Algérie - Guerre de liberátion

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Dominique Maison La population de l'Algérie In: Population, 28e année, n°6, 1973 pp. 1079-1107. Resumen RESUMÉN Argelia présenta las características que se encuentran en los paises en via de desarrollo : crecimiento rápido de la población, proporción elevada de jovenes, migraciones urbanas. Sin embargo, este pais résulta diferente рог su fecundidad elevada, una emigración que fué siempre importante y las recientes perturb aciones causadas por la guerra de lndependencia : supermortalidad, salida de los Europeos, importantes migraciones de la población rural. Abstract SUMMARY Algeria presents the main demographic characteristics of developing countries : rapid population growth, high proportion of young people, urban migrations. However, this country can be distinguished by its high fertility, the importance of old emigration patterns and the recent troubles due to the Independence war : excess mortality, departures of the Euro- en via de desarrollo : crecimiento rápido de la población, proporción Résumé La population algérienne a été pendant longtemps mal connue, en particulier pour les statistiques d'état civil. Les études de démographie ont fait, depuis l'indépendance, des progrès importants, dont les résultats les plus marquants sont le recensement de 1966, et l'enquête démographique de 1969-70). En outre, une licence de démographie a été créée à l'université d'Alger. Dans l'attente des résultats définitifs de l'enquête démographique, M. D. Maison, chargé de recherches à l'INED, résume l'état des connaissances actuelles. Citer ce document / Cite this document : Maison Dominique. La population de l'Algérie. In: Population, 28e année, n°6, 1973 pp. 1079-1107. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1973_num_28_6_15622

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Dominique Maison

La population de l'AlgérieIn: Population, 28e année, n°6, 1973 pp. 1079-1107.

ResumenRESUMÉN Argelia présenta las características que se encuentran en los paises en via de desarrollo : crecimiento rápido de lapoblación, proporción elevada de jovenes, migraciones urbanas. Sin embargo, este pais résulta diferente рог su fecundidadelevada, una emigración que fué siempre importante y las recientes perturb aciones causadas por la guerra de lndependencia :supermortalidad, salida de los Europeos, importantes migraciones de la población rural.

AbstractSUMMARY Algeria presents the main demographic characteristics of developing countries : rapid population growth, highproportion of young people, urban migrations. However, this country can be distinguished by its high fertility, the importance ofold emigration patterns and the recent troubles due to the Independence war : excess mortality, departures of the Euro- en via dedesarrollo : crecimiento rápido de la población, proporción

RésuméLa population algérienne a été pendant longtemps mal connue, en particulier pour les statistiques d'état civil. Les études dedémographie ont fait, depuis l'indépendance, des progrès importants, dont les résultats les plus marquants sont le recensementde 1966, et l'enquête démographique de 1969-70). En outre, une licence de démographie a été créée à l'université d'Alger. Dansl'attente des résultats définitifs de l'enquête démographique, M. D. Maison, chargé de recherches à l'INED, résume l'état desconnaissances actuelles.

Citer ce document / Cite this document :

Maison Dominique. La population de l'Algérie. In: Population, 28e année, n°6, 1973 pp. 1079-1107.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1973_num_28_6_15622

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LA POPULATION DE L'ALGÉRIE

La population algérienne a été pendant longtemps mal connue, en particulier pour les statistiques d'état civil. Les études de démographie ont fait, depuis l'indépendance, des progrès importants, dont les résultats les plus marquants sont le recensement de 1966, et l'enquête démographique de 1 969-70 n). En outre, une licence de démographie a été créée à l'université d'Alger. Dans l'attente des résultats définitifs de l'enquête démographique, M. D. Maison, chargé de recherches à l'INED, résume l'état des connaissances actuelles.

LA CROISSANCE DE LA POPULATION JUSQU'EN 1954 La population algérienne. A la veille de l'intervention française, la population a été estimée à 3 millions (2). Les dénombrements de la « population musulmane » par les autorités françaises sont inférieurs à ce chiffre jusqu'en 1881 (tableau I), mais ils sous-estiment très probablement la population réelle, en partie à cause du caractère sommaire des méthodes utilisées, mais aussi parce que des fractions importantes de la population échappaient encore à l'emprise coloniale : l'Emir Abd-el-Kader, dont l'Etat s'étend en 1839 sur la majeure partie du territoire, n'est définitivement vaincu qu'en 1847 et la conquête de la Kabylie ne s'achève qu'en 1861. L'insurrection de 1 871- 1872 soulève tout l'est algérien (y compris la Kabylie). Les oscillations du chiffre de la population enregistrées par les dénombrements s'expliquent par ces aléas de la conquête, mais aussi par des accès de surmortalité : la pratique systématique des razzias, sous le commandement

<*> Il s'agit d'une enquête à passages répétés auprès d'un important échantillon (350 000 personnes). Les résultats (provisoires) du premier passage ont été publiés (cf. Negadi, Tabutin : « L'enquête démographique algérienne à trois passages », Population, n° 6, 1971) ainsi que ceux de l'étude de l'histoire génésique d'un sous-échantillon de 8 500 femmes (Résultats de l'enquête fécondité, Direction des statistiques, Alger, 1972). (2» Yacono : «Peut-on évaluer la population de l'Algérie à la veille de la conquête?», Revue Africaine, Alger, 1954.

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1080 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE de Bugeaud (pillage des silos de grains, enlèvement des troupeaux, abattage des arbres, incendie et destruction des villes et des villages, massacre des populations), s'ajoutant aux effets de trois années de sécheresse, provoque en 1847-1848 de très graves disettes. Sur ce terrain propice, se développent, de 1849 à 1851, des épidémies de choléra meurtrières. Même processus en 1867-1870 : sécheresses et épizooties provoquent une famine cruelle, aggravée par des épidémies de choléra et de typhus — « on dénombra officiellement 215 603 morts en neuf mois et demi, mais l'Administration estima ensuite ce chiffre trop faible. Les journaux parlèrent de 5 ou 600 000 morts » (1).

Tableau I. — Population musulmane de 1856 À 1954 (POPULATION MUNICIPALE) D'APRÈS LES RECENSEMENTS

Années de recensement 1856 1861 1866 1872 1876 1881 1886 1891 1901 1906

Population musulmane (1) (en milliers) 2310 2 738 2656 2 134 2479 2 860 3 287 3 577 3 781 4089

Années de recensement 1911 1921 1926 1931 1936 1948 1954

Population musulmane (1) (en milliers) 4 478 4 923 5151 5 588 6 201 a) 7 679 b) 7460 a) 8449 b) 8 675

(1) Algériens + étrangers musulmans a) Population recensée, y compris les émigrés explicitement recensés, soit 57 000 en 1948 et 161000 en 1954 (en 1948 et 1954, les émigrés ont été inclus dans la population municipale, mais leur nombre a été sous-estimé). b) Population estimée, y compris les émigrés, évalués à 140 000 en 1948 et 275 000 en 1954 (sources : Résultats statistiques du dénombrement de la population de 1954, vol. I, Services de Statistique Générale, Alger et J. Breil La population en Algérie, étude de démographie quantitative La Documentation française, 1957) La surestimation de la population, au recensement de 1948, provient de l'utilisation, par les mairies, des fichiers de rationnement constitués pendant la guerre.

A partir de 1876, s'amorce une croissance maintenue. Trop rapide de 1876 à 1886 (2,8 % par an) pour être réelle, elle traduit surtout les progrès des méthodes de dénombrement et l'extension du territoire contrôlé (annexions du M'Zab et d'Ouargla en 1882). De 1886 à 1954, le rythme d'accroissement tend à s'accélérer (tableau II), hormis deux paliers :

Ch.R. Ageron : Histoire de l'Algérie contemporaine, P.U.F., 1964, p. 37.

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LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1081 — de 1911 à 1921 (r = 0,4 %), conséquence de la guerre

1914-1918 (les Algériens ayant été enrôlés dans l'armée française) et probablement aussi de la grave crise agricole de 1920-1922, — de 1936 à 1946 (r = 1,5 %), résultat de la combinaison des effets de la guerre 1939-1945 et d'une crise agricole, en 1945-1946 (causée par la rupture des relations avec la France et la sécheresse de l'année 1945). Notons aussi la surmortalité provoquée par la répression anti-nationaliste, dans la région de Sétif en 1945 (1).

