelles différentes:

phagocytes cellules immunologiquement compétentes, fibroblastes.

Les phagocytes et la phagocytose

Les phagocytes comprennent les polynucléaires (ou microphages) et les macrophages (ou phagocytes mononucléés).

La phagocytose est l’englobement dans le cytoplasme du phagocyte d’une particule étrangère vivante ou inerte qui sera digérée par les enzymes protéolytiques des lysosomes ( hydrolases, phosphatases, élastases, collagénases, etc.).

Les étapes de la phagocytose sont les suivantes (fig 5)

1.- Reconnaissance et adhérence: les opsonines. Le plus souvent, la phagocytose n’est possible que lorsque la particule à phagocyter est englobée par une molécule protéique appelée opsonine. Les deux opsonines les mieux connues sont les IgG et C3b. A chacune de ces opsonines correspond sur la membrane du phagocyte un récepteur spécifique qui permet l’adhérence entre le phagocyte et l’ensemble opsonine - particule à phagocyter.

2.- Englobement dans une vacuole cytoplasmique. Fusion de cette vacuole avec un lysosome pour former un phagolysosome au sein duquel le corps phagocyté sera détruit par les enzymes.

Au cours du processus de phagocytose, les phagocytes vont libérer un certain nombre d’enzymes protéolytiques dans leur environnement et ces enzymes vont se répandre dans le foyer inflammatoire.

La particule phagocytée n’est pas constamment détruite, soit qu’il s’agisse de germes virulents capables de tuer le phagocyte, soit qu’il s’agisse de particules complètement indigestes (voir infra, silicose,)

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Les phagocytes impliqués dans le processus que nous venons décrire sont les macrophages et les polynucléaires. Ils ont en commun un précurseur médullaire, la mobilité, les récepteurs de membrane pour les opsonines et, à des détails près, l’équipement enzymatique protéolytique.

Il y a cependant des différences importantes entre polynucléaires et macrophages:

1.- Le polynucléaire est une cellule surspécialisée. La phagocytose est son activité exclusive, il est incapable de se diviser et sa durée de vie est brève, ne dépassant pas 3 à 5 jours.

2.- Le macrophage, à l’inverse, est une cellule ayant conservé ses capacités de différenciation et de division. Outre la phagocytose, le macrophage assure le transfert de l’information antigénique aux cellules immunologiquement compétentes et sécrète divers facteurs solubles actifs dans le foyer inflammatoire.

Fig 5 - Schéma de la phagocytose. Les agents pathogènes, recouverts d’opsonines (Ig et C3b), sont reconnus par les récepteurs des opsonines et internalisés. La vacuole de phagocytose se fusionne avec un lysosome pour former un phagolysosome. Au cours de ce processus, la réduction du NADPH entraine la formation de dérivés oxygénés (ion peroxyde: O2

- et eau oxygénée), ainsi que de dérivés chlorés (ion HOCl-), très bactéricides. Leur action est complétée par celle des enzymes déjà présents dans les lysosomes.

Les cellules immnunologiquement compétentes

Ce sont des lymphocytes T, supports de l’immunité cellulaire et des lymphocytes B qui se transforment en plasmocytes et sécrètent des immunoglobulines

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spécifiquement dirigées contre les antigènes présents dans le foyer inflammatoire; ceci permet la formation locale de complexes immuns.

Les fibroblastes

Ce sont les éléments constitutifs du tissu conjonctif, capables d’assurer la synthèse de ses différents constituants. Dès le début du processus inflammatoire, ils vont commercer à proliférer et à élaborer des éléments qui permettront la reconstitution des tissus conjonctifs détruits. Au moment de la phase de réparation, ils vont subir une différenciation particulière et acquérir un aspect intermédiaire entre celui du fibroblaste normal et celui de la cellule musculaire lisse. Ce fibroblaste transformé est appelé myofibroblaste, cellule ayant gardé les capacités de synthèse du fibroblaste et ayant acquis la contractilité de la cellule musculaire lisse.

LA DÉTERSION

Définition: c’est l’évacuation hors du foyer inflammatoire des éléments cellulaires ou tissulaires détruits lors de l’agression initiale ou au cours du développement du processus inflammatoire, des germes pathogènes et des corps étrangers éventuels, et des liquides en excès apportés par l’exudat inflammatoire.

La détersion est un préliminaire indispensable à la guérison: faute de détersion, le processus inflammatoire persiste sous une forme modifiée et passe à la chronicité.

Dans la plupart des cas, la détersion se fera grâce aux phagocytes qui assureront la destruction locale des éléments présents dans le foyer inflammatoire, le liquide d’oedème étant drainé par le système lymphatique. On parle dans ces cas de détersion interne.

Ces mécanismes peuvent être insuffisants, notamment lorsqu’il existe dans le foyer inflammatoire des corps étrangers qui ne peuvent être digérés par des macrophages ou lorsqu’il existe une certaine quantité de pus. Celui-ci doit alors nécessairement être évacué à l’extérieur, soit par une incision chirurgicale, soit par une ouverture spontanée. Dans ce cas, la détersion n’est souvent que partielle et la persistance d’’éléments nécrosés non détergés entretient indéfiniment le processus inflammatoire qui va évoluer vers la chronicité.

RÉPARATION: LE BOURGEON CHARNU ET LA CICATRISATION

Une fois la détersion complète, il peut rester au lieu de la plaie une perte de substance qui sera comblée par un tissu conjonctif néoformé à partir des fibroblastes présents dans le foyer inflammatoire et à son pourtour. La formation de ce tissu ne peut se faire que s’il se constitue parallèlement une néo-vascularisation par bourgeonnement des anses capillaires des tissus sains avoisinants.

Le tissu conjonctif jeune et hypervascularisé qui va combler la perte de substance est bien visible macroscopiquement au fond des plaies importantes qu’il comble progressivement. Le fond de ces plaies a un aspect granuleux et donne l’impression

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de bourgeonner, d’où les noms de bourgeon charnu ou de tissu de granulation que l’on donne à cette pousse de tissu conjonctif qui précède la cicatrisation.

Morphologie du bourgeon charnu

Il est constitué d’un tissu conjonctif jeune, relativement pauvre en structures fibrillaires et riche en liquide d’oedème interstitiel et en cellules. Il comporte plusieurs zones différentes:

la zone profonde

c’est la plus proche du réseau vasculaire qui a donné naissance aux capillaires du bourgeon charnu. Elle comporte des capillaires néoformés à endothélium turgescent dont les cellules sont souvent en mitose. Lorsqu’il s’agit d’une plaie cutanée, ces capillaires ont tendance à s’orienter perpendiculairement à la surface de la peau.

Au dessus de cette zone profonde

s’observe une zone moyenne où les capillaires présentent une pousse active, formant des bourgeons pleins qui vont secondairement se creuser et élaborer une basale. On trouve dans cette zone de nombreuses cellules lymphocytaires et plasmocytaires.

La zone superficielle

du bourgeon charnu présente des phénomènes exsudatifs persistants avec des polynucléaires et généralement un enduit fibrineux de surface. Lorsque la perte de substance est comblée, l’épithélium qui revêt les berges de la plaie va progressivement se développer de façon à recouvrir la surface du bourgeon charnu en s’insinuant entre les tissus conjonctifs et le revêtements fibrineux de surface. Celui-ci forme une croûte qui tombera à la fin de la régénération épithéliale.

Maturation du bourgeon charnu

Il va devenir moins oedémateux, s’enrichir en fibres, s’appauvrir en cellules. Le remodelage de ce tissu conjonctif, dont les vaisseaux et les faisceaux collagènes vont lentement s’organiser de façon à reproduire l’architecture du tissu préexistant à la réaction inflammatoire, peut demander plusieurs mois.

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Fig 6. Evolution d’une plaie cutanée.

La cicatrisation dépend de régulations mal connues dont la mise en jeu fait que le tissu conjonctif prolifère juste assez pour comber la brèche, ni trop, ni trop peu. Des anomalies sont cependant possible. Le bourgeon charnu peut avoir une croissance excessive, dépasser le plan de la surface cutanée, ce qui rendra son épithélialisation plus difficile, d’autant qu’il subira des micro-traumatismes répétés. On parle dans ce cas de bourgeon charnu hyperplasique ou botryomycome . Dans d’autres cas, malgré une réépithélialisation correcte, il y aura une production excessive de collagène au niveau de la cicatrice qui sera saillante et hypertrophique ou une anomalie du fonctionnement des myofibroblastes qui provoqueront une rétraction anormale de cette cicatrice.

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On donne le nom de cicatrice chéloïdienne ou chéloïde à une cicatrice pseudo-tumorale constituée d’un collagène anormal. Cette lésion est particulièrement fréquente dans la race noire.

MATRICE EXTRACELLULAIRE, CICATRISATION ET FIBROSE matrice extracellulaire (MEC)

Elle est constituée de trois composants principaux:

les collagènes

proteines faites d'une triple hélice, et dont il existe une quinzaine de types actuellement reconnus. La plupart sont fibrillaires, d'autres (IV) sont non fibrillaires et entrent dans la composition des membranes basales .

les glycoproteines adhésives

qui ont comme propriété de se lier d'un côté aux constituants de la MEC, et de l'autre aux intégrines situées dans la membrane des cellules. Les deux principales sont la laminine et la fibronectine .

les protéoglycanes

sont constitués par l'union d'un glycosaminoglycane (dermatane sulfate et héparane sulfate) et d'une protéine. Certains jouent le rôle d'intégrines.

cicatrisation

Au cours de la cicatrisation, les fibroblastes synthétisent et sécrètent du collagène dès le troisième jour (fig 7). Cette accumulation de collagène va durer plusieurs semaines, mais il faut savoir que la quantité de collagène accumulé est le résultat non seulement de la synthèse, mais également de la dégradation des molécules de la MEC. La synthèse est stimulée par des facteurs de croissance (PDGF, FGF, TGF béta), et des cytokines fibrogéniques (Il-1 et TNF), sécrétés par diverses cellules, mais surtout par des macrophages activés. Ces mêmes facteurs ont également induit l’afflux et la multiplication des fibroblastes. La dégradation du collagène est due à des métalloprotéases sécrétées par les macrophages, les ploynucléaires et les fibroblastes; la mieux connue est la collagénase.

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Fig 7 - Rôle des macrophages dans le dépôt de collagène au cours des phénomènes de cicatrisation. Le macrophage activé sécète des facteurs de croissance (PDGF, FGF basique) et des cytokines, (IL-1,TNF), qui vont faire proliférer les fibroblastes, leur faire sécréter du collagène, et plus tardivement faire sécréter des collagénases.

fibrose et inflammation chronique

Au cours des inflammations chroniques, la fibrose est quasi constante, et sa responsabilité est parfois majeure dans la physiopathologie de la maladie. C’est le cas des fibroses pulmonaires ou les cirrhoses. Les mécanismes de synthèse et de dégradation de la fibrose dans ces affections chroniques sont en cours d’étude, mais semblent sous la dépendance de facteurs de croissance et de cytokines identiques à ceux qui viennent d’être étudiés dans l’inflammation aigüe.

- PHYSIOPATHOLOGIE DE LA RÉACTION INFLAMMATOIRE: LE S MÉDIATEURS CHIMIQUES

Les étapes successives de la séquence morphologique qui viennent d'être décrites sont déclenchées les unes après les autres par des substances d’origine plasmatique ou cellulaire présentes au niveau du foyer inflammatoire. L’étude de ces substances est en plein essor, on progresse sans cesse dans leur connaissance, celle de leur mode d’action et celle de leurs inter-actions mutuelles. C’est l’étude de ces médiateurs chimiques qui est la base de toute la pharmacologie et de la thérapeutique du processus inflammatoire.

Il faut souligner que la plupart des médiateurs connus interviennent dans d’autres circonstances que l’inflammation.

Les médiateurs chimiques de l’inflammation sont multiples, on peut les regrouper en trois catégories:

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les médiateurs d’origine cellulaire locale, les médiateurs d’origine plasmatique, les médiateurs libérés par les cellules du granulome.

- LES MÉDIATEURS D’ORIGINE CELLULAIRE LOCALE

AMINES BIOGÈNES

Il s’agit de l’histamine et de la sérotonine . Le rôle respectif de ces deux amines dans le processus inflammatoire est très variable selon les espèces animales. Chez l’homme, le rôle de l’histamine est quasi exclusif et on n’a jamais prouvé que la sérotonine joue un rôle dans le processus inflammatoire.

Libération de l’histamine

Elle est contenue dans les lysosomes de diverses cellules: mastocytes, polynucléaires basophiles et neutrophiles, plaquettes (la sérotonine n’est présente chez l’homme que dans les plaquettes).

L’histamine est libérée dans l’environnement du mastocyte par éclatement des lysosomes qui déversent leur contenu dans le milieu extra-cellulaire. Cette dégranulation est un phénomène explosif, déclenché par de multiples facteurs: traumatisme, agression thermique (froid ou chaleur) ou par une réaction d’hypersensibilité immédiate ou par l’action d’autres médiateurs comme certaines fractions du complément.

L’action de l’histamine

est une action rapide et relativement brève qui s’effectue par l’intermédiaire des récepteurs H1. Elle consiste en:

Vasodilatation par diminution du tonus artériolaire. Augmentation de la perméabilité vasculaire par contraction des cellules endothéliales qui s’écartent les unes des autres, ce qui permet le passage de l’oedème.

DÉRIVÉS DE L’ACIDE ARACHIDONIQUE

Il s’agit d’un système complexe en plein inventaire constitué de multiples facteurs résultant de la dégradation de l’acide arachidonique. Les métabolites intermédiaires et terminaux de ce système ont des effets variables et parfois antagonistes.

L’acide arachidonique est un acide gras à 20 atomes de carbone, c’est l’acide Eicosatétranoïque ou ETE. Il se forme par dénaturation des phospholipides membranaires sous l’influence d’une phospholipase. Celle-ci est activée par l’agression initiale et par divers médiateurs. L’effet anti-inflammatoire des corticoïdes s’explique par leurs effets inhibiteurs sur la phospholipase.

Au cours de la formation d’acide arachidonique se forment d’autres lipides ayant une activité chimiotactique.

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L’acide arachidonique est lui-même dégradé par deux voies enzymatiques différentes (fig 8).

Fig 8- Métabolisme de l’acide arachidonique

Voie de la cyclo-oxygénase

Elle donne naissance aux médiateurs suivants:

Thromboxane, Prostacycline, Prostaglandines (A, B, C, D, E).

L’action de ce groupe de médiateurs se rapproche de celle de l’histamine, provoquant une vaso-dilatation avec un oedème et une hyperméabilité vasculaire. Les effets sont moins rapides et plus prolongés que ceux de l’histamine. Certains médiateurs de ce groupe ont en outre des effets chimiotactiques, certaines prostaglandines causent des douleurs, le thromboxane est un puissant agrégant plaquettaire.

L’aspirine et les autres anti-inflammatoires non stéroïdiens sont des inhibiteurs de la cyclooxygénase; ainsi s’explique leur action anti-inflammatoire.

Voie de la lipo-oxygénase

Les médiateurs formés sont les leucotriènes , agents chimiotactiques extrêmement puissants, accessoirement vaso-dilatateurs. L’ensemble des leucotriènes était autrefois désigné sous le nom de S.R.S.A. (slow reacting substance of anaphylaxy).

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Au cours du métabolisme de l’acide arachidonique se forment de nombreux radicaux peroxydes qui ont des effets nécrosants et peuvent provoquer une nouvelle activation de la phosphorylase.

- LES MÉDIATEURS D’ORIGINE PLASMATIQUE

Ils parviennenent dans le foyer avec le liquide d’oedème et n’interviennent donc qu’après les précédents.

SYSTÈMES DES KININES

Ce système comporte au moins 3 polypeptides dont le plus connu est la bradykinine , ainsi nommée parce qu’elle provoque une contraction lente du muscle lisse.

Formation des Kinines

Le Kininogène plasmatique arrivé avec l’oedème inflammatoire est activé en Kinine par la Kallicréine. Celle-ci se trouve dans certains tissus, le plus souvent elle dérive elle-même d’une prékallicréine plasmatique activée par le facteur XII. La durée de vie des Kinines est très courte.

Action des Kinines

Elles ont une action vasomotrice plus intense et plus prolongée que celle de l’histamine. Elles provoquent des douleurs lorsqu’on les met au contact d’une plaie. Elles facilitent la diapédèse en augmentant l’adhérence des polynucléaires à l’endothélium des veinules post-capillaires. Elles peuvent activer la phosphorylase.

SYSTÈME DU COMPLEMENT

C’est un système aussi complexe que celui des dérivés de l’acide arachidonique. Le complément est un facteur sérique constitué de multiples fractions qui s’activent et s’inactivent successivement en interférant avec le facteur XII.

Parmi les fractions qui interviennent dans l’inflammation: le C3B a des activités opsonisantes, le C3A et le C5A ont des activités chimiotactiques et peuvent provoquer la drégranulation des mastocytes, le C8 et le C9 provoquent des lésions cellulaires et une nouvelle agression.

FACTEURS DE LA COAGULATION Le facteur XII

enzyme activé par les complexes immuns est au carrefour de plusieurs systèmes: Kinines, complément, coagulation sanguine.

Les fibrinopeptides

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et les produits de dégradation de la fibrine ont un effet chimiotactique sur les polynucléaires et une activité vasodilatatrice.

- MÉDIATEURS LIBÉRÉS PAR LES CELLULES DU GRANULOME

ENZYMES ET MÉTABOLITES DES POLYNUCLÉAIRES Formation

Ces facteurs se répandent autour du phagocyte au moment de la phagocytose ou sont libérés dans le foyer inflammatoire par la lyse des polynucléaires morts.

Nature et action

Ces médiateurs sont:

Des radicaux peroxydes

dont nous avons vu l’activité nécrosante et l’activité sur la phosphorylase.

Les protéases

acides et neutres qui peuvent lyser la fibrine, les membranes basales, le collagène et les fibres élastiques. Ces protéases peuvent également activer d’autres médiateurs.

