Analyse gymnase de Losone de Livio Vacchini
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Juin 2010 Eléonore Giraud2ème année Nolwenn Leuvrais
Gymnase à Losone
de Livio Vacchini
Analyse architecturale
Le gymnase de Losone, entre colonnade et mur percé
Concernant le rôle du mur porteur dans une construction, Livio Vacchini
affirme que la colonne est l’organe porteur du mur, sa partie forte, ainsi : « le mur est
ouvert à la lumière pour donner naissance à la colonnade » 1.
Il semble reprendre ce principe de la célèbre définition du mur d’Alberti : la colonne
est « la plus noble partie du mur »2 et la colonnade « un mur percé et ouvert en plu-
sieurs endroits » 2. Il précise cependant que le mur doit se conformer à la colonne
et à ses différentes parties : ainsi, émerge d’un plein, un « mur » discontinu dont les
ouvertures sont nommées espaces, et l’ensemble appelé colonnade.
Selon Kahn et Alberti : le mur s’ouvre et s’écarte pour faire entrer la lumière et faire
apparaître la colonne. Cependant, dans Capolavori Vacchini souligne la question du
rapport dimensionnel exact des écartements qui n’est pas fixé. C’est à partir de cette
énigme qu’il va créer l’ambiguïté dans son mur-colonnade.
On peut donc se demander si l’espace clos du gymnase de Vacchini est ceinturé
d’une colonnade ou d’un mur évidé laissant passer la lumière. Finalement, la ques-
tion du mur dans le gymnase de Losone semble être liée à l’angle de vue selon le-
quel il est perçu : plus la vue est frontale, plus la perception de colonnade est forte.
Plus l’angle de vue diminue, plus la notion de mur parait évidente. Depuis l’extérieur,
on remarque que plus l’observateur est loin du gymnase, plus il pensera à un mur.
Plus il est proche, plus il perçoit une colonnade. Cette ambiguïté de façade influence
la façon de considérer les éléments de la construction.
Cependant, l’unité du bâtiment est conservée quelque soit la vision que l’on a de ce
« mur-colonnade » car cet alignement de plein et de vide en relief est identique sur
les quatre façades et se retourne en créant une continuité.
Colonnade (structure ponctuelle) Certaines théories actuelles de l’architecture 3 nous indiquent que la colon-
nade est un alignement en file de colonnes sur une ou plusieurs rangées, formant
un ensemble architectural. Une colonne est généralement définie comme un pilier
composé d’un fût cylindrique, d’un chapiteau et souvent d’une base. Elle est ordi-
nairement destinée à soutenir un entablement.3
Néanmoins, Livio Vacchini reformule cette définition à travers son œuvre « Capola-
vori » afin de retrouver les origines de l’architecture . Architecte et théoricien, il est
en quête d’une précision du langage architectural.
Il s’interroge sur l’essence de l’architecture en se concentrant sur les questions les
plus abordées telles que le rapport entre structure, lumière et espace. Il cherche des
solutions pour les rendre indissociables. Le gymnase de Losone illustre cette pro-
blématique.
Ainsi, pouvons nous penser que de la lumière émerge la colonne ?
1. Cf. « Capolavori ( chefs d’œuvre ) » Livio Vacchini , editions du linteau 20062. De re aedificatoria (L’Art d’édifier), composé vers 1450 mais publié après sa mort en 14853. Cf. « Construire l’architecture » Andréa Deplazes , editions Birkauser 2008
Deux plans opaques cerclés de parois poreuses
Création d’une colonnade à partir d’un mur
Colonnes:22 cm
A Losone:43 cm
Portions de mur:86 cm
Emergence de la colonne : du détail de l’ornement à l’autonomie de la colonne
L’architecte et théoricien de la Renaissance Leon Battista Alberti affirmait
que l’origine de l’architecture se situerait à l’apparition de la colonne naissant de
l’ouverture régulière du mur. 4
Livio Vacchini explique que cette idée peut se lire dès l’Antiquité : une porte, n’est
qu’un trou dans un mur mais celle d’une sépulture est encadrée par deux pieds
droits qui soutiennent un linteau.
A Saqqarah, l’ornement et le motif habillent intégralement le mur : les pilastres se
poursuivent sur le mur et y dessinent des niches. 5
On constate alors que, depuis les premières interrogations sur la structure d’un édi-
fice, la colonne apparait et se détache du mur afin d’acquérir une autonomie fonda-
trice : ce que l’on peut distinguer au Parthénon, un monument important.
La structure est lumière qui devient monumentalité en étant ainsi intro-
duite dans le gymnase.