Tableau II. — Taux annuel d'accroissement intercensitaire DE LA POPULATION ALGÉRIENNE DE 1886 À 1954

Période 1886-1911 1911-1921 1921-1926 1926-1931 1931-1936 1936-1948 1948-1954

Taux d'accroissement (population municipale) 1,4 0,4 0,9 1,6 2,2 1,5* 2,5*

* Taux calculés en tenant compte des corrections apportées par J. Breil (cf. tableau I). En l'absence de correction, ces taux seraient respectivement 1,7 et 1,6 %. La croissance de la population est due principalement, comme on l'a observé dans d'autres pays sous-développés, à la baisse de la mortal

ité. Cependant, selon les estimations de J.N. Biraben (2), l'augmentation du taux de natalité n'a pas joué un rôle négligeable, puisqu'il serait passé de 38 %f avant la première guerre à 50 %c de nos jours (cf. p. 1093 et tableau X). Le recul de la mortalité est la conséquence de l'introduction, à l'occasion de la colonisation, des techniques médicales européennes. Elle se heurte, au début de la colonisation, à de vives résistances, ses motifs n'étant pas de pure philanthropie : un ouvrage récent (3) montre que les médecins exerçant en Algérie au début de la colonisation étaient conscients des implications politiques de l'action médicale, qu'ils considéraient comme l'un des moyens de faire pénétrer l'influence occidentale en Algérie.

(l1 La commission d'enquête avait admis, officieusement, 15 000 morts. Mais selon les nationalistes algériens il y en aurait eu 45 000. (2) J.N. Biraben : « Essai d'estimation des naissances de la population algérienne depuis 1871», Population, n" 4, 1969, p. 711-734. <3> y. Turin : Affrontements culturels dans l'Algérie coloniale - écoles, médecines, religion, 1830-1880, Maspero, Paris, 1971.

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1082 LA POPULATION DE L ALGERIE La population européenne. Le caractère colonial du peuplement

européen explique l'importance de l'immigration, dans la croissance de la population. Le tableau III montre que le solde migratoire est toujours supérieur à l'accroissement naturel entre chaque recensement, jusqu'au début du xxe siècle. Le premier représente 86 % de l'accroissement de la population de 1833 à 1901, le second 14 % (de 1872 à 1901 ces proportions sont encore de 74 % et

Tableau III. — Evolution de la population non musulmane Dates des recensements 1833 1836 1841 1846 1851 1856 1861 1866 1872(1) 1876 1881 1886 1891 1896 1901 1906 1911 1916(2) 1921 1926 1931 1936 1948 1954

Population municipale 7812 14 561 37374 95321 131283 159 292 192 746 217 990 245 117 279691 344 749 412435 464 820 530924 578480 633 850 680 263 752 043 779654 791370 833 359 881 584 946 013 922 272 984 000

Accroissement d'un recensement à l'autre Total

+ 6 749 + 22813 + 57 947 + 35 962 + 28 009 + 33 454 + 25 244 + 37 127 + 65 058 + 67 686 + 52385 + 66 104 + 47 556 + 55370 + 46413 + 71780 + 27611 + 11716 + 41989 + 48 225 + 64429 -23 741 (3) + 62000

Par le mouvement naturel -355 - 1711 - 3 688 -10 790 - 3 873 + 3416 + 12 282

+ 3 923 + 7457 + 9 274 + 14398 + 14 902 + 18 909 + 26 922 + 27418 + 38082 + 38415 - 1 1 726 + 38041 + 34 865 + 40323 + 80359 + 60 000 (4)

Par les migrations + 7104 + 24 524 + 61635 + 46 752 + 31882 + 30 038 + 12 962

+ 31050 + 57511 + 58412 + 37 987 + 51 202 + 28647 + 28448 + 18995 + 33 698 - 10 804 + 23 442 + 3 948 + 13 360 + 24 104 - 104 100(3) + 2 000

(1) A partir de 1872, les Israélites sont compris avec les non-musulmans : le premier nombre inscrit concerne les Européens seuls ;le second l'ensemble des non-musulmans. (2) Estimation. (3) Ces nombres se réduisent respectivement à + 1 072 et - 79 287, si l'on rétablit la comparabilité entre les deux recensements en tenant compte d'abord des erreurs par excès qui semblent entacher le recensement de 1936 (17 000), ensuite de ce que environ 7 800 musulmans naturalisés Français étaient inclus dans la population européenne. (4) Estimation du mouvement naturel affectant la seule population municipale. Source : J. Breil : La population en Algérie, étude de démographie quantitative. La Documentation Française, 1957.

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LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1083 26 %). Les soldes négatifs du mouvement naturel, au début de cette période, s'expliquent par la faiblesse de la natalité (liée au nombre réduit de noyaux familiaux) et la surmortalité causée par les épidémies de choléra et de typhus.

A partir de 1901, l'excédent de naissances devient prépondérant et représente 81 % de l'accroissement de la population, de 1901 à 1954.

L'apport migratoire tend à se réduire; cependant, en dehors des deux guerres mondiales, il ne s'est jamais tari, faisant contraste avec le progrès de l'émigration de la population algérienne (cf. p. 1104). Nous sommes en présence ici d'un effet caractéristique, sur le plan démographique, de la situation coloniale.

L'ÉVOLUTION DE 1954 A 1966 Entre les deux recensements de 1954 et 1966 s'est déroulée la guerre, qui a abouti, en 1961, à la constitution d'un Etat algérien indépendant. Parmi les bouleversements qui ont marqué cette époque, ceux qui relèvent

de la démographie ne sont pas les moindres : surmortalité de la guerre, déplacements massifs des populations rurales (cf. p. 1099), départ de la quasi-totalité des «Français d'Algérie» en 1962 (cf. p. 1104). Le recensement réalisé, pendant la guerre, en 1960 souffre de telles lacunes (1) qu'il ne peut être d'aucun secours, pour juger de l'accroissement de la population entre 1954 et 1966. La comparaison des popul

ations recensées, en 1954 et 1966, pose des problèmes : comparer les populations totales n'a guère de sens en raison du départ des Européens. D'autre part, les critères de classification de la population en 1954 et 1966 sont hétérogènes. En 1954, le croisement de deux critères, nationalité et religion, conduit à distinguer quatre catégories de population : Français non musulmans, étrangers non musulmans, Français musulmans, étrangers musulmans (tableau IV). Ces catégories statistiques ne sont d'ailleurs que le reflet transitoire de la domination coloniale, puisqu'être de nationalité française était peu évident pour la majorité de la population. La distinction entre « musulmans » et « non musulmans », d'autre part, n'est religieuse qu'en apparence : elle traduit, en termes respectables, la différence réelle établie, selon l'origine ethnique, entre « européens » et « indigènes » (2). En 1966, on distingue, comme il est de règle dans tout état souverain, les nationaux des étrangers.

Calculé en fonction des populations totales en 1954 et 1966, le taux d'accroissement annuel est de 2,09 %. Si l'on fait abstraction des *1( 434 698 Algériens seulement ont été recensés. <2) Dénominations utilisées dans les Annuaires Statistiques jusqu'en 1938.

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1084 LA POPULATION DE L'ALGERIE Tableau IV. — Population recensée en Algérie en 1954 et 1966

Recensement de Musulmans

Français 8 401* Etrangers 86 8487

1954 Non musulmans (en milliers)

992 50 1042 * dont 162 000 émigrés explicitement recensés.

Recensement de Population présente en Algérie Résidents absents à l'étranger (RAE) (2)

( 1 ) dont 1 96 000 étrangers (2) Algériens résidant à l'étranger qui continuent

1966 11822(1) 274 12 096

à écrire ou à envoyer de l'argent à leur famille en Algérie. Ce nombre est inférieur au nombre réel d'émigrés (cf. p. 1105) « Français non musulmans » en 1954, il atteint 3,05; dans ce cas, on fait comme si l'ensemble « Français musulmans » + étrangers (« musulmans » ou non) de 1954 était comparable à l'ensemble Algériens + étrangers de 1966. Pour être plus juste que la précédente, cette comparaison ne l'est cependant pas tout à fait, puisque des « Français non musulmans » de 1954 ont été recensés comme étrangers en 1966, des « étrangers non musulmans » de 1954 étaient destinés à quitter l'Algérie, en même temps que les « Français non musulmans » et des « Français musulmans » ont acquis, après 1962, la nationalité française (1). Mais il ne s'agit, dans tous ces cas, que de faibles effectifs et l'on peut admettre qu'un taux de 3 % est une approximation suffisante de l'accroissement annuel de la population entre 1954 et 1966.

