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BDEI 982 N 0 26 MARS 2010 BDEI 7 INSTALLATIONS CLASSÉES Par Armelle SANDRIN- DEFORGE Avocat à la Cour Shearman & Sterling LLP Par Armell Remise en état : une obligation personnelle du dernier exploitant Dans un arrêt du 2 décembre 2009, la Cour de cassation a confirmé le caractère personnel de l’obligation de remise en état du site d’une installation classée, vis-à-vis du dernier exploitant ou de son ayant-cause. Cette obligation ne peut être transmise au nouveau propriétaire du site, non exploitant par le simple biais d’une clause de non-recours dans l’acte de vente du terrain. Cass. 3e civ., 2 déc 2009, n° 08-16.563, Rhodia Chimie de pièces précieuses, bijoux et statuettes d’argent. Vaise est aussi un port sur la Saône, victime d’une crue terrible en 1840. Il a finalement été rattaché à la ville de Lyon en 1857 par un préfet qui est presque son homonyme : Marius Vaïsse, le « Haussmann lyonnais ». A l’époque, le quartier Vaise était encore assez rural, entre les prairies entourant l’abattoir et la grande ferme de l’évêché. A la fin du XIX ème siècle, le quartier s’industrialise. L’évêché est exproprié de sa ferme par la loi de 1905 et c’est sur ce terrain, racheté au département, que Rhodiaséta installe en 1924, une filature. Elle y produit de la soie artificielle, mais les soyeux lyonnais obtiennent bientôt que cette matière soit appelée « acétate » pour ne pas être confondue avec la précieuse soie natu- relle. Rhodiaséta (de « seta », la soie en latin) devient donc Rhodiacéta, et acquiert un brevet de fabrication du nylon. L’usine est très importante pour la région et emploie près de 7500 personnes au pic de son activité. Rhodiacéta est rachetée par Rhône Poulenc Textile (« RPT ») en 1971. Mais pour des raisons tant économiques que techniques, l’usine ferme ses portes en 1981. La cessation des activités est notifiée au préfet le 26 mai de la même année. Le site Rhodiacéta est recensé par BASIAS, « inventaire d’an- ciens sites industriels et activités de services » (2) depuis 1999, et par BASOL, base de données « sur les sites et sols pollués (ou potentiellement pollués) appelant une action une action des pouvoir publics, à titre préventif ou curatif » (3). Le terrain devient une friche industrielle. Les bâtiments sont détruits les uns après les autres. Une zone d’aménagement concertée (« ZAC ») est créée en 1986 pour 15 hectares entre E n confirmant la décision de la cour d’ap- pel de Lyon le 2 décembre 2009 dans l’af- faire Rhodia Chimie, la cour de cassation a confirmé la nature de l’obligation de remise en état qui s’impose au dernier exploitant d’une installation classée en application de l’article R. 512-74 (ancien, D. n° 77-1133, 21 sept.1977, art. 34-1). Cette affaire opposait Rhodia Chimie, venant au droit de la Rhodiacéta qui a exploité une manufacture textile à Lyon pendant une soixante d’années, à la SEMCODA, une société immobilière propriétaire du site à la date de la découverte de la pollution. Cet arrêt est l’occasion de revenir sur l’historique d’un site appartenant à l’Histoire de toute une région, caractéristique de ces anciens sites industriels rattrapés par l’urbanisation au cours des dernières décennies. La décision de la Cour de cassation du 2 décembre 2009 est également l’occasion de faire le point sur la nature et les objectifs de l’obligation de remise en état des installations classées. I. – DE LA RHODIASÉTA À L’ARRÊT RHODIA CHIMIE A. – L’histoire d’un site, de l’industrialisation à la reconversion Tout commence par un cas d’école (1). Vaise est un faubourg au nord-ouest de Lyon, zone marchande aux portes de la ville. Il était déjà occupé aux premiers siècles de notre ère puisqu’on y a retrouvé lors de fouilles dans les années 1990 ce que les archéologues appellent « un trésor » : un dépôt ACTUALITÉS ÉCLAIRAGE > (1) Dans son sens le plus littéral : l’évolution de l’urbanisme de la zone d’activités de Saint Pierre à Lyon-Vaise a fait l’objet d’une étude par une association de professeurs d’Histoire et de géographie de la région lyonnais. (2) BASIAS est tenue par le BRGM. (3) BASOL est tenue par les services du ministère de l’écologie.