Puissance et majesté
S’imposer tel un objet sacré
Dans une nature paisible, aux environs de Locarno, paysage vallonné, le
gymnase s'élève comme un temple. Selon l’architecte, le bâtiment est « comme un
roi, tout seul » 6, posé ou émergeant du sol, solitaire, détaché du paysage, s’imposant
comme un ensemble majestueux.
Il s’agit d’un bâtiment public, non orienté, neutre, un objet qui trône au cœur de la
ville, situation qui engendre des rythmes d’échelle.
La verticalité de sa colonnade unifie et impose ce bloc minimaliste au cœur d’un
vaste vide.
4. De re aedificatoria (L’Art d’édifier) Alberti, composé vers 1450 mais publié après sa mort en 14855. Cf. « Capolavori ( chefs d’œuvre ) » Livio Vacchini , editions du linteau 20066. Livio Vacchini, gymnase à Losone , architecture d’Aujourd’hui,n °31 , juin 1997
Contexte du gymnase
Naissance de la colonne
Rythme horizontal et vertical:Colonnade, socle et entablement
Le gymnase apparait comme un monolithe entre terre et ciel car il présente des
colonnes à fut monolithique dotées de quatre cannelures pour répartir la lumière
et l’ombre de façon uniforme: il n’a pas de joint à dissimuler comme dans les co-
lonnes antiques. Ces dernières étaient constituées de plusieurs blocs de pierre qui
laissaient apparaître des joints, la solution était donc de multiplier les cannelures
pour faire oublier les joints.
Rapport entre ciel et terre
On remarque un effet visuel produit par la structure du gymnase : les co-
lonnes semblent ne rien porter : puisqu’elles s’arrêtent brusquement contre la dalle
afin que le sentiment de pesanteur s’efface pour régler le rapport du ciel et de la
terre. Ce principe visuel a déjà été employé par Mies Van der Rohe dans la maison
Farnsthworth , bien que les principes structurels soient différents .
« Son architecture donne l’impression de retrouver un sol, une base solide, quelque
chose de juste et de vrai »7
Livio Vacchini tente de rétablir une harmonie visuelle entre terre et ciel grâce aux
effets produits par la structure du gymnase : verticalité, régularité, épaisseur et vide,
continuité des poteaux, jeux d’ombre et de lumière, cinétique … 7
Bien que le rapport ciel et terre soit rétabli grâce à la structure monumen-
tale du gymnase, la continuité entre l’intérieur et l’extérieur est étroite et seulement
visuelle.
La colonnade : limite spatiale ou objet de continuité visuelle
Accès ordonnés
Dans un espace pourvu de colonnades antiques, on entre entre deux co-
lonnes, la circulation est fluide depuis l’extérieur mais restreinte à l’intérieur. Dans un
espace clos d’un mur percé, on peut créer des ouvertures où l’on veut, l’entrée n’est
pas imposée.
On ne peut entrer entre deux colonnes du gymnase de Losone, mais on ne peut ins-
taller des ouvertures car elles contraindraient la régularité et rompraient le rythme
de sa colonnade. Tandis qu’à l’intérieur, la circulation est aisée grâce au vide, l’entrée
se fait sous terre suivant un axe horizontal : la colonnade de Vacchini apparait alors
comme un système sacré, imperturbable et inaccessible. Le gymnase est présenté
comme un chef d’œuvre qui n’est pas altéré par les contraintes telles que la circula-
tion de l’eau ou des personnes, ainsi que les espaces de services ; tout est relayé en
sous-sol ou en toiture.
Ainsi, depuis l’extérieur, la colonnade semble être un obstacle aux accès. Néanmoins,
on constate une continuité visuelle entre l’intérieur et l’extérieur. Le rôle des colon-
nes n’est plus de porter la dalle mais de filtrer la lumière et les vues.
Ecran visuel et opaque ou source de lumière ? Le corps bétonné (la colon-
nade) et la peau vitrée offrent des jeux de reflet, d’ombre et de lumière. La structure
englobe le volume transparent et unifie l’ensemble.
7. « Megalithe » , techniques et architecture, n° 438, juin 1998
Vue de jour
Vue de nuit
Rythme et structure:Axialité liée aux accès
Cannelures et joints
Relation structure et volume
Epaisseur et matière
La structure est détachée du « volume vitré » : ainsi, Livio Vacchini intè-
gre une nouvelle équation entre l’extérieur et l’intérieur : cet ensemble défini une
épaisseur de façade et un volume lisible. L’épaisseur existe sans être un mur continu
puisqu’en détachant les colonnes du corps continu du vitrage, une unité est générée
par des jeux de reflets, d’ombre, de matière entre le vitrage décollé et la colonnade.
Un principe spatial que l’on retrouve encore dans les structures ponctuelles de Mies
van der Röhe (National galerie Berlin, ou pavillon de Barcelone).
