Adam Paul - Princesses Byzantines

download Adam Paul - Princesses Byzantines

of 236

Transcript of Adam Paul - Princesses Byzantines

^'m::j.-^M

VJj>*.,- i.^^'

r'^^ -->

"^mr y^

PRINCESSES

BYZANTINES

OUVRAGES DU MEME AUTEUR

I

Les Volonts Merveilleuses

3 vol.

II

L'poqueIII

6 vol.

Critique des

Murs

i

vol.

TYPOGRAPHIE FIRMIN-DIDOT ET

C'^.

MESNIL (EURE).

PRINCESSES

BYZANTINESPAUL ADAM

LA TRES PIEUSE IRENE

ANNE COMNNE

PARISLIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ETIMPRIMEURS DE l'iNSTITUT, RUE JACOB, 56

C'^

1893

POUR

FRANCIS VIEL-GRIFFIN

LA

TRS PIEUSE IRNE

l i i i i i i i i i i.\

>UU; 1 ; i i i i i i

H4

i i i i i 1 1 i

K

! 1 i i ] i i ! i I i i i

VI

I.

-

LA FUREUR ICONOCLASTE.

Alors

ses matres

que Lon l'Isaurien paissait encore les bestiaux de dans la campagne asiatique il rencontra,

deux voyageurs, un soir. Pour rcompense des services d'hospitalitrendre, ces trangers offrirent de lui dvoiler

qu'il sut leurle sort.ils l'a-

Ds

la

premire inspection des signes fatidiques,ils lui

vertirent que, devant rvler d'admirables choses pour le

guider une trs haute fortune,tout d'abord d'accomplir

feraient promettre

un vu

qu'ils allaient formuler.

Lon

jura en riant.seras

Tu

empereur!...

Voici

comment

tu agiras

pour obir ton serment. Dans l'tendue de tes tats, tu interdiras que l'on rende les honneurs pieux aux Imagesdites saintes, ces

idoles

vnres par

blique en

une

folle abjection

la superstition puautant et plus que l'Ide

divine elle-mme.

A

quelques marques,

il

reconnut que ses htes taientcongdia en se moquant de leur

Juifs et Kabbalistes.prdiction...

Il les

PRINCESSES BYZANTINES.

I

PRINCESSES BYZANTINES.Ainsi parlecertainessuivitla

lgende.qu'il

De

fait,

le

pasteur Lon, aprs

difficults

eut de contenter ses matres,

Sa bravoure le acquit la confiance de son arme, conspira et profita, pour sa gloire, de ce dsordre politique habituel, durant lequel onze empereurs prirent de mort violente dans le Palais de Byzance, depuis Hraclius jusque la conqute des croiss.

une troupe de

soldats en passage.

porta vite aux premiers grades. Stratge,

il

La

prdiction se ralisa.faillit

Lui, ne

point tenir son serment.

Du moins,

can-

didat des mercenaires pillards qui, par crainte d'anathmeecclsiastique, n'osaient trop voler les statues de mtal prcieux peuplant les glises, ce lui valut une immense popularit de propager parmi les thmes militaires la nouvelleet

fructueuse hrsie.

Quand, danssurexcites

la salle

des

XIX

tables,

il

proclamale

l'aboli-

tion des images, les officiers l'acclamrent et les troupesfurenttrangler,

en sa

villa,

patriarche

Germain qui

refusait la sanction liturgique.

Les citoyens comprirent Tenfantillage d'une rvolte rencontre de la multitude arme. Ils se rsignrent ou simulrent la rsignation. Mais les femmes ne l'entendirent pas ainsi. Avec une ferveur remarquable, elles secondrent les revendications des moines; amoureuses passionnes du luxe des glises, ayant au cur la reconnaissance de maintex-voto.L'histoire de cette hrsie est toute de rivalit entre les soldats et les

femmes;

les

uns cupides

et

soucieux de garder

ce droit d'accrotre le salaire des victoires; les autres prises

des magnificences canoniques, habitues au sourire doulou-

LA FUREUR ICONOCLASTE.reux du Christ tordant sa beaut messiaque surprte anoblir defidences.sesla

croix,

habitues au regard de la Vierge compatissante et douce,

consolations les plus intimes con-

Elles

n'eussent voulu

perdre

cet

avantage

de

Tamour immdiat duformes mystiqueset

Christ, de ses

compagnons

les saints,

chastes o s'incarnait leur besoin per-

ptuel de tendresse, de protection. Elles n'eussent voulu sedsister de croire la trs relle puissance des saintes pa-

tronnes intercdant pour

les

menus pchs du cur

et

ornant de leurs robes pompeuses, de leurs auroles d'or, de leurs bottines gemmes les vitraux et les mosaques, lescimaiseset les autels.si

Renonceraient-elles cette compagnieet

d'excellent ton

peu rpliqueuse

devant qui bavarde

l'aise l'imagination.

Aussi quand les militaires vinrent abattre la statue de la Vierge niche sur la porte du palais imprial et considre comme une sorte de palladium, source ordinaire de nom-

breux miracles,

elles se htrent

en foule au-devant, branrurent,le

lrent l'chelle qui portait l'officier charg de la besogne, et

avant qu'il et frapp troischirrent.

fois l'image, se

d-

Quelque temps aprs, comme l'on procdait l'investiture du patriarche Anastase, successeur de Germain, consentant interdirele

culte des images, elles accoururent la basi-

lique, forcrent les portes closes^ accablrent le rcipien-

daire de pierres et de coups, avec force injures dont les plus

douces taientpasteurle lieu.

mercenaire

et

On

eut peine le faire enfuir

loup ravissant dguis en demi-mort jusquepoint galant envoya

o

se tenait l'empereur.cette rage,

Outr de

Lon qui

n'tait

PRINCESSES BYZANTINES.ses gardes

massacreril

les

sditieuses.

Leur cruaut n'enimages sans

pargna point.Plus tard,fut enjoint de brler toutes leset

de fondre celles en mtal. Les femmes les serrrent dans leurs vtements et elles luttaient avec des cris effroyables pour empcher qu'on les leur arracht. Des clameurs dsespres mugirent dans Byzance. Exasprsvaleur marchande

par l'appt du gain, par l'esprit de classe, les soldats couprent un membre aux plus rcalcitrantes. Le sang et lespleurs coulrent dans les sanctuaires dvasts.

Mais Dieu protgealit

ses fidles,

rpandit

les

grces.

Il se

des miracles clatants qui terrifirent l'impit. Saint Jeanla main coupe, se rfugia dans une Pendant son vanouissement, la Vierge lui apparut, sembla lui recoller le poignet. Au rveil il jouissait deux mains et il put continuer de peindre ses images,

Damascne ayant euglise.et elle

de ses

pieuses, art

o

il

excellait.,

Lon l'Isaurien Contre ce miraculeux amour divin opposa de miraculeuses atrocits humaines. Il fit enlever aux dfenseurs du culte intgral la peau de la tte; et ce derme mis au vif il ordonna de lier plusieurs images peintes sur bois. On oignit les barbes de poix, on les enflamma. Les martyrs crpitrent; ils s'effondrrent en tincelles surles places

publiques.

A la

voirie, les chiens prirent

coutume

de se repatre de

la chair

de moines.

Cependant beaucoup continuaient de servir en secret le Mme les payens convertis prffrent toujours la gloire du premier culte. Le monde en eut un bel exemple, lorsque l'empereur voulut marier son fils Constantin Copronyme, dshonor d'un tel surnom pourculte des Saintes Faces.

,

LA FUREUR ICONOCLASTE.avoir, au

jour de son baptme, souill honteusementIl le

le

bassin sacr.baptisa

fiana la

fille

du

roi des

Avares, qu'on

du nom d'Irne (Eirn signifiant paix j pour marquer l'alliance que scellait cette union. Le patriarche iconoclaste accepta la tche de l'instruire dans le dogme. Elle se montra docile aux leons, se prit de ferveur pour la morale et la symbolique chrtiennes. Mais elle ne tardapoint se vouer, ds qu'elle

images,palais

et rien

ne

la

la connut, l'adoration des put empcher de suivre ce rite dans le

mme,

d'y tablir une chapelle

pour

elle et

son en-

tourage, malgr Lon et Constantin.

Tant d'avertissements de la Providence ne russirent pas ramener les princes iconoclastes. Le souci de leur intrt

craindre de mcontenter les soldats, seuls appuis d'un pouvoir d'occasion. D'imposantes calamits survinrent e|ui punirent les hrtiques. La terre trembla de l'horreur de porter de si opinitres criminels. Les statues des Csars croulrent. La porte Dore se dfleuronna de l'image de Thodose. Les empereurs taient frapps l mme o ils voulaient frapper Dieu.faisait

affreux mal.

Lon succomba parmi ces afflictions publiques un Use dcomposa avant la mort; il svit fermenter,

vivant

thurgiques de Constantin

charogne pestilentielle; et les pratiques Copronyme ne la sauvrent point. La peste suivit qui dvasta Byzance. Les cadavres encombrrent les charriots. On se fortifiait dans les maisons contre le flau en interdisant l'approche aux trangers. Les habits des malades arborrent des croix de couleur verdtre ou bleu clair pour avertir du danger qu'ils portaient avec eux. Tous ceux qui le purent dsertrent la cit impriale

comme une

PRINCESSES BYZANTINES.renoncrent aux merveilles de la Byzance triangulaire ceinte de six lieux de murailles, tendant ses admirables faubourgs au long du Bosphore, levant au ciel l'orgueil de son Acropole lance, le feu de son phare gant au promontoire. Nul ne promena plus en robes peintes sa flnerie sous les colonnades des thermes d'Arcadius et les statues de la galerie Justinien n'attirrent plus l'admiration studieuse,

des novices,

la rverie

grave des eunuques impriaux aux

fronts blancs.

Quandn'y eut

la peste fut

passe,

Copronyme repeuplaredoutable

la villeil

d'Armniens attachs plus ds lorsla

l'hrsie iconoclaste; et,

commeparmi

d'opposition

le

peuple,

doctrine chre au souverain fut dfinitivement

tablie, l'an

ySSle

,

par

le

conciliabule de Constantinople.