La tendance à l'accélération du rythme de croissance de la population, constatée avant 1954, s'est donc poursuivie entre 1954 et 1966, et ceci malgré la surmortalité de la guerre d'indépendance.

RÉPARTITION PAR SEXE ET PAR AGE Rapport de masculinité. Les recensements ont toujours dénombré plus d'hommes que de femmes (sauf en 1966, dans la population présente en Algérie), en raison d'une sous-

(1> Notons aussi qu'en 1954, comme en 1966, le recensement des émigrés est très incomplet.

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LA POPULATION DE L ALGERIE 1085 estimation du nombre de femmes. Malgré ses fluctuations, le rapport de masculinité tend, en définitive, à diminuer (tableau V).

Tableau V. — Rapport de masculinité, tous âges réunis Année de recensement

1896 1911 1931 1936 1948 1954 1966

(1) Population présente en Algérie (2) Population totale (y compris les résidents à l'étranger).

Rapport de masculinité 1,121 1,069 1,088 1,104 1,018(1) 1,029(1) ( 0,969(1) ! 1,008(2)

II est assez difficile de se prononcer sur l'évolution du rapport de masculinité de 1954 à 1966, en tant qu'indice de la qualité de l'enregistrement des femmes. En 1954, les émigrés explicitement recensés ont été exclus de l'exploitation statistique, ainsi que 147 000 personnes présentes en Algérie (35 000 personnes de la commune d'Orléansville, à cause du séisme de 1954 et 112 000 des communes des Aurès et du Constantinois, où se déroulaient les premiers combats de la guerre d'indépendance), mais on peut admettre que l'exclusion de cette dernière catégorie n'a pas d'effets sensibles sur le rapport de masculinité, qui peut donc être considéré comme celui de la population présente. La comparaison avec le rapport de masculinité de la population présente en 1966 est perturbée par le fait que l'effectif des émigrés s'est considérablement accru (il a presque doublé). D'autre part, le rapport de masculinité de la population totale (1), en 1966, est biaisé par une plus forte omission de la population féminine parmi les « Résidents Absents à l'Etranger », recensés en Algérie (R.A.E.). On compte, en effet, 7 % de femmes parmi les R.A.E., alors que cette proportion, parmi les Algériens recensés en France, passe de 17 à 29 % de 1962 à 1968.

Pour améliorer la comparaison, on peut introduire, dans le calcul du rapport de masculinité, les effectifs estimés d'émigrés en France en 1954 et 1966, soit respectivement 275 000 (2) et 493 000 i3). Si on admet que la proportion de femmes enregistrées par le recensement

(1) Population totale = population présente en Algérie + R.A.E. '2» J. Breil : op. cit. <3> Estimation du ministère français de l'Intérieur concernant les Algériens résidant en France. Le recensement algérien de 1966 montre que 92 % des R.A.E., dont on connaît le pays d'émigration, résident en France. Nous admettrons que le fait de prendre en compte cette seule catégorie d'émigrés ne modifie pas sensiblement le rapport de masculinité.

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1086 LA POPULATION DE L ALGERIE français de 1954, soit 7 % (1), vaut également pour l'estimation de 1954, le rapport de masculinité de la population algérienne en 1954 (présente en Algérie et émigrée) est 1,087. En ce qui concerne le nombre estimé d'émigrés de 1966, on peut lui appliquer soit la proportion de femmes observée au recensement français de 1962 (17 %), soit au recensement de 1968 (29 %), soit la proportion obtenue, pour 1966, par interpolation linéaire entre 1962 et 1968 (25 %). Les rapports de masculinité obtenus sont respectivement 1,022, 0,990 et 1,010 <2\ Ces évaluations restent fragiles, mais ce qui peut être retenu de cet examen du rapport de masculinité, c'est qu'aussi bien les données enregistrées que les estimations font apparaître une diminution de ce rapport, effet d'une réduction de l'omission des femmes (comme le montre, ci-dessous, l'examen de ce rapport par groupe d'âges) mais aussi, probablement, de la surmortalité masculine de la guerre d'indépendance.

La courbe du rapport de masculinité, par groupe d'âges quinquennaux (fig. 1) a la forme typique des pays, où le classement par Rapport de masculinité

1,4 1,3 1,2 1,0 0,9 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0

1

- - - - - - - -

1

1 ' 1 ' 1 ' 1 1

^чГ\ Л \Yw^ ^- ч^Г —

Ч- "У

^~^~ \ Population présente 1966) _^__» 1966 ) Population totale

! i 1 i 1 i 1 i

1

д

.3

1 i i —

V

- -

iHCn - - - -

, i i 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75. . Figure 1. — Rapport de masculinité par groupes d'âges quinquennaux aux recensements de 1954 et 1966. Algérie. (!> Le recensement français de 1954, qui dénombre 208 500 « musulmans originaires d'Algérie », sous-estime le nombre réel d'émigrés. <2> La présence de 186 000 étrangers en Algérie a peu d'effet sur le rappori de masculinité. Si on les exclut du calcul dans le 3e cas, par exemple, le rapport de masculinité passe de 1,0097 à 1,0094.

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LA POPULATION DE L ALGERIE 1087 âge est défectueux : allure générale en S couché, pointe dans le groupe d'âges 10-14 ans, dépression dans les groupes 25-29 et 30-34 ans, dents de scie au-delà (1).

Pour les raisons exposées plus haut, il est difficile de juger l'évolution de la courbe entre 1954 et 1966, pour les âges compris entre 15 et 45 ans {2). Il apparaît néanmoins que l'omission des femmes âgées s'est nettement réduite ainsi que, dans une moindre mesure, celle des filles de 0 à 10 ans.

Tableau VI. — Rapport de masculinité aux recensements de 1954 et 1966

Age 0- 4 ans 5- 9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-49 ans 50-54 ans 55-59 ans 60-64 ans 65-69 ans 70-74 ans 75-79 ans 80 ans et +

1954 Population présente en Algérie

1,039 1,052 1,143 1,116 0,904 0,880 0,860 0,987 0,963 1,185 0,991 1,318 1,057 1,294 1,118 1,263 1,017

1966 Population présente en Algérie

1,028 1,031 1,095 1,000 0,818 0,794 0,821 0,888 0,905 0,979 0,963 1,076 0,966 1,039 0,827 0,883 0,794

Population totale (1) 1,028 1,031 1,097 1,019 0,951 0,933 0,926 0,980 0,974 1,037 1,000 1,105 0,984 1,052 0,835 0,891 0,799

( 1 ) Population totale = population présente + R.A.E. Répartition par âge. La répartition par grands groupes d'âges fait

apparaître un rajeunissement, entre 1954 et 1966, alors qu'auparavant, entre 1948 et 1954, la structure par âge ne s'était guère modifiée (tableau VII). Les répartitions par groupes d'âges 11 > Louis Henry : «La masculinité par âge dans les recensements», Population, n° 1, 1948. (2> L'écart entre les courbes correspondant à la population totale et à la population présente ne représente pas l'effet réel de l'émigration sur les rapports de masculinité, en raison de la différence entre la masculinité des R.A.E. enregistrés avec la population totale et la masculinité réelle des émigrés. Cette différence est probablement faible, d'ailleurs nous avons vu que, pour l'ensemble des âges, le rapport passe de 1,008 dans la population totale recensée à 1,010, selon l'estimation la plus probable de l'émigration.

Page 11: Algérie - Guerre de liberátion

1088 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE Tableau VII. — Répartition de la population

PAR GRANDS GROUPES D'ÂGES, SEXES RÉUNIS Grands groupes d'âges

0-14 ans 15-59 " 60 ans et +

1948 43,0 52,2 4,8

1954 42,7 52,2 5,1

1966 47,2 46,2 6,6 100,0 100,0 100,0

quinquennaux en 1954 et 1966 (figure 2) permettent également d'observer l'élargissement de la base de la pyramide, effet, à la fois d'une légère augmentation de la natalité entre 1954 et 1966 (tableau X) et d'un recul de la mortalité, probablement plus rapide aux jeunes âges — d'autant que les adultes ont été marqués par la surmortalité de la guerre.

