Analyse des récents incendies d'usines au Bangladesh et au Pakistan
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FATAL FASHION ANALYSE DES RCENTS INCENDIES DUSINES AU PAKISTAN ET AU BANGLADESH : UN APPEL POUR PROTGER ET RESPECTER LA VIE DES TRAVAILLEURS DE LHABILLEMENT.
PAR SOMO ET LA CLEAN CLOTHES CAMPAIGN
SYNTHTIS EN FRANAIS PAR ACHACTACTIONS CONSOMMATEURS TRAVAILLEURS
MARS 2013
Abir Abdullah - http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/deed.fr
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RAPPORT
FATAL FASHION ANALYSE DES RCENTS INCENDIES DUSINES AU PAKISTAN ET AU BANGLADESH : UN APPEL POUR PROTGER ET RESPECTER LA VIE DES TRAVAILLEURS DE LHABILLEMENT
Par SOMO et la Clean Clothes Campaign
Traduit et synthtis par achACT Actions Consommateurs Travailleurs
atal Fashion se fonde sur la description
et lanalyse dtailles de rcents
incendies qui ont ravag les usines de deux
entreprises dAsie du Sud fournissant des
marques internationales de vtements. Ces
cas illustrent les pauvres conditions de
scurit et dhygine prvalant dans des
milliers dusines en Asie et le manque de
responsabilit assume par les acteurs
privs et publics impliqus dans la filire
dapprovisionnement. Les incendies ana-
lyss dans FATAL FASHION concernent
lusine Ali Enterprises Karachi, Pakistan,
en Septembre 2012 et Tazreen Fashions
Limited Dhaka, Bangladesh, en novembre
2012. Des centaines de travailleurs y ont
perdu la vie dans dhorribles circonstances
et beaucoup dautres ont t blesss.
Btiments ne rpondant pas aux normes de
construction, procdures durgence dri-
soires, issues de secours inadquates ou
inaccessibles, ateliers surpeupls ont con-
duit ce nombre extrmement lev de
victimes.
F
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Fatal Fashion Mars 2013
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INCENDIES DUSINES, UN MAL STRUCTUREL DE LINDUSTRIE DE LHABILLEMENT
Les deux incendies dcrits dans FATAL
FASHION ne constituent pas des cas isols.
Ils sont au contraire reprsentatifs des
conditions extrmement prcaires prvalant
dans lindustrie de lhabillement au Pakistan
et au Bangladesh. Le bilan de lindustrie de
lhabillement du Bangladesh est alarmant :
Entre 2006 et 2009, le Dpartement des
Pompiers a dnombr 213 incendies
dusine, ayant tu 414 travailleurs.
Depuis 2009, au moins 165 travailleurs
supplmentaires ont t tus lors de
quatre incendies dusines produisant
pour des marques internationales.
Entre le 24 Novembre 2012, jour de
lincendie de lusine Tazreen Fashions,
et le 28 Janvier 2013, 28 autres
incendies dusine ont t rapports. Au
moins 591 travailleurs ont t blesss
et 8 travailleurs ont perdu la vie.
Au Pakistan et selon International Labor
Rights Forum, au moins une douzaine
dincendies dusines de confection ou de
chaussures ont fait lobjet dchos
mdiatiques depuis 2004.
Les deux incendies analyss dans FATAL
FASHION sont symptomatiques dun
systme dfaillant. Ils refltent les graves
manquements des gouvernements
protger les droits de lHomme et le manque
de respect des acteurs industriels et
commerciaux vis--vis des droits des
travailleurs. Au Pakistan et au Bangladesh,
lindustrie de lhabillement est rpute pour
ses bas salaires, la rpression des syndicats
et des conditions de travail exigeantes au
mpris de la sant et de la scurit des
travailleurs. Cela signifie notamment, en
matire de scurit contre les incendies, que
les travailleurs ne sont pas en mesure de
contrler ni de signaler librement les risques
quils encourent.
Il ne sagit cependant pas uniquement dun
problme local. Les industries de lhabil-
lement du Pakistan et du Bangladesh
produisent massivement pour lexportation.
La part du lion de leur production est
destine aux marchs nord-amricain et
europen. Au Bangladesh, le secteur contri-
bue pour 78% des exportations totales et
17% du PIB. Prs de 59% des exportations
du Bangladesh sont destins au march
europen et 26% au march des USA. Au
Pakistan, le secteur de lhabillement contri-
bue aux exportations hauteur de 54% et
constitue 8,5% du PIB. Environ 91% des
vtements sont destins aux marchs nord-
amricain et de lUnion Europenne.