Cependant

Pape envoya de Rome des moines chargs

de prcher clandestinement contre l'erreur officielle. L'un l'osa faire devant Constantin mme. Le dernier supplice punit l'audace du protestataire. Mais, afin de ne point paratre adversaire

aux pieuses

et

vertueuses gens, l'Empereur

tenta d'attirer en son parti saint Etienne parce qu'il portait

grande rputation d'honneur religieux.saires et

Commeavec

ses mis-

Copronyme mmela

n'y surent russir,

ils

l'accus,

rent d'entretenir

des relations infmes

Anne

une

noble veuve 'que

parole difiante du saint avait conduite

au monastre. Soumise la torture, cette hroque femme prfra mourir dans les douleurs plutt que de renier l'innocence d'Etienne, la sienne. La sollicitude du Seigneur manifesta encore son intervention; car la servante qui avait tmoign contre la dame eut les mamelles dchires par ses enfants jumeaux jusqu' ce qu'elle expirt de tourment.

LA FUREUR ICONOCLASTE.Les moines de Saint-Etienne perscuts renouvelrent les Lui-mme rprimanda Constantin stylites. sur son hrsie et, ayant pris une pice de monnaie l'effigie de l'Empereur, il la foula sous les pieds en sa prsence, disant que Ton ne s'en devait pas offenser puisqu'on jugeait que le Seigneur ne s'offensait pas si l'on profanait ses images. Un jour que saint Etienne prchait dans les rues de Byzance et que la foule augmentait sa suite les soldats furieux de le voir ramener les mes l'orthodoxie le mirent en pices. A quelque temps de l, Copronyme ordonna que tous les solitaires religieux et religieuses de son gouvernement s'assemblassent sous les murailles d'Ephse, dans une grande plaine. Un hraut leur cria qu'il leur fallait choisir immdiatement l'un de ces deux partis ou quitter l'habit monastique et s'pouser l'heure mme sans autre crmonie, ou subir l'exil dans l'le de Chypre aprs avoir eu les yeux crevs. Par crainte du supplice, par dsir de libertinage quelquesuns consentirent l'union des corps; mais beaucoup n'imitrent pas cet exemple et subirent le chtiment prescrit. Il tait une noble religieuse nomme Anthuse. Elle vivait dans la solitude en grand renom de saintet. Copronyme la lit tirer de sa cellule et, n'obtenant pas son apostasie, il lui infligea, par la main du bourreau, une fustigation puaustrits des,:

blique.

Or l'impratrice Eudoxie, l'une des trois pouses successivesde Constantin, en peine d'enfanter, commandad'amenerAnthuse, quila

soulagerait par son intercession dj sou-

vent miraculeuse.

Aprs une

fervente

prire,

annona

la

dlivrance de deux jumeaux,

un

fils et

Anthuse une fille,

PRINCESSES BYZANTINES.et

qu'il

fallait

remercier de

Dieu. L'impratrice obtintla suite,

ai-

sment

la libert

la religieuse et,

par reconnaissance,

nomma sa lille Anthuse. comme une sainte et neLon, an desaprspalaislils,

Cette princesse, dansse rsigna jamais

vcut

fut l'hoir

au mariage. dsign pour tenir l'empire

Copronyme.le

temps vint de marier ce fils, les dignitaires du que l'alliance des Francs serait, pour Byzance, d'un prcieux secours. Ppin venait d'illustrer parpensrent

Quand

de belles batailles et d'heureuses conqutes la suprmatie

de sa race.prtendaitfichait

En

Occident,

elle

semblait matresse

commeaf-

l'tre

V Empire Romaintitre officiel.

en Orient; car onfille

toujours ce

La diplomatie grecque essayaGisle,

d'obtenir pourfit

Lon

la

main de

de Ppin.

On

ressortir

comme

cette

union tiendrait l'Europe

assujettie

entre deux puissances formidables, l'une effective, l'autre

ayant encore

le signe respect d'un trs haut pouvoir moraL unique se fut impose sans doute au vieux monde abolissant pour jamais les luttes de ses peuples mls et

Une

loi

tournant tous leursIl

efforts vers

l'uvre de civilisation.

n'en fut rien.

Le concile de Gentilly ayant condamnl'orthodoxie occidentale repoussa l'ide

l'hrsie grecque,

d'pousailles politiques.

Le chtiment delait

l'iniquit iconoclaste se perptuait, l'iso-

parmi

les races chrtiennes.

1

1

1

IIMIftMItff^ttflf^^^^ff^tfl.fi^.t

llllll

t

1

1

1

1

i

t

i

1

1

1

1

1

II.

-

IRENE L'ATHNIENNE.

Constantin Copronymedavantagevouloir sacrifieretles

Jugea qu'il ne fallait point retarder noces de son tils. Ddaignant tout autreafficha partout son dsir de ne point

alliance politique,le

il

dclara ne lui

bonheur de Lon des vues ambitieuses choisir pour pouse que la fille la plus bellesa

et la

plus spirituelle d'entre les Grecques.

Athnes gardait encore

renomme antique pouraux Pallas de

la

finesse intellectuelle des esprits et la beaut statuaire des

vierges pareilles aux Dianes et

ses sculpteurs.

Entre toutes, alors, on vantait Irne, orpheline de famille aise, instruite aux plus subtiles mtaphysiques des Alexandrins dont maint disciple habitait la cit de Minerve, ressuscitant sous les murs du Parthnon l'acadmie platonicienne.

Son nom mme,

l'avaient import d'Alexandrie et

commefilles.

dut l'influence de ces sages qui aimaient en nantir, d'un signe de paix les formes esthtiques des jeunesellele

Elle avait alors dix-sept ans;

Lon vingt-et-un. L'empedansla famille

reur se dcida trs vite

la faire entrer

im-

PRINCESSES BYZANTINES.prialc. Il ne s'enquit pas

autrement de sa noblesse, car

les

chroniqueurs ne mentionnent pas ses anctres. Une seule chose l'inquita Irne professait le catholicisme orthodoxe; et comme il avait subi tant de malheurs pour soutenir:

son erreur contre

le

Pape

et les

miracles de Dieu,

il

ne

lui

appartenait plus de transiger en aucune occasion.Irne invite reconnatre les formules du conciliabule

de Constantinople, employa quelque temps en hsitations,puissoi,

satisfit

au

vula

imprial, bien que, dans

le

fond de

elle

gardt aux images sa vnration sentimentale.

Mais obtenir

couronne

comme

prix d'une renonciation

extrieure, ce permettrait peut-tre,

un

jour,

dans des conla conseill-

jonctures plus favorables, de rtablir sur l'empire entier la

domination de l'orthodoxie catholique. Ainsi

rent les prtres de son entourage et les princes de la pense

chrtienne. Elle devait raliser leur espoir, le sien.

Quelles restrictions mentales se permit-elle en jurant surle

bois de la vraie croix et les plus puissantes reliques?

Par del

les

parvis de la basilique,

le

trne l'attendait, avecperles,

les gardes, la

couronne aux deux rangs de

aux longuesle

bandelettes charges de joyaux et qui battent, dans les cr-

monies, sur l'incarnat aviv des joues. Versacclamations dessavait suprieuretires.

feu

de seset

regards s'exaltait l'enthousiasme de la foule sujettedignitaires.

les

Elle ne rsista plus; elleesprits,

seal-

aux meilleurs

aux volonts

Possdantries

le levier

d'une suprme puissance, qui l'emle

pcherait ensuite de modifier

monde aula

gr de ses thosociale les

philosophiques, d'appliquer et

mcanique,

axiomes

les

inductions de ses ducateurs

bien autre-

IRENE L'ATHENIENNE.mentrvrs en elle-mme, que les potentats de la famille

future.

resses

Pour cela, il lui suffisait d'abandonner son corps aux cadu prince de Byzance que ses effigies montrent de

figure affine et maladive avec les lueurs d'yeux brlants.

Elle se soumit donc l'hrsie. Aussitt les honneurs impriaux lui furent dcerns. On l'envoya prendre dans Athnes avec un merveilleux quipage. Une galre la conduisit jusqu'au palais d'Hieria sis sur le promontoire Sortenien qui, de l'Asie, fait face la colline de Byzance. De l, il lui fut loisible de contempler la ville de Constantin levant entre les plaines bleues de la mer et du ciel l'tincellement de ses dmes, les dorures des flches aux difices les courbures de ses rues en pavois au long des grves manges par la bave des flots ternels. Elle allait y rgner dans la splendeur des robes aux quadratures de joyaux, des mantes tranantes qu'on relve sur la main gauche soutenant le globe de l'univers asservi. Gomme elle s'enivra de voir les prparatifs de fte pour son entre dans la ville conquise par la seule force de son esprit, de sa,

beaut.

Quel plus grand triomphe possible que celui-ci, purementindividuel et sans aucun concours?

Un

empire ses pieds, l'empire des Romains; l'orgueil

des empereurs adorsn'est pas

comme les anciens

dieux,

cela offert

la pure vertu des formes et de la spiritualit.Il

dans l'histoire d'autre situation analogue, unsi

bonheur aussi rayonnant dans une me goter, avecle

parfaite et apte

raffinement d'un esprit superbe, toutes les

jouissances de

la gloire,

de

la

mditation mtaphysique, du

PRINCESSES BYZANTINES.dlire artistique devant les merveilles

humaines

et l'apparat

de

la terre.

Ce mois de septembre, conte le sec Thophane chroniqueur ecclsiastique, Irne d'Athnes fut amene du palais

d'Hieria jusque

la ville

impriale sur

un dromonle

(sorte de

lgre barque construite

pour passer

Bosphore). Sa suite

hommes

occupait des chalandions orns de soies magnifiques. Les et les femmes des familles du premier rang vinrentla recevoir

parmi un grand concours de peuplele

et

l'accom-

pagnrent.

Le troisime jour de septembre,Phare.

patriarche se rendit au

Palais, clbra les noces d'Irne et de

Lon dans

l'glise

du

Le dix-septime,

jour de dcembre, dans leTriclinium

Augustal

l'impratrice Irne fut couronne; puis ayant chemin de l'oratoire de Saint-Stphane jusque Daphn, elle prit le diadme nuptial avec le basileus Lon, fils de Cons.

tantinIls

habitrent

le palais

de Magnaure.

