Allez savoir! 61 - Septembre 2015

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NUMÉRO 61 SAVOIR ALLEZ Le magazine de l’UNIL | Septembre 2015 | Gratuit ! ÉLECTIONS 50% des Suisses changent de parti politique 16 SPORT Comment les Romands courent-ils ? 24 MÉDECINE L’anesthésie est devenue très sûre 36 « HUNGER GAMES », « DIVERGENTE » HÉROÏNES LE CINÉMA SE PIQUE AUX

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Le magazine de l'Université de Lausanne (UNIL).

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NUMÉRO

61

SAVOIR ALLEZLe magazine de l’UNIL | Septembre 2015 | Gratuit!

ÉLECTIONS50% des Suisses changent de parti politique16

SPORTComment les Romands courent-ils ? 24

MÉDECINEL’anesthésie est devenue très sûre36

« HUNGER GAMES », « DIVERGENTE »

HÉROÏNESLE CINÉMA SE PIQUE AUX

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WWW.FILMDEPOCHE.CH

L’UNIL PRÉSENTE : C

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITOIS

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IMPRESSUMMagazine de l’Université de LausanneNo 61, septembre 2015www.unil.ch/allezsavoir

Editeur responsableUniversité de LausanneUne publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuelQuartier UNIL-SorgeBâtiment Amphimax1015 LausanneTél. 021 692 22 [email protected]

Rédaction en chefJocelyn Rochat, David Spring (UNICOM)

Création de la maquetteEdy Ceppi (UNICOM)

RédacteursMélanie AffentrangerSonia ArnalMireille DescombesElisabeth GordonVirginie JobéNadine RichonAnne-Sylvie SprengerMuriel Sudano-RamoniDavid Trotta

CorrecteursAlbert GrunFabienne Trivier

Direction artistiqueSecteur B Sàrlwww.secteurb.ch

PhotographieNicole Chuard

IllustrationEric Pitteloud (pp. 3, 35)

Couverture© Lionsgate

ImpressionGenoud Entreprise d’arts graphiques SA

Tirage17 000 exemplaires

ParutionTrois fois par an, en janvier,mai et septembre

[email protected] (p. 4)021 692 22 80

LIBÉRÉES, DÉLIVRÉES...PLUS DE PRINCESSES

Les clichés sexistes ont la vie dure, mais ils ne sont heureusement pas immortels. Deux histoires que vous lirez dans ce numéro d’Allez savoir ! permettent en effet d’imaginer que

nous allons, parfois, vers le mieux. Par exemple en politique. Après avoir obtenu le droit de vote bien tardivement, les femmes suisses ont encore été soupçonnées de remplir leurs bulletins électoraux avec leurs maris. En tout cas au Café du Com-merce. Si cela a parfois été le cas, les tra-vaux d’une chercheuse de l’UNIL – que vous découvrirez en exclusivité dans ce magazine en page 16 – montrent que ces influences ne s’exercent plus ni sur les jeunes femmes ni sur les travailleuses. Ce qui fait dire à Ursina Kuhn (la socio-logue qui a mené cette enquête passion-nante dans le secret du vote des Suisses) que cette ingérence masculine n’était pro-bablement qu’un «effet de génération», une pratique en train de disparaître.

Un autre très vieux cliché sexiste veut que les héroïnes de films ou de livres soient, au mieux, les compagnes du héros, et au pire des potiches geignardes qu’un preux chevalier doit sans cesse sauver d’un péril mortel. Et pourtant, après des millé-naires de machisme et d’innombrables scé-narios de ce genre, les temps changent, et ce numéro d’Allez savoir ! en témoigne également.

Dans la série TV Game of Thrones, l’un des grands succès du moment, l’une des héroïnes les plus populaires est «la Mère des dragons». Elle n’est plus une pucelle sans défense qu’il faut sauver des dragons, mais la maîtresse de trois cracheurs de feu

géants dont elle se sert dans sa tentative de conquérir le Trône de fer, par les armes quand il le faut.

Et la Mère des dragons n’est pas le seul exemple de ce nouveau genre d’héroïnes balèzes, mais encore rebelles, révoltées et marginales qui utilisent désormais la force pour lutter contre les injustices. Ce qui fait dire à un chercheur de l’UNIL (c’est en page 51) que nous vivons «une période de transformation». Il suffit de se prome-ner dans les rayons «ados» des librairies ou d’aller au cinéma pour s’en convaincre.

Désormais, les femmes ne viennent plus seulement de Vénus. Elles débarquent clai-rement de Mars. Comme Katniss Everdeen, l’héroïne de la saga Hunger Games, ou Tris Prior, la star de Divergente, deux séries de romans pour adolescents qui ont été repé-rées par des producteurs de Hollywood qui en ont fait des succès mondiaux de cinéma. Détail significatif: ces bouquins qui étaient au départ destinés aux adolescents ont désormais conquis le reste de la famille.

Du coup, l’intéressant, tant avec ces his-toires d’électrices qui s’émancipent comme avec le renouvellement des héroïnes de livres et de films de ce début de XXIe siècle, c’est de découvrir que les jeunes adoptent certaines pratiques bien plus égalitaires que par le passé. Et deux notes d’opti-misme, par les temps qui courent, ça ne se refuse pas.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

DÉSORMAIS, LES FEMMES NE VIENNENT PLUS SEULEMENT DE VÉNUS. ELLES DÉBARQUENT CLAIREMENT DE MARS.

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 5

RELIGIONL’enquêtesur les miraclesde Jésus.

SOMMAIRE

SAVOIR ALLEZLe magazine de l’UNIL | Septembre 2015 | Gratuit

BRÈVESL’actualité de l’UNIL :

formation, international,publications, distinctions.

PORTFOLIOHistoire de l’art,

photographie,biologie.

MOT COMPTE TRIPLENutrigénomique.

Avec Murielle Bochudet Walter Wahli.

SPORTLes Romands sontnombreux à courir.

Mais le font-ils bien ?

C’ÉTAIT DANS«ALLEZ SAVOIR!»

Quand les Vaudois résistaient au vin.Article paru en 2003.

ÉCONOMIE«Tigre, chat, dinosaure...

L’entreprise a besoin des trois».Avec Stéphane Garelli.

MÉDECINEAnesthésie :

vous pouvez endormirvos craintes.

LIVRECent réponses qui éclairent

le débat sur l'énergie.Avec Suren Erkman

FORMATION CONTINUELa performance sportive,c’est aussi dans la tête.Nanomatériaux.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNILPascal Couchepin à la rencontredes Vaudois.

POP CULTUREDésormais,le héros est (aussi)une femme forte.

RENTRÉEComment l’UNILamortit le chocde la première année.

LIVRESArchéologie, ingénierie,robots, droit, écologie,Tunisie, architecture.

RENDEZ-VOUSEvènements,conférences, sortieset expositions.

CAFÉ GOURMANDMieux combattreles tumeurs.Avec George Coukos.

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POLITIQUE 50% des Suisses changent

de parti politique. Nous sommes(presque) tous des Zurichois.

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RÉFLEXION«Infémination

artificielle».Par Stéphanie Pahud.

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AU SALONDES INVENTAIRESDans la Salle des chevaliers du Château de La Sarraz, le 26 mai 2015. Au cours d’un séminaire en Histoire de l’art dirigé par le professeur Dave Lüthi, des étudiants en Lettres ont répertorié de nombreux objets conservés dans cet édifice classé. Comme par exemple du mobilier, des tissus et des broderies, des armes anciennes, des malles ou des tableaux. Cet inventaire, mené dans un but de formation, révèle aussi l’intérêt patrimonial de cette immense collection, fruit de plusieurs siècles d’accumulation par la famille de Gingin-La Sarra. Les participants se sont également intéressés à la manière de mettre en valeur ces pièces auprès du public, dans une optique muséographique. DS

(De g. à dr.) Gilles Prod’hom (assistant),

Carole Faessler, Dave Lüthi (professeur),

Elodie Colubriale, Nathalie Annen,

Vanessa Diener, Denis Decrausaz,

Matthieu Péry, Laura Acosta Jacob

et Charlotte Wasser (sur l’échelle),

Lucie Tardin, Jessica Borges.

Reportage photo et article complet sur

www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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CHAMBREAVEC VUESVue du Musée historiographique, avant 1914. Installée tout près de la cathédrale de Lausanne, cette collection était l’œuvre personnelle de Paul Vionnet, pionnier de la photographie vaudoise. Loin des soucis esthétiques, ce pasteur a documenté l’histoire locale en réalisant des milliers de clichés et en collectionnant des images anciennes. L’ensemble comprend aussi bien des reproductions de manuscrits et de portraits que des vues de bâtiments, de monuments ou de mégalithes. Cette visée universaliste résonne à notre époque, dans laquelle des milliards d’images peuplent le Net. A l’époque, le projet du Vaudois s’inscrivait dans un mouvement européen. En effet, plusieurs autres musées virent le jour, basés sur les nouveaux moyens d’enregistrement du son et de l’image d’alors. Jusqu’au 3 janvier 2016, le Musée de l’Elysée consacre l’exposition «La mémoire des images : autour de la collection iconographique vaudoise» à ce fonds, qui s’est considérablement enrichi au fil du XXe siècle. Sous le même titre paraît chez Infolio un ouvrage piloté par Anne Lacoste (conservatrice à l’Elysée), Silvio Corsini (responsable des livres précieux à la BCU), et Olivier Lugon (professeur à la Section de cinéma et au Centre des sciences historiques de la culture de l’UNIL). DS

Entretien avec Olivier Lugon sur

www.unil.ch/allezsavoir

© AUTEUR INCONNU. MUSÉE DE L’ELYSÉE

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RECHERCHESAU FIL DE L’EAUTolochenaz, 9 juin 2015. A la Maison de la Rivière, inaugurée un mois plus tôt, Pauline de Coulon mène son travail de master en Comportement, évolution et conservation. Les récipients posés devant elle contiennent des macroinvertébrés prélevés dans des cours d’eau vaudois. L’abondance – ou l’absence – de certaines espèces dans les échantillons donne une bonne indication du degré de pollution des rivières. L’étudiante en biologie cherche également à déterminer si la qualité de l’eau a un impact sur la présence de la maladie rénale proliférative de la truite. Elle collabore ainsi à la thèse d’Aurélie Rubin, de l’Université de Berne. Cette dernière s’intéresse à l’impact des paramètres environnementaux sur ce fléau qui dévaste les populations de poissons. Un canal d’observation coule le long de la Maison de la Rivière, ce qui permet aux visiteurs de voir les poissons (ici, une tanche et des brèmes) qui vivent dans le Boiron de Morges (en bas à g.). De leur côté, Maud Liégeois (doctorante au Département d’écologie et évolution) et Luca Sciuchetti (en master), mènent des recherches sur les éphémères (en bas à dr.). DS

Article complet et reportage photo sur

www.unil.ch/allezsavoir

PHOTOS NICOLE CHUARD © UNIL

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Grâce à sa nouvelle interface, la plateforme en ligne Scriptorium est accessible sur les smartphones, les tablettes et les ordinateurs de tous modèles. Créée par la Bibliothèque cantonale et universitaire, cette ressource propose plus de 2,5 millions de pages et plus de 170 000 documents, dans lesquels les cu-rieux et les passionnés d’histoire peuvent mener des recherches par mots-clés, par dates ou par titres. La collection comprend de nombreux jour-naux vaudois, comme 24 heures et ses ancêtres, mais également un ensemble de périodiques sati-

riques, depuis 1831 jusqu’à nos jours. Dans le re-gistre politique, des titres de gauche (Le Grutli, Le Grutléen, Le droit du Peuple et Le Peuple) viennent d’enrichir ces archives, qui contenaient déjà la Nou-velle Revue de Lausanne et Domaine public. Scrip-torium propose même des gazettes du XVIIIe siècle comme le Messager boiteux de Berne et Vevey (1748-1800). Les revues de l’UNIL, Allez savoir!, l’uniscope et leurs prédécesseurs, sont accessibles en texte complet sur Scriptorium. DS

http://scriptorium.bcu-lausanne.ch

LES ARCHIVES, C’EST DANS LA POCHE

GRAPHISME

PRESSE

BRÈVES

ÉNERGIES NOUVELLESSoutenue par l’Etat de Vaud et ré-alisée grâce à un partenariat entre Romande Energie et l’UNIL, la pla-teforme Volteface est consacrée à la transition énergétique. Mais c’est l’humain qui est placé au centre, et non la technologie. Pour se saisir de cette question, 11 pro-jets de recherche ont été choi-sis. Ces derniers couvrent un large terrain puisqu’ils vont traiter, par exemple, de nos comportements quotidiens, de nos valeurs, de jus-tice sociale, des intérêts divergents des locataires et des propriétaires, des coopératives d’énergies renou-velables ou de compétitivité écono-mique des entreprises. Des éclai-rages spirituels et religieux ainsi que l’apport de la science-fiction et du théâtre, font également par-tie des travaux sélectionnés. Une soirée publique de présentation et de débat aura lieu le mardi 9 février 2016, sur le site de l’UNIL. DS

www.volteface.ch

MYSTÈRES DE L’UNIL

UN LIVRE SUR L’EXPO 64 RÉCOMPENSÉDirigé par les professeurs Olivier Lugon et François Vallotton, Revi-siter l’Expo 64 a été distingué par l’Office fédéral de la culture lors du concours «Les plus beaux livres suisses». Edité par les Presses polytechniques et universitaires romandes, cet ouvrage collectif accessible et parfois drôle retrace l’histoire et les coulisses d’un évè-nement qui suscite une certaine nostalgie aujourd’hui encore. DS

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RECHERCHE ET SOCIÉTÉ

PORTES OUVERTES SUR LA FANTASYPour leur 10e édition, les Mystères de l’UNIL ont attiré 10 000 personnes, dont 1800 écoliers, sur le site de Dorigny. Une trentaine d’animations et d’ateliers, mis sur pied par plus de 300 chercheurs, attendaient le public. Le thème choisi, la durabili-té, a été traité par le biais de la fantasy. Il s’agis-sait ainsi de reconstituer la Clé des jours, égarée par une chamane, une ingénieure, un druide et

un alchimiste. Parmi les nouveautés figuraient des évènements dans la forêt, qui ont remporté un grand succès. Ainsi que des conférences-ren-contres avec l’illustrateur John Howe et le scéna-riste Benoît Peeters. Ces dernières ont attiré près de 300 personnes. La prochaine édition des Mys-tères de l’UNIL aura lieu du 2 au 5 juin 2016. (RÉD.)

www.unil.ch/mysteres

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Avec ses 630 chambres, ses 475 studios et ses 50 appartements, le nouveau bâtiment «Vor-tex» pourra accueillir près de 1400 résidents à l’automne 2020, sur le campus de Dorigny. Ré-alisé par l’architecte Jean-Pierre Dürig, ce pro-jet va contribuer à répondre à la demande crois-sante de logements pour les étudiants. En effet, aujourd’hui, l’UNIL et l’EPFL en rassemblent déjà près de 24 000. Le 31 juillet dernier, Lau-

sanne a été désignée pour organiser les Jeux olympiques de la jeunesse 2020. Vortex va en être le village olympique, et des athlètes ve-nus du monde entier ses premiers habitants. L’enveloppe globale de ce projet est d’environ 175 millions de francs. Ce montant comprend la réalisation du bâtiment, le terrain, le pro-gramme public et les infrastructures d’accès. Le chantier sera lancé en janvier 2017. (RÉD.)

LOGEMENT OLYMPIQUEPLÂTRE ET CIMENT RECHERCHE

DES MOYENS CONTRELE CANCERL’organisation internationale Ludwig Cancer Research a choisi Lausanne comme l’un de ses principaux sites mon-diaux. Elle a l’intention d’y investir plus de 100 millions de francs pour développer l’immunothérapie au cours des dix prochaines années, dans le cadre d’un accord qui défi-nit une vision sur trente ans (lire également Allez savoir ! 58 et en p. 66). Via l’UNIL et le CHUV, le canton de Vaud renforce ainsi sa position dans le domaine des sciences de la vie. Pour accompagner la croissance attendue du nombre de chercheurs, plusieurs bâtiments consacrés notamment à l’oncologie, à la médecine personnalisée, aux neurosciences fondamentales ou à la bioinforma-tique devraient être construits, sur le site du Biopôle à Epalinges et à Dorigny. Les projets de décret (EMPD) portent sur 88,75 millions de francs. (RÉD.)

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Dès septembre, l’UNIL propose la deuxième édi-tion du cours en ligne Unethical Decision making in Organizations : A Seminar on the dark Side of the Force. Piloté par les professeurs Ulrich Hof-frage et Guido Palazzo de la Faculté des HEC, ce MOOC (pour Massive Open Online Course) avait intéressé plus de 43 000 personnes dans sa première mouture (lire Allez savoir ! 59). Deux nouveaux cours vont être lancés d’ici à la fin de l’année : Durabilité : état des lieux planétaire,

scénarios envisageables (par Dominique Bourg) et Approche pluridisciplinaire du dopage (par Fabien Ohl).Ces cursus se composent de cours donnés en vi-déo, de discussions, de questionnaires et de tra-vail personnel. Gratuits, ils sont ouverts à tous et accessibles aux néophytes. Une certification peut même être obtenue par les étudiants qui en remplissent les conditions. (RÉD.)

www.coursera.org/unil

TROIS FORMATIONS OUVERTES À TOUSMOOCS

LE COURS SUR L’ÉTHIQUE DANS LES ENTREPRISES A INTÉRESSÉ PLUS DE 43 000 PERSONNES.

L’IDÉE DE JEAN MONNET ÉTAIT DE FAIRE AVANCER L’EUROPE PAR DES MOYENS RÉELS, LIMITÉS ET PRAGMATIQUES, SANS MANQUER D’AMBITION. J’AIME CETTE APPROCHE.Pat Cox, président de la Fondation Jean Monnet, dans Le Temps du 13 mars 2015.

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1377Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2015 (d’après Serval

au 1er septembre 2015). En archéologie, une publication ré-cente permet de découvrir la tabletterie, un bel artisanat antique trop peu connu. Ce dernier emploie l’os (souvent de bovidé), l’ivoire, le bois de cervidé ou la corne. Réalisés dans ces matières animales, 400 objets issus du Musée ro-main de Lausanne-Vidy font l’objet d’un livre illustré, dans la série des Cahiers d’archéologie romande. Auteure de cet inventaire et d’une analyse ad hoc, Caroline Anderes parle de «tremplins vers la vie quotidienne» pour qualifier ces créations, où figurent par exemple des aiguilles à coudre, des dés et des jetons, des manches d’outils ou des charnières.Formée à l’UNIL, Caroline Anderes livre de nombreuses informations, dessins à l’appui, sur la manière de travail-ler «une matière première qui paraît ingrate». La taille et la forme des os représentent ainsi des contraintes : pour réaliser de grands objets, l’artisan procède par assemblage. De plus, il doit œuvrer non loin d’un abattoir. En 2004, l’auteure s’est rendue au Népal où elle a pu rencontrer des ta-bletiers et les observer dans leur activité. Même si un mo-teur actionne désormais le tour, la manière de procéder n’a pas tellement changé de-puis l’époque gallo-romaine. La tabletterie étudiée par l’archéologue provient des habitations du vicus de Lousonna, soit le long de la route de Chavannes, à Lausanne. Après analyse de la répartition spa-tiale des objets et des déchets de travail, Caroline Anderes a pu déterminer que l’une des maisons abritait un atelier de tabletterie. La passion de l’auteure pour son sujet est communicative. Grâce à sa publication, elle souhaite aussi sensibiliser les étudiants en archéologie. En effet, lorsqu’une fouille est me-née, il n’est pas évident, même pour des professionnels, de réaliser que quelques fragments d’os peuvent constituer la trace d’un travail manuel. De son côté, le profane peut ad-mirer la finesse d’exécution de certaines œuvres présentées dans l’ouvrage, comme ces épingles au sommet décoré. DS

LA TABLETTERIE GALLO-ROMAINE À LOUSONNA.Par Caroline Anderes. Cahiers d’archéologie romande 155 (2015), 143 p. www.mcah.ch > Publications

Entretien avec Caroline Anderes sur www.unil.ch/allezsavoir

3648 Le nombre de références faites à l’Uni-versité de Lausanne et au CHUV dans les médias en 2015, selon la revue de presse

Argus, au 1er septembre 2015. Début juin, l’annonce de la construction de «Vortex» sur le site de Dorigny a été très relayée, notamment sur les réseaux sociaux. Les investis-sements importants prévus pour la lutte contre le cancer ont également été largement traités (lire en p. 13). Future rectrice de l’UNIL, Nouria Hernandez s’est exprimée dans les médias à la fin juin (lire en p. 15).Début juillet, les étudiants de l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité (IASA) ont mené une troisième campagne de fouilles et organisé des portes ouvertes sur le chantier de Vidy (ou plutôt de Lousonna). Le 7 juillet, Le Figaro a interrogé Philippe Kaenel, maître d’enseigne-ment et de recherche en Section d’histoire de l’art et com-missaire de l’exposition consacrée à Marius Borgeaud à la Fondation de l’Hermitage de Lausanne. La mondiali-sation a éloigné les élites suisses des autres cercles de pouvoir - c’est une étude menée par des chercheurs en Sciences sociales de l’UNIL qui l’affirme. Elle a intéressé plusieurs médias, notamment alémaniques. Ainsi, pour Cash, le «Filz» fait désormais partie du passé. Toujours en juillet, le Tour de France a mobilisé l’Institut des sciences du sport. Un rapport sur les efforts que poursuit la société Chiquita dans le domaine de sa responsabilité sociale et environnementale (RSE) a été menée par Guido Palazzo, professeur à la Faculté des HEC, et Dorothea Baur de l’Uni-versité de Saint-Gall. Le document final – en anglais – ne cache rien des graves problèmes rencontrés par l’entre-prise, notamment lors de la guerre civile en Colombie, des accusations de greenwashing et des dilemmes aux-quels elle a dû faire face. Il est accessible sur le site de la Fondation Guilé (www.guile.org). DS

L’ARCHÉOLOGUETOMBE SUR DES OS

ROMAINS, FILZ ET BANANESLIVRE

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L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

CAP SUR LE NÉPALDal bhat, trek, Hima-laya et Katmandou. C’est bien au Népal que nous avons décidé de faire halte. Plutôt William Gosselin, diplômé de l’UNIL au début 2015,qui vient de consacrer un guide au voisin du Ti-bet. Portant un regard nouveau en proposant des découvertes aussi bien culturelles que géo-graphiques, culinaires ou sportives, le livre s’adresse avant tout à celles et ceux qui se sou-cient d’écologie, de du-rabilité et de minimiser leur impact sur les popu-lations locales. Conseils, bons plans et petites le-çons d’histoire com-posent l’entier du guide. A noter que le tout est rédigé par un véritable connaisseur des lieux, puisque William Gosse-lin, 27 ans, s’est rendu à plusieurs reprises sur place, la première fois lors d’un tour du monde qu’il a effectué à vélo d’août 2011 à août 2012. L’ancien étudiant en géo-graphie consacrera par ailleurs son mémoire de master à l’impact du tourisme, en immer-sion dans un village à quelque 150 kilomètres au nord-ouest de la capi-tale népalaise. DT

GUIDE TAO. NÉPALORIGINAL ET DURABLE.Viatao (2015), 160 p.

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 15

MUSÉE, DROIT, BIBLE ET CHINEÀ L’HONNEUR

L’un des trois Prix culturelsLeenaards 2015 a été décerné àThomas Römer, professeur à l’Institut romand des sciences bibliques de l’UNIL, ainsi qu’au Collège de France. Auteur de plusieurs ouvrages destinés au grand public (dont L’invention de Dieu édité au Seuil en 2014), ce bibliste et exégète est régulière-ment interrogé par Allez savoir ! Pour le jury, «son approche tex-tuelle de la Bible hébraïque nous restitue une part capitale de l’his-toire humaine. Elle nous permet de réfléchir sur notre condition d’êtres pensants, sur notre rap-port à l’histoire, à la politique, aux mythes et au réel.» (RÉD.)

www.leenards.ch

Depuis sa parution en 1996, De la clandestinité à la consécration : histoire de la Collection de l'Art brut a connu un destin internatio-nal. Sous le titre L’art brut, la thèse de l’historienne de l’art Lucienne Peiry, soutenue à l’UNIL, a été publiée chez Flammarion en fran-çais et traduite en anglais ainsi qu’en allemand, pour atteindre les 42 000 exemplaires ven-dus. Mais dès cet automne, c’est une audience encore plus vaste que cet ouvrage pourra toucher, puisque les Presses universitaires de Shanghai en sortent une ver-sion chinoise. Cette publication a notamment bénéficié du soutien du collectionneur Uli Sigg ainsi que de la Ville de Lausanne. (RÉD.)