Ces dernires annes, face laugmentation
des salaires et des cots de production en
Chine, les marques de vtements sorientent
vers de nouveaux sites de production. Le
Bangladesh et le Pakistan leur garantissent
une production bon march. Avec ses 0,32
cents US$ par heure, le Bangladesh offre le
salaire horaire le plus bas du monde. Le
Pakistan est en troisime position avec 0,55
cents US$. Rien dtonnant ce que les
commandes passes par les clients
internationaux auprs des usines de ces
deux pays aient explos. La capacit de
production des infrastructures na cependant
pas t adapte ces nouvelles donnes.
Combine la faiblesse ou labsence
dinspections publiques et aux politiques
dapprovisionnement inadquates des clients
internationaux, cette situation a gnr une
bombe retardement et la certitude que de
nombreuses catastrophes industrielles au-
ront encore lieu si des efforts considrables
ne sont pas investis dans la scurit des
btiments au Pakistan et au Bangladesh.
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PROTGER, RESPECTER ET REMDIER : UN CADRE DACTION POUR LES GOUVERNEMENTS ET LES ACTEURS PRIVS
En 2011, sous limpulsion de leur Reprsentant
spcial Entreprises et Droits de lHomme , John
Ruggie, les Nations Unies ont adopt les principes
directeurs pour la mise en uvre du cadre
Protger, Respecter et Remdier . Ce cadre
identifie les obligations et les responsabilits des
Etats et des entreprises pour combattre les abus
aux droits de lHomme lis aux activits
dentreprises.
Le cadre Ruggie repose sur trois piliers. Le
premier consiste dans le devoir de lEtat de
protger ces citoyens contre les violations des
droits de lHomme par des parties tierces, dont des
entreprises, travers des politiques, des lments
de rgulation et des jugements en justice
appropris.
Le second rside dans la responsabilit des
entreprises de respecter les droits de lHomme.
Cela signifie que les entreprises devraient faire
preuve dune diligence raisonnable pour viter
que leurs activits ne portent atteinte aux droits
dautres personnes. Le concept de diligence
raisonnable peut tre compris comme un
processus actif travers lequel une entreprise
identifie, prvient, tempre et rend des comptes
sur la manire dont elle traite et gre ses impacts
effectifs ou potentiels sur les droits de lHomme.
Le troisime pilier tient compte de la ncessit
pour les victimes davoir accs une rparation
tant juridique que non juridique.
Quelles sont les obligations et les
responsabilits des acteurs impliqus dans
les tragdies dAli Enterprises et de Tazreen
Fashions, les entreprises en question et
leurs clients, les socits daudit et de
certification, les gouvernements des pays de
production mais aussi ceux o les vtements
sont distribus ? Ces obligations et respon-
sabilits ont-elles t rencontres et de
quelle manire ?
Le rapport tablit en quoi les diffrents
acteurs ont manqu au respect de leurs
devoirs et responsabilits tels qutablis
dans les principes directeurs du cadre des
Nations Unies sur Entreprises et Droits de
lHomme (voir encadr)
Lobjectif ultime dune telle analyse est
dassurer que les victimes dincendies
dusine obtiennent rparation et soient
indemnises et de contribuer des amlio-
rations structurelles des conditions de travail
dans lindustrie mondiale de lhabillement.
PROTGER LES DROITS DE LHOMME AU TRAVAIL, LE RLE DE LETAT
Tant le Pakistan que le Bangladesh
dmontrent de nombreux manquements en
matire de protection des droits de lHomme
au travail. Cela se rvle la fois dans
labsence de ratification dimportantes con-
ventions de lOIT relatives la libert
dassociation et aux conditions de scurit et
dhygine sur les lieux de travail, la tra-
duction approximative de normes interna-
tionales du travail dans la lgislation
nationale et la faiblesse de leur mise en
uvre. Ces deux Etats se rejoignent
galement dans ltablissement du salaire
minimum lgal bien en dessous dun salaire
vital et dans la faiblesse la quasi
inexistence - de linspection du travail. Au
Pakistan, dans la province pakistanaise du
Punjab en 2003 puis dans celle de Sindh o
se situe Karachi, linspection du travail a t
abolie en 2003 dans le but de dvelopper un
environnement favorable lindustrie et aux
affaires en attirant les investissements
trangers. Au Bangladesh, linspection du
travail comptait en 2008, 80 inspecteurs dont
20 en charge de la scurit et de lhygine
au travail. Ces fonctionnaires avaient en
charge linspection de plus de 24.000 usines,
trois millions dtablis-sements commerciaux
et deux ports importants. En 2010, ce
nombre a t port 93, une augmentation
sans commune mesure avec la croissance
du nombre des lieux de travail.
