Analyse pratiques professionnelles

53
Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 1 - Dossier de formation continue Actes du séminaire L'analyse de pratiques professionnelles et l'entrée dans le métier les 23 et 24 janvier 2002 à Paris DESCO

description

Actes du séminaire L'analyse de pratiques professionnelles et l'entrée dans le métier les 23 et 24 janvier 2002 à Paris

Transcript of Analyse pratiques professionnelles

Page 1: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 1 -

Dossier de formation continue

Actes du séminaire L'analyse de pratiques professionnelles

et l'entrée dans le métier les 23 et 24 janvier 2002 à Paris

DESCO

Page 2: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 2 -

Ouverture des travaux

Martine Le Guen, sous-directrice des actions éducat ives et de la formation des enseignants à la direct ion de l’Enseignement scolaire

J’ai le plaisir de vous accueillir à ce séminaire consacré à l’analyse des pratiques professionnelles. La thématique peut sembler très technique, voire austère, du fait de son lien avec l’ingénierie de formation. Toutefois, les objectifs du séminaire sont ambitieux et liés à la construction de l’identité professionnelle des enseignants.

L’objectif central est de contribuer à la rénovation de la formation des enseignants, notamment lors de l’entrée dans le métier. Les objectifs spécifiques consistent à clarifier le concept d’analyse de pratiques professionnelles et à montrer qu’il peut apporter une aide dans ce cadre.

La circulaire du 27 juillet 2001 sur l’entrée dans le métier, publiée au Bulletin officiel du 6 septembre 2001, permet de donner une impulsion nationale, un cadrage, pour travailler à la formation de formateurs nécessaire à la mise en place de l’analyse des pratiques professionnelles. La DESCO a souhaité organiser rapidement un séminaire national, s’inscrivant dans son programme de pilotage, pour fixer les orientations prioritaires de la politique éducative.

Sont présents à ce séminaire des responsables de la formation continue des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), des conseillers techniques des recteurs chargés de la formation continue des enseignants du premier et du second degré, des formateurs d’IUFM, des chefs d’établissement chargés de l’ingénierie de l’accompagnement de l’entrée dans le métier et des enseignants accompagnateurs des jeunes enseignants.

Pour ouvrir nos travaux, je souhaite évoquer en premier lieu le moment fort qu’est l’entrée dans le métier, dans le cadre de la formation des maîtres, en deuxième lieu l’analyse des pratiques professionnelles comme démarche de formation à privilégier lors de cette entrée dans le métier et en troisième lieu l’incidence de l’analyse des pratiques sur le dispositif de formations des maîtres.

Un moment fort de la formation des maîtres

La moitié du corps enseignant doit être renouvelée dans les dix ans qui viennent. Le ministère de l’Éducation nationale doit donc recruter environ 165 000 enseignants, dans le premier comme dans le second degré, entre 2001 et 2005, dans le cadre d’un plan pluriannuel. Lors d’une conférence relative au plan de rénovation de la formation des maîtres le 27 janvier 2001, le ministre de l’Éducation nationale a indiqué que le ministère était confronté non seulement à un défi quantitatif, mais également à un défi qualitatif. Une formation adaptée à la prise de fonction permettra aux enseignants de mieux exercer leur métier et d’en découvrir les richesses et les difficultés.

La question des compétences est importante car l’acquisition de ces dernières aura des conséquences durables sur le système éducatif. La formation initiale est essentielle et riche, mais ne peut à elle seule répondre à cette question. Les compétences professionnelles complexes et multiples du métier d’enseignant s’acquièrent en effet de manière progressive.

Le ministre de l’Éducation nationale a voulu que les enseignants bénéficient d’une aide, lors de leur entrée dans le métier, pour leur permettre de s’intégrer dans les meilleures conditions possibles dans leur école ou leur établissement scolaire. La prise de fonction, en pleine responsabilité, est facilitée si le jeune professeur est aidé, au sein de l’équipe pédagogique, dans sa découverte du métier d’enseignant et de l’enseignement d’une discipline sur une longue durée et avec un horaire complet. L’enseignant doit également savoir adapter ses savoirs à un public scolaire souvent hétérogène.

Tout enseignant débutant est confronté à une situation nouvelle, différente de celle de sa formation initiale, qui comprend de nombreux stages en pratique accompagnée ou en responsabilité. Il peut être désemparé et douter de sa capacité à enseigner quand l’environnement du premier établissement dans lequel il travaille est difficile. Il est essentiel de le rassurer et de l’aider à résoudre les problèmes qu’il rencontre, pour éviter son isolement et son découragement. Ce dernier peut être à l’origine d’un absentéisme progressif, voire d’un abandon de la profession, par la voie d’une démission.

Le dispositif d’accompagnement à l’entrée dans le métier, tel que précisé dans la circulaire du mois de juillet 2001, doit être au service d’une formation adaptée aux besoins de l’enseignant débutant. Je rappelle à ce sujet que le jeune enseignant bénéficie du soutien et de l’appui d’un enseignant accompagnateur, voire d’une équipe. Le but de l’accompagnement à

Page 3: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 3 -

l’entrée dans le métier est d’offrir à ce jeune professeur une personne ressource, en position de pair, qui peut être rapidement sollicitée. Cette personne expérimentée n’est pas un modèle à imiter pour le jeune enseignant, mais une personne qui aide ce dernier à construire ses compétences, en l’écoutant, en l’aidant à formuler ses questions sur le métier et à analyser les incidents rencontrés et les réussites observées chez les élèves.

Ce dispositif prévoit que trois semaines en première année et deux semaines en deuxième année soient consacrées à une formation spécifique pour les nouveaux enseignants. Celle-ci a pour but d’accompagner la compréhension et la résolution des problèmes qu’ils rencontrent pour trouver leurs repères et une posture adaptée à leur nouvelle situation. Le contenu de cette formation sera en lien avec celui de la deuxième année d’IUFM. Il aidera à l’analyse des situations rencontrées qui doit être un moyen efficace de la professionnalisation des enseignants.

L’analyse des pratiques professionnelles

L’analyse des pratiques professionnelles est une démarche que nous souhaitons privilégier lors de l’entrée dans le métier. Elle permet de prendre de la distance par rapport à la pratique et de porter un regard sur l’activité pédagogique, dans le cadre d’une activité réflexive. L’enseignant qui analyse l’activité de sa classe parvient à dégager des points de repère qui lui permettre de diversifier ses modes d’intervention auprès des élèves. Organiser la classe et traiter l’hétérogénéité des élèves préoccupent de fait les jeunes enseignants. Analyser les écarts entre les objectifs prévus et réalisés, entre les effets attendus et les résultats obtenus, entre ces résultats et les situations d’apprentissage des élèves, permet une meilleure lisibilité des pratiques professionnelles. Aider les enseignants débutants à lire leurs pratiques professionnelles est intéressant, car cela leur permet d’identifier les obstacles et d’élaborer des hypothèses en ce qui concerne les résultats. Les enseignants peuvent par la suite échanger avec leur professeur accompagnateur.

L’analyse des pratiques professionnelles permet, de manière générale, aux jeunes professeurs d’apprendre à enseigner, en réfléchissant sur l’action. Cette démarche permet de repérer ses erreurs et de progresser. Dans la démarche d’études de cas, l’enseignant passe de l’expression de difficultés professionnelles ponctuelles à la formulation de problèmes professionnels identifiés, qui peuvent s’appuyer sur des connaissances théoriques apportés par des experts et qui peuvent donner lieu à des échanges de points de vue entre collègues.

Toutefois, l’analyse n’est pas un simple échange entre pairs, même si l’égalité des statuts contribue à la construction de compétences collectives et éloigne la peur d’être jugée par un expert. Elle n’est pas une modalité de réponse à un problème posé par des spécialistes, dans le cadre d’un modèle. L’atelier d’analyse des pratiques professionnelles est un lieu de réflexion sur l’action pédagogique. Il contribue à accroître le professionnalisme des enseignants, car il permet d’analyser la pratique pédagogique et de dégager les besoins de formation de l’enseignant. L’atelier d'analyse de pratiques professionnelles est par ailleurs un lieu de construction de l’identité professionnelle, car il permet de faire des choix pédagogiques et de découvrir des postures professionnelles. De manière générale, l’analyse des pratiques aide à mieux analyser les éléments professionnels du métier, pour mieux agir et mieux réagir.

Les textes de 1994 et 1997 relatifs aux missions et compétences des enseignants rappellent qu’il convient de s’attacher à développer chez tout futur enseignant les capacités d’analyse de la pratique professionnelle et le goût de poursuivre sa propre formation. Ces textes soulignent en outre l’importance de l’analyse de l’action, du public et du contexte de l’action.

L’analyse des pratiques professionnelles est une notion qui demande à être clarifiée. Nous avons donc réuni aujourd’hui des concepteurs de formation et des personnes qui réfléchissent à l’accompagnement de l’entrée dans les métiers. Grâce à notre séminaire, ces derniers pourront recourir à cette méthode en toute connaissance de cause. Ils pourront également se référer à une forme particulière d’analyse des pratiques. Par ailleurs, les responsables de la formation de l’accompagnement de l’entrée dans le métier pourront évaluer le besoin de formation des accompagnateurs du dispositif d’analyse des pratiques. Ces derniers doivent en effet disposer de compétences spécifiques, qui peuvent être discutées par les universitaires, les responsables d’IUFM et les conseillers techniques auprès des recteurs.

Notre séminaire n’a pas pour but de présenter l’analyse des pratiques dans une forme unique. Nous souhaitons plutôt que le choix de l’approche soit fait de manière éclairée par le formateur en charge de la formation des jeunes enseignants et par le concepteur de la formation. Il me semble essentiel de savoir qu’une des approches conduit à réfléchir à la posture institutionnelle des enseignants, alors qu’une autre approche, plus " clinique ", interpelle le sujet en situation professionnelle. De même, une approche s’attache plus au geste, une autre au sujet ou à la situation pédagogique. Il est indispensable que la personne chargée de la formation à l’entrée dans le métier et de la formation des maîtres maîtrise le champ de l’analyse des pratiques.

Par ailleurs, il me paraît important de connaître les risques de la formation par l’analyse des pratiques professionnelle. En effet, cette dernière n’interroge pas uniquement l’objet de formation et la compétence pédagogique ou didactique, conçue comme un objet. Cette formation conduit le sujet à analyser sa situation, son attitude et ses choix. Son approche et sa posture d’enseignant sont éclairées par l’analyse. Le sujet s’implique fortement dans le cadre de l’analyse des pratiques professionnelles et il ne faudrait pas déstabiliser ou déconstruire ce dernier. L’analyse des pratiques doit au contraire mieux l’armer dans son métier. Par ailleurs, elle ne doit pas être l’addition des besoins individuels, mais doit tenir compte des objectifs de l’institution.

Page 4: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 4 -

Les incidences sur les dispositifs de formation

Notre séminaire a pour but de vous faire connaître cet outil afin que vous puissiez mieux concevoir les situations de formation dans lesquelles on l’utilise et les compétences nécessaires pour les formateurs. L’analyse des pratiques doit être située dans le dispositif global de formation à l’entrée dans le métier, tel qu’il est défini dans la circulaire de juillet 2001. Ce dispositif s’appuie sur les besoins des enseignants lors de la période sensible qu’est l’entrée dans le métier. Il propose des séquences alternées d’aides collectives et individuelles, des stages présentiels, des échanges guidés entre jeunes enseignants et avec des enseignants plus expérimentés, des ateliers de pratiques comprenant des études de cas.

De fait, l’analyse des pratiques n’est pas la seule modalité de formation lors de l’entrée dans le métier. Il n’est pas question de mettre de côté la maîtrise des savoirs et le cadre institutionnel. Elle ne doit pas non plus être considérée comme une modalité réservée à l’entrée dans le métier, bien que ce soit le thème de notre séminaire. Elle est en effet intéressante pour la formation initiale comme pour la formation continue, car elle fait réfléchir au caractère professionnel du métier d’enseignant. La modalité d’analyse des pratiques peut être utilisée pour la formation tout au long de la vie professionnelle. Comme vous le voyez, les thèmes que nous allons aborder sont très larges.

Aujourd’hui, nous allons étudier la notion même d’analyse des pratiques professionnelles. Nous avons fait appel à des universitaires, qui ont écrit sur ce sujet, après l’avoir mise en œuvre. Ils vont nous montrer la diversité d’approches et les invariants. Nous pouvons attendre de cette journée une plus grande lisibilité de cette notion et de la diversité des situations de formation pouvant recourir à cette analyse.

Suzanne Nadot, maître de conférences et auteur d’ouvrages sur l’analyse des pratiques, a été notre consultante pour la conception de ce séminaire. Elle animera la journée et présentera une synthèse, en faisant appel aux interventions de la journée et à des approches non évoquées lors des présentations. Elle cherchera à formaliser les invariants, les différences et les présupposés théoriques du dispositif d’analyse des pratiques professionnelles.

La matinée de demain sera consacrée à des ateliers. Un animateur sera présent pour répondre à vos questions et des situations d’analyse des pratiques vous seront présentées par des experts, qui les ont mises en œuvre. Des enseignants-formateurs et des chefs d’établissement témoigneront. Ces ateliers chercheront à mettre en valeur les objectifs et les enjeux de la démarche. Nous verrons comment les personnes s’engagent, dans l’exercice de leur métier, et ce qu’apporte cette analyse, par rapport à la formation initiale ou à la formation continue.

Demain après-midi, une synthèse et une réflexion sur les différentes possibilités offertes aux concepteurs de formation seront proposées. Bernard Cornu et Jean-Paul de Gaudemar interviendront pour conclure notre séminaire.

Le contenu de ces deux journées est particulièrement dense. Nos échanges seront transcrits en vue d’une large diffusion dans les académies. Je vous souhaite des travaux fructueux et je passe la parole à Jacques Durand.

***

Page 5: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 5 -

I. Analyser ses pratiques pour mieux se former

Jacques Durand, directeur de l’Institut national de formation des maîtres, Orléans-Tours, président de la commission formation initiale de la Conférence des directeurs d’IUFM

Au terme de dix années de développement, les IUFM se trouvent à nouveau confrontés à ce défi : comment former plus et comment former mieux ? En effet, l’Éducation nationale doit former et recruter 180 000 enseignants dans les prochaines années… Chacun, aujourd’hui, doit promouvoir les conditions de la réussite de la formation universitaire et professionnelle de ces nouveaux maîtres. Comme vous le savez, la formation initiale du futur enseignant débute à l’université et se poursuit à l’IUFM. Dès la titularisation du professeur débutant, cette formation se prolonge par l’accompagnement à l’entrée dans le métier et par les stages de formation continue, dont nos instituts sont les principaux maîtres d’œuvre depuis 1998.

Cette année, la question de la mise en œuvre de l’accompagnement à l’entrée dans le métier des professeurs débutants s’est posée. La DESCO, dans le cadre de son groupe de travail réunissant plusieurs acteurs du système éducatif, a pris l’heureuse initiative d’organiser ce séminaire national sur les thèmes de l’analyse de pratiques professionnelles et de l’accompagnement des enseignants débutants. Cette question n’est pas nouvelle mais prend plus d’acuité et de relief eu égard à la rénovation de la formation des maîtres annoncée par le ministre.

Certains IUFM, dès le début des années 1990, ont cherché à développer les compétences professionnelles par l’introduction de modules de formation s’appuyant sur les premières expériences des professeurs stagiaires vécues et capitalisées à l’occasion de leurs stages à l’école, au collège ou au lycée. L’analyse de pratiques professionnelles entrait peu à peu dans les instituts de formation des maîtres avant de se généraliser aujourd’hui dans les trente et un IUFM. Permettez-moi de saluer au passage les trois nouveaux IUFM qui viennent de nous rejoindre, ceux de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique dont l’acte de création a été prononcé voici quelques semaines.

L’analyse de pratiques dans le cadre de la formatio n initiale

Suzanne Nadot, maître de conférences à l’IUFM de Versailles, a été la principale actrice de la mise en place d’ateliers de ce type à l’IUFM de Bretagne. La lecture des plans de formation de plusieurs de ces établissements montre que cette question de l’analyse de pratiques, comme nous invite à y réfléchir aujourd’hui la direction de l’Enseignement supérieur, peut être au centre du dispositif de la formation professionnelle. En la matière, les apprentissages passent par la prise en compte de la diversité des situations d’enseignement rencontrées par les stagiaires sur le terrain de leurs pratiques professionnelles. Par ailleurs, la transmission de savoirs experts doit naturellement s’accompagner de mises en situations professionnelles dans la classe, à travers les stages, notamment les stages en responsabilité.

Toutefois, ceux-ci ne suffisent pas pour consolider à eux seuls l’accroissement de la qualification et la construction de l’identité professionnelle du futur enseignant. C’est pour cette raison que des formateurs d’IUFM ont peu à peu mis en place des articulations, des sas, permettant au-delà des temps de pratique, la réflexion professionnelle et personnelle des professeurs stagiaires.

L’Éducation nationale n’est pas la seule à avoir eu recours à l’analyse de pratiques professionnelles. Qu’il me soit permis d’évoquer ma propre expérience où, dans les années 1980, j’ai moi-même eu l’occasion d’intervenir dans des écoles d’infirmières, pour entendre dans un premier temps ce que les stagiaires avaient à dire à l’issue de périodes d’alternance théorie – pratique et travailler ensuite sur les représentations du métier, le travail en équipe, les relations fonctionnelles et hiérarchiques, leurs rapports aux malades et à leurs familles, voire, épreuve singulière de ce métier, le rapport à la maladie et à ses évolutions. À l’occasion de bilans de stages et d’observations de l’évolution du métier, les responsables de formation avaient constaté que l’enseignement traditionnel, l’exposé des tâches et responsabilités, l’apprentissage des gestes professionnels, bref la transmission du référentiel de compétences du métier d’infirmière, ne suffisaient pas. Il fallait un espace d’appropriation personnalisé des savoirs professionnels et comportementaux. Les infirmières voulaient confronter leurs expériences, analyser leurs succès ou leurs difficultés, apprécier comment elles pouvaient, au quotidien, maîtriser la diversité des situations qu’elles rencontraient, tenir leur rôle et, en quelque sorte, s’approprier personnellement leur métier, au-delà de l’enseignement reçu lui-même. Dans ces écoles de formation comme dans d’autres, il apparaissait nécessaire que la construction de compétences soit irriguée par des dispositifs de formation d’adultes et d’accompagnement professionnel plaçant la parole et le travail personnel des formés, les échanges entre stagiaires, au cœur de la situation d’apprentissage du métier. Ces analyses de pratiques ont émergé de surcroît, personne ne s’en étonnera, dans la préparation à l’exercice de métiers où les relations inter-humaines dominent, comme ici les professions de la santé et les métiers de l’enseignement.

L’accompagnement de l’entrée dans le métier

En cette année 2002, le dispositif d’accompagnement à l’entrée dans le métier au profit des enseignants débutants se généralise progressivement dans chaque académie. Au nom des trente et un directeurs d’IUFM de la France métropolitaine et Dom-Tom, je tiens à remercier Jean-paul de Gaudemar, directeur de la direction de l’Enseignement scolaire, et ses collaborateurs pour cette initiative qui donnera à chacun, au cours de ces deux journées, la possibilité de livrer ses réflexions, d’imaginer des hypothèses de travail, de mutualiser les premiers résultats de situations expérimentales mises en

Page 6: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 6 -

œuvre ici ou là. Il paraît en effet essentiel de définir et de renforcer le lien entre la formation initiale développée à l’IUFM et l’accompagnement du nouveau titulaire à partir de sa première prise de fonction. D’un point de vue général, on ne peut affirmer que tous ces établissements aient constitué les ressources nécessaires et se soient spécialisés sur ces questions d’analyse de pratiques professionnelles et, le cas échéant, d’accompagnement à l’entrée dans le métier. Toutefois, des enseignants-chercheurs et des formateurs, à l’image de ceux qui interviendront dans ce séminaire, disposent déjà d’une expertise sur ces sujets et constituent incontestablement, dans le réseau intra-académique (rectorat-IUFM-universités), voire entre académies partenaires, des personnes ressources pour les instituts ou les responsables académiques de formation.

Au-delà de la commande de formation qui appartient aux recteurs, " les employeurs ", et au terme d’une période de dix années d’existence que j’évoquais précédemment, les IUFM sont ouverts à toute proposition de travail en partenariat, au sein de chaque académie, sur la conception et la mise en œuvre de ces actions. En cette année de la rénovation de la formation des maîtres, je formule le vœu que ce séminaire fasse de ce dispositif d’accompagnement à l’entrée dans le métier un espace, à la fois de continuité et d’innovation, articulé entre formation initiale et formation continue. Cet espace devrait réunir les acteurs du système éducatif les plus préoccupés par ces questions, dans l’intérêt des enseignants débutants, des établissements et au bout du compte des élèves eux-mêmes.

De discussions avec des enseignants-chercheurs et des enseignants des IUFM, je partage l’idée qu’en matière d’apprentissage, comme le disait Lewin, rien n’est aussi pratique qu’une bonne théorie. Toutefois, les remarques et les questions des professeurs stagiaires portent souvent sur la pertinence de certains enseignements reçus et leur faisabilité en situation scolaire, sur la diversité des publics rencontrés et les difficultés d’adaptation aux caractéristiques de l’école ou de l’établissement. Bref, la critique du " trop théorique et trop éloigné des réalités " n’est pas absente de leurs propos. Les stagiaires souhaitent en effet maîtriser les situations d’enseignement, les langages et procédures, les gestes professionnels, producteurs de changements et d’apprentissages chez leurs élèves.

Pour viser les nouveaux objectifs institutionnels que l’on cherche aujourd’hui à atteindre et pour répondre à cette attente des intéressés, il faut considérer que la classe où s’exerce la pratique professionnelle est un authentique lieu de production de compétences nouvelles, que ce soit à l’occasion de stages de pratique accompagnée ou en responsabilité ou a fortiori lors des premières années d’exercice du métier. La confrontation à la pratique conduit à chercher à résoudre des problèmes nouveaux auxquels le stagiaire, ou, pour ce qui nous intéresse présentement, l’enseignant débutant n’avait pas nécessairement été préparé. Le débutant constate que sa pratique ne peut se traduire en termes d’application de schémas préconçus et de recettes pédagogiques. Il construit de fait, au fil du temps, son savoir professionnel par l’action et la réflexion sur cette action. Il n’est pas de bon praticien, d’autres l’ont dit avant moi, sans posture réflexive.

La mise en place de ces ateliers d’analyse de pratiques professionnelle, lors de la formation initiale et au cours des deux premières années d’exercice, doit aider l’enseignant débutant à exposer et comprendre ses essais et erreurs, ses réussites, à construire des liens entre ce qui était pour lui jusqu’alors épars et à imaginer des réponses innovantes susceptibles d’accroître l’efficacité de sa pratique. Chacun a pu connaître, lors de sa propre formation, des conceptions comportementalistes de préparation à une activité, du type stimulus-réponse. Notre système de formation n’échappait pas complètement, naguère, à cette conception. Pour devenir un enseignant efficace, il fallait garantir la reproduction d’actions, de techniques, de langages. Dans cette perspective de prescriptions, l’un des objectifs assigné aux formateurs étaient de modifier les savoirs-faire et comportements premiers des stagiaires et de contrôler leurs justes acquisitions au terme d’un processus d’imprégnation.

L’analyse de pratiques professionnelles et le dével oppement de l’autonomie des enseignants

Dans le cas de l’analyse de pratiques professionnelles, il ne s’agit pas de quantifier des données objectivables issues d’une situation déterminée. Par le truchement de la verbalisation de situations éprouvées, de confrontations d’expériences, d’apports notionnels, de validation de résultats, le but recherché est celui d’aider l’enseignant débutant à théoriser sa propre pratique. Par des dispositifs de recueil, d’analyse, de formalisation et de communication, le formateur veillera ainsi à faciliter chez le nouvel enseignant la compréhension et la maîtrise de situations professionnelles rencontrées dans la classe ou l’établissement. Pour le dire autrement, on recherchera une plus grande capacité professionnelle à être performant, c’est-à-dire une plus grande capacité à atteindre les objectifs assignés à l’école et à ses fonctionnaires. Cependant, la recherche de la systématisation, la prescription de standards professionnels, la valorisation de comportements normés, doivent nous paraître nécessairement minorés voire absents dans le cadre de cette mise en œuvre d’ateliers d’analyse de pratiques. Mieux réfléchir entre adultes et individuellement, mieux agir face à la diversité des situations d’enseignement-apprentissage, trouver, en temps réel, des réponses adaptées, gérer avec expertise l’incertitude, voici des orientations de formation et d’accompagnement qui conduisent le débutant sur le chemin de l’autonomie.

Acceptons la critique qui nous est quelquefois adressée de ne puiser des exemples que dans nos maisons et éloignons-nous quelques instants des questions d’Éducation nationale et de formation des enseignants. Bruno Bettelheim, plutôt connu pour ses travaux sur les enfants autistes, s’était interrogé, dans un contexte bien particulier celui de la " guerre des six jours ", sur les prises de décision et les comportements de jeunes combattants israéliens, vivant dans des kibboutz, et chargés par leurs aînés de défendre des positions. Il avait observé chez ces kibboutzim deux types de réactions. Ceux qui évoluaient dans une collectivité fortement structurée et hiérarchisée et qui avaient reçu une formation prescriptive, analytique, affirmative, développant une instruction de la réponse, se trouvaient démunis devant des situations à forte

Page 7: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 7 -

incertitude ; en mal d’imagination et d’initiative, respectant à la lettre les consignes, nombre d’entre eux furent retrouvés morts à leur poste.