DIRECTIONINTERNATIONAL

DU CAMPUS À L’USINEEn juillet 2015, trois équipes d’étudiants de l’UNIL, de l’EPFL et de l’écal se sont ren-dues en Chine. Le but ? Sortir un prototype d’objet connecté conçu par leurs soins. Ce projet pédagogique, baptisé China Hardware Innovation Camp (CHIC), a repré-senté un véritable défi. Les participants ont appris à collaborer, à mêler leurs disci-plines, à défendre leurs idées en public, à gérer de nombreux imprévus et à travail-ler dans un contexte culturel très différent. Des compétences indispensables pour leur future vie professionnelle. Co-organisateur du voyage, Marc Laperrouza estime que «les apprentissages ont été très profonds». CHIC sera reconduit en 2016. DS

https://chic2015.wordpress.com

La nouvelle rectrice de l’Uni-versité de Lausanne est une biologiste spécialisée dans la recherche fondamentale sur les gènes. Nouria Hernandez, 58 ans, entrera en fonction le 1er août 2016. Elle va succéder à Dominique Arlettaz, actuel recteur, qui n’a pas désiré sol-liciter un nouveau mandat. Nouria Hernandez a obtenu un doctorat en Biologie moléculaire auprès de l’Université de Heidelberg. Elle fut nommée en 1987 en tant que cheffe d’équipe au laboratoire de Cold Spring Harbor près de New York. Elle devint ensuite professeure à la Watson School of Biological Sciences en 1998, lors de la création de cette der-nière. En 2004, Nouria Hernandez rejoint l’UNIL en tant que professeure invitée puis, en 2005, en tant que profes-seure et directrice du Centre intégratif de génomique (CIG), poste qu’elle a occupé jusqu’en 2014. (RÉD.)

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Professeur associé au Centre de droit privé, Jean-Luc Chenaux a été nommé membre de la Commis-sion des offres publiques d’acquisi-tion par le conseil d'administration de la FINMA. Cet avocat va veil-ler au respect de la transparence, de la loyauté et de l’égalité de trai-tement dans le cadre d’offres pu-bliques d’acquisitions de titres de sociétés cotées en Bourse. «La loi impose en effet de traiter les ac-tionnaires et, le cas échéant, les offrants s’il y en a plusieurs, sur un pied d’égalité dans la transac-tion et de s’assurer que les action-naires destinataires de l’offre dis-posent d’informations complètes, exactes et compréhensibles», a-t-il indiqué à 24 heures. (RÉD.)

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Depuis l’été dernier, le Musée de la Main UNIL-CHUV a un nou-veau directeur : Olivier Glassey. Ce sociologue, spécialiste des cultures numériques contempo-raines, poursuivra en parallèle ses activités d’enseignement et de re-cherche à la Faculté des SSP. Il s’intéresse à la manière dont les technologies permettent de faire circuler et d’exposer des connais-sances liées à la société et au vi-vant. «Loin d’être obsolète, l’es-pace physique du musée constitue un lieu précieux d’expériences sensibles, de partage et de com-préhension du monde», affirme-t-il. Jusqu’au 19 juin 2016, le musée propose une riche exposition, Vio-lences (lire également p. 65). (RÉD.)

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POLITIQUE

Selon la thèse encore inédite d’Ursina Kuhn, une chercheuse basée à l’UNIL, les électeurs suisses se révèlent bien plus volatils qu’on l’imagine. Plongée inédite dans l’intimité électorale des familles helvètes. TEXTE JOCELYN ROCHAT

50% DES SUISSESCHANGENTDE PARTI POLITIQUE

POLITIQUE

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MOUVEMENTPlus les citoyenss’intéressent à la politique, plus leur orientation politiquepeut changer au cours du temps.© Rudolf Vlcek / Getty Images

Qui vote pour quel parti ? Est-ce qu’on change souvent de formation politique préférée durant sa vie ? Et qui influence qui, dans la famille, lors d’une cam-pagne électorale ? Autant de questions auxquelles il est habituellement impossible de répondre, puisque

le vote est secret. C’est pourtant le sujet qu’a empoigné Ursina Kuhn dans sa thèse de doctorat. Et la chercheuse de la Fondation suisse pour la recherche en sciences sociales (FORS), basée à l’UNIL, a pu apporter des réponses grâce au Panel suisse des ménages.

«Avec cette enquête, nous touchons un échantillonnage d’environ 10 000 personnes en Suisse. Plus précisément, la recherche porte sur toutes les personnes (2 en moyenne) qui vivent dans 5000 ménages sélectionnés pour être

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le Parti radical, ces mouvements vont passer inaperçus, même s’ils sont très nombreux.» Et puis, il y a change-ment et changement. Quitter les Verts pour les socialistes ne constitue pas un virage aussi radical que de passer de l’extrême gauche à la droite nationaliste. C’est pourquoi la chercheuse a différencié les électeurs qui changeaient de parti et ceux qui changent de camp. «En Suisse, j’ai défini trois grands blocs : la gauche (où l’on compte les Verts, les socialistes et l’extrême gauche), le centre droit (les radi-caux et les démocrates-chrétiens), et enfin la droite conser-vatrice (UDC, Lega...).»

Les électeurs de gauche participent plusaux enquêtes électoralesCette nuance apportée, le constat demeure. Si les Suisses changent moins souvent de camp politique que de parti préféré, ces mouvements restent beaucoup plus significa-tifs qu’on l’imaginait. Car Ursina Kuhn a observé que «1 Suisse sur 3, 32% pour être précis, change de bloc. Cela reste un chiffre très élevé.»

L’ampleur du phénomène interroge. Peut-on vraiment se fier à ces informations récoltées par sondage ? Ursina Kuhn en est persuadée, notamment parce que les résul-tats observés en Suisse sont comparables à ceux qui ont été enregistrés en Allemagne et en Angleterre dans des enquêtes similaires. Ajoutons à cela que les chiffres du Panel des ménages ne sont pas pondérés selon l’orientation politique comme on le fait parfois pour prendre en compte le fait que certains électeurs ne sont pas forcément transpa-rents à propos de leurs votes, quand ils portent par exemple sur l’UDC ou le Rassemblement Bleu Marine en France.

«Pour mon étude, je cherchais surtout à savoir si les per-sonnes interrogées étaient capables de changer de parti, explique Ursina Kuhn. On fait en revanche des pondéra-tions dans les enquêtes qui cherchent à estimer des inten-tions de vote pour les différents partis, parce qu’on sait que les gens qui votent plus à gauche y participent davan-tage. Pas seulement que les gens ne confient pas volontiers qu’ils votent pour l’UDC, par exemple, mais parce que l’on a toujours observé une surreprésentation de gens stables et plutôt de gauche dans ce genre d’enquêtes.»

Moins on est informé, moins on change de partiGrâce au Panel des ménages, la chercheuse est encore en mesure d’esquisser le profil de ces électeurs volatils. «C’est un peu tout le monde, mais surtout les personnes qui s’in-téressent à la chose publique», assure Ursina Kuhn, qui a en effet découvert que «plus les gens sont intéressés à la politique, plus ils changent de parti. C’est plutôt une bonne nouvelle pour notre système démocratique: cela prouve que les citoyens sont attentifs aux campagnes électorales et qu’ils réagissent à la performance des acteurs politiques. A l’inverse, les personnes les moins informées sont aussi celles qui changent le moins de parti.»

régulièrement interrogés. Chaque année, nous leur demandons pour quel parti ils voteraient s’il y avait des élections le lendemain. Et nous leur posons encore des questions plus générales, du genre: “Etes-vous pour ou contre une adhésion à l’Union européenne ? Pensez-vous que les Suisses devraient avoir de meilleures chances que les étrangers ? Les riches doivent-ils payer plus d’impôts ? Faut-il augmenter les dépenses sociales ?” Etc.»

Un résultat très surprenantComme ces questions ont été posées depuis 1999 aux pion-niers de cette expérience, ainsi qu’à un deuxième échantil-lon de citoyens ajouté en 2004, ce panel très représentatif permet d’observer l’évolution dans le temps des préférences électorales des Suisses. Cette recherche (dont les conclu-sions restent peu connues, puisqu’Ursina Kuhn n’a pas encore publié sa thèse) a donné plusieurs résultats très inattendus. On y apprend notamment que 1 Suisse sur 2 (50,4%) a modifié ses préférences politiques au moins une fois, durant les 11 années analysées. «C’était une surprise, commente la chercheuse, parce qu’on s’attendait à ce que les gens soient plus stables dans leurs choix politiques. Et parce que les résultats des élections suisses ne montrent pas des changements aussi importants.»

Mais voilà, le résultat global d’une élection nationale ne traduit pas forcément l’ampleur des évolutions indivi-duelles. «S’il y a autant d’électeurs qui passent des radi-caux à l’UDC que de citoyens qui quittent l’UDC pour

URSINA KUHNChercheuse à la Fondation suissepour la rechercheen sciences sociales.Nicole Chuard © UNIL

POLITIQUE La Fondation suisse pour la recherche en sciences sociales (FORS)forscenter.ch/fr

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Parmi les habitués du changement, on trouve encore, logi-quement, les plus jeunes électeurs. «Dans l’hypothèse traditionnelle, on imaginait que les enfants héritent sou-vent des idées de leurs parents, avant de grandir, de faire leurs expériences, et, une fois qu’ils ont trouvé leur orien-tation politique, de se fixer.» Un scénario qu’Ursina Kuhn a dû réécrire à la lumière des résultats enregistrés dans le Panel des ménages. «Si les Suisses optent plus souvent pour un autre parti jusqu’à l’âge de 30 ans, ils continuent à changer durant toute leur vie. Même si le nombre de ces passages diminue, ils restent quand même considérables.»

Le couple à l’épreuve des électionsComment expliquer ces variations de la sensibilité poli-tique des Suisses ? On pense notamment à l’influence des proches, un paramètre qu’Ursina Kuhn a pu mesurer. «Si mon partenaire partage les mêmes opinions que moi, l’effet de stabilisation est très fort», note la chercheuse. En clair, si je suis radical et que j’épouse une radicale, je vais pro-bablement rester radical à vie.

Il en va tout autrement dans les couples qui ne partagent pas les mêmes idées politiques. «Si j’ai un partenaire qui a une autre préférence que la mienne, mon risque de chan-ger de bloc politique double, note Ursina Kuhn. Car plus les gens restent ensemble, plus proches ils se sentent, et plus ils votent pareil.»

Est-ce bien le mari qui infléchit les votes de sa femme, comme on l’imagine à la lumière d’un vieux cliché sexiste,

ou l’inverse est-il aussi imaginable ? «Le mari influence davantage sa femme, mais dans des proportions qui ne sont pas spectaculaires. Comme ce n’est plus le cas chez les jeunes, il faut peut-être y voir un effet de génération, estime la chercheuse. En revanche, j’ai vu que les femmes qui restent à la maison sont davantage influencées que celles qui travaillent. Et que les mères sont les plus influen-cées, que ce soit par leur époux, ou, plus surprenant, par les enfants.»

Car les parents ne sont pas les seuls à peser sur les votes de leur entourage immédiat. «L’enquête montre que, quand les parents et les enfants ne sont pas d’accord, les parents ont un grand risque de changer de parti. Ce qui est intéressant, parce que je ne m’attendais pas à ce résul-tat.» Encore faut-il, pour cela, que l’on parle de politique autour de la table familiale. Car, précise la chercheuse de FORS, «plus un ménage évoque la chose publique, et plus on observe l’influence des enfants sur les parents».

Sans oublier l’influence des enfants sur les enfants. «J’ai été étonnée de découvrir que, dans les familles, l’in-fluence entre frère et sœur est presque plus forte que l’in-fluence des parents sur leur progéniture. Du coup, je me suis demandé pourquoi, en politique, on cible souvent les personnes plus âgées. Certes, les seniors sont une majo-rité et ils participent avec assiduité aux différents scru-tins, mais un jeune est plus ouvert, donc plus facile à convaincre, et il exerce une influence claire sur son envi-ronnement proche.»

PHÉNOMÈNEPrès d’un Suisse surtrois change carrément de bloc politique (gauche, centre-droit, droitenationaliste). Ici, la tri-bune des visiteursdu Conseil national lors d’une session.© Peter Klaunzer / Keystone

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Comme les météorologues, les ob-servateurs de la vie politique ont leurs baromètres. Et comme sou-

vent, c’est vers Zurich qu’ils se tournent quand ils veulent savoir ce qui se passe dans ce pays. Car le grand canton

alémanique a la réputation de voter comme l’ensemble de la Suisse, avec six mois d’avance. Les vainqueurs des élections cantonales du printemps à Zurich se retrouvent en effet régulière-ment dans la peau des gagnants à l’au-

tomne, quand tombent les résultats des élections fédérales.

Ce phénomène a poussé le polito-logue de l’UNIL René Knüsel à signer une chronique où il annonce que, grâce aux élections zurichoises du 12 avril dernier, «les résultats des élections fé-dérales du 18 octobre prochain sont déjà connus», en tout cas «dans les grandes lignes». Selon le professeur à la Faculté des SSP, «On peut s’attendre à ce que le Parti libéral-radical (PLR) gagne des parts d’électorat, que l’UDC soit en légère progression comme le Parti socialiste. Le Centre devrait bais-ser et les grands perdants devraient être les Verts et les Verts libéraux.»

Bien sûr, cette transposition des ré-sultats zurichois au reste du pays laisse songeur. «Moi-même, je n’y croyais pas trop, explique le politologue. Mais, comme cette théorie du “baromètre zurichois” circule dans les médias de manière plus ou moins documentée, j’ai analysé les résultats des trois dernières années électorales. A ma grande sur-prise, j’ai vu qu’il y avait quelques va-riations minimes, mais que, dans l’en-semble, le résultat zurichois est assez prédictif.»

Comme l’OhioCe «baromètre zurichois» n’est d’ail-leurs pas le seul de son espèce. En France, c’est le petit village de Donzy, dans la Nièvre, qui vote – au centième près – comme l’ensemble du pays lors

NOUS SOMMES (PRESQUE)TOUS DES ZURICHOISLe grand canton alémanique ne se contente pas d’influencer l’économie du pays. Il annoncerait encore les pro-chaines tendances électorales que nous découvrirons le 18 octobre, pronostique le politologue et professeur de l’UNIL René Knüsel. TEXTE JOCELYN ROCHAT

RENÉ KNÜSELPolitologueet professeur à l’UNIL.Nicole Chuard © UNIL

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des élections présidentielles depuis 1981. Et aux Etats-Unis, c’est l’Ohio qui joue ce rôle depuis 1964, puisque les douze derniers présidents ont tous remporté cet Etat, qu’ils soient démo-crates ou républicains.

Un choc pour les RomandsDu coup, on ne s’étonne pas que la Suisse ait, elle aussi, son «baromètre» électoral. Mais on sursaute en décou-vrant le nom de cet augure. «Le choc, surtout en Suisse romande, c’est de mesurer l’hyper influence des enjeux zurichois sur le reste de la Suisse. On connaissait le poids considérable de Zurich dans l’économie, et on le dé-couvre ici de manière spectaculaire au niveau politique, alors qu’on aurait pu imaginer que, dans une république fédérale, les logiques locales seraient mieux respectées», commente René Knüsel.

Comment expliquer cette exemplarité des électeurs installés sur les bords de la Limmat ? D’abord par la taille du can-ton, le plus grand du pays. «Un Suisse sur six y réside et ses électeurs votent un peu plus que la moyenne», observe le politologue de l’UNIL. Ajoutons à cela que Zurich est formé de grandes villes, de grosses agglomérations et de cam-pagnes, comme le reste du pays. «On a probablement là une sorte de Suisse anticipée, note René Knüsel. Pas une Suisse miniature, parce qu’on n’y re-trouve pas toute la pluralité culturelle du pays, mais il y a des choses de la vie, de l’économie comme des rapports de force qui influencent le reste de la Suisse.»

Sans oublier le rôle des grands mé-dias zurichois qui, à l’image de Blick ou du Tages-Anzeiger, imposent cer-tains thèmes régionaux sur la scène nationale, notamment parce qu’ils

sont lus par les journalistes et les po-liticiens. C’était notamment le cas ce printemps avec l’affaire Carlos (du nom donné à ce jeune délinquant qui béné-ficiait d’un encadrement spécial, in-cluant de la boxe thaïe pour un coût de 29 000 francs par mois), vite trans-formée en débat virulent sur «l’indus-trie du social».

PLR en haussePhénomène oblige, on relit les résul-tats des élections zurichoises du 12 avril dernier avec davantage d’atten-tion, pour y découvrir un vainqueur inattendu. Le PLR a vu ses électeurs croître de 4,4 % (pour atteindre 17 % des suffrages), ce qui a permis aux li-béraux-radicaux de gagner un fauteuil de conseiller d’Etat et huit sièges au Parlement cantonal. Au vu de ces ré-sultats, René Knüsel s’attend donc à une progression du PLR. «C’est in-

NOUS SOMMES (PRESQUE)TOUS DES ZURICHOIS

BAROMÈTRELe PLR a progressé aux élections cantonaleszurichoises du 12 avril 2015. Cela donne une idée de ce qui pourraitse passer cet automne au niveau fédéral.© KEYSTONE/Walter Bieri

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téressant, parce que, ces dernières années, l’UDC avait phagocyté une grande partie de l’électorat libéral-ra-dical qui est passé de 24 % à 15 % au niveau national en trois décennies. On pouvait s’attendre à ce que ça continue, mais on découvre une affirmation nou-velle du PLR face à l’UDC.»

Le politologue attribue ce regain de forme à un «effet franc fort». «Le PLR défend une économie stable et ouverte à l’international. Ce radicalisme, très différent de la vision économique de l’UDC, peut constituer une sorte de valeur refuge par rapport à l’incerti-tude économique que les gens com-mencent à ressentir.»

L’économie d’abordA Zurich, cet «effet franc fort» a visi-blement remplacé «l’effet Fukushima». En effet, alors que les formations éco-logistes ont connu une hausse spec-taculaire de leurs électeurs en 2011, après l’accident dans la centrale nu-cléaire japonaise, elles se retrouvent grandes perdantes des élections can-tonales zurichoises 2015. Les Verts ont perdu un fauteuil de conseiller d’Etat et six sièges au Parlement, en retom-bant à 7,2 % des suffrages exprimés (-3,3 %). Quant aux Verts libéraux qui passent de 10,3 % à 7,6 % des voix, ils perdent cinq sièges.

Ce qui nous amène à un autre ensei-gnement des élections zurichoises: la baisse des écologistes ne profite pas aux autres formations de gauche. «On n’assiste pas en Suisse à l’émergence de formations frondeuses comme Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne, note René Knüsel, car le Parti socialiste a été la seule formation de gauche zurichoise à progresser, mais de peu (0,4 %).» Si les socialistes gagnent, «c’est parce qu’ils sont la seule alternative crédible. Tous les autres modèles de gauche, dévelop-pés en Chine, à Cuba, voire dans les Pays nordiques, n’inspirent plus guère de ligne politique en raison des limites démontrées. Il n’y a plus de réelle alter-native, mais plutôt des valeurs qu’on dé-fend dans un climat économique qui se durcit. Ce qui est plus facile en Suisse, où le confort économique est encore là, mais beaucoup plus compliqué en Espagne, en France ou en Italie, où le modèle social est en train de se retour-ner contre les faibles revenus.»

Troisième enseignement du vote-pronostic des Zurichois: les difficultés du Centre, qui se retrouve également en recul. C’était attendu pour le PBD, ce «parti de circonstance qui a été créé pour défendre le siège au Conseil fédé-ral d’Evelyne Widmer-Schlumpf». Ça l’est moins pour les démocrates-chré-tiens du PDC qui «perdent leur électo-

rat conservateur. Ces défections sont l’une des sources qui vient irriguer le Parti radical, et surtout l’UDC», estime René Knüsel qui parie encore que «ce transfert n’est pas terminé». Car, der-nier grand enseignement de ce vote-test zurichois : il annonce probablement un renforcement des idées conserva-trices dans le pays.

Réaction de conservatisme«Quand on additionne les voix re-cueillies par l’UDC et le PLR, on ar-rive presque à 50 %, ce qui est im-pressionnant», observe le politologue de l’UNIL qui attribue ce score à la somme de toutes les craintes du mo-ment. «L’insécurité, ce n’est plus for-cément la peur du petit délinquant qui pourrait dévaliser une villa. Cela peut prendre une forme plus large, d’une autre nature, comme la peur du terro-risme, de l’islam, la peur pour son iden-tité, qui profitent à l’UDC. Ou alors les inquiétudes économiques, qui profitent au PLR. Avec la mondialisation, tous les problèmes de la planète semblent frapper à la porte, comme la guerre en Syrie, la crise en Ukraine, les sou-cis de la Grèce ou les migrants qui em-barquent pour l’Europe. Cette actualité perturbe énormément les gens, et elle explique certainement cette réaction de conservatisme.»

Si, et seulement si le vote aléma-nique est bien révélateur des intentions de vote des Helvètes pour le 18 octobre prochain. Car, si nous sommes beau-coup influencés par le géant aléma-nique, nous ne sommes pas tous des Zurichois. Quelques cantons résistent encore à ces courants qui se forment sur les rives de la Limmat. Vaud, par exemple. «Il y a quatre ans, les partis traditionnels avaient perdu du terrain aux élections cantonales à Zurich et aux élections fédérales en automne, mais ils ont progressé dans le canton de Vaud», rappelle René Knüsel. «Parce que, même si l’on voit bien à quoi res-semblera l’ensemble du tableau, il res-tera des cantons atypiques.» Bref, mal-gré les baromètres et les analyses, il n’est pas inutile d’aller voter.

POLITIQUE

OHIOCet Etat vote comme l’ensemble du pays.Les douze derniersprésidents américains l’ont remporté, qu’ils soient démocrates ou républicains. Ici, Barack Obama à Cleveland,le 25 octobre 2012.© REUTERS/Kevin Lamarque

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L’importance de la nourriture pour la santé, ainsi que pour la prévention de maladies cardio-métaboliques comme le diabète, l’hypertension ou

l’infarctus du myocarde, est connue depuis longtemps. Mais la possibilité, depuis les années 2000, de séquencer le génome humain complet, la baisse drastique des coûts de l’opération – passés de près de 1 million de dol-lars à 1000 dollars en l’espace de 15 ans – et le développement de techno-logies comme la bioinformatique per-mettent aujourd’hui d’étudier les liens entre le génome (ensemble de l’infor-mation génétique) et l’alimentation de manière bien plus approfondie.

Nos gènes peuvent en effet forte-ment influencer la façon dont nous métabolisons les nutriments. «Il existe une multitude d’aliments face auxquels nous ne sommes pas tous égaux», affirme Murielle Bochud,

médecin-cheffe à l’Institut universi-taire de médecine sociale et préven-tive. La scientifique travaille actuel-lement sur la sensibilité à la caféine et au sel. En fonction des variations génétiques portées, le métabolisme de ces deux substances, et donc les conséquences sur la santé, peuvent fortement varier d’un individu à l’autre. Ses recherches montrent éga-lement que la caféine semble avoir un effet protecteur contre l’hypertension

artérielle, ce qui est plutôt «contre-in-tuitif», concède la spécialiste en épi-démiologie génétique. «Nous tentons actuellement de déterminer si cet ef-fet positif peut varier en fonction du génome de chacun.»

Fondateur du Centre intégratif de génomique de l’UNIL et auteur d’un ouvrage sur la nutrigénomique*, Wal-ter Wahli étudie la manière dont le foie, au niveau génétique, répond à des changements brusques de nour-riture. In utero, le bébé est en effet exposé à une alimentation riche en sucres puis, à la naissance, il com-mence à s’alimenter avec du lait, bien plus gras. «L’adaptation du système métabolique doit se faire presque ins-tantanément», affirme le professeur honoraire à l’UNIL. Puis vient le se-vrage, au cours duquel les sucres re-deviennent prépondérants. «Nous avons découvert qu’à la fin de la ges-tation, le foie se prépare déjà à rece-

voir une nourriture grasse. Certains gènes s’activent et permettent de pro-duire des enzymes capables de digé-rer les lipides.»