Le conte ferique oMalgr

elle s'tait

rve vivre cessa ds lors.

ses excellentes qualits, elle

ne russit pas dominer

l'imprial poux; et, sentant que la lutte lui serait pluttnuisible, Irne se retira dans le Gynce. Elle se constitua

doucement, silencieusement unele pouvoir,

cour fidle parmi ceux

des officiers et dignitaires qui, ayant sujet de mdire contre

semblaient craindre pour le salut de leur me, avaient officiellement renonc au culte des images. La nouvelle impratrice les consola en secret, les accueillit en une intimit particulire, et bientt elle eutparcequ'ils

IRENE L'ATHENIENNE.

i3

au palais nombre de partisans. Elle possdait de remarquables qualits de sduction, et comme elle resta fortvertueuse,les

pieuses gens ne redoutrent pas le prestigelui

de sa beaut plastique.

Les mdaillesles

attribuent

un corps en proportions

sculpturales, noble de la majest des desses qu'expriment

marbres hellnes, des bras menus, ondulants, une poiune tte petite d'un ovale absolu o priment de grands yeux imprieux une bouche minuscule qui empreint le visage de cette purilit ravissante propre auxtrine haute et rude,;

nymphes des

bas-reliefs.

peuple de Byzance la regardait passer en char selon le trot d'un quadrige blanc, les paules couvertes de ses quintuples colliers aux lourdes pendeloques de pierreries diverses qui semblaient un camail de feux multicolores, des murmures d'admiration mouvaient la foule frissonnante. Les habiles de la cour comprirent comme cette popularit ne manquerait pas de crotre en faveur d'une princesse dontle

Quand

l'intelligence et la force

faveur publique.

Et on

morale ne dmentiraient point la commena de se donner elle,la

occultement. Or, Constantinfaites

Copronyme ayant obtenu,

paix des

Bulgares vainqueurs

rsolut de venger ses multiples d-

par une incursion inopine sur leur territoire.ils

En

pleine paix, 80,000 Grecs surprirent leurs garnisons et pillrent le pays. Aussittflotte

armrent de toutes parts. La

de Byzance envoye sur l'Euxin pour dbarquer des troupes, fut battue par la tempte, rejete au rivage devant

Copronyme

assistant

dait la frontire.

Le

roi

au dsastre avec sa cavalerie qui garUzericus feisnit alors d'tre m-

14

PRINCESSES BYZANTINES.lui,

content de ses troupes. Elles conspiraient contrevit-il

cri-

TEmpereur.

Il

ajouta qu'il dsirait jouir de la vie

prive, et suppliait Constantin de lui envoyer des otages afin de pouvoir se fier l'hospitalit des Grecs et finir sesjours parmi les magnificences de leur capitale.

Copronymesailles

crut sa lettre.

Il,

envoya

les otages qui, ds

leur arrive au

camp bulgarel'effet

furent ventrs en

repr-

de

lail

violation de paix.

Quandpra; et,

connutil

commeIl

avait les

de sa sottise, l'empereur se dseshumeurs mauvaises, son sang

se corrompit.

jambes. Les soldatsla cte:

prouvait d'atroces brlures aux cuisses, aux le portrent sur un brancard du camp

il

ne pouvait plus marcher.le

Lon l'embarqua pouril

Byzance. Parvenu prs

chteau de Strongyle,brlait,

se prit

crier effroyablement qu'il

condamn

tout vivant

aux flammes ternelles pour avoir blasphm contre la Vierge Marie. En effet, il polmiquait depuis longtemps afin qu'on la nommt dans les prires Mre du Christ, et non Mre de Dieu, hrsie nestorienne dont il se retracta avant de mourir, en vouant la Mre de Dieu la ddicace de l'glise des Blaquernes, faubourg patricien. Sur le vaisseau mme il rendit l'me dans les tortures du remords.,

Lon atteignait alors vingt-six ans, il arrangea les choses du gouvernement avec ses quatre frres les Csars Christophe et Niccphore, le nobilissime Nicetas et Eudocime,

qu'il devait bientt revtir

d'une dignit pareille.

Irne tenta encore decouterait

le

sduire, de lui

imposer son

esprit.

Elle pensait que, Constantinfils

mieux

ses

Copronyme tant dfunt, le avis. Mais Lon avait l'humeurson pre.Il se

malade

comme

son aieul

et

gardait de tous,

,

IRENE L'ATHENIENNE.

i5

la

mlancolique et mfiant, proccup seulement de conserver sympathie des troupes qui maintenaient sa race au trne. Dvou leurs dsirs, attach leur hrsie, il ne pouvait souffrir la douceur d'une femme qui reprsentait l'lment contraire dans la politique d'alors. Rebute par l'empereur et ses conseillers, Irne ne setorieuse,

dcouragea point. Elle prtendait devenir malgr tous vicdominer par-dessus la sottise de ces gens de cour,rgner seule pour la gloire de l'orthodoxie. Heureusement la

nature

l'avait gratifiel'aieul. Il tait

d'un

fils

qu'on baptisa Constantin,le

comme

n dans

pavillon de porphyre,

La

Pourpre, o

l'tiquette voulait

leurs couches. Suivant la

que les impratrices fissent coutume, on surnomma l'enfant

Porphyrognte, n dans La Pourpre. Grce lui en se couvrant de l'affection maternelle Irne se trouvait en meilleure chance de russir. Elle laissa rpandre un bruit sur la mort prochaine de l'empereur. Ses amis catholiques en propagrent l'opinion; et ils disaient,

quels prils l'empire encourrerait, avecsi

un

trs

jeune prince,

couronner immdiatement. Les dignitaires et les officiers fort heureux sous cette race, tremblrent d'avoir lutter contre un parti de succession. Irnele

on ne prenait soin de

entretint leurs craintes.

Il fallait

ds l'heure prsente lgi-

timer

la

souverainet future de l'enfant afin, qu'au cas d'un

malheur, nul ne songet une restauration des anciennes races ou l'usurpation du pouvoir en s'excusant par l'exemple de Lon l'Isaurien. Tant travaillrent et intrigurent les amis de l'impratrice que ce devint l bientt le sentiment gnral. On rappelait tout propos les morts brusques des deux basileus dfunts,

i6

PRINCESSES BYZANTINES.

gens en place suivaient avec inquitude sur les traits de Tautocrate renvahissement du mal si redout de l'impet les

ratrice.

Irne ne supportait point que sa science sre, volontaire,

demeurt soumise au bonde paratre

plaisir

d'un matre.

Il lui

tardait

comme

forceles

humaine concevante

et

agissante

capable de raliser

utopies platoniciennes la face

du

monde.

Mme il commenait courir d'tranges On prtendait que les formules des magestaient passes en hritage et

bruits sur elle.

alexandrins lui

que leur puissance seule et la vertu des incantations thurgiques la menaient au pouvoir. Plus initie que Copronyme, elle l'avait vaincu et cette mort surnaturelle pouvait bien rsulter des charmes de la magi;

cienne catholique.

Ce ne

faisait

que,

lui

acqurir les ambitieux. Bientt onle

reprsenta au basileus lui-mme qu'il importait, poursalut de l'empire

de couronner son

fils

au plus

tt.

En

chacun s'affirmait la conviction que Lon ne survivrait pas longtemps son pre. Irne y veillerait. Mon fils, rpondit Lon aux plus insistants, est dans un ge bien tendre. Ma sant chancelle; je puis mourir bientt. Vous verriez avec peine un enfant sur le trne, ou plutttrs

vous ne l'y souffririez pas. Il en coterait la tte mon fils pour avoir port quelque temps la couronne. Je l'aime trop pour l'y exposer . Alors tous lui jurrent d'avoir pour sacre la vie de Constantin Porphyrognte quoi qu'il ptadvenir.

Lon IV les voyant si pleins de ferveur, n'avait plus de bonnes raisons faire valoir. Il consentit au couronnement.

IRENE L'ATHENIENNE.L'impratrice se crut trs affermie surle

17

trne quand elle

apprit ce rsultat de sa politique. Elle remercia son poux,

Selon ses avis, Lon rsolut d'accomplir cette investitureavec une grande solennit.

Le vendredi avant Pques, il monta sur son tribunal, dans la place qui prcde Sainte-Sopiiie; et, prsentant Constantin aux troupes Voici, dit-il, le nouvel empereur Jsus que vous avez dsir! L'assistance psalmodia qui tes mort pour nous, recevez aujourd'hui le serment que nous faisons notre empereur Alors le patriarche apporta le bras de la vraie Paul (il tait catholique), les chefs des Ordres, les snateurs, les croix sous un dais tribuns des lgions, les principaux du peuple, les matres de chaque corporation, mme ceux des mtiers les plus vils dfilrent devant la cleste relique et jurrent fidlit et dvouement Constantin Porphyrognte. Le lendemain, Lon dclara son frre Eudocime nobilissime. Les dignitaires resplendissant des costumes crmoniels marchrent en cortge jusqu' Sainte-Sophie pour assister au sacrifice de la messe accompli sur l'un des trois: :!

:

cent soixante-cinq autels de la clbre mtropolitaine.

A

l'offrande, les reprsentants des ordres de l'tat vinrent d-

poser entre

les

mains ecclsiastiques un

acte sign de

chacun

des chefs, et qui consacrait le serment de la veille.

Lales

famille entire bnficiait de ce couronnement. L'l-

vation d'Eudocime devait rallier la combinaison nouvelle

mcontents, adversaires d'Irnele

et

de Lon, que ce jeune

prince avait accueillis dans ses conseils.Aussi,jour de Pques, ce fut unefte

immense

joie

dans

Byzance. La

religieuse ordinairement magnifique se2

PRINCESSES BYZANTINES.

i8

PRINCESSES BYZANTINES.

officiel. En costume imprial, la double manteau tiss de pierreries tendu sur la croupe de son cheval, Lon chevaucha par-devant ses quatre frres et sa maison autour de l'Hippodrome rempli d'une foule enthousiaste. La cavalcade tincelait sous le pesant soleil comme un lviathan aux cailles de feux l'amour des colors. L'empereur n'avait qu'une passion gemmes et des perles; et, dans l'intrieur des chambres

compltait d'un galatte, le

couronne en

:

obscurcies,

il

passait les heures faire fluer et ruisseler en

ses doigts fins les

eaux lumineuses des amthystes, des to-

pazes, des rubis, des bryls, des chrysolithes.sans cesse porte

Pour

teniril

du regard de

telles feries visuelles,

ordonnait que sa suite et ses ministres eussent leurs hardes couvertes de joyaux. Cela chatoyait sous l'admirable ciel toutes courbettes des coursiers. Le peuple dlirait, remu jusqu'aux fibres par la vertu des pierres.

