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186 © EDUCI 2013. - GODO GODO - Rev Hist Arts Archéol Afr, ISSN 1817-5597, n° 23, pp 186-207. Référence de cet article : Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne, © EDUCI 2013. - GODO GODO - Rev Hist Arts Archéol Afr, ISSN 1817-5597, n° 23, pp 186-207. ALTERNANCE POLITIQUE ET BONNE GOUVERNANCE DANS LA DEMOCRATIE ATHENIENNE Political alternation and good governance in the athenian de- mocracy Mian Newson K. M. ASSANVO Maître assistant Département d’Histoire Université Félix Houphouët-Boigny Cocody-Abidjan (Côte d’Ivoire) [email protected] RÉSUMÉ La démocratie, système de gouvernement apparu à Athènes au début du VI ème siècle avant Jésus-Christ, s’est progressivement affirmé dans l’imaginaire politique des Grecs de l’époque classique. Se voulant une rupture avec toutes les formes de gouvernement à savoir la monarchie, l’aristocratie et l’oligarchie, elle favorisa la rotation du pouvoir afin d’associer le plus grand nombre à la gestion des affaires publiques. Elle s’appuya également sur la bonne gouvernance afin de rompre avec l’obscurantisme des temps passés et permettre une gestion efficiente des ressources de la cité. Mots-clefs : Alternance politique, Bonne gouvernance, Magistrat, Annualité des charges, Tirage au sort, Election, Logiste, Euthyne, Docimasie. Abstract Democracy as a system of government emerged in Athens in the early sixth century before Christ, has gradually asserted in the political imagination of the Greeks of the classical period. Wanting a break with all forms of government, namely the monarchy, aristocracy and oligar- chy, it favored the rotation of power to involve the largest number in the management of public affairs. It also leaned on good governance in order to break the darkness of the past and allow for efficient resource management of the city over time Keywords: Political alternation, Good governance, Magistrate, Yearly recurrence of the loads, Pulling with leaves, Election, Logiste, Euthyne, Docimasy

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    Référence de cet article : Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne, © EDUCI 2013. - GODO GODO - Rev Hist Arts Archéol Afr, ISSN 1817-5597, n° 23, pp 186-207.

    ALTERNANCE POLITIQUE ET BONNE GOUVERNANCEDANS LA DEMOCRATIE ATHENIENNE

    Political alternation and good governance in the athenian de-mocracy

    Mian Newson K. M. ASSANVO

    Maître assistant Département d’Histoire

    Université Félix Houphouët-BoignyCocody-Abidjan (Côte d’Ivoire)

    [email protected]

    RÉSUMÉLa démocratie, système de gouvernement apparu à Athènes au début du VIème siècle avant Jésus-Christ, s’est progressivement affirmé dans l’imaginaire politique des Grecs de l’époque classique. Se voulant une rupture avec toutes les formes de gouvernement à savoir la monarchie, l’aristocratie et l’oligarchie, elle favorisa la rotation du pouvoir afin d’associer le plus grand nombre à la gestion des affaires publiques. Elle s’appuya également sur la bonne gouvernance afin de rompre avec l’obscurantisme des temps passés et permettre une gestion efficiente des ressources de la cité.

    Mots-clefs : Alternance politique, Bonne gouvernance, Magistrat, Annualité des charges, Tirage au sort, Election, Logiste, Euthyne, Docimasie.

    AbstractDemocracy as a system of government emerged in Athens in the early sixth century before Christ, has gradually asserted in the political imagination of the Greeks of the classical period. Wanting a break with all forms of government, namely the monarchy, aristocracy and oligar-chy, it favored the rotation of power to involve the largest number in the management of public affairs. It also leaned on good governance in order to break the darkness of the past and allow for efficient resource management of the city over time

    Keywords: Political alternation, Good governance, Magistrate, Yearly recurrence of the loads, Pulling with leaves, Election, Logiste, Euthyne, Docimasy

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    INTRODUCTIONDès le VI ème siècle av. J.-C. , les fondements de la démocratie athénienne com-

    mencèrent à être plantés dans la vie publique de la cité de Pallas. Les réformes de Pisistrate et celles de Clisthène surtout, donnèrent un véritable coup de fouet a l’évolution politique de cette forme de gouvernement. Il ne s’agissait certes pas d’une révolution mais d’une évolution régulière et constante qui des lois de Solon à celles d’Ephialtès permis au plus grand nombre de s’assoir sur le ‘’trône’’ de la vie politique athénienne. Au fil de sa mise en place, ce type de gestion des affaires publiques s’appuya sur deux moteurs. Ils devaient permettre de rompre avec les pratiques d’exclusivisme politique et de gestion patrimoniale de la vie publique observés sous les rois et les aristocrates.

    Il s’agit de deux visions de la gestion des affaires publiques qui n’existaient pas auparavant parce que n’étant présent ni dans la monarchie, ni dans la tyrannie, encore moins dans les régimes oligarchiques ou aristocratiques. A cette époque, il n’existait pas de concept pour les désigner, bien que leur réalité politique était fla-grante. Il s’agit de la bonne gouvernance et de l’alternance politique.

    Du latin alternus, signifiant alternatif, l’un après l’autre, successif, lui-même venant de alter, autre. L’alternance est l’action d’alterner, de se succéder dans le temps de manière régulière. L’alternance politique correspond à la situation d’un régime politique ou les courants, des tendances ou des partis politiques différents se succèdent au pouvoir L’alternance à pour conséquence de renforcer la légitimité de la constitution et l’adhésion de citoyens au régime politique.

    L’alternance politique peut avoir une portée restreinte s’il n’existe pas de différences significatives entre les programmes de la majorité et de l’opposition. L’alternance consiste alors en un changement d’équipe dirigeante.

    Dans le cadre de la démocratie athénienne, l’alternance politique se rapproche de cette dernière approche dans la mesure où « Chacun est à tour de rôle gouvernant et gouverné ». La possibilité est donc offerte à chaque citoyen d’exercer le pouvoir durant un temps clairement défini par la politéia. Contrairement à notre conception moderne, exercer le pouvoir revient à occuper une charge publique car les magis-tratures ne sont que les démembrements de l’ancien pouvoir absolu du monarque qui a échu entre les mains des aristocrates et qui, pour finir, fut rendu accessible au peuple tout entier

    Le verbe grec kubernân). (Piloter un navire ou un char) fut utilisé pour la première fois de façon métaphorique par Platon pour désigner le fait de gouverner les hommes. Il a donné naissance au verbe latin gubernare, qui revêtait les mêmes significations et qui, par le biais de ses dérivés, dont gubernantia, a lui-même engendré de nombreux termes dans plusieurs langues

    La gouvernance émerge dans le langage international avec comme expression dominante, et bientôt comme doctrine, la good governance ou « bonne gouvernance ». Elle s’impose donc en premier lieu comme moyen de réforme des institutions, à des fins d’efficacité, des pays en développement. Elle est fortement imprégnée par les organisations internationales

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    Tel est aujourd’hui le contenu généralement conféré à la Bonne Gouvernance et résumé dans ce qu’il est convenu d’appeler les principaux éléments de la Bonne Gouvernance. Ces éléments ou principes de la Bonne Gouvernance sont les suivants: l’obligation de rendre compte, la transparence, l’efficience, la réceptivité, la prospective et la primauté du droit

    La démocratie est le système de gouvernement apparu à la fin du VI ème siècle en Attique et particulièrement à Athènes dans lequel comme pouvait le dire Périclès dans sa célèbre oraison funèbre, « les choses dépendent non pas du petit nombre mais de la majorité, c›est une démocratie ».