La pyramide de 1966 est plus régulière que celle de 1954 (les saillies du groupe 20-24 ans pour les femmes et des groupes 40-44 et 50-54 ans pour les deux sexes, observées en 1954, disparaissent en 1966). La déclaration de l'âge paraît donc meilleure en 1966 qu'en 1954. Jugement confirmé par le calcul de l'indice combiné de l'O.N.U. (1), qui passe de 76,1 en 1954 à 28,7 en 1966 et par celui de l'indice de Myers (2) qui, de 1954 à 1966, passe de 18,6 à 10,3 pour le sexe masculin et de 29,5 à 19,8 pour le sexe féminin. L'estimation des naissances de J.N. Biraben (3) permet de rapporter l'effectif de chaque génération au recensement de 1966 à son effectif initial. En l'absence d'immigration et de sous-estimation de l'émigration par le recensement (4), ce rapport serait égal à la probabilité de survie de la naissance jusqu'à l'âge observé au recensement. Nous utiliserons par la suite, le terme de « taux de présence » proposé par les auteurs d'une récente communication (5).

Le recensement ayant eu lieu au début d'avril, nous devons passer des naissances entre deux 1er janvier aux naissances entre deux 1er avril. La répartition mensuelle des naissances en Algérie est d'une grande stabilité : les données dont nous disposons nous permettent de constater que, dans les communes urbaines, de 1949 à 1960 et de 1964 à 1966, les naissances du premier trimestre représentent 28 à 30 % des naissances de l'année. Pour l'ensemble de l'Algérie, de 1964 à 1968, ce

(1) Indice de la régularité de la répartition par groupes d'âges quinquennaux. Plus cette répartition est irrégulière plus l'indice est élevé. (2> Indice de la régularité de la répartition par année d'âge. <3> op. cit. '4> L'enregistrement des « Résidents Absents à l'Etranger » au recensement de 1966 sous-estime le nombre réel d'émigrés (cf. p. 1105). <5> A. Nizard, T. Locoh, J. Vallin : Essai d'estimation de la mortalité maghrébine à travers les derniers recensements, Congrès Régional Africain de Population, Accra, 1971.

Page 12: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L ALGERIE 1089 1

J - — -

id 1

1 19 54 5EXE MASCU

I

19 SEXE N

— - -

-

1 1 I

|

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66 1ASCUI

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1 3EXE F

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5EXE F

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1 EMINir

| 1 1 EMINIh

1 1

4 - - -

-

- - -

1 Figure 2. — Population « musulmane » au recensement de 1954 et population totale au recensement de 1966 (répartition pour 10 000 au total). Algérie. rapport varie de 30 à 32 % (1). Les naissances en milieu urbain étant moins concentrées au début de l'année que dans l'ensemble du pays, nous avons réparti uniformément, entre deux 1er avril, les naissances

111 La plus forte fréquence des naissances en hiver (correspondant aux conceptions de printemps) est caractéristique d'une fécondité non malthusienne.

Page 13: Algérie - Guerre de liberátion

1090 LA POPULATION DE L'ALGERIE Tableau VIII. — Rapport de l'effectif au recensement de 1966

À l'effectif à la naissance dans chaque génération (« taux de présence ») Age au recensement 10 ans 11 ans 12 ans 13 ans 14 ans

10-14 ans 15 ans 16 ans 17 ans 18 ans 19 ans

15-19 ans 20 ans 21 ans 22 ans 23 ans 24 ans

20-24 ans 25 ans 26 ans 27 ans 28 ans 29 ans

25-29 ans 30 ans 31 ans 32 ans 33 ans 34 ans

30-34 ans 35 ans 36 ans 37 ans 38 ans 39 ans

35-39 ans

Sexe féminin 0,930 0,993 0,886 0,976 0,791 0,917 0,646 0,758 0,644 0,798 0,589 0,688 0,807 0,468 0,578 0,498 0,566 0,580 0,734 0,645 0,531 0,649 0,472 0,607 0,979 0,471 0,534 0,476 0,478 0,590 0,730 0,572 0,417 0,509 0,369 0,527

Sexe masculin 0,874 0,775 0,900 0,756 0,795 0,821 0,821 0,749 0,629 0,685 0,572 0,671 0,578 0,475 0,544 0,490 0,548 0,526 0,598 0,589 0,516 0,564 0,453 0,544 0,733 0,450 0,504 0,468 0,463 0,525 0,612 0,529 0,439 0,480 0,379 0,492

Age au recensement 40 ans 41 ans 42 ans 43 ans 44 ans

40-44 ans 45 ans 46 ans 47 ans 48 ans 49 ans

45-49 ans 50 ans 51 ans 52 ans 53 ans 54 ans

50-54 ans 55 ans 56 ans 57 ans 58 ans 59 ans

55-59 ans

60-64 ans

65-69 ans

70-74 ans

Sexe féminin 0,832 0,370 0,393 0,383 0,416 0,489 0,695 0,492 0,293 0,407 0,331 0,446 0,929 0,328 0,332 0,278 0,312 0,420 0,557 0,407 0,231 0,305 0,219 0,345

0,314

0,270

0,182

Sexe masculin 0,606 0,382 0,411 0,418 0,433 0,454 0,569 0,488 0,349 0,419 0,373 0,441 0,643 0,352 0,373 0,332 0,353 0,403 0,493 0,424 0,302 0,331 0,281 0,366

0,332

0,309

0,226

Page 14: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGERIE 1091 estimées par J.N. Biraben, en supposant que 31 % des naissances se produisent au premier trimestre de l'année (1). En raison des défaillances de l'enregistrement des naissances, pendant la guerre d'indépendance, les générations nées après 1956 n'ont pas été prises en considération. Les résultats par année d'âge (fig. 3 et tableau VIII) font apparaître nettement les défauts de la déclaration des âges au recensement (les variations d'effectif dues aux naissances ayant été éliminées). On voit que le classement par âge est d'autant plus défectueux que l'âge est plus élevé (les fortes fluctuations d'effectif d'une génération à l'autre ne peuvent être attribuées aux variations de la mortalité, ni aux migrations); l'attraction des nombres ronds augmente avec l'ancienneté des générations (-M. Les défauts d'enregistrement de l'âge sont plus marqués pour le sexe féminin.

Taux de présence 1.0

0,7 0,6 0,5 O,* 0,3 0,2 0,1

0 0 5 10 15 20 25 30 35 *0 4S S0 55 60 65 Age Figure 3. — « Taux de présence » par génération au recensement de 1966. Algérie.

La figure 4 montre à quel niveau des tables de Coale et Demeny (modèle « Sud ») correspondent les « taux de présence », par groupes d'âges quinquennaux. En l'absence de migrations (3), de défaut dans la déclaration des âges et de surmortalités exceptionnelles, la courbe devrait décroître régulièrement, des générations les plus jeunes aux générations les plus anciennes, en raison du recul progressif de la mortalité. En réalité, cette courbe présente d'évidentes anomalies, en particulier, le

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maSsecXueiin~ ^ Sexe féminin

(1> La série de «taux de présence» utilisée par Nizard et al., op. cit., diffère de la notre parce qu'elle n'opère pas cette répartition des naissances. <-> L'estimation des naissances avant la première guerre mondiale étant sujette à caution, on n'accordera qu'une valeur indicative aux rapports concernant les générations ayant plus de 50 ans au recensement de 1966. (3> Rappelons qu'une partie des émigrés ont été enregistrés par le recensement de 1966 en tant que « Résidents Absents à l'Etranger ».

Page 15: Algérie - Guerre de liberátion

1092 LA POPULATION DE L ALGERIE Espérance de vie Niveau dee tables à la naissance de Coale et Demen> SM SF 63,5 r— 67,5^ 20

58,6 — 54,1 — 57,5

49,6 — 52,5

31,6

— 47,5 — 42,5 — 37,5

SM ) Population présente + Résidents — I SF J absents à l'Etranger (Population totale) j SM 1 Population présente SF J + émigration estimée

L— 323

Sexe masculin

10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 Age Figure 4. — Niveau des Tables de Coale et Demeny (modèles Sud) auxquels correspondent les « taux de présence » par groupes d'âges quinquennaux. Algérie. groupe d'âges 10-15 est situé trop haut et le groupe d'âges 20-25 trop bas. L'immigration ne peut expliquer le niveau du groupe d'âges 10-15, pas plus que la sous-estimation de l'émigration n'explique celui du groupe 20-25 : si l'on applique à l'effectif estimé d'émigrés algériens en France en 1966 (493 000) la structure par âge et sexe observée au recensement français de 1968, on ne voit pas disparaître le creux affectant le groupe d'âges 20-25 (1) (fig. 4). Ce creux ne peut non plus être l'effet de la surmortalité de la guerre d'indépendance, car on ne voit pas pourquoi elle aurait frappé ce groupe d'âges plus que les

i1) Le fait que cette estimation aboutisse à un niveau inférieur à celui de la population totale pour le groupe masculin 20-24 ans peut être l'effet d'un défaut de classement par âge des R.A.E. inclus dans la population totale, et des modifications de la structure par âge et sexe de la population émigrée entre 1966 et 1968 (la proportion de femmes émigrées, en particulier, a tendance à augmenter).