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EI 982

N 0 2 6 • M A R S 2 0 10 • B D E I 7

INSTALLATIONS CLASSÉES

Par Armelle SANDRIN-DEFORGE

Avocat à la CourShearman

& Sterling LLP

Par Armell

Remise en état : une obligation personnelle du dernier exploitant Dans un arrêt du 2 décembre 2009, la Cour de cassation a confi rmé le caractère personnel de l’obligation de remise en état du site d’une installation classée, vis-à-vis du dernier exploitant ou de son ayant-cause. Cette obligation ne peut être transmise au nouveau propriétaire du site, non exploitant par le simple biais d’une clause de non-recours dans l’acte de vente du terrain.

Cass. 3e civ., 2 déc 2009, n° 08-16.563, Rhodia Chimie

de pièces précieuses, bijoux et statuettes d’argent. Vaise est aussi un port sur la Saône, victime d’une crue terrible en 1840. Il a fi nalement été rattaché à la ville de Lyon en 1857 par un préfet qui est presque son homonyme : Marius Vaïsse, le « Haussmann lyonnais ». A l’époque, le quartier Vaise était encore assez rural, entre les prairies entourant l’abattoir et la grande ferme de l’évêché. A la fi n du XIXème siècle, le quartier s’industrialise. L’évêché est exproprié de sa ferme par la loi de 1905 et c’est sur ce terrain, racheté au département, que Rhodiaséta installe en 1924, une fi lature. Elle y produit de la soie artifi cielle, mais les soyeux lyonnais obtiennent bientôt que cette matière soit appelée « acétate » pour ne pas être confondue avec la précieuse soie natu-relle. Rhodiaséta (de « seta », la soie en latin) devient donc Rhodiacéta, et acquiert un brevet de fabrication du nylon. L’usine est très importante pour la région et emploie près de 7500 personnes au pic de son activité. Rhodiacéta est rachetée par Rhône Poulenc Textile (« RPT ») en 1971. Mais pour des raisons tant économiques que techniques, l’usine ferme ses portes en 1981. La cessation des activités est notifi ée au préfet le 26 mai de la même année. Le site Rhodiacéta est recensé par BASIAS, « inventaire d’an-ciens sites industriels et activités de services » (2) depuis 1999, et par BASOL, base de données « sur les sites et sols pollués (ou potentiellement pollués) appelant une action une action des pouvoir publics, à titre préventif ou curatif » (3). Le terrain devient une friche industrielle. Les bâtiments sont détruits les uns après les autres. Une zone d’aménagement concertée (« ZAC ») est créée en 1986 pour 15 hectares entre

En confi rmant la décision de la cour d’ap-pel de Lyon le 2 décembre 2009 dans l’af-faire Rhodia Chimie, la cour de cassation a confi rmé la nature de l’obligation de remise en état qui s’impose au dernier exploitant

d’une installation classée en application de l’article R. 512-74 (ancien, D. n° 77-1133, 21 sept.1977, art. 34-1). Cette affaire opposait Rhodia Chimie, venant au droit de la Rhodiacéta qui a exploité une manufacture textile à Lyon pendant une soixante d’années, à la SEMCODA, une société immobilière propriétaire du site à la date de la découverte de la pollution. Cet arrêt est l’occasion de revenir sur l’historique d’un site appartenant à l’Histoire de toute une région, caractéristique de ces anciens sites industriels rattrapés par l’urbanisation au cours des dernières décennies. La décision de la Cour de cassation du 2 décembre 2009 est également l’occasion de faire le point sur la nature et les objectifs de l’obligation de remise en état des installations classées.

I. – DE LA RHODIASÉTA À L’ARRÊT RHODIA CHIMIE

A. – L’histoire d’un site, de l’industrialisation à la reconversion

Tout commence par un cas d’école (1). Vaise est un faubourg au nord-ouest de Lyon, zone marchande aux portes de la ville. Il était déjà occupé aux premiers siècles de notre ère puisqu’on y a retrouvé lors de fouilles dans les années 1990 ce que les archéologues appellent « un trésor » : un dépôt

ACTU

ALITÉS ÉCLAIRAG

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>

(1) Dans son sens le plus littéral : l’évolution de l’urbanisme de la zone d’activités de Saint Pierre à Lyon-Vaise a fait l’objet d’une étude par une association de professeurs d’Histoire et de géographie de la région lyonnais. (2) BASIAS est tenue par le BRGM. (3) BASOL est tenue par les services du ministère de l’écologie.