Les autres, placés dans des situations à risques équivalents, issus de collectivités plutôt délibératives, habitués à une organisation plus souple, plus flexible laissant une large part d’autonomie aux apprenants, sensibilisés à la pédagogie de la mission, surent trouver des solutions adaptées aux contraintes qu’ils vivaient. Toute comparaison a ses limites et nous sommes placés là devant des situations extrêmes. Cependant, ces observations montrent bien, dans des contextes particuliers d’engagement, les effets de l’autonomie sur la capacité à résoudre un problème en vue d’atteindre un objectif collectif et partagé. Réussir n’est pas répéter de façon mécanique des gestes, mais posséder une capacité à produire des réponses de plus en plus pertinentes à la diversité des situations rencontrées.

Pour illustrer ce constat, citons un exemple. Au sein de la commission formation de la conférence des directeurs d’IUFM, une première comparaison de résultats obtenus aux concours de recrutement des professeurs des écoles fut effectuée. Sous réserve d’une étude plus systématique, deux éléments ont retenu notre attention. En premier lieu, il semble que sur certains sites, des formateurs préparent de façon rigide et technique les futurs enseignants à l’épreuve de l’oral professionnel. Or, les étudiants qui répètent de manière stéréotypée cette mise en situation, n’obtiennent pas les évaluations escomptées. Dans d’autres sites de formation, une fois les apports incontournables acquis, des méthodes plus imaginatives, fondées sur des jeux de rôles en présence des pairs, sont utilisées. Les chances d’obtention d’évaluations davantage positives sont souvent confirmées.

En second lieu, il arrive que certains IUFM aient momentanément des sites en difficulté, du fait d’une absence prolongée d’un collègue ou du petit nombre de formateurs. On constate alors que les enseignants présents, dans de tels cas, prennent en charge l’accroissement des tâches et modifient leurs modes de fonctionnement avec les étudiants ou les stagiaires, qui à leur tour développent des capacités d’auto-organisation. Nous avons constaté que des sites mieux équipés, bien structurés, disposant de ressources humaines adéquates, ne produisaient pas de meilleurs résultats que ces sites confrontés à des situations problématiques. Les pratiques innovantes mises en place ont permis de pallier les difficultés rencontrées. Ce n’est pas pour autant, vous le comprenez bien, que les IUFM recherchent des situations de pénurie d’enseignants !

De manière générale, probablement plus dans ce métier que dans d’autres, l’acquisition de savoir-faire professionnels ne suffit pas pour garantir un résultat. Si cette acquisition est nécessaire, elle est néanmoins insuffisante. L’accompagnement doit être mené également en partant de situations ressenties par l’enseignant lui-même. Il est souhaitable d’examiner avec lui la façon dont il gère la classe, la capacité qu’il a à résoudre des problèmes d’enseignement et d’apprentissage, l’évolution de sa représentation du métier, la construction de son identité professionnelle : celle du professeur et du fonctionnaire d’Etat.

Entre théorie et pratique, entre programmes scolaires et exercice de l’autorité, entre statut de la fonction publique et rôles de l’enseignant, entre didactique disciplinaire et pédagogie de la classe, entre compétences professionnelles et ressources personnelles… le débutant accompagné à son entrée dans le métier, dans ce bassin d’échanges, sas de l’analyse de pratiques, aura la faculté d’exposer autrement son action et son efficacité, ses essais et ses erreurs. Stagiaire, il attendait souvent de ses tuteurs une réponse ; nouveau titulaire, il admet qu’il lui revient de plus en plus de résoudre des problèmes. Le tuteur, professeur-ressource, pourra étudier la pertinence des anticipations du professeur débutant et la qualité d’analyse des effets produits par ses interventions en classe. Il observera comment s’opère le passage progressif des composantes émotives à une analyse maîtrisée de sa pratique de l’enseignement.

Le but de l’analyse des pratiques professionnelles est l’autonomie du professeur dans sa classe, fondée sur l’atteinte des objectifs institutionnels. L’autonomie s’acquiert par l’approfondissement de l’expérience professionnelle, dans le contexte social et culturel de l’exercice du métier. Il faut veiller, dans l’intérêt de tous, à la mise en place d’un dispositif continu entre l’évaluation des compétences du professeur stagiaire en formation initiale et l’accompagnement du professeur titulaire durant les deux premières années d’exercice. Il me semble que nous nous engageons aujourd’hui dans cette voie, ce qui nécessairement nous amène à poser trois questions.

Nous devrons, dans un premier temps, dans un environnement à forte évolution sociale et technologique, clarifier le rôle des savoirs théoriques dans la constitution des savoirs professionnels et identifier la base de connaissances jugées pertinentes pour l’apprentissage du métier d’enseignant. La conférence des directeurs d’IUFM attire régulièrement l’attention de la direction de l’Enseignement supérieur sur ce sujet, notamment dans la perspective d’une réforme attendue des concours de recrutement des professeurs du second degré.

Dans un deuxième temps, il faut intensifier et valoriser les recherches en sciences de l’éducation dans les IUFM, afin de conduire les enseignants-chercheurs et les enseignants du premier et du second degrés à se donner un langage commun. Il reste, à l’évidence, un certain chemin à parcourir pour transformer les savoirs théoriques en savoirs utiles au professeur stagiaire, professeur titulaire en puissance.

Enfin, il faut reconnaître que l’accompagnement fondé sur l’analyse de pratiques professionnelles n’est pas neutre. Le risque d’un compagnonnage psychologisant est toujours possible. Il me paraît donc nécessaire, pour ma part, de débattre des valeurs éducatives à promouvoir et de faire des choix explicites et publics.

Page 8: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 8 -

Actuellement, le système éducatif innove et la prochaine rentrée universitaire et scolaire sera légèrement différente de celle que nous avons connue cette année. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Les jeunes enseignants, fonctionnaires d’un grand service public, l’Éducation nationale, doivent légitimement savoir quelles sont, aujourd’hui, les valeurs prônées de la République et quelles sont, en particulier, celles avec lesquelles on ne tergiverse pas.

En conclusion, permettez-moi de rappeler ces mots de Jules Ferry adressés aux jeunes instituteurs, profondément républicains : "ce n’est pas l’action du livre qui compte, c’est la vôtre ".

***

Page 9: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 9 -

II. Les analyses de pratiques et la formation des maîtres présentation du séminaire

Suzanne Nadot, maître de conférences, IUFM de Versail les

Martine Le Guen m’a demandé d’animer cette journée de séminaire, en faisant appel à mon expérience dans le domaine de l’analyse de pratiques et à ma qualité de chercheur. Je travaille depuis 1991 dans des IUFM et c’est à l’IUFM de Bretagne, que j’ai été particulièrement impliquée dans ce type de formation. Il a en effet été décidé de mettre en place des groupes d’analyse de pratiques pour les professeurs de lycées et collèges stagiaires. Le but recherché était alors de rapprocher la formation de la pratique et des stages, répondant pour partie à la demande des professeurs stagiaires, qui se plaignaient des cours théoriques et du manque de pratiques.

L’analyse de pratiques dans le cadre de la formatio n des maîtres

L’analyse de pratiques a été mise en place avec un certain enthousiasme, malgré les difficultés que nous rencontrions. En effet, les groupes d’analyse de pratiques n’ont pas été faciles à créer et je vous mettrai en garde en fin de journée à ce sujet. Rassurez-vous, depuis quelques années, cette formation rencontre un certain succès et il me semble que ce dispositif peut en partie s’inscrire dans un processus de professionnalisation ou dans une évolution permanente du professionnalisme.

Par ailleurs, j’ai réalisé, avec une équipe pluridisciplinaire de chercheurs, une étude sur le rapport des enseignants à la formation. Nous avons, dans le cadre de cette étude, cherché à comprendre les propos, parfois désagréables, des enseignants stagiaires et des jeunes enseignants, sur la formation. Notre ouvrage intitulé " Malaise dans la formation " retrace notre recherche. Je me suis moi-même penchée sur la question de la pratique à ses débuts. J’ai étudié la rencontre des jeunes enseignants avec la réalité du métier dans toute son étendue. Les professeurs des écoles, comme les professeurs de lycées et collèges, ont à construire leur identité professionnelle et leur positionnement vis-à-vis des élèves, des enfants ou des adolescents, des collègues, de la hiérarchie et des familles. Ils doivent prendre position par rapport à ce monde nouveau, qui surgit dans leur environnement professionnel et il est important qu’ils puissent analyser l’incidence que cela a dans leurs pratiques.

La formation des jeunes enseignants ne doit pas pour autant être uniquement constituée de séances d’analyse de pratiques. J’ai moi-même été professeur de mathématiques ; les cours de mathématiques m’ont évidemment été indispensables. Cependant, ils ne m’auraient pas suffi pour enseigner. Les discussions avec des collègues ou d’autres étudiants ainsi qu’une réflexion personnelle sur les mathématiques m’ont été nécessaires. Les espaces d’analyse de pratiques permettent, sans injonction d’acquisition de savoirs, de réfléchir, d’assimiler et d’étendre la compréhension d’un apprentissage.

L’organisation du séminaire

Notre but est de vous aider à mettre en place les formations d’accompagnement de l’entrée dans le métier. Lors de ce séminaire, vous allez ainsi pouvoir discuter de l’analyse de pratiques et partager vos expériences.

La notion d’analyse de pratiques divise. D’une part, elle est banale et habituelle, car les personnels en charge de la formation des enseignants parlent de la pratique et ils recourent donc à l’analyse. Elle est également habituelle dans la recherche, car les chercheurs analysent les pratiques pour élaborer des théories. De fait, nous sommes tous capables d’analyser les pratiques. D’autre part, l’analyse de pratiques traduit depuis quelques années des modalités spécifiques dans le cadre de la formation des enseignants. Elle n’est pas organisée à partir d’une transmission des connaissances préétablies ou d’une évaluation des connaissances attendues. Elle relève de la réflexion sur l’expérience personnelle. Il faut alors se demander comment est menée la réflexion, c’est-à-dire dans quels cadres et avec quels outils conceptuels, la pratique est analysée.

Pour organiser ce séminaire, nous avons choisi de nous référer à ce qui existait et été amenés à nous poser deux questions. En premier lieu, nous nous sommes demandés quelles étaient les différentes formes d’analyse de pratiques. Or, aujourd’hui, les catégories ne sont pas suffisamment précisées pour qu’un exposé de chacune d’elles ait un sens et que cela éclaire suffisamment la question. Nous avons considéré que l’exposé d’une description exhaustive et organisée était impossible. En deuxième lieu, nous nous sommes demandés s’il existait de bonnes et de mauvaises formes d’analyse de pratiques. Or, chacun sait, à travers ce qu’il a vécu ou entendu, que certaines expériences sont jugées négatives et peuvent entraîner un rejet de toute réflexion sur la pratique. D’autres expériences sont par contre jugées positives mais ces " bonnes formes " d’analyse de pratiques ne sont pas encore suffisamment stables pour être transférables et transmises entre praticiens avec une assez grande garantie de succès. Bernard Cornu devrait évoquer demain la question de la mise en place de dispositifs pour l’ensemble des jeunes enseignants et la question des choix sera posée. Enfin, nous avions connaissance de différentes expériences menées dans des institutions de formation, expériences qui avaient été décrites et théorisées. Nous avons donc décidé de vous présenter des témoignages et nous avons demandé à des acteurs de l’analyse de pratiques de venir parler de leurs expériences, qu’elles aient eu lieu ou non dans le domaine de la formation des

Page 10: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 10 -

enseignants. À ce sujet, il nous a paru intéressant de voir comment l’analyse de pratiques est utilisée comme modalité de formation dans d’autres professions.

Suite à ces témoignages, vous participerez à des ateliers au cours desquels vous pourrez entendre d’autres présentations et discuter de vos manières d’utiliser l’analyse de pratiques et de votre compréhension des dispositifs. Ces échanges devraient permettre de ne pas en rester au discours formel et de préciser en quoi les manières de faire sont différentes. Comprendre l’analyse de pratiques nécessite d’appréhender ce que sont les notions de posture, de cadre, de pratique réflexive et de concevoir que la description et l’interrogation d’une situation vécue est aussi une modalité d’apprentissage.

Je passe la parole à Gilles Monceau qui est maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université de Paris VIII. Il travaille sur la théorie d’analyse institutionnelle. Il va évoquer des modalités d’analyse de pratiques inspirées par l’analyse institutionnelle et nous présentera le dispositif d’intervention dans lequel il est impliqué : les classes relais.

***

Page 11: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 11 -

III. Autour de l’analyse institutionnelle : la déma rche de formation

Gilles Monceau, maître de conférences, université d e Paris VIII

Dans le cadre de mon travail de chercheur, j’utilise un certain nombre de dispositifs d’analyse de pratiques, dans les Iufm comme dans d’autres établissements. J’ai choisi de vous présenter plus particulièrement aujourd’hui mon travail auprès des classes relais. Dans celles-ci, œuvrent en commun des personnels de l’Éducation nationale et d’autres administrations. En outre, un certain nombre de jeunes enseignants sont intégrés dans ces dispositifs et sont de ce fait confrontés à des situations difficiles dès leur entrée dans le métier. D’un point de vue théorique, je m’appuie sur l’analyse institutionnelle que je vais chercher à vous définir en trois points.

En premier lieu, l’institution est considérée comme un tissu de contradictions actives, évolutives et dynamiques. En conséquence, l’institution n’est pas statique bien que certains acteurs, comme les enseignants, aient parfois l’impression du contraire. De fait, les mouvements et les perturbations sont nombreux et ne viennent pas tous des élèves les plus difficiles à enseigner. Enfin, les pratiques les plus quotidiennes et les plus ordinaires sont traversées par l’institution et les contradictions de cette dernière. Certains propos d’introduction à ce séminaire en sont le reflet. Par ailleurs, l’analyse des pratiques professionnelles et l’analyse institutionnelle sont liées car aucune pratique, même la plus locale et la plus quotidienne, n’est exclue de la dynamique institutionnelle, bien que les enseignants aient souvent tendance à se considérer comme extérieurs à l’institution, voire les victimes de cette dernière.

Typologie des dispositifs d’analyse des pratiques

Le premier dispositif d’analyse de pratiques, et le plus courant, réunit des pairs pendant un certain nombre de séances, pour travailler précisément sur leur activité professionnelle commune. Le groupe d’analyse des pratiques est, de ce fait, produit par le dispositif.

Le deuxième dispositif consiste à travailler avec des équipes qui préexistent à l’analyse des pratiques. Il peut s’agir d’une équipe d’enseignants, d’une équipe de direction, d’une équipe de classe relais, etc. Ces personnes participent à une dynamique de groupe et ont des rapports de travail entre eux. Le dispositif d’analyse de pratiques intervient alors dans le cadre d’une dynamique en cours. Des pratiques pluri-professionnelles sont alors analysées ainsi que la façon dont les personnes travaillent ensemble. Cette question est importante car, comme chacun le sait, la réunion des meilleurs professionnels ne constitue pas nécessairement une bonne équipe de travail. L’analyse des pratiques peut, dans le cadre de ce dispositif, transformer le travail quotidien de l’équipe.

J’ai expérimenté un troisième type de dispositif, qui articule les deux premiers. J’ai, par exemple, participé à un travail d’analyse des pratiques qui réunissait trois équipes de directions d’établissement scolaire. Ainsi, le groupe était constitué d’équipes préexistantes et de personnes qui ne se connaissaient pas. Le questionnement des uns par les autres sur les pratiques et les " allant de soi " faisaient surgir des effets d’analyse interne et des effets d’intervention. De même, des équipes de classes relais ont effectué récemment un travail commun. L’analyse est alors différente de celle réalisée au sein même de l’équipe.

Enfin, un quatrième dispositif serait le dispositif d’analyse des pratiques des animateurs de groupes d’analyse des pratiques ! De fait, ce dispositif est identique au premier et peut donc être supprimé de cette typologie. En effet, travailler avec des animateurs de dispositifs d’analyse des pratiques revient à travailler sur des pratiques.

L’analyse des pratiques dans les classes relais

Les classes relais existent depuis quelques années au sein de l’Éducation nationale et réunissent des enseignants du premier degré ainsi que quelques enseignants du second degré. Elles s’adressent à des jeunes scolarisés au collège, souvent de l’âge des lycéens. L’objectif des classes relais consiste à prévenir la déscolarisation des jeunes et à rescolariser certains jeunes déjà déscolarisés.

Les classes relais font l’objet d’un partenariat entre l’Éducation nationale et le ministère de la Justice. Des éducateurs de la Protection judiciaire de la Jeunesse (Pjj) sont présents dans les classes auprès des enseignants. D’un point de vue institutionnel, l’institution scolaire et l’institution judiciaire interfèrent au sein des classes relais.

Afin de décrire l’analyse des pratiques, je suis obligé d’utiliser un terme spécifique à l’analyse institutionnelle. En effet, lors de l’analyse, nous travaillons sur ce que nous appelons des analyseurs. Il peut s’agir d’une personne, d’une pratique ou d’un événement, qui condense, à un moment donné, des contradictions institutionnelles, qui pose un problème pour l’équipe et qui peut provoquer une situation de crise. Par exemple, du fait de cet analyseur, l’équipe de la classe relais a le sentiment qu’elle faillit à sa mission, qu’elle n’est pas compétente ou qu’elle ne réussit pas à mettre en place son projet. Les analyseurs peuvent également être des questions d’ordre temporel, comme la difficulté à gérer le temps, l’urgence.

Page 12: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 12 -

Différents analyseurs peuvent intervenir en même temps. Ainsi, une équipe en difficulté est souvent plus démunie qu’une autre équipe pour répondre aux difficultés de la pratique éducative. Lors de l’analyse des pratiques professionnelles, je cherche donc à identifier ces analyseurs.

Quelques exemples d’analyse des pratiques

Une équipe de classe relais peut être prise dans un conflit interne, avec d’un côté les enseignants et de l’autre l’éducateur de la Pjj. Je prendrai un exemple : le conflit peut porter sur le suivi des élèves quand ces derniers retournent dans leur établissement d’origine, après une prise en charge par la classe relais. L’équipe est alors chargée d’assurer un suivi. Or, deux conceptions s’affrontent dans sa mise en place. D’un côté, l’éducateur considère qu’il faut mettre en place des permanences dans les établissements et attendre que les élèves viennent et expriment une demande de suivi ou d’aide. De l’autre côté, les enseignants considèrent que les élèves doivent venir à la permanence et être convoqués.

Le conflit entre l’éducateur et les enseignants peut prendre la forme d’une " psychologisation " mutuelle. L’éducateur est considéré comme laxiste par les enseignants et il considère lui-même que ceux-ci ont une position rigide qui ne laisse pas exister l’élève. Pourtant, les enseignants et l’éducateur travaillent ensemble au quotidien avec les mêmes élèves et rencontrent des difficultés similaires. En outre, ces personnes ne sont pas en conflit permanent.

On pourrait penser que le conflit est lié à la personnalité des uns et des autres. Or, il est vécu (sur des modes et à des intensités diverses) dans toutes les classes relais, quels que soient l’établissement et l’âge des élèves. Le lien entre la théorie et la pratique est alors important et une lecture par l’institution met en avant les interférences institutionnelles. Les cultures professionnelles et des systèmes de valeurs différents sont mis en présence dans ce conflit, de même que des idéologies différentes. Le regard porté sur les jeunes et sur leur développement, le fait de considérer comme possible et efficace telle ou telle type d’intervention génère des pratiques différentes dans le domaine de la justice et de l’enseignement. Ainsi, la question de la demande est très importante pour les travailleurs sociaux, qui résument souvent leur position en disant : " nous ne sommes pas des flics ". Face à cette question, les enseignants utilisent la dimension de l’obligation scolaire qui est liée à la question de l’égalité, chacun devant recevoir un même enseignement. L’obligation est considérée comme une valeur dans l’Éducation nationale alors que la demande est primordiale pour les travailleurs sociaux.

Grâce à cette analyse, on constate que deux systèmes de valeurs s’affrontent. Arriver à cette conclusion nécessite un travail sur la pratique et modifie la façon de voir cette dernière. Le groupe ne raisonne plus en termes de laxisme et de rigidité mais fait référence à l’institution, ce qui introduit une certaine complexité. En effet, des situations similaires vont se reproduire et les membres de l’équipe de la classe relais devront réfléchir, au quotidien, aux questions institutionnelles.

Un autre exemple est la capacité d’une classe relais à résister à la pression du chiffre. Les classes relais sont situées dans l’institution scolaire et il leur est souvent demandé de prendre en charge plus d’enfants, et souvent trop aux yeux des membres des équipes. La critique relative au faible nombre d’enfants pris en charge est entendue différemment par les différents acteurs. Les enseignants défendent leur volonté de ne pas faire du chiffre mais ils sont sensibles aux propos de leurs collègues dans la cour de récréation, dans la salle des enseignants ou lors de rencontres entre amis. Les enseignants ont du mal à défendre le fait de ne s’occuper que de quelques enfants, notamment face à d’autres enseignants travaillant en Zep. Pour sa part, l’éducateur de justice ne subit pas la même pression car, dans son milieu professionnel, les questions qualitatives et le suivi individuel sont très importants. La qualité du travail est souvent considérée comme inversement proportionnelle au nombre d’enfants accueillis. Le travail sur le dossier, qui consiste à rencontrer souvent les parents et l’enfant, est essentiel.

Ainsi, deux milieux professionnels se confrontent et la lecture de ces dimensions institutionnelles permet de prendre des décisions, en faisant des compromis. Il faut en effet choisir de suivre une logique plutôt qu’une autre, suivant les situations.

Les conséquences du travail d’analyse des pratiques professionnelles

De manière générale, la façon dont une équipe peut construire son autonomie dans un environnement particulier est au centre de l’analyse des pratiques professionnelles. En outre, cette dernière est souvent à l’origine d’interrogations sur le rapport au partenaire ou à la hiérarchie. Les équipes considèrent parfois que la hiérarchie les met dans des situations délicates, en les obligeant par exemple à s’occuper d’un élève qui posera certainement des problèmes. La hiérarchie peut également obliger à faire du chiffre.

Le travail d’analyse des pratiques permet à une équipe de trouver des arguments pour résister aux injonctions et peut, de ce fait, être mal perçu par certains. L’équipe concernée construit en effet des outils opératoires qu’elle défend. On observe régulièrement que les équipes qui ne parviennent pas à résister aux injonctions institutionnelles contradictoires éclatent.

Par ailleurs, l’analyse des pratiques permet de déchiffrer l’institution et de se situer dans cette institution. Par exemple, l’Éducation nationale choisit de mettre en place des classes relais et de coopérer avec une autre institution, peut-être parce qu’elle perçoit ses limites. Ces choix ont des conséquences pratiques, que d’aucuns souhaitent ne pas affronter en préférant

Page 13: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 13 -

considérer que les problèmes sont exclusivement pédagogiques. Les conditions d’exercice de la pratique enseignante déterminent en réalité pour partie l’efficacité même de cette pratique.

Ainsi, les enseignants débutants doivent apprendre à déchiffrer l’institution pour se situer. Toutefois, celle-ci s’inscrit dans une dynamique et les réformes se succèdent. À ce sujet, certaines sont à l’œuvre avant leur officialisation et d’autres ne concernent pas directement la pratique des enseignants. De ce fait, certaines plaintes des nouveaux enseignants contre l’institution prennent parfois la forme d’une stigmatisation des élèves. Par exemple, un enseignant débutant est confronté à des difficultés lors de ses premiers stages et se met à dire, comme certains enseignants expérimentés ayant vécu la réforme Haby, que quelques enfants n’ont pas leur place au collège. Ce discours est classique et anecdotique, mais il a des conséquences en termes de pratiques des débutants.

Il me paraît nécessaire d’intervenir, lors de l’analyse des pratiques des débutants, de travailler sur les " allant de soi " et les défenses professionnelles. Il peut être intéressant de faire travailler ensemble des débutants et des enseignants confirmés, ce qui permet notamment de considérer différemment les débutants et de ne pas les stigmatiser comme tels.

J’arrive au terme de mon intervention, sans avoir décrit de façon détaillée les concepts opératoires de l’analyse des pratiques au regard de l’analyse institutionnelle. Outre le concept d’analyseur, je souhaite tout de même évoquer la commande et les demandes dans les dispositifs d’analyse de pratiques.

Il me semble qu’il faut identifier des demandes pour réaliser une analyse collective des pratiques. Dans une équipe constituée, la demande est délicate à formuler et celle des leaders de l’équipe peut dominer. Par exemple, il est très difficile d’analyser le travail d’une équipe dans un établissement scolaire contre l’avis du directeur de ce dernier. En revanche, le fait que le directeur passe commande d’une analyse des pratiques n’implique pas que son équipe souhaite cette analyse. Il n’est cependant pas nécessaire que l’ensemble de l’équipe demande une intervention pour que cette dernière ait lieu. Les demandes sont en effet liées au rapport de force entre les membres d’une équipe, qui évolue au cours de l’analyse des pratiques. Ainsi, la personne qui demandait la constitution d’un groupe peut faire cesser l’intervention après quelques réunions.

Cette situation d’interruption peut être rencontré dans les trois configurations que j’ai décrites au début de mon exposé. Par exemple, des personnes ne se connaissant pas peuvent considérer qu’il est nécessaire d’élargir la problématique et demander des évolutions. J’ai travaillé avec des maîtres formateurs dans un Iufm qui ne se connaissaient pas avant la constitution du groupe d’analyse des pratiques. Des liens se sont tissés dans ce cadre et les maîtres formateurs ont repéré que leurs pratiques étaient limitées par des éléments liés à la politique d’ensemble de l’Iufm. De fait, les dispositifs d’analyse des pratiques ont des effets plus larges que les pratiques elles-mêmes et peuvent avoir des répercussions sur les personnes qui les ont initiées.

Une spécificité de l’analyse institutionnelle des pratiques est peut-être de déculpabiliser les personnes car elles sont amenés à comprendre que les empêchements à faire ne sont pas tous liés à des questions de compétences individuelles. D’autre part, l’analyse des pratiques cherche à responsabiliser les individus en ce qu’ils ne peuvent plus se contenter de se plaindre. Certains éléments institutionnels qui perturbent la pratique sont identifiés, dès lors les personnes ou les équipes doivent effectuer des choix, qui peuvent engendrer une certaine prise de risques. La pratique enseignante contient en effet une part de risque.