Les polynucléaires

et les médiateurs qui en proviennent ont un rôle essentiel dans leprocessus inflammatoire. Ceci est bien démontré a contrario par les anomalies considérables de la réaction inflammatoire que l’on observe en cas d’agranulocytose.

pas de phagocytose, pas d’afflux de monocytes ni de lymphocytes, pas de nécrose tissulaire.

LYMPHOKINES ET MONOKINES

Ce sont des facteurs solubles libérés par les lymphocytes et les monocytes. Les principales sont listés dans le tableau ci-après:

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Fig 9- Principales cytokines. Celles qui jouent un rôle important dans l’inflammation sont encadrées.

Lymphokines

Elles sont très nombreuses (Fig 9)

La plupart interviennent dans les phénomènes immunitaires telles les interférons et le facteur de transfert.

D’autres sont actives sur les cellules voisines et interviennent dans la composition et les variations du granulome:

Facteurs chimiotactiques pour monocytes, polynucléaires neutrophiles et éosinophiles. Modificateurs du comportement du macrophage (activateur, inhibiteur de la migration du macrophage).

Monokines

Elles jouent un rôle important dans la réparation en stimulant la prolifération des capillaires et des fibroblastes.

- INTERACTIONS DES DIFFERENTS MÉDIATEURS

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On aura pu voir à la lecture de ce qui précède que la plupart des médiateurs ont à la fois une action directe sur les vaisseaux ou les cellules du foyer inflammatoire et une action indirecte d’activation d’autres médiateurs. On aura remarqué aussi que la plupart des médiateurs peuvent apparaître successivement plusieurs fois dans le foyer inflammatoire. Le processus inflammatoire pourrait donc être un véritable cercle vicieux s’il n’y avait pas dans le foyer à la fois des médiateurs actifs et leurs antagonistes.

Il est manifeste également que pour chacun des évènements de la séquence morphologique de l’inflammation, on a pu mettre en évidence plusieurs médiateurs actifs faisant partie de systèmes différents.

Il est probable que pour chacun des phénomènes du processus inflammatoire un ou plusieurs médiateurs sont prépondérants. Les hypothèses que l’on fait actuellement sont les suivantes:

La vasodilatation

est surtout le fait des prostaglandines.

L’hyperperméabilité vasculaire

est surtout due à l’histamine et aux C3A et C5A qui dégranulent les mastocytes. La bradykinine, le PAF et certains leucotriènes interviennent également.

Pour le chimiotactisme

l’agent le plus puissant actuellement connu est le leucotriène B4; les cytokines (Il-8 et TNF) et C5A interviennent également.

Les effets généraux

de l’inflammation et notamment la fièvre sont provoqués par les l'Il-1 et l'interféron.

La douleur

des lésions inflammatoires est due aux prostaglandines (PGE2) et aux Kinines.

Les lésions tissulaires et cellulaires

secondaires à l’inflammation sont dues aux enzymes lysosomiaux des phagocytes et aux radicaux peroxydes.

- INFLAMMATION ET IMMUNITÉ

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Les réactions inflammatoires et les phénomènes immunitaires sont étroitement liés. Certaines des images observées au cours du processus inflammatoire sont l’expression de phénomène immunitaires et nous avons vu le rôle des complexes immuns et des lymphocytes T dans la physiopathologie de l’inflammation.

Dans certains cas particuliers, les liens entre inflammation et immunité sont particulièrement étroits. On peut envisager trois grands cadres:

Les réactions d’hypersensibilité, autrefois appelées inflammations allergiques, dans lesquelles c’est un conflit immunitaire qui déclenche la réaction inflammatoire. Les rejets de greffe, qui sont un cas particulier de réaction d’hypersensibilité. Les rapports entre les défaillances immunitaires et l’inflammation.

- LES RÉACTIONS D’HYPERSENSIBILITÉ

Les réactions d’hypersensibilité ont des caractères morphologiques qui permettent de les identifier. Il y en a 4 types différents.

TYPE I: HYPERSENSIBILITÉ ANAPHYLACTIQUE OU DE TYPE IMMÉDIAT

C’est une réaction d’apparition rapide liée à la combinaison d’un antigène et d’un anticorps, attaché aux mastocytes ou aux polynucléaires basophiles, chez un individu sensibilisé à cet antigène (fig 10)

Fig 10 - Schéma de l’activation des mastocytes au cours de l’hypersensibilité de type I. La fixation de l’antigène sur l’IgE déclenche des signaux de dégranulation, libérant les médiateurs préformés (primaires), mais également l’activation de la phospholipase A2, ainsi que la synthèse de cytokines (médiateurs secondaires)

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Chez l’homme, les anticorps qui interviennent sont des IgE ou réagines qui se fixent de façon élective sur la membrane des mastocytes. Lorsque l’antigène vient se fixer à cet anticorps, il se produit un phénomène de dégranulation active des mastocytes. Ainsi sont libérés dans le milieu extra-cellulaire de l’histamine et divers facteurs chimiotactiques. D’autres médiateurs secondaires sont libérés par les mastocytes: métabolites de l’acide arachidonique, PAF (platelet activating factor), cytokines synthétisées de novo. Le tout se déroule en l’absence de complément. L’expression de cette réaction d’hypersensibilité est de deux types:

Réaction systémique

c’est le choc anaphylactique caractérisé par un oedème laryngé et pulmonaire, une bronchoconstriction et une vasodilatation généralisée. Il peut entrainer un choc mortel en l'absence de traitement (injection d'adrénaline).

Réaction locale

il s’agit des lésions atopiques qui s’observent chez certains sujets ayant une propension anormale à produire des IgE spécifiques. Ici encore, l’image clinique et histologique est dominée par les effets exsudatifs de lhistamine créant une congestion et un oedème parfois riche en éosinophiles (exemples: urticaire, rhinite vaso-motrice); et éventuellement un spasme du muscle lisse (exemple: asthme).

TYPE II: HYPERSENSIBILITÉ CYTOTOXIQUE AVEC ANTICORPS CYTOPHILES

Cette réaction a pour effet la destruction des cellules dont la surface porte des antigènes constitués d’IgG ou IgM. La destruction est liée à la fixation de l’anticorps correspondant qui active le système du complément, ce qui aboutit à la lyse cellulaire ou facilite la phagocytose de ces cellules.

Ce mécanisme est notamment responsables de certaines anémies hémolytiques (accidents de la transfusion sanguine,incompatibilité foeto-maternelle). La traduction morphologique n’est pas celle d’une inflammation; elle est indirecte sous forme d’une hémosidérose.

TYPE III: HYPERSENSIBILITÉ PAR IMMUNS COMPLEXES

Le complexe immun est constitué de la combinaison en proportions variables d’un antigène, exogène ou endogène, et d’un anticorps. Dans certaines circonstances, ces complexes atteignent un certain volume, et peuvent se déposer au niveau des capillaires rénaux, de l’endothélium des petits vaisseaux ou du conjonctif interstitiel.

Il est classique d'en distinguer deux types: les maladies par complexes immuns avec excès d'anticorps, qui entrainent une lésion focale localisée à un organe, et celles avec excès d'antigènes, provoquant une atteinte systémique.

maladies avec excès d'anticorps

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le modèle expérimental est le phénomène d'Arthus . L'injection locale d'antigènes chez un animal immunisé entraine la précipitation locale de dépots immuns. Il se produira alors au point d'injection une réaction inflammatoire liée en grande partie à l’activation du complément (fig 11). La lésion histologique la plus évocatrice est une lésion de vasculite avec présence dans la paroi des vaisseaux de dépôts d’aspect fibrinoïde, constitués d’un mélange d’immuns complexes, de fibrine et de tissus nécrosés au cours de la réaction inflammatoire induite. En clinique, on peut en rapprocher le poumon de fermier, les antigènes provenant de moisissures du foin.

maladies avec excès d'antigènes

le modèle expérimental est celui de la maladie sérique .Le processus est généralisé, et les complexes se déposent (ou sont formés in situ) dans de nombreux territoires: maladie du sérum (se voyait notamment après sérothérapie antitétanique), lupus érythémateux disséminé, certains vasculites systémiques, certaines glomérulonéphrites.

Fig 11- Maladie par complexes immuns circulants. Elle se déroule en trois phases:

1) formation des complexes, 2) dépôt des complexes sur l’endothélium, favorisé par l’activation des mastocytes qui augmente la perméabilité capillaire, 3) déclenchement de la réction inflammatoire après l’activation du complément, aggrégation plaquettaire, afflux de polynucléaires, nécrose de la paroi vasculaire.

TYPE IV: HYPERSENSIBILITÉ RETARDÉE

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C’est l’hypersensibilité à médiation cellulaire (fig 12).

Elle résulte essentiellement de l’action locale des lymphocytes sensibilisés à un antigène présent au lieu de la réaction. Ces lymphocytes peuvent détruire les cellules ou agir en sécrétant des lymphokines, qui vont induire un autre phénomène: la formation de granulomes histiocytaires d’aspect variable, souvent tuberculoïdes.

Il s’agit d’un processus lésionnel observé dans de multiples circonstances:

granulomes infectieux (notamment les mycobactéries), certains accidents de sensibilisation à un antigène extrinsèque (par exemple la bérylliose est une maladie d’hypersensibité vis-à-vis d’un métal: le béryllium) cuti-réaction à la tuberculine,

Fig 12 - Schéma des évènements cellulaires au cours de l’hypersensibilité de type IV. Le lymphocyte CD4 activé par le contact avec l’antigène, sécrète l’Il-2 (sécrétion autocrine) qui va recruter d’autres lymphocytes CD4. La sécrétion de TNF provoque la diapédèse des monocytes qui vont gagner le lieu de l’agression. La sécrétion d’interféron gamma entraine la multiplication des macrophages, et leur transformation en cellules épithélioïdes et en cellules géantes pour réaliser un granulome épithélioïde. Celui-ci comporte également quelques lymphocytes et des fibroblastes qui élaborent des quantités variables de collagène.

- LES RÉACTIONS AUX GREFFES

L’inflammation induite par les greffes est un exemple quasi-expérimental de processus inflammatoire induit par un conflit immunitaire. Les seules réactions intéressantes en pratique en pathologie humaine, sont les réactions aux allogreffes. On a pu les étudier en détail à propos des greffes du rein.

Ces réactions sont d’intensité variable selon le degré de compatibilité immunologique entre le donneur et le receveur. L’aspect morphologique et la physiopathologie de la

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réaction de rejet sont différents selon le délai qui s’écoule entre la greffe et le rejet. On décrit ainsi un rejet suraigu, un rejet aigu et un rejet chronique.

REJET SURAIGU

Il se manifeste dans les minutes ou les heures qui suivent la greffe. Il est lié à la formation de complexes immuns entre les antigènes du rein greffé et des anticorps circulants préexistants chez le receveur. La recherche d’anticorps ("cross match") est d’ailleurs obligatoire avant la greffe et doit éviter ce type de réaction de rejet.

Les complexes immnums ainsi formés se déposent au niveau de l’endothélium vasculaire entraînant rapidement une thrombose et des lésions de vasculite qui sont un exemple de ce que nous avons décrit ci-dessus, comme lésions d’hypersensibilité du type III. Ces lésions vasculaires ont pour conséquence une ischémie aigüe qui aboutit à la destruction très rapide du rein.

LE REJET AIGU

Il se voit dans les jours ou semaines suivant la greffe mais peut être différé par un traitement immuno supresseur et n’apparaître que lorsque celui-ci est interrompu. Il peut avoir deux formes différentes:

Infiltration lymphocytaire interstitielle

avec destruction éventuelle des cellules épithéliales tubulaires, par mise en jeu de l’immunité cellulaire.

Lésions de vasculite

avec infiltration des parois vasculaires par des éléments inflammatoires, et thromboses, par mise en jeu de l’immunité humorale. Dans le cas de vasculite, il y a le plus souvent des infiltrats lymphoïdes interstitiels associés.

LE REJET CHRONIQUE

C’est le plus souvent l’aboutissement d’un ou de plusieurs épisodes de rejet aigu ayant rétrocédé plus ou moins complètement sous traitement immuno-suppresseur. Les lésions les plus importantes sont des lésions d’endartérite proliférante qui aboutissent à une ischémie rénale chronique.

RÉACTION DU GREFFON CONTRE L’HÔTE

On l’observe dans les greffes de moelle hématopoïétique. Dans ce cas, la population cellulaire greffée comporte nécessairement des cellules immunologiquement compétentes qui vont développer une réaction immunitaire contre les tissus du receveur, et notamment contre son tissu lymphoïde, ce qui comporte un risque de défaillance immunitaire ultérieure.

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- DÉFAILLANCE IMMUNITAIRE ET INFLAMMATION

C’est un très vaste sujet dont on ne peut dire ici que quelques mots.

LES RÉACTIONS INFLAMMATOIRES CHEZ LES IMMUNO-DEPRIMÉS

certains types d’immuno-dépression, qu’elle soit innée, qu’elle résulte d’une maladie ou qu’elle soit provoquée par une thérapeutique, s’accompagnent d’une sensibilité accrue aux infections avec des réactions inflammatoires incomplètes dont les granulomes seront anormaux par l’absence de plasmocytes, de lymphocytes ou de macrophages, ou l’absence de polynucléaires.

D’AUTRES ANOMALIES IMMUNITAIRES

ont pour conséquence l’apparition de maladies auto-immunes dans lesquelles l’organisme dirige une réaction immunitaire contre ses propres constituants perçus comme étrangers. Ces maladies peuvent se manifester par des dépôts de complexes immuns avec une image qui se rapproche de celle d’une hypersensibilité de type III ou par des granulomes lymphocytaires et plasmocytaires proches d’une hypersensibilité de type IV.

- VARIÉTÉS ANATOMO-CLINIQUES ET ÉVOLUTIVES DE L’INF LAMMATION

La réaction inflammatoire schématique qui a été décrite présente des variations qui sont liées à trois ordres de facteurs:

l’agent déclenchant de la réaction inflammatoire l’organe où elle se déroule, le terrain et particulièrement le statut immunitaire de l’hôte.

Ces variations sont si nombreuses qu’il existe de multiples formes anatomo-cliniques de l’inflammation, selon la prépondérance de l’une des phases décrites dans les pages précédentes.

- INFLAMMATIONS EXSUDATIVES

Il s’agit d’inflammations dans lesquelles les lésions principales et parfois exclusives sont la congestion, l’oedème et l’afflux de polynucléaires dans le tissu conjonctif ou dans une cavité séreuse.

Ces lésions qui sont celles de la phase vasculo-sanguine de l’inflammation sont habituellement associées mais l’une d’entre-elles peut prédominer nettement.

INFLAMMATION CONGESTIVE ET OEDÉMATEUSE

Le processus inflammatoire se résume pratiquement à la congestion et à l’oedème.

Exemples: congestion et tuméfaction de la muqueuse nasale dans le rhume, brûlure de premier degré, réaction d’hypersensibilité de type I.

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oedème pulmonaire infectieux. INFLAMMATION HÉMORRAGIQUE

Dans ce cas, l’accroissement de la perméabilité capillaire a pour conséquence un oedème et une importante fuite d'hématies hors des capillaires.

Exemples: purpura des maladies infectieuses et des vascularites oedème pulmonaire hémorragique de la grippe glomérulonéphrite hématurique.

INFLAMMATION FIBRINEUSE

L’exsudat est ici particulièrement riche en fibrinogène qui va coaguler dans le foyer inflammatoire ou à sa périphérie, à la surface d’une ulcération ou d’une séreuse.

Exemple: angine à fausses membranes de la diphtérie alvéolite fibrineuse de la pneumonie à pneumocoques pleurésie fibrineuse: l’exsudat épanché dans la cavité pleurale peut contenir beaucoup de fibrine et peu de liquide: c’est une pleurésie fibrineuse cliniquement "sèche", ou contenir beaucoup de liquide et relativement peu de fibrine: c’est alors une pleurésie séro-fibrineuse.

La détersion de la fibrine est nécessaire pour que la pleurésie puisse guérir sans séquelles. La fibrine doit être lysée par les enzymes des polynucléaires. Si elle n’est pas lysée, elle subit une organisation par une pousse conjonctive qui est l’analogue d’un bourgeon charnu et il peut en résulter une symphyse pleurale comme après un hémo-thorax. Les brides et adhérences péritonéales se constituent par le même mécanisme.

INFLAMMATION PURULENTE OU SUPPURÉE

Dans ce type d’inflammation, le foyer inflammatoire contient de très nombreux polynucléaires altérés (pyocytes) dont la masse, ajoutée au liquide d’oedème et aux débris provenant de la nécrose des tissus préexistants, constitue le pus. Cette inflammation suppurée est le plus souvent d’origine microbienne et secondaire à une infection par des germes pyogènes; elle peut cependant être aseptique.

Pustule

c’est l’accumulation de pus dans l’épaisseur de l’épiderme ou sous l’épiderme décollé.

Abcès

c’est l’accumulation de pus dans une cavité néoformée par la nécrose et la liquéfaction des tissus préexistants. Cette nécrose survient sous l’influence des enzymes protéolytiques des polynucléaires, et surtout des élastases et des

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collagénases. Lorsque la liquéfaction du tissu nécrosé est achevée, on dit que la suppuration est collectée. En cas de détersion complète, les parois de la cavité résiduelle vont prendre l’aspect d’un bourgeon charnu qui va proliférer pour combler la perte de substance. En cas de détersion absente ou incomplète, le tissu conjonctif périlésionnel subit une évolution scléreuse et forme une coque épaisse autour de la cavité qui sera devenue un abcès chronique ou abcès enkysté.

Phlegmon

c’est une variété rare et grave d’inflammation suppurée qui n’a aucune tendance à rester circonscrite mais diffuse au contraire dans les interstices qui séparent les faisceaux musculaires ou le long des coulées conjonctives des membres. On l’observera lors des infections par certains germes possédant une hyaluronidase qui va dissoudre l’acide hyaluronique de la substance fondamentale et permettre la dispersion de l’infection. C’est le cas pour les streptocoques. Les polynucléaires altérés sont disséminés au sein des tissus, la nécrose tissulaire n’est que parcellaire, il n’y a pas de collection. De ce fait, la détersion est difficile et l’évolution vers la sclérose et la chronicité fréquente.