    Cette étude poursuit deux objectifs à savoir: Montrer que la démocratie athénienne faisait la promotion de la participation de tous à la gestion de la chose publique. Mais également Montrer que ce système défendait les principes de la gestion équitable voire efficiente des ressources

    Quels sont les mécanismes mis en œuvre dans le système démocratique athénien pour garantir la bonne gouvernance et l’alternance politique ?

    Afin de créer ce cadre de développement devant permettre à la démocratie de rompre avec un système politique d’alors, les Athéniens firent la promotion de la transparence, ouvrirent l’activité politique à tous et enfin introduisirent l’obligation de qualité et d’efficacité.

    I- LA PROMOTION DE LA TRANSPARENCE Pour un système qui se veut le plus ouvert de la Grèce classique, la démocratie

    se devait d’être transparente. La montée en puissance des assemblées populaires, écclésia et héliée était le signe le plus palpable de se désire de sortir de l’obscuran-tisme politique des temps passés. Cette disposition d’esprit s’observe à travers le caractère public des délibérations et la combinaison du tirage au sort et de l’élection dans la désignation des détenteurs de charges.

    I.1- Le caractère public des délibérationsDans le livre III de son ouvrage, Hérodote affirme que «… toutes les délibéra-

    tions sont soumises au public…. ». De quoi parlait-il ici ? De quelles délibérations s’agissait-il ?

    Le contexte de ces propos est celui d’un dialogue contradictoire entre des Perses au sujet de la forme de gouvernement qui sied le mieux à ce peuple. Par délibérations, il entendait toutes les discussions relatives à la gestion de la chose publique, tant en matière de politique intérieure que de politique extérieure.

    Les compétences exclusives et élargies du démos imposent que toutes les questions touchant de prés ou de loin à la vie de la cité soient soumise à l’appréciation de l’assemblée. Depuis les réformes de 462/1 , les assemblées populaires ont acquis une importance considérable. Elles appa-raissent comme le centre de décision de la vie politique intérieure et extérieure. Tout au long de seconde moitié du Vème siècle et au début du IVème cette ouverture politique s’est confortée, faisant de ces instances de décision le lieu privilégié où

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    s’exprimaient la vox populi. Le Conseil des cinq cent (Boulée) dans un degré moindre vient compléter le tableau.

    Le peup le veut tou t con t rô le r. I l ne souha i te pas se conten-te r d ’ê t re une ca isse de résonnance comme l ’Ape l la spar t ia te , mais veut être partie intégrante de l’élaboration, de l’exécution et du contrôle des décisions politiques.

    Un bref regard sur les compétences de l’assemblée populaire nous permet d’être situé sur la question. Au Vème siècle, il était impossible de mettre en délibération une question qui n’avait pas au préalable été rapportée par le Conseil et soumis à un vote préalable. L’Assemblée des citoyens est souveraine et ses compétences s’exercent à la fois dans les domaines exécutif, législatif et judiciaire.

    Mais au IV ème siècle, Aristote affirme qu’il pouvait arriver que la délibération fut ouverte sans un vote préalable. La présidence n’est plus assurée par les prytanes en exercice mais par un groupe de neuf (9) proèdres qui n’ont plus qu’un rôle d’huissier . Le bureau perdant de son importance

    Les séances se tiennent sur la colline de la Pnyx où avait été aménagé un hémi-cycle allongé soutenu par un mur de soutènement et d’environ cent-vingt mètre de diamètre. Une plateforme taillée dans le roc entouré d’une balustrade formait une tribune qui supportait un autel de Zeus Agoraios (voir Photos ci-dessous).

    Fig 1 :Un débat à l’assemblée du peuplehttp://p6.storage.canalblog.

    com/61/42/58705/55826717.jpg

    Fig. 2 : Photo des vestiges de la Pnyxhttp://www.creusois.com/forums/uploads/month-

    ly_03_2011/post-18-1299555587.jpg

    La tribune du IV° siècle. A côté se trouve l’autel de Zeus Agoraïos, sur lequel on offrait un sacrifice au début de chaque séance. A proximité de cette tribune, on voit des traces de gradins. C’est sans doute à cet endroit que prenaient place les prytanes qui étaient chargés de présider l’assemblée, sous l’autorité de leur épistate. Les greffiers s’asseyaient sur la banquette et les sièges1.

    Si l’Ecclésia est l’Assemblée du peuple, l’Héliée (ἡ Ἡλιαία) est son tribunal2. De même que les citoyens gouvernent ensemble sur la Pnyx, de même ils jugent direc-

    1 Pnyx, berceau de la démocratie, http://blog-fr.pnyx.com/2009/02/pnyx-berceau-de-la-democratie.html consulté le 15 octobre 2013.

    2 En grec ancien Ἠλιαία, se situe sur l’Agora d’Athènes. Si l’on doit rapprocher ce nom du grec ἥλιος, soleil, il faudrait alors penser que l’Héliée est un tribunal qui siège en plein air, dans un lieu éclairé par le soleil1. Selon une autre étymologie, si Ἠλιαία est à rapprocher de ἔλος, bas-fond, alors l’Héliée serait le tribunal d’en-bas, qui siège dans un bas-fond, par opposition au tribunal d’en-haut, l’Aréopage.

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    tement et collectivement en tant qu’héliastes. Contrairement à l’Aréopage3, l’Héliée est donc une institution véritablement démocratique, la fonction judiciaire de juge ou de juré étant à Athènes une composante essentielle de la citoyenneté au même titre que les fonctions politiques ou militaires. Le citoyen doit donc prévoir d’y consa-crer une partie importante de sa vie, le recrutement étant facilité par une indemnité : le misthos heliasticos. Les tribunaux ne siégeaient pas les jours d’assemblée, ni les jours néfastes, ni les jours de fête.

    L’Héliée est composé de 6000 jurés potentiels, citoyens de plus de trente ans tirés au sort chaque année dans les dèmes. Le tribunal dispose d’un siège principal sur l’Agora (voir annexe p. 17-18) mais il est en réalité constitué de dix cours différentes réparties dans des lieux distincts de la zone urbaine. Les héliastes de l’année, por-teurs de leur plaque personnelle, devaient se présenter chaque jour ouvrable sur l’Agora. La sélection quotidienne était alors fonction du nombre d’affaires à traiter. Au Vème siècle, il semble qu›elle était déterminée par l›ordre d›arrivée. Au IVème siècle, elle faisait l›objet d›un deuxième tirage au sort. La division décimale n›implique pas nécessairement une répartition égale entre les différentes juridictions et il semble que le nombre des héliastes ait varié de 200 à 1500, selon la cour à laquelle ils étaient affectés et le nombre des affaires à traiter. Les dix tribus devaient cependant être représentées à part égale dans chaque tribunal.