Débat avec la salle

Suzanne Nadot

Pour aller dans le sens de Gilles Monceau, je voudrais indiquer deux situations de tensions que décrivent souvent les enseignants et qui me semblent relever de logiques différentes. Les relations avec les élèves sont parfois compliquées par des relations difficiles avec les parents. Les enseignants sont alors impliqués dans des conflits de personnes et ne peuvent pas mettre fin au conflit sans perdre en crédibilité. Lors de ces conflits, seules les décisions et points de vue personnels transparaissent. Il est impossible d’éclairer son propos en faisant appel à l’institution. Il est alors difficile de résoudre le conflit.

Il en est de même de la double injonction qui apparaît souvent aux enseignants paradoxale : enseigner tous les élèves et suivre les programmes. Certains enseignants considèrent alors que les concepteurs des programmes ne connaissent pas les élèves ou que ces derniers n’ont pas leur place à l’école. D’autres enseignants deviennent dépressifs car ils pensent qu’ils n’arriveront jamais à enseigner. Dans ce cas, l’analyse de pratiques peut être utile, car elle montre que les blocages ne viennent pas tous de l'incompétence de la personne.

Jacques Toussaint, proviseur de lycée professionnel , académie d’Aix-Marseille

La démarche proposée par Gilles Monceau est à mon avis liée à la logique de fonctionnement d’un établissement, telle qu’elle est définie par le chef d’établissement. Ce dernier doit passer une journée à enseigner la culture de son

Page 14: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 14 -

établissement aux enseignants débutants, afin de montrer que la mission première est l’insertion et de nommer les partenaires institutionnels. Certains chefs d’établissement considèrent que certains problèmes ne sont pas de leur ressort.

Gilles Monceau

Il me paraît possible d’informer les stagiaires et les enseignants débutants des habitudes, des ressources et des coutumes d’un établissement, mais je ne pense pas que l’on puisse enseigner la culture d’un établissement. En effet, celle-ci correspond à un consensus non-dit, où chacun sait ce qui peut être fait ou non, être dit ou non, etc. Seule l’expérience permet de comprendre ces non-dits, car le chef d’établissement, qui travaille au quotidien dans son collège ou son lycée, ne peut pas prévoir ce qui surprendra l’enseignant débutant d’un point de vue pratique. Lors de la prise de fonction, les enseignants sont dans la même situation que les chefs d’établissement. S’agissant de ces derniers, il ne leur suffit pas, lors de leur arrivée dans un collège, de connaître les textes de loi et leur métier, ils doivent décoder les us et coutumes locales.

De manière générale, il est possible de fournir un certain nombre d’informations à des nouveaux arrivants, mais ces derniers ne se les approprient pas tant qu’ils ne vivent pas une expérience s’y rapportant. Certains chefs d’établissement sont étonnés que des jeunes enseignants viennent leur signaler un problème alors qu’ils en avaient été prévenus à leur arrivée. En réalité, les jeunes enseignants n’ont pas intégré dans leurs pratiques les informations transmises.

Brigitte Riera, professeur associé, Iufm de Versaill es

Gilles Monceau, travaillez-vous avec les professeurs débutants à une déconstruction de leurs représentations du métier, et notamment de la culture professionnelle ? Quelles limites vous imposez-vous quand vous travaillez avec une personne impliquée dans une crise ? Par exemple, quelle est votre action quand un membre du groupe " craque " ? Vous cantonnez-vous à l’analyse institutionnelle et orientez-vous la personne vers une autre structure ?

Gilles Monceau

Le cadre théorique qui soutient le dispositif d’analyse permet certaines choses et ne permet pas d’autres événements. Ainsi, il peut arriver que des personnes se mettent à pleurer pendant une séance d’intervention. Je n’ai toutefois jamais vu de personnes " craquer " nerveusement et psychologiquement. Certains signes qui font peur aux enseignants, comme les pleurs ou l’expression d’une émotion, ne sont pas pour moi synonyme d’un problème psychologique ou d’un trouble psychique. L’émotion, qui se manifeste chez une personne par des tremblements ou des pleurs, ne nécessite pas nécessairement d’être traitée par un thérapeute. En effet, l’émotion fait partie de la vie quotidienne.

En revanche, l’analyse des pratiques ne permet pas certains actes. Ainsi, nous ne cherchons pas à explorer l’histoire individuelle d’une personne. Par exemple, si un enseignant fait part de ses difficultés avec un jeune, à qui il est incapable de signifier des limites, le travail de l’analyse de pratiques ne sera pas de chercher ce qui est en jeu de l’histoire de l’individu, sans pour autant nier cette dimension. Le travail pourra porter sur les conséquences pour l’équipe de cette difficulté. La personne concernée est alors amenée à verbaliser sa difficulté et peut chercher ailleurs des éléments d’explication de cette incapacité.

Il peut arriver que des manifestations " dérangeantes " interviennent. Nous pouvons alors effectuer un suivi d’après séance et souvent les personnes concernées indiquent qu’elles ont été émus sur le moment.

La question que vous avez posée est au cœur des différents types d’analyse de pratiques et des différents cadres théoriques de ces derniers.

Nadine Pinsart, inspecteur d’académie-inspecteur péd agogique régional de lettres, académie d’Orléans-To urs

Vous avez mis l’accent sur la composition des équipes. Pourriez-vous dire ce que l’analyse des pratiques peut apporter à la représentation des disciplines ? Actuellement, l’institution représente de manière flottante les disciplines, met en place des enseignements sans lien avec les disciplines et propose des travaux interdisciplinaires. Ces différents éléments peuvent créer une cacophonie de représentations au sein d’une discipline. Quelle place accordez-vous à cette difficulté et quels éléments de réponse pouvez-vous apporter ?

Gilles Monceau

Je ne peux pas apporter de réponse à votre question. Je constate comme vous des interférences entre des logiques disciplinaires lors d’interventions en établissement. Toutefois, lors de ces dernières, d’autres dimensions ont toujours été plus marquantes que celles que vous évoquez. En outre, je n’ai jamais travaillé avec des enseignants d’une même discipline. Par ailleurs, les interférences me semblent plus visibles quand différentes institutions travaillent ensemble.

Page 15: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 15 -

Suzanne Nadot

Lors de séances d’analyse de pratiques avec des enseignants de différentes disciplines, des enseignants ont parlé des travaux personnels encadrés et du sens de leur position disciplinaire. Certains se sont interrogés sur le côté artificiel du travail collectif. En travaillant sur cet analyseur, nous avons pu trouver l’objet permettant de situer les disciplines et de faire travailler les élèves ensemble.

Par ailleurs, je fais moi-même des recherches avec des chercheurs de différentes disciplines. Nous nous interrogeons nous-mêmes sur la manière dont nous pouvons travailler ensemble sur la théorisation des pratiques enseignantes. Ce travail collectif fait également l’objet d’une théorisation.

L’analyse de pratiques n’impose pas le travail en équipe. Elle permet de mieux comprendre la logique de l’institution lorsqu’elle demande un travail en équipe et de mieux identifier les résistances des enseignants.

Gilles Monceau

Lors de l’analyse de pratiques, je constate un certain clivage entre des enseignants qui définissent leur métier en tant qu’éducateurs et qui cherchent à prendre en charge l’enfant dans sa globalité et des enseignants qui définissent leur métier par rapport à une discipline. Ce clivage traverse d’ailleurs les générations, mais peut évoluer lorsqu’il fait l’objet d’un travail.

Bernard Andries, IUFM de Versailles

Gilles Monceau évoquait l’exemple des classes relais pour mettre en avant des conflits entre les institutions. S’agissant de l’accompagnement des jeunes titulaires, nous risquons d’être confronté à des difficultés du même type entre les Iufm et les équipes de circonscription. Nous serons sans doute obligés de réaliser une analyse des pratiques des futurs formateurs de l’analyse des pratiques des enseignants débutants.

Par ailleurs, lors de l’introduction, les intervenants ont insisté sur l’articulation entre la formation initiale et la formation continue. Or ce séminaire est organisé par la direction de l’Enseignement scolaire et la conférence des directeurs d’Iufm. La direction de l’Enseignement supérieur est absente.

En outre, il me paraît dangereux d’isoler l’analyse des pratiques de la formation didactique et disciplinaire. En effet, les spécialistes des disciplines ne doivent pas renvoyer les étudiants ou les stagiaires vers d’autres formateurs, quand une question ne relevant pas directement de la formation didactique et disciplinaire est posée. Le professeur de la formation générale n’est pas là pour répondre à toutes les questions sur l’organisation de la classe.

Gilles Monceau

Vous souhaitez qu’un travail soit réalisé sur les pratiques de ceux qui accompagnent les pratiques des enseignants débutants, alors que je parlais personnellement d’accompagner les accompagnateurs des séances d’analyse de pratiques. De tels dispositifs peuvent faire sourire certains, mais ils présentent un intérêt.

Par ailleurs, il peut être très intéressant, et on le fait trop peu, d’analyser les pratiques de gestion et de direction de l’enseignement, car administrer la pratique des autres est une pratique. À ce sujet, je souhaite vous faire part d’une expérience personnelle. Lors de la rédaction de la charte du XXIème siècle, j’ai travaillé à l’accompagnement des accompagnateurs, qui étaient formateurs d’Iufm, conseillers de circonscription, enseignant maître formateur, etc. Or, ces personnes envisageaient de manière très différente l’accompagnement et l’autonomie des équipes. Par exemple, le regard d’un intervenant en circonscription est différent de celui d’un intervenant en Iufm. Or on a souvent considéré dans le cadre de l’élaboration de la charte que toute personne pouvait assurer la fonction d’accompagnateur d’une équipe. Lors de l’accompagnement des accompagnateurs, nous avons toutefois constaté que le statut de l’accompagnateur avait une influence sur le travail de l’équipe. Par exemple, les questions posées n’étaient pas les mêmes selon l’accompagnateur. Un conseiller pédagogique a fini par dire lui-même que son statut " transpirait " dans son rôle d’accompagnateur.

Suzanne Nadot

Nous allons maintenant entendre Roger Fetter et André Bernard nous présenter leur expérience. Roger Fetter est inspecteur d’académie " Vie scolaire " dans l’académie de Rennes. Il est responsable de l’accompagnement à l’entrée dans le métier des personnels de direction et a permis la mise en place d’une analyse de pratique dans ce cadre. Il m’a demandé, il y a trois ans, d’intervenir. Nous avons mis en place un dispositif, qui va vous être présenté. André Bernard, proviseur d’un lycée de Brest, vous présentera, quant à lui, plus concrêtement le dispositif. Il est formateur des personnels de direction et a travaillé à la formation des tuteurs référents. Il a également formé des personnels débutants.

***

Page 16: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 16 -

IV. Une analyse de pratiques fondée sur la psychosociologie

Dominique Fablet, maître de conférences, université Paris X

Mon intérêt pour l'analyse des pratiques professionnelles s’est traduit par la coordination avec Claudine Blanchard-Laville de plusieurs ouvrages collectifs aux éditions L’Harmattan (1). En invitant des praticiens à formaliser leur expérience d'analyse des pratiques professionnelles, nous avons souhaité que les lecteurs, professionnels et étudiants principalement, puissent disposer d’un ensemble de points de repère quant auxdifférentes orientations de l'analyse des pratiques dans des champs professionnels diversifiés. Nous préparons actuellement le n°39 de la revue Recherche et Formation qui paraîtra cette année avec pour titre : " Analyse des pratiques : approches psychosociologique et clinique " et qui traite davantage d'analyse des pratiques professionnelles en milieu enseignant.

L’ensemble des ouvrages que nous avons publiés présente des dispositifs d’analyse de pratiques instaurés par des professionnels, dans des champs différents. Avant de rassembler les articles pour le premier ouvrage, nous nous sommes demandés comment définir l’analyse des pratiques professionnelles. Notre définition (2) est proche de celle donnée ce matin par André Bernard, étendue à différents milieux professionnels. Toutefois, nous avons donné une autre définition, plus extensive, dans notre deuxième ouvrage, en reprenant les propos de Jacky Beillerot initialement publiés dans un numéro des Cahiers pédagogiques (3). En réalité, chaque définition se rattache à des modèles théoriques, que nous ne pouvons ignorer.

Dans le cadre de mon travail avec Claudine Blanchard-Laville, nous avons utilisé comme base théorique la psychosociologie en faisant référence à Balint, sans utiliser toutefois la dénomination Groupe Balint qui ne nous semble pas tout à fait adaptée pour nommer les dispositifs dans lesquels nous intervenons. Lors de la publication de notre premier ouvrage, nous avons choisi de classer les articles par ordre alphabétique faute de disposer alors de critères permettant un autre classement. Il nous paraissait difficile de réaliser une typologie, comme cela l’a été pour Suzanne Nadot, lors de la préparation de ce séminaire.

Dans les ouvrages suivants, nous avons classé les articles selon les visées des dispositifs. En premier lieu, nous constatons que l’analyse de pratiques professionnelles est essentiellement utilisée dans le cadre de la formation continue (davantage qu’en formation initiale), du fait de l’influence en France de l’orientation proposée par Balint, qui a réuni des groupes de médecins pour un travail d’analyse et de recherche. Balint lui-même considérait que le travail de ces groupes n’était pas un travail de formation au sens habituel de ce terme, mais plutôt de " trans-formation " ou de " dé-formation " Il paraît en effet nécessaire d’avoir été formé puis d’avoir exercé en tant que professionnel quelques années pour travailler sur les dimensions relationnelles spécifiques aux fonctions exercées. Dans le cadre de la formation initiale, le but de l’analyse de pratiques est de sensibiliser à certaines dimensions de la profession des personnes formées.

En second lieu, l’analyse de pratiques relève de dispositifs d’intervention, dont Gilles Monceau a traité ce matin en faisant référence à l’analyse institutionnelle. Il est en effet possible de travailler avec les membres d’une même organisation ou d’une même équipe. Gilles Monceau n’a pas parlé du dispositif utilisé en formation initiale. Dans le cadre de la formation continue, l’analyse de pratiques permet d’aider à construire l’identité professionnelle et d’accroître l’efficacité des actions des professionnels. Dans le cadre de l’intervention, la visée du changement concerne plus les collectifs de travail que les personnes. On ne travaille alors pas à partir des représentations que les personnes se font des situations, mais directement à partir des problèmes que rencontrent les membres d’une équipe ou d’une organisation. Un animateur d’analyse de pratiques habitué à des dispositifs de formations serait, en situation d’intervention, confronté à des problèmes nouveaux pour lui.

Outre les dispositifs d’intervention et les liens avec la formation continue, il est possible, pour classer des articles relatant de l’analyse de pratiques, de se référer aux orientations théoriques, qui sont de deux ordres : la psychosociologie et la sociologie sont à l’origine de l’analyse de pratiques et une partie des travaux consacrée à l’analyse de pratiques s’y réfère, notamment les travaux de Gilles Monceau et les miens, même si nous ne travaillons pas exactement de la même manière.

D’autre part, l’analyse de pratiques peut se développer à partir de l’ergonomie et de l’analyse du poste et de la situation de travail. Il me semble que nous sommes moins concernés par ce type d’analyse. Les références de ces formes d’analyse sont fournies dans plusieurs numéros de la revue Éducation permanente. Différents courants, clinique de l’activité et didactique professionnelle, y sont présentés.

De manière générale, les secteurs d’activité où les dimensions relationnelles sont importantes utilisent un type d’analyse de pratiques inspiré de la psychosociologie (en faisant référence à l’orientation Balint ou à l’approche réflexive développée outre-atlantique par Schön et Argyris). Toutefois, l’analyse de pratiques reste plurielle. Les dimensions travaillées diffèrent selon les types de dispositifs et selon les orientations théoriques.

Page 17: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 17 -

Les dispositifs d’analyse de pratiques dans le sect eur de l’éducation spécialisée

J’ai commencé à travailler avec des travailleurs sociaux comme chercheur, à la fin des années 1970, avec Paul Durning. Nous avons en effet réalisé une recherche dans des internats spécialisés (4). Il s’agissait de connaître ces lieux et leurs modes de fonctionnement, alors que l’analyse de pratiques cherche à les transformer, en améliorant notamment l’efficacité des actions mises en œuvre par les professionnels. Nous avons donc réalisé un recueil de données, tout en organisant une restitution des travaux aux équipes concernées. Or, cette restitution représentait en soi une dynamique d’intervention possible sur le terrain. Lors de ces travaux, toutefois, nous cherchions essentiellement à indiquer de quelle façon les personnes travaillaient.

À l’origine, dans le cadre de recherches contractuelles, l’équipe de chercheurs dont je faisais partie cherchait des lieux d’accueil, afin de recueillir des données. C’est nous qui étions demandeurs. Par la suite, nous avons été sollicités par les équipes, pour les aider à transformer leurs pratiques ; ce sont les professionnels et les responsables qui ont été demandeurs. Les internats spécialisés rassemblent des enfants en difficulté, des enfants ou des adultes handicapés. L’analyse des pratiques a été utilisée dans ces internats dès leur création dans les années 1940, car les personnes n’étaient pas formées et rencontraient des difficultés. À ce propos, l’exemple de Bruno Bettelheim est intéressant. En effet, ce dernier réunissait les éducateurs après le coucher des enfants, pour des séances d’analyse de pratiques, de manière très empirique. De telles pratiques étaient courantes dans les internats pour enfants inadaptés, qui sont devenus par la suite des internats pour enfants handicapés ou en difficulté.

Comme je l’indiquais, suite à nos interventions en internats, nous avons reçu des demandes d’intervention. Dans un premier temps, nous analysons ces demandes. Nous nous assurons que les responsables et les professionnels sont d’accord avec le dispositif que nous souhaitons mettre en place. Nous travaillons avec les personnels et avec les responsables, sans que les groupes soient mélangés. Les dispositifs peuvent avoir une utilité en cas de changement d’organisation ou quand un besoin de régulation institutionnelle se fait sentir. Nous pouvons également accompagner l’élaboration de projets. De manière générale, les dispositifs d’analyse de pratiques concernent l’ensemble du personnel d’un établissement : personnels administratifs, personnels éducatifs et personnels d’entretien.

Lors des séquences d’analyse de pratiques, les professionnels doivent pouvoir s’exprimer. Parfois, il est difficile de dire qu’on ne supporte plus de manger à côté d’une personne handicapée qui bave dans son assiette. Cependant, une fois que cela est dit, il est toujours possible de trouver un autre éducateur qui prenne le relais pour manger à côté de cette personne. Il arrive que soit soulevé le problème des toilettes des adultes handicapés. Les éducatrices ont par exemple indiqué qu’elles souhaitaient qu’une certaine intimité soit respectée et que les personnes ne sortent pas de leur chambre nues dans le couloir pour aller prendre un bain. Exprimer ces points de vue leur donne une dimension particulière.

De manière générale, il paraît difficile de s’exprimer en présence des cadres de l’établissement concerné. Ces derniers sont toutefois mis au courant des ajustements réalisés ou demandés. Les phénomènes de violence institutionnelle sont également très présents dans les discussions. Les suspicions de maltraitance sont régulièrement évoquées et nécessitent parfois des évolutions spécifiques.

Par ailleurs, un tel type d’intervention peut faire ressortir les conflits de pouvoir au sein d’un établissement. Or nous sommes nous-mêmes impliqués dans les systèmes d’alliance et de rivalité qu’on retrouve dans toute organisation.

L’entrée dans le métier

L’analyse de pratiques professionnelles est essentielle pour des éducateurs spécialisés, comme pour des enseignants, dont on minore souvent les difficultés liées à l’entrée dans le métier. De même, les difficultés des professionnels travaillant avec des enfants en bas âge sont rarement reconnues. Je suis intervenu en pouponnière et j’ai constaté à quel point il était insoutenable d’être confronté à la souffrance des nourrissons.

L’analyse de pratiques permet d’améliorer l’efficacité des actions et de se forger une identité professionnelle. Toutefois, je m’interroge sur la recommandation de l’analyse des pratiques lors de l’entrée dans le métier. Il faut savoir si le dispositif est recommandé ou obligatoire. Il me paraît intéressant de proposer différents dispositifs aux jeunes enseignants, pour que chacun puisse choisir les dimensions qu’il a envie de travailler. Cette solution permet de contourner l’obstacle de l’obligation. En outre, il est impossible de travailler sur toutes les dimensions en même temps. Il est donc utile de proposer de travailler sur un point précis.

S’agissant de la formation des enseignants, Gilles Ferry proposait en 1983 trois modèles pédagogiques (" acquérir, s’éprouver, comprendre ") (2) sous-jacents aux systèmes de formation, dont l’un était centré sur l’analyse. Il pourrait être mis en œuvre aujourd’hui.

Page 18: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 18 -

Débat avec la salle

Suzanne Nadot

Dominique Fablet a évoqué des faits liés à un autre lieu que l’école. Toutefois, les enseignants travaillant en analyse de pratiques présentent parfois des évéments qui ne sont pas liés directement à l’enseignement. Par exemple, un enseignant peut parler d’un élève qui est tombé dans le coma pendant son cours. Des enseignants relatent également des événements qui se passent dans les toilettes. Un enseignant a apporté des bonbons pour Noël et l’un des enfants s’est étouffée. L’enseignant a été marqué par cet événement. Ainsi, certains faits, qui nous paraissent bons, peuvent inquiéter et remettre en cause l’activité professionnelle de l’enseignant.

De la salle

L’exemple des portes ouvertes ou fermées dans la salle de bains représente une action sur la pratique concrète de l’institution. Il me semblait que l’analyse de pratiques portait plus sur la pratique personnelle d’un individu, sans que des décisions soient prises. Seules les solutions possibles sont envisagées lors de l’analyse, sans que l’établissement soit engagé dans une modification de son organisation.

Dominique Fablet

Dans les groupes d’analyse de pratiques, il est difficile de distinguer le changement personnel et le changement collectif. Travailler sur le changement collectif revient en outre à modifier l’attitude personnelle de chacun. Par ailleurs, aucune décision relative aux modes de fonctionnement n’est prise dans les groupes d’analyse de pratiques ; on cherche avant tout à comprendre les situations, il s’agit d’un travail de type réflexif. Suite à ces séances, des points peuvent être traités par les professionnels et les responsables de l’établissement ; on peut décider de modifier les modes d’action dans le cadre des instances et procédures décisionnelles habituelles.

De manière générale, nous réalisons un travail réflexif et les personnes s’expriment. La réflexion peut entraîner toutefois une modification des pratiques. Un temps de restitution des travaux aux responsables de l’établissement est prévu dans chaque dispositif, afin que ces derniers soient au courant des points traités, tout en respectant l’anonymat.

De la salle

Les dispositifs de formation initiale sont pour vous des périodes de sensibilisation au métier. Vous paraît-il alors nécessaire que les animateurs des groupes d’analyse de pratiques soient des professionnels travaillant sur le terrain, afin qu’ils rappellent un certain nombre de points. Par exemple, ces professionnels peuvent mieux faire comprendre aux futurs enseignants qu’il n’est pas possible de remettre un élève au travail tant que les sanctions ne sont pas comprises ou que l’échelle des sanctions n’est pas claire. Pensez-vous que les professionnels doivent disposer d’une expérience pratique ou être des formateurs d’enseignants en formation générale ou didactique ?

Dominique Fablet

Je ne peux pas apporter de réponse précise à cette question. Il me paraît toutefois important d’être dans un rapport de proximité avec les professionnels du groupe d’analyse de pratique. Je suis moi-même formateur d’adultes, mais j’ai travaillé régulièrement avec des travailleurs sociaux. Les animateurs de groupes d’analyse de pratiques doivent avoir une expérience, quelle qu’elle soit, du quotidien des professionnels des groupes. Il peut être intéressant de proposer des co-animations, avec un professionnel du secteur et une personne plus extérieure. Les modes d’interrogation seront alors différents. En effet, quand on cherche à comprendre, il est utile que les modes de questionnement soient le plus riche possible.

Michel Dofal, académie d’Orléans-Tours

Est-il possible de donner des objectifs à une analyse de pratique ? Les effets de cette analyse sont-ils évaluables ?

Dominique Fablet

Je ne pense pas qu’il soit possible de donner des objectifs et d’évaluer une activité d’analyse de pratiques, stricto sensu. Cette dernière ne se situe pas dans le cadre de l’évaluation de projets ou de programmes. En effet, chacun construit sa propre manière d’agir face à une situation développée lors d’une séance d’analyse de pratiques. Cette dernière n’a pas pour but de formuler des conduites fixes, de manière normative.

Balint indiquait que l’évolution liée à l’analyse de pratiques était visible après 2 ans de séances mensuelles. Cependant, cet exemple n’est valable que pour la formation continue et non pour la formation initiale.

Page 19: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 19 -

Suzanne Nadot

Dans le cadre de la formation initiale, nous avons constaté que les jeunes enseignants se plaignaient de la façon dont on leur apprend à enseigner leur métier, alors que de nombreuses personnes s’investissent pour leur apprendre leur métier. Les changements des plans de formations ne modifient pas ces plaintes, dont nous considérons qu’elles sont significatives d’une étape de la formation. Il nous paraît nécessaire d’être plus actif et de prendre en charge le malaise que ressentent les futurs enseignants. Après quelques séances d’analyse de pratiques, nous constatons que les enseignants se focalisent moins sur certains événements et prennent les problèmes de front. Il s'agit pour nous d'un des éléments positifs de l’analyse de pratiques. Les formes d’évaluation les plus caricaturales sont données par les enseignants qui affirment qu’ils auraient démissionné s’ils n’avaient pas bénéficié de l’analyse de pratiques.