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RESPECTER LES DROITS DE LHOMME, UN RLE ACTIF POUR LES ENTREPRISES
La responsabilit sociale des entreprises de
respecter les droits de lHomme ne peut
prendre excuse des faiblesses des Etats en
la matire. FATAL FASHION montre quel
point les entreprises impliques dans les
deux usines considres nassument pas
leur responsabilit de respecter les droits de
lHomme, contribuant ainsi crer le
contexte menant ces tragdies. Les
directions dusine nont pas procur leurs
travailleurs un environnement de travail sain.
Les clients internationaux (y compris des
marques et enseignes bien connues telles
que C&A, KiK et Walmart) ne se sont pas
assures que les usines de leurs four-
nisseurs taient saines. Des socits daudit
et de certification auxquelles certains clients
ont eu recours nont pas procur
dassurance crdible que les usines se
conformaient aux normes de scurit et
dhygine. Ce faisant, tous ces acteurs
privs impliqus dans la filire nont pas
assum leur responsabilit internationa-
lement reconnue de respecter les droits de
lHomme.
Dans les deux cas tudis, tant celui dAli
Enterprises que celui de Tazreen Fashions,
fournisseurs et clients ont eu recours
laudit et la certification pour dmontrer
leur diligence raisonnable . Dans les deux
cas, des socits daudit et des organismes
de certification ont procur lassurance
injustifie et immrite que les usines en
question se conformaient des normes de
scurit et dhygine. Pour SOMO et la
CCC, il ny a l rien dtonnant. Depuis de
nombreuses annes, elles critiquent le
recours laudit social comme principal
lment de contrle et mettent en avant les
grandes faiblesses de mise en uvre de ces
procds en matire dimplication des
travailleurs concerns, recours des acteurs
locaux comptents et de transparence.
Les pratiques dachats des clients
internationaux constituent dautres obstacles
majeurs au respect des droits de lHomme.
Les prix fixs ne tiennent aucun compte des
besoins dinvestissements dans lam-
lioration de lenvironnement de travail. Les
dlais de livraison extrmement courts sont
lorigine dune pression insupportable
exerce sur les travailleurs. Dans le secteur
du prt porter, la relation entre client et
fournisseur est trs instable et volatile. Ne
permettant pas la cration dun environ-
nement conomique propice aux investis-
sements dans linfrastructure.
RPARER ET INDEMNISER
Les mesures prventives prises par les
acteurs privs dans les deux cas tudis
furent clairement inadquates. Mais mme
aprs les incendies, les entreprises nont
pas assur de remdiation correcte pour les
victimes et leurs familles. Des organisations
de dfense des travailleurs au Pakistan et au
Bangladesh, soutenues par la Clean Clothes
Campaign et IndustriALL ont dvelopp des
propositions adresses aux gouvernements,
entreprises et socits daudit concernes
afin quelles assument leurs obligations et
responsabilits de respecter les droits de
lHomme. Ces propositions portent sur
lindemnisation des victimes et la rparation
des dommages quelles ont subis. Aprs des
mois de campagne, KiK, client dAli
Enterprises, a finalement accept de
discuter avec le groupe pakistanais de
dfense des droits de lHomme, PILER, et a
conclu un accord le 5 Janvier 2013 portant
sur lindemnisation des victimes. Cet accord
est cependant loin de couvrir lensemble des
demandes et besoins exprims.
A ce jour, beaucoup de travailleurs dAli
Enterprises et de Tazreen Fashions nont
pas encore t indemniss ou lont t un
niveau sans commune mesure avec la perte
de revenus des survivants et de leurs
familles. Beaucoup de travailleurs risquent
de ne pas tre indemniss du tout parce
quils ne sont pas rpertoris comme tels,
parce que les relations familiales ne sont pas
lgalement tablies, par manque daccs
linformation du fait par exemple dun retour
suite laccident dans le village dorigine.