L’alimentation peut également mo-difier, durablement ou non, une par-tie du patrimoine génétique. L’envi-ronnement nutritionnel auquel une mère est exposée pendant la gros-sesse peut par exemple influencer l’expression des gènes du bébé. Les femmes enceintes ayant survécu à la

famine aux Pays-Bas au cours de l’hi-ver 1944-1945, ont donné naissance à des enfants pourvus de modifica-tions dites «épigénétiques», les pré-disposant à de nombreuses maladies métaboliques, notamment le diabète et l’obésité.

Un marché prometteur«Ce que nous aimerions comprendre, c’est pourquoi, à repas égal, deux indi-vidus ne répondent pas exactement de la même manière aux denrées ingé-rées», affirme Walter Wahli. L’objec-tif serait de pouvoir ensuite proposer une nutrition personnalisée en fonc-tion du génome de chacun, «une thé-matique à laquelle l’industrie agro-alimentaire s’intéresse de très près», poursuit le spécialiste en endocrino-logie moléculaire. En étudiant la nu-trigénomique, les deux chercheurs souhaitent avant tout prévenir les maladies. «La pandémie d’obésité résulte d’une inadéquation entre les régimes alimentaires modernes et notre patrimoine génétique, qui n’a que très peu évolué depuis l’appari-tion du genre Homo il y a environ de 2,8 millions d’années. On estime que d’ici peu, près de 8 % de la population adulte mondiale souffrira de diabète. Il faut donc impérativement axer nos efforts sur la prévention. Cette der-nière ne pourra se faire qu’en déter-minant plus précisément l’alimen-tation la plus bénéfique pour une population donnée», conclut le scien-tifique. MÉLANIE AFFENTRANGER

*La nutrigénomique dans votre assiette.Par Walter Wahli et Nathalie Constantin.De Boeck (2011), 228 p.

«Dis-moi quel est ton héritage génétique, je te dirai ce que tu dois manger.» Une promesse qui pourrait, d’ici à quelques années, devenir réalité grâce à la nutrigénomique. Cette science, relativement nouvelle, s’intéresse aux interactions entre le génome et l’alimentation.

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SPORT

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Selon les experts de l’UNIL, les nombreux adeptes du running s’entraînent souvent trop vite et achètent des chaussures chères qui, paradoxalement, augmenteraient le risque de blessures. Explications avant le Marathon de Lausanne, le 25 octobre prochain. TEXTE SONIA ARNAL

Les courses populaires telles que les 20 km de Lau-sanne ou les diverses distances proposées à l’occa-sion du Marathon de Lausanne, le 25 octobre pro-chain, sans oublier la Christmas Midnight Run de la mi-décembre autour de la cathédrale, connaissent

un succès grandissant: le nombre de participants est sou-vent multiplié par 10 depuis la première édition de ces manifestations. Mais beaucoup de coureurs amateurs ne se préparent pas aussi efficacement qu’ils le pourraient. Sans compter qu’ils courent le risque de se blesser faute de chaussures adéquates. Conseils pratiques.

LES SUISSES BATTENT DES RECORDSDE PARTICIPATION AUX COURSES1

En l’an 2000, on ne comptait que 10 000 coureurs au départ de l’une des courses organisées lors des 20 km de Lausanne. Quinze ans après, plus de 25 000 personnes s’étaient inscrites sur l’une ou l’autre des distances qu’offre la manifestation. Le nombre de participants a explosé – et

ce phénomène touche toutes les classiques, qu’il s’agisse de l’Escalade à Genève, du Marathon de Lausanne ou encore du Grand Prix de Berne, qui est lui passé de quelque 3000 inscrits en 1982 à 32 000 en 2014.

Les amateurs de jogging sont de plus en plus nombreux, et ils apprécient les courses populaires, dont l’offre ne cesse de s’étoffer. Ce qui a poussé Orlan Moret, sociologue du sport à l’Université de Lausanne, à expliquer au Nouvelliste le 15 mai 2015 qu’«un quart de la population suisse pratique la course à pied» et que «400 000 personnes participent à l’une des 800 épreuves organisées» chaque année, avant de conclure que, «en termes de ratio coureurs/habitants, c’est tout simplement un record du monde».

Désormais, on court surtout contre soi-mêmeComment expliquer cet engouement ? «Il trouve son origine dans les années post-68, avec notamment la création du mouvement Spiridon, explique Fabien Ohl, sociologue et professeur à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL.

LES ROMANDS SONTDE PLUS EN PLUS NOMBREUX À

COURIRMAIS LE FONT-ILS BIEN?

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14 620Le nombre d’inscrits au Marathon de Lausanne, édition 2014. Ici, le pas-sage vers Rivaz.© Valentin Flauraud / Keystone

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La contestation contre les institutions qui s’est mani-festée dans la société, que ce soit en politique, en culture, en psychiatrie ou ailleurs encore, a aussi touché le sport.»

En très résumé, les coureurs à pied ont arrêté à partir de ces années-là de tourner en rond dans un stade pour envahir les rues et aller là où ça leur chante, quand ça leur chante, pour couvrir la distance qui les inspire et pas celle que dicte l’entraîneur. Car jusque-là, être coureur, c’était être affilié à une fédération locale, elle-même rattachée à une fédéra-tion nationale. Courir, c’était s’entraîner pour des compéti-tions. Participer à une manifestation, c’était représenter sa nation dans un championnat. Une structure institutionnelle plus franchement dans l’air du temps, qui décourageait les pratiquants occasionnels. «Avec l’avènement de ces mou-vements de type Spiridon, beaucoup de barrières sont tom-bées: on ne court plus contre les gens du même genre, du même âge et du même niveau, mais on prend tous le même départ pour la même distance – et désormais la course se fait plutôt contre soi-même», précise Fabien Ohl.

Courir pour se réapproprier la villeDe quoi démocratiser une pratique qui était jusque-là l’apa-nage des champions, puisque les amateurs et les occasion-nels ne font pas long feu dans les fédérations. A ce change-ment d’état d’esprit (car comme le révèle non sans humour Fabien Ohl, courir 10 km, c’est toujours courir 10 km, la différence essentielle entre avant et après 68 est dans les représentations qui modifient le sens de la pratique) s’ajoute depuis une dizaine d’années un souci de santé et d’hygiène

qui joue sans doute un rôle dans cet enthousiasme, mais sans qu’il soit possible de chiffrer son influence. Sans comp-ter un rapport à la ville différent: «Depuis que les centres urbains sont pensés pour la voiture, des habitants se réap-proprient les rues par des pratiques notamment sportives, analyse Fabien Ohl. A Lausanne, on le voit par exemple via les descentes en rollers. Les manifestations comme les 20 km de Lausanne sont une chance de parcourir la ville en plein centre, avec une perspective unique.» Et parfois un sentiment d’exclusivité, comme pour le Marathon de New York par exemple, où les places sont limitées. Il se déve-loppe d’ailleurs parmi les amateurs les plus assidus de ces courses une nouvelle forme de tourisme, liée justement à la participation à des marathons dans des grandes villes – New York bien sûr, mais aussi Paris, Barcelone, Berlin, Amsterdam, Londres, ou d’autres plus exotiques. En sui-vant le principe: «J’y vais, je cours et puis je reste un peu pour visiter».

Les vieux coureurs sont rarement pauvresDans les courses plus locales joue aussi un effet d’entraî-nement. Quand tout un groupe d’amis ou tout un départe-ment court des semaines durant pour préparer l’épreuve et participe en commun, se revendiquer comme «sédentaire» devient presque un facteur d’exclusion. Cela dit, relativise Fabien Ohl, s’il est vrai que ces manifestations profitent d’un emballement important, «course de masse ne signi-fie pas course populaire. Tout le monde n’est pas également représenté, à part peut-être chez les enfants, où c’est plus mélangé. En effet, plus l’âge des coureurs est élevé, plus ils appartiennent statistiquement à une catégorie socio-écono-mique ou socioculturelle plutôt élevée. C’est la même frac-ture que pour l’obésité, qui elle aussi touche davantage les catégories sociales les moins favorisées».

LES AMATEURS COURENT SOUVENTTROP VITE À L’ENTRAÎNEMENT2

Si de nombreux Romands pratiquent la course à pied et par-ticipent régulièrement à des manifestations populaires, tous ne s’entraînent pas efficacement, bien au contraire: «Les amateurs font souvent tout faux!» L’appréciation du doc-teur Gérald Gremion a le mérite de la clarté. Ce spécialiste de la médecine sportive (il est maître d’enseignement et de recherche à l’UNIL et médecin-chef du Swiss Olympic Medi-cal Center, SOMC, au CHUV) constate que presque tous les amateurs courent autour de 80 à 85 % de leurs capacités car-diaques, une zone d’entraînement assez peu utile, même si elle donne au sportif le sentiment d’avoir bien couru – l’autre erreur classique consistant à effectuer toujours le même cir-cuit en essayant d’aller chaque fois un peu plus vite.

C’est faux, mais est-ce dangereux ? «Non, et il vaut mieux courir deux ou trois fois par semaine à 80 % que ne rien faire du tout, répond Gérald Gremion. Ça n’est déjà pas si mal pour le système cardiovasculaire, et pour de nombreux

FABIEN OHLProfesseur à l’Institut des sciences du sport.Nicole Chuard © UNIL

L’Institut des sciences du sport www.unil.ch/issul

SPORT

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autres paramètres. Mais si votre objectif est de progresser, ça n’est vraiment pas la bonne méthode –vous allez sta-gner, voire régresser.»

Il faut vite ralentirLa bonne nouvelle, c’est que pour progresser il s’agit avant tout de... ralentir. Selon le spécialiste, il faudrait en effet consacrer 75 % de son temps d’entraînement à la zone d’en-durance de base, qui correspond à environ 70 % des capa-cités cardiaques maximales d’un sportif. Pourquoi ? «C’est ainsi que le corps utilise les graisses comme substrat nutri-tionnel – plus vite, il utilise le sucre, et ça n’a pas d’intérêt», explique Gérald Gremion.

Pour courir à 70 % de ses capacités cardiaques maxi-males, encore faut-il connaître ce maximum. Plusieurs méthodes permettent de le mesurer. La plus précise: faire un test dans un centre spécialisé, comme au SOMC du CHUV ou le Centre sport et santé de l’Université de Lausanne, ce qui donne par ailleurs d’autres paramètres utiles, comme la vitesse maximale ou la vitesse au seuil (lire en page 28).

Plus artisanal, on peut déterminer la chose en courant 10 minutes le plus vite possible – le résultat atteint aux termes de cet effort donne une bonne indication du nombre de bat-tements par minute maximal qu’un individu peut atteindre. Il faut évidemment dans tous les cas être pourvu d’un car-diofréquencemètre, une ceinture à porter à hauteur du cœur qui compte les battements par minute et les trans-met à une montre.

A cet entraînement de fond en endurance de base, il faut ajouter 20 % de son temps de course dévolu à des séries courtes effectuées à 90 % ou plus de ses capacités. On peut alterner 30 secondes de sprint et 30 secondes de repos, à répéter par exemple 10 fois, ou effectuer des pyramides (1’+ 2’ + 3’ + 2’ + 1’), à effectuer deux fois. Enfin, à cette zone de 80 % où tendent à courir les amateurs, il ne faut consacrer que 5 % de son temps.

Pas besoin de courir (trop) longtemps«Mais se baser sur ses pulsations n’est pas toujours très fiable, nuance le spécialiste. Quand il fait chaud, par exemple, on constate une dérive: le sang afflue vers la peau pour refroi-dir l’organisme et il y a concurrence avec les autres organes et les muscles, qui doivent être oxygénés par le sang.» Les pulsations augmentent alors. Utiliser un pourcentage de sa vitesse maximale anaérobie (VMA) permet d’éviter cet écueil. Pour la calculer, c’est le fameux test des 12 minutes qui est le plus efficace: courez durant ce laps de temps aussi vite que possible, comptez les mètres parcourus, et vous obtiendrez votre vitesse maximale en km/h, soit votre VMA. Ensuite, c’est le même principe qu’avec les battements car-diaques: il faut s’entraîner 75 % de son temps à 70 % de sa vitesse maximale, etc... Reste à savoir combien de temps il faut courir. «Deux fois par semaine au minimum, idéalement trois, voire quatre, répond le médecin. Mais ce n’est pas for-

cément utile de courir des heures – même quand je prépa-rais des marathons, je n’ai jamais dépassé l’heure et demie. Une sortie un peu plus longue par semaine, de l’ordre de 75 à 90 minutes, et deux plus courtes, c’est bien.»

ACHETER DES CHAUSSURES CHÈRESAUGMENTE LE RISQUE DE SE BLESSER !3

Plus que la façon de s’entraîner, où tout le monde s’accorde dans les grandes lignes, le grand débat qui anime les cou-reurs depuis 4-5 ans concerne les chaussures: faut-il en res-ter aux classiques ou passer aux minimalistes ? Les baskets traditionnelles présentent une semelle épaisse, pourvue d’un fort pouvoir d’absorption des chocs, surtout au talon, et sont souvent travaillées pour garantir une certaine stabi-lité. Elles sont le fruit de plus de 35 ans d’évolution: jusqu’à la fin des années 70, les semelles étaient encore toutes très plates et peu épaisses. Petit à petit, les fabricants ont pro-posé davantage de soutien, via par exemple les semelles «air» ou «gel», les modules de contrôle de position de type «torsion» – toutes les marques ont créé leur terminologie et leur technologie.

Les 19 muscles du pied paressentLa bonne intention de départ était de protéger le coureur des blessures qui le guettent, notamment à cause de l’im-pact sur les membres inférieurs. Comme l’explique Gérald Gremion, «dans un footing à 10 km/h, le pied réceptionne à chaque foulée environ cinq fois le poids du corps». Mais cette volonté d’amortir le choc n’a pas été sans conséquence.

GÉRALD GREMIONMédecin-chef auSwiss Olympic Medical Center, médecin adjoint au Département de l’appareil locomoteurdu CHUV.Nicole Chuard © UNIL

4265LE NOMBRE D’INSCRITS AU CHRISTMAS MIDNIGHT RUN 2014.

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28 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne28 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

Des études ont montré que les coureurs se blessaient davantage qu’avant l’invention de toutes ces technologies, notamment au niveau de la hanche. C’est que, totalement pris en charge par le confort high-tech offert par les nou-velles chaussures, le pied paresse, ses muscles (il en a 19) ne travaillent plus et le choc se répercute plus haut. Une autre conséquence est évidemment le prix, qui a grimpé en flèche.

Une étude réalisée au Grand prix de Berne sur plus de 5000 coureurs a montré une corrélation entre les francs et les blessures: plus une personne avait investi dans ses bas-kets, plus elle s’était blessée dans l’année précédant la com-pétition. A l’inverse, les coureurs qui avaient lésiné sur les moyens s’en tiraient avec le moins de bobos. Evidemment, plus une chaussure est pleine de technologie, plus elle coûte. Et plus elle blesse.

Les dangers du minimalismeC’est en partant de ce constat que certains spécialistes ont préféré miser sur les chaussures minimalistes, qui, dans leur version la plus extrême, n’offrent au pied qu’une protec-tion contre les aspérités du sol, mais sans soutien ni amorti – c’est au fond comme courir nu-pieds, mais sans risque de se couper ou se brûler. Le postulat: les muscles, os et liga-ments vont travailler et amortir les chocs, avec à la clé moins voire pas de blessure.

En théorie, ce n’est pas faux, estime Gérald Gremion. Dans la pratique, c’est plutôt dangereux: «Le concept n’est pas bête, mais les gens sont trop pressés, donc ils brûlent les étapes. Quand on court depuis des années avec de gros amortis, il faut environ deux ans de transition très lente pour passer aux minimalistes. Ces chaussures impliquent une façon de courir différente – on attaque avec la pointe du pied et pas le talon. Il faut en outre muscler le pied pro-gressivement. Or les coureurs veulent tout de suite changer, mais continuent d’attaquer comme ils l’ont toujours fait, avec le talon. Beaucoup se blessent donc. Et le marché des mini-malistes pures s’écroule». Restent quelques exceptions, pour les personnes patientes ou celles qui ont toujours couru sur la pointe, par exemple.

La troisième voie s’appelle «Zero Drop»Mais si les maximalistes sont trop absorbantes et les mini-malistes dangereuses, comment alors se chausser pour son footing ? La solution, une troisième voie qui émerge, pourrait venir de ce qu’on appelle dans le jargon les «Zero Drop», soit des baskets pourvues d’une semelle pas trop épaisse, qui amortit un peu les chocs, et surtout sans talon hypertrophié – le «zéro drop» désignant la pente, nulle en l’occurrence, entre le talon et la pointe. Ces chaussures ne soutiennent pas totalement le pied et l’obligent à être plus actif. «C’est un bon compromis, conclut Gérald Gremion. Et pour éviter la répéti-tion des mêmes impacts aux mêmes endroits, on peut alter-ner entre différentes paires: les appuis seront différents et les risques de blessure diminuent.»

À QUELLES ZONES S’ENTRAÎNER

ZONE: ENDURANCE DE BASE

Pour un coureur dont la capacité maximale est de 180 battements par minute, il s’agira de courir à 126 battements par minute.

PROPORTION DU TEMPS D’ENTRAÎNEMENTÀ CONSACRER À CETTE ZONE

POURCENTAGE DE LA CAPACITÉMAXIMALE

ZONE: ENDURANCE RAPIDE

C’est la vitesse à laquelle s’entraînent spontanément les amateurs. Elle ne sert pas à grand-chose, si ce n’est à déterminer la vitesse en course.

PROPORTION DU TEMPS D’ENTRAÎNEMENTÀ CONSACRER À CETTE ZONE

POURCENTAGE DE LA CAPACITÉMAXIMALE

ZONE: SEUIL ACIDOSE/ENDURANCE

C’est à cette fréquence que se trouve le point d’équilibre entre l’aérobie et l’anaérobie, soit le moment où le corps est sur le point de se trouver en dette d’oxygène. C’est utile de s’entraîner par plage de 1 à 2 km si l’on s’entraîne pour des courses de 10 km ou moins. Pour des distances plus longues, c’est assez inutile, sauf si l’on est excellent (marathon en moins de 3 heures).

POURCENTAGE DE LA CAPACITÉMAXIMALE

ZONE: ZONE RAPIDE

Le corps est en dette d’oxygène, il faut donc travailler à cette intensité seu-lement sur des périodes très courtes, par séries de 30 secondes (de 10 à 30 fois) à 2-3 minutes maximum (4 à 6 répétitions).

PROPORTION DU TEMPS D’ENTRAÎNEMENTÀ CONSACRER À CETTE ZONE

20 %

POURCENTAGE DE LA CAPACITÉMAXIMALE

90-100 %

90 %

Le Département de l’appareil locomoteur du CHUVwww.chuv.ch/dal

SPORT

5 %

75 %

80-85 %

70 %

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 29

2003un mode de vie à la grecque, à l’image de celui pratiqué par tous les aristo-crates européens de l’époque. «Entre 600 et 400 avant J.-C., les sociétés celtes sont très ouvertes. Un vent d’exotisme et de pacifisme souffle sur la Gaule. Le dépôt d’armements se raréfie dans les tombes au profit de services à boire importés du Sud, comme celui qui accompagne la fa-meuse «princesse» de Vix.

Cette période «soixante-huitarde» est suivie d’une ère réellement réac-tionnaire, marquée par le retour des guerriers, du religieux, une mise à l’écart des femmes et une redécou-verte des boissons traditionnelles comme l’hydromel et la bière. Jusqu’à ce que se produise une nouvelle évo-lution des sociétés gauloises qui re-découvrent la vigne quelques décen-nies avant la conquête de Jules César, lequel fera définitivement entrer la Gaule dans le cercle des pays pro-ducteurs de vin.

Mais les Helvètes, qui habitaient le plateau suisse et qui sont restés at-tachés à des traditions ancestrales, n’adopteront le vin qu’avec leur inté-gration dans l’Empire romain. Pour trouver une explication à la résis-tance de nos ancêtres, il faut relire La Guerre des Gaules où Jules César note que les Belges comme les Hel-vètes étaient peu portés sur le vin, parce qu’ils se méfiaient des mar-chands romains qui avaient la répu-

tation de corrompre les esprits. Selon Matthieu Poux, le refus de rempla-cer la bière par le vin traduirait une forme de résistance à l’influence ro-maine. On peut aussi y voir la trace des tensions qui devaient exister entre des sociétés gauloises qui se dé-mocratisaient sur le modèle romain, et d’autres qui restaient plus atta-chées à leurs valeurs traditionnelles.

Arrivés tard dans le commerce du vin, les Celtes romanisés ou gallo-romains ont très vite rivalisé avec leurs maîtres. A tel point que Rome doit vite limiter les exportations de vins gaulois, pour protéger ses pro-ducteurs qui subissaient une trop forte concurrence.

La Suisse romande a-t-elle parti-cipé à cette culture du vin gaulois à grande échelle? La réponse est non. «Il n’y a pas de trace archéologique d’une production importante de vin sur les côtes suisses du Léman», ré-pond Daniel Paunier, professeur ho-noraire d’archéologie gallo-romaine à l’UNIL. On a bien retrouvé des ton-neaux, quelques outils nécessaires au travail de la vigne comme cette faucille de Nyon, et même des grains de raisin. «Ce n’est pas parce que les archéologues n’ont rien trouvé pour l’instant qu’ils ne trouveront jamais. Mais pour l’instant, la production de vin en Suisse n’est guère attestée: il faut se contenter d’un minimum d’indices.» DS

Difficile d’imaginer les côtes du Léman sans les vignes qui les recouvrent, écrivait le journaliste Jocelyn Rochat en 2003. Et pourtant, l’arri-

vée des ceps dans nos contrées ne s’est pas faite en un jour.

Tout commence vers 600 avant J.-C., quand des colons grecs ins-tallent une colonie à Marseille et plantent les premiers ceps sur la côte. C’est le début de la diffusion du vin vers le Nord. Cette tentative initiale se transforme rapidement en succès, explique Matthieu Poux. Aujourd’hui professeur d’archéologie à l’Univer-sité Lyon II, ce chercheur est l’auteur d’une thèse intitulée L’Âge du vin. Rites de boisson, festins et libations en Gaule indépendante à l’UNIL en 2004.

Mais, si ces premières exporta-tions connaissent un succès specta-culaire, leur implantation reste éphé-mère et les Celtes reviennent vite à la bière et à l’hydromel. Les consomma-teurs celtes considèrent tantôt le vin comme le comble du luxe, et tantôt comme un produit de l’étranger qui inspire la plus grande des méfiances. «Mon hypothèse, c’est que ces chan-gements d’attitude reflètent des mo-difications internes aux sociétés gau-loises, répond Matthieu Poux. Ces variations sont culturelles.»

Et l’archéologue d’expliquer que le vin marseillais était apprécié par des princes celtes qui avaient adopté

QUAND LES VAUDOISRÉSISTAIENT AU VINIl y a une dizaine d’années, Allez savoir ! s’était penché sur l’arrivée du vin sur les bords du Léman avec les Romains. Si les vignobles font aujourd’hui partie du paysage, cela n’a pas toujours été le cas. Les Helvètes préféraient en effet d’autres breuvages.

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

Texte paru dans Allez savoir ! No 27, octobre 2003. Archives du maga-zine : http ://scriptorium.bcu-lausanne.ch

ARRIVÉS TARD DANS LE COMMERCE DU VIN, LES CELTES ROMANISÉS OU GALLO-ROMAINS ONT TRÈS VITE RIVALISÉ AVEC LEURS MAÎTRES.

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Comment la compétitivité influence-t-elle nos vies ? Stéphane Garelli répond dans un livre plein d’humour, truffé de questions comme: «faut-il se lever tôt ?» «De combien d’amis a-t-on besoin ?» ou «faut-il être un tigre pour réussir ?» PROPOS RECUEILLIS PAR MURIEL SUDANO-RAMONI

«TIGRE, CHAT, DINOSAURE...