Bernard Wloch, IUFM de Grenoble

Le dispositif d’analyse de pratiques permet de construire une identité professionnelle et représente une formation impliquante. Dominique Fablet nous montre que les situations sont variées. J’aimerais que chacun des intervenants précise ses positions par rapport au caractère volontaire ou obligatoire de l’analyse de pratiques.

De la salle

En quoi votre dispositif est-il différent de l’activité d’un consultant ? Par ailleurs, comment fonctionnent les groupes d’analyse de pratiques ?

Patrick Nissen, IUFM de Rouen

J’aimerais identifier l’analyse de pratiques, et connaître les différences avec les groupes de paroles. Vous dites vous-même que l’analyse de pratiques peut se faire de manière spontanée. Existe-t-il pour vous une pratique professionnelle et une pratique " sauvage " de l’analyse de pratiques ?

Dominique Fablet

S’agissant du rôle d’un consultant, je vous propose de lire des ouvrages sur la pratique d’intervention. Le travail d’intervention est à l’origine un travail de consultation, où le consultant choisit de collaborer et non de se poser comme expert pour travailler avec des professionnels. Différents courants ont théorisé ce point depuis les années 1950 et les références sont plurielles.

Par ailleurs, il me paraît nécessaire de proposer des dispositifs d’accompagnement à l’entrée dans le métier, qui contiennent une part d’analyse de pratiques. Il ne faudrait pas que seul un aspect soit mis en avant dans l’analyse de pratiques, mais que différents groupes soient proposés, pour que chacun travaille sur la (ou les) dimension(s) qui l’intéresse(nt). En outre, le métier d’enseignant n’est pas le seul concerné ; les conseillers principaux d’éducation et les chefs d’établissement le sont également. Chacun doit pouvoir choisir de travailler, selon sa propre orientation, une (ou des) dimension(s) précise(s). Il me paraîtrait dommageable qu’une formation ayant un caractère obligatoire ne propose qu’un seul type d’analyse de pratiques.

En outre, le volontariat des participants est une question intéressante. Dans les internats spécialisés, les personnes à qui on propose des séances d’analyse de pratiques ne se réjouissent pas nécessairement à l’annonce d’une telle proposition, mais il est essentiel qu’elles ne le refusent pas. Nous proposons toujours de nous réunir un certain nombre de fois et de faire le point, avant de savoir si nous engageons le travail et si, une fois le travail engagé, nous le continuons.

Concernant les pratiques sauvages, je considère qu’il y a plusieurs définitions de l’analyse des pratiques. Ainsi, des pratiques sauvages ont toujours existé, mais il serait intéressant de les limiter. Les années 1970 apparaissent rétrospectivement comme très riches, mais en même temps comme une période d’une très grande confusion (notamment entre formation et thérapie). Aujourd’hui, nous cherchons à éviter cette confusion. Quand les psychanalystes ont commencé à travailler avec des groupes, ils ont dû inventer des théories. De même, l’analyse de pratiques est objet de théorisation.

Notes :

(1) - Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.), (1996), L'Analyse des pratiques professionnelles, Paris, L'Harmattan, 264 p. (édition revue et corrigée, 2000,287 p.). Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.), (1998), Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L'Harmattan, 358 p (édition revue et corrigée, 2000,384p.). Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.), (1999), Développer l'analyse des pratiques professionnelles dans le champ des interventions socio-éducatives, Paris, L'Harmattan, 291 p.

Page 20: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 20 -

Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.), (2000), Pratiques d'intervention dans les institutions sociales et éducatives, Paris, L'Harmattan, 320 p. Blanchard-Laville C. et Fablet D. (Coord.), (2001), Sources théoriques et techniques de l'analyse des pratiques professionnelles, Paris, L'Harmattan, 207 p. Cf. également Blanchard-Laville C. (2001), Les Enseignants entre plaisir et souffrance, Paris, PUF.

(2) - On entend par analyse des pratiques professionnelles : " les activités qui, sous cette appellation ou une appellation similaire, - sont organisées dans un cadre institué de formation professionnelle, initiale ou continue, - concernent notamment les professionnels qui exercent des métiers (formateurs, enseignants, travailleurs sociaux, psychologues, thérapeutes, médecins, responsables de ressources humaines…) ou des fonctions comportant des dimensions relationnelles importantes dans des champs diversifiés (de l'éducation, du social, de l'entreprise...). D'autres dimensions nous paraissent caractériser l'Analyse des pratiques professionnelles : les sujets participant à un dispositif de ce type sont invités à s'impliquer dans l'analyse, c'est-à-dire à travailler à la co-construction du sens de leurs pratiques et/ou à l'amélioration des techniques professionnelles. Cette élaboration en situation interindividuelle, le plus souvent groupale, s'inscrit dans une certaine durée et nécessite la présence d'un animateur, en général professionnel lui-même dans le domaine des pratiques analysées, garant du dispositif en lien avec des références théoriques affirmées " (Blanchard-Laville et Fablet, 1996,262-263 - édition revue et corrigée 2000,285-286).

(3) - Beillerot J. (1996), " L'analyse des pratiques professionnelles : pourquoi cette expression ? ", Cahiers pédagogiques n°346,12-13.

(4) - Paul Durning, Éducation et suppléance familliale en internat, Paris, CTNERHI (diff. PUF), 1986

(5) - Gilles Ferry, Le trajet de la formation, Paris, Dunod, 1983

***

Page 21: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 21 -

V. Développer le «savoir analyser» à l’aide de «savoir-outils»

Marguerite Altet, professeur, université de Nantes

Suzanne Nadot m’a demandé comment j’avais été amenée à mettre en place des dispositifs d’analyse de pratiques. Après avoir été pendant un an professeur de philosophie, j’ai été nommée comme psychopédagogue dans une école normale d’enseignants. Je me suis alors intéressée au lien entre la théorie et la pratique en formation d’enseignants et j’ai cherché à mettre en place un dispositif de formation professionnelle pour articuler les deux. J’ai utilisé le micro teaching, dispositif de vidéo qui permettait aux enseignants débutants d’observer et d’analyser leur pratique en classe. J’ai travaillé alors essentiellement sur les techniques pédagogiques et j’ai réfléchi à la pratique enseignante, à son fonctionnement. J’ai construit un dispositif d’analyse de pratiques autour d’outils conceptuels issus de la recherche.

Je vais présenter aujourd’hui les outils qui, d’après moi, permettent de faire de l’analyse de pratiques. Je montrerai alors ce qui distingue un groupe de paroles et un groupe d’analyse de pratiques professionnelles, pour des enseignants qui doivent construire une pratique d’enseignement. Les outils d’analyse de pratiques viennent non seulement de la recherche, mais également du terrain et des praticiens. Les groupes d’analyse de pratiques en formation initiale doivent prendre en compte ce qui vient de la recherche et ce qui vient de la pratique des acteurs.

L’analyse de pratiques est une notion polysémique et non un effet de mode. Il existe différents types d’analyse de pratique. D’ailleurs, le terme n’est pas unifié. Certains parlent d’analyse des pratiques, d’autres d’analyse de pratiques et d’autre encore d’analyse de pratique. Je parle d’analyse de pratiques, car il s’agit pour moi de travailler sur les pratiques particulières des stagiaires. Ces pratiques sont liées à une situation vécue par des personnes singulières.

Je vais vous présenter la démarche d’analyse de pratiques en formation initiale ou continue et je référerai ce modèle à la formation des enseignants.

Les caractéristiques de la démarche en formation pr ofessionnelle d’enseignants

En premier lieu, la démarche d’analyse de pratiques est finalisée par l’apprentissage du métier. Le but est d’aider à construire l’identité professionnelle et donc de mettre en place les compétences pédagogiques, didactiques et relationnelles du métier. L’analyse de pratiques n’est pas un groupe de parole, mais un groupe de construction d’un métier.

En deuxième lieu, l’analyse de pratiques est une démarche de groupe. Les stagiaires en formation initiale font tous de l’analyse de pratiques, certains étant plus ou moins volontaires au départ. Ils réalisent un travail de groupe sur la pratique enseignante dans une classe et la façon de l’analyser. L’analyse de pratique peut être réalisée dans le cadre de la relation duelle avec le maître formateur, quand ce dernier ne délivre pas des conseils, mais aide le stagiaire à comprendre une situation vécue.

En troisième lieu, l’analyse de pratiques est toujours une démarche accompagnée par un formateur ou des formateurs. Ces derniers sont les experts de la pratique enseignante et peuvent donner des points de vue sur une situation et proposer des hypothèses de lecture. En effet, les formateurs disposent d’outils de lecture qui ne sont pas à la disposition des stagiaires débutants. L’analyse de pratiques se déroule par exemple à Nantes en formation initiale avec un psychopédagogue et un didacticien. Chacun apporte un point de vue différent sur la pratique enseignante. Le rôle du formateur est de donner un sens aux situations de classe et de montrer les différents éléments en jeu. Le stagiaire réfléchit, quitte alors son point de vue unique et comprend le sens de la situation vécue.

En quatrième lieu, l’analyse de pratiques cherche à fournir des repères et non à modéliser une pratique. L’analyse permet d’identifier une pratique et de mettre en relation des paramètres. Le stagiaire est amené à dire pourquoi une intervention a ou non fonctionné. L’analyse de pratiques n’insiste pas uniquement sur les situations qui posent problème, mais également sur les réussites. Il est en effet important qu’un stagiaire prenne conscience de ce qu’il sait faire et de ce qu’il peut réussir.

En cinquième lieu, l’analyse de pratiques est instrumentée. Des outils conceptuels issus des recherches pédagogiques, didactiques, en éducation et des pratiques formalisées sont en effet nécessaires pour lire les pratiques, mettre en mots et théoriser ces dernières. L’objectif de l’analyse de pratiques est selon moi d’apprendre aux stagiaires à analyser leur action. Le stagiaire est ainsi formé à la lucidité.

Page 22: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 22 -

Les savoirs outils

Les savoirs outils décrivent la pratique et la formalisent, comme les théorisations sur l’enseignement et la pédagogie. Par exemple, l’enseignement peut être conçu comme une situation de classe où l’enseignant fait des choix pédagogiques, mais répond à certaines contraintes. La finalité de l’enseignement est de faire apprendre et l’enseignant doit gérer le savoir didactique. Dans ce cadre, les dimensions de la pratique enseignante sont multiples et doivent être acquise par les stagiaires. De ce fait, les modèles théoriques utilisables pour l’analyse de pratiques sont multiples, pédagogiques et didactiques.

La pratique enseignante est de faire apprendre et de socialiser les élèves. L’enseignement requiert également des gestes pédagogiques. Toutefois, il se déroule dans le cadre d’une interaction entre l’enseignant et ses élèves, qui sont des individus avant d’être un groupe. La question des interactions doit être traitée.

La question du contrat didactique et des savoirs en jeu est aussi primordiale. Par ailleurs, chaque pratique se situe dans un contexte donné, en fonction de la structure imposée et de l’adaptation au public. La pratique est également liée à la pratique antérieure et à celle à venir. La dimension affective ne peut pas non plus être ignorée, de même que la dimension psychosociale. L’enseignant travaille avec un groupe, selon une dynamique de groupe et ne peut ignorer la personnalité des élèves.

Je vous ai présenté les dimensions qui constituent le travail enseignant. Ces dimensions doivent être gérées ensemble par l’enseignant. Or un débutant a des difficultés sur ce point. L’analyse de pratiques permet à l’enseignant débutant d’identifier ces dimensions multiples et leurs interactions. Décrypter ces phénomènes permet de comprendre ce qui se passe dans la classe.

Selon moi, une classe est caractérisée par un système de tensions. L’enseignant doit alors gérer des logiques d’action contradictoire : la logique de la communication pédagogique, la logique didactique, la logique des savoirs, la logique du groupe-classe et la logique de chaque élève. L’enseignant construit une situation avant la classe et la reconstruit pendant la séance. Cette séance fonctionne quand l’enseignant et les élèves aboutissent à un compromis qui permet l’apprentissage et le bon climat de travail.

Les grilles de lecture que je propose sont liées à la recherche en sciences de l’éducation. L’analyse de pratiques permet à l’enseignant de lire sa propre pratique à partir de ces outils. À titre d’exemple, j’ai construit un outil sur les ajustements du formateur au stagiaire ou de l’enseignant à l’élève. Cet outil permet de comprendre les rapports entre les individus, les choix pédagogiques et la communication. Un tel outil peut être présenté par un psychopédagogue en même temps qu’un autre outil, présenté lui par un didacticien sur le contrat didactique. Ainsi, les stagiaires en Iufm pourront comprendre la communication et le fonctionnement didactique et savoir que le pédagogique ne fonctionne pas sans le didactique et sans l’intersubjectif.

Les outils heuristiques sont des concepts utilisés par les didacticiens et font réfléchir le stagiaire. Ce dernier a un autre regard sur sa pratique, qu’il problématise et comprend sa réponse au problème que constitue la situation de classe. L’analyse de pratiques permet ainsi au stagiaire de changer de pratiques, en changeant de représentation, comme l’a dit Dominique Fablet.

L’analyse de pratique a un but de compréhension. Le stagiaire doit dégager une intelligibilité de son action, afin de reconstruire à l’aide de concepts théoriques cette action. Le formateur d’Iufm comme le formateur de terrain utilisent ces concepts théoriques au quotidien. L’analyse de pratiques permet ainsi au stagiaire de construire ses compétences.

De fait, l’analyse de pratiques est plus facile à utiliser en formation continue, car les pratiques des enseignants sont alors plus nombreuses. Toutefois, les débutants mettent en œuvre une pratique et il peut être intéressant pour eux de l’analyser. De manière concrète, les stagiaires présentent des exemples de leur pratique. Ils peuvent filmer leur action dans une classe, ce qui permet de réfléchir à la pratique de manière très concrète. L’enregistrement audio permet aussi de restituer une situation. Il est également possible de faire un récit écrit ou oral d’une situation donnée. Le groupe peut alors travailler et réfléchir à cette situation. Le formateur pose des questions et aide à comprendre ce qui s’est passé au cours de la séquence rapportée par le stagiaire.

Les modèles de formations de l’analyse de pratiques

Les dispositifs d’analyse de pratiques sont utilisés dans d’autres champs depuis de nombreuses années, comme l’intervention ou l’analyse institutionnelle. L’analyse de pratiques est utilisée pour la formation d’enseignants depuis qu’on met en place une formation professionnelle pour ces derniers. Les Iufm sont en effet centrés sur la pratique et proposent une réflexion sur l’action. La mise en mots et l’explicitation des situations de classes est devenue nécessaire.

Page 23: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 23 -

L’analyse de pratiques est un levier de changement des représentations. Les stagiaires ne savent pas où ils seront affectés et une formation qui permet de se décentrer de la pratique paraît plus utile qu’une formation modélisante. L’analyse permet de travailler sur les représentations de l’enseignement. En effet, les stagiaires se font une idée du métier qui n’est pas nécessairement adaptée aux publics actuels et aux attentes de l’institution et des parents. Il paraît essentiel de travailler sur des représentations, en donnant des outils théoriques pour expliquer la pratique.

Par ailleurs, les dispositifs d’analyse de pratiques s’inscrivent dans le cadre de la construction d’une identité professionnelle. Le but est de construire le métier de façon globale et l’analyse de pratiques le permet, en travaillant sur toutes les dimensions de l’identité professionnelle de l’enseignant.

Au sein de chaque groupe, la personne, qui présente un vécu, n’est pas négligée. Cette dernière est impliquée, car elle travaille sur sa pratique et va être amenée à faire évoluer sa pratique. Le travail de groupe permet par ailleurs de construire des compétences collectives, qui faciliteront le travail collectif futur. On constate que tous les stagiaires sont au même niveau de compétences et peuvent donc partager des mêmes points de vue.

De manière concrète, je préconise un travail en deux temps. D’abord, un stagiaire présente une pratique. Ensuite, il s’agit d’utiliser une analyse théorique, afin de construire autrement une pratique. En outre, la théorie est mise à l’épreuve par les nouvelles situations pratiques vécues par les stagiaires. Le débutant se rend alors compte que son métier articule en permanence la théorie et la pratique. Il ne peut pas modifier sa pratique sans passer par une phase de théorisation.

L’analyse de pratiques est une mise à distance de l’agir professionnel. On utilise des concepts théoriques pour réfléchir à sa pratique et on produit ainsi une pratique réfléchie et non une pratique routinière. L’objectif de l’analyse de pratique est de développer une attitude de questionnement permanent et de réflexion sur la pratique.

Lors d’une recherche sur deux Iufm, j’ai interrogé des stagiaires en début et en fin d’année. Les uns avaient recours à l’analyse de pratiques et les autres non. Après un an de pratiques sur le terrain, ceux qui ont réfléchi sur leurs pratiques en formation initiale demandent une formation continue et s’inscrivent dans une perspective de développement professionnel, alors que les autres critiquent leur formation initiale, sans considérer qu’il soit nécessaire de continuer à travailler sur la pratique.

Par ailleurs, l’analyse de pratiques permet de construire la spécificité des savoirs enseignés. Les étapes sont les mêmes pour les inspecteurs et les chefs d’établissement, qui peuvent également réfléchir à leurs pratiques et aux modèles théoriques qui permettent d’analyser ces dernières.

L’analyse de pratiques est-elle professionnalisante ?

Dans un article de la revue Recherche et Formation, intitulé Forme et dispositif de la professionnalisation, j’ai montré que l’analyse de pratiques est professionnalisante, car elle développe la réflexivité et l’autonomie du stagiaire. En effet, ce dernier se questionne lui-même et fait des choix. Il a ainsi une attitude responsable.

Par ailleurs, l’analyse de pratiques n’évalue pas les personnes, mais donne du sens. En revanche, elle fournit aux stagiaires une culture de l’évaluation, en leur donnant les moyens de justifier leurs choix pédagogiques. En outre, l’analyse de pratiques apprend aux stagiaires à construire une identité professionnelle individuelle et collective.

Débat avec la salle

Suzanne Nadot

Comme vous pouvez le constater, les grilles d’analyse et les modalités de mise en réflexion du stagiaire sont différentes selon les intervenants. L’instrumentalisation est parfois forte. De même, le praticien guide plus ou moins l’analyse des pratiques. La réflexion collective est un dénominateur commun.

Ludovic Gadeau, IUFM de Grenoble

La théorie ne gène-t-elle pas les transformations de la pratique ? Nous avons dit ce matin que rien n’était plus pratique qu’une théorie !

Marguerite Altet

Une pratique sans grille de lecture théorique ne peut à mon avis pas progresser. Il faut comprendre, c’est-à-dire donner du sens et expliquer une pratique, en trouvant les facteurs à l’origine du point.

Page 24: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 24 -

Ludovic Gadeau

La théorie peut passer trop rapidement à l’explication, sans chercher à comprendre.

Marguerite Altet

Il ne s’agit pas de fournir une théorie. Les explications d’une situation sont multiples et il est pour cela intéressant que plusieurs formateurs encadrent le groupe d’analyse de pratiques.

Jean-François Inisan, IUFM du Nord –Pas-de-Calais

Il semble se dégager deux types d’analyse de pratiques. D’un côté, des moments d’analyse de pratiques sont assurés par des formateurs spécialisés, dans le cadre d’un dispositif global de formation. D’autres formations, comme des études de cas et des approches théoriques, sont, dans ce cas, proposées aux personnes formées. Des compétences spécifiques sont alors nécessaires pour les formateurs pratiquant l’analyse de pratiques. D’un autre côté, la réflexivité concerne de nombreux formateurs, qui sont dans une posture différente. Dans le premier cas, les recettes et les pistes sont abordées dans le cadre d’autres formations, alors que dans le deuxième, la formation générale n’est pas de la même nature.

Marguerite Altet

Les deux optiques sont développées dans les Iufm et dans des centres de formation au Québec notamment. Je considère que l’analyse de pratiques est transversale et permet de construire une professionnalité globale de l’enseignant. L’analyse de pratiques fédère les autres moments de la formation. Les modules didactiques, les stages et les visites de classes permettent de répondre à des problèmes rencontrés. L’analyse de pratiques fédère la formation et tous les formateurs sont impliqués. J’ai participé à un ouvrage sur la réflexivité et les deux types d’approches que vous mentionnez sont présents dans différents pays. Par exemple, en Belgique et en Suisse, la réflexivité est partagée par tous. De ce fait, les formateurs apprennent à travailler ensemble, ce qui me semble fondamental.

De la salle

Toutes les analyses de pratiques présentées aujourd’hui ont concerné des situations de classes. Est-ce suffisant ?

Marguerite Altet

J’ai présenté le domaine que je connais et sur lequel je travaille. Il est exact que la pratique enseignante ne se limite pas à la classe. Il faudrait mettre en place en Iufm des groupes d’analyse de pratiques sur la rencontre avec les parents. De tels groupes existent à Genève et apprennent aux stagiaires à se comporter face aux parents.

Françoise Martin, IUFM de Nantes

Nous avons construit à Nantes notre plan de formation en Iufm autour de l’analyse de pratiques. 90 heures dont 48 heures de co-animation, sont consacrées à l’analyse de pratiques dans toutes les formations. Une formation des formateurs est nécessaire pour que ce système fonctionne. J’aimerais à ce sujet que Marguerite Altet précise les compétences que doit avoir un formateur pour encadrer un groupe d’analyse de pratiques. Les formateurs doivent en effet être compétents pour que le système n’échoue pas.

Marguerite Altet

Le formateur d’enseignant est expert d’enseignement-apprentissage, formateur d’adultes, analyste des situations professionnelles et chercheur. Les compétences du formateur sont la capacité à écouter le stagiaire, sans modéliser le savoir. Le formateur doit également disposer des outils d’analyse des pratiques et donc être un chercheur. J’insiste personnellement pour que les formateurs fassent de la recherche sur les situations d’enseignement-apprentissage, car il est essentiel de construire des savoirs professionnels rationalisés.

Michelle Maisonhaute, IUFM de Versailles

La posture du formateur est différente selon les manières de réaliser l’analyse de pratiques. Marguerite Altet décrit le formateur comme un expert de l’objet étudié. Le formateur aide le stagiaire à repérer ce qui n’a pas fonctionné dans un cours, dans son organisation matérielle. La posture du formateur dans l’analyse de pratiques décrite ce matin est différente. Le formateur avait en effet comme rôle d’aider les membres du groupe à faire émerger leurs référents théoriques et ne les apportait pas.

Page 25: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 25 -

Marguerite Altet

Le formateur est expert et accompagnateur. Il apporte des outils de lecture, après que les stagiaires ont pris la parole. L’objectif du formateur est de construire des compétences et non de modéliser un métier. Il me semble essentiel que les normes du métier soient rappelées.

Isabeau Begbeider, IUFM de Versailles

Je comprends mal la notion d’apport théorique. L’articulation entre la théorie et la pratique n’est pas simple à intégrer dans la formation des enseignants. Vous avez parlé d’outils conceptuels, de référents théoriques et de mise en mots. J’aimerais que vous donniez une définition précise des référents théoriques et la différence entre les trois termes que vous utilisez. De fait, les formateurs qui encadrent des groupes d’analyse de pratiques ne sont pas tous chercheurs.

Marguerite Altet

La mise en mot de la pratique correspond à la façon dont les praticiens décrivent leurs pratiques. Les références à une théorie ne sont pas obligatoires. Les personnes décrivent les faits, mais ne sont pas pour autant capables de les expliquer de manière théorique.

Par ailleurs, comme vous le savez, toute profession est liée à des savoirs professionnels qui sont de plusieurs natures et de plusieurs sources. Les savoirs peuvent en effet venir de la pratique : les praticiens ont mis en mots la pratique et la recherche a rationalisé les savoirs. Comme les sociologues l’ont montré, un métier devient une profession quand il existe des savoirs spécifiques pour en parler. Les sciences de l’éducation et les travaux de didactiques sont les référents qui permettent d’exprimer le métier d’enseignants d’une autre manière que les praticiens.

Vous indiquez que tous les formateurs ne sont pas chercheurs. Tous ont toutefois lu des ouvrages de didactiques. Ils connaissent par exemple les notions d’obstacles didactiques. Il me paraît impossible d’être formateur sans savoir utiliser d’autres mots que les praticiens pour expliquer une pratique. Un savoir professionnel est un savoir rationalisé, dont les autres métiers parlent.

Suzanne Nadot

Nous allons entendre le dernier exposé sur l’analyse de pratiques, après avoir entendu un exposé centré sur la pratique enseignante. Ludovic Gadeau va présenter un type d’analyse de pratiques des enseignants différent. Il est maître de conférences en psychologie à l’Iufm de Grenoble. Il a mis en place, avec Marie-Claude Baïetto, un dispositif d’analyse de pratiques à une échelle qui permet de se poser la question de la reproduction et de la formation des formateurs. Son approche est centrée sur la personne du praticien.

***

Page 26: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 26 -

VI. Démarche clinique et psychanalyse au service de l’analyse des pratiques éducatives

Ludovic Gadeau, maître de conférences, IUFM de Gren oble

Je travaille depuis plus de dix ans sur l’analyse des pratiques. Je suis psychologue clinicien et psychanalyste et j’interviens en analyse de pratiques auprès de médecins et de personnels paramédicaux et dans le secteur social. Au sein de l’Iufm de Grenoble, nous avons mis en place un dispositif moins ambitieux que celui de Marguerite Altet. En effet, nous nous concentrons sur la dimension relationnelle et avons intitulé notre dispositif Séminaire clinique d’analyse des pratiques éducatives (Scape). Ce séminaire fonctionne depuis dix ans, alors que l’Iufm a été créé il y a onze ans. En effet, nous avons consacré la première année à la formation des formateurs, qui ont participé à la construction du cadre de référence. Une supervision a lieu pour les moniteurs toutes les deux séances d’analyse de pratiques.