Empyème

Ce mot désigne les collections purulentes qui ne sont pas des abcès, c’est-à-dire celles qui s’accumulent dans les cavités naturelles . Il est pratiquement tombé en désuétude, remplacé par le nom précis des divers épanchements de ce type.

Exemples: les pleurésies, péritonites, arthrites, sinusites purulentes sont des empyèmes. De même les pyocholécystes, les pyosalpinx, etc.

INFLAMMATION NÉCROTIQUE OU GANGRÉNEUSE

Il s’agit d’inflammations au cours desquelles on observe des zones de nécrose dues à la fois à l’action des germes anaérobies (Clostridium perfringens par exemple, qui possède une puissance collagénase) et à une ischémie. Il peut être difficile de préciser quel est le phénomène initial: une infection bactérienne nécrosante avec thromboses vasculaires secondaires peut réaliser un aspect analogue à celui d’un foyer de nécrose ischémique surinfecté par des germes anaérobies.

Les inflammations gangréneuses sont d’une extrême gravité. On peut citer comme exemples: la gangrène gazeuse par surinfection d’une plaie par des germes anaérobies (elle est devenue rarissime), l’appendicite gangréneuse, la cholécystite gangréneuse.

ÉVOLUTION DES INFLAMMATIONS EXSUDATIVES

En pratique, inflammation exsudative est synonyme d’inflammation aigüe. La plupart d’entre-elles guérissent spontanément; d’autres, autrefois meurtrières (phlegmon, méningite purulente) sont maintenant curables. Certaines, tout spécialement dans le cas de nécrose suppurée non détergée, peuvent évoluer vers la chronicité.

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- INFLAMMATIONS CHRONIQUES

DÉFINITION

On donne ce nom à toute inflammation qui n’a aucune tendance à la guérison spontanée et qui persiste ou s’aggrave indéfiniment, souvent malgré la thérapeutique.

L’INFLAMMATION CHRONIQUE SE CONSTITUE DE PLUSIEURS MANIÈRES DIFFERENTES

Ce peut être la continuation sous une forme modifiée d’une inflammation aigue dont le stimulus causal persiste. L’absence de détersion est un cas particulier de cette éventualité.

Ce peut être la conséquence des récidives répétées d’une inflammation aigue dont chaque épisode laissera des traces histologiquement visibles.

Exemples: Pyélonéphrite chronique par accès répétés de pyélonéphrite aigue. Otite chronique.

La réaction inflammatoire se modifie progressivement au cours des récidives car elle se déroule dans un tissu de plus en plus scléreux et cicatriciel où les réactions exsudatives s’atténuent progressivement.

Ce peut être enfin une inflammation chronique d’emblée: dans ce cas, le stade exsudatif initial est absent ou au moins tout à fait transitoire et complètement méconnu. C’est souvent le cas dans les maladies auto-immunes.

LES INFLAMMATIONS CHRONIQUES ONT EN COMMUN UN CERTAIN NOMBRE DE CARACTÈRES

Les phénomènes exsudatifs sont absents ou modérés. Le granulome inflammatoire ne comporte pratiquement pas de polynucléaires mais essentiellement des lymphocytes et des plasmocytes. Il y a également très souvent des éléments de la lignée monocytaire sous forme de macrophages. Ce granulome s’accompagne de lésions de sclérose dont l’importance varie selon l’étiologie et selon les individus. Cette sclérose caractéristique de la chronicité est liée au moins partiellement à l’action des monokines secrétées par les macrophages qui stimulent l’angiogénèse et la synthèse de collagène par les fibroblastes.

LE TERME D’INFLAMMATION SUB-AIGÜE

correspond à un ensemble hétérogène qui n’a de réalité que clinique. En effet, il peut désigner soit une inflammation aigüe qui s’atténue lentement avant de guérir, soit une inflammation aigüe qui va évoluer vers la chronicité, soit une inflammation chronique débutante. Appliqué à certaines maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, il désigne des maladies chroniques dans leur essence mais présentant des phénomènes exsudatifs au cours des poussées de leur évolution.

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- VARIÉTÉS ÉTIOLOGIQUES DE L’INFLAMMATION

Le processus inflammatoire subit des variations en fonction de son étiologie et notamment du pouvoir antigénique des divers agents pathogènes. Ceci sera illustré par l’étude de 3 exemples choisis parmi bien d’autres:

l’inflammation tuberculeuse, les inflammations virales, les inflammations à corps étrangers.

- INFLAMMATION TUBERCULEUSE

C’est l’inflammation produite dans l’organisme par l’action du Mycobacterium tuberculosis ou bacille de Koch (BK). Elle va évoluer selon le schéma de base de l’inflammation.

phénomènes exsudatifs, constitution d’un granulome, détersion, cicatrisation.

Son évolution spontanée est particulière par sa lenteur, l’existence de poussées exsudatives répétées et par la réaction immunitaire qu’elle entraîne.

Le plus souvent, la tuberculose siège dans le poumon.

PHASE EXSUDATIVE DE LA TUBERCULOSE L’inflammation tuberculeuse

débute par des phénomènes de congestion, d’oedème et d’afflux de polynucléaires qui n’ont rien de particulier, sinon la présence au sein des lésions d’un grand nombre de BK identifiables sur la lame histologique par la coloration de Ziehl.

Au cours de cette phase exsudative, il n’y a jamais de suppuration mais il se produit, de façon inconstante, une lésion particulière de nécrose cellulaire et tissulaire, la nécrose caséeuse.

La survenue de la nécrose caséeuse,

l’étendue de la zone nécrosée dépendent du statut immunitaire du malade; la zone nécrosée ne représente le plus souvent qu’une partie du foyer inflammatoire tuberculeux.

Cette nécrose caséeuse, ou caséum, est une lésion caractéristique: macroscopique ment , c’est une lésion limitée, d’aspect blanc-jaune, semblable à du fromage blanc, de consistance ferme ou molle, parfois liquide, histologiquement , c’est une plage éosinophile, anhiste, au sein de laquelle tous les éléments tissulaires et cellulaires préexistants ont disparu.

LE GRANULOME TUBERCULEUX

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Après la phase exsudative va se constituer le granulome inflammatoire. Celui-ci apparaît autour du foyer de nécrose caséeuse, s’il y en a un, ou au sein même du foyer exsudatif initial si celui-ci ne s’est pas nécrosé. Les polynucléaires disparaissent rapidement de la lésion et le granulome tuberculeux est essentiellement constitué par des lymphocytes et des histiocytes d’aspect particulier.

On appelle ces histiocytes cellules épithélioïdes car ils ont subi une transformation qui leur donne une vague ressemblance avec des cellules épithéliales. Ce sont des cellules allongées à cytoplasme éosinophile et à noyau vésiculeux. Elles peuvent fusionner pour former des cellules géantes ayant jusqu’à plusieurs dizaines de noyaux. Ceux-ci sont typiquement disposés en fer à cheval en périphérie d’un cytoplasme éosinophile comme celui des cellules épithélioïdes. Ces cellules géantes de la tuberculose portent le nom de cellules de Langhans.

Dans les cas typiques, cellules épithélioïdes et cellules géantes, sont groupées en nodules de 300 à 500 microns de diamètre entourés de lymphocytes et que l’on appelle des follicules tuberculeux .

Ce granulome n’est pas lié directement à la présente de BK. C’est l’expression d’une réaction d’hypersensibilité de type IV. On l’observe au point d’injection de la tuberculine chez les sujets sensibilisés. L’antigène responsable de cettehypersensibilité n’est pas clairement identifié. Une conséquence importante de la participation du système immunitaire dont témoigne le granulome, est l’acquisition d’une " résistance ", due à l’activation des macrophages dont les capacités de phagocytose et de bactéricidie sont augmentées.

Fig 13. Schéma illustrant les deux conséquences de l’immunisation au cours de la maladie tuberculeuse. Les antigènes du BK, après phagocytose par un macrophage, sont présentés par le CMH II à un lymphocyte T4. Les cytokines de celui-ci induisent d’une part la formation d’un granulome

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épithélioîde (qui peut subir une nécrose caséeuse), et d’autre part l’activation de macrophages (support de la résistance).

L’ÉVOLUTION DE L’INFLAMMATION TUBERCULEUSE

En principe, elle devrait évoluer vers la cicatrisation scléreuse comme toute infection dont les granulomes sont riches en histiocytes. Deux particularités de l’affection modifient cependant cette évolution théorique, ce sont:

les poussées de la maladie, la présence éventuelle dans le foyer inflammatoire de caséum.

La maladie présente des poussées successives

au cours desquelles peuvent se constituer de nouvelles lésions exsudatives qui vont évoluer pour leur propre compte avec ou sans nécrose caséeuse. Un poumon atteint de tuberculose chronique présente donc un très grand polymorphisme lésionnel avec des lésions d’âge différent, juxtaposées ou dispersées dans le poumon.

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Fig 14 - Schéma de l’évolution des lésions tuberculeuses. Dans cet exemple, l’infection a lieu dans le poumon. L’aspect des lésions est différent selon qu’il y ait eu caséification ou non.

Le caséum

présent dans le foyer inflammatoire doit être détergé ou se calcifier pour que la maladie guérisse.

La détersion du caséum

La détersion interne par les macrophages est absolument inefficace pour faire

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dispara"tre le caséum, sauf s’il s’agit de lésions microscopiques. La détersion par évacuation à l’extérieur est possible au terme d’un processus complexe qui commence par le ramollissement du caséum: la nécrose prend alors une consistance liquide, les polynucléaires y affluent et les BK s’y multiplient de façon très active. Le caséum ramolli s’élimine ensuite de façon variable selon le siège de la lésion. Si la lésion est pulmonaire le caséum va pouvoir s’éliminer par un conduit naturel, c’est-à-dire par une bronche. Il persiste après l’évacuation du caséum une cavité que l’on appelle une caverne, qui va se fermer secondairement. Si la lésion est située sous la peau ou sous une muqueuse, le caséum s’avacue à travers la surface, ce qui laisse une ulcération à bords décollés (ulcération de la tuberculose intestinale).

Si la lésion se trouve dans un organe dépourvu de conduits excréteurs, il va se former une tuméfaction fluctuante analogue cliniquement à un abcès mais n’entra"nant ni douleurs, ni fièvre. C’est un abcès froid. Si cet abcès froid est à proximité de la peau, il va s’ouvrir par une fistule qui assurera une détersion incomplète. Exemple: abcès froid ganglionnaire cervical dont la fistulation constitue les écrouelles. Dans le cas d’abcès froid profond, le caséum ramolli peut migrer à distance en suivant les plans anatomiques. Exemple: abcès froid migrant dans la graine du psoas à partir d’une tuberculose rachidienne.

La calcification du caséum

Le caséum qui ne s’est pas ramolli va persister indéfiniment dans l’organisme en subissant de lentes modifications physico-chimiques qui vont aboutir à sa calcification progressive. Ce phénomène demande plusieurs années chez l’adulte: il est plus rapide chez l’enfant. Il s’accompagne d’une diminution progressive du nombre des BK qui persistent dans la nécrose.

Les antibiotiques antituberculeux

sont très actifs sur les lésions exsudatives riches en bacilles et bien vascularisées et préviennent les poussées successives de la maladie. Par contre, les antibiotiques pénètrent mal dans le caséum qui n’est pas vascularisé.

- INFLAMMATIONS VIRALES

Les virus sont sans doute de très loin la cause la plus fréquente des réactions inflammatoires observées en clinique humaine.

INFLAMMATION VIRALE EXSUDATIVE

Dans la grande majorité des cas d’infection virale apparente, les virus provoquent une réaction exsudative bénigne déclenchée par la nécrose des cellules où s’effectue la replication virale. Cette réaction exsudative est généralement pauvre en polynucléaires et n’est jamais suppurée en l’absence de surinfection bactérienne.

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Celle-ci est fréquente car l’infection virale diminue les défenses antibactériennes et déprime en particulier les capacités des phagocytes.

Exemple: inflammation congestive et oedémateuse de la muqueuse trachéo-bronchique, déclenchée par la nécrose des cellules de l’épithélium respiratoire infestées par un virus parainfluenzae.

INFLAMMATION VIRALE À MÉDIATION IMMUNITAIRE

Dans certaines circonstances beaucoup plus rares, l’infestation virale est cause d’une réaction inflammatoire par un mécanisme indirect immun.

L’antigène viral

peut former avec l’anticorps correspondant des complexes immuns qui vont se déposer dans les vaisseaux provoquant une réaction inflammatoire analogue à celle de l’hypersensibilité de type III. Un exemple est fourni par l'hépatite virale B chronique: le portage durable d'antigène HBs peut s'accompagner d'une vascularite systémique à type de périartérite noueuse.

Les cellules

exprimant à leur surface l’antigène viral peuvent être détruites par les lymphocytes T sensibilisés.

MORPHOLOGIE DES CELLULES INFESTÉES PAR LES VIRUS

Les cellules infestées par un virus ont un aspect extrêmement variable.

Aspect normal

en histologie conventionnelle. L’antigène viral est cependant présent et peut être détecté par immunohistochimie si l’on dispose de l’anticorps correspondant.

Aspect de souffrance ou de lyse

allant jusqu’à la mort cellulaire par ballonisation . Cette image peut s’observer en l’absence de toute réaction inflammatoire dans les cellules épithéliales des papillomes et des condylomes viraux.

Présence d’inclusions diverses

Exemples: corps de Négri des neurones de la corne d’Ammon dans la rage; inclusions intranucléaires du cytomégalovirus, inclusions cytoplasmiques en "verre dépoli" dans l'hépatite B, etc…

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Formation de cellules géantes

par fusion d’éléments histiocytaires ou épithéliaux:

rougeole, virus respiratoire syncitial, herpès virus.

Les signes de l’infestation virale peuvent être mis en évidence par certains examens cytologiques:

Exemples: diagnostic de condylome (lésion due au papilloma virus humain: HPV), ou d’infection génitale herpétique par frottis cervico-vaginaux.

- INFLAMMATIONS À CORPS ÉTRANGERS

La présence de corps étrangers dans les tissus peut être le facteur déclenchant d’une réaction inflammatoire. Il y a deux grandes catégories de corps étrangers:

Les corps étrangers exogènes

sont apportés par un traumatisme accidentel ou laissés sur place après une intervention chirurgicale (talc, fils de suture, etc.).

Les corps étrangers endogènes

se forment sur place au sein des tissus aux dépens d’éléments cellulaires ou tissulaires normaux (poils, squames de kératine) ou de débris alimentaire ou fécaux passés dans le péritoine après une perforation digestive, etc.

Les corps étrangers exogènes peuvent être éliminés lors de la détersion du foyer inflammatoire ou au cours du parage d’une plaie. C’est le cas habituel dans le cas de traumatisme. Dans d’autres circonstances, ils persistent car le système phagocytaire est incapable de les détruire, soit en raison de leur taille, soit en raison de leur caractère indigeste.

Les granulomes à cellules géantes

Lorsque les corps étrangers ont un certain volume (squames de kératine, fils de suture, cristaux divers) ils sont entourés par des macrophages qui vont fusionner pour former des cellules géantes. Celles-ci peuvent englober les corps étrangers relativement petits, pour les corps plus volumineux elles se disposent côte à côte à leur surface. Ces cellules géantes de réaction à corps étranger ou cellules de Muller ont des formes bizarres et des noyaux disposés sans ordre dans le cytoplasme, ce qui, en principe, les distingue des cellules géantes de la tuberculose.

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La mobilisation macrophagique qui constitue l’essentiel de la réaction à corps étranger coexiste le plus souvent avec un granulome lymphocytaire et plasmocytaire. Elle s’associe généralement à une sclérose importante. Elle peut n’être qu’un élément d’un ensemble lésionnel complexe coexistant par exemple avec des lésions de suppuration dans le cas d’une plaie septique souillée de débris. Sclérose et granulome peuvent constituer une pseudotumeur .

Fig 15 - Deux types de cellules géantes peuvent s’observer dans une réaction inflammatoire: les cellules de Langhans, avec leur couronne de noyaux caractéristique, s’observent dans l’hypersensibilité de type IV, où intervient l’interféron. Les autres ne sont pas dues à une sensibilisation; leur formation est notamment déclenchée par l’interleukine 4.

Tous les corps étrangers n’induisent pas une réaction histologique à cellules géantes. Dans certains cas, le corps étranger est de petite taille et son englobement est possible par un macrophage isolé. Ceci est manifeste dans l’exemple de la silice.

Les réactions à la silice

L’inclusion traumatique sous la peau de petits gravillons ou de débris de verre aboutit à une réaction à cellules géantes tout à fait typique.

Par contre, l’inhalation de fines particules de silice de l’ordre du millième de millimètre entraine des phénomènes tout à fait différents. Les particules parvenues au niveau des alvéoles pulmonaires seront phagocytées par un macrophage alvéolaire. Non seulement ces particules sont absolument insensibles aux enzymes lysosomiaux mais de plus, elles ont une action toxique lente qui va tuer le macrophage. Cette destruction du macrophage est le point de départ d’une réaction qui aboutit au recrutement de nouveaux macrophages qui seront eux-mêmes détruits.

Certains des macrophages qui ont ingéré les particules de silice vont migrer avec leur contenu par voie lymphatique et venir se bloquer dans les ganglions médiastinaux où se produira la même réaction inflammatoire. Les macrophages attirés au contact des particules de silice produisent des substances qui stimulent la synthèse du collagène et l’inhalation de silice finit ainsi par provoquer, après une

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évolution plus ou moins longue, des nodules scléreux pauvres en fibroblastes au sein desquels persisteront des particules de silice.

Chez certains sujets, si l’inhalation est abondante, les lésions de sclérose pulmonaire peuvent être très graves et entrainer la mort par insuffisance respiratoire. C’est la silicose , variété de pneumoconiose : maladie pulmonaire induite par l’inhalation de poussières.