L’ENTREPRISEA BESOIN DES TROIS»

ÉCONOMIE La Faculté des HECwww.hec.unil.ch

STÉPHANE GARELLIProfesseur à la Faculté des HEC.Nicole Chuard © UNILP

lus de 2,5 millions ! C’est le nombre d’entrées, en français, que vous obtiendrez selon les jours si vous cherchez «compétitivité» sur Google; en anglais, le moteur de recherche affichera plus de 9,5 millions de résultats. Cette branche particulière de l’écono-

mie a bien envahi notre quotidien. Tout le monde en parle: les gouvernements, les entreprises, les médias... Mais de quoi s’agit-il vraiment ? Et en quoi nous concerne-t-elle ?

Professeur à la Faculté des HEC de l’UNIL et à l’Interna-tional Institute for Management Development (IMD), Sté-phane Garelli a travaillé sur les problèmes de compétiti-

vité des nations et des entreprises pendant plus de trente ans; il est également le fondateur du World Competitiveness Center, le Centre pour la compétitivité mondiale à l’IMD.

Pour l’expliquer au grand public et illustrer son impor-tance dans notre vie de tous les jours, ce spécialiste, consi-déré comme une autorité mondiale en la matière, vient d’écrire un livre très accessible et plein d’humour: Etes-vous un tigre, un chat ou un dinosaure ? 100 questions sur comment la compétitivité influence votre vie, qui montre que la com-pétitivité n’est pas uniquement l’affaire des dirigeants et des chefs d’entreprise, mais qu’elle nous concerne tous.

30 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

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ÉCONOMIE

AS: Vous constatez qu’on parle beaucoup de com-pétitivité sans toujours savoir de quoi on parle. Alors de quoi s’agit-il, comment la définir ?Stéphane Garelli: La compétitivité, c’est savoir gérer un ensemble de ressources et de compétences. Prenez Usain Bolt, un coureur absolument extraordinaire: pourquoi est-il aussi compétitif ? Certes, il court vite. Mais il a aussi eu accès à un bon entraîneur, un bon stade, de bonnes chaus-sures, un bon diététicien, peut-être aussi à une personne qui l’aide à gérer son mental... Bref, il a su manager un ensemble de choses qui lui ont permis de faire la différence. Pour une entreprise ou un pays, c’est exactement pareil: si vous maniez bien vos ressources et vos compétences et si vous le faites mieux que les autres, vous créez plus de richesses que les autres. De nombreux pays qui n’avaient rien sont devenus prospères: Singapour, Dubaï, ou même le Botswana qui ne se débrouille pas trop mal. En fait, on remarque même que les pays qui n’ont pas de ressources naturelles, comme le Japon, Hongkong ou la Suisse, ont sou-vent marché parce qu’ils ont dû créer leur propre valeur ajoutée. Alors que la Russie, l’Arabie saoudite, le Brésil ou le Nigeria, qui devraient être les pays les plus riches du monde grâce à leurs ressources naturelles, se sont un peu endormis. Il y a donc de l’espoir pour tous et aucune fatalité dans ce domaine. A mon avis, n’importe qui peut y arriver !

Et ce qui est vrai des pays l’est aussi des gens ?Oui ! Les gens doivent déterminer quelles sont leurs com-pétences, mais aussi leur facteur unique. Je donne souvent cet exemple à mes étudiants: supposez que vous condui-siez bien une voiture, voulez-vous nécessairement devenir chauffeur de taxi, alors que des milliers d’autres personnes conduisent bien ? La grande erreur que les gens font, c’est de choisir le domaine dans lequel ils sont bons. Mais ce n’est pas parce que vous faites très bien quelque chose que vous êtes nécessairement compétitif. Vous devez aussi découvrir en quoi vous êtes différent. C’est une recherche que tout le monde doit faire dans sa vie. Et nous avons toutes et tous quelque chose d’unique, il faut juste le trouver.

On dirait un discours de développement personnel...Mais ça peut l’être ! Vous savez, les gens qui réussissent en compétitivité ont aussi réussi dans leur tête: ils ont une pas-sion qu’ils ne lâchent pas, un désir d’innover, de partager leurs rêves. Toutes les grandes innovations, tous les grands succès viennent de gens qui ont pensé différemment. Si vous avez une idée logique et rationnelle, quelqu’un l’aura eue avant vous. Prenez McDonald: qui aurait pensé qu’un restaurant où les clients doivent aller chercher leur nourri-ture sur un petit plateau et manger avec les mains aurait du succès ? Même chose pour Ikea. Des meubles en pièces détachées qu’on doit porter jusqu’à sa voiture et monter soi-même en découvrant qu’il manque une vis ? ! Ça a marché ! L’impensable a souvent fait des réussites !

Dans votre livre, vous dites que la Suisse est compé-titive parce qu’elle est ennuyeuse. Est-ce à dire que les gens compétitifs aussi sont ennuyeux ?Non, pas du tout ! Il est vrai que la Suisse a été plutôt bonne dans le sérieux, la prévisibilité, la prudence, même si des succès comme Swatch ou Nespresso montrent qu’elle peut aussi faire les choses différemment. Personnellement, je me méfie des gens sérieux, ce n’est pas normal (rires) ! Paul Valéry a dit: «Un homme sérieux a peu d’idées, un homme d’idées n’est jamais sérieux.» Je crois que c’est assez vrai. Il faut prendre au sérieux ce qu’on fait, mais il n’est pas for-cément nécessaire de se prendre au sérieux.

Pour être compétitif, faut-il forcément être un tigre ?On en vient au titre du livre... Tigre, chat, dinosaure, cha-cun a ses compétences propres. Quand on me pose la ques-tion, je réponds que je suis un dinosaure: cela détend tout le monde ! Il est vrai qu’au début de votre vie professionnelle, vous agissez souvent comme un tigre: vous êtes extrême-ment mobile, prêt à tuer tout ce qui bouge, vous travaillez 60 heures par semaines et après le travail, vous faites encore des sorties et des week-ends avec la compagnie; votre vie, c’est vraiment l’entreprise. Puis, vous vous mariez, vous achetez une maison, vous avez des enfants et le tigre devient un chat: vous êtes tout autant loyal, toujours très mobile, mais vous vivez différemment et voulez rentrer chez vous le week-end. Enfin, le chat devient un dinosaure, totalement immobile et surtout intéressé par l’équilibre entre vie pro-fessionnelle et privée. Son avantage ? Il a souvent la mémoire de la compagnie. Une entreprise a besoin des trois profils, mais elle doit les considérer différemment et savoir quand un employé passe de l’un à l’autre. Parce que si vous dites à un chat: «Bonne nouvelle ! Vous êtes muté en Ouzbékis-tan !», il sera très réticent, tandis que le tigre partira tout de suite. Si une entreprise n’est pas capable de gérer cela, elle risque de perdre beaucoup de gens très compétents.

Le réseautage est à la mode. Combien d’«amis» faut-il pour réussir ?Au minimum 1, si c’est la bonne personne. Et d’ailleurs d’habitude, si c’est le cas, vous vous mariez avec (rires) ! Ce que je veux dire, c’est que cela ne sert à rien d’avoir des réseaux si vous ne savez pas les entretenir correcte-ment. Un anthropologue britannique, Robin Dunbar, s’est demandé s’il existait un nombre optimal de contacts que nous pouvons gérer. Il est parti d’une idée simple: combien de cartes de vœux une famille typique envoyait-elle à Noël il y a une vingtaine d’années ? Dunbar est arrivé à environ 150, ce qui correspond au nombre d’habitants des villages antiques, mais aussi à la plus petite unité dans de nom-breuses armées ou encore au nombre d’employés à partir duquel les entreprises préfèrent intuitivement scinder une unité. Il semble donc qu’au-delà de 150 personnes, notre esprit ne puisse plus gérer les gens.

«CE N’EST PAS PARCE QUE VOUS FAITES TRÈS BIEN QUELQUE CHOSE QUE VOUS ÊTES NÉCESSAIREMENT COMPÉTITIF. VOUS DEVEZ AUSSI DÉCOUVRIR EN QUOI VOUS ÊTES DIFFÉRENT».STÉPHANE GARELLI

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 33

Un trop grand réseau sur Facebook ou LinkedIn est donc inutile ?Aux Etats-Unis, les étudiants ont en moyenne 450 amis sur Facebook. Mais comment pouvez-vous gérer 450 contacts ? Vous ne les gérez pas ! Ce qui compte, c’est la qualité des rela-tions plutôt que le nombre. Beaucoup de gens me demandent d’être en contact avec eux sur LinkedIn, mais je ne sais même pas qui ils sont ! A un moment, vous devez choisir de gérer ce que vous maîtrisez et ne pas faire de ce type de réseau un instrument de prestige.

Faut-il se lever de bonne heure pour être compétitif ?Certaines personnes aiment se lever à 5 h 30 pour faire un jogging avant d’aller travailler, et d’autres pas ! Comme Chur-chill qui aimait barboter dans son bain jusqu’à 11 heures. On cite volontiers Napoléon ou Margaret Thatcher qui ne dormaient que cinq heures et demie par nuit, mais il y a des gens qui ont besoin de huit heures de sommeil. Ce n’est pas une honte ! Et cela n’empêche pas d’être bon. Il faut arrêter de penser que plus vous travaillez, meilleur vous êtes: ce n’est pas vrai ! Ce n’est pas le nombre d’heures qui compte, mais la qualité de ce que vous faites. D’ailleurs, je pense qu’on ne devrait jamais calculer le nombre d’heures de tra-vail par semaine, mais au minimum par mois et même peut-être par année, pour pouvoir moduler. Ce n’est pas la peine de rester au travail s’il n’y a rien à faire; par contre, il faut être là quand l’entreprise a besoin de vous. A l’ère des ordi-nateurs portables et des smartphones qui vous permettent de travailler depuis n’importe où, est-ce que cela fait sens

de vous demander d’être au bureau huit heures par jour ? Ce qu’on veut, c’est que vous soyez accessible lorsqu’on a besoin de vous. Naturellement, tous les métiers ne se prêtent pas à ce type de gestion, mais les travaux dits intellectuels pour-raient très bien être faits en partie dans l’entreprise, en par-tie ailleurs. Et ce type de flexibilité résout un autre problème: celui des femmes en entreprise qui, si elles sont mamans, ne peuvent souvent pas travailler à temps plein, mais ont besoin de gérer leur temps pour chercher les enfants à l’école ou les garder. C’est aux compagnies d’adapter leur structure.

Aux compagnies de s’adapter ? A mon avis oui, si elles veulent avoir les meilleurs talents. Pourquoi beaucoup d’entreprises sont-elles aujourd’hui très sensibles aux problèmes de l’environnement et de l’écologie ? Parce que leurs employés le sont ! Les entreprises doivent s’adapter à notre évolution et à notre système de valeurs, pas le contraire. La compétitivité nous concerne tous parce que nous avons tous un impact sur elle, même si nous sommes tout petits. Nous pouvons faire la différence. Un proverbe africain que j’aime bien dit ceci: «Si vous pensez que vous êtes trop petit pour faire la différence, c’est que vous n’avez jamais passé une nuit avec un moustique !».

Vous écrivez que nous sommes tous indispensables. Pour conclure, c’est plutôt une bonne nouvelle...N’est-ce pas ? Unique et indispensable. Il faut surtout que les autres le croient. Mais cela veut aussi dire qu’il faut savoir se réinventer régulièrement; c’est la condition du succès.

RÉSEAUXLa qualité des contacts compte bien davantage que leur nombre.© Thinkstock

ÊTES-VOUS UN TIGRE, UN CHAT OU UN DINOSAURE ? 100 QUESTIONS SUR COM-MENT LA COMPÉTITIVITÉ INFLUENCE VOTRE VIE. Par Stéphane Garelli. Editions Slatkine (2015), 232 p.

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34 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne4 Allez savoir ! N° 51 Mai 2012 UNIL | Université de Lausanne

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 35

RÉFLEXION

VOULOIR FAIRE COÏNCIDER GENRE GRAMMATICAL ET IDENTITÉS DE GENRE N’ESTDE LOIN PAS UNA-NIMEMENT LOUÉ.

Les langues sont des organismes vivants, perméables aux besoins communautaires. Mais l’ouver-ture aux femmes de sphères autrefois masculines ne pou-

vait que complexifier un étiquetage par définition réducteur et, en fran-çais, alambiqué.

Sur la base de normes prescrip-tives et subjectives, chaque tentative de féminisation (composition, dériva-tion, slash, tiret, parenthèses, majus-cule, point surélevé, etc.) est jugée «bonne» ou «mauvaise»: les néolo-gismes suivent-ils des modèles mor-phologiques existants ? Font-ils mal aux oreilles, aux yeux ? Sont-ils vali-dés par les instances légitimes ?* Idéologiquement, vouloir faire coïn-cider genre grammatical et identités de genre n’est de loin pas unanime-ment loué. Pour l’Académie fran-çaise, «brusquer et forcer l’usage», c’est «porter atteinte au génie de la langue» et «ouvrir une période d’in-certitude linguistique»; de plus, «genre discriminatoire au premier chef», le féminin devrait être évité. Citons Maurice Druon: «Elles sont étranges, ces dames! Elles gémissent ou glapissent, à longueur de législa-ture, qu’elles sont insuffisamment représentées dans la vie publique, qu’on ne leur attribue pas assez de sièges au Parlement, qu’elles sont vic-times d’un injuste discrédit politique; [...] en un mot comme en cent, elles se plaignent de n’être pas traitées à l’égal des hommes. Or, dès qu’elles le

«INFÉMINATION ARTIFICIELLE»sont, les voilà qui exigent de se faire reconnaître une différence.»

L’opinion caricaturale du puriste trouve une traduction sociologique chez Nathalie Heinich, «chercheur» au CNRS: «“Chercheuse” laisse entendre que ma qualité de femme doive intervenir dans l’appréciation de mes travaux, alors qu’elle est, à mon sens, une probable donnée de fait [...] mais en aucune façon un prin-cipe, une visée, une revendication.» Scandaleux pour certain-e-s, ce plai-doyer pour le masculin générique – idéalement pour un neutre – est tenu au nom de la libération du poids de l’identité sexuée et signe un fémi-nisme universaliste: «Mon combat féministe, c’est que ce ne soit pas la femme qu’on juge dans un col-loque, un séminaire ou une publi-cation – mais le chercheur. [...] Mon combat, en un mot, c’est de militer pour la suspension de la différence des sexes dans les contextes où elle n’a rien à faire! [...] je milite pour le droit – authentiquement féministe, je le soutiens – à la pluralité identitaire: femme quand je le veux, et seulement quand je le veux.»

Le genre se construit, déconstruit et reconfigure discursivement. Le lan-gage épicène interroge notre «capa-cité à façonner nos identités dans des reformulations graphiques et séman-tiques». L’important est de mettre la créativité linguistique au service de nos positionnements identitaires, quels qu’ils soient. Comme les quo-

tas, la féminisation du langage est un paradoxe nécessaire pour ouvrir les imaginaires. Mais rappelons-nous que les identités sont mobiles et le genre fluide pour éviter une «infémi-nation artificielle» – qui serait impo-sée par principe dans tout discours et forcément sclérosante –, et pour encourager des investissements sin-guliers. La revue Mots. Les langages du politique appelle au débat dans un prochain dossier intitulé «Ecrire le genre».

Cet article reprend le titre d’une «conférence de mauvaise foi» sur la féminisation des noms donnée par Schüp lors du Champignac 2014.

* Notes et référencessur www.unil.ch/allezsavoir.

STÉPHANIE PAHUDLinguiste et enseignante à l’UNIL

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MÉDECINE

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 37Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 37

Peur de mourir, de ne pas se réveiller ou au contraire de reprendre conscience pendant l’opération: l’anesthésie est encore souvent source d’angoisse. Pourtant, cet acte médical a considérablement évolué au cours des der-nières décennies pour devenir très sûr. TEXTE ÉLISABETH GORDON

ANESTHÉSIEVOUS POUVEZ ENDORMIRVOS CRAINTES

INTERVENTIONL’anesthésie proprement dite commence par la pose d’un masque à oxygène et d’un goutte-à-goutte.© Thinkstock

Est-ce le fait d’être endormi pendant l’intervention et de ne pas pouvoir maîtriser la situation ? Ou, pour les plus âgés, le mauvais souvenir de l’éther qu’ils devaient respirer au bloc opératoire ? Ou encore ces histoires d’accidents d’anesthésie qui circulent tou-

jours, bien qu’elles soient d’un autre temps ? Quoi qu’il en soit, toutes les enquêtes d’opinion le montrent: l’anesthé-sie générale suscite de nombreuses craintes. Pourtant le risque, s’il n’est pas nul, est devenu très faible. Pratiqué aujourd’hui par des spécialistes ayant suivi une longue for-mation, cet acte médical «est devenu extrêmement sûr», souligne Patrick Schoettker, responsable de l’Anesthésie neurochirurgicale, ORL et Urgences au Service d’anesthé-siologie du CHUV et privat-docent à l’UNIL.

L’anesthésie générale, qui s’impose notamment dans certains cas de chirurgie ouverte, a pour objectif d’éviter au patient de ressentir de la douleur pendant l’interven-tion, de l’endormir et de relâcher ses muscles afin de per-mettre au chirurgien de travailler. Il revient donc à l’anes-thésiste de mener à bien ces trois tâches, mais aussi, en cas de besoin, «de faire de la réanimation», rappelle le spé-cialiste du CHUV.

Un calmant avant l’anesthésieDans la pratique, tout commence quelques jours avant l’opé-ration, par la visite pré-anesthésique. «C’est à ce moment-là que nous établissons une stratégie en fonction de l’in-tervention prévue et de l’histoire médicale personnelle

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Le Service d’anesthésiologie du CHUVwww.chuv.ch/anesthesiologie

MÉDECINE

du patient», explique Patrick Schoettker. Ces rencontres préalables, aujourd’hui systématiques, ont largement contri-bué à augmenter la sécurité de l’anesthésie.

Arrive le jour J. Avant l’intervention, «nous adminis-trons au patient un médicament qui le détend», précise le privat-docent. Cette pré-médication diminue son anxiété, mais «elle potentialise aussi les effets des médicaments qui seront administrés par la suite».

Le patient sous étroite surveillanceUne fois transférée en salle d’opération, la personne est équi-pée d’appareils qui permettront à l’anesthésiste de surveiller son état physiologique durant l’intervention. Les «standards minimaux de sécurité» imposent maintenant d’utiliser «un capteur de saturation de l’oxygène, qui mesure, à chaque battement du cœur, la quantité d’oxygène dans le sang; un appareil enregistrant l’électrocardiogramme qui permet de contrôler l’activité cardiaque et un dispositif qui mesure régulièrement la tension artérielle». Il est aussi possible, en collant des électrodes sur sa boîte crânienne, «de connaître la profondeur du sommeil du patient afin d’adapter le dosage des médicaments».

Hypnotiques, analgésiques et curaresL’anesthésie proprement dite commence par la pose d’un masque à oxygène et l’insertion d’un goutte-à-goutte qui servira à administrer les médicaments. Il s’agit de pro-duits hypnotiques, comme le Propofol, qui plongent l’indi-vidu dans un sommeil profond et d’analgésiques puissants (des opiacés, dérivés de l’opium) qui suppriment la douleur. Mais aussi de curares, «ces produits que les Indiens d’Amé-rique mettaient au bout de leurs flèches, commente Patrick Schoettker. Ils provoquent une paralysie qui permet au chirurgien d’opérer sur un patient restant immobile pen-dant l’intervention.»

Les médicaments provoquent un arrêt de la respirationCes trois familles de médicaments ont pour effet d’entraî-ner un arrêt de la respiration. «C’est d’ailleurs l’un d’eux, le Propofol, qui a provoqué la mort de Michael Jackson, rap-pelle le médecin-anesthésiste. Le chanteur en a pris pour dormir, mais il en a consommé un peu trop et il a cessé de respirer. Et il n’y avait pas d’anesthésiste à côté de lui!» Il est donc nécessaire de ventiler artificiellement les patients, en les intubant, c’est-à-dire «en introduisant dans leur tra-chée un tube qui est connecté à un ventilateur».

Un patient qui reste réveillé, alors que le chirurgien l’opère à cerveau ouvert! L’intervention aurait paru inimaginable il y a encore quelques années. Mais aujourd’hui, la mise sur le marché de nouveaux médica-ments a rendu possible l’anesthésie par «sédation éveillée». Lors de l’ablation de certaines tumeurs cérébrales, il est en effet préférable que le patient reste conscient. C’est en particulier le cas quand la tumeur «est localisée dans l’aire du langage, précise Patrick Schoett-ker, responsable de l’Anesthésie neurochirurgicale, ORL et Urgences au Service d’anesthésiologie du CHUV. Pendant que le neurochirur-gien résèque peu à peu la tumeur, il fait parler le patient afin de vérifier que les zones sensibles sont toujours intactes.» De la même manière, si la masse cancéreuse se trouve dans l’aire du mouvement ou de la

réflexion, il demande au patient de bouger les doigts ou de compter. La sédation éveillée consiste à «endormir les nerfs de la peau tout autour de la boîte crânienne et à injecter par voie intraveineuse un médica-ment anesthésique spécifique, dit “agoniste alpha”, du nom des récep-teurs du cerveau sur lesquels il agit, explique l’anesthésiste. On dose cette substance en fonction de l’effet recherché.» Cette technique peut d’ailleurs être utilisée dans d’autres types d’interventions qui «néces-sitent que le patient soit endormi, mais réveillable en cas de besoin».

Depuis cinq ans, les équipes de Chirurgie du CHUV pratiquent régu-lièrement des opérations sous sédation éveillée. «A ma connaissance, constate Patrick Schoettker, nous avons été les premiers à le faire, en Suisse.» EG

ETRE OPÉRÉ À CERVEAU OUVERT TOUT EN RESTANT CONSCIENT

PATRICK SCHOETTKERResponsable de l’Anes-thésie neurochirurgicale, ORL et Urgences au Ser-vice d’anesthésiologiedu CHUV et privat-docentà l’UNIL.Nicole Chuard © UNIL

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d’azote, qui «est toujours employé, surtout chez les enfants. C’est un antalgique relativement efficace et il est légèrement euphorisant, ce qui peut être utile dans certaines situations.»

On surveille mieux les patientsLe développement de l’imagerie médicale a aussi bouleversé les pratiques des anesthésistes et le confort des patients. «Grâce aux ultrasons par exemple, on peut positionner de petits cathéters en regard de la cicatrice et administrer ainsi des médicaments qui calment la douleur localement. Cette technique peut être plus fine que la péridurale», constate le médecin.

La surveillance des patients durant l’intervention s’est, elle aussi, considérablement améliorée. «Dans les années 70-80, on ne mesurait pas la saturation en oxygène dans les blocs opératoires. Aujourd’hui, c’est obligatoire.» Les progrès technologiques et la miniaturisation aidant, les appareils de mesure de la pression artérielle sont devenus automatiques. «Nous avons même des cathéters qui peuvent être insérés dans certaines artères et qui mesurent la pression à chaque battement du cœur.»

Des effets secondairesCertes, l’anesthésie générale s’accompagne encore parfois d’effets secondaires, les plus fréquents étant les nau-

Le geste est délicat et «il peut présenter un certain danger pour les personnes difficiles à intuber». Pour limiter les risques, le médecin du CHUV élabore actuellement un dis-positif, évoquant un photomaton, qui vise à anticiper les dif-ficultés (lire encadré page 40).

Parfois, il suffit d’endormir quelques nerfsIl n’est en revanche pas forcément nécessaire d’être plongé dans un sommeil profond lorsque l’on subit une opération à la cheville ou à l’œil, par exemple. Dans ce cas, il suf-fit «d’endormir quelques nerfs ou un plexus (endroit où se rejoignent plusieurs racines nerveuses) situés dans la zone qui sera opérée, ou encore la moelle épinière». C’est ce que l’on nomme l’anesthésie loco-régionale, qui consiste à injec-ter un médicament au travers d’un cathéter.

«L’exemple le plus connu est la péridurale proposée aux femmes pendant l’accouchement.» Elle supprime la douleur ou la rend supportable, mais elle n’empêche pas la partu-riente de faire le travail. En outre, «si une césarienne s’im-pose, il suffit d’augmenter la dose du médicament adminis-tré pour lui conférer un effet antalgique puissant», précise Patrick Schoettker.

La péridurale insensibilise le dos et la moelle épinière. C’est aussi le cas de la rachianesthésie, utilisée par exemple pour une intervention au genou. Dans ce cas, le produit anes-thésique injecté dans le liquide céphalorachidien «crée une paralysie pharmacologique réversible». Dans d’autres cir-constances, on peut se contenter d’insensibiliser spécifi-quement un nerf qui innerve la zone opérée.