    Hormis la possibilité offerte à tous les citoyens de délibérer sur les affaires pu-bliques, la promotion de la transparence se retrouve dans la combinaison élection/tirage au sort.

    I.2- La combinaison élection /tirage au sortLa démocratie, dans le souci de parfaire la transparence, associa au tirage au sort

    l’élection. Dans la Constitution d’Athènes, Aristote classifie les charges publiques en nous spécifiant celles qui sont données par tirage au sort et celles qui sont don-nées par l’élection4

    « Tous les fonctionnaires de l’administration ordinaire sont désignés par le sort, excepté le trésorier des fonds militaires, les administrateurs du fonds des fêtes et l’intendant du service des eaux qui sont élus à mains levées et restent en charge d’une fête des Panathénées à la fête suivante. Toutes les fonctions militaires sont également données à l’élection. »

    Les charges financières et militaires pour des questions pratiques sont donc attri-buées par élection tandis que toutes les autres magistratures ne nécessitant aucune disposition particulière des éventuels titulaires sont attribuées par tirage au sort. Ce choix des Athéniens induit une catégorisation de fait des magistratures en deux groupes qui, quoique liés sont distincts par les aptitudes qu’ils demandent chacun aux futur attributaires.

    L’élection c’est un choix qu›on exprime par l›intermédiaire d›un vote ; tandis que le tirage au sort c’est le fait de s’en remettre au hasard pour décider du choix de 3 Colline consacrée au dieu Arès, à Athènes, située à l’ouest de l’Acropole, et choisie comme lieu de

    réunion de l’aréopage. Les bancs de l’aréopage. − P. méton. Conseil et tribunal d’Athènes qui siégeait sur cette colline, réputé pour sa compétence, son intégrité et sa sagesse

    4 Aristote, Constitution d’Athènes, 43, 1 ; 61, 1

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    quelque chose, de quelqu’un. Le tirage au sort était tout simplement considéré par les anciens Grecs comme le mode de désignation le plus démocratique, alors que l’élection, qui mettait en jeu la puissance sociale des candidats et de leurs familles, était synonyme de gouvernement oligarchique ou aristocratique. Cette méfiance vis-à-vis de l’élection s’explique aisément. Pour les Grecs de l’Antiquité, il était primordial d’assurer une rotation des postes, car chacun devait être à la fois et successivement gouvernant et gouverné. Or la liberté d’élire implique aussi celle de réélire, et la tenta-tion de perpétuer à travers le mécanisme de l’élection une magistrature personnelle.

    Le souci de ne privilégier aucun des deux modes de désignation des magistrats est issu du désir évident de faciliter la compréhension de l’accession aux charges publiques. La transparence atteste de la volonté de crédibiliser la charge et le titulaire de celle-ci. L’opacité des temps de l’aristocratie et de la tyrannie était ainsi battue en brèche.

    Des auteurs comme Platon associaient ces deux modes de désignation mais d’une façon toute à fait différente. Pour lui, en effet, les magistrats devaient être choisis d’abords par le sort. La liste obtenue était soumise à l’élection pour désigner les titu-laires définitifs. Ce théoricien entendait ainsi atténuer les effets pervers de tirage au sort, à savoir attribuer des charges à des personnes qui n’étaient pas compétentes.

    Tout comme Platon, les Athéniens, en opérant ce choix, laissaient libre cours à leur désir d’ouverture politique, de transparence. Rendre la désignation des magistrats fluide sans pour autant brader la gestion des affaires publiques était leur motivation.

    En permettant au peuple de participer à la prise de décision et en l’informant en temps réel de la marche de la cité, les Athéniens signifiaient clairement leur choix pour la transparence. Cette option fut confirmée par l’utilisation concomitante de deux modes de désignation des magistrats que sont le tirage au sort et l’élection. Outre ce choix, la démocratie athénienne offrait également l’ouverture de la sphère politique à tous sans distinction.

    II- L’OUVERTURE DE LA SPHERE POLITIQUE A TOUS La participation désigne des tentatives de donner un rôle aux individus dans

    une prise de décision affectant une communauté. En sciences politiques, la parti-cipation est un terme qui recouvre les différents moyens selon lesquels les citoyens peuvent contribuer aux décisions politiques. A Athènes, les réformes démocratiques ont permis l’ouverture de la sphère politique à tous, ce qui suppose une large par-ticipation. Celle-ci s’illustra par l’égalité, le tirage au sort et la délégation du pouvoir

    II.1- L’égalitéD’Euripide à Thucydide, les textes grecs évoquant le système démocratique

    athénien vantent l’instauration de l’égalité. Pour Euripide, « …..le pauvre et le riche ont des droits égaux dans le pays…s »5. Périclès rapporté par Thucydide soutien que « …la pauvreté n’a pas pour effet qu’un homme, pourtant capable de rendre service à l’Etat, en soit empêché par l’obscurité de sa situation… »6 et « …..le pauvre et le 5 Euripide, Suppliantes, 434-437 6 Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37, 1-3,

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    riche ont des droits égaux dans le pays…s »7

    A travers leurs propos nous constatons que la démocratie voulait rompre avec le clivage riche-pauvre en affirmant que les citoyens de condition modeste jadis exclu du jeu politique avaient autant de droit que les citoyens aisés. Il apparait donc évident qu’il s’agisse ici d’égalité politique. C’est-à-dire la possibilité que le système démocratique offrait à tout le corps civique d’être acteur du jeu politique. Ceux qui en bénéficiaient surtout étaient les classes modestes de la société naguère exclues de la gestion quotidienne de la chose publique8. C’est le sens des propos de Romilly selon qui « Athènes ne voulait l’égalité que dans les droits politiques ; et bientôt elle établit des distinctions entre l’égalité arithmétique (qui donne la même chose à tous) et l’égalité géographique (qui respecte une certaine proportion) »9

    Il faut remonter à la fin du VIème siècle pour voir émerger cette égalité avec la réforme de Clisthène. Cette réforme s’inscrit dans le même registre que l’œuvre des législateurs mais contrairement à celle-ci elle consacre l’égalité non plus par des mesures ponctuelles mais par les institutions, permettre la réalisation de cette égalité par rapport au nomos .Il s’agissait de créer un équilibre de tous vis-à-vis de la loi. Cette isonomie suppose que dans une cité, tous ceux qui participent à la vie publique le font à titre d’égaux10.

    Si les citoyens de condition modeste bénéficiaient de cette ouverture politique, ils accédaient de ce fait aux mêmes droits que les riches et pouvaient prendre la parole dans les assemblées. Toute chose que L’homme-Very résume en disant que « Pour Clisthène; cette politique consiste à donner aux gens du peuple le rang de semblables par rapport à cette aristocratie dont il fait partie. Cette identité entre kakoi et agathoi implique l›isègoria le droit de parole égal dans l›agora, dans l›assemblé »11.Pour y arriver selon elle l’homme politique athénien redécoupe le temps et l’espace civique de façon à ce que la boulè désormais constituée par 500 membres, soit représentative de l’ensemble des Athéniens, tant lorsqu’elle siège en session plénière que dans sa section qui, par roulement, exerce la présidence, la prytanie.