- CONTRIBUTION DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE AU DIAGNO STIC ÉTIOLOGIQUE DES INFLAMMATIONS

- PARTICULARITÉS HISTOLOGIQUES LIÉES À L’ÉTIOLOGIE

Dans une certaine mesure, l’image histologique dépend de l’étiologie du processus inflammatoire et pendant des décennies les efforts des pathologistes ont eu pour but de décrire des lésions particulières liées à une cause déterminée et qui soient spécifiques de cette cause. Cette question a perdu beaucoup de son intérêt avec les progrès de la bactériologie, de la virologie et de la séro-immunologie.

Dans un certain nombre de cas cependant, l’examen histopathologique peut préciser l’étiologie d’un processus inflammatoire et ceci dans deux circonstances principales:

celle où l’on peut identifier sur la lame l’agent pathogène, celle où le granulome a des caractères particuliers.

IDENTIFICATION DE L’AGENT PATHOGÈNE

Celui-ci peut être directement visible sur la préparation histologique. C’est le cas de certains parasites ou de leur oeufs (schistosomes, amibes, embryons hexacanthes de ténia échinocoque, etc.) de certains champignons pathogènes, de certaines bactéries. La coloration de Ziehl peut ainsi être faite sur une préparation histologique pour identifier des bacilles acido-alcoolo-résistants.

L’infestation virale peut également être détectable par l’observation d’inclusions virales en histologie conventionnelle, par l’identification de l’antigène viral dans les cellules par immunohistochimie ou la découverte de particules virales au microscope électronique.

Les résultats de cette identification sont plus ou moins précis; il arrive que l’on fasse un diagnostic étiologique formel si l’agent pathogène a une morphologie parfaitement caractéristique ou des propriétés antigéniques détectables. Il peut arriver aussi qu’on démontre la présence d’un agent pathogène sans pouvoir affirmer qu’il est responsable des lésions observées.

Les corps étrangers qui provoquent des réactions inflammatoires sont visibles sur les préparations histologiques. Leur identification précise est parfois possible.

LES CARACTÈRES DU GRANULOME

La prédominance ou la présence exclusive de plasmocytes ou de lymphocytes dans le granulome est un élément d’orientation. Cependant, la seule cellule dont la

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morphologie puisse varier est l’histiocyte qui selon les cas se présentera comme macrophage, lipophage, sidérophage, cellule épithélioïde, cellule géante. Il existe ainsi des cellules histiocytaires de morphologie particulière caractéristiques de certaines maladies infectieuses, telle la lèpre, la typhoïde ou le rhinosclérome. Ces cas particuliers n’ont que peu d’intérêt pratique.

En pratique, le problème du diagnostic étiologique des inflammations granulomateuses est celui de l’étiologie des granulomes tuberculoïdes.

On a mentionné, à propos de la tuberculose et de l’hypersensibilité de type IV une variété particulière de granulome constitué d’histiocytes épithélioïdes, de cellules géantes et de lymphocytes. Ce granulome épithélioïde a longtemps été considéré comme spécifique de la tuberculose, alors qu’il est en fait le témoin d’une variété particulière de réaction immunitaire d’hypersensibilité retardée dans laquelle les lymphocytes T activés secrètement des lymphokines actives sur les macrophages.

Les stimuli antigéniques qui peuvent être responsables d’une image de granulome épithélioïde sont finalement extrêmement divers.

Outre les cires de la capsule du BK et la tuberculine, on peut citer:

Des agents infectieux

pasteurella, brucella, champignons tel l’Histoplasma capsulatum, chlamydiae, oeufs de parasites (schistosomes), etc.

Des substances chimiques

sans rapport avec un processus infectieux:

Phospholipides, qu’ils proviennent de la nécrose de cellules adipeuses ou de la nécrose de cellules sébacées (acné rosacée) ou qu’ils soient élaborés par des cellules tumorales (séminome - goniome). Métaux lourds: Berrylium, Zirconium. Pneumallergènes: pneumopathie granulomateuse (cf. infra).

Il est enfin des maladies dans lesquelles le stimulus antigénique responsable de la réaction tuberculoïde demeure inconnu, c’est le cas de la maladie de Besnier-Boeck-Schaumann (B.B.S. ou sarcoïdose).

- ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE

Les lésions de granulome épithélioïde et giganto-cellulaire dont nous avons vu les étiologies multiples sont d’observation assez courante sur divers prélèvements et seront souvent mentionnées dans les comptes rendus d’examens anatomo-pathologiques. Il est donc important de préciser le sens de certains mots.

INFLAMMATION GRANULOMATEUSE

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Le terme de granulome désigne l’ensemble des éléments cellulaires présents dans un foyer inflammatoire. Dans le cas particulier du granulome épithélioïde et giganto-cellulaire, on parlera de granulome tuberculeux si l’on a la preuve de la tuberculose, et de granulome tuberculoïde si le diagnostic de tuberculose apparaît improbable.

En Anglais et en Américain cependant, le terme de granulome a un sens restrictif et désigne uniquement les granulomes histiocytaires et particulièrement le granulome épithélioïde avec ou sans cellules géantes. L’adjectif granulomateux a subi une contamination à partir de la littérature anglo-américaine et désigne actuellement de plus en plus les affections où l’on observe des granulomes épithélioïdes. Exemples: pneumopathie granulomateuse, hépatite granulomateuse.

INFLAMMATION SPÉCIFIQUE

L’habitude est restée d’employer le terme d’inflammation (ou de granulome) spécifique pour désigner le granulome tuberculoïde. Il faut cependant bien voir que l’image histologique n’est plus qu’un des éléments de la discussion qui va permettre un diagnostic étiologique. Celui-ci dépend finalement des données de l’anamnèse, de la clinique, de la bactériologie et des réactions séro-immunologiques, confrontées aux données de l’anatomie pathologique. Le champ des hypothèses de l’anatomo-pathologiste se rétrécit si les renseignements cliniques qui lui sont fournis sont précis. C’est ainsi, par exemple, que la notion d’une cuti-réaction négative fera rejeter le diagnostic de tuberculose, que l’indication d’une origine ethnique particulière pourra faire évoquer une mycose ou une parasitose, etc.

Le siège du prélèvement a également son importance. La présence de granulomes tuberculoïdes au niveau de la plèvre est une quasi-certitude de tuberculose, alors qu’au niveau du foie il y a plusieurs dizaines d’étiologies possibles.

Un autre élément peut intervenir dans la discussion: le granulome tuberculoïde survient le plus souvent dans un ensemble lésionnel dont les autres éléments ont valeur diagnostique. C’est ainsi que l’association d’un granulome tuberculoïde et d’une lésion de nécrose caséeuse est pratiquement spécifique, au moins en France, de la tuberculose. Par contre, l’association de granulome tuberculoïdes à une nécrose suppurée fait envisager d’autres hypothèses: infections à Chlamydia, pasteurelloses, brucelloses, mycoses).

- PATHOLOGIE TUMORALE.

- GÉNÉRALITÉS SUR LES TUMEURS

L’Anatomie Pathologique des tumeurs a une grande importance à la fois théorique et pratique puisqu’elle est le fondement du diagnostic et de la classification des tumeurs, et qu’elle règle en partie leur pronostic.

- ÉLÉMENTS DE VOCABULAIRE

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Le terme de tumeur est très ancien et il est difficile d’en donner une définition satisfaisante. Le langage courant, le langage médical, le langage des spécialités médicales, lui donnent des sens différents et de plus, le sens du terme a beaucoup varié au cours de l’histoire de la médecine. Initialement, tumeur avait une signification clinique et macroscopique et désignait toute augmentation anormale de volume d’un organe ou d’une partie du corps. Au fur et à mesure que la médecine, la nosologie et l’anatomie pathologique progressaient, on a compris que ces augmentations de volume pouvaient correspondre à des phénomènes très divers. Le champ des tumeurs s’est alors réduit aux proliférations tissulaires excessives.

Toute prolifération tissulaire excessive cependant n'est pas une tumeur puisque certaines proliférations tissulaires sont en fait des phénomènes inflammatoires, des phénomènes dystrophiques ou des malformations.

PROLIFÉRATIONS TISSULAIRES PSEUDO-TUMORALES Une réaction inflammatoire chronique

avec sclérose importante peut simuler une tumeur. On parle parfois dans ce cas de pseudo-tumeur inflammatoire. Exemple: pseudo-tumeur à corps étranger, abcès péri-colique avec réaction scléreuse provoqués par une sigmoïdite diverticulaire et simulant un cancer du colon.

Certaines proliférations tissulaires

notamment au niveau des organes génitaux et des glandes endocrines sont dues à un dérèglement des stimulations hormonales. Il s'agit d'hyperplasies.

Les malformations pseudo-tumorales

que l’on désigne sous le nom d’hamartomes, sont des lésions fréquentes. Il s’agit de proliférations se présentant comme une tumeur et qui résultent d’une anomalie d’organisation du tissu où elles se développent. Les cellules qui prolifèrent ne sont pas néoplasiques, elles sont semblables à des cellules normales mais sont disposées anormalement. On définira donc l’hamartome comme un mélange anormal des cellules normalement présentes dans l’organe où il se développe. Le défaut d’organisation peut n’apparaître qu’au cours de la vie, la lésion n’est pas forcément congénitale, ce qui en rend le diagnostic pratique difficile dans certains cas.

Il y a des hamartomes dans tous les tissus, les plus fréquents de très loin sont les hamartomes cutanés que l’on appelle des naevus. Ce terme ne regroupe pas uniquement les lésions du système mélanique mais également des lésions de l’épiderme, des glandes annexes de la peau, des vaisseaux, etc.

Lorsque l’origine d’une prolifération tissulaire est une malformation, un processus inflammatoire, ou une dystrophie, la prolifération est limitée dans le temps et dans l’espace.

TUMEURS PROPREMENT DITES

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Définition: Une tumeur est une masse tissulaire en excès constituée par une prolifération tissulaire ou cellulaire anormale et théoriquement indéfinie, échappant aux mécanismes de régulation de l’organisme.

Cette définition reste vague: elle n’est pas satisfaisante car elle réunit un grand nombre d’états pathologiques disparates et même foncièrement différents. C’est cependant la définition la moins mauvaise que l’on puisse proposer.

L’idée de prolifération anormale et autonome est exprimée dans le terme de néoplasie (ou néoplasme) utilisé comme synonyme de tumeur avec cependant un sens beaucoup plus restrictif, sans aucune des ambiguités héritées des habitudes du langage et de la tradition macroscopique.

POLYPES - POLYPOSES - KYSTES.

Le mot de polype désigne toute formation en saillie plus ou moins pédiculée à la surface d’une muqueuse. Ceci ne préjuge nullement de sa nature histologique, ni de la physiopathologie de la lésion: au niveau du colon ou du rectum, il existe des polypes hyperplasiques, des polypes inflammatoires, des polypes hamartomateux et des polypes néoplasiques. Le terme de polypose désigne simplement la présence de plusieurs polypes au niveau du même organe.

Kyste désigne dans le langage courant toute cavité ou même toute lésion arrondie. La définition anatomique est précise: un kyste est une cavité anormale possédant un revêtement épithélial plus ou moins reconnaissable, par opposition au pseudo-kyste, cavité sans revêtement épithélial. Ici encore, la définition anatomo-pathologique du kyste ne préjuge pas de sa nature: il existe des kystes dystrophiques (kystes du sein, kystes rétentionnels), des kystes malformatifs qui sont des hamartomes (kystes biliaires) et des kystes néoplasiques qui sont d’authentiques tumeurs (kystes de l’ovaire).

- CLASSIFICATIONS DES TUMEURS

La classification étiologique, qui serait le plus souhaitable, est impossible dans l’ignorance où l’on est de la cause de la plupart des tumeurs. Il existe actuellement deux modes de subdivisions:

subdivision en fonction du pronostic de la tumeur entre tumeur bénigne et tumeur maligne subdivision en fonction de l’histogénèse de la tumeur, c’est-à-dire en fonction de l’aspect du tissu dont elle est formée.

CLASSIFICATION EN FONCTION DU PRONOSTIC DE LA TUMEUR

Elle distingue les tumeurs bénignes et les tumeurs malignes. Il faut cependant préciser d’emblée qu’il n’y a aucun critère histologique qui permette d’affirmer avec certitude la bénignité ou la malignité d’une tumeur dans un cas particulier.

La notion de bénignité est une notion clinique tirée de l’expérience. On l’applique aux lésions dont l’évolution spontanée peut aboutir quelquefois à un accroissement extraordinaire sans conséquences graves pour l’individu qui en est porteur.

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Une tumeur bénigne

est une lésion d’évolution strictement locale, constituée de tissus différenciés, très semblables aux tissus normaux de l’organisme, faits de cellules ne présentant pas d’anomalies morphologiques importantes. La tumeur refoule les tissus au sein desquels elle se développe, sans les détruire, provoquant leur atrophie et leur tassement: il y a souvent un plan de clivage au moins partiel entre la tumeur et la capsule formée par ce tassement des tissus alentour. La tumeur bénigne complètement extirpée est définitivement guérie et ne récidivera pas. Elle n’essaimera jamais à distance.

La tumeur maligne ou cancer

est définie empiriquement comme une tumeur dont l’évolution spontanée est l’envahissement progressif de tout l’organisme et la mort de l’individu qui en est porteur. Elle est constituée par la prolifération d’un clone de cellules ayant des anomalies fonctionnelles et morphologiques. La tumeur envahit les tissus alentour, les infiltre et les détruit sans qu’il y ait de limitation ou de plan de clivage entre tissu tumoral et tissu sain. L’extirpation totale de la tumeur est difficile et le risque est grand de laisser persister autour du foyer opératoire des cellules tumorales qui vont proliférer et donner naissance à une nouvelle tumeur. Celle-ci sera appelée récidive tumorale.

De plus, au cours de son accroissement, la tumeur maligne va faire effraction dans la lumière des veines ou des lymphatiques: des cellules tumorales pénètrent dans la circulation où elles vont migrer, devenant des emboles néoplasiques. Ces emboles sont susceptibles de proliférer à leur point d’arrêt dans un ganglion ou un filtre capillaire pour donner un foyer tumoral analogue au foyer initial: c’est ce que l’on appelle une tumeur secondaire ou métastase tumorale, le foyer initial étant la tumeur primitive ou primaire.

Valeur des critères distinctifs entre tumeur bénigne et tumeur maligne

La plupart de ces caractères distinctifs n’ont pas de valeur formelle. Une tumeur maligne peut avoir les caractères morphologiques de la bénignité. L’inverse est plus rare mais néanmoins possible dans certains cas particuliers.

Une tumeur maligne peut ainsi être constituée de cellules extrêmement différenciées, très semblables à celles d’un tissu normal et ne présentant que de minimes anomalies cytologiques. A l’inverse, certaines tumeurs bénignes ont d’extraordinaires anomalies cellulaires.

Une tumeur maligne peut avoir une croissance lente et refouler les tissus comme le ferait une tumeur bénigne. A l’inverse, certaines tumeurs bénignes sont mal limitées.

La récidive après exérèse chirurgicale est plus fréquente dans les tumeurs malignes; elle peut se voir dans les tumeurs bénignes si l’on a commis l’erreur d’énucléer une

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tumeur qui paraissait encapsulée, ce qui laisse persister des éléments tumoraux dans la plaie.

Pour certaines tumeurs, on parle de malignité limite (border line) car il n'y a pas de critères morphologiques certains pour en fixer le pronostic.

Finalement, le seul critère indiscutable de la malignité d’une tumeur est l’existence de pénétrations vasculaires et de métastases. Ce critère n’a cependant de valeur que s’il est positif.

On peut, en effet, poser en principe: une tumeur bénigne ne donnera jamais de métastase, toute tumeur ayant donné des métastases est maligne, mais le fait qu’une tumeur n’ait pas donné de métastases ne signifie pas qu’elle soit bénigne.

Cas particuliers de la malignité

Certaines tumeurs, sans avoir tous les caractères des tumeurs malignes telles que nous les avons définis, vont néanmoins évoluer comme une tumeur maligne et pourront tuer le malade qui les porte. Il y a diverses catégories de ces tumeurs:

Tumeurs à malignité locale

Ce sont des tumeurs infiltrantes qui détruisent les tissus voisins et ont une forte tendance à récidiver après une exérèse même étendue. Cependant, elles sont constituées de cellules peu anormales et ne donneront pas de métastases.

Deux exemples sont classiques: le fibrome desmoïde ou fibrome envahissant, lésion rare, le carcinome baso-cellulaire de la peau, lésion extrêmement banale qui, laissée à elle-même ou mal traitée, peut dans quelque cas aboutir à d’extraordinaires destructions du visage (carcinome baso-cellulaire térébrant).

Tumeurs à malignité atténuée

Il s’agit ici de tumeurs qui sont malignes mais dont le développement local sera très lent et les métastases d’extérioration tardive. Il peut arriver qu’on les considère cliniquement pendant des mois ou des années comme des tumeurs bénignes. Exemple: cylindrome des glandes salivaires, carcinoïde bronchique.

Tumeurs à malignité potentielle

Ce sont des tumeurs ayant les caractères de la bénignité et sont effectivement bénignes mais dont l’expérience a montré qu’elles peuvent, en l’absence de traitement se transformer en cancer. Les adénomes colo-rectaux, tumeurs épithéliales bénignes, le plus souvent polypeuses, sont des états précancéreux très fréquents.

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CLASSIFICATION HISTOGÉNÉTIQUE

C’est la classification qui donne un nom à la tumeur en fonction de son image histologique, reproduisant plus ou moins fidèlement celle d’un tissu normal, qui est généralement celui qui a donné naissance à la tumeur.

Elle sera exposée en détails dans les chapitres suivants.

IMPORTANCE ET UTILITÉ DE LA CLASSIFICATION DES TUMEURS

Les classifications des tumeurs telles qu’elles existent actuellement ont été établies de façon un peu empirique en tenant compte des critères morphologiques, dont nous avons vu le caractère relatif, et des données de l’expérience clinique que l’on a de l’évolution habituelle des différents types tumoraux.