Les nouveaux médicaments agissent viteLes anesthésies générales et loco-régionales peuvent être combinées. Lors de certaines interventions chirurgicales importantes, «avant d’endormir le patient, on met en place une péridurale qui permet de soulager la douleur durant l’opération, mais aussi pendant les jours suivant son réveil».

Les anesthésistes du CHUV, qui sont pionniers en ce domaine, ont aussi recours depuis quelques années à un nouveau type d’anesthésie, «par sédation éveillée», qui per-met d’opérer à cerveau ouvert des patients qui sont éveillés (lire encadré page 38).

Cette nouvelle méthode a pu voir le jour grâce aux progrès réalisés dans le domaine des médicaments anesthésiques. Aujourd’hui, «ils agissent vite et s’éliminent vite». En outre, la palette des produits disponibles s’est diversifiée. Rien que dans le domaine des curares, «nous avons maintenant le choix entre sept types de substances qui permettent de paralyser les muscles en fonction des besoins de la chirur-gie». Ce qui fait dire à Patrick Schoettker que «les anesthé-sistes sont devenus des pharmacologues ambulants» (ils interviennent en effet dans de multiples lieux, des services de soins intensifs aux urgences, en passant par les hélicop-tères). Certains «anciens» anesthésiques restent cependant toujours utilisés. C’est le cas du gaz hilarant, le protoxyde

BLOC OPÉRATOIREL’anesthésiste surveille l’état physiologiquedu patient pendant l’in-tervention. Ici, au niveau 05 du CHUV. © Patrick Dutoit, CEMCAV-CHUV

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RISQUEON COMPTE MOINS D’UN DÉCÈS POUR 500 000 PERSONNES ANESTHÉSIÉES.

sées et les vomissements. «On sait que certains médi-caments sont plus susceptibles que d’autres de provoquer ces symptômes, précise Patrick Schoettker. On choisit donc les substances en fonction du patient et de l’acte chirurgi-cal qu’il va subir.»

Les médicaments administrés peuvent aussi provoquer des réactions allergiques pouvant être graves. C’est ce qui est arrivé à l’ancien ministre français Jean-Pierre Chevè-nement, qui s’est trouvé plongé dans le coma pendant huit jours à la suite d’une réaction allergique sévère lors d’une anesthésie. Certaines personnes peuvent par ailleurs faire une hyperthermie maligne, forte élévation de la tempéra-ture qui peut engager leur pronostic vital. «C’est l’une des complications les plus graves de l’anesthésie, mais elle est extrêmement rare.» Quant à l’intubation, elle peut engen-drer des maux de gorge.

L’anesthésie loco-régionale n’est pas exempte d’effets indésirables. On peut en effet ressentir des décharges élec-triques au moment où l’anesthésiste cherche à localiser un nerf. Par ailleurs, la rachianesthésie peut, elle aussi, engen-drer – mais par des mécanismes différents – des nausées et vomissements.

De fausses accusationsL’anesthésie n’est donc pas anodine, mais Patrick Schoett-ker tient à la blanchir de certains maux dont elle est accu-sée et qui selon lui relèvent du mythe. Tels ces troubles de la mémoire dont l’anesthésie générale serait exclusivement responsable. «L’anesthésie générale peut, éventuellement, jouer un rôle minime, mais dans la mesure où il se pratique dans le monde entre 80 et 100 millions d’anesthésies par an, il suffit qu’une personne perde la mémoire pour que tout le monde en parle.»

La péridurale est, elle aussi, pointée du doigt, car elle laisserait certaines femmes paralysées. Une assertion que le médecin du CHUV réfute: «Même si, théoriquement, tout est possible, c’est peut-être arrivé il y a cinquante ans, mais plus maintenant.»

Mortalité divisée par dixD’une manière générale, si les patients craignent l’anes-thésie, «c’est surtout parce qu’ils ont en tête des accidents survenus il y a plusieurs décennies». Or, cette discipline médicale est récente – elle n’a commencé à faire l’objet d’une spécialisation dans le monde que dans les années 50. Depuis, elle a pris son essor et elle a «autant évolué que l’aviation». La mortalité qui lui est directement impu-table «a été divisée par dix au cours de ces vingt dernières années et l’on compte actuellement environ 1 décès pour 500 000 personnes anesthésiées; peut-être même moins». Il n’y a donc pas plus de raison de redouter l’anesthésie que d’avoir peur de prendre le volant. Quoi qu’il en soit, conclut Patrick Schoettker, «il n’y a pas de chirurgie pos-sible sans anesthésie».

MÉDECINE

L’intubation, qui permet au patient de respirer durant l’intervention chirurgicale, est un acte délicat. «Son échec est la principale cause de la mortalité liée à l’anesthésie», souligne Patrick Schoettker, responsable de l’Anesthésie neurochirurgicale, ORL et Urgences au Service d’anesthésiologie du CHUV. L’introduc-tion d’un tube dans la trachée peut en effet poser pro-blème chez certains individus ayant des caractéris-tiques anatomiques ou morphologiques particulières (comme un larynx très antérieur ou une grosse épi-glotte) qu’il n’est pas toujours aisé de repérer lors de la visite pré-anesthésique.

Pour anticiper les difficultés et réduire les risques, Patrick Schoettker, en collaboration avec ses collègues de l’Hôpital de Morges, des chercheurs de l’EPFL et la start-up nViso, a élaboré un système astucieux qui uti-lise des technologies de reconnaissance faciale per-mettant de détecter automatiquement chez les patients des signes suspects d’intubation difficile.

Le médecin du CHUV a qualifié ce dispositif de «Photomaton». Le terme est bien choisi, car le procédé consiste à prendre une série de photos du patient – immobile, la bouche ouverte puis la langue tirée. Les images sont ensuite traitées par un logiciel qui mesure plus de 170 points spécifiques du visage. «Il nous per-met de faire un portrait-robot du patient en nous indi-quant, de manière statistique, si son cas sera difficile, facile, ou entre les deux.»

La plus grande base de données au mondeActuellement, 4000 patients sont déjà passés dans ce photomaton, ce qui a permis au CHUV de constituer «la plus grande base de données de ce type au monde, selon le médecin-anesthésiste. Nous continuons à l’ali-menter, car plus nous aurons d’images, plus les résul-tats de la méthode seront précis.»

Il ne s’agit encore que d’un protocole de recherche, mais quelques patients du CHUV en ont déjà bénéfi-cié. «Nous modifions notre pratique d’anesthésie en fonction du résultat fourni par la machine», précise Patrick Schoettker.

Les médecins du CHUV cherchent maintenant des fonds pour pouvoir recueillir des images «en Europe et même ailleurs dans le monde». Plus tard, ils espèrent commercialiser leur photomaton, afin de rendre cette technique «accessible au plus grand nombre possible de patients». EG

UN «PHOTOMATON»POUR RÉDUIRE LES RISQUESDE L’INTUBATION

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 41

L’an passé, en moyenne, chaque Suisse s’est passé de courant pendant 22 mi-nutes seulement. De fait, les coupures sont si rares que notre approvisionnement en

électricité semble aller de soi. Ce der-nier ne fait pas l’objet de discussions enflammées à l’heure du café. Les faibles prix du kilowattheure et du pétrole contribuent à cette torpeur… provisoire.

En 2011, le Parlement a décidé d’une sortie du nucléaire – sans fixer de délai. La mise hors-service de nos cinq réacteurs «va se tra-duire par un déficit important dans notre production nationale d’électri-cité : plus du tiers de notre consom-mation électrique actuelle», peut-on lire dans un ouvrage publié aux PPUR. Concocté par François Vuille et Daniel Favrat (Centre de l’énergie de l’EPFL), ainsi que par Suren Erkman (Faculté des géosciences et de l’environnement de l’UNIL), Com-prendre la transition énergétique s’avère très utile.

Chapitré en 100 questions (et au-tant de réponses vérifiées par des ex-perts), ce livre ne requiert d’avoir as-similé qu’une seule notion de base: le térawattheure (soit 1 milliard de kilowattheures). Notre pays en dé-vore 250 par an (dont 24 % sous forme d’électricité).

Riche en infographies, le texte se lit en sautant d’un chapitre à l’autre, de manière libre. On bondit ainsi de l’avenir des barrages au potentiel du solaire, en passant par les Etats

sources de notre pétrole brut (34 % provient de Libye et 30 % du Kazakhs-tan). Même si les auteurs ne jouent jamais les Cassandre, «combien de temps la Suisse pourrait-elle tenir sans importer d’énergie ?», ne rassure pas tellement. «4,5 mois sans impor-ter de produits pétroliers et de gaz naturel, et seulement 1 à 3 semaines en hiver sans importer d’électricité.» Plus près de la vie quotidienne, les économies réalisables grâce au stan-dard Minergie, l’intérêt des bâtiments autonomes ou la pertinence de l’achat d’une voiture électrique font égale-ment partie des questions traitées.

S’ils ne sont pas devenus incol-lables après la lecture de Comprendre la transition énergétique, les curieux peuvent approfondir leurs connais-sances et tester différentes straté-gies possibles pour l’avenir grâce à la plateforme d’information Swiss- Energyscope (www.energyscope.ch), où un cours en ligne (courtes sessions de 12 minutes chacune) est même

à leur disposition. Une version plus complète des réponses s’y trouve.

Au-delà des aspects techniques, «la difficulté des enjeux énergétiques réside dans leur instrumentalisation et leur politisation, explique Suren Erkman, professeur d’Ecologie in-dustrielle. Dans ce contexte baigné par les idéologies, produire un ou-vrage factuel sur la durabilité devient presque subversif» ! C’est pourtant exactement l’ambition des auteurs. Ces derniers souhaitent aussi que leur ouvrage fournisse des informa-tions fiables non seulement aux par-lementaires et décideurs amenés à traiter de la transition énergétique, mais également aux citoyens. Ces derniers vont certainement devoir s’exprimer sur ce thème dans les pro-chaines années.

Car la Suisse a une équation com-pliquée à résoudre. Le pays va de-voir remplacer cinq réacteurs nu-cléaires et réduire sa dépendance aux combustibles fossiles étrangers tout en maintenant, voire en amélio-rant le niveau de vie des habitants. «Il est difficile de placer la barre plus haut», relève Suren Erkman. Com-prendre la transition énergétique évite le double écueil du catastrophisme et de la foi béate en la technologie. Mais ses auteurs relèvent que «plus nous tarderons à nous décider sur la voie à suivre, moins nous aurons d’options parmi les-quelles nous pourrons choi-sir». L’information consti-tue une étape nécessaire sur ce chemin. DS

« « COMPRENDRE LA 

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE. 100 QUESTIONS BRÛLANTES, 100 RÉPONSES LA TÊTE FROIDE. Par François Vuille, Daniel Favrat, Suren Erkman. Presses polytechniques et universitaires romandes (2015), 224 p.

CENT RÉPONSES QUI ÉCLAIRENTLE DÉBAT SUR L’ÉNERGIEUn ouvrage factuel et clair consacré à la transition énergétique en Suisse vient de paraître. Destiné au grand public, il fournit les bases nécessaires pour comprendre des enjeux d’avenir.

LIVRE

LEIBSTADT (AG) Mis en service en 1984, ce réacteur est apte à fonctionner 60 ans, soit jusqu’en 2044. Le peuple pourrait être amené à voter à ce sujet.© Reuters/Michael Buholzer

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RELIGION

Dans sa thèse primée à l’UNIL, la théologienne Christine Prieto s’est intéressée à la figure de Jésus guérisseur, et à ses liens avec les différentes pratiques thérapeutiques en cours dans l’Antiquité, entre guérisons magiques du monde assyro-babylonien et médecine grecque des plus rationnelles. Un parcours aussi foisonnant que riche en enseignements divers. TEXTE ANNE-SYLVIE SPRENGER

Que sait-on véritablement des miracles de Jésus ? Est-il certain qu’on ne puisse les expliquer de manière rationnelle ? Et s’ils n’étaient que la continuité de pratiques thérapeutiques tradi-tionnelles ? C’est avec ces interrogations que la

chercheuse Christine Prieto s’est lancée dans sa thèse de doctorat, défendue à l’UNIL (où elle a reçu le Prix Paul

Chapuis-Secrétan en 2013) et désormais publiée aux Edi-tions Labor et Fides sous le titre: Jésus thérapeute. Quels rapports entre ses miracles et la médecine antique ?

Se concentrant sur les miracles de guérison rapportés dans l’Evangile de Luc, la théologienne a souhaité ainsi les confronter tour à tour aux différentes pratiques de l’Antiquité, qu’il s’agisse du monde juif, égyptien, méso-

L’ENQUÊTE SUR LES

MIRACLES42 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 43

RÉSURRECTIONÀ NAÏNCe miracle inscrit Jésus dans la continuité du prophète Elie. Peinture d’Antonio Pellegrini (1675-1741), à l’Eglise Santa Maria del Giglio de Venise.© akg-images / Cameraphoto

potamien ou encore gréco-romain. L’enjeu étant de pou-voir identifier clairement les emprunts à l’une ou l’autre de ces thérapies antiques. Et vérifier s’il y avait bien là, dans ces miracles de Jésus, une part résolument singu-lière, et donc exceptionnelle. Enquête donc, au cœur du mystère entourant ces miracles thérapeutiques.

Quand médecine et magie cohabitaientQu’en était-il des pratiques thérapeutiques, justement, à l’époque de Jésus Christ ? Que sait-on de ces médecines antiques ? «La médecine contemporaine à Jésus est extrê-mement variée», répond Christine Prieto.«D’un côté, dans

le monde gréco-romain, on trouve une médecine empi-rique et rationnelle, proche dans ses principes de celle que nous connaissons dans nos sociétés occidentales, et de l’autre, il y avait une médecine de type magique et religieuse dans le monde sémitique.»

A l’époque, cependant, la frontière entre médecine et magie n’est pas aussi nette que celle que l’on connaît aujourd’hui: «Il y a aussi des pratiques magiques et reli-gieuses dans le monde gréco-romain, ainsi que de l’em-pirique dans les mondes sémitique, assyro-babylonien et égyptien», poursuit la désormais docteure en Théolo-gie de l’UNIL.

L’ENQUÊTE SUR LES

MIRACLES DE JÉSUSAllez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 43

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44 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

«Toutes les approches se croisent partout, en fait, mais n’ont pas toujours le même statut social. Le malade, cher-chant à être guéri à tout prix, n’hésitait pas à passer du rationnel au magique selon ses besoins. Il y avait bien entendu de gros enjeux financiers qui faisaient que chaque praticien – médecin, prêtre ou magicien – cherchait à s’im-planter dans la cité et à se crédibiliser. Mais l’Etat et les intellectuels n’avaient pas toujours cette vision positive de la cohabitation. Ainsi la magie était très mal vue en Grèce et à Rome – tout en ayant sa clientèle!»

Soigner en chassant les démonsEn comparant le large éventail des pratiques thérapeu-tiques proposées dans l’Antiquité, la chercheuse de l’UNIL conclut que «c’est à la médecine religieuse ou magique du monde sémitique ou assyro-babylonien que se rapprochent le plus les miracles de Jésus».En effet, comme dans ces tra-ditions, la guérison est alors toujours soumise à l’action de forces surnaturelles.

Dans ces territoires mésopotamiens, où confluent des cultures aussi bien sumérienne, babylonienne, assyrienne que néobabylonienne, «la médecine était aux mains des prêtres-médecins, les ashipu», écrit la chercheuse, «qui

bâtirent la pensée thérapeutique sur l’idée d’omniprésence des démons et sur la nécessité de les chasser pour obtenir le retour de la santé et la réconciliation du malade avec les dieux».

Jésus, exorcisteDe son côté, «Jésus pratique régulièrement l’exorcisme pour traiter des affections diverses qui vont de la fièvre à la folie “frénétique” ou à l’épilepsie et même au mutisme». A ce titre, le miracle du possédé de Gérasa est le cas le plus représen-tatif: «Luc nous présente un cas de guérison par exorcisme de démons et de transfert de ceux-ci dans des animaux que l’on chasse au loin, ce qui est un procédé très courant en Assyro-Babylonie», précise la théologienne.

Dans ce miracle, qui ne saurait être la retranscription exacte d’un rituel mésopotamien, «nous retrouvons néan-moins ces éléments fondamentaux: la parole d’autorité qui oblige le démon à décliner son identité, puis qui fait pas-ser le mal démoniaque dans des animaux; la ressemblance entre l’identité des démons et les animaux choisis pour les recevoir; la disparition des démons dans un lieu désertique en emportant le mal; l’homme libéré et guéri et réconcilié avec Dieu», analyse encore Christine Pietro.

Jésus était-il un médecin babylonien ?Jésus agirait-il alors seulement comme les ashipu de l’Anti-quité ? Ses miracles ne feraient-ils dès lors pas que repro-duire un mode de thérapie qui était devenu familier aux Juifs à la faveur des invasions et déportations assyrienne et babylonienne ? Non, répond la chercheuse, qui évoque trois principales différences dans la pratique christique. Tout d’abord, «ce qui est nouveau est bien sûr le pouvoir irrésistible de Jésus: aucune pathologie, aucun démon ne lui résiste. Il est bien au-dessus de tout médecin, ou mage, ou exorciste contemporains, et du coup, les ressemblances semblent faibles, comparées à sa thérapeutique sans faille et instantanée.»

Deuxièmement, «Jésus agit par sa propre autorité sans invoquer un dieu (qu’il devrait supplier pour être exaucé), écrit la théologienne, en prenant soin de rattacher le pro-dige au Dieu d’Israël. Le positionnement est donc différent: Jésus agit pour et par Dieu, mais il est en position de force face aux démons.»

Le péché ne rend pas maladeCe qui diffère également grandement, et ne saurait être négligé, insiste la chercheuse, «c’est le refus du système péché-punition-maladie», tel que se le représentait le monde juif et babylonien. «Chez Luc, la maladie est clairement détachée du péché», garantit l’auteure, qui poursuit: «La maladie est une des manifestations du pouvoir de Satan sur Terre, et Jésus vient renverser ce pouvoir pour établir le Royaume de Dieu. Tout naturellement, il guérit donc des maladies et exorcise. Ce qui ne veut pas dire que l’homme

RELIGION

LA FILLEDE JAÏRUSCette résurrection est représentative de Jésus médecin, capable de dialoguer avec la famille, de contenir une foule et d’être en empathie. Gravure tirée de la Bible illustrée par Gustave Doré (1832-1883).© Fototeca/Leemage

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soit sans péché et n’ait pas besoin de guérison à ce niveau-là. L’enseignement de Jésus permet à l’homme de revenir vers Dieu, mais il le fait dans un corps sain. Jésus a le souci de guérir l’homme dans toutes ses dimensions.»

Autre point important à souligner encore pour la théolo-gienne, la gratuité du don de ces guérisons: «Contrairement à ce qu’on pense souvent, la foi du malade est loin d’être présente dans tous les récits, car Jésus agit, guérit aussi par pure bienveillance. Mais lorsque la foi est présente, elle permet d’accéder à un domaine supérieur à celui de la guérison: le salut. L’homme va au bout du parcours lorsqu’il n’est pas seulement guéri physiquement mais aussi sauvé. Le récit des dix lépreux en Luc 17 en est représentatif: 10 sont guéris mais un seul est sauvé.»

Chez les Juifs, Dieu est le vrai médecinLa pratique thérapeutique de Jésus s’attache également à la tradition juive, nous apprend encore Christine Pietro. «Si l’on ne peut pas vraiment parler d’une médecine juive au Ier siècle, un trait fondamental reste de se tourner vers Dieu comme le vrai médecin, ce qui concerne alors tous les miracles. La résurrection du garçon à Naïn est d’ail-leurs dans la droite ligne d’un miracle proche accompli

par Elie (I Rois 17) et inscrit alors Jésus dans la continuité de ce prophète.»

Mais là encore, la position de Jésus diffère en ce qui concerne la conception selon laquelle la maladie est une sanction divine du péché. Le Jésus tel qu’il apparaît chez Luc, écrit l’auteure, «n’est pas pris dans l’ambiguïté entre un Dieu qui fait du bien et un Dieu qui punit. Jésus agit au nom de Dieu, et il repousse les maladies et les démons pour faire avancer le règne de Dieu.» Si la guérison appartient bien à Dieu, «jamais les démons ne sont présentés comme les adjuvants exécuteurs des décrets de Dieu».

L’originalité de Jésus: il touche les impursAutre prise de distance avec le judaïsme, la recherche de proximité qu’opère Jésus vis-à-vis des malades les plus sévères, tels que les lépreux ou les épileptiques. «Au lieu de s’en détourner avec effroi ou de les estimer incurables, Jésus les affronte sans reculer», analyse alors la doctorante. «De surcroît, il touche les lépreux, ce qui dans le judaïsme est une aberration.» Et de conclure en ce qui concerne la comparaison avec la tradition juive: «Les œuvres de Jésus renversent les barrières du judaïsme qui cloisonnent les maladies: Jésus touche les impurs (lépreux, femmes,

LE POSSÉDÉDE GÉRASACette guérison parexorcisme de démons était un procédé très courant en Assyro-Babylonie. Détail du plafond peint de l’église Saint-Martin de Zillis (GR), vers 1130-1140.© Yvan Travert / akg-images

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RELIGION

morts); il guérit tous les jours, il ne lie pas les mala-dies aux péchés, les traitant toutes sur le même plan (soit contraires au désir de Dieu pour l’homme); ses bienfaits peuvent s’adresser ponctuellement à des païens. L’ensemble de ces modalités veut montrer que Jésus amène le Royaume de Dieu, qui passe par une lutte sans merci contre Satan: tout temps, tout lieu et tout moyen sont bons pour lui faire la guerre.» Et si la gloire revient également toujours à Dieu, c’est bien Jésus lui-même qui donne la guérison et le soula-gement, en tant que son envoyé.

Jésus et les médecins hippocratiquesSi les guérisons de Jésus s’inscrivent dans la continuité des prophètes et autres mages guérisseurs de l’Antiquité, l’étude révèle que le comportement de Jésus, tel qu’il est décrit en tout cas dans l’Evangile de Luc, s’apparente en de nombreux points à la déontologie gréco-romaine en la matière. Enten-dons-nous: il ne s’agit là pas de suggérer que le personnage de Jésus aurait lui-même emprunté au médecin hippocra-tique, cela n’aurait pas de sens au vu de l’absence complète de référence de Luc au corps médical. Christine Prieto avance cependant l’hypothèse que Luc aurait «écrit ses récits en y insérant des éléments qui évoqueraient la culture grecque», le but étant de «construire des ponts entre les récits palesti-niens de miracles et ses lecteurs du monde gréco-romain».Pour la théologienne, «Luc a le souci d’écrire “une vie de

Jésus” qui soit compréhensible pour des lecteurs issus de cet univers culturel. Cette préoccupation se répercute sur la manière dont il le raconte, et dont il présente le personnage de Jésus comme guérisseur. Il ne peut écrire de la même façon pour des Grecs cultivés que pour des Juifs palesti-niens familiers du monde surnaturel de l’Ancien Testament.»

Empathique comme un médecin gréco-romainLe miracle le plus représentatif sur ce point est celui de la résurrection de la fille de Jaïrus. «Si le procédé reste sur-naturel, donc pas médical comme nous l’entendons, le récit appuie davantage la figure même du médecin, dans son atti-tude, sa déontologie, sa manière d’établir un dialogue avec la famille, de contenir la foule, d’être en empathie», relève la chercheuse. «Ce sont des points ténus, mais qui à mon avis peuvent produire un écho dans l’esprit du lecteur grec ou romain, en rappelant des qualités qu’il attend lui-même de son praticien. La déontologie médicale est un trait fon-damental de la médecine hippocratique, très souligné en Grèce et à Rome.»

Bien sûr, Jésus ne cherche pas à expliquer les mala-dies, leurs causes et leurs conséquences. Il n’examine pas, n’ausculte pas, n’interroge pas. Il ne prescrit ni remède ni ne pratique la chirurgie. Pourtant, la pratique de Jésus en tant que thérapeute s’apparente au bon médecin, qui calme les angoisses des proches et sait maîtriser une foule agi-tée et bruyante.