    L’égalité dont il est ici question s’appuyait donc sur L’iségorie (ἡ ἰσηγορία), qui est l’égalité de parole et L’isonomie (ἡ ἰσονομία) qui ne signifie pas l’égalité devant la loi» mais plus exactement l’égalité de partage» comme l’affirme Périclès « … La loi, elle, fait à tous, pour leurs différends privés, la part égale.. »12 C’est longtemps avant le discours que Maiandrios nous donne une approche de l’isonomie13. Celle-ci consiste

    7 Euripide, Suppliantes, 4078 Dans les faits, il était difficile d’appliquer cette disposition. La condition des petites gens les

    empêchait de faire l’impasse sur leurs activités économique pour se consacrer à la gestion de la chose publique. Par ailleurs, Que chacun puisse s’exprimer en public ne signifie nullement que tous en avaient l’envie ou les capacités. En effet, défendre un point de vue en public demande parfois du courage et quelques aptitudes, ce qui exclut les pusillanimes et les maladroits. Très tôt, sur la Pnyx, on écouta plus volontiers des orateurs rompus à cet exercice, des spécialistes de la parole formés dans les écoles de rhétorique.

    9 J. de Romilly, Pourquoi la Grèce, p. 11110 Cl. Orrieux et P. Schimitt-Pantel , Histoire grecque, p : 162 11 L.-M. L’homme-Wéry, « De l’Eunomie solonienne à l’isonomie clisthénienne. D’une conception

    religieuse de la cité à sa rationalisation partielle » p 22212 Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37, 1-3, 13 Hérodote., III, 142.

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    donc à donner le pouvoir, non plus à un tyran, comme Polycrate14 ou Pisistrate15, mais à des citoyens qui le détiennent parce qu’ils sont reconnus comme semblables.

    L’iségorie n’est pas une simple liberté d’expression. L’iségorie ne s’exerce pas tant sur l’Agora qu’à l’Assemblée, où le débat débouche sur un vote et une décision immédiatement applicable. Tout citoyen (ὁ βουλεύμενος, «celui qui le veut»), a donc le droit de prendre la parole à l’Ecclesia, en fonction du temps qui lui est attribué.

    « Les forces des Athéniens allaient toujours en croissant. On pourrait prouver de mille manières que l›égalité entre les citoyens est le gouvernement le plus avantageux »16

    Nous devons néanmoins nuancer la portée de cette égalité dans la mesure où la condition des moins nantis constituait un obstacle majeur. Malgré les propos à l’allure propagandistes de Périclès, il était difficile au pauvre d’abandonner son activité pour se consacrer à l’exercice de la politique17. C’est, par conséquent, pour favoriser cette égalité politique que l’es Athéniens reçurent un misthos pour leur présence au tribunal et à l’assemblée18

    II.2- Le tirage au sortSi l’association élection/tirage au sort répondait au souci évident de la fluidité dans

    le choix des agents de l’Etat, le tirage au sort en lui-même, bien qu’ayant toujours existé, monta en force pour favoriser le plus grand nombre.

    « … on y obtient les magistratures par le sort… »19

    Selon DEMONT le tirage au sort est une procédure fréquente de choix dans les sociétés anciennes, démocratiques ou non, et dans la société grecque de l’époque archaïque et classique, il a souvent une valeur religieuse20.

    Dans la Constitution d’Athènes, le mot « tiré au sort » revient donc sans cesse dans la seconde partie du traité, pour « toutes les magistratures ordinaires » (c. 43, 1) à l’exception des trésoriers des fonds militaires et de la caisse des spectacles, de l’intendant des fontaines et, généralement, des fonctions militaires. Faisons le compte

    14 Tyran de Samos en Ionie. Polycrate prend l’allure légendaire du souverain riche et puissant à qui tout réussit, mais auquel, comme Crésus, la destinée réserve un sort malheureux. Poly-crate s’était emparé du pouvoir, en 538, le jour même de la fête d’Héra.

    15 Pisistrate (en grec ancien Πεισίστρατος / Peisistratos), né vers 600 av. J.-C., mort en 527 av. J.-C., est un tyran d’Athènes. Fils de l’eupatride Hippocrate, Pisistrate s’empara du pouvoir par la ruse, en occupant l’Acropole (561 av. J.-C.), et fut le premier tyran d’Athènes, ainsi que le fondateur de la dynastie des Pisistratides, dynastie qui ne lui survivra que dix-sept ans

    16 Hérodote, Histoire, V, 7817 « …la pauvreté n’a pas pour effet qu’un homme, pourtant capable de rendre service à l’Etat, en soit

    empêché par l›obscurité de sa situation… » Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37, 1-3,18 Il s’agit du misthos héliasticos établi au début IVème siècle pour remédier au manque d’engoue-

    ment du peuple pour les séances de l’assemblée et du misthos dicasticos établi sur instruction de Périclès Cf. Plutarque, Péricles, 9

    19 Hérodote, «Histoires», Livre III20 P. Demont . ‘’Tirage au sort et démocratie en Grèce ancienne’’ laviedesidees.fr, le 22 juin

    2010, p 1.

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    : 500 bouleutes, 10 trésoriers d’Athéna, 10 vendeurs, 10 receveurs, 10 comptables, 10 vérificateurs (avec 2 assesseurs), 1 intendant, 10 surveillants des temples, 10 responsables de la ville, 10 responsables des marchés, 10 surveillants des mesures, 10 puis 35 gardiens du blé, 10 surveillants du port, les Onze, 5 introducteurs de poursuites en eisagogè, 40 pour les autres poursuites, 5 chargés de la voirie, 10 comptables (et 10 associés), 1 secrétaire de prytanie (autrefois élu), un secrétaire des lois, 10 sacrificateurs, 10 préposés aux fêtes, 1 archonte de Salamine, 1 démarque du Pirée, 9 archontes et leur secrétaire, qui tirent au sort les juges, 10 organisateurs des Dionysies, 10 responsables des concours. Soit au total plusieurs centaines de magistrats tirés au sort chaque année, qui dans chaque charge ne peuvent être renou-velés (sauf exceptions), auxquels il faut ajouter les 6000 héliastes déjà mentionnés, eux-mêmes répartis jour après jour entre les tribunaux par le sort. La découverte de la Constitution d’Athènes a massivement confirmé l’exactitude de l’assimilation entre démocratie et tirage au sort.

    « Malgré Platon21 et Aristote22, ce n’est pas, à mon sens, le tirage au sort qui définit la démocratie, fût-ce la démocratie antique : c’est plutôt l’instauration de la démocratie qui donna peu à peu un sens démocratique à l’emploi du tirage au sort en matière politique. »23

    Au IVème siècle, nous savons, d›après un texte d›Eschine, que celui-ci avait lieu une fois par an sur l›Agora, au Theseion24, sous la présidence des thesmothètes. Contrairement à ce qui se passait pour le recrutement des bouleutes, l’unité de base est la tribu et non le dème. Pour chaque fonction, on choisit entre 10 candidats, un par tribu. On procède charge par charge, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, collège par collège. Y avait-il beaucoup de volontaires ? On peut penser, à la lecture de ce texte de Démosthène, qu›ils ne manquaient pas mais on sait aussi par les sources épigraphiques que les collèges de magistrats n›étaient pas toujours au complet. Comme pour le choix des bouleutes, il est probable que la situation était très variable selon les zones géographiques. On suppose aussi que les charges plus prestigieuses, comme celle d›archonte éponyme, étaient les plus convoitées, même si elles n›avaient qu›un caractère honorifique et coûtaient parfois fort cher.