L’Organisation Mondiale de la Santé a entrepris une classification internationale des tumeurs qui, bien que discutée, apparaît indispensable pour réduire les divergences qui existent entre les différentes traditions nationales. Il est en effet essentiel que les médecins du monde entier aient un langage commun pour désigner les multiples variétés connues de tumeurs.

Ceci a trois utilités principales: juger du degré de malignité des différents types tumoraux, comparer l’efficacité des différentes thérapeutiques dans un type tumoral donné, étudier les fréquences des différents types tumoraux en fonction de l’environnement, des facteurs raciaux, bref d’étudier l’épidémiologie des tumeurs.

- TUMEURS BÉNIGNES

- DÉFINITION

Nous avons vu qu’elle est largement empirique: on appelle tumeur bénigne toutes les tumeurs dont l’évolution spontanée n’entraîne pas la mort du sujet qui en est porteur, sauf dans le cas particulier de complications mécaniques (compression cérébrale par un méningiome) ou endocriniennes (thyrotoxicose, accès hypertensif d’une tumeur surrénalienne, etc..).

C’est pour les tumeurs bénignes que les questions qui se posent à propos des limites du processus tumoral sont les plus difficiles à résoudre. Dans bon nombre de cas, il est réellement impossible de savoir ce qui est néoplasique, ce qui est réactionnel ou même ce qui est malformatif. Le problème est d’autant plus complexe que dans l’une ou l’autre hypothèse, il existe des formes de transition susceptibles d’évoluer vers une tumeur maligne.

Nous envisagerons donc les tumeurs bénignes comme une réalité anatomo-clinique en ayant clairement conscience que ce cadre englobe:

des lésions néoplasiques qui sont de vraies tumeurs bénignes, des lésions dystrophiques (hyperplasies), des lésions réactionnelles à un processus inflammatoire, des lésions malformatives (hamartomes ou naevus).

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A propos de chacune des catégories de tumeurs bénignes que nous allons voir, nous indiquerons, lorsqu’on le sait, quelle est la nature réelle de la lésion.

Les tumeurs bénignes peuvent s’observer dans la plupart des tissus de l’organisme. On les classe depuis un siècle en fonction de la ressemblance du tissu tumoral avec un tissu normal: il n’y a pas cependant de règle générale de nomenclature car il persiste des appellations très anciennes maintenues par l'usage.

- TUMEURS BÉNIGNES ÉPITHELIALES

TUMEURS DES ÉPITHELIUMS MALPIGHIENS ET PARA-MALPIGHIENS

Ces tumeurs sont constituées d’une prolifération épithéliale à la surface d’une excroissance du tissu conjonctif sous-jacent.

Ce sont des papillomes

si le tissu conjonctif, reproduit des papilles analogues à celles du derme. Les papillomes s’observent au niveau de la peau: ce sont les verrues, et des muqueuses malpighiennes où ils peuvent être multiples (papillomatose). Dans ces deux cas, il s’agit habituellement de proliférations induites par une infestation virale.

Il y a également des papillomes au niveau de l’épithélium excréto-urinaire (vessie, uretère, bassinet). Dans ce cas, ils ne sont pas d’origine virale et il existe toutes les formes de transition entre la tumeur bénigne, la tumeur à malignité atténuée et un authentique cancer.

Les condylomes acuminés

sont constitués par une prolifération de l’épiderme ou d’un épithélium malpighien muqueux à la surface d’une excroissance conjonctive sans caractère papillaire. Ces condylomes sont également d’origine virale; ils s’observent au niveau de la muqueuse et de la peau de la région anale et vulvaire ou sur le gland. Ce sont les végétations vénériennes ou crêtes de coq. Il y en a également sur le col utérin.

TUMEURS DES ÉPITHELIUMS GLANDULAIRES Les tumeurs bénignes des épithéliums glandulaires sont des adénomes

il en existe de multiples variétés:

les adénomes papillaires

sont constitués par la prolifération de cellules glandulaires à la surface de fines végétations conjonctives. Ils représentent pour les épithéliums glandulaires l’homologue du papillome pour les épithéliums malpighiens. Le terme de tumeur papillaire est imprécis et désigne selon les cas un adénome papillaire, un carcinome papillaire ou même une tumeur paramalpighienne excréto-urinaire.

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Les adénomes papillaires des muqueuses digestives, fréquents dans le colon et le rectum sont appelés adénomes villeux, ou tumeurs villeuses, ce qui signifie chevelues (voir ci-dessous).

Les adénomes des glandes endocrines

s’observent dans la thyroïde, la parathyroïde, la surrénale, etc. C’est pour ces adénomes endocriniens que les distinction entre hyperplasie et adénome sont les plus aléatoires. Il y a également des adénomes ovariens, souvent kystiques (cystadénomes).

Il y a également des adénomes du rein et du foie.

Les adénomes des glandes exocrines et de leurs canaux excréteurs sont salivaires, sudoripares, bronchiques, etc.

Parmi les adénomes des muqueuses digestives, les plus fréquents et les plus importants sont les adénomes colo-rectaux nés des tubes glandulaires de la muqueuse. On les appelle souvent polyadénomes ou adénomes tubuleux. La prolifération des glandes de Lieberkühn s’accompagne souvent d’une prolifération de l’épithélium de la partie superficielle de la muqueuse et l’on observe tous les intermédiaires entre les adénomes tubuleux purs et les adénomes villeux purs.

Adénomes tubuleux, adénomes tubulo-villeux et adénomes villeux colo-rectaux forment des saillies plus ou moins pédiculées sur la muqueuse qui sont des polypes néoplasiques. Ce sont des états précancéreux.

On appelle adénomatose

l’association de plusieurs adénomes, qu’il s’agisse d’adénomes différents dans des organes distincts (adénomatose polyendocrinienne) ou d’adénomes multiples, semblables ou analogues, dans un même organe (adénomatose colo-rectale).

- TUMEURS BÉNIGNES CONJONCTIVES

Toutes les variétés de tissus conjonctifs différenciés sont susceptibles de proliférations tumorales bénignes, plus ou moins fréquentes. On désigne ces tumeurs par un nom formé avec celui du tissu auquel ressemble le tissu tumoral.

L’ostéome

est la tumeur bénigne du tissu osseux. C’est rarement une tumeur vraie, beaucoup plus souvent une pseudo-tumeur dystrophique par évolution anormale d’un hématome ou d’un foyer cicatriciel des tissus mous.

Le chondrome

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est la tumeur bénigne du tissu cartilagineux. La présence de chondromes multiples porte le nom de chondromatose, que les chondromes soient des tumeurs vraies ou le résultat d’une métaplasie chondroïde d’un tissu irrité (chondromatose synoviale).

Lorsqu’une prolifération osseuse et une prolifération cartilagineuse sont associées, on parle d’ostéochondrome ou exostose ostéogénique, saillie à la surface d’un os surmontée d’une coiffe cartilagineuse. Il s’agit dans ce cas non pas d’une néoplasie vraie mais d’un hamartome.

Les léïomyomes

sont des tumeurs du tissu musculaire lisse, au niveau du tube digestif et de l’appareil génital féminin surtout. Les léiomyomes utérins, appelés à tort fibromes ou fibromyomes sont d'une fréquence extrême, ils peuvent régresser à la ménopause.

Le fibrome

est la tumeur bénigne formée par la prolifération de fibroblastes qui élaborent des quantités plus ou moins importantes de collagène. Sous ce terme, on réunit des tumeurs vraies et un ensemble disparate de proliférations fibroblastiques qui sont les fibromatoses. Ces fibromatoses sont déclenchées parfois par un processus inflammatoire, une irradation, un traumatisme. Elles peuvent évoluer localement comme des tumeurs circonscrites ou comme des tumeurs envahissantes. Le fibrome desmoïde, que nous avons cité comme exemple de tumeur à malignité locale est le prototype des fibromatoses agressives.

L’histiocytofibrome

associe dans la même tumeur des cellules d’aspect fibroblastique et des cellules d’aspect histiocytaire. Les cellules histiocytaires de cette prolifération peuvent se charger de graisse. Il s’agit alors d’un xanthome. Toutes les variantes sont possibles selon les associations des différents types cellulaires: xanthome pur, histiocyto-xanthome, fibro-xanthome, histiocyto-fibro-xanthome.

Pour l’ensemble des fibromes, xanthomes et histiocytofibromes, il est souvent impossible par la seule morphologie de distinguer ce qui est proprement néoplasique de ce qui est pseudo-tumeur inflammatoire ou dystrophique.

Les lipomes

sont les proliférations tumorales bénignes du tissu adipeux. Une lipomatose est la présence de lipomes multiples.

Les angiomes

sont des proliférations tumorales bénignes des vaisseaux. On distingue hémangiome et lymphangiome, selon qu’il s’agit d’une prolifération de vaisseaux sanguins ou de vaisseaux lymphatiques. La grande majorité des angiomes sont des hamartomes et non des tumeurs vraies. Les angiomatoses sont des maladies où existent des angiomes multiples ou des angiomes systématisés à une région de l’organisme.

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- TUMEURS BI-TISSULAIRES

Les tumeurs bénignes épithéliales ont une armature conjonctive proportionnée à la prolifération épithéliale: chorion des adénomes coliques, végétations conjonctives des tumeurs papillaires.

Dans certains cas, le tissu conjonctif prolifère lui-même comme le contingent épithélial et la tumeur comporte deux proliférations intriquées, l’une épithéliale, l’autre conjonctive. On donne à ces tumeurs un nom composé à partir de celui d’une tumeur bénigne conjonctive.

Exemple: adéno-fibrome (ovaire et sein surtout), adéno-myome (prostate). Ces lésions sont souvent de nature dystrophique et non néoplasique.

- TUMEURS BÉNIGNES DU SYSTÈME NERVEUX ET TUMEURS BÉNIGNES MÉLANIQUES

Les tumeurs du système nerveux périphérique sont les schwannomes, prolifération des cellules de Schwann et les neurofibromes, prolifération mixte de cellules de Schwann, de fibroblastes et de neurites.

Les méningiomes sont des proliférations de ménigoblastes, ils sont le plus souvent bénins.

Les tumeurs du système nerveux central sont presque toujours des tumeurs de la glie et non des tumeurs des neurones, ce sont les gliomes.

En matière de tumeurs du système mélanique, les lésions bénignes sont des naevus pigmentés, ou non pigmentés, dits naevus naevocellulaires. On les appelle parfois mélanomes bénins mais le terme de mélanome tend à se restreindre aux mélanomes malins qui sont d’authentiques tumeurs malignes.

- TUMEURS MALIGNES: GÉNÉRALITÉS

- DÉFINITIONS

Cancer est le terme générique qui désigne toutes les tumeurs malignes. On peut le définir comme la prolifération indéfinie d’une lignée cellulaire qui, en l’absence de traitement (ou malgré celui-ci), provoque la mort des malades atteints, habituellement par extension des cellules tumorales à tout l’organisme.

Dans la majorité des cas, la lignée cellulaire dont la prolifération constitue le cancer est une lignée épithéliale ou conjonctive.

On appelle carcinomes les cancers constitués par une lignée cellulaire d’origine épithéliale. Epithélioma est synonyme de carcinome mais tend à tomber en désuétude. On appelle sarcomes les cancers constitués par une lignée cellulaire d’origine conjonctive.

- LA CELLULE CANCÉREUSE:LES CRITÈRES CYTOLOGIQUES DE LA MALIGNITÉ

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Habituellement, les cellules cancéreuses ont des modifications caractéristiques de leur aspect. Ce sont les critères cytologiques de malignité. On les recherche pour faire le diagnostic de malignité d’une tumeur sur des préparations, cytologiques ou histologiques. Il faut cependant insister d’emblée sur le fait qu’aucun critère morphologique ne permet de dire avec certitude qu’une cellule ou un groupe de cellules isolées sont des cellules cancéreuses.

Les anomalies morphologiques des cellules cancéreuses sont de deux ordres: caractères nucléo-cytoplasmiques anormaux; anomalies de la division cellulaire. Il y a en outre, des anomalies fonctionnelles.

ANOMALIES NUCLÉO- CYTOPLASMIQUES Inégalité de la taille des cellules dont certaines sont beaucoup plus volumineuses que normalement: c’est l’anisocytose; Augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique: le noyau est relativement plus volumineux que celui d’une cellule normale équivalente; Inégalité de taille des noyaux d’une cellule à l’autre pour un volume cytoplasmique équivalent: c’est l’anisocaryose; Noyaux de forme irrégulière; Chromatine en mottes et épaississement de la membrane nucléaire; Nucléoles volumineux, irréguliers, multiples.

ANOMALIES DE LA DIVISION CELLULAIRE Mitoses paraissant plus nombreuses que dans un tissu normal homologue; Mitoses anormales avec descendants aneuploïdes; Mitoses avortées avec mort de la cellule en cours de division, Augmentation du matériel chromosomique sans division, ou avec division nucléaire sans division cytoplasmique, aboutissant à la formation de cellules à noyaux énormes et bourgeonnants ou à noyaux multiples euploïdes ou aneuploïdes.

CARACTÈRE RELATIF DES CRITÈRES CYTOLOGIQUES DE MALIGNITÉ

La recherche de ces anomalies est utilisée pour le dépistage cytologique du cancer mais des lésions analogues peuvent s’observer dans les états pathologiques dûs à des agents capables de provoquer des lésions non léthales du D.N.A. Ce sont les radiations ionisantes, certains médicaments radiomimétiques, certains virus.

Finalement, les critères cytologiques de la malignité sont infidèles et il a des risques d’erreurs par excès et par défaut, en effet:

une cellule peut être cancéreuse sans avoir d’anomalies significatives visibles en cytologie ou en histologie conventionnelle; inversement, une cellule peut présenter des anomalies impressionnantes sans être cancéreuse; dans l’un et l’autre cas, ce sont les critères histologiques (croissance infiltrante, extension à distance) qui permettront de conclure à la malignité.

C’est en raison de la possibilité de faux positifs en cytologie qu’il faut exiger, quoi qu’il arrive, une confirmation histologique d’un diagnostic de cancer avant d’entreprendre un traitement radical.

MODIFICATION FONCTIONNELLES DES CELLULES CANCEREUSES

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Certaines anomalies fonctionnelles n’ont pas de traduction morphologique et échappent à l’anatomie pathologique. Elles ont cependant une importance essentielle et font l’objet de recherches approfondies pour expliquer pourquoi et comment les cellules cancéreuses peuvent détruire et envahir les tissus qui les entourent, comment elles deviennent insensibles aux défenses immunitaires de l’organisme, comment elles se mobilisent et migrent à distance, comment enfin elles s’implantent pour donner des métastases.

D’autres modifications fonctionnelles sont visibles et peuvent avoir une valeur diagnostique permettant de retrouver la lignée d’origine d’une cellule tumorale même lorsqu’elle est monstrueuse et ne ressemble plus à la cellule souche. Ces modifications peuvent aboutir à la sécrétion de produits physiologiques ou pathologiques que l’on peut mettre en évidence, soit par l’histochimie, soit par l’immunofluorescence, soit par la microscopie électronique. Ces sécrétions peuvent donc dans certains cas être l’origine de syndromes para-néoplasiques. Ces caractères fonctionnels des cellules cancéreuses sont un des éléments de la différenciation du tissu tumoral (cf.infra).

- LE TISSU CANCÉREUX

En dehors du cas de leucémie, les cellules cancéreuses sont groupées et agencées pour constituer un tissu cancéreux. Celui-ci comporte deux contingents:

un contingent de cellules tumorales; un contingent de tissu conjonctif nourricier, non tumoral: le stroma.

LE CONTINGENT TUMORAL

Selon la manière dont les cellules cancéreuses sont agencées et selon leur ressemblance individuelle avec des cellules normales, la tumeur aura une image qui sera plus ou moins proche de celle d’un tissu normal de référence. Cette image peut être si proche de celle d’un tissu normal que le diagnostic de malignité en soit rendu très difficile.

La différenciation d’une tumeur

est son degré de ressemblance avec un tissu normal ou, d’une façon plus générale, la présence de caractères morphologiques qui permettent d’indiquer l’origine de la tumeur.

Ces caractères distinctifs peuvent être liés à l’agencement des cellules tumorales, ou à leurs propriétés fonctionnelles manifestées par des sécrétions visibles sur les préparations histologiques.

Exemples:

➾ Un cancer né à partir des glandes de LieberkÜhn de l’intestin ( adénocarcinome lieberkÜhnien) sera identifié sur deux critères:

l’agencement des cellules tumorales qui reproduira des glandes de Lieberkühn,

la sécrétion de mucus analogue au mucus intestinal. Cette sécrétion de mucus pourra persister et permettre d’identifier la tumeur même lorsque les cellules

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auront perdu l’aptitude à s’agencer en tubes. Dans ce cas, le degré de différenciation est moins élevé que dans le cas précédent.

➾ Une tumeur née par prolifération des hépatocytes pourra de même être rattachée à son origine si les cellules tumorales s’agencent en travées analogues aux travées hépatiques ou si elles élaborent de la bile, bien que ne formant pas de travées reconnaissables.

➾ On trouvera d’autres exemples de différenciation dans le chapitre consacré aux carcinomes (p.183). En pratique, on utilise les termes suivant s

un cancer bien différencié est celui qui a une image proche de celle d’un tissu normal;

un cancer peu différencié à une image plus ou moins éloignée de celle d’un tissu normal mais présente des caractères qui permettent d’indiquer son origine;

un cancer indifférencié est un cancer dont on peut préciser s’il s’agit d’un sarcome ou d’un carcinome sans pouvoir indiquer de façon plus précise la souche cellulaire d’origine;

un cancer anaplasique est une tumeur maligne dont l’histogénèse est totalement imprécise.

Ces termes sont consacrés par l’usage mais réfèrent uniquement à l’histologie conventionnelle.

Certaines explorations complémentaires (immunofluorescence, microscopie électronique, histo-enzymologie) permettent dans certains cas de préciser l’histogénèse de tumeurs qui paraissent anaplasiques.

Exemples: / mise en évidence par la microscopie électronique de granulations neuro- sécrétoires dans le cancer à petites cellules du poumon; / mise en évidence de lysozyme dans certains cancers anaplasiques, ce qui indique la nature histiocytaire des cellules tumorales; / mise en évidence de Protéine S1OO dans les mélanomes achromiques, etc.