Par ailleurs, un groupe de recherche s’est constitué pour travailler sur les dispositifs du séminaire. Ainsi, entre 1992 et 1994, nous avons travaillé sur la conduite de groupe, en étudiant les pratiques des moniteurs. Entre 1995 et 1997, nous avons cherché à évaluer les effets du dispositif sur la formation des enseignants. Les effets paraissaient particulièrement hétérogènes selon les groupes. L’effet groupe est très fort et la dynamique collective est très variable. De même, d’un point de vue individuel, chacun occupe différemment sa posture d’enseignant. Entre 1998 et 2000, nous avons cherché à savoir comment les moniteurs évoluaient dans la mise en œuvre du cadre clinique, que je vais vous décrire.

Depuis quelques années, nous proposons deux dispositifs aux PLC2 : le Scape et le séminaire d’analyse des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Ce second dispositif est sans doute proche de celui présenté par Marguerite Altet. Les professeurs stagiaires doivent choisir entre les 2 dispositifs, mais la connaissance de chacun ne permet pas d’effectuer un choix éclairé. Nous continuons à nous demander comment nous pouvons présenter les dispositifs, pour que les stagiaires choisissent en connaissance de cause.

Notre expérience est conséquente, car nous avons pratiqué plus de 5 000 séances d’analyse de pratiques, ainsi que 150 séances de supervision, pour les 55 moniteurs de l’académie.

Définition du dispositif d’analyse des pratiques

D’un point de vue formel, le Scape est un dispositif groupal qui réunit soit des PE2 soit des PLC2. Chaque groupe compte douze à quinze personnes et est animé par un moniteur et se réunit huit à dix fois par an, soit environ une fois tous les quinze jours.

Le cadre du dispositif et la technique mise en place sont inspirés par la psychanalyse. Cette dernière nous permet de définir ce qu’est une personne et aide à déterminer les prérequis du séminaire. La dimension du sujet est essentielle dans l’approche analytique. Une partie du sujet est consciente et contrôle, par son activité intellectuelle, ce qui l’entoure, alors que l’autre partie est inconsciente et échappe à la rationalité et à l’objectivation.

Par ailleurs, l’intersubjectivité est prise en compte par le support analytique. Nous considérons que la rencontre de plusieurs personnes produit des effets, qui ne sont pas réductibles aux personnes elles-mêmes. Par exemple, la réunion de dix personnes particulièrement intelligentes ne génère pas nécessairement un groupe intelligent. De même, dix personnes inhibées peuvent participer à un groupe innovateur. La somme des personnes ne correspond donc pas au groupe.

L’analyse de pratiques cherche à mettre en résonance le plan conscient et le plan inconscient, de façon détournée et quasiment sans le savoir. Pour vous aider à comprendre notre travail, je vais vous présenter trois exemples, l’un issu des PLC2, un des PE2 et l’autre d’un groupe d’enseignants confirmé.

Un professeur stagiaire PE2 rencontre l’enseignant qu’il va remplacer. L’enseignant indique qu’un des élèves a été signalé comme ayant probablement subi des sévices sexuels. Le professeur stagiaire ne sait alors plus comment se comporter face à cet élève. Il fait état de sa gêne dans le groupe d’analyse des pratiques.

Un professeur PLC2 évoque dans son groupe un point qui l’embête et qu’il ne sait pas comment définir. Un élève de son cours de langue a de bonnes notes à l’écrit, mais se comporte à l’oral de manière curieuse, gênante pour l’enseignant, qui se sent humilié par l’élève. Le groupe d’analyse de pratiques peut alors réfléchir à cette question de l’humiliation.

Un enseignant, travaillant depuis dix ans, n’a pas de difficulté dans l’exercice de la discipline. Pourtant, il est confronté à un élève, qui n’atténue pas ses comportements transgressifs quand il intervient de manière éducative. L’enseignant fait état de ce cas lors d’une réunion du groupe d’analyse de pratiques.

Page 27: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 27 -

Ces trois exemples vous montrent que l’analyse de pratiques n’est pas une formation pédagogique ou didactique, mais une formation en lien avec la relation aux autres. Cette relation peut être entre l’enseignant et l’élève ou avec la hiérarchie, les autres enseignants, les parents d’élèves, etc.

Suzanne Nadot a cherché à expliquer le travail de parole. Il me semble que l’on peut parler de différentes façons de sa pratique professionnelle. Il est possible d’en parler de façon impersonnelle. Les situations sont alors décrites de manière techniques et avec distance. Il est également possible de parler de sa pratique en s’engageant. Le séminaire s’inscrit dans cette démarche et permet de comprendre qu’on n’est pas toujours engagé de la même manière. Par exemple, les conversations de bistrots ont pour effet de ne pas modifier le sujet. La salle des professeurs s’apparente à ce type de conversations. En effet, de nombreuses choses sont dites, mais la personne qui parle ne modifie pas son action après avoir parlé en salle des professeurs.

D’autres façons de parler ont une incidence sur les pratiques futures. Afin de lever les malentendus qui naissent souvent quand je cherche à décrire le Scape, je vais me baser sur un exemple sans lien avec l’enseignement. J’ai récemment vu une émission de télévision avec un pilote d’hélicoptère qui pratiquait le secours en montagne. Il a d’abord décrit sa profession, de manière très technique. Il parlait des palles, du passage d’une altitude à une autre, le délai d’intervention, etc, sur un ton parfaitement maîtrisé. Ensuite, il a légèrement changé de ton et a parlé des personnes qui souhaitent que les recherches en montagne soient effectuées dans de bonnes conditions. Il laisse alors paraître un certain agacement. Il indique qu’il faut savoir arrêter de chercher, par exemple après douze heures de recherche. De même, il faut arrêter après une demi-heure de réanimation. Enfin, le pilote évoque des situations d’urgence, où le secours se passe mal. Il arrive que l’équipe ne parvienne pas à sauver les personnes ou qu’une personne de l’équipe soit blessée, voire meure. Le pilote change alors de ton et dit que les victimes bénéficient de soins psychologiques après un accident, alors que les secours n’en bénéficient pas. Il dit : " Quand on a vécu un truc dur, on ne se dit rien, mais on reste ensemble un moment, on ne se sépare pas comme ça. "

Ainsi, une même personne peut parler de manière très technique de sa pratique, mais également en parler autrement. Or, l’analyse de pratiques cherche à faire surgir cet autre registre et, par exemple, à voir comment ce pilote peut continuer à exercer sa profession. Nous attendons que les enseignants parlent, en tant que personne, des situations auxquelles elles sont confrontées dans le cadre de leur profession.

Le cadre clinique

Le cadre est un dispositif groupal. Les membres du séminaire doivent ainsi tous se voir dans la salle où ils se réunissent. En outre, quand une personne intervient, elle s’adresse au groupe et non à une seule personne, afin d’éviter les échanges entre deux personnes. Par ailleurs, le groupe a une dimension " auto-théorisante ". Le moniteur ne propose pas de lecture d’un événement, mais le groupe peut proposer des théories ou des formalisations qui paraissent utiles à un moment donné. Ces formations peuvent être abandonnées quand elles ne paraissent plus utiles. La capacité du groupe à générer du sens est utilisée.

Le statut de la parole a été évoqué ce matin. La confidentialité est importante et chacun doit savoir que ce qu’il dit ne sera pas utilisé ailleurs. En outre, les personnes doivent se respecter dans ce qu’elles sont et dans ce qu’elles disent. Il faut savoir utiliser les bonnes manières de dire.

Par ailleurs, la position du moniteur est différente de la position d’un formateur. En effet, même si je ne suis pas moi-même impliqué dans la formation des enseignants, je considère que le formateur a toujours une position à faire valoir. Le moniteur va, au contraire, renoncer à son savoir. Il n’est pas à la disposition des membres du groupe pour livrer ce qu’il croit savoir d’une situation et la rendre ainsi plus intelligible. Le moniteur va éviter de transmettre son propre système de valeur et ses propres représentations de ce que devrait être un enseignant. Le jugement est également absent de la fonction du moniteur.

Ce dernier doit travailler sur deux plans. En premier lieu, il cherche à rendre " solennelle " la prise de parole. Il gère la dynamique du groupe, dans ses silences et ses apartés. Les acquisitions du moniteur en termes de conduite de groupes sont importantes et rapides. Après deux ans de pratiques, ce point ne pose plus de problèmes.

En second lieu, le moniteur doit aider et accompagner le travail d’élaboration par le groupe. Nous considérons que la formation des moniteurs accompagne en permanence le dispositif pour permettre d’évoluer sur ce point. Les moniteurs doivent accompagner le travail cogitatif du groupe. Par exemple, les moniteurs doivent accompagner le groupe à trouver l’objet de sa réflexion. Cet objet ne peut pas être défini à l’avance. Il peut s’agir de la situation présentée par l’un des membres, mais également un élément de cette situation. Le groupe met en écho la situation et détermine l’objet. Le moniteur a pour rôle de nommer cet objet. Le moniteur doit également montrer la complexité d’une situation.

Pour conclure, le dispositif d’analyse de pratique des stagiaires est différent du travail réalisé dans les groupes Balint, car ces derniers centrent le travail sur l’exposant alors que l’analyse de pratique le centre sur l’objet exposé. Cette technique permet d’éviter les dérives de type interprétatif chez les moniteurs et les stagiaires. Nous n’avons jamais connu de telle dérive, grâce à cette centration sur l’objet. Nous évitons également les recettes tout faites pour résoudre un problème.

Page 28: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 28 -

Débat avec la salle

Nicole Huon-Menchirini, IUFM d’Aix Marseille

Je souhaite poser des questions pratiques pour la conception des formations. Marguerite Altet nous a présenté des principes très proches de ceux que nous utilisons à Marseille. En revanche, nous n’avons jamais essayé de mettre en place des groupes d’analyse de pratiques du type de ceux que vous venez de décrire. Je voudrais savoir pourquoi vous avez choisi de travailler d’un côté avec les PE2 et de l’autre avec les PLC2. Pourquoi ne pas avoir proposé une réflexion commune aux professeurs des écoles et aux professeurs des collèges et lycées ? Il est souvent difficile de les réunir et ces groupes pourraient servir de passerelles.

Par ailleurs, j’ai compris ce que n’étaient pas les moniteurs. Ces derniers doivent en effet renoncer à leur position de formateurs ou d’enseignants. J’aimerais savoir quelle est leur mission et comment sont validées leurs interventions. Les moniteurs sont-ils des professeurs associés, des universitaires, des cliniciens ou des professeurs de l’Iufm ?

Ludovic Gadeau

Lors de la première année de fonctionnement du séminaire, des cours communs entre les PLC2 et les PE2 avaient eu lieu et avaient été mal vécus par les stagiaires, sans doute pour des raisons identitaires. A ce sujet, l’Iufm est l’Institut universitaire de formation des maîtres. Or, il n’est pas certain que les professeurs de lycée et collège se considèrent comme des maîtres. Nous avons choisi de séparer les PLC2 et les PE2, car nous avons craint des résistances, mais je ne sais pas si cela est justifié.

S’agissant des moniteurs, toutes les personnes intéressées par l’analyse de pratiques étaient les bienvenues. Christian Andrieux avait proposé une modalité d’analyse des pratiques plus méthodologique, mais, de fait, l’orientation clinique a survécu. Les moniteurs sont aujourd’hui des professeurs de sciences de l’éducation, des psychologues externes à l’Éducation nationale, des enseignants en sciences humaines et sociales, etc.

La formation des formateurs dure un jour et demi à deux jours, pour permettre de prendre contact avec le dispositif. Les formateurs décident alors s’ils continuent ou non. Nous avons observé une progression rapide de l’action sur les effets de groupes, alors que la progression est plus lente pour la gestion du travail du groupe. Un certain nombre d’années de pratiques sont nécessaires pour se sentir à l’aise dans le dispositif.

Marguerite Altet

J’ai participé à une soutenance de thèse sur la construction de la professionnalité des stagiaires à l’Iufm de Grenoble. La thèse compare les deux dispositifs proposés à l’origine dans cet Iufm. Les stagiaires semblent toujours regretter de ne pouvoir participer aux deux séminaires, pour bénéficier de l’analyse didactique et de la personne. Il pourrait être intéressant de faire travailler ensemble les formateurs et les moniteurs lors d’une même réunion.

Ludovic Gadeau

Je considère que les deux approches sont complémentaires et proposent une professionnalisation différente. Je ne vois pas comment réunir ces dispositifs.

De la salle

Je voudrais revenir sur la différence entre le travail sur l’exposé et sur l’exposant. Vous accordez une place importante à l’implication personnelle et la discussion porte sur le vécu relationnel. Comment est-il, dans ces conditions, possible de séparer le vécu de la personne et l’objet exposé ?

Ludovic Gadeau

Nous séparons l’événement apporté par l’exposant et l’objet du travail du groupe. En outre, le Je concerne l’ensemble des personnes du groupe et non uniquement la personne qui expose une situation. Chacun s’expose lors de la mise en résonance du discours.

Dans le cadre de la formation initiale, il est important que la discussion ne soit pas centrée sur une personne. Mais nous constatons que les groupes s’autorégulent et reste en phase avec les disponibilités psychiques des uns et des autres.

De la salle

Page 29: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 29 -

J’aimerais savoir comment ce dispositif peut être transféré à l’accompagnement des enseignants débutants.

Ludovic Gadeau

Je ne parlerai pas de transférabilité. Nous avons travaillé avec des professeurs des écoles débutants pendant deux ans. Les groupes semblaient dire que l’Iufm continuait à les contrôler et les enseignants se demandaient quand ils seraient reconnus comme enseignants. Par ailleurs, ces derniers se sentaient isoler et ne travaillaient pas avec des professeurs confirmés. De ce fait, ils ne bénéficiaient pas de la parole d’une personne plus expérimentée.

Dans le cadre de la formation initiale, deux thèmes reviennent régulièrement. En premier lieu, l’idéal et la représentation du métier sont souvent évoqués, en confrontation avec la réalité. Les stagiaires doivent se défaire de leur idéal. En second lieu, l’identité professionnelle est un point récurrent. La prise de fonction est un événement complexe, car on reste élève tout en étant professeur.

Il serait utile de marquer de manière effective et symbolique que les jeunes enseignants ne sont plus des élèves ou des stagiaires, mais bien des enseignants.

Je souhaite également expliquer la relation dissymétrique. Cette relation concerne deux personnes qui n’occupent pas la même place et ne peuvent pas substituer leur place, par la relation parent-enfant. C’est une relation dissymétrique, de même que la relation médecin-malade et la relation enseignant-élève. Un parent est quelqu’un qui a renoncé à sa position d’enfant. Au sens symbolique, on n’est père ou mère qu’une fois ce renoncement opéré. Il existe des parents qui ne sont pas parents d’un point de vue psychologique. De telles attitudes ont des effets sur les enfants, qui ont parfois des difficultés à reconnaître la différence des générations.

La dissymétrie a d’autres effets symboliques. Il arrive que nous soyons malades, mais en mesure de nous déplacer chez le médecin. Il est possible que tous les symptômes disparaissent lors de l’arrivée chez ce dernier. La fonction du médecin entre alors en jeu. Or, l’enseignant doit, comme le médecin occuper une place symbolique. L’analyse de pratiques lors des premières années de pratiques est sans doute un travail sur ce point.

***

Page 30: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 30 -

VII. Invariants et différences des approches

Suzanne Nadot, maître de conférences, IUFM de Versail les

Vous avez pu découvrir différentes approches de l’analyse de pratiques lors des exposés que vous avez entendus aujourd’hui. Mon propos va être de tenter de les mettre en relation.

Les objectifs de l’analyse de pratiques

De manière générale, l’analyse de pratiques procède de l’échange et de la discussion autour de situations professionnelles. Cependant, il est possible de considérer les situations professionnelles dans leur généralité, en les sortant de leur contexte ou de considérer ces situations très singulières et liées, en particulier, aux comportements des praticiens. Par ailleurs, l’importance accordée dans les situations aux dimensions didactique, pédagogique et institutionnelle peut varier.

Quand le praticien est pris en compte dans l’analyse de pratiques, des théories du sujet prédominent. Ainsi, Gilles Monceau travaille sur les effets de l’institution à laquelle on appartient, alors que Ludovic Gadeau s’intéresse plus aux enjeux personnels et aux affects. Le sujet peut également être considéré d’un point de vue technique, en utilisant une typologie des gestes. Je pense que le choix d’analyser tous les plans en même temps en utilisant une grille systématique empêche le lent travail de compréhension. En effet, nous savons que la compréhension est longue : il peut arriver qu’une situation travaillée au mois d’octobre soit mieux comprise qu'au mois de mai seulement.

La notion d’identité professionnelle est régulièrement utilisée mais elle renvoie à des systèmes différents. Un professionnel reconnaît-il son appartenance à une profession à travers une série de gestes spécifiques, de compétences reconnues et identifiantes ? L’identité est-elle liée à l’appartenance à un groupe social ? Cette notion d’appartenance est souvent problématique chez les enseignants stagiaires, qui doivent passer d’un statut d’étudiant à un statut d’enseignant. L’identité renvoie aussi aux images idéalisées et constatées d’un soi professionnel. Chacun a une idée de ce qu’il veut être professionnellement et il est essentiel de pouvoir accorder cet idéal de soi à ce qui en est perçu. Enfin, quelle que soit la conception de l’identité qui est mise en avant, pour tous elle n’est jamais figée et elle se construit en permanence.

Comment se pratique l’analyse de pratiques ?

La parole est évoquée comme essentielle dans les différentes formes d’analyse de pratiques, mais cette parole n’est pas celle échangée dans une salle des professeurs ou autour d’un café. De fait, mettre en mots des événements et des actions permet de découvrir des éléments qui n’étaient pas connus auparavant. La parole est confrontée à l’écoute de l’autre, qui propose une autre idée, une autre approche de la situation. Cette formulation d’idées permet à chacun d’évoluer et de formuler de nouvelles théories. Les deux derniers intervenants ont cependant parlé différemment de cette parole qui aide à comprendre.

La parole révèle-t-elle l’inconscient du sujet ? À quel niveau faut-il s’arrêter ? Comme vous l’avez vu, les points de vue varient. Ludovic Gadeau s’approche de ce travail sur l’inconscient, alors que Dominique Fablet et André Bernard en sont plus éloignés. Quant à Marguerite Altet, elle situe la parole sur un autre registre.

Le questionnement diffère également selon la forme d’analyse de pratiques. Dans certains cas, on dispose de grilles de lecture et le questionnement est connu d’avance. Dans d’autres cas, l’animateur guide un questionnement en accord avec ce qui se passe au cours de la séance d’analyse de pratiques. Ainsi, les questions posées au fur et à mesure ne sont pas connues au début de la séance.

Mettre en place l’analyse de pratiques

Je souhaite évoquer la mise en place du dispositif. La formation de formateurs est une étape incontournable, que l’analyse de pratiques soit instrumentalisée ou non. Dans tous les cas, le formateur doit mettre en retrait ses présupposés qui permettraient d’expliquer une situation, pour avancer dans la compréhension de cette dernière. En cas d’instrumentalisation, les formateurs doivent maîtriser les concepts. Dans une analyse de pratiques moins outillée, une posture d’écoute compréhensive est à acquérir ; le formateur doit pouvoir entendre les informations et les traiter de manière ouverte et confronter en permanence son propre système de compréhension avec celui des autres.

Il est essentiel de vivre les situations d’analyse de pratiques pour comprendre comment ce travail contribue à évoluer. Cela permet de différencier le ressenti dans une situation de la situation elle-même, d’identifier les paramètres en jeu dans l’immédiateté de la décision et de mieux repérer comment la dimension personnelle interfère avec la situation professionnelle.

Page 31: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 31 -

Si la mise en place d’une formation de formateurs est importante, il faut aussi veiller au cadre global de la formation et à la place que va occuper l’analyse de pratique. Roger Fetter a développé ce point. À ce propos, il ne faut pas sous-estimer les habitudes de formation. Les propositions de formation en analyse de pratiques sont parfois difficiles à intégrer. L’analyse de pratiques est souvent mal comprise, chargée de trop d’évidence ou de trop d’obscurité. Il est parfois difficile de convaincre de son intérêt. Elle ne correspond pas à une demande explicite et on peut comprendre que les enseignants ne peuvent demander des formations dont ils ne connaissent pas l’existence. Il faudra du temps pour que les différents personnels s’approprient ces formations et que les dispositifs trouvent toute leur pertinence.

***

Page 32: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 32 -

VIII. Autour de situations d'analyses de pratiques professionnelles mises en oeuvre pour l'accompagnement à l'entrée dans le métier

Atelier n°1

Animatrice : Martine Agogué Rapporteurs : Annette Ramplou, conseillère pédagogi que de circonscription de Bédarieux, académie de Montpellier, Marielle Billy et Marie-France Michel, professeurs du second degré, académie de Créteil

Premier cas

Le dispositif d’analyse de pratiques professionnelles, exposé par Annette Ramplou, existe depuis deux ans. Il s’inscrit dans un ensemble intitulé : " groupe d’entraînement à l’analyse de pratiques professionnelles ". Le GEAPP se nomme aussi " groupe de formation ". Son objectif est double :

• aider un acteur professionnel impliqué dans une problématique issue de sa formation à mieux comprendre mais aussi à permettre à d’autres acteurs non impliqués d’analyser les situations et de mieux maîtriser des situations semblables à venir ;

• de s’entraîner et de se former à l’analyse.

Les principes posés en préalable à la participation aux séances de travail sont : le volontariat, la confidentialité, la liberté d’expression dans le cadre adopté, le respect du dispositif, l’assiduité et la gestion rigoureuse du temps.

Cinq phases distinctes structurent la séance : exposition d’un cas (celui qui veut parler), questions des participants à l’exposant visant à obtenir des informations complémentaires, émission d’hypothèse par les participants (l’exposant se tait), l’exposant parle à nouveau en réagissant à ce qui vient d’être dit, puis arrivent les échanges entre les membres du groupe sur les différents champs explorés, sur la pratique de l’animateur, sur le ressenti de chacun des participant sur le déroulement de la séance.

Dans un groupe de circonscription, composé de dix à quatorze participants, six séances sont programmées dans l’année plus une séance de bilan. Les formateurs qui animent ces séances de travail s’engagent eux mêmes à participer à un groupe de formation à l’analyse de pratiques professionnelles ouvert aux conseillers pédagogiques de circonscription volontaires du département. Quatre ans de supervision de ses pratiques sont nécessaires pour être formateur d’un GEAPP.

L’étude de cas présentée porte sur une situation évoquée lors d’un GEAPP. Une enseignante, débutante dans le métier, recrutée sur liste complémentaire est nommée à la veille de la rentrée sur une classe double CM1-CM2. Les élèves sont en grande difficulté, de niveaux scolaires faibles, non motivés par l’école et aux comportements dérangeants.Cette enseignante, qui n’a reçu aucune formation préalable, se fait agresser par les parents d’élèves et découvre une équipe d’école non coopérante. Elle souffre d’isolement et d’une dévalorisation personnelle constante. La place dans l’institution, dans l’équipe pédagogique, ce qui est en jeu dans la demande de conseil et la relation d’aide sont des thèmes qui ont nourri la réflexion du groupe à partir de l’exposé de ce cas.

Deuxième cas

Le dispositif d’analyse de pratiques professionnelles présenté par Marielle Billy et Marie France Michel se situe dans le cadre d’une intervention en lycée professionnel polyvalent de 1500 élèves, établissement classé parmi les plus sensibles de l’académie.

C’est au mois d’octobre 2001, dans l’urgence, que l’établissement a demandé une aide négociée. Les deux intervenantes rencontreront simultanément, lors de la phase " d’analyse des besoins ", neuf professeurs volontaires qui relateront les graves violences dont ils sont témoins ou victimes puis le proviseur adjoint qui les informera de l’environnement socio-économique, du tissu urbain et de la population du lycée.

Une offre de formation s’en suivra rédigée par les deux intervenantes. Après acceptation de la proposition, elles co-animeront le stage. Dans ses grandes lignes, cette proposition envisageait un travail d’analyse des pratiques afin de permettre de distancier et de clarifier ce qui pose problème. Il s’agit de la mise en place d’un atelier de réflexion centré sur la parole d’un exposant qui soumet à un groupe de pairs une situation qui lui est difficile.

Page 33: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 33 -

Plusieurs temps organisent la démarche d’analyse : celui du dire (le groupe choisit la situation à travailler), celui du questionnement de la situation en vue de sa compréhension, le temps des hypothèses (le participant note et ne parle pas), puis celui de la co-construction d’ébauche de résolutions. L’évaluation par les stagiaires de cette séance permet de construire la suite du stage.

L’étude de cas présenté porte sur une situation de classe où les élèves refusent de travailler, où le professeur dit ne pas réussir à " s’imposer " au groupe classe. La réflexion commune a porté sur le besoin d’individualisation de la relation à l’élève, la réduction incontournable du rapport frontal avec le groupe, la nécessité d’échanges avec les autres enseignants, la prise en compte du milieu socio-culturel et des rites de la cité environnante, le besoin de clarifier, avec l’administration, les places et les rôles de chacun

Des dispositifs différents

Les deux dispositifs présentent des configurations différentes. Le premier implique l’organisation d’un groupe constitué de pairs (des enseignants volontaires), qui va dans un cadre institué (GEAPP) réfléchir et analyser les pratiques professionnelles des participants. Les membres du groupe ne se connaissent pas nécessairement au préalable. Le deuxième relève d’une intervention en établissement qui débutera par une " analyse des besoins " des acteurs rencontrés et qui devra considérer la demande du " groupe réel " à questionner et analyser des situations professionnelles vécues dans un établissement précis. L’intervention a lieu sur site.