La structure de Losone : trilithe et portique
Selon Livio Vacchini, la vérité constructive repose aussi sur les principes de
Stonehenge :
« Le trilithe montre toute son expressivité, avec ses piliers énormes et ses linteaux
puissants, on a peine à croire que 5000 ans se sont écoulés depuis que le mur s’est
ouvert à la lumière pour donner naissance à la colonne »8. Ainsi à Losone, la pou-
tre est l’architrave et le pilier la colonne : l’ensemble forme un tout. La portée est
une notion primordiale dans ce gymnase en raison du programme qui nécessite un
grand espace dégagé.
Traitement de l’angle
Tout comme dans un palais de la Renaissance, la résolution du problème
de l’angle est importante pour Livio Vacchini : comment consolider les angles du vo-
lume sans rompre le rythme de la colonnade ? Comment préserver la lecture linéaire
du bâtiment ?
Ici, l’angle est renforcé et termine le système linéaire de chaque façade : deux colon-
nes se rencontrent et déterminent un creux et un double éclairage. Chaque ensem-
ble de deux colonnes semblent constituer une pièce monolithique.
8. Cf. « Capolavori ( chefs d’œuvre ) » Livio Vacchini , editions du linteau 2006
Système de portique
Détail de la liaison des trames
Différentes organisations d’angles
L’unité est liée à la structure:Rythme et cinétique
Gymnase de Losone: Une double percéption vérifiée depuis l’intérieur
Le mur de Vacchini n’est pas un mur au sens classique ni une colonnade, l’hypothèse de la colonne semble être l’im-
pression première lorsque l’on observe ce bâtiment depuis l’extérieur. Mais son aspect très serré peut aussi faire penser à un mur
évidé.
Le mur évidé (structure continue évidée)
Selon Andrea Desplazes9, un mur est un ouvrage de maçonnerie qui s’élève
verticalement ou obliquement sur une certaine longueur et qui sert à enclore, à sé-
parer des espaces ou à supporter une poussée. Il sépare et forme un obstacle dans
le franchissement. Suivant cette définition, l’enveloppe du gymnase de Losone cor-
respond bien à un mur. Mais une ambiguïté demeure par rapport à la colonnade. En
effet, la « certaine longueur » du mur peut-elle être plus petite que l’épaisseur même
du mur ? S’agit-il alors d’une série de petits murs alignés comme on aligne des co-
lonnes dans une colonnade ? Aurait-on alors une colonnade de murs ?
Continuité avec le mur de soutènement et dimensions
Relation mur de soutènement, mur percé par les mesures
Le gymnase de Losone possède en réalité deux niveaux dont un en sous-
sol de 2,80m de hauteur qui accueille l’entrée et les vestiaires. Celui-ci est entouré
de murs de soutènement continus de 70cm d’épaisseur, à ce niveau il n’y a aucune
ambiguïté car il est plein. Le sol extérieur a été travaillé de sorte que le plancher de
la salle de sport soit à 1,40m de hauteur par rapport au niveau du site. Ainsi l’obser-
vateur extérieur a l’oeil juste au dessus de la ligne de plancher.
La dalle à caissons de la toiture présente des caissons de 1,80m de côté pour 1,40m
de hauteur, ce qui est à l’image de la grande portée qu’elle doit reprendre (56m)
La base des «colonnes» du niveau supérieur est de 70cm de prodondeur et de 43cm
de largeur ce qui les rapprocherait plutôt d’un alignement de pan de mur que de
colonnes. Cependant leur sommet est de 43x43cm.
Cet enchaînement de colonnes forme un tout, une continuité qui donne
l’unité au bâtiment grâce à ces quatre façades identiques qui se retournent comme
un mur encerclant la salle de sport.
Ambiguïté sur les points porteurs
Un surnombre de colonnes
Lorsque l’on observe le principe structurel du mur du gymnase, on constate
que seulement une colonne sur deux correspond à un élément horizontal consti-
tuant le plafond à caisson de la toiture. Ainsi il apparaît à première vue qu’une co-
lonne sur deux servirait de point d’appui à la toiture si celle-ci est considérée comme
un assemblage de poutres reposant sur des piliers ponctuels. Mais structurellement
ce sont des colonnes qui portent chacune le même poids grâce au système de dalle
à caissons qui répartit les efforts.
Rôle de remplissage de ces colonnes supplémentaires
On peut donc se poser la question de la raison d’être de cette colonne ap-
paremment « non porteuse ». En effet si elle n’est pas directement reliée au système
9. Cf. « Construire l’architecture » Andréa Deplazes , editions Birkauser 2008
Structure et illusion
Vue extérieure - Vue intérieure
Un mur ouvert à la lumière ou plusieurs murs séparés par la lumière?