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ALI ENTERPRISES
INCENDIE
Date Mardi, 11 Septembre 2012 18h00
Victimes Autour de 300 travailleurs tus et au moins 65 blesss.
Lapproximation du nombre de victimes est due lignorance du nombre
exact de travailleurs prsents sur leur lieu de travail au moment de lin-
cendie (entre 500 et 1500), labsence de contrat de travail et au
manque denregistrement auprs dune institution de scurit sociale.
Cause de lincendie
Probablement un court-circuit qui aurait caus lexplosion dun boiler dont
les flammes se seraient propages des produits chimiques entreposs
proximit.
Gravit Le grand nombre de victimes est attribu au fait que les travailleurs nont
pas pu sortir de lusine. Sur les quatre portes de sorties, trois taient
verrouilles. Les fentres des tages infrieurs taient munies de barres
mtalliques. Les escaliers taient bloqus. Pas dalarme incendie ni
darroseurs. Les pompiers sont intervenus 75 minutes aprs le
dclenchement de lincendie et se sont retrouvs court deau.
PROFIL
Lieu Karachi, Pakistan
Proprit Socit prive cre en 2000 et proprit de Abdul Aziz Bhaila et fils.
Lun deux, Shahid Bhaila en est le CEO.
Production Jeans et autres types de vtements (tisss et jersey) dont bonneterie
Exportation Principalement vers les marchs europens et nord-amricains
Capacit 10.000 pices par jour
Ventes 51 millions US$ (estimation)
Enregistrement Ali Enterprises auraient t enregistre en tant que petite industrie
occupant un rez-de-chausse, avec une capacit de 250 travailleurs.
Deux tages auraient t ajouts et le nombre de travailleurs augment
1500, sans autorisation.
Nombre de travailleurs
Entre 1500 et 2000, majoritairement des hommes gs de 20 35 ans.
Scurit sociale
Seuls 190 travailleurs taient inscrits auprs dun organisme de retraite
(EOBI).
Heures de travail
Rgulirement 14 heures par jour.
Salaire Entre 1.5 et 5 par jour, selon les commandes, et pays la pice
Clients KiK (enseigne discount allemande 3200 magasins) est le seul client qui
a confirm se fournir auprs dAli Enterprises. KiK reprsenterait au
moins 75 % des commandes lusine.
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AUDIT KIK
Code de conduite
Bas sur les conventions fondamentales de lOIT et les normes des
Nations Unies, le code de conduite de KiK inclut des provisions
concernant latmosphre de travail, les heures de travail,
lindemnisation, les conditions demploi, la sant et la scurit au travail,
le travail forc, le travail des enfants, la discrimination et la libert
dassociation.
Alina du Code de conduite sur la sant et la scurit au travail
The workplace and the practice of the work must not harm employees or
workers health and safety. A safe and clean working environment shall
be provided. Occupational health and safety practices shall be promoted,
which prevent accidents and injury in the course of work or as a result of
the operation of employer facilities. These safety practices and
procedures must be communicated to the employees as well as to the
workers; they have to be trained in its effective usage. The same
principles apply to all social facilities and accommodation facilities if
provided by the employer.
Socit daudit Pour contrler la conformit dAli Enterprises son code de conduite, KiK
a recouru la socit daudit UL Responsible Sourcing
Audits Trois audits auraient t raliss entre 2007 et Dcembre 2011. Laudit
de 2007 aurait rvl la prsence de cbles lectriques dnuds, des
quipements lectriques dfaillants en termes de scurit et des issues
de secours non conformes. Ces constats ncessitaient des mesures
correctives qui auraient t mises en uvre entre ce premier audit et
celui de Dcembre 2012.
CERTIFICATS DE CONFORMIT SOCIALE
Certificat SA80001
Ali Enterprises a reu le certificat SA8000 le 20 Aot 2012, soit trois
semaines avant lincendie (voir dtails en pages 24-27 du rapport)
Accrditation WRAP
Ali Enterprises a t certifi par WRAP en 2007, 2008, 2010 et jusque fin
20112.
DEMANDES DE LA CCC VIS--VIS DE KIK
Transparence : publication des rapports daudits raliss par UL Responsible Sourcing
et publication des noms des autres clients de lusine avec lesquels KiK prtend ngocier.