    En ce qui concerne les fonctions politiques le tirage au sort se faisait comme suit: On place dans une urne des tablettes portant les noms des candidats et dans une autre des jetons (fèves ou caillou) en nombre égal, mais blancs et noirs, le nombre des jetons blancs correspondant à celui des bouleutes à élire. On tire simultanément un nom et un jeton ; si celui-ci est blanc, le citoyen est retenu25.

    21 « La démocratie advient quand les pauvres sont vainqueurs de leurs adversaires, qu’ils en tuent une partie et en exilent l’autre et qu’ils partagent à égalité entre le reste de la population l’administration et les charges, et les magistratures y sont le plus souvent attribuées par des tirages au sort » Platon, La République, VIII, 557 a

    22 « On admet qu’est démocratique le fait que les magistratures soient attribuées par tirage au sort, oligarchiques le fait qu’elles soient pourvues par l’élection » Aristote, Politiques IV. 9, 1294b8.

    23 Idem, p. 224 Le temple proche de l’agora qui porte ce nom et qui date de la fin du ve s. avant J.-C. est en

    réalité un sanctuaire d’Hephaïstos25 Moretti Jean-Charles. ‘’Klèrôtèria trouvés à Délos’’ in: Bulletin de correspondance hellé-

    nique, p 134

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 195

    I.3-La délégation du pouvoirLe pouvoir jadis concentré entre les mains des aristocrates se trouva réparti

    entre les mains d’un nombre plus important d’individus. Cette réalité est décrite par Thucydide et Euripide en des termes assez éloquents :

    « … tour à tour, les citoyens, magistrats annuels, administrent l›Etat.. »26

    « … aux magistrats qui se succèdent… »27

    Aristote n’en dit pas moins :

    « Voici le genre de mesures qui sont démocratiques : que tous choisissent les magistratures parmi tous, que tous soient magistrats de chacun, et chacun à tour de rôle de tous, que les magistratures soient tirées au sort, ou bien toutes, ou bien celles qui ne demandent ni expérience ni compétence » 28

    Selon BONNET les magistrats dérivent de l’ancien pouvoir du roi morcelé lorsque s’est établi le régime aristocratique. Dans le régime démocratique, les magistrats partagent avec le peuple l’initiative des lois, font exécuter et envoient au tribunal ceux qui contreviennent aux lois29.

    Que signifie exactement le terme «magistrats» et qu’est-ce qu’une «magistra-ture» ? Le même terme ἀρχή (archè) désigne la fonction ou la personne qui l’exerce. Littéralement, αἱ ἀρχαί (archai) et οἱ ἄρχοντες (archontes) s’appliquent à «ceux qui com-mandent». Pendant la période oligarchique , en effet, c’étaient les magistrats qui dirigeaient la cité. Avec l’avènement de la démocratie, ce pouvoir a diminué, et les «gouvernants», dont les attributions ont été redéfinies, se sont trouvés étroitement soumis au contrôle populaire. Ils gardent néanmoins un rôle important dans l’Admi-nistration et restent un des quatre piliers de l’État, avec l’Ecclésia, la Boulè et l’Héliée. Ils sont chargés de faire appliquer la loi, et c’est à eux que les éphèbes, dans leur serment initiatique, s›engagent à obéir.

    La cité désigne tous les ans environ 600 magistrats qui s›ajoutent aux 500 bou-leutes, recrutés pour la même durée.

    Qui faut-il placer dans cette catégorie ? Dans la Constitution d’Athènes, Aristote établit une liste de fonctions qui pourrait nous satisfaire mais, dans la Politique, il indique qu’on doit aussi compter au nombre des magistrats les membres du Conseil des Cinq-Cents, ce qui contredit l’affirmation de Démosthène qui, de son côté, dis-tingue clairement les magistrats des bouleutes. En outre, Aristote écrit dans le même ouvrage qu’il ne faut pas appeler magistrats tous les fonctionnaires qui exercent une charge publique, et exclut par exemple les prêtres, les chorèges et les crieurs publics, alors qu’ un peu plus loin, il parle explicitement des «magistrats religieux» et que dans la Constitution d’Athènes il met au rang des magistrats les ἱεροποιοί, «hiéropes», chargés des sacrifices expiatoires. Chez le même auteur, la frontière entre «magistrat» et «fonctionnaire» n’est donc pas très nette. Pour simplifier, nous parlons ici de tous les citoyens désignés pour remplir une des dix fonctions publiques 26 Euripide, Suppliantes, 405-40627 Thucydide,La guerre du Péloponnèse, II, 37,328 Aristote, Politique VI. 2, 1317b17-21

    29 C. Bonnet, Athènes des origines a 388 av. J.-C., p.41

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    définies au livre VI de la Politique :• le contrôle du commerce• le génie civil• la police• les finances• la justice• l’application des peines• la défense• l’ inspection• la présidence des assemblées• la religionL’orateur Eschine défini le magistrat comme celui qui exerce une charge conféré

    par le peuple plus particulièrement toutes les personnes préposées aux ouvrages publics, les responsables de la gestion des finances publiques et ceux qui siège dans les tribunaux

    « Tous ceux qui possèdent des charges conférées par le peuple (le législateur les comprend toutes sous un seul nom, et il appelle charges tous les emplois que le peuple confère);tous ceux qui sont préposés à des ouvrages publics (or, Démosthène était chargé de la réparation des murs, préposé à un des ouvrages publics les plus considérables ); tous ceux qui ont le maniement de quelques deniers du trésor pour plus de trente jours, et qui doivent présider à un tribunal (or, quiconque est préposé à un ouvrage public, préside à un tribunal)30

    Les conditions requises pour être magistrats sont les mêmes que pour les bou-leutes et les héliastes : il faut être citoyen, âgé de plus de trente ans et faire valider ses droits par l’examen de docimasie. La question de l’accès des thètes reste pro-blématique. La loi de Solon, restrictive sur ce plan, n’a, semble-t-il, jamais été révisée et pourtant, dans la Politique, Aristote déclare que tout citoyen peut être magistrat, quelle que soit sa classe censitaire. Il est donc certain qu’à la fin du IV° siècle, les thètes pouvaient exercer une charge. Depuis quand et pourquoi ? La question fait débat chez les historiens. Selon M.H. Hansen, la loi serait tout simplement devenue «lettre morte», ce qui pose par contrecoup une autre question : celle de la force des lois dans les derniers temps de la démocratie.