Il est important de préciser la différenciation tumorale pour deux raisons:

plus la tumeur est différenciée et meilleur est son pronostic. C’est une règle générale qui comporte de nombreuses exceptions;

certains traitements sont électivement adaptés à certains types tumoraux. Rattacher à un de ces types une tumeur qui paraît indifférenciée peut donc avoir d’importantes implications thérapeutiques.

LE STROMA

C’est l’ensemble du tissu conjonctif et des vaisseaux qui servent de charpente à la tumeur et assurent ses apports nutritifs. Le stroma n’est pas lui-même tumoral, il est sous la dépendance du tissu tumoral dont les cellules peuvent, par exemple, élaborer des substances qui vont favoriser la pousse des vaisseaux.

C’est dans les carcinomes invastifs que le stroma est le plus nettement individualisé. Il y a cependant un stroma dans les sarcomes et notamment des vaisseaux; pour le reste, il est très difficile de dire si une cellule que l’on voit au sein de la tumeur est une cellule tumorale ou une cellule du stroma.

Les variations morphologiques du stroma sont multiples, certaines d’entre elles sont caractéristiques d’un type tumoral donné et auront donc une valeur séméiologique pour le diagnotic de variété tumorale.

Variations quantitative s

certains carcinomes très différenciés ont un stroma qui peut être exactement proportionné à la prolifération épithéliale. Dans les tumeurs endocriniennes ou dans celles du foie, le stroma élabore ainsi des capillaires sinusoïdes semblables à ceux d’une glande endocrine normale (stroma adaptatif).

Plus souvent, le stroma est disproportionné à la prolifération épithéliale:

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lorsqu’il est relativement peu abondant, la tumeur sera molle, souvent nécrosée, semblable macroscopiquement à du tissu cérébral. C’est le cancer encéphaloïde ;

à l’inverse, lorsqu’il est très abondant, riche en fibres collagènes et sclérosé, la tumeur sera dure et rétractée, c’est le squirrhe .

Cette rétraction, comparable à celle de certaines cicatrices pathologiques est liées à la présence de nombreux myofibroblastes.

Variations qualitative s

le tissu conjonctif du stroma possède certaines propriétés réactionnelles du tissu conjonctif normal. Il peut s’y produire une réaction inflammatoire. Celle-ci surviendra, par exemple, lors de la destruction du tissu tumoral par une irradiation. La nécrose des cellules tumorales déclenche une réaction exsudative. Il peut même se produire une réaction à corps étrangers autour de squames de kératine élaborées par la tumeur. Dans certaines tumeurs, la réaction inflammatoire du stroma est une réaction tuberculoïde.

Quelques tumeurs ont un stroma riche en cellules lymphocytaires ou plasmocytaires, ce qui peut être la manifestation d’une réaction immunitaire. Cet aspect va parfois de pair avec un pronostic meilleur.

- HISTOIRE NATURELLE DES TUMEURS MALIGNES

L’extension d’un cancer à tout l’organisme commence par la modification radicale d’une population cellulaire dont la descendance va constituer le cancer. Il s’écoule un grand nombre d’événements encore très mal connus entre la modification cellulaire initiale et l’évolution fatale.

Il y a tout d’abord une période de latence clinique totale qui peut durer des années et au cours de laquelle, dans la plupart des cas, aucune des explorations actuelles ne permet le diagnostic le cancer. Puis survient une phase locale, souvent latente cliniquement mais morphologiquement détectable et enfin, une phase de généralisation. La durée de cette évolution est très variable et dépend pour partie de la vitesse propre de prolifération de la population tumorale. Cependant, on a pu démontrer pour quelques cancers déterminés, l’existence d’un processus lésionnel dont toutes les étapes sont connues et dont le déroulement chronologique varie peu. Ce processus débute par une lésion pré-cancéreuse pour aboutir à un cancer invasif. La séquence la mieux connue, celle du cancer du col de l’utérus, comporte: dysplasie légère ; dysplasie modérée ; dysplasie sévère ; cancer in situ ; cancer invasif . Elle se déroule sur au moins quinze ans.

- LES LÉSIONS PRE-CANCÉREUSES

Ces lésions ont été très étudiées dans un double but: mettre en évidence les phénomènes qui précèdent la cancérisation et assurer la prophylaxie du cancer.

DÉFINITION:

Il s’agit de lésions de nature très variable dont l’étude anatomo-clinique a montré qu’elles pouvaient être le point de départ de cancers avec une fréquence qui exclut la coïncidence.

Tous les cancers ne sont pas précédés de lésions précancéreuses.

La fréquence avec laquelle un cancer apparaît effectivement est très variable selon la lésion pré-cancéreuse considéré.

Les cancers cutanés sont plus fréquents sur les anciennes cicatrices de brûlures ou sur les fistules chroniques qu’en peau saine; la transformation d’une cicatrice de brûlure est toutefois exceptionnelle.

Par contre, les adénomes colo-rectaux subissent une transformation carcinomateuse dans 5 % des

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cas pour les adénomes tubuleux et 20 % des cas pour les adénomes villeux. En cas d’adénomes multiples (polypose adénomateuse familiale) l’apparition d’un ou de plusieurs cancers est quasiment inéluctable.

NATURE DES LÉSIONS PRE-CANCÉREUSES:

Elle est variable, il n’y a aucun caractère morphologique qui soit commun à l’ensemble des lésions pré-cancéreuses. Une lésion pré-cancéreuse peut être:

Un hamartom e

Un exemple fréquent est celui des naevus naevocytaires qui peuvent dans certains cas se transformer en mélanomes malins.

Une tumeur bénign e

C’est le cas pour les adénomes colo-rectaux.

Une dysplasie épithélial e

Dysplasie probablement virale: col de l’utérus.

Dysplasie apparue sur des lésions inflammatoires chroniques: dysplasie des gastrites chroniques ou des colites ulcéreuses évoluées.

Dysplasie liée à des facteurs chimiques: c’est le cas des dysplasies de l’épithélium bronchique ou vésical observées en cas de tabagisme.

Dysplasie après irradation aux U-V: kératoses actiniques. Une dystrophi e

La fréquence du cancer du sein est fortement accrue chez les patientes ayant une dystrophie mammaire scléro-kystique.

PRINCIPES DU TRAITEMENT DES LÉSIONS PRE-CANCÉREUSES

Ou bien on traite les lésions pré-cancéreuses, le plus souvent par exérèse, ou bien on les soumet à une surveillance étroite qui permettra de dépister le cancer dès son apparition au stade où il est curable.

En principe, l’éxérèse des lésions pré-cancéreuses est proposée lorsqu’elle est possible et que les risques et les inconvénients de l’exérèse sont moindres que ceux d’éventuelle transformation maligne.

En pratique, les choses sont très nuancées et dépendent du caractère localisé des lésions ou au contraire de leurs caractères multiples ou diffus, de la qualité de la surveillance qu’on peut proposer au malade, des réactions et de la psychologie de celui-ci, et enfin du risque de transformation cancéreuse qui est généralement chiffrable pour une lésion pré-cancéreuse donnée.

Quelques exemples illustreront ces faits. Tout le monde admet qu’il faut enlever les adénomes coliques dès qu’ils sont dépistés car leur exérèse par voie endoscopique est facile et sans danger. On admet, de même, qu’il faut faire une colectomie totale si ces adénomes sont multiples. Dans ce cas, le risque persiste au niveau de la muqueuse rectale mais les inconvénients d’une proctectomie avec anus iliaque définitif sont grands chez ces sujets généralement jeunes, tandis que la surveillance du rectum et l’exérèse à la demande des adénomes récidivés est facilement réalisable. Par contre, il n’y aura guère de gens pour proposer une gastrectomie prophylactique en cas de gastrite atrophique avec dysplasie épithéliale dont le risque de transformation cancéreuse est de 10 %.

- LA PHASE LOCALE DU CANCER: LE CANCER IN SITU

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DÉFINITION

Un cancer in situ ou cancer au stade 0 est une prolifération cellulaire cancéreuse qui reste limitée précisément au plan histologique au tissu qui lui a donné naissance.

Il est probable qu’un grand nombre de cancers présentent une phase locale de durée variable mais en pratique, le concept du cancer in situ n’a d’application qu’en matière de tumeurs des revêtements épithéliaux, ceci parce que les épithéliums de revêtement présentent une limite nette qui est la membrane basale. On définira comme carcinome in situ une prolifération épithéliale maligne qui reste limitée par la basale épithéliale. Ce carcinome in situ peut se substituer à une grande partie de l’épithélium et s’étendre en surface, il n’envahit pas la profondeur et le terme de carcinome non invasif est synonyme de carcinome in situ.

De telles tumeurs sont connues depuis longtemps au niveau de l’épithélium malpighien de l’exo-col utérin et au niveau de la peau.

D’autres localisations sont de connaissance plus récente:

épithélium oesophagien ou épithélium malpighien métaplasique des bronches;

épithélium para-malpigien vésical;

épithéliums glandulaires, qu’il s’agisse de l’épithélium du lobule mammaire ou de ses canaux excréteurs ou de l’épithélium des muqueuses digestives.

En matière de sarcome, la notion de cancer in situ reste purement théorique; par contre, en matière de mélanome malin, il existe des cancers in situ qui sont les mélanomes restant limités par la basale de l’épiderme au sein duquel ils ont pris naissance (mélanome au stade 0).

IMPORTANCE ET LIMITES DU CONCEPT DE CARCINOME IN SITU

Le stade de carcinome in situ est un stade où le cancer peut être dépisté et où son taux de curabilité est de 100 % puisqu’il n’y aura jamais de métastases. Un cancer in situ peut persister plusieurs années, son évolution vers le cancer invasif est quasiment inéluctable s’il est négligé.

Selon les organes, le dépistage repose sur les données cliniques (sein, peau) ou sur la cytologie (col utérin).

S’il existe une distinction théorique entre dysplasie et cancer in situ, il est souvent difficile en pratique, notamment sur les biopsies endoscopiques du tube digestif, de faire une distinction formelle entre les deux.

- LA PHASE DE GÉNÉRALISATION POTENTIELL E

Qu’il y ait eu ou non une phase de cancer in situ, l’évolution normale d’un cancer non dépisté ou négligé est l’extension à l’ensemble de l’organisme. Celle-ci est théoriquement possible dès que le cancer a fait issue hors du tissu qui lui a donné naissance et a envahi les tissus voisins. En d’autres termes, le cancer devenu invasif pourra s’étendre aux structures de voisinage, aux ganglions régionaux et à l’ensemble de l’organisme.

INVASION LOCALE Modes de croissance des tumeurs invasive s

Dès que la tumeur est devenue invasive, elle va détruire et envahir le tissu conjonctif voisin et susciter la formation d’un stroma. D’une façon générale, une tumeur maligne est beaucoup moins bien limitée qu’elle ne le paraît macroscopiquement et une exérèse trop économique laisse persister des fragments tumoraux qui seront le point de départ de récidives.

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En fait, s’il est vrai que toute tumeur maligne est invasive, le degré et le type d’invasion sont variables d’un cas à un autre en fonction de la vitesse de croissance et de l’agressivité des cellules tumorales, ainsi que de la résistance des structures anatomiques de voisinage.

a) Certaines tumeurs malignes peuvent être très bien limitées par une véritable capsule qui peut être celle de l’organe qui a donné naissance à la tumeur. Cette capsule sera cependant toujours rompue en une partie de son pourtour. C’est le cas par exemple pour le cancer du rein ou pour certains cancers de la thyroïde.

b) D’autres tumeurs, sans être limitées par une véritable capsule, ont une croissance excentrique à partir du foyer initial et un aspect parfaitement circonscrit. Histologiquement, le tissu cancéreux refoule les tissus avoisinants (pushing border) mais il existe également des avant-gardes tumorales à distance du nodule principal (nodules satellites). Ces nodules peuvent être situés parfois très loin du nodule initial, le plus souvent ils sont à peu de distance et vont fusionner avec celui-ci au cours de leur croissance pour donner une tumeur d’aspect polycyclique. Certaines tumeurs des tissus mous ont ce type d’extension locale. Les plans aponévrotiques représentent un obstacle efficace à leur croissance et ne sont pénétrés par la tumeur que lorsque celle-ci suit le trajet d’un faisceau vasculo-nerveux perforant.

c) A un degré de plus la tumeur est initialement nodulaire mais elle est très mal limitée en périphérie et prolongée par des travées de tissu tumoral rayonnant dans l’organe alentour. Ceci s’observe dans les cancers du sein.

d) Au maximum, enfin, la tumeur n’a plus le moindre aspect de circonscription, les cellules tumorales, généralement isolées ou groupées en petites travées, s’insinuent comme sans difficultés dans les interstices du tissu conjonctif alentour. Ceci s’observe par exemple dans la linite gastrique.

La coexistence d’un cancer invasif et d’un cancer i n situ est possibl e

et peut s’expliquer de deux manières:

un cancer est resté longtemps intra-épithélial et l’invasion ne s’est produite que sur une partie de sa surface. Le cancer intra-épithélial persistera en périphérie de la zone d’invasion;

le cancer est d’emblée invasif mais il se propage à la fois en profondeur et en surface dans le plan de l’épithélium.

IMPORTANCE ET LIMITES DU CONCEPT DE TUMEUR INVASIVE

Toute tumeur maligne devenue invasive peut donner des métastases. Il existe cependant une corrélation entre le degré de l’invasion tissulaire et la fréquence des métastases à distance. Les tumeurs dont le niveau d’invasion est peu profond auront un pronostic meilleur et un taux de guérison plus élevé que celles ayant une invasion profonde. Dans quelques cas de tumeurs dont l’invasion reste superficielle, le pronostic sans être celui d’un cancer in situ est bien meilleur que celui de le généralité des cancers invasifs. On emploie pour ces tumeurs des termes tels que carcinome micro-invasif (col utérin), carcinome superficiel (estomac), carcinome intra-muqueux (colon et rectum).

Il peut être extrêmement difficile en pratique d’affirmer le caractère invasif d’un cancer lorsqu’il aura été précédé par un cancer in situ.

C’est bien sûr fréquent sur une biopsie où le cancer in situ peut être le seul visible.

C’est également vrai pour certaines pièces opératoires; une invasion limitée pourra être méconnue si le cancer in situ est très étendu et ne peut être examiné en totalité (carcinome intra-galactophorique du sein par exemple).

EXTENSION DU CANCER A DISTANCE: LES MÉTASTASES Pathogénie des métastase s

Toute tumeur invasive peut, au cours de sa croissance, faire effraction dans les vaisseaux veineux ou lymphatiques. Dès lors, des cellules tumorales isolées ou des fragments tumoraux peuvent migrer par

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voie sanguine ou lymphatique constituant des emboles qui vont se bloquer dans le premier filtre situé en aval. La prolifération des cellules de ces emboles néoplasique sera à l’origine de métastases lymphogènes ou hématogènes, encore appelées tumeurs secondaires. Ces mécanismes de migration embolique sont responsables de la quasi-totalité des métastases, on a pu incriminer, en outre, dans certains cas particuliers, la migration de cellules cancéreuse par voie canaliculaire (certains cancers bronchiques) et la greffe péritonéale de cellules détachées d’un cancer ovarien ou digestif. Très souvent, ces greffes péritonéales sont en fait des lymphangites néoplasiques.

Tous les cancers peuvent donner des métastases à l’exception des cancers du système nerveux central qui ne disséminent pas au reste de l’organisme, sauf exception rarissimes.

Le type de dissémination métastasique dépend du type histologique et du siège de la tumeur. Une grande règle générale est valable dans la majorité des cas:

les sarcomes donnent des métastases hématogènes et rarement des métastases lymphogènes, à l’exception des hémato-sarcomes;

les carcinomes donnent des métastases lymphogènes et des métastases hématogènes généralement plus tardives. Des exceptions sont connues comme celle de l’adéno-carcinome du rein dont les métastases ganglionnaires sont exceptionnelles.

Physiopathologie des métastase s

Il est avéré que les métastases ne peuvent pas se produire si la tumeur n’est pas invasive et s’il n’y a pas de migration cellulaire par voie sanguine ou lymphatique. Il est également certain que cette migration ne suffit pas et que toutes les cellules qui ont quitté une tumeur pour donner des embolies à distance ne se développent pas au point d’arrêt. Il est probable que la faculté de proliférer dans un site métastatique n’appartient qu’à certaines sous-populations de cellules tumorales.

L’expérience clinique montre que certaines tumeurs ont une croissance locale importante et n’auront pas apparemment donné de métastases alors que d’autres, restant localement de très petite taille, paraissent manifester leur croissance essentiellement par l’envoi de colonies fertiles.

On sait également que, sauf rarissimes exceptions, les métastases sont douées d’une croissance autonome entièrement indépendante de celle de la tumeur primitive. Elles peuvent elles-mêmes émettre des emboles qui seront l’origine de métastases filles.

Le traitement de la tumeur initiale n’affecte guère la croissance des métastases. Ainsi s’explique qu’une tumeur puisse être révélée par des métastases tout en étant elle-même trop petite pour être détectable ou que les métastases puissent devenir manifestes après un traitement local radical d’une tumeur primitive, même en l’absence de récidive de celle-ci.

Histopathologie des métastase s

En principe, l’image histologique d’une métastase est celle de la tumeur primitive. Cette règle comporte des exceptions et une métastase peut être plus différenciée que la tumeur primitive ou, au contraire, moins différenciée. On peut, dans certains cas, identifier le siège de la tumeur primitive en examinant une métastase.

Topographie des métastases

Métastases lymphogènes

Métastases ganglionnaires : Les emboles néoplasiques partis d’une tumeur vont généralement coloniser les ganglions qui drainent la lymphe du territoire où se trouve la tumeur, puis le relais ganglionnaire suivant sera atteint et, en fin de compte, le canal thoracique qui déversera les cellules dans la circulation cave.