Au

milieu de cette splendeur, un char soudain parut o se

tenait droite,

offrant dans ses brasUn rayonnement

le

la trs belle Irne.

nouvel empereur, de joie triomphale

se

dardait de sa personne impeccable, quasi divine et qu'on

prcieusement savante, en intimit avec les esA sa venue, les feux des joyaux s'vanouirent, avec la richesse des costumes et la majest du cortge. Elle passa devant le trpied de bronze aux trois serpents enrouls que les Platens jadis avaient dpos dans le temple de Delphes en souvenir de la victoire sur les Perses. Et cela semblait lui convenir comme le signe des prophties qu'elle raliserait pour la gloire du Peuplesavaitsi

sences clestes et magiques.

Grec.

On

dit

que

la foule se prcipita

en un lan d'amour, roni-

IRENE L'ATHENIENNE.pantla ligne des

19

gardes

,

prit touff, pitin, les os

sautant sur l'arne, et que maint y rompus par la hauteur de la

chute.

au temple des catchumnes. le parcours de son char. Elle laissait des paroles enchantes ceux qui approchaient les franges de sa robe; et on se les rptait de rang en rang, de groupe en groupe; on les apprenait ainsi que des devisesfils

Irne conduisait sonse

Les rues

remplirent sur

propitiatoires.

Car

elle

ne ngligea plus de manifester publiquementles

comme

sa pit orthodoxe regrettait les

Faces o se formulentles aspirations

forces suprmes,

Images des Saintes o s'attachent

du cur chrtien. De

ce jour, tout le

monde

Byzance que l'impratrice revendiquait en faveur des femmes et des citoyens contre le pouvoir militaire. Le peuple fut sien. Vers ce temps, on apprit que le chef Franc Karl, avait dpossd le roi des Lombards, Didier, qui lui faisait la guerre. Karl avait rpudi la fille de ce prince, les vques francs ayant annul ce mariage pour ce qu'elle ne pouvaitsut. dans

concevoir, par infirmit corporelle

;

et

Didier pris, restait

enferm dans Corbie. Irne inquite par les succs des Francs en Italie, obtint que l'hritier des lombards, Adalgise, rfugi Byzance ft honor du titre de patrice. C'tait une manire de dfi pour l'excs de conqute dont les Francs menaaient. Elle maria l'une de ses parentes un prince bulgare cr patrice galement. Les Barbares n'eurentplus de raisons de dvaster les frontires.

On

traita

mme

pour

qu'ils les

dfendissent.

Au

Sud.

les

Sarrasins battus laissrent aux mains des

PRINCESSES BYZANTINES.Grecs quantit de captifs qui furent employs la culture la Thrace. Peu peu, Irne imposait la cour une puissance effective mane de son titre d'Augusta qu'elle portait depuisl'an

de

775.

La

foule applaudissait chacun des actes qu'elle

savait inspirs de la sagesse.

Lon

finitIl

par croire fort dange-

reuse cette aspiration au pouvoir.

avisa se prmunir.

UneIrne

enqute que menrent ses fidles dcela l'existence

d'un parti catholique, agissant au curle dirigeait, et

mme du

palais.

Anthuse,

cette

sur de Lon qui gaquarts de son bien, quart servait au rachat

gnait l'opinion publique ses uvres saintes.

En

effet, elle

y consacraitlui

les trois

rgi par

une sorte de ministre.

Un

des captifs.

Ce qui

vouait la reconnaissance d'une partie

et de la classe moyenne. Un autre quart se dpensait pour l'entretien, la nourriture des pauvres et, principalement, des enfants abandonns. Elle fonda en

des familles militaires

leur faveur refuges et hospices.

La populace l'aima pour ceune merveil-

qu'elle donnait ainsi sa virginit de pieuse

leuse fcondit, et que, princesse, elle reniait la gloire de son

rang afin de secourir les humbles. Si la populace et les familles militaires lui venaient en alliance, elle se rendait l'glise favorable en rpartissant le troisime quart de son revenu entre les monastres et les basiliques ravages par la fureur iconoclaste, jusqu' donner ses robes prcieuses et rares, les robes de porphyrognte qui en voulut

pour orner

les autels et les habits

sacerdo-

taux.

Bien qu'il n'et Jamais autoris le rtablissement des images, l'empereur montrait une grande tolrance l'gard

IRENE L'ATHENIENNE.des catholiques. Son lecteur Paul, devenu patriarche, appard'Irne. Cependant Lon ne voulut manire de conspiration qui pouvait, au moindre clat, soulever contre lui les armes. L'enqute pousse fond dmontra qu'un culte clandestin se pratiquait dans les appartements de l'impratrice. Un matin, pendant les prires du carme, Lon pntra brusquement dans les chambres, fit fouiller partout. Sous l'oreiller du lit imprial, on trouva deux images le Christ, la Vierge. L'poux exprima une grande colre. Comme il ne seyait, par dcence, de s'emporter contre la Despona elle-mme, il dirigea sa fureur contre les subalternes. On pensa que les papias qui gardaient les clefs du palais pendant la nuittenait l'orthodoxiesouftrir cette:

avaient, de concert avec le capitaine des gardes, apport ces

idoles .

L'ordre imprial les soumit la torture. Rass, dchirs

du

fouet,

on

les

conduisit tout saigneux dos d'nes par les

rues, jusqu' la prison

du

prtoire.

phane y mourut depalais,

ses blessures.

Le chambellan ThoThomas, gouverneur dula

et les autres

propagateurs catholiques allrent de

basse-fosse au clotre.

prudente pour risquer une disgrce enle succs de son uvre, Irne nia tre pour quelque chose dans cette affaire. Elle protesta qu'on avait, sans l'avertir, cach ces images sous l'oreiller dans l'intention de lui nuire auprs de l'empereur et de la brouiller avec lui. Elle songeait que ce sacrifice d'amour-propre et de franchise se compensait par l'assurance de continuer en paix sa pieuse propagande. Il est des cas, dit-on, o le mensongefine et trop tire qui eut

Trop

compromis

politique devient mritoire.

PRINCESSES BYZANTINES.Lon toutefois netraitas'ylui

voulut

fier.

Sur

le

moment,

il

la

mal, l'injuria,ni religion.

reprocha durement de n'avoir ni

honneurIl

fallait qu'elle

possdt l'me d'une malheureuse pourelle

violer l'horrible serment fait l'empereur dfunt sur les chosesles plus saintes.

Comme

voulut s'approcher afin de

l'a-

doucir,

il

la

repoussa avec beaucoup de violence

et refusa

depuis de

la voir,

Irne jugea

comme une

trs grave

msaventure l'espce de

divorce qui suivit cette rupture bruyante.vivrait plus vieux. Tel

mois que Lon IV Basileus ne que son pre, il mourrait de ce mal dont les humeurs dcomposent le sang. Lui-mme s'assombrissait, dans le sentiment de sa fin proche. Plus que jamais il s'enfermait aux chambres obscures, pour jouir de ses joyaux o il baignait ses mains, son visage, sa barbe, s'ingniant leur dcouvrir des jeux de lumire inconnus, des qualits extrmes d'clat et de coloris. C'tait un charme, disait-on et personne ne l'en saurait dlivrer. Son me devenait l'esclave de l'esprit des gemmes. Les amis d'Irnedisait depuis bien des;

On

le

surveillrent.

Bientt rien ne refrna son dlire, cette passion bizarre.

Se prvalant de l'hrsie iconoclaste,tuaires les pierres

dont

il

il enlevait des sanctombait amoureux, au grand

scandale des chrtiens.

On

voyait Sainte-Sophie une couronne d'or enrichie des

gemmes du monde, conquises par les empereurs romains aux temps des victoires illustres sur l'ensemble des peuples. L'empereur Hraclius l'avait consacre Dieuplus belles

parce que, trop lourde, nul ne

la

pouvait porter.

On

l'avait

IRENE L'ATHENIENNE.

23

suspendue la vote. Chaque jour, Lon qui l'aimait perdment, l'allait visiter, lui parlant comme une matresse, caressant ses formes admirables, se berant l'clat merveilleux de ses yeux de pierreries. On rapporta la chose l'Impratrice qui envoya des gensobserver Tpoux infidle; carelle gardait, dit un chroniqueur, grand ressentiment de cette rivalit. Enfin Lon, incapable de rsister davantage la passion, ne recula plus devant la peur du sacrilge. Il s'appropria

l'objet sacr.

La possession occulte ne lui suffit pas. Il fallut qu'il montrt au monde ce bonheur. A la premire fte crmonielle, il apparut au peuple avec sur le chef, la couronne d'enchantement. Il resplendissait comme le soleil des grimoires alchimiques. La foule bahie, stupfaite, l'adora. Mais on meurt de trop fol amour. A peine rendu au palais, il lui sembla que les feux des mille gemmes incrustes se fluidifiant sur son front le brlaient atrocement. Il hurla toute une nuit dans les grandes salles dsertes par l'effroi des serviteurs, invoquant en vain les saints des mosaques qu'il avait effacs. Des pustules lui germrent sur le crne. La fivre le consuma en quelques heures. Le sacrilge s'expia pour la vengeance et le triomphedela

jalouse Irne.

Constantin atteignait dix ans.

En son nom,

l'Impratrice allait rgir l'Etat.

^..^..^..^..^..^..^..^..^.^

^^^^^^^

Mi.

- LA REGENCE.