Indemnisation, salaires et emploi des victimes : Ngociation directe avec les
organisations reprsentant les travailleurs pour garantir que tous les travailleurs blesss
reoivent une assistance mdicale complte et gratuite, que les salaires continuent
tre pays, que les familles des travailleurs dcds ainsi que les blesss reoivent une
indemnisation complte et une pension couvrant leurs futures pertes de revenus et que
les survivants soient employs par dautres usines de fournisseurs de KiK.
1 SA8000 est une norme dveloppe par Social Accountability International (SAI), base sur les Conventions fondamentales de
lOrganisation Internationale du travail (OIT) et sur dautres conventions des Nations-Unies.
2 Voir rapport p.27
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Mesures prventives : Prendre les mesures ncessaires pour prvenir de futures
catastrophes. Cela inclut un passage en revue complet des conditions de scurit des
usines de tous les fournisseurs impliquant les reprsentants des travailleurs, la formation
de tous les travailleurs en matire de scurit et de sant, la possibilit garantie tous
les travailleurs de sorganiser et de sexprimer librement, la publication de la liste des
fournisseurs, lassurance que tous les lieux de travail soient dclars lgalement et que
tous les travailleurs disposent dun contrat de travail, la prise en compte dans le prix
dachat du cot de la mise en uvre de toutes les mesures de remdiation.
Enqute sur la cause de l'incendie : soutenir activement et participer pleinement une
enqute indpendante et transparente sur la cause de l'incendie. Cette enqute devrait
sintresser l'chec du gouvernement, du propritaire et des acheteurs pour prvenir,
dtecter et remdier aux violations des rgles de scurit et de sant et des lois du
travail qui ont aboutit la mort de prs de 300 travailleurs. Cette enqute devrait
galement identifier tous les travailleurs tus dans l'incendie de l'usine.
RESPONSABILITS ET ACTIONS DES DIFFRENTS ACTEURS
Le gouvernement du Pakistan et les acteurs impliqus n'ont pas respect leur obligation de
protger, ni leur responsabilit de respecter les droits des de lHomme au travail. Leur
dfaillance a conduit la mort de prs de 300 travailleurs. Des dizaines d'autres ont t
blesss et/ou ont perdu leur revenu. A ce jour, de nombreuses familles attendent encore
dtre indemnises.
DFAUT DE PRVENTION
La direction de l'usine n'a pas fourni aux travailleurs un environnement de travail scuris.
Le gouvernement pakistanais sest montr incapable de faire respecter ses lois et
rglements du travail. A Karachi, les inspections du travail sont dfaillantes. Le
gouvernement a fait le choix de favoriser, et de subventionner, des systmes de certification
privs, faisant confiance des organismes commerciaux pour contrler le respect des
normes du travail. Ali entreprises avaient dailleurs obtenu la certification SA8000 trois
semaines avant l'incendie. Aucun risque pour la scurit na t constat par les auditeurs,
malgr les grillages aux fentres, l'absence d'alarme incendie et darroseurs, malgr des
portes de sortie verrouilles.
L'exemple de KiK, ce jour le seul acheteur identifi chez Ali Enterprises, montre aussi les
faiblesses des audits sociaux. Alors que KiK identifiait ds 2007 des risques sur la scurit
incendie chez ce fournisseur, il na pas pris les mesures ncessaires pour y remdier. A ce
jour, KiK na fourni aucune information sur laudit de dcembre 2011 qui a conclu que toutes
les violations prcdemment dtectes avaient t rgles.
SAI3 a reconnu que dimportants changements dans notre systme d'accrditation et de
certification sont ncessaires pour viter l'octroi de certificats des installations qui ne sont
pas rellement en conformit avec la norme SA8000 . SAI reconnait galement que les
cabinets d'audits manquent dexpertise dans le domaine de la scurit des usines de
confection.
3 Social Accountability International est une ONG dont le but est damliorer les conditions de vie sur les lieux de travail et dans les communauts locales en dveloppant et en appliquant des normes sociales. SAI accrdite des bureaux daudit qui contrle la norme
SA8000. http://www.sa-intl.org
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Selon un expert, il faut des auditeurs spcialiss et superviss par des experts
indpendants. Et surtout, il faut rendre le systme transparent, applicable et permettre
limplication directe des travailleurs. Les travailleurs sont en effet les mieux placs pour
observer quotidiennement les conditions de travail et la mise en uvre de mesures de
prvention. Pour cela, les travailleurs doivent jouir de la libert dassociation et du droit de
ngocier collectivement. Impliquer des parties prenantes au niveau international ne suffit
pas.