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Il peut arriver que les emboles néoplasiques court-circuitent un ganglion et colonisent les ganglions situés au-delà. Il peut arriver également qu’une tumeur viscérale latente soit révélée par un ganglion tumoral superficiel et isolé. Lorsque l’extension de la tumeur est encore limitée aux ganglions loco-régionaux, le cancer est encore curable par une thérapeutique loco-régionale réglée.

Typiquement, les ganglions métastatiques sont augmentés de volume, durs et éventuellement fixés. Cette règle comporte de nombreuses exceptions:

Un ganglion volumineux dans le territoire de drainage d’un cancer peut n’être pas métastatique. L’augmentation de volume est alors due à une réaction immunitaire déclenchée par la tumeur, voire à une réaction inflammatoire liée à la surinfection d’une tumeur superficielle ulcérée.

A l’inverse, un ganglion très petit, non palpable, pourra être colonisé par la tumeur. C’est pour cette raison qu’il faut faire l’examen histologique systématique des ganglions sur les pièces opératoires de chirurgie carcinologique.

Métastases lymphogènes extra -ganglionnaires : Des emboles peuvent s’arrêter dans les vaisseaux lymphatiques à distance des ganglions et proliférer sur place jusqu’à injecter le réseau lymphatique de cellules tumorales. Ceci s’observe dans les poumons et la plèvre, dans le péritoine et plus rarement le foie: c’est la lymphangite néoplasique. Lorsqu’elle survient au niveau de la plèvre ou du péritoine, elle s’accompagne d’épanchements dans lesquels on peut retrouver des cellules tumorales.

Métastases hématogènes

Les métastases hématogènes sont dues à la prolifération d’emboles néoplasiques bloqués dans le filtre capillaire qui fait suite au point de départ de l’embole. Les organes où s’arrêtent ces emboles sont des organes filtres.

C’est donc l’anatomie de l’arbre vasculaire qui règle en principe la dissémination métastasique des tumeurs. En fait, la fréquence des métastases n’est pas absolument proportionnelle au flux sanguin qui traverse un organe donné et l’expérience a montré que certains organes paraissaient impropres à la colonisation des emboles néoplasiques. Les métastases rénales sont rares, peut-être en raison des particularités du chimisme local. Les métastases spléniques sont également rares, probablement en raison de l’intense activité des macrophages spléniques qui seraient capables de détruire les cellules tumorales.

Le trajet d’un embole néoplasique dépend du point d’effraction de la tumeur dans le système vasculaire.

C’est la voie de migration des cancers digestifs, coliques par exemple, qui font effraction dans les branches de la veine porte et émettent des emboles qui colonisent le foie pour donner des métastases hépatiques. Celles-ci peuvent à leur tour envoyer des emboles vers le poumon.

Migration par voie cave:

La tumeur fait alors effraction dans une veine tributaire de la veine cave. C’est le cas du cancer du rein dont les métastases sont presque exclusivement hématogènes et qui peut former dans la veine rénale un véritable bourgeon (thrombus néoplasique) dont la fragmentation va créer des emboles qui s’arrêteront dans le poumon.

Migration par les veines pulmonaires:

Les cellules néoplasiques qui ont fait effraction dans les veines pulmonaires se dirigent vers l’oreillette gauche et repartent par l’aorte pour se disperser à tout l’organisme. Les cancers bronchiques donnent ainsi des métastases hépatiques, osseuses, cérébrales, surrénaliennes, cutanées, etc.

L’effraction d’une tumeur dans une artère est un phénomène rarement observé. Ce processus ne joue guère de rôle dans la dissémination métastatique.

Quelques exemples de métastases:

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Nous nous bornerons aux métastases les plus fréquentes, c’est-à-dire les métastases hépatiques, pulmonaires et osseuses.

Métastases hépatiques :

Les métastases hépatiques sont d’aspect et de nombre variables selon la tumeur d’origine et le mode de constitution.

Constitution par voie portale: exemple: cancer du côlon: le foie est "maronné" par des nodules plus ou moins volumineux de 1 à 10 cm, saillants en surface. Ces nodules peuvent être déprimés en raison de la nécrose de leur partie centrale: c’est l’ombilication. Ces métastases sont peu nombreuses, elles peuvent être localisées à un lobe ou même uniques, ce qui peut justifier les tentatives d’exérèse chirurgicale.

Constitution par voie artérielle hépatique: exemples: cancer bronchique, cancer du sein (avec relais pulmonaire). Il s’agit ici de petits nodules de 1 à 10 mm injectant l’ensemble du foie qui est souvent très volumineux, d’aspect lisse, semé de taches de bougie.

Lymphangite néoplasique: exemples: cancer de l’estomac, cancer du pancréas. Le foie est lisse, semé de quelques petits nodules et surtout de trainées tumorales qui paraissent injecter les espaces portes. Ce type de métastase peut être associé à des métastases par voie portale.

Métastases pul monaires :

Comme pour le foie, le mode de constitution est variable:

Métastases par voie artérielle: exemples: cancer du rein, cancer de la prostate, sarcomes. Typiquement, aspect de nodules multiples de 1 à plusieurs cm de diamètre, dispersés dans les deux champs pulmonaires et parfois nécrosés en leur centre. Radiologiquement, c’est le "l‰cher de ballons". Ce peut être aussi une métastase unique nodulaire intra-parenchymateuse, voire intra et parabronchique ressemblant à un cancer bronchique primitif.

Lymphangite néoplasique: l’injection des lymphatiques par des cellules tumorales dessine un réseau de mailles entrecroisées ou un semis de micro-nodules dispersés le long des lymphatiques qui suivent les axes broncho-vasculaires. La lymphangite atteint également la plèvre pariétale et la muqueuse bronchique, accessibles à la biopsie.

Métastases osseuses :

Les emboles néoplasiques parviennent à l’os par la circulation artérielle. Le point de départ est une tumeur pulmonaire qui peut être soit primitive: cancer bronchique, soit elle même métastasique et parfois microscopique (relais pulmonaire). C’est le cas dans les cancers dits ostéophiles: cancer du sein, cancer du rein, cancer de la thyroïde et de la prostate.

Les métastases osseuses peuvent s’observer à tous les points du squelette. Dans la majorité des cas, elles sont multiples et siègent au niveau des os du tronc, principalement du rachis. Elles ont deux aspects macroscopiques principaux:

1. Destruction osseuse par la métastase: c’est la métastase ostéolytique avec facture éventuelle; exemple cancer du rein.

1. Stimulation de l’ostéogénèse par la métastase: c’est la métastase ostéocondensante; exemple: cancer de la prostate.

Ostéolyse et ostéocondensation peuvent être associées dans la même lésion; c’est souvent la cas pour les métastases du cancer bronchique et du cancer du sein. - LES CLASSIFICATIONS DES CANCERS EN FONCTION DU DEGR É D’EXTENSION L’evolution des cancers est pour une part imprévisible. Il y a néanmoins des corrélations entre la taille de la tumeur, la présence de métastases et le pronostic. Ces corrélations sont mises en évidence par l’étude de séries importantes. Pour comparer les séries de provenances diverses et juger de l’efficacité de telle ou telle thérapeutique à un stade donné de la tumeur, il est indispensable de disposer de données homogènes ou au moins comparables. Ceci suppose deux conditions:

Avoir une classification histologique commune;

Classer les tumeurs en fonction de leur stade d’évolution.

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Pour les classifications histologiques, il existe une classification de l’O.M.S. à laquelle chacun peut se référer. Pour décrire les stades évolutifs, différents sytèmes sont utilisables: LE SYSTÈME T.N.M. Ce sytème prend en compte trois variables:

1. : T: C’est la taille de la tumeur primitive qui sera désignée T1, T2 etc. Selon qu’elle est plus ou moins grande.To indique que la tumeur primitive n’a pas été retrouvée.

1. : N: Décrit l’état des ganglions (indemnes, métastatique, fixés, etc).

1. : M: Indique l’existence ou l’absence de métastases à distance.

Ces principes très généraux sont appliqués pour chaque localisation tumorale en fonction de consignes extrêmement précises et détaillées. AUTRES CLASSIFICATIONS Il existe un très grand nombre d’autres classifications qui sont généralement adaptées à un organe particulier. On peut citer comme exemple la classification des DUKES des cancers colo-rectaux dont il existe de multiples variantes.

Un cancer du côlon sera classé:

- DUKES A , si l’infiltration tumorale ne dépasse pas l’épaisseur de la paroi rectale ou colique, sans métastases ganglionnaires;

- DUKES B , si l’infiltration tumorale atteint par continuité la graisse périrectale ou colique sans métastases ganglionnaires;

- DUKES C, s’il a donné des métastases ganglionnaires, quelque soit par ailleurs son degré d’infiltration en profondeur dans la paroi colo-rectale.

Ces classifications prenant en compte le degrè d’extension de la tumeur peuvent être complétées par des classifications dites histo-pronostiques qui, elles, prennent en compte le degré de différenciation du tissu tumoral, le nombre des mitoses, le degré des monstruosités nucléaires. La classification de SCARF et BLOOM, pour les adéno-carcinomes mammaires, qui distingue trois degrés de gravité croissante en est un exemple.

Il existe des corrélations entre ces deux types de classification dans la mesure où les tumeurs les plus indifférenciées sont généralement les plus invasives.

Le degré d’invasion tumorale reste néanmoins l’indicateur pronostique essentiel.

- LA MORT DES CANCEREU X

On a établi par l’expérimentation animale que la mort survenait constamment lorsque la masse tumorale atteignait un certain volume, réparti entre tumeur primitive et métastases. L’évolution clinique se fait parfois vers une cachexie avec une maigreur extrême, une atrophie rapide des muscles, du tissu adipeux et des viscères.

En dehors des cas de cachexie néoplasique, les causes de la mort du cancéreux sont multiples.

Les accidents directement liés à l’évolution de la tumeur ou de ses métastases sont relativement rares. On peut en citer comme exemples une perforation digestive par cancer de l’estomac; une hypertension intra-crânienne par métastases cérébrales d’un cancer bronchique; les hémorragies par destruction d’une grosse artère (artère linguale dans le cancer de la langue);etc.

Plus souvent, la mort du cancéreux est une conséquence indirecte des désordes induits par la prolifération tumorale ou par la thérapeutique.

Il peut s’agir:

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d’infections, provoquées par la surinfection de la tumeur et souvent facilitées par les déficits immunitaires qui s’aggravent au fur et à mesure de l’évolution du cancer;

de maladies thrombo-emboliques: la fréquence des thromboses et des endocardites est accrue dans certains cancers, notamment les cancers pancréatiques et gastriques muco-sécrétants;

de déffaillances viscérales d’origine thérapeutique: lésions liées à certaines irradiations; aplasie médullaire, défaillance cardiaque ou rénale liée à la chimiothérapie, etc.

- CARCINOMES

Il y a deux grandes catégories de carcinomes:

les carcinomes épidermoïdes ou malpighiens qui reproduisent de façon plus ou moins fidèle la structure d’un épithélium malpighien,

les carcinomes glandulaires ou adénocarcinomes qui reproduisent un épithélium gladulaire, qu’il s’agisse de l’épithélium d’une muqueuse glandulaire (tube digestif, endomètre, etc.), de celui d’un parenchyme glandulaire (thyroïde, etc.), ou de celui des canaux excréteurs d’une glande (sein,etc.).

- ASPECTS MACROSCOPIQUES DES CARCINOME S

L’aspect macroscopique que prend la tumeur dépend beaucoup plus de son siège que de son type histologique épidermoide ou glandulaire.

LES TUMEURS DES ÉPITHELIUMS DE REVÊTEMENT: PEAU OU MUQUEUSES Il y a plusieurs formes macroscopique s

tumeur végétante: elle fait saillie au-dessus du niveau de la surface épithéliale, ce qui peut rétrécir la lumière dans un viscère creux,

tumeur ulcérante: elle détruit le revêtement épithélial et les tissus sous-jacents, ce qui provoque une perte de substance,

tumeur infiltrante: elle s’insinue dans les tissus alentour de son point d’origine, sans modifier notablement le relief normal du revêtement mais en modifiant sa consistance.

Le plus souven t

ces différentes variétés de prolifération tumorale sont associées dans le même lésion et l’on observera souvent une ulcération centrale entourée par un bourrelet végétant et reposant sur une base infiltrée qui déborde plus ou moins largement sur les côtes ou en profondeur. Exemple: carcinome dit en lobe d’oreille du rectum.

Il existe cependant des formes pure s

formes végétantes: certains carcinomes épidermoïdes spino-cellulaires de la peau, certains carcinomes du larynx, certains adéno-carcinomes villeux du côlon;

formes infiltrantes: l’exemple le plus typique est la linite plastique de l’estomac. L’estomac est petit, rétracté, rigide avec des anomalies minimes du relief muqueux.

formes ulcéreuses: certains épithéliomas baso-cellulaires, certains adénocarcinomes gastriques. LES TUMEURS DES ORGANES PLEINS (PARENCHYMES)

Ce sont les tumeurs du foie, du rein, des glandes endocrines, du sein, du poumon, etc.

Ces cancers ont habituellement une forme nodulaire, grossièrement arrondie, à limites plus ou moins nettes: ils peuvent être rétractiles et émettre des prolongements étoilés ( cancer du sein).

Les formes infiltrantes atteignant un large secteur d’un organe sont possibles.

Il y a enfin des formes kystiques (pancréas, ovaires surtout: cystadénocarcinomes). Ces aspects peuvent être associés dans les cancers broncho-pulmonaires par exemple, qui montreront à la fois une tumeur végétante endo-bronchique, une tumeur infiltrante de la muqueuse et de la péri-bronche alentour et une tumeur nodulaire dans le tissu pulmonaire voisin.

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- SIÈGES ET TYPES HISTOLOGIQUES DES CARCINOMES

CARCINOMES ÉPIDERMOIDES

Les carcinomes épidermoides naissent au niveau des épithéliums malpighiens, c’est-à-dire de la peau (particulièrement dans les zones exposées au rayonnement solaire) et des muqueuses malpighiennes; il y a donc des carcinomes épidermoïdes des muqueuses buco-pharyngée, laryngée, oesophagienne, de la muqueuse du canal anal, du col utérin et accessoirement du vagin.

Certains carcinomes épidermoides peuvent naître sur un épithélium malpighien métaplasique, résultant de la transformation d’un épithélium cylindrique. Exemple: carcinome épidermoide bronchique. C’est un carcinome métaplasique .

Les cellules des carcinomes épidermoides se groupent habituellement en amas (ou lobules) tumoraux pleins et relativement volumineux.

Dans les formes différenciée s

l’aspect des cellules se modifie de la périphérie du lobule vers le centre comme dans un épithélium malpighien normal avec apparition entre les cellules de tono-filaments et éventuellement une maturation cornée. Ce sont ces tono-filaments, autrefois appelés "épines", qui sont à l’origine du nom du carcinome spino-cellulaire donné aux carcinomes épidermoides de la peau.

Dans les formes peu différenciée s

il n’y a ni tono-filaments, ni maturation cornée. Les cellules gardent cependant une forme polygonale évocatrice.

TUMEURS APPARENTÉES AUX CARCINOMES ÉPIDERMOIDES Les carcinomes baso -cellulaire s

sont des carcinomes cutanés particuliers constitués de cellules analogues à celles de l’assise basale de l’épiderme et qui ne présentent ni tono-filaments, ni maturation cornée au cours de leur évolution. Ils ont en plus la particularité de ne pas donner de métastases. Ces sont des tumeurs à malignité locale.

Les carcinomes para -malpighien s

s’observent au niveau des épithéliums urothéliaux excréto-urinaires et reproduisent la structure de cet épithélium lorsqu’ils sont différenciés. Dans certains cas, ils se différencient comme des carcinomes épidermoïdes.

LES ADÉNOCARCINOMES OU CARCINOMES GLANDULAIRES

Leurs aspects sont multiples comme ceux des épithéliums qu’ils reproduisent.

Carcinomes cylindr ique s

ils reproduisent un épithélium analogue à celui des revêtements cylindriques des muqueuses.

Les formes différenciées sont faites de cellules cylindriques qui peuvent être très ressemblantes, avec des cils ou un plateau strié. Ces cellules s’agencent en tubes ou à la surface d’axes

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conjonctifs grêles (adénocarcinome papillaire).

Les formes moins différenciées constituent des massifs cellulaires pleins creusés de cavités multiples qui peuvent contenir du mucus.

Les formes peu différenciées n’élaborent plus aucune structure tubulaire mais peuvent conserver une muco-sécrétion au sein de vacuoles intra-cytoplasmiques.

Adénocarcinomes des glandes exocrine s

la prolifération tumorale constitue des structures tubulaires ou des amas cellulaires compacts.

Les adénocarcinomes des glandes endocrine s

du rein, du foie, reproduisent des travées analogues à celles d’une glande endocrine avec un stroma analogue aux capillaires sinusoïdes de la glande normale, ceci au moins dans les formes différenciées.

CARCINOMES INDIFFERENCIÉS

Dans ces tumeurs, les cellules sont isolées ou regroupées en amas plus ou moins volumineux au sein d’un stroma d’aspect variable. Les cellules tumorales ne présentent aucune maturation, ni aucune sécrétion, qui permettraient de préciser s’il s’agit d’un adénocarcinome ou d’un carcinome épidermoïde.

- SARCOMES

Dans ces tumeurs, les cellules sont isolées ou regroupées en amas plus ou moins volumineux au sein d’un stroma d’aspect variable. Les cellules tumorales ne présentent aucune maturation, ni aucune sécrétion, qui permettraient de préciser s’il s’agit d’un adénocarcinome ou d’un carcinome épidermoïde.

Il s’agit de tumeurs beaucoup moins fréquentes que les carcinomes mais ayant une variété de types beaucoup plus grande que ceux-ci.

ASPECTS MACROSCOPIQUES ET SIÈGES

Les sarcomes sont des tumeurs nodulaires ou infiltrantes qui siègent:

au niveau des tissus conjonctifs extra-viscéraux que l’on appelle parfois tissus mous

au niveau de l’os

au niveau des viscères,

au niveau des organes hématopoïétiques (glanglions et rate, moëlle osseuse). - ASPECTS HISTOLOGIQUES ET CLASSIFICATIO N

On classe les sarcomes en identifiant la lignée conjonctive à laquelle la prolifération tumorale donne naissance. Lorsque celle-ci est reconnaissable, il s’agit d’un sarcome différencié. Lorsqu’il est impossible de préciser la nature de la lignée tumorale, il s’agit d’un sarcome indifférencié.