Certainstrts.

accusent Irne de cette mort propice ses in-

La solennisation qu'elle avait su conseiller pour le couronnement de son fils empcha les comptitions immdiates. Le serment du Vendredi-Saint fut renouvel dans les mmes termes. Elle se trouva toute puissante, appuye d'un parti fort et dtermin. Le peuple dj dispos parfaitementen sa faveur, reut des largesses considrables; car elle profitait de l'avarice criminelle des prdcesseurs, en jetant en pture aux hommes les trsors acquis jadis au prix d'iniquits nombreuses et dont la foule gardait rancune. En sorte que sa conduite fut un heureux contraste avec les coutumes cupides des empereurs, sans que l'on raisonnt comme elle accomplissait une simple et peu coteuse restitution. Mais elle eut grand soin de faire ces largesses en son propre nom et d'carter ds le prsent la personnalit du porphyrognte. D'abord les monnaies l'avaient reprsent sous un visage niaisement ovale et soutenant avec son pre une croix double. De mme, les pices nouvelles le montrrent soute-

26

PRINCESSES BYZANTINES.se

nant avec sa mre une haute croix gmine. Cela seul modifia dans sa vie.Irneoffrit

Anthuse de partager

le

pouvoir. La sainteet la batification

s'y refusa et s'tant clotre attendit la

mort

dans Taustrit monastique. Et l'Impratrice domina seule, servie par la modestie mme de celle qui l'avait puissam-

ment

aide s'assurer le trne.

On

rait les

put voir en fort peu de temps, esprances publiques.le

comme

elle

surpasse-

Aaron-al-Raschid,les

prodigieux calife des popes arabes,

ds qu'il la connut par ses premires diplomaties, cessahostilits

entreprises contre

Byzance

et

lui

voulut

alliance. Peut-tre, initiset l'autre, s'taient-ils

d'un dogme occulte enseign l'un

reconnus l'change d'un signe

mystrieux. Des prsents envoys, des projets pacifiques

ouvertement affirms conclurent ces premiers rapports. Le pape Adrien L'", ce politique hardi qui sut faire du Franc Karl le Carolus Magnus des crits ecclsiastiques et le Charlemagne de l'histoire, ne lui fut pas moins favorable.Il

connaissait les desseins orthodoxes de l'Athnienne

et,

sr de ne plus craindre l'absorption grecque balance par

l'norme pouvoir des Carolingiens, il s'humanisa dans la querelle canonique et s'entendit avec la pompeuse intelligence d'Irne. Charlemagne qu'il menait en pouvantailobit

maraudeurs du temporel de Saint-Pierre, Il s'tablit une manire de triple alliance entre Byzance le Pape et l'Empereur dcids maintenir la paix contre les Barbares et les ambitions soudaines des gnraux pars. Qu'en moins de deux mois de rgne un pareil rsultatpour loigner,

les

ces

desseins.

,

LA RGENCE.et t atteint par Irne cela tait la

27

hautain,

marque d'un esprit propre niditer de grandes choses et volontaire pour les accomplir. En mme temps, le budget se dgrevait d'impts. Les richesses illgalement enleves aux citoyens, aux moines, taient rendues. Une harmonie nouvelle naissait dans l'tat, un quilibre inou de ses forces, de ses facults, la paix si vainement attendue. Les louanges du peuple levrent Irne dans son amour. Comme premier ministre, elle choisit l'eunuque Staurace, un cubiculaire assoupli la vie de cour par un trs long service de courtisan. Il savait trs bien les hommes, leurs passions, leurs faiblesses surtout qui les livrent. Des derniers rangs sociaux, il s'tait lev par l'unique force de son talent observateur, dissquant, avec l'ardeur de sa haine povir les matres, esprits soumis ses investigations. Dpourvu de passions sensuelles, il concentrait en sa seule ambition les vigueurs de son tre, avec l'espoir vague de dominer un Jour ceux-l qui l'avaient asservi, honteusement mutil. C'tait, condition de ne pas lui laisseractif,

rompre

le frein,

un

auxiliaire sans gal.

Irne, dit un pieux historien, le prit pour l'clairer et

non pour

la conduire.

Il la

renseigna sur ce qu'il connaissaitses glises, ses

du

palais, cette cit

norme avec

gemmes,

ses

trois

mondes

militaire, ecclsiastique, administratif, circu-

lantle

dans l'ensemble des salles immenses, des difices divers, long des quais, sous les arcades basses de l'hippodrome, et sans cesse occup s'unir en factions, tramer des complots avec

un

art spcial cr

pour

cela,

une sorte de sport

aristocratique

o

se

consumait

la vie

de cour.

28

PRINCESSES BYZANTINES.Laville tait

une tout autre chose, plus inconnue de ces

patriciens, de ces eunuques, que les postes militaires des

confins asiatiques,

o tour

tour

ils

allaient

commander

et

s'user en tentatives prilleuses afin d'attacher leur fortune

individuelle les mercenaires barbares pour reparatre

un

jour sous lesla

murs de

la ville

impriale, chausss de pourpre,

subir courageusement le dur supplice dess'ils

couronne des basileus au front, prs de triompher, prts yeux crevs,ne russissaient point.

Staurace n'ignorait aucuntous,il

systme

de conjuration.

Aqui

avait t ml depuis son entre

au

palais,

comme

agent,

comme

spectateur,

comme

espion.

Ce

fut lui

saisit les lettres

adresses par plusieurs officiers iconoclastes

auCsarNicphore, prede Lon, relgu dj en Chersonse par le feu empereur pour menes ambitieuses. Les soldats l'invitaient par leurs crits reprsenter aux troupes de son thme que la balance et l'pe ne convenaient pas aux mains d'une femme. Avertie aussitt, l'impratrice rappela Nicphore avec de tels termes qu'il crut sa grce accorde en l'honneur du joyeux avnement. Il accourut. Mais, ds la premire heure de sa venue, il fallut qu'il se justifit. On instruisit le procs o furent impliqus des snateurs mme.

En

d'aussi graves conjonctures, Irne n'hsita point. Ellefallait

punir terriblement pour marquer que sa virile. Les fauteurs du complot, sans gard au rang, reurent le fouet et furent tondus puis relgus aux frontires; les plus illustres durent subir l'internement dans des les diffrentes o aucun rapport ne leur demeurerait possible.pensa qu'il

main de femme

frappait de faon

LA REGENCE.Quant aux quatre oncles de l'empereur,devantrevtuele

29

csars et nobilis-

simes, elle leur enjoignit de comparatre en sa prsencepatriarche Paul. Ilsl'y virent superbe etcourrouce,insignes d'Augusta, ayant le diadme surla croix-de ses

mont degauche

grecque, et cette sorte de chasuble courtese

devant, longue derrire qui

retroussait

sur

la

main

comme

la trane

de nos modernes amazones. Les

eunuques

et les

dignitaires catholiques l'entouraient, les

scholaires avec leurs masses d'armes. Staurace lutsitoire contre leurs prtentions

un

rqui-

menaantes pour la paix intrieure. Cela se terminait par une condamnation mort. On leur laissait une voie de salut; substituer la mort civile la mort physique; se consacrer Dieu par tous les vux de renoncement. Le patriarche voulait bien les recevoir au nombre des ministres du Christ et les ordonner prtres. Onne leurlaissait

pas

le loisir

de rflexion.

Il

fallut qu'ils se

dcidassent et se fissent sacrer incontinent. Aprs une re-

nonciation de leursordres.

titres et qualits,

on leur confra

les

Irne exigea que ce premier succs sur ses adversairesft suivi

d'une sanction solennelle qui montrerait au peuple

quelle puissance infrangible elle tenait. Sa science n'ignorait

pas l'influence suprme des manifestations extrieures

couronnement de Constantin

magnifique crmonie du aux yeux du monde, lgitim sans conteste sa qualit d'empereur, elle pensa que faire officier sacerdotalement par ses beaux-frres devant Byzance les marquerait ainsi d'un caractre d'onctionsur l'esprit des foules.la

Comme

avait,

qui rendrait odieuse l'avenir toute tentative guerrire

ou politique de leur

part.

Le sentiment religieux de Byzance

3o

PRINCESSES BYZANTINES.Ils

n'et pas souffert cette profanation.

resteraient

pour

jamais dchus de leurs droits de naissance.

A Nol donc, ils donnrent en grand appareil la communion publique au peuple, dans l'glise de Sainte-Sophie. Irne y vint avec un superbe cortge. L'empereur Constantin l'accompagnait, suivi de toute la cour, des officiers, des dignitaires. Et l'on portait devant eux la couronne enleve par Lon, cette merveille de Joaillerie pour l'amour de laquelleil

tait

mort. Afin d'expier

le

sacrilge, l'impratrice l'avait

enrichie encore des pierres les plus rares qu'elle avait

pu

un nouvel hommage au Seigneur parmi l'allgresse des moines et les acclamations populaires. Mais un si beau coup d'audace politique ne pouvait satisfaire tout le monde. Le parti militaire sentait bien que l'orthodoxie peine secrte d'Irne le menaait. Ce fut uneconnatre.

On

en

fit

crature de l'impratrice,

le

vieux stratge Elpidius, gouveril

neur de

Sicile qui, le premier,

Dans son gouvernement,portaient

fomenta la rvolte. blma la crmonie de Nol.les milices; ils raples

Les Siciliens l'approuvrent excits par

immdiatement

l'intervention d'Elpidiusles

amliorations administratives appliques selon

ordres

de la Rgente. Puis, sur son conseil, ils offrirent Nicphore de le proclamer et se levrent en armes. Le csar-prtre craignit. Il concevait que si la Despona avait entirement men au bien son uvre de rpression, le peuple de Byzance pensait avec elle et pour elle et que sans lui rien n'tait qui mritt les hasards d'un soulvement. Aussi prvint-il de lui-mme Irne sur les choses de Sicile.,

ThophaneMessine pour

,

capitaine

des

gardes,

aussitt

expdi

signifier Elpidius son rappel,

manqua

d'tre

,

LA REGENCE.charp parla

3i

populace.

Il

dut

fuir.

Ds son retour, Irne

commandaferma au

l'arrestation de la famille d'EIpidius.

On

les en-

clotre, puis en prison

comme

otages.