DFAUT DE RPARATION
La majorit des travailleurs dAli Entreprise ntaient pas enregistrs. Sur les 2.000
travailleurs seulement 190 taient inscrits un organisme de retraite (EOBI). Ils prouvent
ds lors de grandes difficults prouver leur relation de travail avec lentreprise et donc, par
exemple, faire respecter leurs droits suite la fermeture de lusine.
Les indemnits actuellement proposes aux victimes ne sont pas conformes aux standards
internationaux. Elles ne couvrent pas les pertes de revenus futurs. ce jour, certains des
travailleurs blesss ainsi que les familles de 42 des travailleurs morts non-identifis n'ont
encore reu aucune indemnit financire. Cinq mois aprs lincendie, seules 210 des 262
familles des travailleurs tus ont reu un montant de 7.169 $, soit environ 10% du montant
calcul sur base des standards internationaux.
Aprs une importante campagne de pression, KiK a accept de discuter de lindemnisation
des victimes avec les syndicats locaux. A ce jour, SAI n'a pas prsent de plan
dindemnisation.
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TAZREEN FASHIONS
INCENDIE
Date Samedi 24 Novembre 2012 vers 18h30
Victimes Au moins 112 travailleurs tus et de 100 300 travailleurs blesss, parmi
les 1137 travailleurs qui auraient t prsents le jour de lincendie et les
600 travailleurs encore au travail au moment de lincendie. La plupart des
victimes sont des femmes. Parmi les travailleurs tus et incinrs, 10
nont toujours pas pu tre identifis (en date du 16 Fvrier 2013).
Cause de
lincendie
La cause est toujours lobjet de dbats. Un court-circuit lectrique (plus
de 80% des incendies dusines au Bangladesh sont dus des fils
lectriques dfectueux). Une source gouvernementale a conclu un acte
de sabotage. Affirmation considre sans fondement par plusieurs
organisations de dfense des droits des travailleurs.
Gravit Le feu sest rapidement propag dans le rez-de-chausse o des
matriaux inflammables tels que tissus et fil taient stocks proximit
de transformateurs haute tension.. Malgr le dclenchement de lalarme,
le personnel de direction a ordonn aux travailleurs de continuer
travailler. Quand la panique sest rpandue, les travailleurs des tages
suprieurs se sont retrouvs bloqus du fait que la principale issue de
secours se trouvait au rez-de-chausse, alors totalement envahi par les
flammes. Labsence dclairage et la fume nont pas permis aux
travailleurs de sorienter. Des travailleurs ont tmoign que les issues de
secours des tages suprieurs avaient t verrouilles par du personnel
de direction. En labsence dchelles extrieures, de nombreux
travailleurs ont tent de schapper en sautant par les fentres de ce
btiment de six tages. Le service des pompiers naurait t prvenu
que vers 19h00, soit une demi-heure aprs le dclenchement de
lincendie. Lorsque les pompiers sont arrivs sur les lieux, 19 minutes
plus tard, le feu avait dj atteint le cinquime tage.
PROFIL
Lieu Ashulia, Dhaka, Bangladesh Btiment de 9 tages (dont 3 tages
suprieurs en cours de construction au moment de lincendie.
Proprit Fait partie du groupe Tuba, une socit holding compose de 13
producteurs dhabillement, tous situs au Bangladesh
Production T-shirts, vestes en fleece et polos
Exportation Europe et USA
Capacit Le groupe a une capacit de production de 300.000 pices par jour.
Enregistrement Mars 2009. Lusine a ouvert ses portes en Mai 2010
Nombre de
travailleurs
Le groupe emploie prs de 7000 travailleurs. Tazreen Fashions employait
entre 1163 et 1800 travailleurs, principalement de jeunes femmes
dorigine rurale.
Salaire 45 US$ par mois
Clients C&A (Allemagne), Walmart (USA), Li & Fung (Hong Kong), Dickies
(USA), Sears, Edinburgh Woolen Mills (UK), Hipercor (Espagne), Enyce
(USA), Karl Rieker (Allemagne), KiK (Allemagne), Piazza Italia (Italie),
Delta Apparel (USA), Teddy Smith (France)
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AUDIT WALMART
Lusine de Tazreen Fashions a t audite au moins deux reprises par Walmart en 2011.