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R E M I S E E N É T A T : U N E O B L I G A T I O N P E R S O N N E L L E D U D E R N I E R E X P L O I T A N T

du 5 août 2002, l’expertise est donc étendue à la parcelle n° 141. La SEMCODA, afi n de ne pas trop retarder ses pro-jets de construction, fait dépolluer le sol in-situ grâce à un procédé de géo-oxydation. A l’issue des travaux, le préfet impose des mesures de surveillance des eaux souterraines à la SEMCODA. Enfi n, en mars 2003, l’expert désigné par le tribunal a rendu un rapport faisant le lien entre les activités de Rhodiacéta et les polluants retrouvé sur la parcelle n° 141. Les travaux sont achevés, les logements vendus. Devant la résidence construite par la SEMCODA, la Ville et une asso-ciation d’anciens salariés de Rhône-Poulenc ont fait poser une grande roue de métal de 15 tonnes. C’est un volant d’inertie, un vestige de l’ancienne usine dont la place porte aujourd’hui le nom : place de la Rhodiacéta.

B. – Cinq ans de contentieux Rhodia Chimie

C’est le 12 août 2004 que la SEMCODA assigne Rhodia Chimie et la société Gesmo Gestion Immobilier Mobilité (récemment absorbée par Rhodia Chimie), devant le tribunal de Lyon, afi n de se faire rembourser les frais de dépollution de la parcelle n° 141. Le tribunal déboute la demanderesse le 9 octobre 2006, et la SEMCODA fait rapidement appel de ce jugement devant la cour d’appel de Lyon. Dans un arrêt du 5 juin 2008, la cour d’appel de Lyon donne raison à la SEMCODA. Rhodia Chimie est condamnée à payer 203 442 euros, correspondant aux frais de remise en état du site, y compris la dépollution des terres et les frais de sur-veillance des eaux souterraines. Rhodia Chimie se pourvoie en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel. Elle présente cinq moyens de cassation afi n de faire valoir sa position. Le premier moyen est que Rhodia Chimie a été considéré à tort par la cour d’appel comme l’ayant cause universel de Gesmo Gestion Mobilité. Il faut expliquer que la société qui est dernier exploitant du site, Rhône Poulenc Textile a été reprise par Rhône Poulenc Fibres, qui a elle-même fait l’objet d’une réorganisation. Plusieurs apports partiels d’actifs ont été effectués au bénéfi ce d’autres sociétés, notamment par la scission de différentes activités. Un transfert a ensuite été effectué par Rhône Poulenc Fibres à Gesmo Gestion Mobilité, dont l’ayant-cause est fi nalement Rhodia Chimie. En s’appuyant sur le rapport d’un sapiteur, la Cour de cassa-tion répond que « le seul ayant-cause incontestable de Rhône Poulenc Fibres » est Rhodia Chimie, via la société Gesmo. La cour ajoute qu’il importe peu que « l’intégralité des ter-rains ou des activités » n’aient pas été transmises, puisque l’intégralité des actions l’a été. Le deuxième moyen soulevé par Rhodia Chimie est en pre-mier lieu basé, il faut bien l’avouer, sur une maladresse de la cour d’appel. Celle-ci avait noté que le dernier exploitant ne démontrait pas avoir remis au préfet un dossier relatif à la réhabilitation du site, en application de l’article 31-1 III du décret du 21 septembre 1977 (C. env., art. R. 512-54). L’absence d’un tel dossier aurait pu expliquer l’inaction du préfet au moment de la fermeture, puisqu’il n’a pas imposé de mesure spécifi que de remise en état du site. Cependant, comme le relève Rhodia Chimie, l’exigence d’un dossier de réhabilitation n’est apparue qu’avec le décret n° 94-484 du 9 juin 1994 modifi ant le décret de 1977. Par conséquent, il