Page 16: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L ALGERIE 1093 suivants (1). On peut donc admettre qu'il existe à ces âges des défauts, non seulement dans le classement par année d'âge, mais aussi par groupes d'âges quinquennaux. La remontée de la courbe aux âges élevés pour le sexe masculin peut provenir, soit d'une sous-estimation des naissances avant la première guerre, soit d'un vieillissement systématique des hommes âgés, effets qui, pour le sexe féminin, seraient compensés par la sous-estimation des femmes mentionnée précédemment. L'importance de l'écart entre les sexes donne à penser que le vieillissement des hommes âgés joue ici un rôle au moins partiel.

NATALITÉ ET FÉCONDITÉ Enregistrement des naissances. L'enregistrement des naissances à l'état civil sous-estime la natalité. Selon J.N. Biraben (2>, le taux d'omissions des naissances masculines s'est élevé jusqu'à 30 % entre les deux guerres. Depuis, la fréquence des omissions a diminué : le sondage de contrôle du recensement de 1966 montre que 10 à 15 % des naissances des deux sexes ne sont pas déclarées à l'état civil, l'évolution du rapport de masculinité confirme, pour les naissances féminines, cette tendance (tableau TX).

Tableau TX. — Rapport de masculinité à la naissance Année 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956

Rapport de masculinité à la naissance 1,113 1,099 1,091 1,087 1,081 1,077 1,085 1,090

Année 1964 1965 1966 1967 1968

Rapport de masculinité à la naissance 1,078 1,066 1,073 1,066 1,057

Natalité et nuptialité. Le tableau X fait apparaître une augmentation sensible de la natalité, depuis le début du siècle. L'exactitude des estimations précédant la première guerre est sujette à caution, mais il ne semble pas que le taux de natalité ait dépassé 38 p. 1 000 à cette époque (Я). L'augmentation de ce taux

(1> Ces générations n'avaient que 8 à 13 ans au début de la guerre et 16 à 21 ans à la fin. '-' op. cit. i3> En 1876, 1877 et 1878, les résultats de 145 communes choisies pour la qualité de leur état civil donnaient un taux de 37,2 r/fC.

Page 17: Algérie - Guerre de liberátion

1094 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE après la première guerre correspond, très probablement, à la réalité.

Cette évolution est l'effet probable d'une hausse de la fécondité (liée à l'amélioration des conditions sanitaires), mais peut-être aussi de modifications du calendrier de la nuptialité m : de 1954 à 1966, la fréquence du célibat à 20 ans passe de 32 à 19 % (2). A moins que ce mouvement ne soit la conséquence d'une amélioration des déclarations d'état matrimonial aux recensements, nous sommes peut-être ici en présence d'une manifestation de ce « traditionnalisme du désespoir » qu'ont analysé P. Bourdieu et A. Sayad (8) : un trait de la culturelle originelle, la précocité du mariage, étant accentué en réaction à la désagrégation des rapports sociaux traditionnels.

Tableau X. — Naissance et taux de Moyenne des années

1901 à 1905 1906 à 1910 1911 à 1915 1916 à 1920 1921 à 1925 1926 à 1930 1931 à 1935 1936 à 1940 1941 à 1945 1946 à 1950 1951 à 1955 Résultats annuels

1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969

Naissances enregistrées en milliers 123,5 125,2 125,7 113,2 122,3 157,2 197,5 224,7 307,8 307,2 349,9

503,2 516,6 507,8 561,5 537,6 529,8 579,0 (1) J.N. Biraben, op. cit.

Naissances estimées ( 1 ) en milliers 165,2 167,0 175,6 178,1 195,2 235,0 261,0 277,2 299,0 317,2 389,2

557,0 553,5 536,0 587,0 - - -

NATALITE Taux de natalité estimé (1) %o

37,8 35,5 35,3 34,9 37,2 42,3 43,4 42,1 42,9 42,2 47,4

52,1 50,1 (2) 47,0 50,0 - - -

(2) L'enquête accompagnant le sondage de contrôle du recensement de 1966 donnait un taux de 50 /o. d) La nuptialité féminine est intense et précoce : le célibat définitif n'est que de 1 % environ, 81 % des premiers mariages sont conclus avant 20 ans en 1966. (2) Analyse démographique, état civil, naissances et quelques études annexes. Sous-Direction des Statistiques. Alger, 1968, 87 p. (3> P. Bourdieu et A. Sayad : Le déracinement, la crise de l'agriculture traditionnelle en Algérie, Editions de Minuit, 1964.

Page 18: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1095 Fécondité. Les taux de fécondité découlant des données de l'état civil étaient les suivants, en 1964-1965 :

Age 15-19 ans 20-24 ans 25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-49 ans

Taux moyen 1964-1965 %o 114 317 316 272 207 125 37

A cette série correspond une somme des naissances réduites de 6,9 naissances par femme et un taux brut de reproduction du moment de 3,4, inférieurs à la réalité, en raison du sous-enregistrement des naissances à l'état civil.

L'indice de Thompson permet d'estimer le taux net de reproduction. En utilisant la structure par âge, au recensement de 1966 et les tables types de mortalité « modèle Sud » de Coale et Demeny, on obtient un indice 2,61 avec la table de mortalité de niveau 14 (eu = 52,5) et 2,71 avec la table de niveau 16 (e() = 57,5).

Nous savons que le quotient du taux net de reproduction par la probabilité de survie jusqu'à l'âge moyen des mères à la naissance de leurs enfants donne une bonne approximation des taux bruts de reproduction. Selon les données d'état civil, l'âge moyen des mères à la naissance de leurs enfants est environ 30 ans. Le TBR est 3,56 d'après la table de niveau 14 et de 3,44 d'après celle de niveau 16, soit des résultats plus élevés que ceux de l'état civil. Les résultats provisoires du premier passage de l'enquête en 1970 indiquent un TBR plus élevé encore, 3,83 m.

LA MORTALITÉ Taux brut de mortalité. L'enregistrement des décès est incomplet. Les taux bruts relevés de 1947 à 1955 dans 30 villes sont supérieurs del2àl6% à ceux de l'ensemble de l'Algérie (tableau XI), écart encore inférieur à celui qui existe entre les décès réels et les décès déclarés dans l'ensemble du pays, la mortalité étant probablement plus faible dans les villes et l'enregistrement bien que

i1' Etude statistique nationale de la population. Premiers résultats provisoires, partie rétrospective, Direction des Statistiques, Alger, 1971.

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1096 LA POPULATION DE L ALGERIE meilleur, n'y étant pas exhaustif. Les données recueillies au cours des deux premiers passages de l'enquête indiquent un taux de 15,9 p. 1 000 (1), alors que le taux calculé à partir des données d'état civil, en 1969, est 10,2 p. 1 000 seulement. Le sous-enregistrement des décès à l'état civil dépasserait donc 35 %.

Les données d'état civil ne permettent pas d'apprécier l'évolution de la mortalité avant la guerre, la baisse a sans doute été moins rapide qu'après 1945.

Tableau XI. — Taux brut de mortalité p. 1 000 Année 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1963-1967

Algérie entière 24,5 19,5 14,9 15,0 14,3 13,3 13,4 13,1 12,2 10,3

30 communes urbaines 27,4 24,9 23,2 21,2 20,9 18,9 19,2 17,4 16,7

Tables de mortalité. Faute de pouvoir construire une table de mortalité nationale, une table a été calculée pour le Grand- Alger (21. L'espérance de vie à la naissance en 1964

et 1965 y est de 61,6 ans pour les hommes et de 64,3 pour les femmes; le taux de mortalité infantile pour les deux sexes de 92 %c. Par rapport au modèle, type « Sud » (3), des tables de Coale et Demeny, la mortalité infantile est plus forte et la mortalité aux grands âges plus faible. Cette dernière caractéristique peut donner à penser que la table algéroise sous-estime la mortalité des personnes âgées.