C’est partir de ces présentations, à l’occasion d’un débat, qu’ont émergé les questions suivantes, présentées ici autour de trois axes :

Le dispositif de formation à l’analyse de pratiques professionnelles (ADPP)

• Quelle est la périodicité optimum des séances de formation à l’ ADPP ? Il semble que ce qui est mis au travail, questionner et analyser lors des séances débouche sur un questionnement plus large, qui non seulement interpelle in situ, mais aussi perdure après la séance de travail. Cet objet de questionnement à la fois furtif et dense s’installe dans la réflexion. Un temps déplacé d’élaboration est nécessaire. Ce temps précieux entre deux séances permettrait la prise de recul, la mise à distance et l’appropriation. La périodicité régulière et le rythme des séances prendraient en compte à la fois le travail réalisé in situ et celui nommé " hors séance ". Il est proposé cinq à six séances dans l’année.

• Concernant la formation des formateurs en analyse de pratiques, les participants confirment la nécessité d’une formation. Cette formation accompagnatrice, dite de supervision, permettrait l’apprentissage professionnel de cette nouvelle posture présumée différente de celle induite dans le rapport traditionnel du stage formateur-formés. Ce serait dans l’expérience professionnelle, mais aussi en différé, dans l’analyse de ces expériences que se construiraient les compétences de ces formateurs dans ce domaine. La périodicité des séances de supervision (sur plusieurs années) facilitera l’acquisition de savoir faire professionnels.

• En quoi le cadre de travail, en étude de cas, est il important ? Le respect des phases de travail en étude de cas nous est présenté comme incontournable. Poser la question de ce bien fondé, revient à poser la question de la pertinence du respect du cadre comme facilitateur et opératoire. Les témoignages d ‘expériences relatent que poser un cadre et le faire respecter produit un repère de fonctionnement structuré grâce entre autre à une rigoureuse gestion du temps. Cela permet également d’organiser la parole dans un cadre dit de " liberté d’expression " sans a priori sur ce qui sera dit, en produisant de l’écoute et de l’analyse.

• Comment choisir le premier participant qui va prendre la parole ? Les présentations ont prouvé l’importance du cadre posé. De nombreuse questions pratiques ont surgi sur la difficulté d’être garant du cadre, des phases de travail. Si personne ne prenait le premier la parole que faire ? Deux propositions : dans un cas, prend la parole celui qui le souhaite, c’est la personne qui se désigne sur un critère d’urgence par exemple, dans l’autre cas, chacun expose dans un tour de table une situation puis le groupe choisit le sujet à traiter avec l’accord de celui qui va exposer.

La constitution des groupes participant à l’ ADPP

• Faut-il que les participants soient volontaires ou rendre le stage obligatoire ? Quel est le meilleur moment pour faire de l’ADPP, en formation initiale ou en formation continue ? Les participants à l’atelier ont émis à ce sujet des points de vue différents.

Pour certains rendre le stage obligatoire devrait être une priorité des plans de formation initiale et des plans de formation continue (sur candidature désignée), tandis que, pour d’autres, le travail ne pouvait se réaliser que sur le critère du volontariat. Il nous est apparu que la question de la constitution des groupes, et celle du cadre institutionnel choisi, était liées

Page 34: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 34 -

à la représentation que chacun avait de " ce qui était au travail " en séances d’ADPP, autrement dit si l’animateur émettait ou non, en séance, des réponses et des conseils sur l’objet traité. Une proposition est faite de rendre le stage obligatoire en formation initiale et optionnel en formation continue.

• Qui a besoin de stage d’ADPP ? Est-ce seulement les enseignants désignés comme étant en difficulté, ou se percevant comme tels, ou tous les enseignants volontaires qui le souhaiteraient ?

• Quels types de groupe pour quels effets ? Au regard des deux dispositifs évoqués, stage ou intervention en établissement, émergeait la constitution de deux types de groupe différents, des groupes réels en situation dans un établissement ou des groupes constitués pour le stage. De cette différence notoire, pouvaient découler des effets sur l’ADPP à déterminer puis à prendre en compte.

En ce qui concerne les groupes réels, considère t-on seulement une équipe d’enseignants ou une équipe pédagogique ou faut-il élargir à une équipe pluricatégorielle, type : enseignants, conseiller principal d’éducation, médiateur, adjoint à la direction… ?

Toujours à propos de la constitution des groupes, les participants ont souligné leur diversité possible : groupe disciplinaire, pluridisciplinaire, mixité entre les nouveaux et les anciens enseignants . Une remarque à ce propos, les enseignants dits débutants dans le métier ne sont pas débutants en ce qui concerne l’ADPP (IUFM, formation initiale), par contre les enseignants non débutants dans le métier sont pour beaucoup d’entre eux débutants en ADPP.

Les participants ont pressenti que chaque possibilité offrait des avantages, des inconvénients et que, quoiqu’il en soit, toutes produiraient des effets sur les études de cas choisies à analyser et sur les pistes d’hypothèses associées (les effets sur les participants, les animateurs, les équipes, les établissements). Il faudrait réfléchir aux effets produits par les dispositifs choisis au moment de la conception et en fonction des objectifs à atteindre.

La posture de l’animateur

• De quelle place parle t-il, quel est son rôle, son statut ? Il est apparu que, de cette question, émergeait bien la notion de légitimité à conduire ces séances au regard des participants en terme de compétences, mais aussi en terme de reconnaissance institutionnelle.

• Est ce que l’animateur peut ou doit faire des apports en séance, sur quoi et à quel moment ? Le débat a tourné autour du rôle de l’animateur et de celui du formateur. L’animateur étant aussi un formateur, que doit-il garder ou perdre de sa fonction voire de son statut institutionnel ? En filigrane, la question du savoir et du rapport au savoir était éminemment présente. Pour un certain nombre de participants, l’animateur reste un formateur dont le rôle est aussi de répondre sur la question en tant qu’expert face aux besoins du groupe en formation. Pour d’autres, l’animateur n’intervient pas sur l’objet mais sur la guidance du groupe à traiter de cet objet.

• Faut-il conseiller ou pas ? S’il se situe comme un formateur, l’animateur peut donner des conseils. Il connaît, de par son expertise du métier d’enseignant, des réponses adaptées et éprouvées. Pourquoi ne pas les donner ? S’il est animateur, il pose un cadre qui permettra au groupe de chercher, questionner l’objet. C’est le groupe qui émettra des hypothèses, celui qui expose le cas peut les rejeter ou les adopter.

• Comment ne pas tomber dans le conseil ? Il paraît difficile à certains participants de ne pas tomber dans le conseil alors que l’animateur aurait les bonnes réponses par son expertise. Pour d’autres, il faut donner du conseil. Ce serait un des objectifs de l’ADPP.

• Comment choisir l’animateur ? C’est bien sur en fonction de ses représentations de rôle que chacun s’exprimait. Quoiqu’il en soit les participants, d’un commun accord, ont affirmé que l’animateur ne doit pas, auprès des stagiaires, travailler dans la même circonscription avec d’autres fonctions ou statut, notamment ceux de conseiller pédagogique ou de formateur… La co-animation, de l’avis de tous, est bénéfique voire indispensable in situ lors de la formation puis comme moment de régulation privilégier après la séance.

Une dernière question

Est ce que le choix du cas à analyser doit toujours relever de difficultés, peut on aussi analyser des situations de réussite ?

Atelier n°2

Page 35: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 35 -

Animateur : Marie-José Cota Rapporteur : Maryse Bougain-Brandt, formatrice à l’ IUFM de Grenoble et Serge Montagnat, formateur à l’I UFM de Créteil

Comme dans tous les ateliers, les deux cas d’analyse de pratiques présentés ont été choisis pour leur différence de contextes et de modalités d’analyse, l’un dans l’académie de Grenoble, l’autre de Créteil.

Travail sur des expériences rapportées par les stag iaires

Le groupe est composé de PLC2, littéraire, moitié EPS et histoire-géographie. Il s’agit de la 5ème séance d’analyse de pratiques se déroulant à la rentrée des vacances de Noël. La formatrice demande au groupe d’indiquer par écrit une situation vécue qui pose problème et une situation en cours de résolution ou résolue. En réponse, elle n’obtient que des situations problématiques couvrant trois thèmes : les élèves en marge, les interférences entre l’extérieur et l’intérieur de l’établissement, le comportement instable de certains élèves.

Devant une certaine morosité du groupe, la formatrice choisit la situation suivante : un élève réagit mal aux propos " qui se veulent humoristiques " de l’enseignante. Alors qu’il bavardait, l’enseignante le remet en place en lui disant qu’il n’est plus à Taiwan. L’élève vient la voir à la fin du cours et lui dit qu’elle n’a pas à faire état d’un détail de sa vie qu’il lui avait confié personnellement quelques temps auparavant (il était parti à Taiwan pendant les vacances scolaires pour y retrouver son père).

Les participants de l’atelier ont réagi sur le cas en évoquant les entrées suivantes : humour / dédain ; confiance / trahison ; domaine public / domaine privé ; affirmation de son pouvoir / déconsidération de l’élève ; identité professionnelle / authenticité de la personne (élément qui renvoie à la notion d’intersubjectivité dissymétrique présentée par Ludovic Gadeau en séance plénière).

Travail sur des situations proposées par les animat eurs

Le groupe est constitué d’enseignants entrant dans le métier : PEP4 ou non, toutes disciplines confondues (30 places pour 170 demandes). La formation se déroule sous la forme de deux fois deux jours, en novembre et en mars, couplé, durant l’intersession, avec l’observation de classes de jeunes collègues, si possible dans une discipline différente de la leur. Titre de l’action : " Exercer son autorité en classe bruyante ".

Dans un premier temps, une réflexion s’engage sur les notions d’autorité et de classe " bruyante " (du bruit de fond à l’impossibilité de faire cours). Ensuite, le travail sur une " situation dans laquelle l’autorité n’a pu s’exercer " se déroule de la façon suivante : chaque stagiaire présente une situation en deux minutes et lui donne un titre (décentration de la personne). L’exposé des motifs de choix de la situation étant réalisé, le vote se déroule à bulletin secret. La situation choisie fait l’objet d’un temps de préparation de dix minutes et d’un temps de présentation de vingt minutes non interrompu devant les stagiaires répartis en trois sous-groupes : un tiers de " questionneurs ", un tiers " d’évocateurs " (dans et hors l’école), un tiers de " solutionneurs " (exploration des possibles).

Ce cadre est maintenu strictement, même si, dans un premier temps, les stagiaires développent des réactions de fuite et de résistance, surtout chez les stagiaires " désignés " solutionneurs. Le maintien des règles de fonctionnement par le formateur constitue en lui-même un exemple d’autorité, transposable pour partie à la situation d’un enseignant face à des élèves réfractaires. Passé ce moment, les stagiaires adhèrent fortement au travail d’analyse de la situation. En revanche, les autres situations présentées, mais non choisies, provoquent des frustrations et peuvent être reprises au cours de la seconde session.

L’objectif premier est de travailler sur la posture de l’enseignant. L’enseignant doit s’interroger " sur ce qui est bon pour tous, pas seulement sur ce qui est bon pour lui-même ".Davantage qu’un repérage des présupposés théoriques sous-tendant les cas d’analyse de pratiques présentés – ce qui semblait aller de soi, compte tenu des cadres théoriques exposés en plénière - les participants ont demandé des compléments d’informations sur les contextes de réalisation, le déroulement des séances, les démarches adoptées, les ressources nécessaires au dispositif sur le plan départemental ou académique, l’origine et la formation des formateurs. On pourrait dire que les participants de l’atelier ont été majoritairement " questionneurs " et que l’intérêt pour une explicitation concrète de mises en œuvre d’analyse de pratiques a paru manifeste.

Par ailleurs, les réflexions relatives à l’élaboration de dispositifs d’analyse de pratiques professionnelles dans les académies et les départements ont montré l’extrême diversité des situations locales. Pour ce qui concerne l’entrée dans le métier, deux aspects ont été principalement évoqués : l’organisation de la formation en lien avec les possibilités de remplacement dans le premier degré et, à tout niveau, le nécessaire développement de ressources en formation.

Atelier n°3

Page 36: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 36 -

Animateur : Gilles Maurelet Rapporteurs : Annie Barthélemy et François Desmarre s

L’atelier était composé d’une trentaine de participants pour la plupart formateurs en IUFM et responsables de la formation initiale et continue des enseignants.

La première situation présentée relatait une séance d’analyse des pratiques réalisée avec des stagiaires PLC en situation. Au cours de la séance décrite, les stagiaires travaillent sur une situation vécue qu’ils désirent soumettre au groupe et liée à la gestion d'une classe d'élèves en difficulté. La tonalité et l’approche retenue par la présentatrice se situent plutôt sur le versant "clinique" de l’analyse de pratiques dans lequel le récit et la subjectivité de l’exposé constituent des matériaux d’analyse privilégiés.

Le deuxième témoignage présentait une situation d'analyse de pratiques destinée à des jeunes enseignants inscrits dans le dispositif PEP4 (jeunes titulaires nommés à leur demande pour trois ans dans des établissements difficiles en échange d’une bonification de points ; ils bénéficient d’une formation qui comprend entre autres des séances d’analyse des pratiques.). Dans le cadre d’un module de formation sur la prévention de la violence, l’analyse des pratiques proposée se construit à partir de situations apportées par l’animateur sur lesquelles le groupe travaille. Dans le cas relaté, le groupe analysait les causes et l’enchaînement de circonstances qui ont précédé le passage à l’acte violent d’un élève en classe. Cette approche, plus distanciée que la précédente, permet aux jeunes enseignants d’aborder en extériorité et avec un degré d’implication moindre les difficultés rencontrées. Au cours des échanges suscités par ces deux témoignages, plusieurs questions centrales qui interrogent les fondements, les finalités et les modalités de mise en œuvre de l’analyse des pratiques peuvent être évoquées ici.

Une première interrogation qui touche à la question de la demande et du besoin concerne le caractère obligatoire (comme c’était le cas dans les deux témoignages) ou " facultatif " de l’analyse des pratiques dans la formation des jeunes enseignants. Les deux positions se sont exprimées dans l’atelier à partir des argumentaires suivants. Les tenants du caractère obligatoire – entrée par le besoin – affirment qu’ils ne peuvent pas concevoir que les enseignants entrent dans le métier sans avoir fait l’expérience d’un travail de réflexion sur leurs pratiques. Les partisans du caractère facultatif – entrée par la demande – avancent l’idée que la contrainte est improductive et même nuisible en matière d’analyse des pratiques car contraire à l’implication du sujet qui en garantit l’efficacité.

Une deuxième observation, qui a semble-t-il fait l’unanimité du groupe, concerne l’image des dispositifs d’analyse des pratiques dans les représentations des enseignants. Celle-ci est souvent connotée négativement car associée à une sorte de lieu de traitement de la "pathologie " professionnelle ; ceci est sans doute dû au fait qu'on y aborde, le plus souvent, des situations de difficultés professionnelles. Pour modifier cette image, il est proposé d’inclure dans les séances des situations positives et/ou innovantes que les jeunes collègues ont pu construire.

Un autre débat s’est engagé autour de la composition des groupes d’analyse de pratiques. Est-il préférable de favoriser des groupes disciplinaires -qui privilégieraient le versant didactique- ou au contraire interdisciplinaires avec une approche plus transversale ? Les "didacticiens " avancent l’argument selon lequel seule l’approche disciplinaire permet d’entrer "au cœur de la pratique ", l’analyse menée en termes de pédagogie générale est, elle, trop générale, trop morcelée. Les tenants de l’interdisciplinarité avancent l’idée que l’on ne peut pas à la fois encourager l’interdisciplinarité dans l’activité professionnelle des enseignants et proposer des dispositifs de formation qui ne le soient pas. Les positions sur cette question sont relativement tranchées et un consensus n’a pu se dégager. Certains, cependant, proposent que les groupes soient animés par des binômes pluriels : un formateur à sensibilité disciplinaire, un formateur représentant de la pédagogie générale.

Un débat de fond s’est ensuite engagé autour d’une question soulevée par plusieurs participants qui souhaitent orienter l’analyse de pratiques vers un dispositif davantage lié à l’analyse de l’activité. Cette proposition, proche des théories de l’ergonomie et de la sociologie du travail présente, selon ses défenseurs, avantage majeur. Celui-ci concerne l’implication du stagiaire dans la situation. En effet, le récit narratif sur lequel s’étaye en général l’analyse de pratiques limiterait l’implication réelle du sujet dans l’analyse. Les tenants de cette position pensent qu'un travail basé sur les pratiques observées plutôt que sur les pratiques narrées, apparaît plus efficace pour la transformation des pratiques. Il est d’ailleurs proposé à l’occasion de ce débat d'offrir aux stagiaires des modalités d’analyse de pratiques différentes selon le degré d’expérience professionnelle des enseignants : travail sur des cas apportés par les formateurs en formation initiale, des analyses de pratiques basées sur le récit lors de l’entrée dans le métier (PLC et PE3), des analyses de l’activité observée en formation continue (PLCet PE 4). Les détracteurs de cette approche réfutent ces considérations et avancent l’idée que seules la subjectivité que procure le récit et l’analyse conduite dans cette perspective favorisent le changement et l’évolution des pratiques des individus. Dans le droit fil de ce débat, les participants se sont aussi interrogés sur les effets de l’analyse des pratiques et sur les modalités de son évaluation.

Enfin, concernant la mise en œuvre et la faisabilité et l'extension du dispositif, le groupe a, de façon unanime, posé la question des ressources formateurs qui doivent être mobilisées. Cette question se pose quantitativement et qualitativement. Si pour certaines académies, les enseignants entrants dans le métier représentent des groupes relativement limités, les " grandes " académies devront, elles, former un nombre considérable de stagiaires. De plus, la "pénurie" prévisible de formateurs peut conduire les IUFM à construire les dispositifs d'analyse de pratiques non pas en fonction d'un cahier des

Page 37: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 37 -

charges reflétant des choix pédagogiques réfléchis, mais uniquement en fonction des options des intervenants disponibles sur le terrain.

Atelier n°4

Animateur : Patrick Robo Rapporteurs : Brigitte Riera, formatrice, et Solange Petiot, psychanalyste

Cet atelier regroupait plus d'une centaine de participants qui ont pu dialoguer après deux témoignages d'analyses de pratiques exposées par Solange Petiot et par Brigitte Riera.

Le premier récit évoquait la situation d'une enseignante de classe maternelle en difficulté relationnelle avec une petite fille, situation traitée dans le cadre d'un groupe de soutien au soutien développé par l'Association des groupes de soutien au soutien (Agsas) créée par Jacques Lévine. Cette méthode se décline en quatre étapes :

1 – présentation par un exposant d'une situation vécue personnellement 2 – ressenti du groupe dans la "non conflictualité" 3 – recherche du modifiable 4 – reprise de la parole par l'exposant avec recherche de compréhension de ce vécu.

Le deuxième récit relatait une situation analysée en groupe également dans le cadre de la formation de néo-titulaires de postes "PEP4", situation d'une jeune professeur d'histoire-géographie se sentant dépassée et menacée par la violence d'un élève.

Chaque exposé a été suivi de nombreux échanges avec les présents à cet atelier, échanges qui auraient pu se poursuivre si le temps imparti avait été plus long et dont il ressort un certain nombre de questions, d'interrogations et de réflexions synthétisées, par commodité de présentation, en dix points.

Les dispositifs d’analyse de pratiques professionne lles (ADPP)

Ateliers ou groupes

Les deux termes sont employés et une distinction semble s'opérer. Les groupes correspondent davantage à une inscription dans la durée nécessaire à un travail évolutif d'analyse, alors que les ateliers peuvent laisser penser que l'on peut faire le l'ADPP ponctuellement de manière "opportuniste", voire "spontanée". La discussion montre également que l’analyse en relation duelle de manière ponctuelle est parfois pratiquée par certains formateurs.

Le cadre référentiel

Il apparaît nécessaire de repérer, clarifier, préciser quel est le cadre théorique, conceptuel de référence sur lequel est fondé tout dispositif d'ADPP (multiréférentialité ou monoréférentialité : psycho-sociologique, analyse institutionnelle, psychanalyse, etc…). Chaque cadre référentiel n'est pas neutre et induit des pratiques différentes dont les effets ne sont pas identiques.

Les principes directeurs

Les deux témoignages de cet atelier permettent de repérer des principes invariants : confidentialité, assiduité, régularité, respect de la parole. Ces principes apparaissent comme incontournables pour qu'une authentique analyse ait lieu. D'autres principes interrogent les participants : l'ADPP est-elle compatible avec volontariat ou obligation de participation, avec mixité ou homogénéité du public (débutants et ou anciens) ? Les avis sont partagés à ce niveau.

Les méthodes/démarches

Les deux séances d’ADPP présentées sont scandées en plusieurs phases/temps. Les deux premiers temps apparaissent comme invariants :

• un exposé/récit d’une situation vécue par un exposant ; • un temps de questionnement pour mieux cerner et s’approprier la situation.

Page 38: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 38 -

Les phases suivantes varient selon les dispositifs évoqués dans les échanges, induisant des modalités différentes :

• émissions d’hypothèse de compréhension par les participants ou recherche de résolution de problèmes ou conseils de remédiation ou recherche du modifiable ;

• conclusion par l'exposant ou synthèse par l’animateur.

Il est à noter que les séances présentées débutent toutes deux par un temps/sas de parole/information libre.

L’objet de l’analyse

C’est toujours une situation ou pratique professionnelle vécue et contextualisée par un participant, source de difficulté/problème ou de réussite qui est support à l'analyse collective. Cet objet est généralement un "dire" sur un vécu (récit différé). La question a été posée de savoir s’il n’est pas plus pertinent d’analyser un "faire" observé en direct ou filmé et les avis ont été partagés.

Le lieu de l’ADPP

Au cours des échanges la question a été posée de savoir dans quel(s) lieu(x) institutionnel(s) pouvait se pratiquer ce type d'analyse de pratiques : un établissement ? un bassin ? une circonscription ? Il apparaît qu'il n'y a pas de lieu idéal et que celui-ci dépend des contextes qui dans tous les cas doivent permettre la mise en œuvre de l'ADPP suivant les principes incontournables évoqués précédemment.

Les participants

L’animateur

De nombreuses questions ont été posées à propos de l'animateur de tels groupes d'ADPP est alors apparue la nécessité de clarifier ses statuts, rôle, fonction par rapport à des questions de posture et de pouvoir. Des postures différentes ont été identifiées :

• interventionniste sur le fond et/ou la forme ; • conseiller/conseilleur ou guide médiateur ; • animateur ou formateur.

La question de l'expertise de l'animateur s'est également posée. Doit-il être un "expert en ADPP" ? Un expert en théorie et/ou pratiques pédagogique/professionnelle ? Un expert et/ou un ex-pair ? Des échanges, il est ressorti que l’animateur doit être formé ou en formation à l’ADPP (de préférence par l'analyse de sa pratique). La majorité des participants s'accorde alors à dire que cette formation demande du temps, a minima un an, et que le nombre d'animateurs formés et compétents, ressources sur lesquelles s'appuyer pour développer des groupes d'ADPP, est peu important et qu'il conviendra donc de mettre en œuvre des formations spécifiques d'animateurs.

Les participants

Des questions ont été débattues autour de la constitution de groupes d'ADPP. La mixité néo-titulaires/enseignants co-formés a semblé plus pertinente que le regroupement des seuls débutants et ce, du fait de l'enrichissement lié à la diversité des expériences professionnelles. Les avis ont été partagés sur le fait d’obliger des débutants à participer à des groupes d’APP ou de bâtir des groupes sur les principes du volontariat. Pour certains, l'obligation tuerait l'authenticité de l'analyse alors que pour d'autres elle permettrait de faire découvrir un dispositif de formation inconnu ou source de résistance. Par contre, la participation assidue à un groupe d’ADPP apparaît comme nécessaire à l'efficience de l'analyse elle-même.

Les objectifs

Une autre question a été de savoir quels étaient les objectifs de tels dispositifs. Il est ressorti qu'ils peuvent être différents mais certainement complémentaires :

- recherche/élaboration de compréhension d’un vécu professionnel ; - développement de l'identité professionnelle ; - aide à des enseignants en difficulté ; - socialisation professionnelle ; - réinscription dans une dynamique professionnelle ; - thérapie professionnelle ; - formation permanente/formation accompagnante ;

Page 39: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 39 -

L'essentiel étant d'identifier et expliciter de manière préalable les objectifs aux participants à un groupe d'ADPP.

Définition(s)

Chemin faisant, les échanges ont font apparaître la nécessité de clarifier/définir le (les) concept(s) d’ADPP, : pratique professionnelle ou pratique pédagogique, analyse de pratique, analyse de situations, étude de cas…

Un consensus s'est alors dégagé sur le fait que le sens de toute ADPP doit être élucidé et énoncé/explicité dans l'intérêt des participants mais aussi de l'animateur.

Les effets

Pour une meilleure appréhension, compréhension de tels dispositifs et pour favoriser leur démultiplication les échanges ont montré qu'ils doivent être identifiés/repérés, évalués ( ? ) et ce :

• pour/sur les participants (individus et groupe) ; • pour/sur l’animateur ; • pour/sur l’institution.

La méconnaissance des effets produits laisse la porte ouverte à des interprétations, des représentations, voire des rumeurs infondées qui nuiraient au développement de tels dispositifs.

Les techniques

Au-delà des cadres de références des dispositifs le dialogue avec les deux intervenantes a montré que des techniques diverses d’animation, de communication, d’analyse peuvent/doivent être utilisées par l’animateur :

- modalités de choix entre plusieurs situations proposées ; - usage du tutoiement ou du vouvoiement ; - animation directive, semi-directive, coopérative… ; - etc.

S'est posée alors la question des compétences nécessaires à l'animation de groupes d'ADPP et par voie de conséquence des formations nécessaires pour permettre l'acquisition de telles compétences professionnelles.

Faisabilité/mise en œuvre de groupes d’ADPP

Les participants à cet atelier en sont venus à demander comment gérer/surmonter les difficultés institutionnelles liées à l’organisation de groupes d’ADPP :

- trouver du temps commun à des participants ayant des emplois du temps différents ; - utiliser des modalités de remplacement des enseignants du 1er degré ; - gérer les (in)disponibilités d’animateurs ; - etc.