    Outre les dix archontes, la démocratie athénienne comptait de nombreux magistrats, toujours réunis en collèges, et presque toujours par dix, à raison d’un par tribu. Il s’agit encore ici d’une précaution démocratique. Aucun texte ni aucune inscription ne faisant mention d’un président de collège, on en conclut que les dix se trouvaient à égalité, ce qui constituait un frein aux ambitions personnelles. La pluralité mettait aussi la cité à l’abri de quelques risques induits par le tirage au sort : l’incompétence et la malhonnêteté. Comment le collège fonctionnait-il ? Sans doute ses membres se répartissaient-ils les tâches. C’était manifestement le cas pour les stratèges mais sans doute aussi pour les autres. Toutefois, les magistrats étaient collectivement responsables de leurs décisions, prises à la majorité dans chaque collège. En cas de poursuite, pour cause de mauvaise gestion ou de corruption, cette règle entrait en contradiction avec un des autres fondements du régime : celui de la responsabilité individuelle. Depuis les lois

    30 Eschine, Contre Ctésiphon, 13, 15

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 197

    de Solon, en effet, nul ne pouvait être condamné à cause de son appartenance à un groupe. Ce conflit entre deux principes donna lieu à la malheureuse condamnation de généraux des Arginuses. Il est vrai que les stratèges étaient des magistrats à part, les seuls à pouvoir être réélus consécutivement et à cumuler des pouvoirs politiques, religieux et militaires.

    Dans la nomenclature d’Aristote, on peut citer les collèges suivants :

    TABLEAU DES COLLEGES DE MAGISTRATS ATHENIENS(cette liste n’est pas exhaustive)

    DENOMI-NATION

    VERSION GRECQUE

    ATTRIBUTIONS

    Astynomes οἱ ἀστυνόμοι fonctionnaires de police et de voirieAgoranomes οἱ ἀγορανόμοι inspecteurs des marchésSitophylakes οἱ σιτοφύλακες commissaires aux grainsMétronomes οἱ μετρονόμοι chargés des poids et mesures

    Polètes οἱ πωληταί chargés des revenus publics et des métèques

    Practores οἱ πράκτορες PercepteursApodectesColacrètes

    οἰ ἀποδέκταιοἱ κωλακρέται

    chargés de la garde et de la gestion des fonds publics

    Hellénotames οἱ ἑλληνοταμίαι percevaient les tributs des villes alliées

    Onze οἱ ἕνδεκα

    fonctions de police et de justice. Ils ont le pou-voir de faire arrêter, d’interroger et même de condamner à mort sans procès les auteurs de certains délits graves

    QuaranteArbitres

    οἱ τετταράκονταοἱ διαιτηταί

    ces deux collèges exercent une fonction judiciaire à l’échelon local

    Introducteurs οἱ εἰσαγωγεῖςIls sont chargés d’instruire les affaires priori-taires

    Hiéropes οἱ ἱεροποιοί chargés de la surveillance des sacrifices expia-toires

    Etabli à partir des informations recueillies dans les sourcesToutes ces charges attestaient, au besoin, de la réalité de la délégation de pou-

    voir. Le pouvoir qui jadis était entre les mains d’une minorité échu au peuple qui en délégua des parcelles à des relais du pouvoir centrales que sont les magistrats. Il s’agit d’une délégation dont les conditions sont clairement définies dans le cahier de charge. La durée de cette délégation était d’un an renouvelable pour certaines arché.

    Afin de donner tout son sens à la délégation de pouvoir et permettre au détenteur de cette parcelle d’autorité de l’exercer librement, la loi l’entoure du « droit de porter une couronne », de « l’inviolabilité »

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    « Si l’on fait violence ou si l’on injurie un thesmothète a titre prive, on est passible d’une action privée pour violence ou d’une action publique pour outrage, mais si c’est en tant que thesmothètes, on est frappé d’atimie…il en va de même pour tous ceux auxquels la cite a confié quelque charge »31

    Selon Aristote, les magistrats recevaient des émoluments soit en espèces soit en nature en prenant leur repas au prytanée par ailleurs pour certains d’entre eux32.

    Il convient donc pour le peuple de montrer sa prééminence en exigeant des magis-trats la qualité et l’efficacité indispensable pour une bonne gouvernance.

    II- L’OBLIGATION DE QUALITE ET D’EFFICACITEPouvait-on parler d’une démarche qualité dans la relation quotidienne entre les

    différents acteurs de la démocratie ? Comment l’efficacité des partenaires du système était recherchée et garantie ?

    Véritablement, les concepteurs de cette forme de gouvernement ont voulu rompre avec l’obscurantisme et la confusion qui caractérisèrent les régimes précédents. Selon Périclès, la pression exercée par le peuple, les possibilités de sanction pous-saient les magistrats athéniens à veiller sur le respect des lois : « …la crainte nous retient avant tout de rien faire d›illégal… »33. Ce sentiment produisait inexorablement une amélioration des performances des acteurs du système. Le contrôle exercé sur les magistrats était le moyen utilisé pour garantir cette obligation de qualité et d’effi-cacité. Un contrôle qui se faisait en amont, pendant et en aval.

    II.1- Le contrôle en amont : La docimasie (ἡ δοκιμασία)

    « Ces magistrats sont soumis à un examen, d’abord dans le conseil des cinq cents excepté le secrétaire : celui-ci est examiné seulement devant le tribunal, comme les autres magistrats ; car tous les magistrats sont désignés par le sort, soit élus, n’entrent en charge qu’âpres avoir été soumis à un examen. Pour les neuf archontes ils subissent un premier examen dans le conseil, un second devant le tribunal.34

    « ceux-ci sont examinés devant le tribunal avant d’entrer en fonctions »35

    Ces extraits de la Constitution d’Athènes attestent de l’existence d’un contrôle préalable imposé à chaque magistrat avant son entrée en charge. Cette prérogative était dévolue aux thesmothètes comme le souligne Aristote : « Ils [les thesmothètes] font en outre procéder devant le tribunal à l’examen préalable pour toutes les magistratures… » 36 pour la majorité des magistratures. Ces derniers sont eux-mêmes soumis à l’examen préalable devant le conseil des cinq cent et le tribunal populaire.

    31 Démosthène, Contre Midias, 32-3332 Aristote, Constitution d’Athènes, LXVII, 2 33 Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37,334 Aristote, Constitution d’Athènes, 55, 2-5 35 Aristote, idem, 56 : 1,36 Aristote, idem, 59, 4

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 199

    «Je n›accepterai pas de présents, en tant qu›héliaste, ni moi-même, ni par l›intermédiaire d›un autre ou d›une autre, par aucun artifice ou machination quelconque. Je n›ai pas moins de trente ans et j›écouterai avec une égale attention l›accusateur et l›accusé, et je me déciderai uniquement sur l›affaire elle-même. »37

    Cette procédure de contrôle était effectuée au moment de l’entrée en fonction des bouleutes, des magistrats et des jurés. On vérifiait à nouveau la validité de leur citoyenneté et on s’assurait qu’ils ne faisaient pas l’objet d’un empêchement, par exemple qu’ils n’étaient pas frappés d’atimie38. Peut-être en profitait-on aussi pour écarter quelques simples d’esprits que le tirage au sort avait conduit jusque-là. Chaque cas était examiné séparément et donnait lieu à un questionnement : nom du père, de la mère, dème d’origine...Même si ces interrogatoires étaient brefs, le temps qu’il fallait y consacrer laisse perplexe. Contrôler des centaines de magistrats, 500 bouleutes et, surtout, les jurés tirés au sort quotidiennement dans les tribunaux, tout cela devait être extrêmement fastidieux ! Pourtant, aucun texte ou décret n’indique que la règle ait pu être un jour assouplie. Les adversaires du régime voient là une preuve de plus d’un goût maniaque des Athéniens pour la procédure, les esprits plus favorables y trouvent la confirmation du sérieux que la cité a attaché au fonctionnement de ses institutions, jusqu’au bout.