La nouvelle de la rvolte occasionna certains troubles dans Tesprit des thmes militaires; et, quelque temps, on put redouter qu'elle se gnralist. Par bonheur, Jean, chef du Palais, battit les Sarrasins. Ce succs encourageales troupes.

La faveur d'EIpidius

baissa.

Irne ne laissa pas languir ce sentiment de l'opinion.

Avec

les trsors

reurs iconoclastes, ellelui attira leselle savait

normes accumuls par l'avarice des empearma une flotte considrable. Et ce curs davantage. Seule aprs tant de matres

vaincre sans fouiller les bourses. Elpidius ne put

les Sarrasins, emportant pour apocryphe de basileus dcern par les soldats sditieux. Les infidles le lui reconnurent et l'honorrent. Mais nul historien ne dit quelle fin il eut. Sans doute, il mourut exil misrable, occup de vaines intrigues pour persuader ses htes d'aller combattre sa patrie et de le porter au trne. A Byzance, le Palais jugea les Siciliens suffisamment punis par l'humiliation de la dfaite. Nul autre chtiment ne les frappa.rsister.Il

dut s'enfuir cheztitre

toute fortune ce

D'autre part, Staurace, victorieux des Slavons dfinitive-

ment chasss de Grce

et

de Thessalie, revint toucher

le

Sur la place intrieure du Palais parmi la joie de la classe ngociante dont ces provinces rouvertes allaient augmenter les trafics, il apparut dans la majest des tendards dclos et le poudroiement de la cavalerie. La Rgente le reut avecmilliaire d'or d'o rayonnaient les routes impriales.

32

PRINCESSES BYZANTINES.

beaucoup d'honneur. Elle voulut que l'on ftt extraordinairement l'habile ministre qui la secondait de si brillante faon. Jl triompha dans l'Hippodrome avec une splendeur inaccoutume. Byzance n'avait rien vu de pareil depuisBlisaire.

Irne comptait alors deux ans de pouvoir.Ses adversaires semblaient partout terrasss aussi bien parla force

politique.lui fallut

de ses armes que par l'excellence des rsultats de sa On imagine difficilement l'norme activit qu'il

pour accomplir en deux ans

la

reconstitution de

l'empire byzantin, pour substituer au pouvoir prcaire des

prdcesseurs maintenus contre l'hostilit du peuple par

la

faveur instable de l'arme un gouvernement en quilibre entre ces deux forces, sachant s'acqurir les sympathies dela

premire au

moyen d'une conomieet des espoirs

sociale admirable-

ment improvise

de restauration, sachant aussi

fcondes en gloire, oud'tat.

occuper l'inquite brutalit de l'autre par des expditions la rprimer par d'nergiques coups

athnienne avait organis le Les guerres vaines, les entreprises d'inutile orgueil ou de sotte fureur publique, cessaient devant la logique de cet esprit. Elle n'armait que contrainte et pour conclure les querelles par des traitsans,

En deux

l'orpheline

point d'appui de cet quilibre social.

d'union commerciale.favorable d'Irne. Les beauts

La prosprit grandit trangement sous l'administration du rgne de Justinien se renouvelrent. Partout la culture des champs occupait lesbras des captifs coloniss; les routes sres se creusaientd'ornires sousle faix

des chariots marchands colportant les

LA REGENCE.

33

richesses qui passaient d'Orient en Occident; car la vertu

gographique de Byzance en faisait le comptoir du monde le plus achaland entre la civilisation asiatique et la barbarie confine dans la vieille Europe. Irne maintenait ses relations entre le calife Aaron-alRaschid, fils de Mahdi, et le Charlemagne la couronne de fer. Elle les unissait de ses mains propices d'initie. Lessciences encloses

aux anciens

livres de l'hermtisme cos-

mopolite

lui lguaient les conseils ncessaires

pour voquer

l'harmonie des lments humains en prsence dans le corps de l'empire. Et elle prdominait dans l'imagination de l'unet

de l'autre potentat avec

le prestige

de sa beaut dj l-

gendaire rehausse par

l'artifice

du luxe byzantin.

Assise sous les tendelets impriaux, l'extrme pointe du promontoire, dominant les eaux rapides du Bosphore, elle passait les soirs devant la ferie immortelle du ciel levantin se voir reflte dans les vasques de mtal poli resplendissante comme la Mre de Dieu, en la chsse pompeuse de ses vtements qui miraient les scintillantes toiles chaque facette de leurs joyaux uniques. Les penses de triomphe chantaient en elle. Sa mmoire voquait les enseignements mystrieux des coles; et elle se demandait pourquoi les arbitres du monde renoncent si facilement jouir de la grandeur d'un tat se dveloppant en harmonie selon leur ide directrice, l'immense bonheur de percevoir leur esprit,

crateur vivifier les

mes de millionsle

d'tres

,

leur

imprimer

un

effort

cadenc ralisant

principe

mme

qui les a mis

en branle. Renoncer cette joie divine pour sacrifier aux misrables apptits individuels! Les monarques des temps dfunts dfilaient devant son souvenir courbs sous le ridiPRINCESSES BYZANTINES.3

34

PRINCESSES BYZANTINES.des passions bestiales pour l'assouvissement desquelles souverain pouvoir ne leur avait paru qu'un utile moyen; elle prouvait une manire de honte songer qu'elle

CLile

le

et

compterait un jour aux pages historiques dans la srie des simples couronns. L'amour de faire vibrer un peuple au souffle de son esprit la tenait haletante et pme quand la foule approbativepoussait rables.elle ses flots

Elle sentait le

humains secous de clameurs favocur lui faillir, le froid de la mortElle communiait, presque

pntrer sa chair tressaillante.

sous

les espces sensuelles, elle,

principe actif et fcondant,

avec cette foule passive, enthousiaste comme une amante, et palpitant comme l'pouse l'approche de l'poux.

Ce

dlire d'lue, elle le ressentit surtout durant lefit

qu'elle

travers ses tats.

Dans tout

le

voyage nouveau de cette

gloire rcente dont le peuple s'tait dshabitu, elle apparut

aux foules pieuses

ainsi qu'une seconde incarnation du Sauveur. L'or inpuisable des rserves servait fournir ses perptuelles largesses et le public ne la connaissait pas encore qu'elle semait sur les paules des passants les monnaies nombreuses, pantacles infaillibles pour lier les mes.

Sa marche d'ailleurselle

fut

marque par des uvres philan-

thropiques. Elle relevait les villes dtruites par les guerres,fondait des colonies pour les pauvres, dotait les monastres phalanstriens qui appliquaient alors

dans toute leur

rigueur

les

doctrines communistes

si

effrayantes

pour notre

ge pusillanime. Ainsi organisa-t-elle sous l'conomie des moines, la ville de Berro au bord de Tbre, l'difia de nou-

veau parmi ses ruines et la nomma Eirenopolis. Cependant elle avait atteint la chose qu'elle

dsirait le

LA REGENCE.plus au

35

monde,

:

sceller dfinitivement

une alliance avec

l'empire franc

et

fondre en une

mme

action officielle les

trois puissances de

l'Empereur, du Pape, de Byzance. Rotrude, fille de Charlemagne, fut fiance Constantin Porphyrognte. Elle tait la sur de Louis et de Ppin, sacrs rcemment par Adrien rois d'Aquitaine et d'Italie. L'ambassade solennelle envoye prs de Charlemagne revintni

avec l'acquiescement des Francs. Ce que n'avaient obtenu Lon l'Isaurien, ni Constantin Copronyme malgr tantet

de dmarcheset la

d'humiliations. Irne, par sa seule initiative

grce que projetait au loin saoffrir

renomme,sollicit.Ils

se le

fit

en

quelque sorte

comme un honneur

Ce parut un grand triomphe auxvivacit de leur allgresse, lui

Grecs.

aimaient dj

leur future impratrice qu'ils baptisrent Erythro, dans la

donnant

le

nom

de

la

mer,

qui pousait deux

fois le

jour la terre de l'Empire.vers la prinla

La Rgente

choisit

cesse afin de l'instruire dans la

un eunuque et l'adressa coutume et danset

langue des

Grecs, l'duquer au crmonial

aux

subtilits

du dogme

byzantin.Cette fois, les vques des Gaules ne s'opposaient plus

un mariage avec un prince iconoclaste. Certainement Irne avait donn les gages d'une prochaine conversion imposeau peuple;et cela lui avait

valu, dans les ngociations nup-

tiales, la prcieuse alliance

de Rome.

IV.- LA MATERNITE IMPERIALE.

Dans les

soucis d'une politique complexe,

le

jeune prince

peu nglig par l'affection maternelle. Si, jusque la mort de Lon, Irne l'avait choy comme le motif de ses plus ardentes brigues, l'empereur mort, elle laissa plutt aux moines et aux eunuques ducateurs le soinavait t quelque

de cultiver la croissance de Constantin.

Quand

la

questionla

du mariage franc vint surgir,s'agiter cetterilit

la

rgente s'tonna de voir

puproche exprience mener de soi-mme. Il parut soudain trs amoureux de Rotrude, excit par l'enthousiasme des gens; et sa nave prolixit se promettait de conduire le monde avec cette fille de la grande race combattante du Nord. Irne comprit alors que bientt elle devrait s'effacer devant le pouvoir de l'Empereur devenu l'homme d'Etat attendu. Son autorit elle tait chose intrimaire et pis-aller de tutelle devant la viduit de la patrie. Il fallut que cette femme altire se rendt ce raisonnement vers l'heure mme o aboutissait merveille la combiimagination adolescente enfin sortie deet

premire

regardant dj l'avenir

comme une

38

PRINCESSES BYZANTINES.Il

naison de ses plans politiques, de ses rves de gloire.fallut songer

lui

qu'un rle de vieillesse lui allait convenir dans la retraite du monastre ou dans les salles du gynce, que plus elle ne commanderait ni ne goterait l'ivresse de sentir lui battre au cur la faveur publique, de suivre haletante le jeu merveilleux des empereurs o les vies humaines sont les points de ds et la terre et les mers le plateau d'enjeux.

Abandonner

tout,

mme

cette

belle

partie

:

restaurer

Byzance la hauteur de son titre d'empire romain. En deux automnes n'avait-elle su dj sduire la fortune, suffisamment pour que le monde admirt. Constantin avait douze ans. L'extrme jeunesse de la princesse franque laissait encore

du

rpit.