Mais d’autres différences persistent là encore, comme sa prise en charge même des pathologies les plus graves et incurables, là où les médecins préfèrent opter pour la pru-dence, afin de protéger à la fois leur réputation et clientèle. De plus, Jésus ne se fait jamais payer, et donc sa pratique ne peut être considérée comme un travail qui mérite un salaire. Les guérisons de Jésus sont toujours des dons, qui n’exigent ni argent ni foi, comme nous l’avons déjà écrit plus haut.

L’originalité du Jésus soignantQu’est-ce que cela nous dit finalement du personnage de Jésus et de ses miracles ? «Pour Luc», répond la théologienne, «le pouvoir miraculeux de Jésus s’inscrit dans la venue du Royaume de Dieu et la défaite de Satan, il est lié à l’ensei-gnement de Jésus, comme les deux facettes d’une même pièce. C’est sous cet angle qu’il faut l’appréhender: Dieu a donné à Jésus une autorité et une puissance, qui lui per-mettent d’accomplir ces miracles, signes de l’établissement en cours du Royaume.»

Par ailleurs, il n’est pas inutile de relever que «l’impor-tance en nombre de ces récits de guérisons montre que Jésus est le guérisseur des corps souffrants et pas seule-ment des âmes: l’être humain forme un tout, et le corps souffrant est constamment pris en compte. C’est une théo-logie très incarnée.» A mille lieues donc de l’idée erronée et largement répandue que le corps serait le pire ennemi de Dieu et de ses fidèles.

JÉSUS THÉRAPEUTE. QUELS RAPPORTS ENTRE SES MIRACLES ET LA MÉDECINE ANTIQUE ? De Christine Prieto. Ed. Labor et Fides (2015), 640 p.

CHRISTINE PRIETOChercheuse,théologienne.© Eric Courtet

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Petite appréhension avant de rencontrer Pascal Couche-pin, ancien conseiller fédé-ral, par deux fois élu pré-sident de la Confédération.

Pourtant, après un repas pris au restaurant de Dorigny, il reçoit avec un large sourire et une poignée de main franche. «C’est vous ? J’arrive dans un instant.» Le temps de clore la discussion avec ses compagnons de tablée.

Ce n’est toutefois pas le politique qu’on interroge, mais l’étudiant. Car l’homme de 73 ans, la stature haute, en costume, connaît l’UNIL, et même très bien. Surtout l’Ancienne Acadé-mie, où il obtient en 1967 sa licence en Droit. «J’étais intéressé par les problèmes de société, notamment les problèmes politiques. Le Droit me paraissait être une voie qui me permettait de m’épanouir dans ce domaine.» Pour mener sa carrière d’étudiant à bien, il privilégie donc le protestantisme de Lausanne à Fri-bourg ou Genève. «Lausanne, parce que dans la tradition familiale catho-lique et valaisanne, on faisait le collège secondaire. En-suite, il fallait connaître l’autre partie de la Suisse», ex-plique-t-il. Pascal Couchepin pose donc ses valises dans une chambre rue du Valentin, au cœur de la capitale vau-doise «réputée pour ses études juridiques.»

En parallèle de ses études en Droit, Pascal Couche-pin s’inscrit en Science politique «encore embryon-naire à Lausanne, comme partout en Suisse». Mais peu convaincu par la discipline et pour vivre agréablement, il la laisse de côté et trouve un emploi. «La première an-née, j’ai essayé de vivre avec 5 francs par jour. De temps en temps, j’avais réellement faim. J’amenais des pots de

confiture de la maison, mais je trou-vais que la vie était quand même un peu austère», livre-t-il. Il y remé-die par le service militaire et par un poste à temps partiel au Service des actualités internationales de la Ra-dio romande, qui lui rapporte 700 francs par mois. «C’était Bonanza pour l’époque», se souvient Pascal Couchepin avec enthousiasme.

Valaisan d’origine et de cœur, il rentre tous les week-ends chez lui, à Martigny. Une habitude qu’il a conservée longtemps après. «Avec mes camarades, nous rentrions à 5 h du matin s’il le fallait, mais on dormait en Valais. Je crois que je n’ai jamais dormi une nuit de samedi à dimanche à Berne lorsque j’étais conseiller fédéral.» Et à Lausanne, il met un point d’honneur à rencon-trer les Vaudois. Pascal Couchepin se rend parfois au Lapin Vert, fief des étudiants valaisans, mais seulement de façon épisodique. Il a pour ambi-tion de bien connaître le canton, ses traditions et ses paysages. Balade à cheval à Echallens, dégustation du

poulet de Félicie, à Morges, avec le futur conseiller d’Etat Philippe Pidoux sont au programme de l’étudiant. «J’ai bien aimé cette période. J’étais très heureux», confie-t-il.

La politique, enfin, Pascal Couchepin la pratique ra-pidement. A l’occasion de rencontres et d’exercices ora-toires qu’il organise le dimanche soir avec plusieurs camarades. Ils échangent des idées et critiquent les pré-sentations des uns et des autres. «J’ai toujours été pas-sionné par ce que pouvait faire une personne pour amé-liorer la société», souligne-t-il. Preuve que son goût pour les rencontres, le débat et les confrontations d’idées ne date pas d’aujourd’hui. DAVID TROTTA

PASCAL COUCHEPINLicence en Droit, mention Droit suisse en 1967. Photographié devant l’Unithèque.© Jean-Christophe Bott / Keystone

La communauté des alumnide l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

PASCAL COUCHEPINÀ LA RENCONTRE DES VAUDOIS

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FEMME FORTEEST (AUSSI) UNEDes best-sellers pour adolescents transformés en films à succès ont popularisé une héroïne d’un genre nouveau: la jeune rebelle, devenue maître de guerre, qui sauve l’univers comme dans «Hunger Games» ou «Divergente». Les temps changeraient-ils? TEXTE VIRGINIE JOBÉ

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KATNISSSymbole de rébellion,le personnage principal de Hunger Gamesutilise souvent la force.© Lionsgate

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POP CULTURE

Avant, la princesse attendait, en haut de son donjon, que son preux chevalier vienne la sauver. Quand elle ne travaillait pas à son métier à tisser jusqu’au retour de son époux parti à la guerre. Mais c’était avant les phénomènes Hunger Games et Divergente.

Ces deux séries de romans destinés aux adolescents sont devenus des best-sellers mondiaux, avant d’être adaptés au cinéma, où ils ont connu un succès encore plus foudroyant (691 millions de dollars de recettes mondiales pour le pre-mier Hunger Games, 275 millions pour Divergente).

Ces deux histoires ont encore pour caractéristique de raconter la geste d’une jeune femme assez habile et détermi-née pour sauver le monde en utilisant (souvent) la force phy-sique. Un rôle qui était, jusqu’alors, très largement mono-polisé par les hommes, et quelques femmes caricaturales. Comme Rambo à sa grande époque, Katniss Everdeen, la star de Hunger Games, peut se révéler très dangereuse avec son arc. Et comme le Neo de Matrix, Tris Prior, la vedette de Divergente, a appris à se servir de ses poings et de ses pieds pour défendre sa vie contre des ennemis.

Katniss, l’archère de Hunger GamesLe succès chez les adolescents de ces personnages aty-piques interpelle forcément quelque part les nombreux cher-cheurs de l’UNIL qui s’intéressent aux questions de genre

comme aux représentations des héros dans les cultures populaires. Ces deux stars new-look incarneraient-elles un nouveau genre ? Témoigneraient-elles d’une évolution dans nos visions des rôles des hommes et des femmes ? Nous l’avons demandé aux experts de l’UNIL, en commençant par la plus célèbre figure de cette nouvelle tribu, Katniss Everdeen, dont le prochain film Hunger Games: la révolte, partie 2, débarque sur les écrans le 18 novembre.

Des femmes à poigne plutôt que poignantesTéméraire, volontaire, parfois désagréable, toujours sincère, réfractaire aux conventions, Katniss Everdeen a l’étoffe des héros. Vainqueure des injustes jeux de la faim, les fameux Hunger Games où les candidats s’affrontent dans un pro-gramme de télévision qui se dispute «à la vie, à la mort», la pauvre gamine du district 12 est devenue le symbole de la rébellion contre un gouvernement tyrannique, dans une Amérique asphyxiée par la télé-réalité.

De son côté, Divergente raconte la saga de l’ado Béatrice «Tris» Prior, qui vit dans une société post-apocalyptique, où les habitants de la planète sont regroupés en factions. Alors qu’elle a grandi dans le groupe humaniste des Altruistes, Tris choisit de poursuivre sa vie dans la faction des Auda-cieux, aux mœurs bien plus guerrières, avant de se battre pour tenter de sauver son peuple.

Ces deux contes initiatiques ont débuté leur parcours au rayon Young Adults des librairies. Mais ces récits de science-fiction ont bien vite quitté les étagères pour ados et adu-lescents pour conquérir le reste de la famille. «Ces récits appartiennent à un type de littérature qui s’est développé sur Internet à travers les “fans fictions”. Des fans, surtout des femmes, écrivent des histoires à partir de films ou de livres connus comme Buffy contre les vampires en dévelop-pant des intrigues plus audacieuses ou minoritaires met-tant au premier plan des personnages secondaires », indique Loïse Bilat, assistante diplômée à la Faculté des sciences sociales et politiques, qui a codirigé avec le professeur Gianni Haver la publication de l’ouvrage collectif Le héros était une femme... (Editions Antipodes, 2011).

En outre, les deux sagas sont écrites par des femmes. Divergente doit tout à une auteure diplômée en écriture créative aux Etats-Unis, «Veronica Roth, qui a été spécifi-quement formée aux exigences de la littérature scénaris-tique et de fiction, celle qui consiste à construire une bonne histoire qui se vend». Comme l’écrivaine Suzanne Collins, diplômée de l’Université d’Indiana, qui écrit des scénarios et des histoires pour des programmes de télévision jeu-nesse depuis les années 90.

Leur recette ? «Défendre un héros maltraité et mal parti au départ – auquel le citoyen lambda aux frustrations ordi-naires peut s’identifier – qui parvient à sauver le monde en le transformant, et donc à prendre sa revanche sur celui-ci», précise Loïse Bilat. Un schéma jusque-là classique chez les héros masculins.

VALÉRIE COSSYProfesseure associéeen Section d’anglais.Nicole Chuard © UNIL

La Section d’anglaiswww.unil.ch/angl

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«De nos jours, on ne peut plus réaliser un film d’aventures avec une héroïne qu’il faut sauver des dragons, souligne Gianni Haver, professeur associé en Histoire des médias à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL. Il est nécessaire de présenter une femme d’action.» Quitte à se ridiculiser lorsqu’il s’agit d’adaptation d’œuvres plus anciennes. Le professeur cite ici l’exemple du film John Car-ter, sorti en 2012, tiré d’un roman publié en épisodes dans un Pulp Magazine des années 1910. «A la base, la princesse était là pour se faire sauver par le héros. Ce qui n’est actuel-lement plus envisageable. Les scénaristes ont donc dû adap-ter le scénario. Et cela donne un personnage complètement schizophrène, tantôt perdu et qui crie à l’aide, tantôt capable de sortir son sabre de samouraï et de zigouiller une dizaine d’extraterrestres. Une incohérence qui montre bien que l’on vit une période de transformation.»

Cette mue réjouissait déjà Valérie Cossy, professeure associée en Littérature anglaise à la Faculté des lettres de l’UNIL, et spécialiste des études genre, à la lecture des pre-miers tomes d’Harry Potter, avec le personnage d’Hermione. «La configuration en trio – Harry, Ron et Hermione – qu’a choisie l’auteure J. K. Rowling me paraît très intéressante. Elle permet en effet de sortir de la logique habituelle dans laquelle le lecteur passe son temps à se demander si le héros et l’héroïne sont amoureux, ou non. De plus, Hermione ne vient pas d’une famille de sorciers, contrairement à ses deux camarades, et est beaucoup plus créative qu’eux. Elle paraît être le personnage le plus libre.»

La dose d’héroïnes des adosSi Mrs Rowling avait mis «Hermione Granger» plutôt que «Harry Potter» sur ses couvertures, les libraires auraient rangé ses livres du côté de la littérature des filles. Et les garçons les auraient moins regardés, estime la professeure. Tandis que le «masculin universel» attire les deux sexes. Ce qui explique sûrement les titres Hunger Games, plutôt que «Katniss Everdeen», et Divergent (en version anglaise) au lieu de «Tris Prior»...

Mère de deux ados, fille et garçon, Valérie Cossy constate que la mise en avant d’une héroïne n’est plus ce qui retient l’attention des jeunes aux dépens du reste. «Dans Hunger Games, Katniss est porteuse de ce que les adolescents sont prêts à critiquer dans le déterminisme. Chaque individu est sélectionné, comme à l’école. Et il reste quelque chose d’im-pitoyable dans l’exigence de réussite. D’une part, l’héroïne peut faire bouger le système, avec son potentiel de révolte. D’autre part, elle demeure fragile et elle est récupérée par ce système à son insu. Il s’agit d’une thématique très actuelle qui concerne autant les filles que les garçons.»

La nouveauté ? Les rôles de rebelles, révoltés et autres chasseurs d’injustice au passé sombre et aux origines modestes étaient jusqu’à il y a très peu de temps dévolus uniquement aux hommes. «Un redoublement du stigmate est apparu depuis la publication du Héros était une femme...

en 2011, constate Loïse Bilat. Tout au long du XXe siècle, les femmes héros n’avaient pas besoin d’être plus marginali-sées, impopulaires ou d’avoir un handicap. «On suivait les aventures de femmes bien intégrées dans la société, jolies, riches, telles Wonder Woman, Buffy ou Lara Croft. Rien à voir avec un Rambo nomade mis à l’écart, ajoute la sociologue.

Mais ce schéma a été bouleversé depuis les années 2000 avec, notamment, l’apparition de personnages comme Kat-niss ou Tris (dès 2011). «Etre une femme ne suffit plus à déclencher l’effet de surprise. La divergente Béatrice est affublée d’une robe de bure ignoble et grandit dans une faction pauvre. Elle n’est pas très musclée, doute, ne cor-respond pas aux normes de sa société. Elle représente une sorte de Peter Parker (Spider-Man), le genre de personnage au masculin qui s’est répandu au XXe siècle. Maintenant, les femmes doivent aussi avoir des faiblesses pour remplir les critères de l’héroïcité, comme Scarlett Johansson dans Lucy (2014) de Luc Besson, qui est une blonde naïve carré-ment stupide au début du film, avant de prendre une dimen-sion cosmique.»

Un héros ne vaut pas une héroïneSi l’égalité progresse dans la littérature pour ados comme au cinéma, la bataille n’est pas gagnée pour autant. En effet, comme le signale le sociologue Gianni Haver,

GIANNI HAVERProfesseur associéà l’Institut des sciences sociales.Nicole Chuard © UNIL

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un simple coup d’œil dans le «Grand Robert» témoigne de la différence de perception qu’il y a encore entre la défi-nition d’un héros et d’une héroïne. «Dans le premier cas, on parle de demi-dieu puis d’actes de bravoure. Dans le deu-xième, d’une incroyable capacité à encaisser la souffrance. C’est pour cette raison que, durant notre étude, nous avons préféré employer les termes de héros masculins et de héros féminins pour définir un personnage principal qui réalise des actes extraordinaires en utilisant la violence.»

Pour le professeur de l’UNIL, la féminisation des héros n’est ni nouvelle, ni dénuée d’arrière-pensées. «Dans les comics (les BD américaines montrant des super-héros, ndlr), par exemple, le phénomène a débuté très tôt. On y a imaginé des personnages pour les filles, comme Wonder Woman, qui finissaient par plaire aux garçons, parce qu’ils avaient l’oc-casion de voir une belle fille en short.»

«La corporalité des super-héroïnes de comics reste très importante, ajoute Loïse Bilat. On préserve toujours leur côté esthétique. Alors que Hulk est monstrueux, son alter ego féminin, Miss Hulk (She-Hulk en anglais), demeure superbe en toutes circonstances.»

Et l’on créa une icône: Lara CroftC’est ainsi qu’en 1996, une bombe esthétique a fait explo-ser le marché des jeux vidéo: Lara Croft dans Tomb Raider. Une archéologue britannique à la plastique parfaite, aussi hardie que sexy, experte en fusil à pompe et autres pistolets semi-automatiques. Incarnée par Angelina Jolie au cinéma, elle a marqué toute une génération. «L’éditeur Eidos Interac-tive avait pensé à un héros masculin, avant de changer le genre du personnage au dernier moment, pour faire un coup

d’éclat. Il a donc fallu le réadapter au fur et à mesure. Ses postures notamment. Plutôt que lui faire plier les genoux, on l’a mise à quatre pattes. Cette fétichisation secondaire s’est enrichie tout au long des aventures. Lara Croft a produit un effet tellement remarqué que cela a imposé un tournant dans la production culturelle», se souvient Gianni Haver.

Cependant, de nos jours, on se souvient plus de sa poitrine voluptueuse que de son intelligence affûtée. «Pourrait-elle être archéologue si elle n’avait pas des formes pulpeuses ? s’interroge la professeure Valérie Cossy. La féministe britan-nique Angela McRobbie a étudié la valorisation de la réus-site des mannequins dans les années 90 et a conclu que ce discours était pétri de contradictions et extrêmement culpabilisant pour les femmes. Leur succès n’est pensable et représentable qu’au prix d’un alignement sur des élé-ments conservateurs et traditionnels. On peut être archéo-logue pour autant que l’on possède un corps de top-modèle, ce qui représente une double contrainte problématique. Alors que l’on ne demande pas à un archéologue d’avoir un look de mannequin...» Preuve à l’appui, et anecdote notable, Harrison Ford avait 39 ans lorsqu’il a commencé à jouer Indiana Jones, dont s’inspire Lara Croft. Tandis que l’on a annoncé à Angelina Jolie, au même âge, qu’elle était trop vieille pour revêtir le minishort et le T-shirt moulant de ses débuts d’aventurière.

La talentueuse Miss RipleyA des années-lumière de la bombesque Lara Croft, la lieu-tenant Ripley avait déjà fait figure d’extraterrestre. En effet, dans Alien, dont le premier opus est sorti en 1979, Sigour-ney Weaver avait 30 ans, et elle portait un marcel et une

LT RIPLEYIncarnée par Sigourney Weaver (ici dans Alien en 1979), elle porte des vêtements utilitaires,les mêmes que ceuxdes hommes. Elle se situe aux antipodes de Lara Croft.© 20th Century Fox /

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BEATRIX KIDDOA la fois virtuose du katana et mère, ce per-sonnage incarné parUma Thurman dansKill Bill (2003) joue avecles schémas habituels.© A Band Apart/Miramax/

The Kobal Collection

L’Institut des sciences socialeswww.unil.ch/iss

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tenue neutre comme le reste de l’équipage. «Sa corporalité n’est pas hypersexuée contrairement à Lara Croft, analyse la sociologue Loïse Bilat. Ses vêtements restent utilitaires, alors que, chez la plupart des héros féminins, on accentue la sexualisation pour rassurer le public masculin. Histoire de rappeler qu’elles restent des femmes malgré leur com-portement viril.»

Pourtant, la succession des réalisateurs tout au long de la tétralogie Alien (1979-1997), plus ou moins sensibles au parti pris féministe du scénario de départ, n’a pas per-mis de faire évoluer le personnage vers un renouveau du genre. «Dans Aliens, le retour, réalisé par James Cameron, Ellen Ripley devient une espèce de mère de substitution en s’occupant de la petite Newt. Du coup, cela ramène le per-sonnage à un modèle classique et ancien: une femme qui se bat pour sauver un enfant.»

Le sabre et le biberonIdem pour Beatrix Kiddo, la tueuse Black Mamba de Kill Bill, qui manie très bien le sabre, mais veut surtout retrou-ver son enfant. «En même temps, Quentin Tarantino joue sur les schémas habituels, accorde Gianni Haver. L’actrice Uma Thurman est magnifique et mise en valeur durant tout le film. Cependant, lors de son réveil après quatre ans de coma, le cinéaste insiste de longues minutes sur ses pieds (elle doit chausser du 43) qui ne correspondent pas au cliché d’une héroïne aux jolis petits pieds.» Pour le professeur de l’UNIL, ni la Ripley d’Alien, ni la Lara Croft de Tomb Raider, ni la Beatrix Kiddo de Kill Bill ne sont des premières fois. Mais «ces trois personnages ont créé des figures iconiques et représentent des cassures» dans un cinéma en perpétuel

changement. L’héroïne n’est plus la compagne du héros, mais un personnage principal multiple et complexe, dont la place est sans cesse rediscutée.

«Je vois une guerre des sexes renouvelée dans l’indus-trie culturelle, avec une conversation entre des points de vue misogynes, féministes, masculinistes, etc., relève Loïse Bilat. Un spectacle fascinant rendu possible grâce à la multi-plication des personnages de femmes, notamment dans les séries télévisées. Le héros féminin fait entièrement partie de notre culture maintenant. Toutefois, cela n’annule pas la majorité des productions qui mettent en avant un mâle blanc qui se pose des questions sur sa vie.»

De son côté, la professeure Valérie Cossy remarque un changement énorme des repères depuis cinq à sept ans dans la littérature également. «Les attentes d’égalité aujourd’hui ne sont pas celles que je pouvais avoir. Ce qui laisse augu-rer d’un progrès réel. Mais, tout en admirant ces héroïnes actives, volontaires, je garde une petite méfiance. Elles s’ins-crivent dans un contexte extrêmement individualiste et néo-libéral dans lequel nous vivons. Sous prétexte de cautionner une certaine forme d’égalité, on s’empêche d’aller regarder là où les inégalités existent encore.» Les nouvelles guerrières, Katniss ou Tris, modèles des ados, sont moins attachées à leurs formes qu’à leur mission, imparfaites comme leurs confrères masculins. Mais seront-elles assez fortes pour changer l’avenir du cinéma ? Premier début de réponse le 18 novembre, jour de la sortie en salle de Hunger Games: la révolte, partie 2: les scénaristes se permettront-ils comme dans l’épilogue des romans – ATTENTION SPOILER pour ceux qui ne les ont pas lus !!! – de vieillir de vingt ans l’ac-trice Jennifer Lawrence ?

LARA CROFTNée dans un jeu vidéoen 1996, cette archéo-logue jouée par Angelina Jolie a marqué toute une génération. Ici, dans Tomb Raider, le berceau de la vie (en 2003).© Paramount /

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TRIS PRIORPersonnage central de Insurgent (2015), incarnée par Shailene Woodley, elle possède des faiblesses tout en étant héroïque. Un tournant.© Red Wagon Entertainment

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COMMENTL’UNIL AMORTITLE CHOC

En moyenne, moins de la moitié des étudiants franchissent leur première année de bachelor du premier coup. A quoi cela est-il dû ? Quelles solutions l’UNIL a-t-elle mises en place pour favoriser la réussite des débutants ? Tour d’horizon. TEXTE DAVID SPRING

ENSEIGNEMENT

«Début mars, et je stresse déjà pour mes exa-mens.» Posté sur Twitter par une étudiante de l’UNIL, ce message reflète une préoccu-pation répandue. L’année propédeutique est particulièrement concernée. En effet, 42 % des

débutants la surmontent au premier essai, toutes facultés confondues 1. Si l’on prend en compte les redoublants, tou-tefois, le taux de passage monte à 59 %.

Ces pourcentages sont très comparables à ceux des autres universités suisses. Qu’on les estime inquiétants ou nor-maux, ils ne disent pas grand-chose de l’une des valeurs défendues par l’institution: la réussite. «Notre but ne consiste pas à faire échouer les étudiants en opérant une sélection massive, expose Jacques Lanarès, vice-recteur en charge du dicastère Qualité et Ressources humaines. Nous souhaitons que la majorité d’entre eux acquière

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COMMENT NOUVEAUTÉL’entrée à l’université remet les compteursà zéro.© Ryan Jorgensen / Getty Images

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56 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

ENSEIGNEMENT Réussir à l'UNIL www.unil.ch/reussir

les compétences attendues à la fin de leur cursus.» Des compétences qui permettent de s’insérer dans la société et de participer à son développement. Il s’agit d’une vision large de la réussite, pouvant impliquer une réorientation vers une autre filière, une haute école différente ou le monde professionnel.