Système de portique
1,80m0,70m
2,80m
1,40m
0,43m
8m
56m20m
Volume
structurel de descente des charges, elle se rapproche plus d’un remplissage au ni-
veau visuel (mais pas structurel) avec une réduction des entrecolonnements ce qui
ferait donc plutôt penser à un mur ouvert avec des trumeaux qu’à une colonnade.
Car dans une colonnade, chaque colonne est porteuse et correspond à un élément
horizontal. Ici toutes les colonnes sont porteuses mais chacune ne correspond pas
à un élément horizontal, ce qui fausse la perception et la compréhension de la des-
cente des charges.
Ces colonnes enchaînées sont cependant perçues différemment en fonc-
tion de la position de l’observateur et sont vues soit comme un mur soit comme une
colonnade.
L’angle de vue change la perception
Vu depuis l’extérieur, le gymnase apparaît comme un bloc monolithique
fermé avec de fines fentes profondes et sombres de l’entrecolonnement qui ne don-
ne pas à voir l’intérieur de loin. Ces façades créent une vraie séparation entre inté-
rieur et extérieur. On perçoit un mur avec ses fenêtres et non une colonnade ouverte
et perméable.
A Losone, l'écartement entre les « colonnes » de 70cm a été calculé afin de ne pas
nécessiter de linteau. Cet élément peut se présenter sous la forme d’une poutre ou
d’un arc. Ici celui-ci est en réalité dissimulé derrière les éléments verticaux malgré
son épaisseur de 1,40m. Cette perception est truquée par la découpe de ce « linteau
» qui continue les « colonnes ». Ainsi celles-ci travaillent comme un mur, statique-
ment et visuellement.
En effet s’il s’agissait d’une colonnade, on aurait de plus grands écart entre les élé-
ments verticaux et de fait une certaine transparence car la colonnade ne représente
pas un obstacle à la vue. Au fur et à mesure que l’on se rapproche du bâtiment en
suivant la route d’accès, l’angle de vue donne à voir uniquement l’enchaînement
des trumeaux en relief, le vitrage étant en retrait, on n’a plus qu’une impression de
rythme grâce au relief du mur.
Cette impression de mur en relief est également une question de profilé
des colonnes. En effet, si celles-ci étaient rondes, il serait plus difficile d’y voir un
mur, tandis que leur forme rectangulaire paraît plus proche d’un trumeau.
Question du profilé de la colonne
Il semble que Vacchini cherche à recréer ses propres règles et son propre
ordre de construction10 en défiant les lois du classique et en remettant en cause les
principes généralement utilisés et définis par Alberti selon lesquels « Les colonnes
des arcades devront être carrées »11
Les règles classiques de construction
Dans les traités d’Alberti, le profil de la colonne est toujours significatif. En
effet dans les règles classiques, Alberti distingue nettement les ouvertures couver-
tes d'architraves de celles couvertes par des arcs, une colonnade supportant un
10. Construction d’un ordre, entretien avec Christian Devilliers , architecture d’aujourd’hui11. De re aedificatoria (L’Art d’édifier) Alberti, composé vers 1450 mais publié après sa mort en 1485
Mur ou colonnade?
Entablement = colonnes circulaires
Arc = colonnes carrées
Trumeaux en correspondance avec les menuiseries
entablement droit présentera des colonnes à profil circulaire ce qui les dissocie clai-
rement de la structure portée. Et une colonnade supportant une arcade présentera
plutôt des colonnes à profil carré ou rectangulaire afin d’être en continuité avec le
profil de l’arcade qui est un mur évidé suivant un arc car les membres qui supportent
une arche sont des portions de mur.
Un nouvel ordre instauré par Vacchini
En regard de ces règles classiques d’Alberti, les « colonnes » de Vacchini
ne semblent pas rentrer dans l’une ou l’autre des définitions de la colonnade selon
Alberti puisqu’il s’agit d’éléments carré-rectangulaires mais que la structure du gym-
nase ne fonctionne pas avec des arcs. Dans le cas de Losone, l’idée d’un mur percé
expliquerait le profil de ces trumeaux. On rejoint alors la conception du mur percé
selon Alberti « Une rangée de colonnes n’est rien d’autre qu’un mur percé et ouvert
en de nombreux endroits »12. La colonne est donc un élément banalisé qui devient
un résidu de mur lorsque celui-ci est ouvert.
12. De re aedificatoria (L’Art d’édifier) Alberti, composé vers 1450 mais publié après sa mort en 1485
Relation entablement - colonnes de Vacchini
Gymnase de Losone: Mur ou colonnade? Une question de point de vue