    Rien ne prouve que les citoyens écartés aient fait l’objet d’une sanction ou d’une amende. En revanche, ils pouvaient faire appel de cette mesure auprès du tribunal du peuple

    II.2- Le contrôle permanent Le système démocratique ne s’arrêtait pas à un contrôle en amont et en aval. Une

    fois que le magistrat était entré en charge, la pression était toujours présente afin de le contraindre à exécuter efficacement sa fonction. L’année civile était divisée en prytanie. Une prytanie durait donc trente-six jours, et davantage pendant les années qui comportaient un mois supplémentaire et à chaque prytanie, tous ceux qui avaient reçu une charge soumettaient leur gestion à un collège de dix logistes

    « 1. «Je voterai conformément aux lois et aux décrets du peuple athénien et de la Boulé des Cinq Cents,

    2. Je ne donnerai ma voix ni à un tyran ni à l›oligarchie.

    3. Si quelqu›un renverse la démocratie athénienne, ou fait une proposition ou soumet un décret dans ce sens, je ne le suivrai pas.

    4. Je ne voterai pas non plus l›abolition des dettes privées, ni le partage des terres et des maisons des Athéniens.

    5. Je ne rappellerai ni les exilés ni les condamnés à mort.

    6. Je ne chasserai pas ceux qui habitent ce pays conformément aux lois et aux décrets du peuple athénien et de la Boulé (…)

    37 Démosthène, Contre Timocratès, 148-149.38 Privation de droit civique

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    7. Je ne donnerai pas le droit d›exercer la magistrature pour laquelle il aura été désigné à quelqu›un qui n›aura pas rendu ses comptes d›une autre magistra-ture. (…)

    8. Je ne confierai pas deux fois la même magistrature au même homme, ni deux magistratures à un seul citoyen pour la même année.

    9. Je n›accepterai pas de présents en tant qu›héliaste, ni moi-même ni par l›intermédiaire d›un autre.

    10. Je n’ai pas moins de trente ans et j’écouterai avec une égale attention l’accu-sateur et l ‘accusé, 11.et je me déciderai uniquement sur l’affaire elle-même »»39

    Ces magistrats spécialisés émanant de la Boulé attestaient de l’une des attributions du Conseil40. Aristote ne dit rien du contenu de ce contrôle. Cependant, il apparait qu’il s’agissait ni plus ni moins que d’un contrôle de la régularité des comptes imposé à tous les magistrats.

    Selon ADAM-MAGNISALI41 en cours d’exercice de leur charge, les magistrats subissaient des contrôles fréquents, à la fois des contrôles réguliers et d’autres exer-cés de façon extraordinaire. Les contrôles réguliers qui avaient lieu d’office étaient a) l’épicheirotonia42, un vote sur la bonne administration des magistrats, obligatoire-ment prévu par l’ordre du jour de l’Assemblée principale (ekklèsia kyria) de chaque prytanie ou encore b) un contrôle sur chaque magistrat, exercé par dix auditeurs de comptes (logistai). Ces logistai étaient une commission du Conseil chargée, à la fin de chaque prytanie, de vérifier la façon dont les magistrats administraient les fonds publics qui leur étaient confiés.

    De même, des contrôles extraordinaires étaient exercés par les tribunaux ou d’autres instances, en cas d’action intentée par un quelconque citoyen (à travers une graphé43, une eisangélia44, une apophasis45, etc.). Dans le droit attique, la dénon-ciation pour corruption s’appelait graphè dôrôn46. Les agents des pouvoirs publics à Athènes ne semblaient pas jouir donc d’immunités dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions et il était, par conséquent, possible de leur imputer des accusations pour des illégalités de toute sorte.

    39 Aristote, idem, 48,340 La boulè a pour fonction principale :de préparer les projets de loi à soumettre à l’assemblée, de contrôler les comptes des magistrats et des fonctionnaires, de procéder à la dokimasie ((h( dokimasi/a), examen de moralité de leurs successeurs41 Sophie Adam-Magnisali’’La corruption dans l’histoire du droit grec’’ communication effectuée

    lors du colloque international en hommage à Joseph Mélèze Modrzejewski, Actes du colloque, pp 95-106 extrait de ADAM, S. Contrôle et reddition des comptes des magistrats dans la démocratie athénienne (en grec), A. Sakkoulas, Athènes 2004

    42 Aristote, Constitution d’Athènes, 43.4, 61.243 Poursuite publique que tout citoyen pouvait intenter au nom du peuple.44Dénonciation devant le Conseil ou l’Assemblée. Cf. M.H. HANSEN, Eisangelia : the Sovereignty of the

    People’s Court in Athens in the Fourth Century B.C. and the Impeachment of Generals and Politicians,Odense 1975.45 Poursuite publique visant les cas de trahison, d’atteinte au régime démocratique et de corruption. La

    procédure était introduite à l’Assemblée, qui ordonnait à l’Aréopage de lui présenter un rapport avant de renvoyer l’affaire devant le Tribunal du Peuple. Cf. R.WALLACE, The Areopagus Council, to 307 B.C.,

    Baltimore and London 1989, p. 113-119.46 Aristote, Constitution d’Athènes, 59.3

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 201

    La continuation de leur charge dépendait du résultat de cet examen. S’ils sont convaincu de malversation ou de délit d’initié, il remettait leur charge et devait rendre des comptes à la justice.

    II.3- Le contrôle en aval : l’euthyna (ἡ εὔθυνα) : La reddition des comptes

    Dans le dialogue perse, Hérodote met l’accent sur un aspect très particulier de la démocratie à savoir la reddition des comptes. Selon ses propos, tous ceux qui exerçaient une partie du pouvoir délégué étaient soumis à cet exercice. A partir de l’instant où le citoyen disposait d’une autorité conférée par la charge qu’il occupait, il devait rendre compte de sa gestion devant les instances qualifiées pour.

    « … on y rend compte de l›autorité qu›on exerce… »47

    Ces instances étaient les euthynes ou redresseurs au nombre de dix, les logistes ou auditeurs de compte également dix accompagnés de leurs substituts que sont les synégores.