la rue Michel Berthet et la rue Saint Pierre de Vaise. L’opéra-tion est prise en charge par la société TISA (« Transactions Immobilières SA), une fi liale de RPT créée pour acheter et revendre les terrains appartenant au groupe Rhône Poulenc dans la ZAC. Le 12 octobre 1987, TISA acquiert la propriété du terrain par apport partiel d’actif. Puis le site est morcelé et passe de main en main : les parcelles qui font l’objet de la présente étude sont vendues le 8 janvier 1992 par TISA à la société Saint Pierre de Vaise. Mais le projet avance peu dans les quinze ans qui suivent la fermeture de l’usine. En 1996, la ville de Lyon et la communauté urbaine du Grand Lyon décident de lancer un Plan de Développement pour le quar-tier de Vaise. La parcelle cadastrale n° 141 est séparée des parcelles voisines n° 143 et 144, et elle est encore revendue le 31 décembre 1998 à la société Cassin, le 1er septembre 2000 au promoteur immobilier Solymob et enfi n le 9 mars 2001 à une société d’économie mixte, la SEMCODA. Entre temps, ce quartier du 9ème arrondissement de Lyon s’est mo-dernisé avec la construction d’immeubles d’habitation, une gare multimodale, un centre universitaire, et des bureaux. En septembre 2000, la société Saint Pierre de Vaise entre-prend des travaux de terrassement sur la parcelle cadastrale n° 144. Sous une dalle en béton, le sol parait pollué et dégage une odeur caractéristique. Le propriétaire décide de saisir le tribunal de grande instance dans le cadre d’une procédure de référé-expertise. Le 13 novembre 2000, l’expert est nommé pour mener une mission de diagnostic des mesures nécessaire à la réhabilitation du terrain. Des échantillons de sol sont prélevés et leur analyse démontre la présence de biphényle et d’oxyde de biphényle. Un premier rapport de l’expert, en date du 10 juillet 2001, fait le lien entre ces substances et les activités de Rhodiacéta sur le site. La zone à traiter sur les parcelles n° 143 et 144 est délimitée et représente environ 1500 mètres cubes de terres à excaver et à traiter en biocentre. Plusieurs campagnes d’analyse des eaux souterraines sont également menées pour surveiller la qualité de la nappe sous ces deux parcelles. Après enlève-ment des terres polluées, les parcelles n° 143 et 144 sont remblayées et prêtes à être construite. Le préfet décide de prendre un arrêté ordonnant la réalisation d’une étude de sol sur la parcelle voisine n° 141. Or, Soly-mob est sur le point de vendre cette parcelle à la SEMCODA. Le projet d’arrêté en 2 mars 2001 est transmis à Solymob qui le joint aussitôt à l’acte de vente de la parcelle, signé le 9 mars 2001. Dans cet acte de vente, SEMCODA déclare prendre le bien vendu en l’état et faire son affaire personnelle de la situation, sans recours contre le vendeur.La SEMCODA, propriétaire de la parcelle voisine n° 141, a fait établir en octobre 2001 un diagnostic initial et une étude simplifi ée des risques afi n de vérifi er l’état de son propre terrain, mitoyen des deux parcelles en cours de dépollution. Ces premières études ne mettent en évidence aucun problème particulier. Les travaux de construction d’un immeuble commencent donc sur la parcelle n° 141 au printemps suivant, mais comme sur les parcelles voisines, les sols mis à nu dégagent une odeur particulière. En mai 2002, le propriétaire fait établir un diagnostic complémentaire qui conclut à la présence de biphényle et d’oxyde de biphényle, comme sur les parcelles n° 143 et 144. Par ordonnance

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INSTALLATIONS CLASSÉES AC

TUALITÉS ÉC

LAIRAGE

administrative, en l’occurrence, de police des installations classées. Cependant, le véritable créancier de ces obligations était le dernier exploitant, dont Rhodia Chimie a été désignée comme ayant-cause par la cour d’appel. Par conséquent, la SEMCODA peut invoquer la responsabilité délictuelle de Rhodia Chimie, en application de l’article 1382 du Code civil, en consi-dérant que c’est par la « faute » de cette dernière qu’elle a subi un préjudice constitué par les frais de dépollution du terrain. On notera à ce stade, ce qui est normal devant les juridictions administratives, que la responsabilité potentielle de l’Etat n’est ni évoquée ni mise en jeu. Nul ne se demande si, idéalement, les prescriptions de remise en état et de surveillance du site n’au-raient pas du être directement adressées à Rhodia Chimie par le préfet, au lieu de se tourner vers le propriétaire « innocent » du terrain. Mais peut-être est-il est facile, a posteriori, de faire

une lecture critique de décisions qui ont du être prises dans l’urgence, suite à la découverte fortuite de la pollution sur la parcelle n° 141 et alors que les travaux de construction d’un immeuble étaient déjà engagés par la SEMCODA. Dans son cinquième et dernier moyen, Rhodia reprend le décompte des frais engagés par la SEMCODA pour tenter de démontrer qu’au moins une par-tie de ses frais correspondent à une dépollution rendue nécessaire par le