Pour que les «étudiants n’échouent pas pour de mau-vaises raisons», selon la formule de Jacques Lanarès, l’UNIL a mis en place un grand nombre de mesures destinées aux débutants. Avant de faire le tour des maux et des remèdes, petit rappel d’une règle : de manière générale, les personnes qui ratent deux fois leurs examens ne peuvent plus se pré-senter à nouveau dans leur filière de formation. Il s’agi-rait alors d’un «échec définitif» dans une filière. Les étu-diants auront le droit de tenter leur chance dans une autre faculté – ou filière dans la même faculté –, une seule fois. Un nouvel échec est considéré comme «académique», ce qui ferme les portes des universités suisses. A l’UNIL, et c’est unique en Suisse, il est possible de se réimmatricu-ler après un délai d’attente de huit ans.

Choc culturelLa première cause d’échec réside dans le changement de monde par rapport au secondaire supérieur. L’université remet les compteurs à zéro. «Son fonctionnement et ses règles ne sont pas les mêmes qu’au gymnase», explique Sophie Gertsch, psychologue au Service d’orientation et car-rières (SOC). Ainsi, entre une salle de classe où se trouvent

20 amis et un auditoire de 500 inconnus, la marge est importante. De manière assez classique, «les étudiants qui avaient de la facilité auparavant n’ont pas forcément déve-loppé leurs méthodes de travail et il arrive qu’ils tombent de haut.» D’autres comprennent «trop tard qu’ils doivent s’adap-ter», remarque Elisabeth Hoffmann, responsable du SOC.

Pour amortir cette transition, le SOC organise deux demi-journées de cours facultatifs, baptisées «A vos marques», pendant la semaine d’accueil qui précède chaque rentrée de septembre. L’organisation de l’institution (services, biblio-thèques, activités culturelles et sportives), ainsi que les stratégies de travail efficaces sont présentées à cette occa-sion. Dans certaines facultés, des programmes de mentorat et de tutorat contribuent également à faciliter l’intégration des nouveaux et l’acquisition de compétences tranversales (lire en p. 58). Le but de ces mesures consiste à faire prendre conscience qu’être étudiant, c’est un métier qui s’apprend.

De la méthodeCe job implique l’acquisition rapide de compétences. Comme par exemple «gérer de grandes quantités de lectures, arti-culer entre elles des connaissances en apparence dispa-rates, synthétiser la matière et rédiger davantage», détaille Jacques Lanarès.

Dès le mois d’octobre, et au printemps, plusieurs ateliers «réussite» sont organisés afin de fournir les outils néces-saires. «Nous travaillons de manière très pratique sur la mémorisation, la prise de notes, les schémas holistiques

ÉLISABETH HOFFMANN, SOPHIE GERTSCH ET SARAH AUGSBURGERResponsable du service, psychologue et chargée de méthodes au Service d’orientation et carrières(SOC). Nicole Chuard © UNIL

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(mind mapping), la gestion du temps et du stress, ainsi que la préparation aux examens», indique Sarah Augsburger, chargée de méthodes au SOC et responsable de ces forma-tions facultatives.

Baromètre hivernalLe semestre file très vite. Moins de quatre mois séparent la rentrée des examens de janvier. Afin de faire le point sur la manière dont les premières années de bachelor vivent leurs semaines initiales dans les auditoires, le SOC et la Fédéra-tion des associations d’étudiant-e-s (FAE) mènent depuis 2006 l’enquête téléphonique annuelle «Comment allez-vous ?» 2 En novembre-décembre 2014, 2538 personnes ont été appelées par une équipe de 20 étudiants confirmés. Le taux de réponse a été de 41 %.

Les entretiens, d’une quinzaine de minutes, font le tour des grandes questions, comme la satisfaction quant à leur choix d’études, le logement, le travail à côté des cours, les soucis rencontrés, etc. «Cette démarche, qui s’inscrit dans nos mesures d’accueil, permet surtout de présenter une fois de plus les ressources disponibles sur le campus», explique Elisabeth Hoffmann. Enfin, les personnes en difficulté repé-rées à cette occasion se voient proposer un rendez-vous avec les psychologues du SOC.

Du temps !«Nous sommes en train de mettre en place les conditions nécessaires pour commencer à réviser demain.» Entendue dans une cafétéria de l’UNIL à quelques jours du début des examens de juin dernier, cette petite phrase est un clas-sique du genre. L’enquête Comment allez-vous ? révèle que la gestion du temps, l’organisation et l’autodiscipline sont des manques récurrents. «Certains estiment que le fait de ne pas avoir de cours se traduit par un moment de congé», sourit Jacques Lanarès.

Pourtant, des parades existent. «Lors des ateliers “Réussite” consacrés à la gestion du temps, je constate que la moitié des étudiants n’ont pas du tout de planning hebdomadaire, ou qu’il n’est pas très clair.» La solution consiste donc à reporter les heures de cours, de travail personnel, de loisirs et à juger de l’équilibre obtenu. Un mot important, relevé par Sophie Gertsch, psychologue au SOC. «L’erreur classique consiste à tout lâcher pour se consacrer uniquement aux études. Or, continuer à faire du sport, maintenir une vie associative, culturelle ou sociale est essentiel pour maintenir sa moti-vation et ses forces sur une longue période.» L’UNIL compte plusieurs athlètes d’élite qui poursuivent avec succès leur carrière sportive et leur cursus en parallèle.

Toutefois, pour de nombreux étudiants, la vie universi-taire implique de quitter sa famille, de prendre sa première colocation – avec ce que cela implique de tâches quotidiennes –, de trouver un emploi à côté des cours pour gagner des sous. D’où un autre risque: celui de déplacer les priorités sur cette nouvelle autonomie et de perdre de vue les études.

Où vais-je ?Le goût pour les études peut représenter un motif plus diffus d’échec. Certains sont poussés par leurs parents vers une discipline qui ne les passionne pas, d’autres font un choix utilitariste dans l’optique d’une profession rêvée. L’entrée à l’UNIL «par défaut» n’est pas idéale non plus. Bref, une mau-vaise orientation décourage. Or, «la motivation est le car-burant qui permet de tenir jusqu’au bout», indique Jacques Lanarès. Il est donc important de réagir tôt si l’on se sent mal à l’aise. Le changement de faculté est possible facile-ment jusqu’à la fin septembre. Plusieurs centaines de ces passages ont d’ailleurs lieu chaque année.

«Le mode d’enseignement peut dérouter», explique Eli-sabeth Hoffmann. Il y a bien sûr les auditoires pleins dans lesquels seuls les plus courageux osent poser des ques-tions. Mais également le fait que «les professeurs sont des spécialistes de leur domaine de recherche, relève Jacques Lanarès. Certains d’entre eux sous-estiment la densité des concepts nouveaux qu’ils exposent à un rythme soutenu, car ils leur semblent naturels.» Il n’est de loin pas suffi-sant de simplement écouter l’enseignant et de prendre des notes : lire les ouvrages conseillés est nécessaire. Ensuite, le niveau d’abstraction de certains cours ne plaît pas à tout le monde. Puisqu’apprendre, «c’est comprendre de nou-velles notions et les relier à ce que l’on connaît», certains étudiants ont l’impression que le contenu enseigné échappe à leurs préoccupations immédiates. L’élaboration progres-sive d’un projet d’études, puis professionnel viendra amé-liorer les perspectives.

Montée d’adrénalineLes premiers examens ayant lieu en janvier, la fébrilité gagne les auditoires vers la fin de l’année. S’il est anormal de ne pas ressentir de stress à cette occasion, son accu-

Découvrir l’UNIL : comment fonctionne l’institution ? Qui sont les personnes de références dans la faculté ? Où se trouvent les salles de cours ? Que proposent les services aux étudiants ? Comment fonctionnent les bibliothèques ?

Apprendre le métier d’étudiant : faire le point sur ses méthodes de travail (prise de notes, mémorisation, lecture, rédaction).

Gérer son temps : un agenda hebdomadaire et une planification annuelle des échéances aident à ne pas se faire dépasser.

Se mettre au travail : mettre les notes au propre et les compléter juste après les cours contribue à se couler dans un rythme régulier.

Participer à la vie du campus : il existe de nombreuses possibilités de faire du sport et de participer à la vie associative et culturelle. Autant de moyens de rencon-trer d’autres personnes.

Développer un projet de formation ou professionnel : c’est un bon moyen de maintenir sa motivation sur le temps.

QUELQUES CONSEILS

«L’ERREUR CLASSIQUE CONSISTEÀ TOUT LÂCHER POUR SE CONSACRER UNIQUEMENTAUX ÉTUDES.» SOPHIE GERTSCH, PSYCHOLOGUE

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58 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne58 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

ENSEIGNEMENT Accueil santéwww.unil.ch/accueilsante

mulation peut déboucher sur des crises de panique. Pour éviter cela, il faut bien entendu réviser à temps et ne pas se laisser déborder. De plus, le SOC et l’équipe d’infir-mières de l’Accueil santé organisent des ateliers de gestion du stress, de relaxation et des séances de yoga.

Les révisions sont également l’époque où la Bibliothèque cantonale et universitaire constitue le centre de la vie estudiantine. L’occasion «de travailler en groupe avec une équipe d’amis, pour par exemple comparer et partager les notes ou préparer les oraux», note Sarah Augsburger. De plus, la pression des pairs et l’ambiance studieuse qui règne entre les rayonnages contribuent à mettre au bou-lot les plus réticents. Mais «ce phénomène peut être anxio-gène, quand on remarque que d’autres ne prennent jamais de pauses», souligne Sophie Gertsch. Comme les cycles d’apprentissage varient d’une personne à l’autre, seule une certaine maturité permet de se rendre compte qu’il faut viser la qualité de l’apprentissage, et non la quantité.

A l’heure du bilanLe SOC offre des permanences et la possibilité de prendre des rendez-vous individuels avec ses psychologues. Chaque année, 400 personnes le font. «Pour bien des débutants, un revers aux examens à l’UNIL représente le premier de leur vie. En termes humains, c’est coûteux», note Elisabeth Hoffmann. Mais l’insuccès constitue aussi l’occasion de prendre de vraies décisions : est-ce que je redouble ? Est-ce que je change de voie, à l’UNIL ou ailleurs ? «Notre tra-vail consiste alors à redonner confiance aux étudiants en leurs ressources pour avancer et à les aider à prendre la bonne décision», ajoute la responsable.

Dans ce cadre, le nouvel atelier «Passer de l’échec à la réussite», organisé fin février, sert à tirer un bilan sur les méthodes de travail qui n’ont pas été efficaces, les chan-gements à envisager et, de manière plus générale, sur la motivation et le projet personnel d’études. «Poser des mots sur ce qui n’a pas marché rend les progrès plus faciles», explique Sophie Gertsch.

«Il ne faut pas réduire la réussite au fait de passer – ou non – les examens de première année», conclut Jacques Lanarès. Apprendre à travailler en groupe, acquérir des compétences transversales que l’on peut utiliser dans le monde professionnel – comme la capacité d’adaptation – ou encore trouver sa voie, que ce soit à l’université ou ail-leurs, en sont de bien meilleurs indicateurs. Même si le parcours dans les auditoires tourne court, chacun devrait en avoir retiré une forme ou l’autre de réussite.

1 Chiffres portant sur les cohortes 2004-2010/11. www.unil.ch/sta-tistiques/fr/home/menuinst/reussite-universitaire.html

2 www.unil.ch/soc/fr/home/menuinst/publications/comment-allez-vous.html

Tous les touristes le savent : rien ne vaut une visite gui-dée pilotée par l’un de ses habitants pour découvrir les secrets d’une ville. A l’UNIL, c’est un peu pareil. Des-

tinés aux étudiants en première année de bachelor, des programmes facultatifs et gratuits de mentorat (en HEC et en Biologie), ainsi que de tutorat (en Droit et en Sciences sociales et politiques) ont été mis en place.

Dans le premier cas, des tandems mentor-mentee, qui se rencontrent ou correspondent régulièrement au fil des semestres, sont formés. L’objectif est de faciliter la socia-lisation et l’intégration des étudiants dans la vie universi-taire. Dans le second cas, des ateliers ponctuels qui visent à apporter un soutien académique sont organisés. Les tutrices et les tuteurs, qui reçoivent au préalable une sen-sibilisation à la pédagogie donnée par le Centre de sou-tien à l’enseignement (CSE), évoluent en 3e de bachelor au minimum.

Soutien académiqueEn 2011, sous l’impulsion de Mounia Bennani-Chraïbi, vice-doyenne à l’enseignement de l’époque, l’Association des étudiant-e-s en SSP (AeSSP) a déposé un projet auprès du Fonds d’innovation pédagogique de l’UNIL et a ainsi bénéficié d’un financement pour mettre sur pied le tutorat par les pairs dans cette faculté. Le coprésident de l’AeSSP, Alessandro Tremea, exerce en tant que tuteur depuis début

MENTORAT, TUTORAT : SUIVEZ LE GUIDE !Des programmes de mentorat et de tutorat sont proposés dans plusieurs facultés de l’UNIL. Décanats et associations d’étudiants réfléchissent ensemble aux meilleurs moyens à mettre en œuvre pour faciliter la réussite des étudiants de première année. Souples et efficaces, ces soutiens par les pairs vont se développer davantage.

Les informations au sujet du mentorat et du tutorat par les pairs, dans les différentes facultés.

• Faculté de droit, des sciences criminelles et d’administration publique www.aedl.ch/index.php/activites/7-tutoriaux

• Faculté des hautes études commerciales hec.unil.ch/hec/bachelor/mentorat

• Faculté des sciences sociales et politiques wp.unil.ch/aessp/nos-activites/tutorats-ssp/

• Ecole de biologie (Faculté de biologie et de médecine) www.unil.ch/ecoledebiologie/home/menuguid/

etudiante/mentorat.html

DEMANDEZ LES PROGRAMMES

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 59

Le Centre de soutien à l’enseignementwww.unil.ch/cse

2014. Cet étudiant de master en Psychologie «adore l’ensei-gnement». Avec sa collègue Paola Antognini, il co-anime six ateliers d’une durée de deux heures, chaque semestre. Ces derniers attirent jusqu’à 30 personnes. Sur quels thèmes ? Prise de notes, lecture académique, gestion du temps et préparation aux examens, recherche documentaire, disser-tation et présentation orale. «Nous transmettons d’abord des compétences transversales. Mais nous répondons éga-lement aux questions qui portent sur notre expérience de l’UNIL, sur les enseignants et sur ce qui est demandé aux examens», détaille le tuteur.

Suite au bilan très positif de ces ateliers en SSP, ce pro-gramme a été pérennisé par le décanat. A la fin de 2013, la direction de l’UNIL a souhaité généraliser ces programmes d’apprentissage par les pairs, en plus du développement de l'offre d'ateliers du Service d’orientation et carrières (lire en p. 56), afin d'améliorer la réussite en première année.

Intégration à l’UNILEn prime, le tutorat et le mentorat permettent de tisser des liens utiles quand on débarque à Dorigny. «Plusieurs études montrent que les étudiants se préoccupent davan-tage de se faire des amis dès la rentrée, que de leur propre capacité à réussir. Une bonne intégration a une influence positive sur la réussite», explique Catherine El-Bez, ingé-nieure pédagogique au CSE.

Alors qu’elle étudiait à l’EPFL, Rosanne Miles a bénéficié d’un coaching. Les conseils reçus alors lui ont été utiles pour s’intégrer dans cette haute école. La jeune femme a ensuite poursuivi son cursus en Biologie à l’UNIL. Son expérience positive l'a motivée à faire partie de la première volée de mentors mise en place, en septembre 2014. Les questions de son mentee ? «Quels sont les points importants des cours ? A quels sujets doit-on s’attendre aux examens ? Comment se déroulent-ils ? Quels sont les débouchés professionnels de la formation ?» Le rôle des mentors, qui sont une ving-taine en HEC et une trentaine en Biologie, consiste égale-ment à orienter les débutants vers les bonnes personnes dans les facultés. Mais ils ne sont pas censés donner des cours d’appui (tout comme les tuteurs).

Et qu’est-ce que cela donne ? «Il est difficile de tirer des liens directs entre ces programmes et la réussite, explique Catherine El-Bez. Toutefois, ils offrent aux débutants un sentiment de compétence important pour leur permettre

d’avoir davantage de confiance à l’approche des examens.» Les questionnaires d’évaluation fournissent des résultats très positifs. De leur côté, les tuteurs (rémunérés) déve-loppent leurs capacités pédagogiques et les mentors (béné-voles) leurs compétences d’encadrement et d’accompagne-ment. Ils décrochent ainsi une attestation fournie par le CSE et la faculté concernée. Utile pour le CV.

Légers et populaires, ces programmes vont se dévelop-per. Ainsi, un tutorat en Faculté des lettres, à l’Ecole des sciences criminelles, ainsi qu’en Faculté des géosciences et de l'environnement, sont en préparation pour la rentrée de septembre 2015. DS

MENTORAT, TUTORAT : SUIVEZ LE GUIDE !Des programmes de mentorat et de tutorat sont proposés dans plusieurs facultés de l’UNIL. Décanats et associations d’étudiants réfléchissent ensemble aux meilleurs moyens à mettre en œuvre pour faciliter la réussite des étudiants de première année. Souples et efficaces, ces soutiens par les pairs vont se développer davantage.

CATHERINE EL-BEZIngénieure pédagogique au Centre de soutienà l’enseignement.Nicole Chuard © UNIL

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LIVRES

Voilà un catalogue un peu parti-culier. Il a été réalisé, en effet, par les chercheurs et les étu-diants de l’Institut d’archéo-logie et des sciences de l’An-

tiquité de l’Université de Lausanne. Le goût des belles choses – Collection archéologique de David Doret (1821-1904) accompagne l’exposition conçue par Françoise Lambert et Fanny Abbott au Musée historique de Vevey. Il porte à la connaissance des initiés comme des profanes une collection de quelque 200 pièces léguée en 1913 à la Ville de Vevey et qui n’avait plus été présentée au public dans son intégralité depuis près de 25 ans.

Hétéroclite et subjectif, cet ensemble témoigne avant tout de la passion d’un homme de son temps pour l’Egypte et le monde gréco-romain. On n’y trouve guère de chefs-d’œuvre, mais des pièces attachantes – et facile-ment transportables, amulettes égyp-

tiennes, oushebtis (figurines funéraires en forme de personnage momifié), sta-tuettes en terre cuite ou en bronze, frag-ments de peintures murales. Au titre des curiosités, il faut relever la présence de plusieurs fragments d’architecture ramassés sur les sites. Deux d’entre eux proviennent de l’Acropole. Mais rassu-rez-vous! «L’acquisition des objets de cette collection date de bien avant l’éta-blissement de la Convention UNESCO de 1970 et ne pose donc plus de pro-blème juridique», précise le professeur Karl Reber dans la préface.

Envie d’en savoir plus sur le collec-tionneur lui-même? Un chapitre du cata-logue lui est consacré. On y apprend que David Doret, né le 30 juin 1821 et «cin-quième du nom, est le dernier héritier d’une célèbre dynastie de marbriers, présente à Vevey dès 1716». L’entreprise est prospère. Il bénéficie d’une éduca-tion solide, suivie d’un stage d’archi-tecte à Lausanne et de plusieurs séjours

à l’étranger. Il devient propriétaire de la marbrerie en 1868, à la mort de son père, à une époque où le travail artisa-nal se transforme peu à peu en produc-tion industrielle.

Entrepreneur médiocre, sculpteur sans grand talent, David Doret se carac-térise surtout par sa culture et sa curio-sité. Il constitue l’essentiel de sa col-lection archéologique à l’occasion des voyages qu’il entreprend avec sa femme au début des années 1890 – il a alors plus de 70 ans. A son retour, il dispose ses plus belles pièces sur des socles de marbre où il grave en lettres d’or leur provenance. Ou du moins celle que lui ont indiquée les vendeurs. Et comme tout collectionneur, David Doret s’est parfois trompé, ou fait rouler. A l’examen, l’au-thenticité de certaines pièces s’est en effet révélée douteuse. Un chapitre leur est consacré, et ce ne sont pas, de loin, les pages les moins intéressantes de la publication. MIREILLE DESCOMBES

Homme curieux et cultivé, ce marbrier veveysan avait réuni, à la fin du XIXe siècle, une fort intéressante collection d’anti-quités égyptiennes et gréco-romaines. Elle fait l’objet d’une exposition au Musée historique de Vevey et d’un catalogue.

CE CATALOGUEA ÉTÉ RÉALISÉ PAR LES CHER-CHEURS ETLES ÉTUDIANTSDE L’INSTITUTD’ARCHÉOLOGIEET DES SCIENCES DE L’ANTIQUITÉ.

David Doret âgé, photographiede Roessinger et Jeanneret à Montreux.© Musée historique de Vevey

DAVID DORET,UN COLLECTIONNEUR D’AUTREFOIS

LE GOÛT DES BELLESCHOSES. COLLECTION ARCHÉOLOGIQUE DE DAVID DORET (1821-1904). Catalogue édité par l’UNIL et leMusée historique de Vevey (2015), 128 p. Vevey. Musée historique. Jusqu’au 28 février 2016.

60 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

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TEMPLES PROTESTANTS MODE D’EMPLOI

Management, communication, gestion de projet ou encore finance. Les compétences «non techniques» demandées aujourd’hui aux ingénieurs prennent de plus en plus d’importance dans le monde professionnel. Ces talents sont incontournables dans une carrière. Avec un fort ancrage suisse, cet ouvrage bref expose les impor-tantes transformations survenues dans les métiers de l’ingénierie et donne la parole aux premiers concernés. De nombreux aspects, comme la place des femmes, l’éthique, le statut social ou l’impact de la mondialisation, sont également traités. DS

INGÉNIEUR AUJOURD’HUI.Par Ivan Sainsulieu et Dominique Vinck. PPUR (2015), 135 p.

Dirigé par deux chercheurs de l’UNIL, cet ouvrage est bien davan-tage qu’un dictionnaire. Les 357 entrées, qui ont mobilisé plus de 200 auteurs, couvrent certes de nombreux termes, évènements, courants d’idées ou personnalités liés à la pensée écologique. Mais les débats en cours sont également visibles. Ainsi, plusieurs notions, comme Anthropocène ou Catastrophisme, font l’objet de deux notices, qui reflètent deux points de vue différents. De quoi piocher aussi bien des informations claires que du carburant pour alimenter les discussions en lien avec l’actualité. DS

DICTIONNAIRE DE LA PENSÉE ÉCOLOGIQUE.Dirigé par Dominique Bourg et Alain Papaux. PUF (2015), 1184 p.

Qu’ils s’appellent golems, automates ou cyborgs, les robots ac-compagnent l’humanité depuis des millénaires. Cet essai pose la question de leur signification. Quelle image renvoient-ils du monde du travail, de la société et de l’humanité ? Leur fonction métaphorique est interrogée par les auteurs de cet ouvrage su-perbement illustré, parmi lesquels figure Marc Atallah, chercheur à l’UNIL et directeur de la Maison d’Ailleurs. Une manière de pro-longer la réflexion suscitée par l’exposition en cours, Portrait-Ro-bot (lire en p. 64). DS

PORTRAIT-ROBOT OU LES MULTIPLES VISAGES DE L’HUMANITÉ.Par Marc Atallah. Editions Favre et Maison d’Ailleurs (2015), 192 p.

Le délicat équilibre entre le respect de la vie privée et le devoir d’in-formation des médias fait l’objet de cet ouvrage collectif. Le droit à l’oubli, ou à la «non-évocation» comme le note Philippe Meier, pro-fesseur au Centre de droit privé de l’UNIL, connaît une nouvelle actualité. La mémoire d’éléphant des moteurs de recherche et des réseaux sociaux, ainsi que les archives électroniques de presse, bousculent cette notion et imposent de nouvelles responsabili-tés aux journalistes. Cet ouvrage enrichi de nombreux exemples livre une perspective suisse et européenne sur la question. DS

LE DROIT À L’OUBLI : DU MYTHE À LA RÉALITÉ.Edité par Tristan Gianora. Cedidac (2015), 138 p.

Pour comprendre comment, depuis la révolution de janvier 2011, les islamistes profitent des libertés nouvelles en Tunisie, sans s’in-quiéter des frontières, puisque les adeptes du parti Ennahdha (au sein du gouvernement de coalition et dans la rue) adoptent des pratiques liberticides venues d’Arabie saoudite ou du Qatar. L’is-lam politique ne s’arrête pas en plein ciel tel un nuage de Tcherno-byl. Pour le bien commun, les religions doivent évoluer de manière autonome dans leur contexte tunisien ou européen. Ce livre plaide pour l’exercice d’une pensée émancipatrice. NR

TUNISIE, CARNETS D’UNE RÉVOLUTION.Par Mondher Kilani. Editions Pétra (2014), 322 p.