Aucune réponse miracle n'a été apportée mais une incitation forte à gérer localement ces difficultés s'est dégagée des échanges.

S'est également posée la question des ressources nécessaires à la mise en ouvre de tels dispositifs :

- ressources humaines : où trouver des animateurs compétents/formés ? - ressources financières : comment traiter le coût de la mise en œuvre de groupes d’ADPP répartis en cinq à huit séances sur une année ? - comment gérer la massification/généralisation des dispositifs d’ADPP ?

Choix de l’institution/administration

Un point de la discussion a porté sur la double question qui se pose à l'institution :

- comment choisir des dispositifs d’APP (sur quels critères) ? - quels dispositifs choisir parmi ceux existant à un niveau local ?

Page 40: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 40 -

À ce niveau, il faut avouer que le flou a régné dans la salle, flou semble-t-il lié d'une part au manque de recul en matière d'ADPP, démarche encore peu répandue dans l'Éducation nationale, et d'autre part à une non (re)connaissance des pratiques existantes sur le plan local.

Formation de formateurs

La discussion est inéluctablement arrivée à poser le problème du peu de ressources en terme de formateurs/animateurs de dispositifs d’ADPP, problème qui apparaît comme très prégnant dès lors que l'on veut instituer, développer, voire massifier ces dispositifs. Les participants se sont alors demandé :

• qui faudra-t-il former ? Des enseignants en poste ? Des formateurs en poste ? • qui formera ces formateurs ? Des formateurs de l’Éducation nationale ? Des formateurs externes ? • quels principes pour une telle formation ?

Des réponses apportées, on pourra retenir que la formation à l’ADPP par l’ADPP apparaît presque comme un postulat, une formation théorique ne suffisant pas et que du temps et une progressivité sont nécessaires pour former des formateurs/animateurs d’ADPP.

La conclusion des échanges sur ce point peut se résumer en une double question : ne faut-il pas envisager un cahier des charges pour cette formation et penser également à un code de déontologie de l’ADPP ?

Question de fond

À l'issue de cet atelier a surgi une question de fond. Les dispositifs d’ADPP doivent-ils :

• permettre l’analyse de pratiques professionnelles ?

et/ou

• former à "savoir analyser sa pratique professionnelle" ?

La question est restée posée, ouvrant peut-être à une nécessaire réflexion première avant de vouloir former des animateurs de groupes d'analyse de pratiques.

Atelier n°5

Animateur : Jocelyne Chartier Présentateurs : Sophie Gauyet et Marc Lavigne

Étude de cas

La réflexion des participants s’est organisée autour de la présentation de deux exemples de séance d’analyse de pratiques, dont les formes ont été relatées à partir de l’exposé chronologique des faits, et de leur mise en perspective dans un processus plus global d’aide aux enseignants (titulaires 1ère année affectés en collège PEP4, ou PLC2 dans un IUFM). Il s’agit des cas présentés par Sophie Gauyet : " L’enseignant confronté au retour d’un élève dans sa classe, sur la demande du conseiller principal d’éducation, cinq minutes après l’avoir renvoyé " et par Marc Lavigne : " Yann, professeur d’éducation physique et sportive, reçoit à ses pieds une pierre jetée par Mehdi, un de ses élèves ".

L’objectif des séances a été énoncé dans les expériences rapportées et a interrogé le groupe. Le bénéfice des séances, qui a été souligné par l’un des intervenants sous le terme de " reprise " (" dans le présent, on évoque le passé pour ouvrir l’avenir "), a permis au groupe de développer une jolie métaphore : repriser, c’est rendre le tissu plus fort, là où il était abîmé, grâce à des fils bien choisis. Analyser des pratiques, c’est rendre les enseignants plus forts dans leur identité professionnelle, grâce à l’évocation de blessures qui auront des chances d’être cicatrisées, si les bons fils sont saisis.

Des séances, il ressort :

• un déroulement assez récurrent aux dispositifs mis en place pour permettre aux enseignants d’analyser leur pratique :

Page 41: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 41 -

o récit d’un moment vécu dans son métier par un des participants, temps de résonance qui serait fondateur d’une " collégialité professionnelle ", pour les autres ;

o travail collectif sur cet objet par un questionnement apportant des précisions au récit (description, images évoquées, l’avant, l’après de la situation, …), et faisant émerger des pans " oubliés " (" remise en histoire ") par celui qui expose. Le groupe s’empare ainsi de détails supplémentaires pour mieux appréhender la situation dans son ensemble ;

o formulation d’hypothèses interprétatives ou compréhensives dégagées par le groupe qui réaliserait un " hébergement psychique " ;

o énoncé des problématiques professionnelles apparues ; o recherche collective de diverses idées susceptibles d’apporter des pistes de réponse au problème posé,

dans un esprit de partage.

• des constantes concernant les conventions de travail établies dans le groupe :

o discrétion assurée o respect de la parole de chacun o écoute active de tous o non-jugement des personnes o engagement vis-à-vis des situations exposées o réflexion sur l’aspect professionnel du cas étudié o compréhension et acceptation du cadre.

• le rôle de l’animateur :

o garantir le cadre o rappeler le contrat de travail o favoriser la " mise en mots ", l’écoute partagée, et un climat de bienveillance, o permettre aux participants de se restaurer dans leur position d’enseignant, de retrouver une image

individuelle positive, de se libérer d’idéaux perturbateurs, afin d’accepter les élèves, de comprendre l’institution dans laquelle ils sont acteurs, d’intégrer les valeurs qu’ils sont en devoir de véhiculer et par là, de se construire une identité professionnelle forte accompagnée d’une éthique solide.

Quels fondements théoriques ?

Les échanges des participants de l’atelier ont débuté par un questionnement autour des fondements théoriques sur lesquels s’appuient les analyses de pratiques professionnelles. La question s’oriente donc d’abord vers la justification des pratiques d’analyse par la théorie qui les soutient, pour convaincre de leur différence avec la simple conversation entre pairs. L’expérience montrerait cependant qu’au travers des diverses modalités mises en place pour animer des groupes d’analyse de pratiques professionnelles, la question de la seule justification théorique paraît limitée.

Si la théorie permet d’asseoir un cadre solide, garant d’un déroulement efficace, et d’éviter au maximum, les dérives possibles, l’animateur doit, quant à lui, faire preuve de compétences personnelles particulières pour soutenir le groupe dans ce travail de construction d’identité professionnelle, au travers d’expériences individuelles. En effet, les enseignants, en tant que sujets, sont au premier plan dans ces dispositifs. De plus, l’imprévu de la parole permise, l’assurance d’une écoute ouverte et d’une attitude empathique entraînent l’animateur à faire preuve d’une souplesse d’esprit et d’une finesse d’accompagnement. Ceci est indispensable pour aider le groupe à rester à l’intérieur du cadre, tout en respectant l’expression de chacun. Il ne paraît pas certain que ces attitudes soient acquises seulement par un apport théorique.

Les participants souhaitent donc s’assurer de la qualité professionnelle des animateurs, dans le cas où l’aide à l’entrée dans le métier serait accompagnée de la mise en place d’un tel dispositif. Ils jugent nécessaire d’avoir l’assurance de confirmer des animateurs qui ont une déontologie sûre, mais sentent confusément qu’il est difficile pour l’Institution de s’assurer de façon certaine, à l’avance, de l’aptitude des animateurs à se situer dans cette position particulière de celui qui fait avancer les autres tout en apprenant, lui aussi, des situations travaillées par le groupe.

Un obstacle supplémentaire apparaît autour du rôle de l’animateur : quand doit-il, peut-il encore assurer une fonction de formateur, ou bien doit-il abandonner définitivement cette position quand il mène un groupe d’analyse des pratiques professionnelles ? Qu’en est-il alors de cette sorte de paradoxe qu’il serait amené à vivre : être formateur, tout en s’interdisant de l’être face à des besoins déclarés, alors qu’il est acteur de cette Institution bien spécifique qu’est l’Éducation nationale ? Des éléments de réponse sont apportés par quelques témoignages sur les modalités retenues pour les séances :

• deux temps sont distingués, l’un est consacré à la situation elle-même et à l’éclairage des problématiques qu’elle induit, l’autre, explicitement repéré comme un temps de " conseil pédagogique ", est destiné à la recherche collective de propositions de solutions ;

Page 42: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 42 -

• l’animateur est un participant et, à ce titre, a aussi un " droit " de parole qui lui permet de dire ce qu’il ferait dans la situation travaillée, laissant alors le " je " parler, et non le " conseiller pédagogique " ;

• deux formateurs, l’un étant didacticien, l’autre intervenant sur la transversalité de la séance co-animent avec des intentions ciblées et claires pour les participants, mais restant complémentaires quant à l’esprit du protocole spécifique à l’analyse de pratiques.

Par ailleurs, l’animateur est un acteur de l’Institution qui agit sur un terrain repéré et spécifique, la nécessité de s’interroger sur son propre terrain et sa pratique semble importante. Cette interrogation conduit le groupe à pointer une autre piste de réflexion à laquelle les concepteurs de formation pourront être confrontés. Il semble, en effet, que ces derniers devront nécessairement clarifier les caractéristiques du milieu où l’analyse de pratiques professionnelles est proposée, mais aussi analyser le fonctionnement de l’Institution elle-même, afin de donner aux dispositifs engagés toute leur ampleur dans la formation initiale et continue des enseignants.

Des questions restent posées. Ce sont celles qui concernent :

o le volontariat des stagiaires à participer à ce type de dispositif ; o l’éventualité d’un passage à l’étude de cas par écrit ; o la pertinence de laisser l’IUFM proposer des groupes d’analyse de pratiques aux titulaires débutants, dans

le cas où des groupes d’analyse de pratiques professionnelles auraient été obligatoires pour les étudiants en deuxième année d’IUFM. En effet, il est parfois observé que, lors de leur prise de fonction, les enseignants qui ont investi l’IUFM comme lieu de formation initiale veulent trouver une certaine autonomie par rapport aux professeurs. La crainte de ne pas voir adhérer les nouveaux titulaires à de tels dispositifs est alors évoquée comme une conséquence de cette prise de position,

o les aspects plus techniques sur le protocole instauré pour garantir l’efficience des séances et les règles déontologiques appropriées.

Atelier n°6

Animatrice : Martine Dumont Rapporteurs : Didier Mur et Jean-Luc Estellon

Tout, ou presque, oppose les pratiques de Didier Mur et Jean-Luc Estellon : non tant le cadre de référence, que les circonstances, disons historiques.

Le dispositif présenté par Didier Mur existe depuis plusieurs années. Il est complexe et sa complexité a des causes endogènes : des groupes d’enseignants en analyse de pratiques d’un côté, un groupe réunissant les animateurs de ces groupes analysant pour leur part leur pratique d’animateur en ADPP de l’autre. Toutes ces personnes sont volontaires. Deux autres principes sont énoncés : confidentialité, assiduité. L’analyse porte sur des situations vécues par les participants. Les séances sont régulières et, d’année en année, un noyau de professeurs s’inscrit dans le dispositif cependant que de nouveaux les rejoignent et que certains cessent. C’est donc un dispositif inscrit dans la durée. Son objectif est clairement d’éprouver une méthode d’analyse de situations professionnelles dont l’hypothèse est faite qu’elle peut être utilisée dans situation professionnelle : l’analyse des pratiques professionnelles permet de construire des compétences jugées indispensables aux enseignants d’aujourd’hui. La question de la formation des animateurs est résolue par le dispositif lui-même : on analyse ses pratiques d’abord puis on s’essaie à l’animation, si on le désire.

Le dispositif présenté par Jean-Luc Estellon est récent. Il ne se nomme pas analyse des pratiques professionnelles mais " prévention de la violence ". Il est récent puisqu’il a été mis en place à la rentrée 2001 – 2002 par une cellule du rectorat de Versailles (CAAEE) composée d’experts (non pas a priori en analyse de pratiques professionnelles mais dans la connaissance des composantes d’une situation difficile, comportant notamment de la violence). Il est destiné à un public ciblé : les professeurs débutants volontaires pour une affectation sur des postes particulièrement difficiles (PEP4). Ces mêmes enseignants bénéficient aussi par ailleurs de séances d’analyse de pratiques et d’une formation spécifique. Ils ne sont pas volontaires mais acceptent, en choisissant ce type de poste, d’être ainsi accompagnés. Les situations analysées sont en réalité des cas choisis par l’animateur et introduits par lui : il est supposé que ces cas appellent en écho des situations vécues par les enseignants. Le dispositif n’est, en en l’état actuel des choses, pas inscrit dans la durée en ce qui concerne les enseignants participants puisqu’il ne compte que trois séances dans l’année. Pas de groupe de formation de animateurs : ceux-ci sont en réalité choisis pour leur qualité d’experts.

La confrontation des deux dispositifs a donné lieu à de riches débats. Les questions principales qui ont été soulevées sont les suivantes :

- Doit-on penser que différents types d’analyse des pratiques correspondent à différents types de publics ? Dans le même ordre d’idées : est-il souhaitable de proposer aux enseignants débutants différentes modalités d’analyse des pratiques parmi

Page 43: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 43 -

lesquelles ils pourraient librement choisir ? Proposition a été faite de distinguer "analyse de pratique", centrée sur l’acteur et "analyse de situations" centrée sur l’action et moins immédiatement et profondément impliquante pour les participants. Ne pourrait-on envisager de graduer l’engagement subjectif requis des participants en fonction de leur ancienneté dans le métier ? Ainsi les PE et PLC3 se verraient proposer un travail d’analyse de situations, de cas auxquels ils pourraient réagir en soumettant au groupe une situation vécue ; les années suivantes, la part accordée au vécu irait grandissant jusqu’à occuper l’ensemble de l’espace d’analyse.

- Cette proposition n’a pas manqué de soulever la question de la composition des groupes d’analyse de pratiques. Homogènes c’est-à-dire composés ou bien de professeurs débutants ou bien de plus anciens, ou au contraire plutôt hétérogènes donc réunissant les deux catégories d’enseignants ? Chaque hypothèse a eu ses partisans.

- Il est vite apparu que ce débat était d’importance car il mettait en jeu en réalité deux conceptions différentes des objectifs de l’introduction de l’analyse des pratiques professionnelles dans la formation des professeurs débutants. S’agit-il d’accompagner une entrée difficile dans le métier de façon pertinente ou bien s’agit-il, à cette occasion, de négocier un changement de paradigme du métier d’enseignant, lequel intégrerait de plus en plus une dimension réflexive qui, pour n’avoir jamais été absente, restait jusqu’à présent cependant implicite et inégalement partagée ? La première hypothèse induit des groupes d’analyse des pratiques professionnelles réservés aux débutants, la seconde des groupes résolument mixtes.

- Une autre façon d’aborder cette question a consisté à prendre le plus grand compte de la différence qu’introduit entre les professeurs débutants et leurs aînés leur formation initiale. Les professeurs débutants ont, à bien y réfléchir, été plus que sensibilisés à l’analyse de leurs pratiques personnelle à travers des dispositifs de la formation initiale comme le mémoire professionnel e, les modules professionnels et l’analyse inclue dans les visites de stages. Leurs aînés sont pour la plupart plus novices en la matière mais ils sont plus experts dans l’exercice du métier. Ainsi des groupes hétérogènes d’analyse des pratiques bénéficieraient de ces ressources et expertises différentes.

- Pour partie ceci permettrait de répondre à la nécessité, en sus de l’animateur, d’un expert qui semble indispensable à la plupart des participants. Plusieurs participants soulignent en effet la multi-référentialité requise par les situations professionnelles rencontrées par les enseignants. Certains envisagent, et certains ont pratiqué, une co-animation : un animateur proprement dit et un didacticien (mais le didacticien est-il le seul expert requis ? ). Une co-animation semble une bonne solution, mais il faut aussi compter avec les ressources présentes dans le groupe des enseignants en analyse des pratiques, surtout si ce groupe rassemble anciens et nouveaux dans le métier.

- Bien entendu, la question de la formation des animateurs a été posée. Même si l’une des présentations liminaires semble ouvrir une piste, celle-ci se heurte à des contraintes d’efficacité immédiate. Il faut, ont déclaré unanimement les participants à cet atelier, au moins deux ans pour former un animateur d’atelier d’analyse des pratiques professionnelles.

***

Page 44: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 44 -

IX. De l’analyse de pratiques professionnelles à l’accompagnement de l’entrée dans le métier

Bernard Cornu, chargé de mission auprès du ministre de l’Éducation nationale

Après avoir été directeur de l’IUFM de Grenoble, pendant dix ans, je suis devenu chargé de mission auprès du ministre de l’Éducation nationale, pour travailler à la rénovation de la formation des enseignants, et je prends maintenant mes nouvelles fonctions à " La Villa Media ", résidence européenne du multimédia éducatif. Bien que je ne sois pas spécialiste de l’analyse des pratiques, ma présence à ce séminaire montre que cette dernière se trouve au centre du métier d’enseignant et qu’elle n’est pas réservée aux spécialistes. Je vais donc vous livrer des réflexions qui ont mûri à l’occasion de rencontres et d’expériences personnelles. Je vous invite à ne pas considérer mes propos comme une parole officielle en matière d’analyse des pratiques, mais comme une contribution à vos réflexions et à la synthèse des travaux que vous avez conduits dans le cadre des ateliers.

Pendant deux jours, vous avez travaillé de manière approfondie sur l’analyse des pratiques professionnelles, sur ses invariants, sur l’influence des situations et des théories mises en œuvre. L’organisation d’un séminaire sur ce thème est un moment historique dans la formation des enseignants et dans les représentations du métier, car l’analyse des pratiques joue un rôle essentiel dans la construction de l’identité professionnelle de l’enseignant.

En écoutant les questions posées dans les ateliers, j’ai constaté que la plupart d’entre elles n’étaient pas spécifiques à l’analyse des pratiques, mais à des questions fondamentales sur le métier d’enseignant et sur la représentation que nous en avons. J’ai l’impression que l’analyse des pratiques professionnelles ravive des questions qui n’étaient pas suffisamment vivantes dans les représentations que nous avons du métier.

Ainsi, il faut considérer l’analyse des pratiques sous l’angle du métier d’enseignant, de la formation et des outils utilisés dans la formation.

Le métier

L’analyse des pratiques est liée à la conception du métier d’enseignant. Mais avons-nous réellement une conception commune de ce métier ? Force est de constater que l’institution qui emploie les enseignants ne leur fait pas signer de contrat de travail explicite, alors que, dans la plupart des métiers, la conception qu’a l’employeur, ses attentes, sont exposées dans un contrat de travail.

Le métier d’enseignant ne repose pas uniquement sur les compétences et sur le savoir. Ce métier comporte aussi une identité professionnelle propre à chaque enseignant. Le métier d’enseignant est un véritable métier pouvant être décrit par un vocabulaire professionnel. Il s’exerce dans le cadre d’une institution, à la différence des professions libérales et de l’artisanat. Le métier d’enseignant nécessite donc d’entretenir un rapport étroit avec l’institution.

C’est un métier de liberté intellectuelle. Nul ne peut prétendre développer la curiosité intellectuelle d’un élève, sans avoir, lui-même, cette liberté intellectuelle. L’analyse des pratiques doit être un moment d’expression de la liberté intellectuelle des enseignants et non d’une norme.

Le métier d’enseignant est également un métier de diversité. Il existe plusieurs manières d’exercer ce métier, respectant à la fois un sens commun du service public et la diversité des élèves et des situations. Cette dimension doit transparaître dans l’analyse des pratiques professionnelles.

Est-ce un métier solitaire ou un métier d’équipe ? Traditionnellement, le métier d’enseignant est conçu comme un métier plutôt solitaire. L’enseignant est seul devant ses élèves, puis seul chez lui pour préparer ses cours et corriger ses copies. Toutefois, l’institution invite les enseignants à développer la dimension collective de leur profession, car l’école est un lieu social où s’exerce une activité collective et qui vise à promouvoir le travail collectif des élèves.

Le métier d’enseignant évolue constamment pour s’adapter à l’évolution des savoirs et de la société. L’enseignant ne doit pas simplement suivre ces évolutions, mais les anticiper. Il ne doit pas subir ces évolutions, mais il doit les influencer. Notre métier est porteur de valeurs fondamentales que nous ne devons pas laisser bouleverser par les évolutions culturelles et technologiques.

En outre, les enseignants doivent se former perpétuellement afin de garder leur esprit en éveil. L’analyse des pratiques professionnelles doit aussi être au service de cette dimension. Le métier d’enseignant doit répondre aux attentes de la

Page 45: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 45 -

société et non assouvir la satisfaction intellectuelle des enseignants et des disciplines qu’ils enseignent. C’est un métier de plus en plus complexe, qui se trouve au cœur des tensions de la société. C’est un métier de responsabilités.

En définitive, les enseignants doivent avoir une démarche réflexive autonome pour exercer leur métier.

La formation des enseignants

La formation des enseignants comprend la formation initiale, mais aussi l’accompagnement à l’entrée dans le métier et la formation continue. La formation vise notamment à acquérir une démarche réflexive autonome.

La formation des enseignants s’adresse à des adultes. Elle influe sur le comportement professionnel. Ce n’est pas uniquement une formation intellectuelle. En ce sens, est à la fois universitaire et professionnelle. Elle se poursuit tout au long de la carrière. L’analyse des pratiques professionnelles doit donc s’inscrire dans toutes les dimensions de la formation.

L’analyse des pratiques professionnelles est, à la fois, un objet de formation permettant d’acquérir les bases de l’analyse réflexive et un moyen de formation au service des autres aspects de la formation des enseignants.

En outre, l’analyse des pratiques professionnelles est un outil de résolution des difficultés, qu’il ne faudrait pas réduire à un échange de conseils ou à un simple compagnonnage. Elle ne doit pas se limiter à la réunion de groupes de discussions. Elle repose sur une représentation du métier et s’appuie sur des outils théoriques fondamentaux.

Un outil

L’analyse des pratiques professionnelles est un outil, parmi d’autres, permettant de construire l’identité professionnelle. Nous pouvons opérer des choix différents dans la mise en œuvre des plans de formation. Les instances de formation doivent mettre en œuvre des principes fondamentaux, à travers des modalités choisies en fonction des compétences disponibles, des spécificités locales et des politiques que l’on souhaite promouvoir.

La rénovation de la formation des enseignants, qui est en cours, devrait conforter la place de l’analyse de la pratique professionnelle. Elle vise à ancrer la formation sur la pratique, répondant ainsi aux attentes des stagiaires, mais aussi à articuler la théorie et la pratique. L’analyse des pratiques mobilise les outils qui permettent de procéder à cette analyse. J’ajoute que la rénovation de la formation a pour objectif de répondre aux besoins des futurs enseignants, comme des enseignants en exercice. Ils demandent une formation qui soit directement utilisable. Aussi avons-nous indiqué, dans la circulaire en préparation, que l’analyse des pratiques a sa place en deuxième année d’IUFM. Nous proposons, notamment, de ménager des temps d’analyse d’expériences, réussies ou non, visant à modifier et à améliorer les gestes professionnels et les représentations du métier. Conduits généralement par petits groupes, ces moments de formation permettront de résoudre des problèmes professionnels et contribueront à l’apprentissage progressif du travail en équipe et d’une démarche réflexive autonome.

L’analyse des pratiques professionnelles et la form ation

Pourquoi avoir organisé un séminaire sur l’accompagnement à l’entrée dans le métier ? Il y a un temps, dans la formation des enseignants, consacré à l’apprentissage de l’analyse des pratiques, au moment de l’entrée dans le métier. La capacité d’analyse de la pratique professionnelle s’acquiert par la pratique professionnelle et à l’aide d’outils et de concepts fondamentaux. L’analyse de la pratique professionnelle n’est pas innée, elle se prépare dans le cadre de la formation initiale, en deuxième année d’IUFM, et se poursuit dans le cadre de la formation continue et dans la vie de l’établissement scolaire. Les établissements pourraient ménager des lieux et des temps où les enseignants se réuniraient pour analyser leur pratique professionnelle. Ces lieux existent déjà dans d’autres professions afin de partager ses difficultés, mais aussi les réussites et les expériences professionnelles.

Hormis l’analyse des pratiques, la formation des enseignants comporte de nombreuses composantes, notamment en matière de savoirs, de compétences professionnelles et de didactique. L’analyse des pratiques n’est pas un chapitre supplémentaire de la formation initiale. Elle intègre les savoirs et les compétences professionnelles, tout en s’intégrant dans un plan de formation. La circulaire de cadrage que nous préparons insiste sur la nécessité d’avoir une démarche intégrée. Le métier d’enseignant mobilise des compétences différentes. L’analyse des pratiques influe sur les autres dimensions de la formation, car elle exprime des besoins de remédiation, d’évolution, de transformation et de changement. Les réponses à ces attentes se trouvent effectivement dans l’ensemble de la formation.

Enfin, l’analyse des pratiques est formatrice, car elle s’appuie sur des outils méthodologiques et des outils théoriques qui permettent d’aider à l’analyse. Bien que celle-ci puisse apparaître comme une affaire de spécialistes, elle doit rester une démarche réalisable par tous les enseignants. Nous demandons que les enseignants aient des compétences pointues en matière d’analyse des pratiques pour qu’ils confortent leur identité professionnelle à travers cette analyse des pratiques.

Page 46: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 46 -

Nous voulons qu’ils apprennent à mettre en œuvre cette démarche, même s’ils n’en sont pas des spécialistes pointus. Je plaide pour une banalisation de l’analyse des pratiques professionnelles.

La formation des formateurs

Outre les aspects théoriques, les formateurs doivent recevoir une formation technique sur l’animation des groupes d’analyse des pratiques et sur ses enjeux, sur ses risques et sur ses dérives possibles. Beaucoup d’entre vous suggéraient, dans les ateliers, de recourir à la co-animation des groupes d’analyse des pratiques professionnelles pour réduire les risques de dérives. Les formateurs doivent savoir analyser leur propre pratique professionnelle de formateur, avant d’aider les enseignants à acquérir une capacité d’analyse de la leur. Nous devrions peut-être créer des groupes d’analyse des pratiques professionnelles des formateurs, des lieux où s’analyse la pratique des IUFM et des autres structures de formation.