Pour l'ensemble du pays, pendant la période 1948-1951, l'espérance de vie à la naissance avait été estimée à 44 ans, pour le sexe masculin et à 49 ans pour le sexe féminin (4). Pour les Européens, elle était respectivement de 60 et 67 ans. L'écart provenait, en partie, d'une très forte mortalité infantile dans la population algérienne : dans une statistique portant sur 30 villes (5), où l'enregistrement était plus satisfaisant

<x< Voir note page précédente. <2' Analyse démographique, état civil, naissances, op. cit. (3) Dont cette table se rapproche plus que des modèles « Ouest », « Nord » ou « Est ». (*' J. Breil : La population des départements algériens. Haut Comité Consultatif de la Population et de la Famille, 1965. (n> Etude et Conjoncture, n" 2, 1967.

Page 20: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1097 que dans l'ensemble du pays, elle était 3 fois plus élevée que dans la population européenne (par exemple, en 1951, le taux de mortalité infantile était de 192 f/((, pour les Algériens et de 61 (/<( pour les Européens). Nous avons appliqué la méthode de projection intercensitaire, décrite dans le manuel IV de l'O.N.U., en utilisant plusieurs tables de mortalité type « Sud », entre les recensements de 1954 et de 1966. La précision de cette estimation est limitée par divers facteurs : l'intervalle intercensitaire est long, la structure par âge perturbée par les pertes de guerre et l'émigration, la qualité des déclarations d'âge en 1954 est moins bonne qu'en 1966. Une façon de s'affranchir de l'effet perturbateur de la migration serait de comparer les structures par âge, en 1954 et 1966, de la population algérienne résidant en Algérie et en France, puisqu'on dispose de la répartition par âge de la population algérienne en France, en 1954, 1962 et 1968. Mais ce serait introduire d'autres difficultés, car la table ainsi obtenue ne serait pas valable pour le territoire algérien. D'autre part, on ne dispose pas encore d'une distribution par âge au recensement algérien de 1966, pour les seuls nationaux présents en Algérie. La méthode de projection intercensitaire consiste à projeter les effectifs des groupes d'âges quinquennaux du premier recensement au moyen de tables-types de mortalité de niveaux différents, à cumuler les effectifs ainsi obtenus et à les comparer aux effectifs cumulés du deuxième recensement (0 an et plus, 5 ans et plus, 10 ans et plus..., etc.). La répartition par âge des femmes est moins troublée par l'émigration et la guerre que celle des hommes, mais, comme la déclaration par âge est meilleure chez les hommes, nous avons appliqué la méthode à chaque sexe. Le manuel IV des Nations Unies préconise de ne retenir que les 9 premiers groupes d'effectifs cumulés et de choisir, comme niveau de mortalité valable pour l'ensemble de la population, le niveau médian. En procédant ainsi, nous avons obtenu les résultats du tableau XII (rappelons que plus le niveau de mortalité des tables-types nécessaires pour faire coïncider le résultat de la projection et le deuxième recensement est faible et plus la mortalité est forte).

L'écart entre le niveau le plus bas et le niveau le plus élevé est moins large pour les femmes que pour les hommes (rapport du niveau maximal au niveau minimal = 2,82 pour les hommes et 1,65 pour les femmes). L'estimation fondée sur les effectifs féminins semble donc meilleure. Le chiffre médian des 9 niveaux retenus est 15,19 pour le sexe féminin et 15,71 pour le sexe masculin.

On peut donc, semble-t-il, retenir le niveau 15 des tables-types « Sud » de Coale et Demeny, soit une espérance de vie à la naissance de 55,0 ans pour les femmes et de 51,9 pour les hommes (53,4 ans pour les deux sexes).

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1098 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE Tableau XII. — Niveau de mortalité des tables (type Sud) qu'il faut appliquer aux effectifs de 1956 (1)

pour obtenir ceux de 1966 Ages

1 0 ans et plus 1 5 ans et plus 20 ans et plus 25 ans et plus 30 ans et plus 35 ans et plus 40 ans et plus 45 ans et plus 50 ans et plus

Hommes 10,41 6,24 7,18 13,37 16,14 17,61 15,71 16,48 17,05

Femmes 14,92 12,81 13,17 15,19 14,68 15,40 15,38 19,65 21,18

(1) Nous avons admis que la répartition par âge en 1956 était semblable à celle de 1954 après application du taux d'accroissement intercensitaire moyen 1954 pour obtenir celle de 1956. annuel à la population de

II faut rappeler que la période 1954-1966 a été troublée par la surmortalité due à la guerre (moins importante pour le sexe féminin que pour le masculin). Mais la présence de 92 000 étrangères en 1966 (1) et une omission des femmes moins importante en 1966 qu'en 1954, ont pour effet de sous-estimer la mortalité réelle.

Les résultats obtenus par une autre méthode, par A. Nizard, Mme Locoh et J. Vallin (op. cit.), sont nettement inférieurs : espérance de vie de 38,5 ans pour le sexe masculin et 41,5 ans pour le sexe féminin.

L'ooservation rétrospective aux deux premiers passages de l'E.N.S.P. donne, pour l'ensemble des deux sexes, une espérance de vie à la naissance de 53 ans, peut-être sous-estimée. Différence importante entre la ville (e() — 59 ans) et la campagne (eH = 50 ans).

Surmortalité masculine Nous avons montré plus haut à quel résultant niveau des tables-types de mortalité de de la guerre de libération. Coale et Demeny (modèle « Sud ») correspond le « taux de présence », au recensement de 1966, dans chaque groupe quinquennal de génération

(fig. 4). Si l'on peut admettre facilement que les différences de niveau

observées entre les deux sexes avant 20 ans et après 45 ans sont la W Notons toutefois la présence de « musulmans étrangers » dans la population de 1954 (cf. p. 1083). Leur répartition par sexe n'est pas connue (si elle était semblable à celle de l'ensemble des « musulmans », le nombre d'étrangères musulmanes en 1954 serait de 42 400).

Page 22: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1099 conséquence d'un mauvais classement par âge et d'une sous-estimation des femmes âgées (cf. p. 1093), il est plus difficile d'interpréter l'écart constaté entre 20 et 45 ans. On peut supposer que cette différence est liée à la surmortalité masculine de la guerre. Si l'on admet que la surmortalité « ordinaire » des hommes algériens correspond aux modèles de Coale et Demeny, on peut calculer le déficit masculin, en appliquant, dans chaque groupe quinquennal, aux naissances masculines (estimées par J.N. Biraben), la probabilité de survie de la table masculine de niveau égal à celui qui a été relevé pour le groupe de générations féminines.

Le chiffre obtenu est 143 000 lorsqu'on se fonde sur les effectifs de la population totale et 1 52 000, lorsqu'on utilise une estimation de l'émigration (cf. p. 1093) (1). Ces chiffres ne représentent que la différence (subsistant en 1966) entre le déficit masculin et le déficit féminin, liés à la guerre, des

personnes âgées de 20 à 45 ans en 1966. Dans l'estimation de A. Nizard, Mme Locoh, J. Vallin {op. cit.), la différence entre les deux déficits (concernant, cependant, un plus grand nombre de générations) est 300 000 environ. Il n'est guère surprenant que ces deux estimations puissent varier du simple au double, l'incertitude introduite par les défauts du classement par âge et la méconnaissance de l'émigration étant importantes. Le nombre total des victimes de la surmortalité de guerre a été évalué à 760 000 par A. Nizard, Mmp Locoh et J. Vallin (op. cit.).

LES MIGRATIONS Les migrations pendant la guerre de libération. 1) Déplacements à l'intérieur du pays.

La stratégie des « zones interdites », pratiquée par l'armée française, a eu pour corollaire le déplacement et le « regroupement » des populations rurales. L'effectif des personnes regroupées varie selon les sources : le Commissariat aux actions d'urgence donne 1 890 000 personnes au 1er janvier 1961 et 1 958 000 au 1er avril 1961, alors qu'en 1960 les Services de statistique générale estimaient déjà cette population à 2 157 000. Ce qui ne fait pas de doute, néanmoins, c'est l'ampleur de ce déracinement. On a estimé, d'autre part (2), qu'outre les regroupés, environ 1 million de personnes avaient été contraintes de quitter leur

(D L'effet perturbateur de l'immigration étrangère en Algérie est négligeable car le rapport des sexes y est peu différent de celui de la population totale (cf. note (2) du tabl. V) l'erreur introduite n'est que de l'ordre du millier. <2> Michel Cornaton : Les regroupements de la décolonisation en Algérie, Paris, les éditions ouvrières, 1967.