changement d’usage décidé par la SEMCODA et dont Rhodia Chimie n’est pas redevable au titre de la responsabilité du dernier exploitant. La Cour de cassation a joint ce moyen au deuxième et au quatrième pour y apporter la réponse indiquée plus haut.La Cour de cassation rejette le pourvoi de Rhodia Chimie et confi rme la décision de la cour d’appel de Lyon. Rhodia chimie, ayant-cause du dernier exploitant du terrain dont fait partie la parcelle cadastrale n° 141, est condamné à rembour-ser à la SEMCODA, aux termes de l’arrêt de cour d’appel, la somme de 203 442,72 euros correspondant aux frais engagés pour la remise en état du terrain et la surveillance des eaux souterraines. En revanche, la SEMCODA n’obtient pas de réparation de son préjudice lié au retard pris par le projet immobilier, du fait de la découverte de la pollution. La cour d’appel a, sur ce point, considéré qu’elle savait que le terrain risquait de devoir être faire l’objet de mesures de remise en état, risque mentionné dans l’acte d’achat.

II. – LES ENSEIGNEMENTS DE L’ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2009 : QUELQUES RAPPELS ET UN DÉVELOPPEMENT

Cet arrêt de la Cour de cassation est l’occasion de faire un rappel sur la réglementation applicable à la remise en état des sites occupés par des installations classées après la cessation d’activité de celles-ci. Il représente également un développe-ment de la jurisprudence relative au responsable de la remise en état, et aux possibilités de transfert de cette responsabilité, déjà ébauchée par l’arrêt de la même troisième chambre de la Cour de cassation du 16 mars 2005 (Cass. 3è civ., 16 mars 2005, n° 03-17.875, SCAEL contre Hydro Agri France).

était impossible de reprocher à Rhône Poulenc Textile de ne pas avoir, en 1981, respecté une obligation créée en 1994, sauf à faire une application rétroactive du décret de 1994 non prévue par la loi. Par ailleurs, et c’est le second volet du deuxième moyen soulevé par Rhodia Chimie devant la Cour de cassation, la cour d’appel n’aurait pas suffi samment examiné la question du niveau de dépollution et la responsabilité des différents in-tervenants. Rhodia fait valoir que sa responsabilité ne pourrait dépasser la remise en état du site pour un usage industriel, comparable au dernier usage en situation d’activité. Or la SEMCODA n’a pas établi si la dépollution effectuée initiale-ment à ses frais était due uniquement au nouvel usage qu’elle a fait du terrain en y construisant un immeuble d’habitation, ou si une réhabilitation aurait été nécessaire, même pour un usage industriel. A cet argument, la Cour de cassation répond que ce qui a été retenu par la cour d’appel était le coût des travaux nécessaire pour une remise en état du site pour un usage industriel, en s’appuyant sur les prescriptions fi xées par arrêté préfectoral. Le troisième moyen avancé par Rhodia Chimie expose une conception « à tiroir » de la responsabilité de la remise en état d’une installation classée. Selon Rhodia, cette responsabilité peut reposer sur le propriétaire si le dernier exploitant est introuvable ou insolvable – or la SEMCODA est le propriétaire du terrain dont Rhodia tente par ailleurs de démontrer que le dernier exploitant n’a pas été retrouvé. De plus, la responsabilité de la remise en état peut reposer sur l’acheteur du terrain lorsque celui-ci l’a acquis en connaissance de cause et en s’engageant à prendre à sa charge les mesures nécessaires. Rhodia Chimie relève à ce sujet que le contrat avec la société TISA comprenait le transfert de la responsabilité environnementale, et que la SEMCODA, en achetant le site, avait déclaré faire son affaire personnelle de la situation, sans recours contre l’acheteur, Solymob. Dans son quatrième moyen, Rhodia Chimie insiste sur le lien entre la SEMCODA et le dernier exploitant du terrain : la SEMCODA est en réalité le sous-acquéreur du terrain qui est passé de main en main depuis sa vente par Rhône Poulenc Textile. Or, le contrat initial de vente du site contenait des clauses de non-garanties dont la SEMCODA cherche à se soustraire en invoquant la responsabilité délictuelle de Rhodia Chimie, en dépit du principe de non-cumul des responsabilités contractuelles et délictuelles. Rhodia estime donc être liée à la SEMCODA par une chaîne de contrat, ce qui empêche cette dernière d’intenter une action sur le terrain de la responsabi-lité délictuelle pour une situation contractuellement prévue. C’est à ce niveau que se situe le point le plus intéressant de la décision. La Cour de cassation considère que la clause de non-recours contenue dans le contrat entre Solymob et la SEMCODA est non opposable par Rhodia Chimie. En effet, « l’obligation légale de remise en état n’a pas seulement pour objet la protection de l’acquéreur mais un intérêt collectif touchant à la protection générale de l’environnement ». Or, la SEMCODA s’est vue im-posée des prescriptions de remise en état et de surveillance des eaux souterraines par l’application d’une obligation de police >

La Cour de cassation considère que la clause

de non-recours contenuedans le contrat entre

Solymob et la SEMCODAest non opposable par

Rhodia Chimie.