Sur le plan architectural, qu’est-ce qui différencie un temple protestant d’une église catholique? Quand on s’y trouve, on n’y pense guère. Et pourtant, l’influence de la

Réforme sur la conception et l’organisation des églises est ma-nifeste. Professeur honoraire de Théologie pratique à l’Univer-sité de Lausanne, Bernard Reymond nous propose quelques

clés pour mieux saisir ces spécifici-tés. Très accessible et passionnant, La porte des cieux. Architecture des temples protestants prend le relais d’un ouvrage paru sur le même su-jet en 1996 aux Editions Labor et Fides et désormais épuisé.

«La Réforme n’a été ni la substi-tution d’une religion à une autre, ni la fondation d’une nouvelle Eglise»,

nous rappelle l’auteur. Dans un premier temps, elle est donc prêchée au sein même des églises catholiques et ne change rien à leur agencement intérieur. Par la suite, l’adaptation ma-jeure sera la création d’un espace d’un seul tenant. Avec la notion de sacerdoce universel des fidèles, la distinction entre nef et chœur perd en effet sa raison d’être. L’installation de sièges pour tous – la nef en était jusque-là dépourvue – im-plique aussi des contraintes particulières. Autre élément-clé, la chaire, qui avec la Réforme devient «un élément primordial du dispositif symbolique». La prédication étant essentielle, le pasteur doit être parfaitement audible et bien visible de tous.

Adapter l’existant ne suffit pas. Rapidement, il faut aussi construire. Extérieurement, les nouveaux temples protestants ne diffèrent alors guère des églises catholiques qui, souvent, les ont inspirées. Ils sont presque toujours dotés d’un clocher et, dans la mesure du possible, établis au centre des localités. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le plan rectangulaire utilisé en large avec la chaire à mi-longueur de l’un des grands côtés représente le modèle le plus fréquemment utilisé.

Avec le XIXe siècle surgissent de nouvelles préoccupations et le besoin de repenser la place de la foi dans une société en pleine évolution. Une remise en question qui porte aussi sur l’architecture. Néoclassique, néogothique ou même néo-byzantin, quel est le style le plus adapté au protestantisme? Les options et les réponses divergent. Une diversité qui se renforce encore au XXe siècle au cours duquel «les solutions adoptées sont si variées qu’aucune typologie ne pourrait en rendre compte». Voilà qui donne envie de partir sans tarder à la découverte des nombreux exemples suisses présentés et illustrés dans ce livre. MIREILLE DESCOMBES

LA PORTE DES CIEUX. ARCHITECTURE DES TEMPLES PROTESTANTS.De Bernard Reymond. Presses polytechniques et universitaires romandes (2015), 160 p.

Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 61

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FORMATION CONTINUE La Formation Continue UNIL-EPFLwww.formation-continue-unil-epfl.ch021 693 71 20

Berlin, 9 juillet 2006. A la 107e minute de la finale de la Coupe du monde de football, Zinédine Zidane, en réaction à une insulte, balance un coup de tête à l’Italien Marco Materazzi. Largement médiatisé et parodié à l’époque, ce geste impulsif a coûté cher

au Français, plutôt calme d’ordinaire.Pour Roberta Antonini Philippe, maître d’enseignement

et de recherche à l’Institut des sciences du sport et pour son collègue Denis Hauw, professeur associé, cet épisode illustre l’épineuse question de la gestion des émotions chez les athlètes. Nourrie par les sentiments extrêmes, cette population particulière fait justement l’objet d’une nouvelle formation continue unique en Suisse romande, «Psychologie du sport». Donné en français, ce Diploma of Advanced Studies (DAS) débute en janvier 2016 et se ter-mine en septembre 2017. C’est-à-dire huit semaines de cours et 35 ECTS.

Pourquoi mêler la tête aux muscles ? «Le psychologue du sport intervient sur le bien-être de l’athlète», explique Roberta Antonini Philippe. «Son but consiste notamment à améliorer et à faire durer la performance: un bon entraî-nement ne se concentre pas seulement sur la technique et le physique, mais s’intéresse également à l’humain», un paradoxe apparent «dans un monde conçu pour produire de la performance, ajoute Denis Hauw. Contrairement aux idées reçues, la psychologie est très impactée par le corps».

L’humain et la performancePiloté par les deux chercheurs de l’ISSUL, ce DAS met l’ac-cent sur la préparation à la performance avec l’élite (pla-nification, optimisation, récupération et blessures). Mais il traite aussi des juniors et des amateurs. Prévention du dopage et de la tricherie, troubles du comportement alimen-taire, travail sur la confiance en soi, soutien à la motiva-

Unique en Suisse romande, une formation en Psychologie du sport va être lancée à Lausanne. Elle offre aux participants un bagage académique solide et des outils concrets pour travailler sur le terrain.

LA PERFORMANCE SPORTIVE, C’EST AUSSI DANS LA TÊTE

DENIS HAUWET ROBERTA ANTONINI PHILIPPEChercheurs à l’Institut des sciences du sport, responsables de deux nouvelles formationsen psychologie du sport.Nicole Chuard © UNIL

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 63

NOUVELLE FORMATION

Les nanomatériaux manufacturés sont désormais présents dans la vie quotidienne. Ainsi, on trouve ces particules infi-nitésimales dans certains dentifrices, des crèmes solaires, des peintures, des textiles ou même des bonbons. Les pro-priétés antibactériennes et antifongiques des nanoparticules d’argent sont par exemple bien connues. Si, de manière générale, leur intérêt est grand – y compris dans le domaine médical, plusieurs membres de la vaste famille «nano» com-portent des risques pour la santé et pour l’environnement.Comme l’impact à long terme de ces matériaux demeure encore largement inconnu, «nous devons travailler sur la pré-vention», explique Thierry Meyer, chef du Service de sécu-rité & santé au travail de la Faculté des sciences de base à l’EPFL, et responsable de la formation courte «Nanomaté-riaux : gérer les risques liés à leur manipulation».

Cette dernière connaîtra sa deuxième édition le 15 mars 2016. Elle s’adressera principalement aux professionnels des milieux de l’industrie, de la recherche et de l’enseigne-ment amenés à côtoyer ces particules de près, ou en charge de la sécurité dans leur secteur ou leur entreprise. Mais les personnes désirant parfaire leurs connaissances sont éga-lement les bienvenues.

En laboratoireAprès une matinée de cours théoriques denses sur le sujet (incertitude, principe de précaution, méthodes d’évaluation du danger nano, nature des nano-objets et dangers de ces derniers), les participants – au nombre maximal de 12 – tra-vaillent dans des laboratoires «nanos» de l’EPFL en condi-tions réelles. «Equipés de combinaisons, de masques de protection visuelle, de masques respiratoires et de gants, ils manipulent des nanoparticules non toxiques», ajoute Thierry Meyer. Cette immersion est nécessaire pour bien comprendre les enjeux et les contraintes pratiques.

Afin de garantir un suivi de qualité, quatre intervenants aux profils complémentaires entourent les personnes en for-mation. Au terme de cette journée intense, ces dernières auront passé en revue les différentes techniques existantes d’évaluation des risques que présentent les nanomatériaux, et «seront capables de choisir celle qui convient le mieux dans le contexte de leur activité professionnelle», précise Thierry Meyer. Cela implique également la capacité d’adap-ter, au quotidien, les mesures de protection aux risques réels encourus. Pour simplifier, il ne sert à rien de travailler en sca-phandre si cela n’est pas utile. Mais il faut être capable de le faire lorsque cela s’avère nécessaire.

Cette formation est nourrie par les découvertes les plus récentes de la recherche. L’occasion de se mettre à jour dans un domaine très prometteur. DS

www.formation-continue-unil-epfl.ch/nanomateriaux-gerer-risques-manipulation

NANOMATÉRIAUX tion, lutte contre le stress ou gestion de la post-carrière: la psychologie du sport couvre un terrain large et diversifié. Les organisateurs attendent d’ailleurs une grande ouver-ture d’esprit de la part des participants, amenés à œuvrer dans des milieux très différents.

Accessible sur dossier, cette formation certifiante s’adresse aux diplômés en Psychologie ou en Sciences du sport qui souhaitent se profiler sur un marché du travail (clubs, fédérations, etc.) de plus en plus demandeur. Une fois leur titre en poche, les participants – directement opé-rationnels au niveau des interventions – pourront deman-der leur adhésion en tant que préparateurs mentaux à l’As-sociation suisse de psychologie du sport. De plus, le DAS est en cours de reconnaissance auprès de la Fédération suisse des psychologues.

Nombreux expertsComposé de cinq modules, ce dernier marie la psycho-logie et le sport dès le premier jour, sous la direction de Valentino Pomini, professeur à l’Institut de psychologie de l’UNIL. Les aspects plus médicaux et biologiques de l’acti-vité physique sont ensuite exposés par Bengt Kayser, pro-fesseur à l’ISSUL et au Département de physiologie. Plus tard, Emmanuel Bayle, professeur à l’ISSUL, décrypte les nombreuses fédérations et organisations qui peuplent la galaxie du sport. Egalement enseignants, Roberta Anto-nini Philippe et Denis Hauw possèdent une longue expé-rience dans l’accompagnement des athlètes d’élite. Parmi les nombreux autres spécialistes qui interviennent lors des cours figurent, par exemple, Marc Levêque, pionnier du domaine en France, ou Hubert Ripoll, responsable de la psychologie de l’expertise.

Le quatrième module est un stage pratique, sur le ter-rain. Basé sur un projet personnel des participants, il implique de suivre des sportifs de tous niveaux. Il s’agit par exemple d’apprendre à «préparer, mener, documenter et débriefer une consultation psychologique», note Roberta Antonini Philippe. Le but consiste à acquérir des outils uti-lisables immédiatement dans la pratique professionnelle, de manière autonome. Le DAS se conclut par un mémoire final de type académique.

Par ailleurs, pour répondre plus spécifiquement aux besoins des entraîneurs, agents et autres intervenants dans le domaine sportif, l'ISSUL lancera également - en juin 2016 - une formation de courte durée intitulée « Sport et dimensions psychologiques ». En plus de mieux com-prendre et mesurer le rôle du mental dans la performance sportive, les participants auront l'opportunité de dévelop-per un projet personnel concret.

Nourries des réalités du terrain et de l’apport scienti-fique, ces deux formations modulaires s’inscrivent dans un domaine émergent et prometteur. DS

www.formation-continue-unil-epfl.ch/psychologie-sport-das

UN BONENTRAÎNEMENT NE SE CONCENTRE PAS SEULEMENT SUR LA TECH-NIQUE ET LE PHYSIQUE, MAIS S’INTÉRESSE ÉGALEMENT À L’HUMAIN.

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64 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

RENDEZ-VOUS Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Octobre à janvier

CONFÉRENCESCONNAISSANCE 3Une sélection de rencontres avec les enseignants et les chercheurs de l’UNIL et du CHUV. Toutes les confé-rences ont lieu à 14h30. www.connaissance3.ch021 311 46 87. Entrée libre pour la communauté universitaire (prix pu-blic 15.- ; prix adhérent 10.-).

Ma 6 octobre, Echallens Irons-nous tous au Paradis ? Par Daniel Marguerat. Hôtel-de-Ville, salle du Turlet.

Lu 19 octobre, Lausanne Du premier cri au dernier souffle ou les multiples facettes de la voix. Par Mary-Louise Dutoit-Marco. Casino de Montbenon, salle Paderewski.

Ve 23 octobre, NyonAddictologie : le cerveau, l’esprit et les drogues. Par Jacques Besson. Centre paroissial Les Horizons.

Lu 26 octobre, LausanneLes religions en Suisse : un paysage en pleine mutation. Par Philippe Gonzalez. Casino de Montbenon, salle Paderewski.

Lu 2 novembre, LausannePoète, mais pas seulement : Gustave Roud (1897-1976). Par Daniel Maggetti. Casino de Montbenon, salle Paderewski.

Lu 9 novembre, Le SentierLes vertus thérapeutiques des fruits et des plantes aromatiques de chez nous. Par Kurt Hostettmann. Maison de paroisse, Grand-Rue 35.

Ve 13 novembre, MorgesLa vie sociale des fourmis. Par Romain Libbrecht. Grenier ber-nois, pl. du Casino 1.

Ve 20 novembre, NyonBlaise Cendrars: une vie construite comme un livre. Par Christine Le Quellec Cottier. Centre parois-sial Les Horizons.

Ve 4 décembre, MorgesEconomie sociale et solidaire. Par Sophie Swaton. Grenier bernois, pl. du Casino 1.

Lu 7 décembre, LausanneLa mobilité demain : quels enjeux ? Par Christophe Jemelin. Casino de Montbenon, salle Paderewski.

Ma 8 décembre, EchallensLes plantes anti-âge. Par Kurt Hostettmann. Salle annexe du Châ-teau d’Echallens.

 Jusqu’au di 31 janvier 2016

PORTRAIT-ROBOTLes robots constituent l’un des motifs les plus célèbres de notre imaginaire. Que signifient-ils ? Cette exposition les considère comme des images – celles des modèles industriels et technoscientifiques inventés par l’hu-manité pour se caractériser (voir éga-lement p. 61). Yverdon-les-Bains. Mai-son d’Ailleurs. Ma-di 11h-18h. www.ailleurs.ch 024 425 64 38

Je 1er octobre

PERSONAL BRANDINGComment vous présenter sous votre meilleur jour sur les réseaux so-ciaux afin d’optimiser votre visibi-lité et promouvoir votre projet pro-fessionnel ? Sachez identifier les éléments de votre profil qui retien-dront l’attention des recruteurset les erreurs à ne pas commettre.Inscription obligatoire sur www.unil.ch/alumnil.

Me 7 octobre

LE SAVOIR PEUT-IL NOUS SAUVER ?Un cours public autour de la paru-tion du Dictionnaire de la pensée éco-logique. Table ronde avec les deux éditeurs de l’ouvrage, Dominique Bourg et Alain Papaux, professeurs à l’UNIL (lire également en p. 61). UNIL-Sorge. Amphimax 350, 18h30. Entrée libre. www.unil.ch/autrementdit.

Di 11 octobre

SORTIE CHAMPIGNONSTout tout tout, vous saurez tout sur les champignons ! Dégustation pré-vue en cas de récolte fructueuse. Ins-criptions avant le 7 octobre à [email protected]. Le nombre de participants est limité. Adultes 20. -, enfants 5. -, membres 10. -. Tolochenaz. Maison de la Rivière. 9h à 12h. www.maisondelariviere.ch 021 802 20 75

 Jusqu’au di 25 octobre 

MARIUS BORGEAUDCette rétrospective est consacrée à l’un des acteurs majeurs de la créa-tion artistique suisse. Un artiste qui a suivi son propre chemin, loin des écoles picturales. Une exposition dont Philippe Kaenel, professeur à l’UNIL, est le commissaire. Lausanne. Fondation de l’Hermitage. Ma-di 10h-18h, je 10h-21h. www.fondation-hermitage.ch 021 320 50 01

Di 8 novembre

VISITE DU DIRECTEURDécouverte de la Maison de la ri-vière sur les pas de Jean-François Ru-bin, chercheur à l’UNIL et directeur de ce centre (lire également en p. 10). Inscriptions avant le 4 novembre à [email protected]. Adultes 28 fr., enfants 10 fr., membres 10 fr. Tolochenaz. Maison de la Rivière. 14h à 16h. www.maisondelariviere.ch 021 802 20 75

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Je 29 octobre

SOIRÉE ANNUELLEDES ALUMNI 2015Au programme de cet évènement, un coup de projecteur sur la Section d’histoire et esthétique du cinéma de la Faculté des Lettres. Soirée offerte à tous les membres du Réseau ALUMNIL.Renseignements et inscription sur www.unil.ch/alumnil.

Jusqu’au di 25 octobre 

GUSTAVE ROUDAu travers de manuscrits, d’imprimés et de photographies, Le monde des signes et l’univers des choses évoque le parcours poétique de Roud. Ce dernier a été une figure centrale de l’espace littéraire romand pendant un demi-siècle. Montricher. Fondation Jan Michalski. Ma-di 14h-18h.www.fondation-janmichalski.com 021 864 01 01

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Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne 65

 Ma 17 novembre

LA PHAGOTHÉRAPIEFace à la résistance aux anti-biotiques, les chercheurs s’inté-ressent à nouveau aux phages (virus prédateurs de bactéries) dont la découverte date de 1890 (lire également Allez savoir ! 60). Une soirée au laboratoire de l’Eprouvette pour en savoir plus. Informations et inscription sur www.unil.ch/alumnil.

Jusqu’au di 3 janvier 2016

MÉMOIRE DES IMAGESFondée en 1896 par le pasteur Paul-Louis Vionnet (1830-1914), la collection iconographique vaudoise a rejoint le Musée de l’Elysée dans les années 80. Elle réunit aujourd’hui plu-sieurs centaines de milliers d’images couvrant l’histoire du médium (lire également en p. 8). Lausanne. Musée de l’Elysée. Ma-di 11h-18h.www.elysee.ch 021 316 99 11

Jusqu’au ve 26 février 2016

LE GOÛT DES BELLES CHOSESUne charmante collection archéolo-gique réunie, à la fin du XIXe siècle, par David Doret au cours de ses voyages en Italie, en Grèce et au Proche-Orient. Elle comprend plus de 200 objets, dont certains sont des faux ! (lire également en p. 60). Ve-vey. Musée historique. Ma-di 11h-17h. www.museehistoriquevevey.ch 021 925 51 64

Jusqu’au di 31 janvier 2016

GUSTAVE ROUD: CORRES-PONDANCES ÉLECTIVES Présentation de quelques-unes des relations épistolaires que le poète a entretenues avec des pairs, illustrant à l’aide de documents originaux cette « proximité à distance ». Lausanne. BCU, site Riponne. Lu-ve 8h-22h,sa 8h-17h. www.bcu-lausanne.ch021 316 78 63

Du je 8 octobre au di 13 décembre

ROUD, LES TRACES ÉPARSES DU PARADISCette exposition est consacrée aux liens du poète avec René Auber-jonois, Steven-Paul Robert, Jean Lecoultre et Gérard de Palézieux. Elle montre la production photographique de l’auteur. Pully. Musée d’art. Me-di 14h-18h. www.musees.vd.ch/fr/musee-de-pully 021 721 38 00

Jusqu’au di 29 novembre

ROUD-BURNAND, DEUXVISIONS DE LA CAMPAGNEEtablis tous deux dans le Jorat, le peintre et le poète développent une iconographie paysanne et paysagère d’une grande similitude malgré de fortes différences stylistiques.Moudon. Musée Eugène-Burnand. Me, sa, di 14h-18h. 021 905 33 18.www.eugene-burnand.ch

 Jusqu’au di 29 novembre 

ARCHÉO-TESTComment fabriquait-on les chaus-sures à l’époque romaine ? Comment élaborait-on les parfums ? Quel goût avait le vin ? Exposition ludique et interactive qui permet d’expérimenter en famille les méthodes de production des artisans du passé. Pully. Villa romaine. Sa-di 14h-18h. www.patri-moine.vd.ch/archeologie/villa-romaine-de-pully 021 721 38 00

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Jusqu’au di 19 juin 2016

VIOLENCESNotre société est-elle réellement de plus en plus violente ? Comment ex-pliquer une sensibilité accrue face à ces phénomènes et une fascination pour le spectacle violent ? Nombreux évènements tout public organisés en parallèle à l’exposition. Lausanne. Musée de la main UNIL-CHUV. Ma-ve 12h-18h, sa-di 11h-18h. www.museedelamain.ch 021 314 49 55

 Di 13 décembre

TRUITE ET CASTORCette sortie prévue le long de l’Au-bonne vous permettra de découvrir leurs mœurs et de les voir de près. Inscriptions avant le 4 novembre à [email protected]. Le nombre de participants est limité. Adultes 20.–, enfants 5.–, membres 10.– Tolochenaz. Maison de la Ri-vière. 13h à 15h. www.maisondela-riviere.ch 021 802 20 75

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66 Allez savoir ! N° 61 Septembre 2015 UNIL | Université de Lausanne

Avec un sourire, le professeur Coukos évoque sa mère qui vit en Grèce et qui, à 82 ans, ne cuisine plus. Elle était dans ce domaine une «ma-

gicienne», ce que son fils semble être devenu dans une autre spécia-lité, la lutte contre le cancer. Il fédère les compétences interdisciplinaires au sein d’un Département d’oncolo-gie UNIL-CHUV incluant le Centre Ludwig de l’UNIL, d’un centre de re-cherche élargi à l’EPFL-ISREC, d’une collaboration scientifique avec l’entité hospitalo-universitaire genevoise et du Réseau romand d’oncologie, un regroupement collaboratif des hôpi-taux régionaux et des cliniciens onco-logues installés en Suisse romande... Largement de quoi transformer Lau-sanne en plaque tournante de la re-cherche sur le cancer en Suisse et en Europe, répondant à l’appellation de «Swiss Cancer Center Lausanne».

Ce dispositif consiste à améliorer la prise en charge des patients oncolo-giques. L’une des approches amenées par les intervenants de cette constel-lation offre la possibilité de biop-sies pour permettre une analyse des gènes et des bio-marqueurs propres à chaque tumeur. Cette connaissance approfondie de la maladie et de son écosystème permettra d’engager des traitements basés sur des don-nées moléculaires complexes. Cette «médecine personnalisée» veut com-prendre des mécanismes impliquant des gènes altérés mais aussi des gènes normaux exprimant des protéines dé-fectueuses, ces bio-marqueurs qui sont les constituants biologiques de la tumeur, susceptibles d’activer des cellules cancéreuses. George Coukos parle des «chemins moléculaires de la

tumeur» qu’il faut soit changer, soit bloquer pour mettre fin à la prolifé-ration cellulaire. Le traitement peut relever de l’immunothérapie, tech-nique qui consiste à activer le sys-tème immunitaire pour lui permettre de reconnaître la tumeur et de l’atta-quer. Particulièrement développée aux Etats-Unis, l’immunothérapie est une spécialité du Centre Ludwig. Elle sera au cœur du dispositif mis en place par le professeur Coukos.

La part respective de l’environne-ment et des gènes dans le déclenche-ment des cancers reste mystérieuse. «Les gènes influencent notre réponse à l’environnement. Face à une exposi-tion toxique, une personne répondra par une tumeur, une autre pas. En outre, même dans un contexte sain, un gène spécifique ou une altération génétique peuvent déclencher une tumeur.» En cas de prédisposition, si l’on prend l’exemple du cancer ova-rien, il conseille l’ablation des ovaires

Depuis l’été 2012, George Coukos a réuni autour de lui tout ce que la région compte de chercheurs et de cliniciens attachés à comprendre et à soigner les cancers.

et des trompes de Fallope, dont on sait depuis peu qu’elles sont en ré-alité le point de départ de ce cancer. La discussion autour d’un plat estival prend avec lui d’étranges tournures, mais il s’agit de parler vrai. «A l’occa-sion de toute autre opération, après la ménopause, une ablation trompes-ovaires peut se révéler souhaitable même sans prédisposition», conclut-il.

De si lourds sujets monopolisent son énergie. Par chance, ses deux garçons de 18 et 20 ans ont évolué sans crise adolescente. L’aîné a re-joint l’EPFL et le cadet s’apprête à com-mencer la médecine à l’UNIL. «J’aime mon travail et peu de choses m’en dé-tournent», avoue-t-il. Le cinéma deux ou trois fois par année avec sa femme et les DVD lui donnent l’occasion de s’évader. Il lui arrive de pédaler ou d’allonger quelques foulées entre Saint-Sulpice et Morges... La com-pétition, on s’en doute, le retient sur d’autres terrains. NADINE RICHON

MIEUX COMBATTRE LES TUMEURS

CAFÉ GOURMAND

UN GOÛT DE L’ENFANCECelui des tomatesfarcies de ma mère, avec du riz et divers légumes.

UNE VILLE DE GOÛT ?L’île de Santorin où l’on mange des crevettes face à la mer et aux plus beaux «sunsets».

AVEC QUI PARTAGER UN REPAS ?Avec Churchill, qui fut un leader exceptionnel et courageux.

GEORGE COUKOS au Restaurant du Théâtreà Lausanne.© Luca da Campo - Strates

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