Page 23: Algérie - Guerre de liberátion

1100 LA POPULATION DE L ALGERIE

Page 24: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGERIE 1101 domicile. Ainsi, au total, près de la moitié de la population rurale (6 900 000 personnes en 1961) aurait été déplacée pendant la guerre. Si les conséquences culturelles de ce traumatisme ont été analysées avec pénétration par P. Bourdieu et A. Sayad (lt, il reste à en faire le bilan économique.

Dans certaines régions montagneuses : Grande et Petite Kabylie, Aurès, Ouarsenis qui ont particulièrement souffert pendant la guerre, la population a très faiblement augmenté et parfois même diminué entre 1954 et 1966 (fig. 5). Zones interdites, regroupements et opérations militaires ont précipité la désagrégation de l'agriculture traditionnelle, qui avait, auparavant, été repoussée dans ces régions peu fertiles, par la colonisation agricole des plaines.

Il est impossible de comparer le mouvement de 1948-1954 à celui de 1954-1966, en raison du changement des limites administratives. Nous pouvons, cependant, tenter cette comparaison pour la Grande Kabylie, où Гех-arrondissement de Tizi Ouzou recouvre à peu près l'ensemble des Daïras de Borj Menaïel, Tizi Ouzou, Dra el Mizan, Larbaa-Nath-Irathen et Azazga. Dans cette zone, la croissance de la population «musulmane» a été 18,1 % de 1948 à 1954 et 2,1 % seulement de 1954 à 1966, soit moins en 12 ans que le seul accroissement annuel pour l'ensemble du pays. 2) Les réfugiés.

Au recensement de 1966, une question a été posée sur la résidence en juillet 1962, date de l'indépendance, mais le bouleversement de la vie sociale, à cette époque, n'a peut-être pas été favorable à la qualité des réponses. D'autre part, toutes les personnes qui résidaient au Maroc ou en Tunisie en 1962 et ont regagné l'Algérie avant 1966 n'étaient pas des réfugiés. Elles sont, en tenant compte de la mortalité entre 1962 et 1966, environ 150 000 '-'. Les migrations intérieures A partir de la question sur la résidence

1962-1966. en 1962, on peut dresser un tableau des échanges migratoires entre wilayas de 1962 à 1966. La migration n'est saisie que lorsqu'elle n'a pas été suivie d'un décès ou d'un départ à l'étranger; le passage éventuel par une autre wilaya que les wilayas de résidence, en 1962 et 1966, est ignoré. Une

(1> op. cit. i2> Les publications actuelles de résultats de l'exploitation exhaustive du recensement ne permettent pas de saisir les échanges inter-daïras, car si la résidence en 1966 est donnée par daïra, la résidence en 1962 l'est par wilaya uniquement. Il est cependant possible de connaître l'immigration (et non l'émigration) par daïra.

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1102 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE Tableau XIII. — Migrants, entre 1962 et 1966, par wilaya

(migration « subsistante » au 4-4-1966)

Wilaya

Alger Annaba Aurès Constantine El Asnam Médéa Mostaganem Oasis Oran Saida Saoura Sétif Tiaret Tizi-Ouzou Tlemcen Ensemble

Immigrants subsistants (1) (en milliers) I 187,80 16,12 15,44 16,65 8,43 13,16 10,19 8,47 59,05 5,99 3,83 15,72 5,23 17,38 4,77 388,23

( 1 ) Personnes nées avant le (2) Personnes nées avant le (3) II est aussi égal à la <

Emigrants subsistants (2) (en milliers) II 34,02 20,90 17,93 41,85 21,01 41,00 20,17 10,23 17,29 12,61 4,81 50,72 9,60 61,55 24,54

388,23

Solde (3) (en milliers) III = 11 — I + 153,78 - 44,78 - 2,49 - 25,20 - 12,58 - 27,84 - 9,98 - 1,76 + 41,76 - 6,62 - 0,98 - 35,00 - 4,37 - 44,17 - 19,77

nul

Taux d'immigration (4)(%0 IV 144 22 24 13 13 18 16 20 77 31 22 15 17 25 13 39

1/7/62 résidant dans une autre wilaya au

Taux d'émigration (5) (%o) V 30 28 28 33 31 54 31 24 24 62 27 48 31 85 64 39

/7/62 ; 1 /7 '/62 résidant dans une autre wilaya au 4/4/66 ; iifférence entre la population* résidant dans la wilaya et la population résidant dans la wilaya au 1/7/62 (distributions marginales VIII) ; (4) Immigrants *subsistants x 1 000/Population* de la wilaya au 4/4/66 ; (5) Emigrants * subsistants x 1 000/Population* de la wilaya au 1/7/62 ;

Solde {'/oc) (6) VI

+ 118 -7 - 4 - 20 - 19 - 38 - 15 - 4 + 54 - 34 - 6 - 34 - 14 - 65 - 55 -

au 4/4/66 du tableau

(6) Solde (III) x 1 000/Population* de la wilaya au 4/4/66 - La différence des dénominateurs utilisés en IV et V explique que VI ne soit pas égal à V - IV. * II s'agit uniquement de la population des personnes nées avant en Algérie en 1962 et 1966 (les sidaient à l'étranger er personnes qui résident en i i 1962 en sont exclues). Source : Recensement 1966.

le 1/7/62, qui résidaient Vlgérie en 1966 mais ré-

partie de ces déplacements a un caractère exceptionnel : des personnes qui avaient été déplacées ou regroupées pendant la guerre ont regagné leur domicile antérieur après l'indépendance. Près de la moitié (49 %) des migrants se dirigent vers la wilaya d'Alger, 64 % vers celle d'Oran (tableau XIII). La forte attraction de ces deux wilayas apparaît aussi dans les taux d'immigration : ce sont les deux seules wilayas où les taux soient supérieurs à la moyenne. La

mesure de l'immigration par wilaya masque cependant l'attraction d'un centre comme Annaba, la wilaya d'Annaba s'étendant tout au long de la frontière tunisienne, qui est une zone d'émigration. Il est intéressant

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LA POPULATION DE L'ALGÉRIE 1103 de comparer à la wilaya d'Alger les daïras d'Oran et d'Annaba, dont les superficies sont toutes trois de grandeur comparable : pour la daïra d'Annaba, le taux d'immigration est de 76 p. 1 000 et, pour Oran, il atteint 112 p. 1 000. Ainsi, l'attraction exercée par Oran est aussi forte que celle d'Alger, et celle d'Annaba est elle-même importante. Par contre, le taux d'immigration de la daïra de Constantine est nettement plus faible (47 p. 1 000). Quatre wilayas (Tizi-Ouzou, Sétif, Constantine, Médéa) fournissent 50 % des migrants. L'intensité de l'émigration apparaît maximale dans la wilaya de Tizi-Ouzou, suivie par celles de Tlemcen, Saïda, Médéa et Sétif, dont les taux d'émigration sont supérieurs à la moyenne nationale.

On n'enregistre d'immigration nette que dans les wilayas d'Alger et d'Oran, toutes les autres accusant plus de sorties que d'entrées. Le recensement ne donne aucune indication sur le caractère urbain ou rural de la commune d'origine des migrants. On peut, par contre, estimer le solde des échanges entre les grandes villes et le reste du pays (1), car un article récent l2) donne la population

des douze principales communes urbaines, aux recensements de 1954 et 1966 (Alger, Oran, Constantine, Annaba, Blida, Sétif, Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, Mostaganem, Sikda, El Asnam, Tizi-Ouzou) :

Population totale en 1954 1 667 000 Population musulmane en 1954 968 000 Population totale en 1966 2 342 000 La comparaison des populations « totales » de ces communes

urbaines entre 1954 et 1966 n'aurait guère de sens, étant donné que les 700 000 Européens qui y résidaient en 1954 ont presque tous émigré en France, en 1962 et 1963. Nous considérons donc la population « musulmane » en 1954 et la population totale en 1966. Si le taux d'accroissement de 1954 à 1966, résultant du mouvement naturel et des migrations internationales, avait été le même dans les grandes villes et l'ensemble du pays, on pourrait facilement obtenir le solde des migrations subsistantes entre les grandes villes et le reste du pays (3) soit : 962 000.

d» Ce solde ne correspond pas à « l'exode rural » puisque, d'une part, il inclut le solde des échanges entre grandes villes et petits centres urbains et que, d'autre part, il ne tient pas compte de l'exode rural vers les petites villes. <2> A. Bouisri et F. Prádel de Lamaze : La population de l'Algérie d'après le recensement de 1966, Population, n° spécial Maghreb, mars 1971, pp. 25-46. <3> Soit r le taux d'accroissement défini, soit P la population de l'ensemble du pays, P' la population des grandes villes, on a : / = P1966/P1954 = 1 + r ť = P'1966/P'1954 = 1 + r + S/P'1954, S étant le solde de migration subsistante des grandes villes d'où : S = P'1954(// — /).