Tazreen a t cote orange suite laudit du 16 Mai 2011, lobligeant prsenter un plan
daction dans les 6 mois afin de remdier des manques de conformit considrs haut
risque.
AUDIT C&A
C&A ralise ses audits par lentremise de SOCAM, un organisme cr par C&A pour son
propre usage. SOCAM na cependant pas ralis daudit de Tazreen. Linspection de
Tazreen Fashions ralise par le bureau local de sourcing de C&A na donn aucune raison
de ne pas commencer produire auprs de Tazreen. Cette inspection comprend un contrle
visuel des conditions de scurit et de sant.
AUDIT BSCI4
Le BSCI a ralis laudit de Tazreen en Dcembre 2011. Cet audit a montr plusieurs
dfauts de conformit, dont des manquements aux conditions de sant et de scurit et
conclu en de ncessaires amliorations apporter au plus tard en Dcembre 2012.
DEMANDES VIS--VIS DES MARQUES SE FOURNISSANT AUPRS DE TAZREEN FASHIONS
Le 4 Dcembre 2012, des syndicats bangladeshis et des organisations internationales ont
publi un set de demandes adresses aux clients de Tazreen Fashions :
Pleine rparation pour les victimes
- Secours durgence pour toutes les victimes et leurs familles
- Couverture de tous les cots mdicaux court et long terme
- Indemnisation complte et quitable couvrant la perte des revenus futurs ainsi que
les dommages pour les blesss et les familles des travailleurs tus, sur base de la
formule dindemnisation propose par les syndicats et les groupes de dfense des
travailleurs qui soutiennent le Bangladesh Fire and Building Safety Agreement.
Lindemnisation doit galement couvrir les frais dducation des enfants des
travailleurs tus.
- La garantie que les salaires continueront tre pays tous les travailleurs (sur
base au minimum de leurs prrogatives lgales) et que tous les travailleurs soient
rengags Tazreen Fashions ou, dans lventualit que lusine ne r-ouvre pas
ses portes, que les travailleurs bnficient des indemnits lgales et puissent
bnficier de priorit dengagement par des fournisseurs locaux un niveau de
salaire quivalant ou suprieur.
- Coopration avec le gouvernement pour mettre en place un fonds permanent pour
le bien-tre des travailleurs afin de couvrir les indemnits en cas de catastrophe
industrielle et les accidents de travail.
Enqute complte et transparente
- Identification des responsabilits, soutien une enqute indpendante sur les
circonstances de lincendie et la poursuite des prsums coupables.
- Publication de tous les rapports daudit ayant trait Tazreen Fashions
4 Business Social Compliance Initiative, http://www.bsci-intl.org
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Prvention des accidents
- Signature et mise en uvre immdiate du Bangladesh Fire and Building Safety
Agreement dvelopp par des syndicats locaux et internationaux et par des
organisations de dfense des droits de lHomme au travail. Ce programme prvoit
des inspections indpendantes, la publication des rapports dinspection, lobligation
de raliser les rparations et rnovations ncessaires, un rle central pour les
travailleurs et les syndicats tant dans la supervision que dans la mise en uvre, des
contrats dapprovisionnement qui tiennent compte dun financement suffisant et dun
prix adquat, et un contrat obligatoire pour concrtiser ces engagements.
- Publication de la liste complte de leurs fournisseurs
- Promotion active de la libert dassociation et du droit de ngociation collective y
compris via des accords pour laccs des organisateurs syndicaux aux lieux de
travail et en favorisant une atmosphre o les travailleurs se sentent libre de se
joindre un syndicat et de former un syndicat dusine
RESPONSABILITS ET ACTIONS DES DIFFRENTS ACTEURS
Cette affaire dmontre comment les diffrents acteurs gouvernement, fabricants, acheteurs
et auditeurs nont pas assum leur responsabilit de protger et respecter les droits des
travailleurs. Des conditions de travail dangereuses, ont abouti au dramatique incendie du 24
novembre 2012 qui a tu 112 travailleurs et en a bless des dizaines dautres.
DFAUT DE PRVENTION
La direction de l'usine n'a pas fourni aux travailleurs un environnement de travail scuris.