Car toutes les considérations que j’ai faites relativement aux représentations du métier d’enseignant s’appliquent également aux représentations du métier de formateur.

La dimension collective de l’analyse des pratiques

Ceux qui sont convaincus que le travail en équipe n’a pas sa place dans le métier d’enseignant ne doivent pas être à l’aise avec l’analyse des pratiques professionnelles. Cette démarche conduit à transformer progressivement la représentation du métier d’enseignant afin d’en adopter la dimension collective. L’analyse des pratiques n’a pas seulement une finalité individuelle à travers une modalité collective. Elle a aussi une finalité collective, car elle contribue à développer des compétences qui s’exerceront en équipe.

Par ailleurs, l’analyse des pratiques professionnelles invite les enseignants à expliciter et à exposer leur pratique. La création des Instituts de recherche pour l’enseignement des mathématiques (IREM) a, par exemple, incité les enseignants à ouvrir la porte de leur classe à leurs collègues, malgré leurs hésitations. Les enseignants n’étaient pas habitués à recevoir un adulte dans leur classe, hormis l’inspecteur. Pour un enseignant, l’analyse des pratiques professionnelles commence par montrer sa pratique afin de la soumettre au regard d’autrui. Ainsi elle nécessite la transgression de la dimension individuelle du métier d’enseignant.

Elle touche à la personne même dans le cadre de sa profession, tout comme le métier d’enseignant touche, plus ou moins consciemment ou explicitement, à la personne même des élèves.

Le caractère obligatoire ou volontaire de la démarc he

Les questions relatives au caractère volontaire ou obligatoire de l’analyse des pratiques professionnelles m’ont surpris, car le métier d’enseignant nécessite une démarche réflexive autonome sur sa pratique. Bien sûr, elle doit respecter la diversité intellectuelle et la liberté pédagogique. Le principal risque encouru par les groupes d’analyse des pratiques est de chercher à édicter des normes et à situer les enseignants par rapport à ces normes. À l’inverse, un bon groupe d’analyse des pratiques doit respecter la diversité. Celle-ci est le lieu même de l’incertitude, de l’hésitation et du questionnement, qui caractérisent le rapport de tout être humain au savoir. L’incertitude, l’hésitation et le questionnement font partie de l’apprentissage, et occupent donc une place essentielle dans l’analyse des pratiques.

Le besoin d’analyser les pratiques professionnelles montre que le métier d’enseignant est un véritable métier, et non simplement un art ou un don.

Débat avec la salle

Béatrice Rainelli

Existe-t-il un site ministériel d’échanges sur l’analyse des pratiques professionnelles ou prévoyez-vous d’en créer un ?

Martine Le Guen

Il existe effectivement un site ministériel consacré à la politique éducative du ministère de l’Éducation nationale, ainsi qu’un site animé par la direction de l’Enseignement scolaire, intitulé " ÉduSCOL ". Ce dernier contient une rubrique sur la formation des maîtres, dont l’objectif est de faire partager des contributions en matière d’ingénierie de la formation. Par conséquent, nous pouvons mettre en ligne des contributions concernant l’analyse des pratiques professionnelles. Néanmoins, jusqu’à présent, nous manquions de contributions dans ce domaine. C’est pourquoi nous souhaitons pouvoir diffuser les actes des séminaires nationaux et académiques sur notre site Internet.

Page 47: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 47 -

Cependant, votre question portait sur l’échange d’informations sur l’analyse des pratiques professionnelles. Nous pourrions modifier la rubrique relative à la formation des maîtres, en collaboration avec l’équipe de Germaine Simoni, afin d’y échanger nos idées sur ce thème.

Bernard Cornu

Il existe une multitude de sites officiels ou mis en ligne par des structures privées qui sont autant de lieu de partage d’expériences. Toutefois, pour beaucoup, ces sites Internet ne relèvent pas de l’analyse des pratiques.

Un site Internet vise souvent à exposer les aspects nouveaux et exceptionnels du métier d’enseignant, alors que l’analyse des pratiques professionnelles porte sur la pratique quotidienne. On peut imaginer que des forums inspirés des techniques de l’analyse des pratiques s’installent sur Internet. Cela contribuerait à mieux faire comprendre ce dont il s’agit, à en montrer l’intérêt et la nécessité. Mais cela ne peut remplacer la participation à des groupes humains d’analyse des pratiques. La dimension humaine est là essentielle.

L’échange d’expériences sur l’analyse des pratiques est aussi quelque chose qui pourrait être fait par Internet.

Martine Le Guen

Je pense que la question de Béatrice Rainelli portait sur un échange d’outils. Il est possible d’opérer des échanges d’outils sur un site Internet, dans le cadre de la formation des formateurs et non dans le cadre de l’analyse de pratiques professionnelles.

Jean-Luc Estelon

Nous avons évoqué, dans les ateliers, la situation particulière des enseignants qui entrent dans le métier. Nous sommes confrontés à une double injonction. Nous insistons sur la pleine reconnaissance des nouveaux enseignants dans leur profession, tout en indiquant qu’il est nécessaire de parfaire leur professionnalisme. L’analyse des pratiques apparaît alors comme un outil pertinent.

Suzanne Nadot

Vous constatez que la position à l’égard des nouveaux enseignants peut paraître ambivalente. Nous les considérons comme des professionnels, alors que nous continuons à les suivre, comme s’ils n’étaient pas capables d’assumer, seuls, leur fonction.

Nous pourrions envisager de constituer des groupes mixtes, composés de nouveaux entrants et d’enseignants chevronnés. De plus, nous avons évoqué, dans les ateliers, les dispositifs d’intervention dans le cadre de la réalisation d’un projet d’établissement.

J’ajouterai qu’il faut aussi parler, au cours de la formation initiale, de la double place du jeune enseignant, à la fois en tant que professionnel de l’enseignement et en tant qu’élève enseignant.

Bernard Cornu

Cette question conforte mon intervention sur les multiples enjeux des pratiques professionnelles. Je rappelais, en effet, que l’analyse des pratiques professionnelles est, à la fois, un outil et un objet de formation. Parmi les étudiants de l’IUFM de Grenoble, que je dirigeais, certains considéraient l’analyse des pratiques un peu comme des séances de psychanalyse, parfois en contradiction avec la liberté individuelle des enseignants, alors que d’autres avaient le sentiment d’apprendre beaucoup sur leur personnalité et sur leur métier. Ces derniers voulaient continuer d’organiser des rencontres avec leurs collègues, de manière régulière, tout au long de leur carrière, afin d’analyser leurs pratiques professionnelles. Ils ont même souhaité que ces réunions se tiennent à l’IUFM, avec des formateurs de l’Institut. La demande de ces étudiants de deuxième année montre que l’analyse des pratiques était passée de la formation initiale à l’institutionnalisation d’une compétence professionnelle.

Alcide Carton

J’ai été particulièrement sensible aux propos de Bernard Cornu sur la banalisation de l’analyse des pratiques professionnelles. J’ai orienté ma réflexion, pendant ce séminaire, sur l’utilisation de la 27ème heure de l’enseignement du premier degré. Depuis environ dix ans, les enseignants disposent d’un temps institutionnel de concertation. J’ai constaté que les enseignants se sont progressivement approprié cette 27ème heure en y intégrant des formes d’analyse des pratiques professionnelles pour améliorer le fonctionnement des écoles et pour mettre en place les cycles. Je pense que la 27ème heure est un lieu d’apprentissage de l’analyse des pratiques, où se côtoient des enseignants chevronnés et de

Page 48: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 48 -

jeunes professeurs des écoles qui découvrent le mode de fonctionnement des écoles. Aussi, ai-je constaté que les jeunes professeurs des écoles entrent brillamment dans ce processus.

Bernard Cornu

J’ai visité des écoles où la 27ème heure est utilisée comme lieu de concertation, rejoignant des modalités d’analyse des pratiques. Cependant, survient un moment où l’équipe des enseignants ne se suffit plus à elle-même. Un formateur peut alors apporter son aide à une équipe qui a découvert par elle-même l’analyse des pratiques professionnelles. Bien que l’analyse des pratiques ne soit pas l’apanage des spécialistes, l’appropriation des outils qui permettent d’amorcer cette démarche requiert l’intervention de spécialistes.

Brigitte Riera

Comment traitez-vous les effets induits par la banalisation de l’analyse des pratiques professionnelles dans un établissement ? En effet, cette pratique diffère considérablement des autres.

Bernard Cornu

La banalisation de cette démarche ne signifie pas qu’elle doive échapper à tout contrôle. Il ne faut pas mettre en place l’analyse des pratiques sans en mesurer les limites et les risques potentiels. Cela étant, les dégâts qu’un enseignant peut causer sur un enfant sont parfois beaucoup plus graves. La banalisation de l’analyse des pratiques professionnelles ne signifie pas qu’il faille négliger le risque. C’est une modalité de constitution de l’identité professionnelle, tout en se prémunissant contre les dérives et les risques potentiels.

De la salle

Je suis inspectrice dans l’enseignement technique. Aussi suis-je invitée à favoriser l’expression des compétences dans les métiers. Or, la circulaire diffusée en 1997, qui est une première circulaire de cadrage du métier d’enseignant, n’est exprimée qu’en termes de missions. Pouvons-nous espérer qu’un jour cette circulaire sera formulée en termes de compétences, comme les autres métiers de niveau II et I ? L’interprétation des compétences requises pour exercer le métier d’enseignant est donc laissée au libre-arbitre des inspecteurs. Ainsi, chacun interprète les valeurs du métier à sa convenance. Nous devrions mener une réflexion sur la base du métier et sur les compétences requises. Je constate que l’Éducation nationale définit les savoirs, mais qu’elle ne recense pas les gestes professionnels. Or, l’analyse des pratiques professionnelles porte aussi sur les gestes utilisés dans le métier d’enseignant. Le groupe de travail auquel je m’étais inscrit a travaillé sur la constitution d’une base commune d’évaluation des pratiques.

Suzanne Nadot

La circulaire de 1997 évoque souvent la compétence, même si ce terme n’apparaît pas dans l’intitulé. Néanmoins, le mot " compétence " peut être interprété dans des logiques d’analyse du travail qui peuvent être différentes. Nous commettrions une erreur en considérant que le métier d’enseignant ne se résume qu’à un certain nombre de gestes, dont la totalité serait suffisante pour satisfaire à l’exercice, et dont la codification serait pertinente. Le geste de l’enseignant étant adaptable à la situation, il ne peut pas être prescrit, au risque de le figer. Nous devons présenter le métier en termes de missions et d’attentes, afin de laisser le professionnel choisir le geste adapté à la situation. De plus, les formateurs doivent présenter suffisamment de gestes possibles pour préparer le professionnel à leur utilisation. J’ajouterai, enfin, que la définition des compétences est une question particulièrement débattue entre les psychosociologues du travail.

Bernard Cornu

Beaucoup de personnes ont réfléchi à ce problème, mais elles n’y ont trouvé aucune solution. Il existe deux grandes catégories de textes sur les compétences des enseignants.

Les premiers sont des textes internationaux, comme ceux publiés par l’Unesco ou l’Ocde. Ces textes ne concernent pas que les compétences des enseignants de l’Éducation nationale de la République Française, mais les compétences unanimement reconnues comme étant nécessaires aux enseignants du monde entier. Je vous invite à lire, par exemple, les conclusions du Forum de Dakar, qui ont été adoptées par tous les pays des Nations Unies.

La seconde famille de textes regroupe les documents listant toutes les compétences nécessaires au métier d’enseignant. Pour ma part, j’avais essayé de recenser toutes les compétences induites par les technologies de l'information et de la communication. La personne qui possèderait toutes ces compétences n’existe pas ! Cet exemple démontre que les compétences de l’enseignant ne sont pas figées, mais qu’elles évoluent tout au long de sa carrière. Par ailleurs, la compétence de l’enseignant se situe dans un système éducatif, dans une équipe, dans une école, dans un collège, ou dans un lycée. La compétence est collective. Les meilleurs textes que j’ai lus sur la compétence des enseignants ont été rédigés par les établissements eux-mêmes pour être insérés dans leur projet d’établissement, dans leur charte interne.

Page 49: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 49 -

Jean-Pierre Vinel

Ne faudrait-il pas compléter la formation des enseignants par un travail soutenu sur la méthodologie de résolution des problèmes et sur la pratique du travail en équipes ? En effet, les participants aux groupes d’analyse des pratiques professionnelles ne sont pas suffisamment responsabilisés pour conduire un travail en équipe. Par ailleurs, je constate que les enseignants ne disposent d’aucune méthodologie pour effectuer un travail de résolution des problèmes professionnels au sein de leur établissement.

Bernard Cornu

Ce séminaire étant consacré à l’analyse des pratiques professionnelles, nous n’avons fait qu’aborder le travail en équipe et la résolution de problèmes. L’analyse des pratiques professionnelles fait partie des situations de résolution des problèmes. De plus, elle contribue à l’apprentissage du travail en équipe. L’analyse des pratiques n’est pas indissociable de la formation. Elle est au service de l’acquisition des savoirs et des compétences et au service de la construction d’une identité professionnelle.

Patrick Robo

Je souhaiterais vous communiquer quelques réflexions sur la formation des formateurs qui ont été soulevées dans l’atelier que j’ai animé ce matin. Devons-nous former des formateurs ou des animateurs de dispositifs d’analyse des pratiques professionnelles ? Devons-nous former des enseignants qui sont déjà en poste, des formateurs en poste, ou les deux ? Qui formera ces personnels ?

D’autres questions concernaient les principes de la formation des formateurs. L’un des principes retenus consisterait à former les formateurs à l’analyse des pratiques professionnelles par l’analyse de leurs propres pratiques. Nous nous sommes interrogés sur la progressivité nécessaire de la formation des formateurs.

En outre, notre réflexion s’est orientée sur le repérage des compétences nécessaires pour devenir formateur. Devrions-nous définir des critères a minima pour recruter un animateur d’analyse des pratiques professionnelles ? Ne faudrait-il pas préparer un cahier des charges de l’animateur de l’analyse de pratiques professionnelles.

Par ailleurs, nous nous sommes interrogés sur l’éthique professionnelle et sur la rédaction d’un code de déontologie lié à la pratique de l’analyse des pratiques professionnelles.

Suzanne Nadot

Je propose de laisser la parole à Ludovic Gadeau, qui a acquis une expérience en matière de formation des formateurs.

Ludovic Gadeau

Nous ne voulons pas formaliser la formation des formateurs en leur proposant un cadre de compétences. Je suis un peu gêné par cette question. Nous préférons, en effet, construire cette formation en fonction du désir des formateurs d’entrer dans le dispositif, mais aussi d’en sortir lorsque ce dernier ne correspond plus à leur représentation du métier de formateur.

Par ailleurs, la conception du dispositif de formation ne repose pas sur la théorie analytique. De plus, nous enrichissons ce dispositif des retours d’expérience des formateurs. Je précise que la formation des formateurs doit être continue.

À aucun moment, nous n’estimons que le formateur puisse devenir indépendant. À ce sujet, je souhaiterais revenir sur la conception de " compétence d’une démarche réflexive autonome " utilisée par Bernard Cornu, dans son intervention. Bien que je partage cette notion, le terme " autonome " m’inquiète. Il ne faut effectivement pas confondre l’autonomie et l’indépendance. L’autonomie n’est pas contradictoire avec le travail d’équipe. Être autonome ne consiste pas à travailler seul, en estimant que l’on a acquis les compétences nécessaires pour réaliser sa mission.

Marielle Billy

Il me semble que le métier d’enseignant est un métier de paroles. L’analyse des pratiques professionnelles peut être conçue comme une formation à l’écoute.

Cécile Laharie

Je regrette que la réponse de Ludovic Gadeau ait porté sur un dispositif particulier en matière de formation des formateurs à l’animation de groupes d’analyse des pratiques professionnelles, alors qu’il faut donner une large palette d’outils aux

Page 50: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 50 -

enseignants afin qu’ils aient la possibilité d’analyser leurs pratiques professionnelles. Comment pourrions-nous mettre en place une formation de formateurs capables d’assumer cette tâche à large échelle ?

Suzanne Nadot

Je rappelle que Ludovic Gadeau a travaillé sur l’analyse du travail de formation des formateurs et qu’il a mis en place une formation des formateurs. Ces derniers sont généralement des praticiens experts qui souhaitent travailler sur l’analyse des pratiques. Leur formation vise, soit à leur donner des éléments conceptuels et méthodologiques d’analyse des pratiques, soit à les aider à acquérir une posture par l’analyse de leurs propres pratiques professionnelles. Des chefs d’établissement ont, par exemple, disposé de trente six heures de formation réparties sur une année, pour acquérir des éléments théoriques et des démarches d’analyse des pratiques.

Bernard Cornu

Je vous ai invité à considérer l’analyse des pratiques comme :

• une compétence nécessaire à l’identité du métier d’enseignant ; • un objet et un outil de formation ; • un outil à la disposition des enseignants.

Un IUFM peut choisir une méthode particulière pour conduire l’analyse des pratiques professionnelles. Cependant, il n’a pas le droit de prétendre que la méthode qu’il a retenue est la seule possible. De même, un formateur ne doit pas imposer sa pédagogie à ses étudiants, mais il a le droit d’en choisir une et de la mettre en œuvre dans la formation qu’il dispense.

Il faut distinguer, dans la formation à l’analyse des pratiques professionnelles, les invariants des éléments qui peuvent changer, les objectifs des moyens pour les atteindre et les grands enjeux des modalités techniques pour y parvenir.

De la salle

Une intervention laissait entendre que les lieux institutionnels de concertation pouvaient aussi être des lieux d’analyse des pratiques. Or, la mise en œuvre d’une démarche réflexive diffère de l’analyse effectuée en groupe dans un établissement. Il me semble que les groupes d’analyse des pratiques sont décalés par rapport aux groupes effectifs, permettant ainsi de prendre du recul par rapport à la pratique.

***

Page 51: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 51 -

X. Bibliographie

Nous avons regroupé les principaux éléments bibliog raphiques mentionnés par les intervenants et complé té par quelques ouvrages et articles. Pour une bibliographi e plus complète, nous renvoyons le lecteur aux Repè res bibliographiques publiés dans Perspectives Documenta ires en Éducation, INRP n°41,1997.

Altet, M, Paquay.L, Perrenoud.P, Formateurs d'enseignants : métier d'appoint ou profession à part entière ? Bruxelles, De Boeck, 2002.

Altet.M, L'Analyse de pratiques, une démarche de formation professionnalisante ? , Revue "Recherche et formation" N°35 INRP, Paris, 2001.

Altet.M, L’analyse des pratiques professionnelles dans la formation des enseignants, In Blanchard-Laville C., Fablet.D, (Coord.), L’analyse des pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1996, (édition revue et corrigée, 2000).

Altet.M, La Formation Professionnelle des Enseignants, Paris, PUF, 1994.

Altet.M. Une formation professionnelle par l'analyse des pratiques et l'utilisation d'outils conceptuels issus de la recherche : modes cognitifs et modes d'ajustement, Revue Les Sciences de l'Éducation, Caen, CERSE, n°1/2,1992.

Balint, M. (1964). " Psychanalyse et pratique médicale ", In Missenard A. et al. L'expérience Balint : histoire et actualité. Paris, Dunod, 1982.

Barbier J.-M., (coord.), Savoirs théoriques et savoirs d’action, Paris, PUF, 1996.

Beillerot J., (1996), " L’analyse des pratiques professionnelles : pourquoi cette expression ? " Cahiers pédagogiques n°346 .

Bejarano, A. (1972). " Résistance et transfert dans les groupes ", In Le travail psychanalytique dans les groupes, Tome 1, Paris, Dunod.

Blanchard-Laville C., Les enseignants entre plaisir et souffrance, Paris, PUF, 2001.

Blanchard-LavilleC., " L’apport du groupe d’inspiration Balint au service des enseignants et des formateurs d’enseignants. Travail psychique et professionnalité ", in Blanchard-Laville C., Fablet D., (coord.) Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1998, édition revue et corrigée 2000.

Blanchard-LavilleC., Nadot S., (coord.), Malaise dans la formation des enseignants, Paris, L’Harmattan, 2000.

Bossard L.-M., " Soizic : une ‘adolescence professionnelle’ interminable ? ", Revue Connexions n°75,2001.

Bru M., Maurice J.-J., (coord.), " Les pratiques enseignantes ; contributions plurielles ", Les dossiers de l’Éducation n°5, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2001.

Catini L., Monceau G., Socianalyse de la violence en éducation, La Lettre du Grape n°39, ERES, 2000

Dejours C., Intelligence pratique et sagesse pratique : deux dimensions méconnues du travail réel, Éducation permanente, n°116,1993.

Fablet D. " Accompagner les changements d'identité professionnelle ", in Blanchard-Laville C., Fablet D. (coord.), Développer l'analyse des pratiques professionnelles dans le champ des interventions socio-éducatives, Paris, L'Harmattan, 1999.

Fablet D. " Analyse des pratiques et intervention dans des organisations de suppléance familiale ", in Blanchard-Laville C., Fablet D. (coord.), Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1998, édition revue et corrigée, 2000.

Fablet D., " Les apports des pratiques d'orientation psychosociologique ", in Blanchard-Laville C. et Fablet D. (coord.), Sources théoriques et techniques de l'analyse des pratiques professionnelles, Paris, L'Harmattan, 2001.

Page 52: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 52 -

Fablet D., " Intervention-formation et consultation d’équipes en structures d’éducation résidentielle ", in Blanchard-Laville C. et Fablet D. (coord.), Pratiques d’intervention dans les institutions sociales et éducatives, Paris, L'Harmattan, 2000.

Gadeau, L. & Baïetto, M-C,. L'analyse des pratiques dans le cadre de la formation initiale des enseignants, In Cahiers Binet-Simon , n°643,2, 1995.

Gadeau, L. & Baïetto, M-C. L'approche clinique dans l'analyse des pratiques éducatives , In Actes du 2ème Colloque international " Recherche et formation des enseignants ", les 5,6 et 7 février 1998, Grenoble, sur CD-ROM, 1998.

Gadeau, L. & Baïetto, M-C. Un cadre clinique dans l'analyse des pratiques, In Cl. Blanchard-Laville et D. Fablet Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L'Harmattan, 1998.

Gadeau, L., Baïetto, M.C., Campanale, F. (2001). L'évaluation d'un dispositif clinique de formation à l'analyse des pratiques éducatives. Recherche et Formation, n°36, Paris, INRP.

Gadeau. L. (1994). " Du désir de savoir au désir d'apprendre : étude psychanalytique ", In Psychologie et Éducation, n°18.

Lang J., " Orientations sur la rénovation de le formation des maîtres ", Ministère de l’Éducation nationale, Conférence du 27 février 2001.

Lourau R., L’analyse institutionnelle, Minuit, Paris, 1970.

Lourau R., La clé des champs ; Une introduction à l’analyse institutionnelle, Anthropos, Paris, 1997.

Monceau G., " Analyse des pratiques et des implications professionnelles des formateurs d’enseignants ", communication au colloque international " Savoirs, rapports aux savoirs et professionnalisation ", Réseau francophone de recherche en éducation et formation, ENFA, Toulouse, 28 et 29 octobre 1998.

Monceau G., " De l’analyseur argent à l’analyseur temps ", Les Cahiers de l’implication ; Revue d’analyse institutionnelle, n°5 (l’analyseur argent), Université Paris 8, hiver 2001-2002.

Monceau G., " Enquête sur les monographies d’interventions socianalytiques (1962-1999) ", Les Etudes sociales, n°133, Société d’Economie et de Science Sociale, 2001.

Monceau G., " L’intervention socianalytique ", Pratiques de formation/Analyses n°31, Université Paris 8,1996.

Monceau G., " Les classes relais : des transducteurs institutionnels ", communication au Congrès international de la recherche en éducation, Association des Enseignants et Chercheurs en Sciences de l’Éducation, Lille, 5 au 8 septembre 2001.

Nadot S., L’analyse de pratiques en formation initiale des enseignants in Blanchard-Laville C., Fablet D., (coord.) Analyser les pratiques professionnelles, Paris, L’Harmattan, 1998.

Paquay.L, Altet, M, Perrenoud. P, Former des enseignants-professionnels : quelles stratégies, quelles compétences ? Bruxelles, De Boeck, 1996,1998,2001.

Perrenoud P., " Peut-on changer par l’analyse des ses pratiques ? ", Cahiers pédagogiques n°346,1996.

Schon D.-A., Le praticien réflexif : à la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel, Montréal, Logiques, 1994.

À paraître

Marcel, J.-F (coord.) " Recherches sur les pratiques d’enseignement et de formation " Revue française de pédagogie, Paris, INRP, 2002.

Gadeau, L., Baïetto, M.C. (à paraître, 2002). Questions relatives à l’élaboration d’une position clinique dans le cadre de l’analyse des pratiques éducatives in Recherche et Formation, n°39, Paris, INRP, (à paraître, 2002).

Nadot S., De la position d’expert à celle d’analyste in Recherche et Formation, n°39, Paris, INRP, (à paraître, 2002).

Page 53: Analyse pratiques professionnelles

Analyse de pratiques professionnelles - Les Actes de la DESCO – Séminaire 2002 - Circonscription de Cagnes/Mer - page 53 -

Blanchard-Laville C., Apprentissages, formation et transformations dans un groupe d’analyse de la pratique professionnelle in Recherche et Formation, n°39, Paris, INRP, (à paraître, 2002).

Fablet D., Travail social et analyse des pratiques professionnelles : les éducateurs et leurs modèles de référence, in Recherche et Formation, n°39, Paris, INRP, (à paraître, 2002).

***