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R E M I S E E N É T A T : U N E O B L I G A T I O N P E R S O N N E L L E D U D E R N I E R E X P L O I T A N T

le niveau de remise en état nécessaire en fonction de l’usage futur du site. La remise en état consistera en des travaux de dépollution ou des mesures de surveillance, notamment en cas de contamination des eaux souterraines. Il est bien évident que la dépollution à mettre en œuvre ne sera pas la même si le site est à nouveau exploité pour des activités industrielles, ou si on y construit des immeubles d’habitation. Au fur et à mesure de l’évolution des textes et de la jurisprudence, la solution suivante a été dégagée : – pour les installations soumises à déclaration, l’exploitant

est tenu de mettre le site dans un état tel qu’il permette un usage futur comparable à la dernière période d’activité de l’installation (4). Il s’agit là d’une solution qui avait été préalablement retenue pour l’ensemble des installations (5), soumises à déclaration comme à autorisation, et désormais

limité aux seules installations soumises à déclaration, en application de l’article L. 512-12-1 du Code de l’environne-ment, créé par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplifi cation et de clarifi cation du droit et d’allègement des procédures ; – pour les installations soumises à au-torisation, il faut désormais distinguer entre les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, et celles ayant cessé leur activité à une

date postérieure, en application du décret du 13 septembre 2005. Pour les premières, et c’était le cas de Rhodia Chimie dans l’arrêt de la cour de cassation, le niveau de remise en état exigible du dernier exploitant doit prendre en compte « un usage du site comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation ». C’est la raison pour laquelle Rhodia Chimie cherchait, dans les moyens soulevés devant la cour de cassation, à s’assurer qu’on ne lui imposerait pas le remboursement de frais d’une dépollution allant plus loin que ce qui aurait pu lui être imposé pour de nouvelles activités industrielles.

Pour les installations soumises à autorisation ayant terminé leurs activité depuis le 1er octobre 2005, une procédure plus complexe est prévue par les articles L. 512-17 et R. 512-75 du Code de l’environnement (6). Il est désormais possible d’envisager une remise en état du site pour tout usage futur sur lequel l’exploitant, le propriétaire du terrain, le maire et le préfet se mettraient d’accord. Il est donc prévu que l’ex-ploitant puisse accepter de payer la dépollution du site pour implanter des activités sensibles comme une crèche ou un espace vert ouvert au public. Cependant, en cas désaccord des parties prenantes, c’est un usage comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation qui doit être retenu par le préfet pour l’édiction de prescriptions de remise en état du site, si nécessaire. Toutefois, en cas de besoin et notamment en cas d’incompatibilité avec les do-cuments d’urbanisme – par exemple dans le cas d’un vieux

A . – La cessation d’activité des installations classées et la remise en état

Lorsqu’une installation classée pour la protection de l’envi-ronnement est mise à l’arrêt de façon défi nitive, le dernier exploitant est tenu à une double obligation issue du fameux article 34 (puis 34-1) du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, désormais codifi é à l’article R. 512-74 du Code de l’environnement. La première des obligations de l’exploitant qui met défi nitive-ment à l’arrêt une installation classée est de notifi er la fi n des activités au préfet. Les délais dans lesquels cette notifi cation doit être faite ont évolué au cours des années. En 1981, lors que Rhône Poulenc Textile a fermé l’usine de Lyon-Vaise, la notifi cation devait être faite dans le mois suivant la cessation des activités. Le délai imparti à l’exploitant a ensuite été porté à un mois avant la cessation des activités, par le décret n° 94-484 du 9 juin 1994. Depuis l’adoption du décret n° 2005-1170 du 13 septembre 2005, ce délai est actuellement de trois mois avant la cessation d’activité, et de six mois pour les carrières et les installations de stockage de déchet. Il est important de garder à l’esprit cette évolution du texte, pour ne pas en faire une application erronée après des années de procédures devant nos juridictions, ou tout simplement au moment de la relecture de contrats des années après leur rédaction. Il ne faudrait pas, comme l’a malencontreusement fait la cour d’appel de Lyon à l’encontre de Rhodia Chimie, reprocher a posteriori à un exploitant de ne pas avoir respecté une réglementation qui n’existait pas encore au moment des faits. En effet, si l’article 34 du décret du 21 septembre 1977 n’im-posait pas de forme particulière à la notifi cation de cessation d’activité, l’article 34-1 créé par le décret du 9 juin 1994 pré-cité a imposé à aux exploitants des installations soumises à autorisation de joindre à cette notifi cation un plan d’emprise du terrain des installations et un mémoire sur l’état du site. On notera que depuis la publication du décret n° 2005-1170 du 13 septembre 2005, ce mémoire sur l’état du site n’est plus nécessaire. Cependant, pour toutes les installations qu’elles soient soumises à déclaration ou à autorisation, la notifi cation de cessation d’activité doit indiquer les mesures prises pour la mise en sécurité du site lors l’arrêt de l’exploitation. Toutefois, et c’est une création dudit décret du 13 septembre 2005, l’exploitant doit également informer le maire de la commune de la cessation d’activité, en lui transmettant un plan du site et des rapports sur la situation environnementale et les usages successifs du site. La deuxième obligation de l’exploitant, lors de la cessation des activités, est de placer le site dans un état tel qu’il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 du Code de l’environnement. Il s’agit à ce stade de déterminer