    « Ils tirent également au sort dix redresseurs (euthynes), un par tribu et deux assesseurs pour chacun des euthynes. L’euthynes est tenu de siéger avec ses assesseurs, lors des assemblées de la tribu, devant la statue du héros éponyme de sa tribu » 48

    « dix auditeurs de compte (logistes) et dix substituts synégore) qui les assistent. Tous ceux qui ont exercés une charge sont tenus de porter leurs comptes devant eux ; car seuls ils ont qualités pour examiner les livres des comptables et pour porter les comptes de leur gestion devant le tribunal »49

    La reddition des comptes s’imposait à tous ceux qui avaient reçu une charge ou qui sont préposés aux ouvrages publics comme le relève Eschine

    15. que leur ordonne la loi d’exercer, non leur commission, mais leur charge, après avoir subi un examen juridique; examen, dont les charges mêmes confé-rées par le sort ne sont pas exemptes. La loi leur ordonne encore, comme à tous les autres citoyens en charge, de porter leurs comptes au greffier et aux juges établis pour cet effet. Les lois elles-mêmes, qu’on va vous lire, prouveront ce que j’avance »50.

    « et ils rendent leurs comptes à leur sortie de charge. »51

    « aucun de ceux qui sont employés au service de l›état, de quelque façon que ce puisse être, n›est exempt de rendre des comptes.

    « Le législateur oblige aussi le sénat des Cinq cents à rendre des comptes »

    Ce contrôle est une étape importante dans la vie du magistrat. Les Euthynes et

    47 Hérodote, «Histoires», Livre III48 Aristote, Constitution d’Athènes 48,449 Aristote, idem, 54 , 250 Eschine, Contre Ctésiphon, 1551 Aristote, idem, 56 : 1,

  • 202 © EDUCI 2013. - GODO GODO - Rev Hist Arts Archéol Afr, ISSN 1817-5597, n° 23, pp 186-207.

    leurs assesseurs siégeaient aux heures de marché, devant la statue du héros épo-nyme de leur tribu. Tout citoyen pouvait venir à eux, pour introduire, contre le magistrat déjà jugé, une action privée ou publique, en raison de ses actes. Il inscrivait sur une tablette blanche son nom, le nom du défendeur et le défendeur du grief allégué avec une évaluation du préjudice causé et de la peine requise, et la remettait à l’euthynè ? Celui-ci examinait la plainte, et si, après instruction, il la jugeait recevable, il saisissait les autorités compétentes. L’action privée était transmise aux juges des dèmes chargé d’introduire en justice les affaires de la tribu. L’action publique était transmise au bureau des thesmothètes. Si les thesmothètes la trouvaient fondée, ils la portaient devant le tribunal populaire dont la décision est souveraine. Tel est la description qu’Aristote fait de l’action des redresseurs.

    La reddition des comptes est une exigence si grande que son importance semble s’être accrue au IVème siècle ? Eschine affirme que tout magistrat n’ayant pas rendu ses comptes se retrouvait comme privé de certains de ses droits à savoir de «consa-crer ses biens aux dieux et de faire des offrandes » ? Par ailleurs il ne pouvait « se faire adopter » et « léguer ses biens sur toute chose lui appartenant » ? Il conclut en disant que tout portait à croire que le législateur « mettait sous séquestre les biens du magistrat jusqu’à ce qu’il ait rendu ses comptes à la cité »52

    Cependant force est de reconnaitre que le système montrait certaine faille que les orateurs du IVème siècle relèvent dans leur discours

    « Plusieurs de ces magistrats, convaincus d›avoir détourné les deniers du trésor, échappaient à la rigueur des jugements, et cela devait être. »53

    Il arrivait, en effet que certains magistrats se dérobaient à la reddition des comptes. Ce fut le cas Nicomachos qui selon Lysias conserva par devers lui sa charge plus longtemps que prévu et s’abstenait de rendre compte de sa gestion :

    « Seul de tous ceux qui reçoivent une charge, il s’est abstenu de rendre compte alors que tous les autres soumettait leur gestion à l’examen à chaque prytanie, toi, Nicomachos, non seulement tu n’as pas en quatre années rédigé le moindre rapport, mais encore seuls des citoyens tu t’arroges le droit de conserver ta charge plus longtemps qu’il n’est permis, et tu ne rends pas de compte »54

    La qualité et l’efficacité du service public déterminaient le désire d’une gestion efficiente des ressources. Somme toute, il s’agissait pour les Athéniens de promouvoir la bonne gouvernance. La rigueur du contrôle individuel et collectif devait préciser le rôle central d’un peuple qui bien qu’ayant délégué ses pouvoirs, n’entendait pas autoriser le libertinage politique.

    CONCLUSIONDes questions modernes comme la bonne gouvernance et l’alternance politique

    furent à l’ordre du jour à Athènes pendant la période classique. En se détachant des formes de gouvernement anciennes que furent la tyrannie, l’aristocratie et la monarchie, les Athéniens se dotèrent d’instruments politiques devant leur permettre 52 Eschine, Contre Ctésiphon, 17-2153 Eschine, Contre Ctésiphon, 1054 Lysias, Contre Nicomachos, 2-5

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 203

    d’ouvrir une nouvelle page dans la gestion de la chose publique. Ce n’est pas en vain que Périclès vantait l’exclusivité athénienne.

    Ouvrir le champ politique fut une préoccupation de tous ceux qui prirent fait et cause pour les revendications du petit peuple. Lorsque le peuple eu placé sur orbite un leader politique de premier ordre en la personne cde Clisthène, les souhaits longtemps étouffés prirent forme à travers l’isonomie. A partir de cet instant le champ politique s’est progressivement ouvert aux classes qui naguères n’y avaient pas accès. Le droit de parole vint compléter l’égalité devant la loi et le tirage au sort pris une importance considérable dans le choix des exécutants. La délégation du pouvoir à des magistrats élus ou tiré au sort consacra cette ouverture politique.

    Par ailleurs, la lutte contre l’obscurantisme commanda la promotion de la trans-parence. Ainsi, toutes les questions relatives au fonctionnement de la cité furent débattues par tous au sein des assemblées qui prirent une importance considérable. L’utilisation concomitante de l’élection et du tirage au sort participe de cette volonté de rendre la vie politique plus perméable.

    Enfin en ouvrant le débat politique, les Athéniens se sont également attaqués à la gestion patrimoniale des temps passés. Chaque tenant d’une parcelle du pou-voir devait ainsi se soumettre à un contrôle assidue afin d’éviter les dérives. Avant leur entrée en charge, pendant l’exercice de cette charge et à leur sortie de charge, les magistrats détenteurs de ce pouvoir délégué, sont soumis à un contrôle de leur compte.

    Bien que l’efficacité de ces mesures ait été remise en cause par certains orateurs, il n’en demeure pas moins que la démocratie athénienne jetait les bases de deux concepts qui aujourd’hui sont repris en cœur par tous les théoriciens politiques.

    BIBLIOGRAPHIE

    SOURCES

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    ANNEXES

    Fig. 3 : Représentation de l’agora athénienne. http://cbhg.org/wp-content/uploads/2008/10/agora.jpg

    Fig. 4 : Une reconstitution de l’Agora d’Athènes: http://st-rom.pagesperso-orange.fr/hist_geo/site_eleve/agora.gif

  • Mian Newson K. M. ASSANVO (2013), Alternance politique et bonne gouvernance dans la démocratie athénienne 207

    Fig.5 :Plan de l’agora à l’époque classique. http://lettres.ac-rouen.fr/langanc/sq/conon/ima_ser/agora.gif