Le gouvernement du Bangladesh sest montr incapable de faire respecter les droits des
travailleurs de Tazreen. Linspection de travail est inefficace et en sous-effectif. Linspection
na par exemple pas relev que le btiment de lusine se compose de neuf tages alors quil
na lautorisation que pour trois. Alors quaucun inspecteur na visit lusine, Tazreen a
obtenu lautorisation du service incendie et de la protection civile.
Des auditeurs commandits par certains clients de Tazreen (Wal-Mart) et le BSCI ont conclu
des risques ou des non-conformits des normes de scurit. Pour autant, aucune action
na t entreprise pour remdier ces risques, laissant les travailleurs dans un pige mortel.
Dautres clients (C&A) ne se sont visiblement pas soucis de la scurit des travailleurs,
nidentifiant aucun risque malgr labsence dissues de secours ou dalarme incendie.
Suite au dramatique incendie, les enseignes clientes se sont engages renforcer leur
systme daudit. Mais ces systmes ont dj dmontr leur incapacit prvenir et corriger
les problmes structurels de scurit. Ltat de lindustrie ncessite des rnovations en
profondeur des btiments. Il est donc important que les clients de lindustrie sengagent
plutt soutenir financirement ces rnovations, octroyer des prix dachats qui les rendent
possibles et sengagent dans des relations de long terme afin de permettre les
investissements ncessaires par les fabricants.
Les organisations bangladeshies ont identifi un nombre important de clients de Tazreen.
Certaines de ces marques et enseignes ont cependant affirm que Tazreen nest pas un de
leurs fournisseurs agrs, sous-entendant que ce sont leurs fournisseurs qui ont sous-trait
leur production dans cette usine leur insu. Voil qui dmontre limportance de la diligence
raisonnable des marques et distributeurs sur le respect des droits de l'Homme au travail
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Fatal Fashion Mars 2013
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dans leurs filires dapprovisionnement. Ces marques et distributeurs doivent identifier les
lieux de production de leurs commandes et les risques pour les droits de l'Homme afin de
prendre les mesures ncessaires pour faire respecter les droits des travailleurs dans
lensemble de leur filire dapprovisionnement. Il est galement important quelles publient la
liste de leurs fournisseurs. Cest la seule manire pour les travailleurs de savoir si leur usine
est en contact avec des clients internationaux. Compte tenu de l'obligation des entreprises
dassurer rparation aux travailleurs de leur filire, cette transparence est carrment
indispensable une diligence raisonnable.
DFAUT DE RPARATION
Tous les travailleurs de Tazreen ne disposaient pas dun contrat de travail. Cette situation a
entrav lidentification des victimes, tues ou blesses.
Le gouvernement du Bangladesh a vers une indemnit conformment aux demandes des
organisations de travailleurs. Cependant, ce jour tous les travailleurs blesss et toutes les
familles des travailleurs tus nont pas reu leurs indemnits.
Les entreprises clientes de Tazreen sont quant elles, loin de proposer une indemnisation
approprie. Jusqu' prsent seules C&A et Li & Fung ont pris des mesures pour couvrir les
frais mdicaux et la perte de revenus des travailleurs blesss. Cependant, la somme des
contributions ne reprsente que 8 % du montant total de l'indemnit due aux familles des
travailleurs dcds. Les entreprises clientes de Tazreen nont ce jour pas accept de
couvrir la perte de revenu des familles des travailleurs tus. Il sagit pourtant dun principe de
base de lindemnisation des victimes d'accidents du travail et des maladies professionnelles,
reconnu au niveau international.
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CONCLUSION
Les deux cas prsents dans ce rapport (Ali Enterprise et Tazreen Fashions) ne sont
pas de simples accidents. Ils tmoignent des conditions de travail structurellement
dangereuses dans le secteur de lhabillement, tant au Pakistan quau Bangladesh.
Rien quau Bangladesh, depuis l'incendie de Tazreen le 24 novembre 2012, 28
nouveaux incendies dusines ont t signals, tuant huit travailleurs et en blessant
591 autres. Ce rapport dmontre enfin lurgence dagir pour apporter des
amliorations immdiates et structurelles dans les pratiques du gouvernement et des
acteurs privs tout au long de la filire afin que les Etats assument leur obligation de
protger et faire respecter les Droits de lHomme et que les entreprises respectent
ces mmes Droits de lHomme au travail.