(4) Il faut donc que les activités industrielles puissent faire place à de nouvelles activités industrielles, que les élevages soient remplacés par d’autres élevages – dans la mesure où ce sont des installations classées -, les carrières par des carrières…(5) Cf. notamment TA Lyon, 4 juill. 2002, n° 00051, Société France Bois Imprégnés, et TA Strasbourg, 28 mai 2004, n° 0202551, Société Axer. Dans ces deux cas, comme pour l’affaire Rhodia Chimie, il s’agissait de sites industrialisés depuis les années 1920-1930, en cours de réhabilitation en vue de leur urbanisation. (6) Respectivement crées par la loi, L n° 2003-699 du 30 juill. 2003 et son décret d’application, D. n° 2005-1170, 13 sept. 2005.

Le préfet peut imposer des prescriptions

supplémentaires de remise en état pour tenir compte

d’un usage futur plus sensible.

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(7) Sur la portée du nouvel article L. 152-1, cf. « Réforme de la prescription civile et responsabilité civile environnementale », Boutonnet M., Env., nov. 2008, p. 21 (8) Voir nos commentaires concernant l’arrêt SCAEL : Sandrin A. « Responsabilité de la remise en état des installations classées : des exigences plus précises en matière contractuelle », BDEI n° 1/2006, n° 45.

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Un point intéressant relevé par la cour d’appel est que l’acte de vente entre Solymob et la SEMCODA n’indique par que le prix du terrain aurait été diminué afi n de tenir compte de l’état du sol et du sous-sol. En l’occurrence, la pollution n’était pas encore identifi ée à l’époque d’acquisition du terrain par la SEMCODA. Faut-il comprendre, a contrario, que si la SEMCODA avait sciemment accepté la responsabilité d’une pollution connue et que le prix du terrain avait été ajusté pour refl éter cet accord, la solution juridique aurait été différente ? La Cour de cassation ne relève pas ce point et ne répond pas à cette question.La raison pour laquelle l’obligation de remise en état ne peut être transmise est double. Il faut tout d’abord considérer que cette obligation est personnelle, et non réelle. C’est-à-dire qu’elle est attachée à la personnalité juridique de l’exploitant,

et non au terrain dont la propriété peut changer de main indépendamment de ce qu’il advient du dernier exploitant. C’est une solution retenue depuis une quinzaine d’années par la jurisprudence administrative afi n de protéger les pro-priétaires « innocents » ayant acquis un site postérieurement à la cessation d’ac-tivités industrielles auxquelles ils n’ont pas participé et, dans certains cas, dont ils ignoraient l’existence (CE, 21 févr. 1997, n° 160.250, SCI Les Peupliers et