Page 27: Algérie - Guerre de liberátion

1104 LA POPULATION DE L'ALGÉRIE En réalité, l'accroissement naturel est plus faible dans les grandes villes, d'autre part l'immigration d'étrangers est plus importante dans les grandes villes, mais l'émigration d'Algériens vers l'étranger y est moins

intense. Ces différences se compensent partiellement, mais on ignore leur résultante. Elle doit être faible, cependant, au regard du solde migratoire obtenu, car presque 70 % de l'accroissement des grandes villes provient des migrations internes. Ainsi, près d'un million de personnes auraient quitté une commune urbaine ou une petite ville, entre 1954 et 1966, pour venir habiter dans l'une des grandes villes d'Algérie. Les migrations externes. Avant la guerre de libération, les échanges

migratoires extérieurs ont été composés principalement de deux mouvements de sens inverse : afflux des Européens en Algérie, exil des Algériens en France. Le premier de ces mouvements se réduit après la première guerre mondiale, le second, au contraire, s'accentue à partir de cette époque. La crise de l'agriculture traditionnelle liée à l'extension de la colonisation agricole et le développement insuffisant de l'emploi sont des causes permanentes d'émigration, mais l'amplitude du mouvement varie au gré des besoins militaires et économiques de la métropole.

Pendant la première guerre, la France recrute 175 000 soldats et 80 000 travailleurs algériens. L'immigration algérienne comble au cours des années 20 le déficit de main-d'œuvre résultant de la guerre, puis se réduit, pendant la crise des années 30. Le mouvement s'amplifie après la deuxième guerre, se ralentit au cours de la guerre de Libération, à partir de 1956, mais, dès 1962, le nombre d'entrées en France atteint de nouveau le niveau de 1955.

En 1962, la majorité des Européens installés en Algérie émigrent vers la France. Le recensement français de 1968 dénombre 899 940 personnes rapatriées d'Algérie après le 1.1.1962 et survivant en 1968. Ce départ massif s'est déroulé très rapidement : de mai à août 1962, 672 800 Européens ont quitté l'Algérie pour la France.

Le nombre d'Algériens résidant en France n'est pas connu avec précision (tableaux XIV et XV). Les recensements sous-estiment, en général, la population étrangère (1), en particulier à cause de ses conditions précaires de logement : en 1968, 46 % des Algériens vivant en France sont logés dans des pièces indépendantes, meublés, hôtels, bidonvilles (cette proportion n'est que 3,7 % dans la population de nationalité française). Les estimations du Ministère de l'Intérieur ont, au contraire, tendance à surestimer la population algérienne en France '-•.

n< O. Rabut : « Les étrangers en France », Population, n° 3, 1973, pp. 620-650. •-> O. Rabut, op. cit.

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LA POPULATION DE L'ALGÉRIE Tableau XIV. — Estimation du nombre d'Algériens RÉSIDANT EN FRANCE PAR LE MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

1105

Années 1963 1964 1965 1966

Nombre (en milliers) 485,0 506,9 505,2 493,4

Années 1967 1968 1971 (1) 1972

Nombre (en milliers) 512,0 562,0 698,2 735,0

(1) d'après la comptabilité des certificats de résidence délivrés en application de l'accord Franco-Algérien du 27 décembre 1968. Tableau XV. — Algériens résidant en France

SELON LES RECENSEMENTS FRANÇAIS DE 1954, 1962, 1968 Année du recensement 1954 1962 1968(1)

* sondage au 1 /20e

Sexe masculin (en milliers) 193,6 292,3 347,4

** dépouillement exhaustif *** sondage au 1/4 (1) Le nombre de "i musulmans nés en Algérie (et qui ne sont pas inclus dans les chiffres

Sexe féminin (en milliers) 14,9 57,7 126,4

Ensemble (en milliers) 208,5* 350,5** 473,8***

" qui ont opté pour la nationalité française donnés ici) est de 62 080. L'émigration algérienne en France s'accroît non seulement en volume, mais aussi en valeur relative : 1,9 % en 1948, 3,2 % en 1954

et 4,0 % en 1966 de la population algérienne. La structure par sexe et par âge de l'émigration s'est modifiée

(tableau XVI). La proportion de femmes et de jeunes des deux sexes s'accroît'1', la baisse du rapport de masculinité à tous les âges, entre 1962 et 1968 vl) atteste que l'augmentation de la proportion des femmes n'est pas seulement l'effet de l'accroissement de la proportion d'enfants de sexe féminin. L'émigration familiale se développe donc, mais assez lentement.

Au recensement algérien de 1966 ont été dénombrés les Résidents Absents à l'Etranger (R.A.E.), définis comme les ressortissants algériens qui « habitaient régulièrement le logement recensé au moment de leur

f1) La comparaison entre les recensements de 1962 et 1968 peut surestimer l'accroissement de la proportion des jeunes : en 1962, les Algériens étaient dénombrés en tant que « musulmans nés en Algérie », ce qui a pu entraîner une sous-estimation des enfants nés en France de parents algériens. <-') O. Rabut, op. cit.

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1106 LA POPULATION DE L'ALGERIE Tableau XVI. — Répartition par grands groupes d'âges

DE LA POPULATION ALGÉRIENNE RECENSÉE EN FRANCE EN 1962 ET 1968 Groupes d'âges 0-19 20-64 65 et +

Total

1962 SF 6,4 9,7 0,4

16,5

SM 9,2 73,2 1,1

83,5

T 15,6 82,9 1,5

100,00

1968 SF 16,7 9,6 0,4 26,7

SM 17,9 54,8 0,6 73,3

T 34,6 64,4 1,0

100,00 départ et ont continué, soit à écrire, soit à envoyer de l'argent au ménage ». Le nombre réel d'émigrants est supérieur au nombre d'Algériens qui répondent à cette définition, soit 274 700 personnes.

Le pays étranger de résidence est inconnu dans 4,6 % des cas, le reste se répartissant en 92,2 % pour la France et 7,8 % pour les autres pays étrangers. L'immigration étrangère en Algérie est assez importante : on dénomb

rait 186 300 étrangers au recensement de 1966.

CONCLUSION On retrouve en Algérie les caractéristiques démographiques essentielles des pays en voie de développement : croissance rapide, jeunesse de la population, attraction exercée, dans les migrations internes, par

les grands centres urbains. Ce qui distingue ce pays, c'est le niveau, particulièrement élevé, de la fécondité, l'existence d'une émigration ancienne et importante et les perturbations qu'a entraînées, dans un passé récent, la guerre d'indépendance : surmortalité, départ des Européens, déplacements massifs des populations rurales.

Dominique Maison.

Page 30: Algérie - Guerre de liberátion

LA POPULATION DE L'ALGERIE 1107

SUMMARY Algeria presents the main demographic characteristics of developing countries : rapid population growth, high proportion of young people,

urban migrations. However, this country can be distinguished by its high fertility, the importance of old emigration patterns and the recent troubles due to the Independence war : excess mortality, departures of the Euro- en via de desarrollo : crecimiento rápido de la población, proporción

RESUMÉN Argelia présenta las características que se encuentran en los paises en via de desarrollo : crecimiento rápido de la población, proporción

elevada de jovenes, migraciones urbanas. Sin embargo, este pais résulta diferente рог su fecundidad elevada, una emigración que fué siempre importante y las recientes perturb aciones causadas por la guerra de lndependencia : supermortalidad, salida de los Europeos, importantes migraciones de la población rural.