LES SARCOMES DIFFERENCIÉS

le fibrosarcome est la tumeur maligne de la lignée fibroblastique.

l’ostéos arcome est la tumeur maligne de la lignée ostéoblastique. Il naît le plus souvent dans le squelette mais peut naître en dehors de celui-ci; de même pour le chondrosarcome , tumeur maligne de la lignée cartilagineuse. D’une façon générale, il est fréquent qu’un sarcome reproduise une lignée cellulaire qui n’est pas normalement présente à son point d’origine car les cellules du tissu conjonctif ont de grandes aptitude à la métaplasie.

Les liposarcomes sont les tumeurs malignes des cellules adipeuses.

Les sarcomes des lignées musculaires sont: les rhabdomyosarcomes pour le muscle strié et les

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léïomyosarcomes pour les muscles lisses.

Les sarcomes reproduisant des vaisseaux sont des angiosarcomes .

Les sarcomes de la lignée histiocytaire sont connus sous le nom d’histiocyfitobromes malins . Ils sont aussi polymorphes que leurs homologues bénins, et peuvent comme eux être xanthomateux, fibreux, ou comporter des cellules géantes.

LES PROLIFÉRATIONS DES LIGNÉES HÉMATOPOÏETIQUES Eléments de vocabulair e

Il s’agit de proliférations tumorales de lignées d’origine conjonctive, on doit donc les envisager ici. Leur nomenclature est particulière.

Les leucémies

sont les proliférations d’une lignée hématopoïétique dans la moelle osseuse avec passage d’éléments tumoraux dans le sang,

les hématosarcomes

sont la prolifération d’une lignée hématopoïétique formant une ou plusieurs tumeurs localisées.

les syndromes myélo-prolifératifs

sont des proliférations précancéreuses ou cancéreuses des lignées hématopoïétiques non lymphoïdes.

les syndromes lympho-prolifératifs

regroupent les leucémies des lignées lymphoïdes et des lymphomes malins, ainsi que divers états dysimmunitaires.

Les lymphomes malin s

Ce sont les hématosarcomes des lignées lymphoïdes et histiocytaires. Il est d’usage de séparer la maladie de Hodgkin qui est la plus fréquente des lymphomes malins et les autres lymphomes malins dits lymphomes non Hodgkiniens .

Pour les lymphomes non hodgkiniens, il n’existe pas de classification qui fasse l’unanimité.

Pour la maladie de Hodgkin, l’élément indispensable au diagnostic est une cellule tumorale monstrueuse dont la lignée d’origine est imprécise mais dont l’aspect est caractéristique. C’est la cellules de Sternberg.

Cette cellule s’observe dans un ensemble lésionnel variable, ce qui permet de décrire 4 types histologiques de la maladie (classification de Lukes-Rye):

Type 1: forme à prédominance lymphocytaire,

Type 2: forme sclérosante nodulaire,

Type 3: forme à cellularité mixte,

Type 4: forme à déplétion lymphocytaire.

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Le pronostic du type 1 est relativement favorable, le pronostic du type 4 relativement mauvais, le type 2 et le type 3 ont un pronostic intermédiaire entre ces deux extrêmes.

- TUMEURS MÉLANIQUES - TUMEURS MÉSOTHELIALES TUMEURS NERVEUSES - TUMEURS EMBRYONNAIRES

Ce chapitre regroupe les cancers qui ne sont ni des carcinomes, ni des sarcomes.

- MÉLANOMES

On donne de plus en plus ce nom aux proliférations tumorales malignes des mélanoblastes (mélanomes malins), tumeurs le plus souvent cutanées mais qui peuvent être extra- cutanées (choroïde, muqueuse).

- MÉSOTHELIOMES

Ce sont des tumeurs hautement malignes nées des revêtements mésothéliaux pleural ou péritonéal. Malgré leur rareté, elles sont très étudiées car il est vraisemblable qu’elles sont provoquées par un exposition prolongée à l’amiante, polluant industriel très répandu.

- TUMEURS NERVEUSES

Le schwannome malin et le neurosarcome sont les contreparties malignes du schwannome et du neurofibrome.

Le neuroblastome est une tumeur des neurones sympathiques. C’est une tumeur de blastème (cf.infra). Les glioblastomes sont les tumeurs de la glie qui auront localement le comportement d’une tumeur maligne sans donner cependant de métastases à distance.

- TUMEURS EMBRYONNAIRES

Les tumeurs embryonnaires sont constituées de tissus ressemblant à ceux de l’embryon (ou du placenta) et non pas à ceux d’un organisme adulte.

ON APPELLE DYSEMBRYOMES OU TÉRATOMES

les tumeurs nées du développement d’une cellule germinale totipotente dans une gonade ou ailleurs (médiastin, rétro-péritoine). Le degré de différenciation et de maturation des tissus élaborés par ces tumeurs est variable. D’une façon générale, plus la tumeur a un aspect embryonnaire, immature, peu différencié, et plus elle est maligne. La présence d’un contingent immature même limité au sein d’un dysembryome doit être soigneusement recherchée car c’est un élément de pronostic péjoratif.

LE CHORIOCARCINOME

est une variété particulière de dysembryome dans laquelle l’évolution de la tumeur aboutit à la formation de tissus analogues à ceux du placenta , capables comme lui de sécréter des gonadotrophines chorioniques. Tous les choriocarcinomes ne sont d’ailleurs pas des dysembryomes: certains d’entre eux résultent de la prolifération tumorale du placenta lui-même dans les suites d’une grossesse anormale (grossesse môlaire).

LES TUMEURS DE BLASTÈME

résultent de la prolifération tumorale de vestiges anormalement persistants des blastèmes qui, au cours de l’embryogénèse, ont constitué l’ébauche de certains organes ou tissus. Ces tumeurs apparaissent habituellement dans le jeune âge et parfois dès la naissance. Les plus fréquentes sont la tumeur du blastème rénal ou néphroblastome et la tumeur du blastème sympathique appelée neuroblastome ou sympathome embryonnaire .

- CONTRIBUTION DE L’ANATOMIE PATHOLOGIQUE À LA PRAT IQUE CANCÉROLOGIQUE

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- LE DÉPISTAGE DU CANCE R

Toute lésion enlevée chirurgicalement doit être examinée histologiquement, surtout s’il s’agit d’une lésion connue pour être précancéreuse. Un certain nombre de cancers seront ainsi découverts.

A cette réserve près, les seuls examens anatomo-pathologiques utilisables pour un véritable dépistage du cancer sont les examens cytologiques. Ils sont peu coûteux, indolents et leur répétition est facilement acceptée par les patients.

LES FROTTIS GYNÉCOLOGIQUES

sont largement utilisés et permettent le diagnostic dès le stade de lésion pré-cancéreuse ou de cancer in situ. Il n’y a pas d’autre examen cytologique qui ait une efficacité et une utilité comparables.

LA RECHERCHE DE CELLULES NÉOPLASIQUES

dans les crachats, faite à titre systématique, sans point d’appel clinique, pour dépister le cancer bronchique, est d’une rentabilité dérisoire.

L’EXAMEN CYTOLOGIQUE D’UNE CYTOPONCTION DU SEIN

à l’aiguille fine peut avoir de grands avantages dans la surveillance de nodules mammaires dystrophiques chez les femmes à haut risque de cancer. Ce n’est pas une méthode de dépistage de masse du cancer du sein.

Rappelons d’un diagnostic de malignité porté sur un examen cytologique n’a jamais de valeur formelle et qu’il doit toujours être confirmé par l’examen histologique d’une biopsie avant toute chirurgie radicale.

- LE DIAGNOSTIC HISTO-PATHOLOGIQUE DU CANCE R

Il fournit des renseignements de valeur inégale selon les conditions de l’examen.

DIAGNOSTIC HISTO-PATHOLOGIQUE EXTEMPORANÉ

C’est celui que l’on porte en cours d’intervention et qui permet de donner au chirurgien deux ordres de renseingnements:

la lésion étudiée est, ou n’est pas, maligne;

les limites de la pièce d’exérèse sont indemnes de tumeur ou non

Les conditions techniques, les contraintes de temps, la nécessaire exiguïté des prélèvement et leur petit nombre font que l’examen extemporané est toujours moins précis dans ses conclusions que l’examen après inclusion en paraffine. Celui-ci sera donc toujours pratiqué en complément de l’examen extemporané.

DIAGNOSTIC HISTO-PATHOLOGIQUE DIFFÉRÉ

Il est fait après l’inclusion en paraffine, éventuellement avec le secours de diverses techniques particulières. Il permet dans les meilleurs cas de décider avec une grande précision du type tumoral après examen fait à loisir de nombreux prélèvements. Il peut être important de multiplier les prélèvements car la différenciation d’une tumeur varie d’un point à l’autre et peut n’être manifeste qu’en des zones très limitées.

L’ÉTABLISSEMENT DU PRONOSTIC DES CANCERS

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BILAN D’EXTENSION

Le caractère invasif du cancer, le degré d’invasion en profondeur, l’existence ou l’absence de métastases ganglionnaires conditionnent en parties l’avenir du malade et guident la thérapeutique. Tout compte rendu anatomo-pathologique de chirurgie carcinologique doit être rédigé en donnant un bilan précis de l’extension loco-régionale.

HISTO-PRONOSTIC

L’étude de séries importantes de tumeurs de même siège, de degré d’extension comparable et de même type histologique permet de mettre en évidence des différences dans le pronostic en fonction de détails de l’image histologique. Les paramètres importants dans les carcinomes sont:

l’importance des anomalies cellulaires et nucléaires,

le degré de différenciation de la tumeur,

les caractères du stroma.

Pour certaines variétés tumorales, on peut ainsi porter un histo-pronostic et classer la tumeur dans un groupe de pronostic relativement favorable ou relativement défavorable.

Un exemple de classification histo-pronostique est la classification de Lukes-Rye pour la maladie de Hodgkin. Une autre classification histo-pronostique utilisée est la classification de Scarf et Bloom pour les adénocarcinomes du sein.

Quoi qu’il en soit, l’histo-pronostic n’est qu’un des éléments du pronostic des tumeurs, celui-ci dépendant finalement beaucoup plus du degré d’extension que de la structure histologique.

- LA RECHERCHE DE PATERNITÉ DES MÉTASTASE S

Le cancer peut être révélé par une métastase, qu’il s’agisse d’une métastase ganglionnaire, ou d’une métastase dans un organe tel que l’os, le poumon ou le foie. C’est à l’anatomo-pathologiste que l’on demandera, au vu de la métastase, d’indiquer le siège du cancer primitif.

La réponse qui est fournie est d’une précision très variable.

SI LA MÉTASTASE EST CELLE D’UNE TUMEUR TRÈS DIFFÉRENCIÉE

l’anatomo-pathologiste peut donner une réponse formelle mais celle-ci ne permettra pas nécessairement de localiser la tumeur primitive.

Exemples:

Si l’aspect de la métastase est celui d’un carcinome thyroïdien différencié, le risque d’erreur est pratiquement nul, mais la tumeur primitive pourra être un micro-carcinome et rester absolument indétectable.

Si l’aspect de la métastase est celui d’un adéno-carcinome lieberkÜhnien, rien ne permet de dire à quel niveau du tube digestif se situe la tumeur primitive.

S’il s’agit d’un carcinome épidermoide, on ne pourra guère être plus précis sur le point d’origine. Il faut alors, s’il s’agit d’une métastase ganglionnaire, raisonner en fonction de la topographie de celle-ci et remonter à la source du drainage lymphatique pour trouver le siège du cancer.

Bien souvent, on pourra simplement porter le diagnostic d’adénocarcinome peu différencié ou même de carcinome indifférencié ou de cancer anaplasique. Dans quelques cas, on pourra envisager des explorations morphologiques complémentaires à la recherche d’une différenciation tumorale qui justifierait une thérapeutique spécifique.

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- LÉSIONS DUES AUX RADIATIONS IONISANTES

Les radiations ionisantes sont les radiations dont l’énergie est suffisante pour provoquer une ionisation de l’air. Lorqu’elles traversent un milieu biologique ou un organisme vivant, ces radiations délivrent sur leur trajet une quantité d’énergie qui varie selon le type de rayonnement.

Cette énergie est susceptible de provoquer diverses lésions cellulaires et tissulaires que l’on appelle lésions radiques.

- RADIO-SENSIBILITÉ CELLULAIRE

- LES QUANTITÉS D’ÉNERGIE

délivrées dans les tissus par les radiations ionisantes sont faibles en valeur absolue mais elles sont libérées dans des volumes très petits au contact de structures moléculaires qui peuvent subir des lésions graves.

L’irradiation de diverses cellules provoque des lésions, réversibles ou irréversibles, qui apparaissent pour des doses de rayonnement très variables selon les populations cellulaires considérées mais à peu près fixes pour une population cellulaire donnée. De là découle la notion de radio-sensibilité cellulaire, celle-ci étant d’autant plus grande que la dose nécessaire pour provoquer la mort de la cellule est faible.

Tous les éléments de la cellule peuvent être lésés mais il apparaît que la plupart des lésions ne sont pas léthales. Les régions dont la lésion provoque la mort cellulaire ont été assimilées à des cibles qui sont détruites en un ou plusieurs coups au but. On a pu établir que le nombre de coups nécessaires pour tuer une cellule varie du cours du cycle cellulaire. Ceci explique que la radio-sensibilité cellulaire soit variable au cours de ce cycle.

- LES LÉSIONS CELLULAIRES

des radiations ionisantes peuvent atteindre les membranes des organites intra-cellulaires (lysosomes-mitochondries), elles peuvent aussi perturber des systèmes enzymatiques vitaux. Les lésions qui paraissent les plus importantes sont les lésions du matériel nucléaire.

Celle-ci sont parfois visibles sur la caryotype, sous forme de rupture, de délétions et de translocations chromosomiques; on attribue à ces lésions des anomalies de la mitose observées de longue date dans les tissus irradiés. Dans d’autres cas, il s’agit de lésions moléculaires de l’A.D.N. avec rupture, éventuellement réparable, d’un ou des deux brins de la cha"ne. Les lésions non léthales peuvent aboutir à une modification permanente du matériel génétique qui sera l’équivalent d’une mutation. Si celle-ci se produit dans les gamètres, il peut en résulter l’apparition de malformations dans la descendance du sujet irradié. Si celle-ci se produit dans une

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cellule somatique, cette cellule peut, après un temps de latence souvent très long, être le point de départ d’une tumeur maligne.

Ces lésions de l’A.D.N. peuvent rester latentes dans les cellules ayant un rythme mitotique faible et ne se démasquer qu’à l’occasion d’une division cellulaire survenant parfois très longtemps après l’irradiation.

- RADIO-SENSIBILITÉ TISSULAIRE

La radio-sensibilité des tissus varie dans une large mesure d’un tissu à l’autre. En règle générale, les tissus ont une radio-sensibilité qui est inversement proportionnelle à la vitesse de leur renouvellement. L’épiderme, l’épithélium intestinal, les éléments hématopoïétique du système lymphoïde et de la moelle osseuse sont donc extrêmement sensibles à l’irradiation. A l’inverse, le tissu conjonctif commun, le tissu osseux, le tissu musculaire et le tissu nerveux sont des tissus de radio-sensibilité faible.

La radio-sensibilité des tissus n’est pas simplement la résultante des radio-sensibilités des cellules qui les composent; l’irradiation a également des effets sur les structures intercellulaires.

Un des facteurs les plus importants du retentissement immédiat et surtout du retentissement à distance des irradiations est l’existence de lésions radiques des vaisseaux. L’irradiation peut détruire des capillaires ou fragiliser leur paroi, elle peut être la cause d’une hyalinose artériolaire et d’une endartérite qui rétrécit la lumière des vaisseaux. La sclérose des lésions radiques est à la fois la conséquence du remplacement, par un tissu conjonctif de réparation, des éléments cellulaires détruits par l’irradiation et la conséquence de l’ischémie induite par les lésions vasculaires radique.

En fait, en pratique médicale, les lésions que l’on observe ne sont que rarement des lésions monotissulaires. Les lésions radiques du grêle, par exemple, associent des destructions de la muqueuse, une sclérose mutilante rétractile de la musculeuse et des lésions artérielles du mésentère.

Une des particularités les plus importantes des lésions radique est l’extrême difficulté de leur traitement chirurgical. Le chirurgien doit intervenir sur des tissus sclérosés et hypovascularisés dont la cicatrisation se fera très mal. En outre, toute manipulation chirurgicale risque de dégrader davantage la vascularisation locale déjà précaire en provoquant la trombose des vaisseaux lésés par l’irradiation.

- IRRADIATION DES TUMEURS

Hormis le cas tout à fait exceptionnel d’irradiation accidentelle, la cause des lésions radiques observées en médecine est l’irradiation thérapeutique des tumeurs.

Le but de l’irradiation des tumeurs malignes est de stériliser la prolifération cancéreuse en lésant le moins possible les tissus sains alentour. La radio curabilité d’une tumeur n’est pas liée uniquement à son type histologique. Les cellules tumorales ont certes une sensibilité variable et prévisible qui est grossièrement

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analogue à celle de la lignée cellulaire dont procède la tumeur; cependant, la situation de la tumeur est aussi importante que la sensibilité de la population tumorale.

Les doses nécessaires pour détruire complètement une lésion maligne varient entre 40 et 1OO grays, tandis que les lésions des tissus sains apparaissent pour moins de 30 grays et sont fréquentes au-delà de 80 grays. Malgré divers artifices, ily a un grand nombre de tumeurs qu’il est impossible d’irradier à dose curative sans provoquer des lésions radiques graves des organes de voisinage. L’évolution de ces lésions radiques peut être terriblement douloureuse et invalidante et finalement pire que l’évolution spontanée de la tumeur.