Irne se voyait trente ans prs de ne plus vivre que de

son

titre.

La

dignit lui importait

peu sans

le

pouvoir.

Cela lui parut une souveraine injustice du sort. cet enfant sot et inexpriment saurait-il prendresion de sonvniles

Commentla

succestel.

uvre gigantesquetant de potentats

et

porter un fardeau

Ne

croulerait-il pas

misrablement dans l'ordure de

ses vices ju-

comme

mmorables?

ne se permit pas de cder la coutume. Et pour reculer au moins l'chance d'un si funeste avenir, elle arrangea sa diplomatie de manire refroidir les relations actives existant entre Charlemagne et Byzance.se rvoltait. Elle

La rgente

D'abordversa surles

elle

allgua l'extrme jeunesse des

fiancs;

pour

prtexte son refus de fixer la date des nocesle

puis tergi-

dtail des actes ncessaires.

Aussi, peu peu,laissa

ngociateurs francs se lassrent.

On

tomber

les

questions de date, de contrat, sans rupture apparente, ce-

pendant.

LA MATERNITE IMPRIALE.

Sg

Mais, de cette secousse morale, il demeurait au cur un trange sentiment de mfiance l'gard de ce fils qui la pouvait priver de tout, du soir au matin, par un coup de force aussitt lgitim. Elle le voyait en proie aux conseils de vieux libertins, d'audacieux jouvenceaux avides du pouvoir et de joies, aptes tout tenter pour les obtenir. Hors le dsir de rgner, aucun signe d'intelligence ne semblait devoir clore dans ce cerveau embryonnaire sottement attach connatre les plaisirs extrieurs les futilits de la vie, offrir et retirer sa confiance aux plus misrables favoris. Toute la hideur de l'me brutale des jeunes garons se manifestait en ce petit-fils de Copronyme. Rien qui fit pressentir en lui un gnie du gouvernement ou de lad'Irne,

guerre.

Irne pensa qu'il importait

de sauver Byzance de

ses

mains.Elle n'avait d'autre

moyenet

d'y russir que de se faire plus

indispensable encore aux destines du pays, que de pousser

son uvre plus outrede ses entreprises.

de ravir

le

monde par

le

bonheur

Ses ennemis, ceux qui attendaient patiemment, rsolument l'mancipation de Constantin. C'taient les iconoclastes du parti militaire. L surtout elle devait frir et

gagner. Sa seule chance de salut reposait surla

le

dsastre et

dchance des destructeurs d'images. Eux abattus, les orthodoxes lui devaient la libert religieuse, les moines la richesse de leurs clotres et la scurit contre les pillages, les femmes l'accomplissement d'un trs cher dsir. Cela lui donnerait d'un mme coup l'alliance du Pape et des Francs, les subventions du clerg, la reconnaissance des classes tra-

40

PRINCESSES BYZANTINES.

tiquantes ennemies des soldats, mais qui payaient Timpt.Ellele

entama rapidement

la lutte;

et,

prestige de la cause qu'elle secondait, elle se

pour grandir encore mnagea un

miracle.

Thrace trouvaet je crois

Fort propos, en cet an 782 du Christ, un paysan de le tombeau d'un gant enfoui dans la terre:

Le Christ natra del Vierge Marie en lui. Soleil tu me verras encore un jour sous l'empire de Constantin et d'Irne . La stle fut amene dans Byzance. Elle y lit grand effet. Elle contenait la rfutation de l'hrsie nestorienne, sur quoi

avec cette inscription

se fondait la

doctrine iconoclaste

et

prdisait la restauration

temps que l'empire vie d'Irne, lue de Dieu. Les catholiques prpars depuis longtemps la rsistance par les encouragements du palais menrent bruyamment la lgende. On se rvla en public adorateur des images. Tout ce qui n'tait pas militaire arbora hardiment l'opinion de la rgente soutenue du Seigneur. Seuls les vques du concienliabule de

mme

Copronyme

n'osrent se rtracter par

amour-

propre.

Ils

avaient dfendu avec trop d'acrimonie l'abolition

des Images.

Le public manifestantde suivrele culte

ainsi, la tche se facilita.

Un

dit

dcrta la libert de conscience et la facult pour chacun

qui lui conviendrait. Aussitt l'orthodoxieles glises;

fut prche

dans

on

officia

publiquement selon

le

vieux

rite.

crainte des vexations et des supplices.

devenus ardents iconoclastes que par Le culte de la Vierge se rtablit partout. Les femmes triomphaient par le moyen d'une femme pour l'adoration d'une divinit fminine.n'taient,

Beaucoup

LA MATERNITE IMPERIALE.Irne avait son parti au grand jour. Les soldatsle

41

purent

dnombrer;drables,ils

et

comme

les forces

leur en semblrent consi-

n'agirent pas rencontre.rsultat rendit l'impratrice fort confiante.

Ce premier

Elle s'attendait une meute, la rvolte ouverte. Voici

que sa fermet seule anoblissaitpar-dessusla

l'intellectualit

dlicate

multitude brutale. Pour elle-mme, pour ses ambitions secrtes c'tait la victoire en somme de l'lmentcontraire

Lon

l'Isaurien et Constantinle

prsage de sa suprmatie future surleur descendant.

Copronyme; un Porphyrognte,

Elle ne laissa point de repos l'ennemi et porta de nouveaux coups. Paul, le patriarche de Lon IV, malgr les apparences ncessaires sa charge, n'avait pas dmenti ses prfrences pour l'orthodoxie. Il restait fort attach Irne, l'ayant prouv en ordonnant les oncles du porphynognte lors de

circonstances prilleuses.

Quand

le

mouvement populaireses

eut t bien admis, la

rgente lui persuada de se retirer au clotre et d'y accomplir

une pnitence publique de se conforma ce dsir.

errements extrieurs. Paul

A peine fut-il en cellule, la maladie l'assaillit, une de ces maladies qui aidaient Irne propos lors des temps difficiles.

On

le

jugea bientt perdu.

la Rgente alla le visiter. L, devant eux, devant leur suite, Paul remercia trs hautle ciel

Accompagne de l'Empereur,

d'avoir quitt une dignit hrtique avant la mort;

cela seul lui permettait l'espoir

du

salut ternel.

Dset

ces

paroles,

Irne

fit

mander

les

principaux patrices

sna-

42

PRINCESSES BYZANTINES.

teurs iconoclastes et les pria de voir le patriarche afin de

l'exhorter reprendre la direction de l'glise. Lorsqu'il les

aperut, Paul les supplia de garantir leur salut par une prompte abjuration. En outre, il conseilla de runir un concile cumnique pour rsoudre la question des Images. Ces personnes ne manqurent pas de lui reprocher son consente-

ment

officiel

l'hrsie.

A

cela

il

rpondit par des pleurs etc'tait

prcisment la de faire rude pnitence. Pendant cette crise de dsespoir tragique, ilcause de sa douleur,trpassa.et

des cris de contrition, rpta que

pourquoi

il

s'efforait

Irne tenait tout prt un dit autorisant prcher la rfutation des thories iconoclastes.Il

fut

promulgu

aussitt.

Paul ne croyait sans doute pas jouer si au rel la comdie du repentir in extremis. La Rgente ne ddaignait pas l'office de machiniste dans les drames de palais utiles son dessein. Sans doute, elle avait pens qu'une mort parfaite prterait une autre importance la conversion prpare. D'ailleurs on ne perdit plus de temps. Les dlgus des ordres de l'tat runis par commandement imprial dans la megaura du palais des Blaquernes, virent la Rgente, l'Empereur portant le sceptre et le globe, tous les dignitaires en costumes prsider cette sance extraordinaire. Lorsque le silence se fut tabli, Irne qui, en sa qualit d'Athnienne, parlait admirablement le grec, invita en de belles priodesles

personnes prsentes

lire

un nouveau patriarche qui

galt Paul par ses qualits.

L'Empereur,et

ajouta-t-elle, envisage cette dignit

comme

la

plus importante de l'empire puisqu'il s'agit du service de

Dieu

du

salut de ses sujets. Aussi souhaite-t-il

que vous

LA MATERNITE IMPERIALE.Taidiez choisir celui que vous croirezle

plus digne et

le

plus capable de remplir ces importants devoirs; en tellesorte qu'ayant contribu de votre part l'lectiontriarche,

du pa-

vous vous soumettiez d'autant mieux son pouvoir que vous l'aurez jug vous-mmes le plus capable de vous gouverner. Il est la vrit, la cour, un sujet dont le mrite est assez connu de tout le monde et sur qui on n'a pu d'abord s'empcher de jeter les yeux cet homme c'est:

Taraise; mais...

v

dans toute assemble de ce genre ayant un peu le les gens se htrent d'interrompre Irne, et de crier le plus haut possible le nom desentiment de son humilit,Taraise.Satisfaite

Comme

de cette docilit,

elle

de dire

:

C'est celui-l

mme que noustriarche.

choisissons et que nous voulons pour pa-

Mais,et

commeil

j'allais

cette charge;

faut,

vous l'apprendre, il refuse devant cette manifestation, qu'ilpar Dieu

expose

ici

les

motifs qu'il a de s'opposer une lectionainsi

inspire,

pour

parler,

mme

puisqu'elle

vient de la voix

du peuple aprs

celle de l'Empereur.

On connaissait Taraise de famille de patrices, rput homme de talent et de cur. Ainsi que saint Ambroise avantson lvation au patriarcat,il

tait laque.

Mais Irne

le

savait catholique intransigeant. Elle l'avait choisi

comme

l'nergique excuteur de la restauration mditetort

,

l'homme

d'me qui ne reculerait, ni ne trahirait. Pour accepter cette mission, il avait exig que l'assemble le dsignt, ne voulant point qu'on pt lui reprocher plus tard d'avoir obtenu sa charge par faveur.

Devant

cette

acclamation publique, Taraise n'hsita plus.

44

PRINCESSES BYZANTINES.se leva; et, aprs les saluts d'tiquette il

Il

l'Empereur,

rimpratrice,

prit la parole, ceux-ci le lui ayant

com-

mand.Il commena par dclarer ne vouloir pas assumer une si grande responsabilit dans l'glise de Constantin puisqu'elle se trouvait spare par l'anathme des autres glises patriarcales de rOrient et de celles d'Occident. Il avoua n'admettre qu'une foi unique dans le Christ et dans son Esprit. Par suite, il n'accepterait la charge patriarcale qu'aprs la dcision d'un concile gnral ayant statu sur le diffrend des Images et rtabli par son jugement l'unit du christia-

nisme.

L'assemble sanctionna de ses acclamations l'attitude approbative d'Irne,et se spara.

Dans

la

coulisse,

l'Impratrice

et

Taraise convinrent

d'envoyer un message au pape Adrien. Les souverains de Byzance l'y priaient de venir lui-mme tenir la prsidence du concile cumnique projet. Ils lui promettaient des honneurs inouset la satisfaction

de ses plus chres vises.

pour ne pas comprendre quel parti la politique impriale comptait tirer de ce voyage pontifical Adrien prfra envoyer deux lgats porteurs d'une lettre fulmina-

Trop

fin

,

toire contre l'hrsie iconoclaste.

Il fcilita

Taraise de sa

profession de foi et de son lection, encore que celle-ci futfaite

contre les canons. L'anne suivante, au mois d'aot, commena, dans l'glise des Saints-Aptres, le concile annonc en grande rumeur

toutes les socits ecclsiastiques

Dans

les galeries

du monde. du haut pourtour tendues, pour

la cir-

constance, d'toffes impriales quadrilles de broderies pr-

LA MATERNIT IMPRIALE.

45

cieusement mtalliques enchssant les pierreries, Irne et Constantin trnrent, avec les amis de la Rgente. Elle daignait Texpression bienveillante de sa face vers les vques dj dtermins Taccomplissement de son vu, voter la restauration

du

culte catholique; et l'on changeait

quelques propos de discussion convenue qui prcderaient l'accord unanime, lorsque d'effroyables bruits et des clameurs de meurtre retentirent du dehors. On vint annoncer que des sditieux en armes manifestaient pour le maintien du dogme tabli par le conciliabule de Copronyme trente-six annes auparavant.par apparatofficiel

l'pe

Bientt on signale les gardes du Palais qui accourent, nue. Des cris terribles, des hurlements de guerreles

pouvantent

Pres de l'Eglise. Irne plit

et

impose en

vain l'autorit de son geste consacr. Les portes cdent. Les

hommesils

pntrent menaants parmi des cliquetis de fer et

profrent qu'ils ne laisseront pas outrager par un dsaveula

public

mmoire des monarquescharges honorifiques.

militaires dont

ils

re-

urent

Les officiers de son escorte envoys par l'Impratrice pour ordonner le calme et la retraite sont contraints de se rfugier dans la nefleurs

autour de l'intrpide Taraise, qui, vtu de l'habit patriarcal, monte l'autel et commence, dans ce tumulte de bataille,le

symbolique

sacrificele

non sanglant.

Nanmoins

concile se spara. Irne, merveilleusement

ddaigneuse de cette foule, sortit avec son fils et devant elle les menaces tombaient. Son courage altier troubla les protestataires qui, aprs son dpart, rivalisrent d'insultes envers le patriarche. Les vques iconoclastes les vinrentjoindre.

Ensemble, avec

la

jactance du succs,

ils

vantrent

46

PRINCESSES BYZANTINES.

les

axiomes thologiques du conciliabule, pleins de dridont la fermet ne se dmentit pas. Revenue au Palais, l'impratrice ne perdit pas le tempssion pour les orthodoxes ractionnaires',

en rcriminations vaines. Elle n'essaya point non plus contre ses adversaires d'une rpression dangereuse, cette heure de dfaite. La violence de la soldatesque triomphait trop pourqu'il ft

prudent de refrner alors son ivresse. Elle se priva ne parut plus au dehors. Mais bientt, un bruit courut la ville les Sarrasins se jetaient sur les provinces d'Asie. Des messages venus au Palais, et rendus publics immdiatement, signalaient les progrs de l'incursion de lieu en lieu, de bourg en bourg. Les crieurs publics et les tibicinaires, sonnaient sur les places la calamit nouvelle. Les troupes commencrent desortir,:

le Bosphore avec les enseignes et les bagages. La guerre tant prvue terrible et longue, les phalanges de l'lite recurent, brigurent Tordre de partir. Car d'normes prparatifs agitaient les gens du Palais. Pour la premire

passer

fois, le

jeune empereuret

armes

allait prendre le commandement des dployer en tendard le voile de la Trs Illumi-

nante Puret contre le croissant des infidles. Le prince enthousiasm de la subite importance dvolue sa personne htait les choses. Il voulut que ses quipagesgagnassent tout de suite la Bithynie afin de donner au monde chrtien cette preuve d'une bravoure qui ne pour-

Or, c'tait coutume et privilge des gardes impriaux de suivre en tous lieux les quipages des souverains. Comme on ne les y conviait pas assez vite, ils rclarait plus tidir.

mrent

cet

honneur imprescriptible.

LA MATERNITE IMPERIALE.La rgente commanda leur passage.Byzance.Ils

47

sortirent

de

Irne n'esprait que cette marche. Staurace parti depuisplusieurs Jours auprs des lgions de Thrace sous prtexte

deIl

les

dnombrer,et

offrit

aux

officiers la

garde des souverains.Ils

ramena nouveau titreles

bientt convertis Irne, glorieux de leur

de leur plus belle solde.

pntrrent

dans

la capitale et

occuprent

lesles

priaux disperss alors dansd'Asie.

logements des gardes imcamps et dans les postesla retraite subite

En mme

temps, on annonaitle

des Sar-

rasins; les motifs de guerre n'existaient plus; les quipages

de Constantin repassrent

Bosphore, laissant

les

troupes

iconoclastes sans vivres, sans places fortes dans les provinces

mridionales. Byzance tait au pouvoir des orthodoxes. Lesiconoclastes pris au

pige de

la

Rgente allaient devoir

rendre

les

armes.Irne les licencia par dcret. Dpourvus d'argent,

Enet

effet,

de ressources,

ils se dissiprent, en qute chacun d'un abri du gain ncessaire. Deux semaines aprs, un ordre imprial expulsait de Byzance tous leurs partisans, leurs familles, leurs serviteurs; le titre de gardes tait imput l'lite des lgions de Thrace. La panique sarrasine avait

dlivr l'Athnienne orthodoxe de ses plus durs ennemis.

Elle n'attendit gure pour consacrer sa victoire.

Dans

la ville

mme

o Constantinles

avait runi le grand

concile qui formula les principales vrits de la Foi, Nice,

en Bithynie,

elle

convoqua:

vques, un an plus tard.

Du

lieu, de

son

nom

historique, l'assemble sainte devait

acqurir un prestige rel

une

sorte de confusion s'tablirait

48

PRINCESSES BYZANTINES.

dans les esprits chrtiens et l'on ne saurait quel fut la plus importante de ces dites catholiques. En fait, la crmonie parut des plus graves. Nombre de religieux mutils lors des perscutions iconoclastes, s'y montrrent, palmes humaines du martyre de l'Eglise. Un miracle ne pouvait manquer de sanctifier une poque si pieuse. Des Juifs de Bryte ayant crucifi une image du Sauveur, le sang et l'eau jaillirent au coup de lance qu'ils lui portrent, tant qu'on en put envoyer toutes les basiliques du monde.

Dieu donnait raison

Irne contre le parti militaire.

Les

miracles affermissaient son pouvoir. Elle se batifia dansl'me admirante du peuple grec.triarche Taraisela

Le vingt-troisime jour d'octobre, en cet an 787, le pamena les Pres du concile Byzance dans grand'salle du Palais des Blaquernes. Irne, l'Empereur,magistratset la

les

cour, les corporations et la multitude

s'tageaient hirarchiquement de l'intrieurtrieur, vers l'extrmit

du palais l'exdu faubourg noble. Sur un trne,la

merveille des orfvres studieux,

d'habits d'or et de pourpre, prsida la lecture

Rgente en sa chsse du Dcret de

Foi.

Tous les dignitaires durent y apposer leur seing. A un coup de trompette, des clercs prpars relevrent les images, les rtablirent dans les niches, et le peuple se ruant par la ville avec des acclamations alla chercher au fond des cachettes les statues de pit et les rigea en grand honneur partout, dans les palais, les glises, aux angles des rues etsur les portes d'o Constantinabattre.

Copronyme

les

avait fait

LA MATERNITE IMPERIALE.Bnie pargesses.la

49

reconnaissance des femmes, l'Impratrice

rouvrit les trsors de

Lon l'Isaurien et rpandit les larDe somptueux prsents rcompensrent les hommes

de bonne volont qui Pavaient servie et consolrent les rallis tardifs que les fervents de la premire heure avaient querells aux sances du concile. En effet, un moment les

vques catholiques refusrent d'y recevoir les pnitents iconoclastes; ils les accusaient de s'tre souills du sang chrtien. Grce l'intervention d'Irne, on les accepta; mais ceux qui avaient tenu le conciliabule de Copronymc durent en relire publiquement tous les articles, suivis de la rfutation impose. La paix rgna. Le parti militaire fondateur de la puissance de risaurien, disparut. Irne se connut la tte des ractionnaires religieux. C'tait la faction majeure du peuple. Seule, la Rgente en demeurait la pense directrice; elle seule, ce peuple parvenu raliser son vu, pouvait imputer la restauration du culte libre. Le jeune empereur ne comptait plus, sinon comme symbole humain, sorte de matre des crmonies paraissant tous les galas publics avec la tenue des basileus byzantins. Il n'existait point par lui-mme. Nul chroniqueur ne mentionne que la trs pieuse Irne ait prouv jamais du remords de la lutte entreprise contre ce fils au mpris des devoirs maternels. Ce titre de Trs Pieuse lui resta pour le triomphe de l'glise orthodoxe, obtenu par son courage et son habile politique sur les plus redoutables hrtiques de l'histoire.,

PRINCESSES BYZANTINES.

fs.

%'"j'-'i.

"S^j's.

'->'

''^r'

%