CE, 21 févr. 1997, n° 160.787, Société Wattelez). De plus, l’impossibilité pour l’ancien exploitant de se libérer de sa responsabilité en la transférant par contrat à un nouveau propriétaire du site avait déjà été retenue par l’arrêt de la Cour de cassation du 16 mars 2005 « SCAEL » précité. L’arrêt de la Cour de cassation du 2 décembre 2009 confi rme donc cette solution : l’obligation de remise en état ne peut être transmise, même si le contrat semble prévoir l’acceptation du passif environnemental par l’acquéreur. Encore une fois, la remarque de la cour d’appel de Lyon, mentionnée plus haut, permet de se demander si un transfert de la responsabilité ne serait pas possible à condition d’avoir bien identifi é la pollu-tion, d’avoir chiffré le coût de remise en état et d’avoir soustrait ce chiffre du prix de vente. En effet, que l’obligation de remise en état soit attachée à la personne du dernier exploitant ne devrait pas interdire le transfert à un tiers de la responsabilité du fi nancement des opérations de réhabilitation (8). L’apport de l’arrêt de la Cour de cassation du 2 décembre 2009 se situe également sur l’attachement de l’obligation de remise en état à la personnalité morale de son débiteur. En effet, Rhodia Chimie est l’ayant-cause fi nal de Rhône Poulenc Textile, au bout d’une chaîne de contrats intra-groupe et après la scission des activités du dernier exploitant par des apports partiels d’actifs. Ce qui rend Rhodia Chimie responsable de la pollution, c’est le transfert de l’intégralité des actions de Rhône Poulenc à Gesmo, aux droits de qui vient Rhodia Chimie. La dette environnementale serait donc attachée aux actions de la personne morale-dernier

site industriel se retrouvant enclavé dans une zone urbaine et résidentielle -, le préfet peut imposer des prescriptions supplémentaires de remise en état pour tenir compte d’un usage futur plus sensible.Il faut toutefois que cet usage futur sensible soit déterminé au moment de la cessation d’activité du site. En effet, dans un esprit de protection juridique des anciens exploitants, l’article R. 512-78 du Code de l’environnement prévoit que « en cas de modifi cation ultérieure de l’usage du site, l’exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s’il est lui-même à l’initiative de ce changement d’usage ». Cette précision est importante, dans la mesure où le préfet peut, à tout moment, imposer au dernier exploitant des prescriptions complémentaires de remise en état, même longtemps après la cessation des activités du site. Dans le cas de Rhodia Chimie, les prescriptions concernant la parcelle n° 141 sont intervenues près de 20 ans après la fermeture de l’usine de Lyon-Vaise. La possibilité pour le préfet de faire compléter les mesures de remise en état n’est toutefois pas – ou du moins plus – éternelle. En effet, le Conseil d’Etat l’a enfermée dans les délais de prescrip-tion de droit commun de 30 ans par un arrêt du 8 juillet 2005 (CE, 8 juill. 2005, n° 247976, Alusuisse-Lonza). La période de 30 ans court à compter de la notifi cation de la cessation des activités, qui prend donc une importance nouvelle pour les exploitants. On notera que le même délai de 30 ans est évoqué par le nouvel article L. 152-1 du Code de l’environnement, créé par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, qui stipule : « les obliga-tions fi nancières liées à la réparation des dommages causés à l’environnement par les installations, travaux, ouvrages et activités régis par le présent code se prescrivent par trente ans à compter du fait générateur du dommage. » (7).

B. – Le caractère personnel de l’obligation de remise en état

La Cour de cassation rejette le pourvoi de Rhodia Chimie en considérant que celle-ci, en qualité d’ayant-cause du dernier exploitant d’une installation classée sur le site est débitrice de l’obligation de remise en état, laquelle « n’a pas seulement pour objet la protection de l’acquéreur mais un intérêt collectif touchant à la protection générale de l’envi-ronnement ». Les clauses du contrat entre la SEMCODA et Solymob, dans lequel la SEMCODA déclarait faire son affaire de l’état du site, de même que les clauses de transfert de la responsabilité environnementale contenues dans le contrat de cession du site à TISA, ne sont donc pas opposables. La décision de la cour d’appel de Lyon est sans ambigüité sur ce point : « cette obligation de remise en état est étrangère au contrat de vente. »

La dette environnementale serait donc attachée aux actions de la personne

morale-dernier exploitant, et non aux activités elles-mêmes qui ont pu être transférées sans passif

environnemental à d’autres sociétés.

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exploitant, et non aux activités elles-mêmes qui ont pu être transférées sans passif environnemental à d’autres sociétés. On est également en droit de se demander dans quelle mesure Rhodia Chimie n’était pas le responsable le plus évident, le plus simple à identifi er, compte tenu de ses liens avec Rhône Poulenc Textile, ce qui expliquerait que le sapiteur désigné par la cour n’a pas cherché à lier la responsabilité de la remise en état du site à une autre société à qui une partie des activités polluantes de Rhodia-céta aurait été transmise. Les juridictions ont donc le souci de retrouver un respon-sable de la remise en état d’un site d’installation classée, soit le dernier exploitant lui-même puisque c’est à lui que s’impose l’obligation en application de la réglementation actuelle, soit une société liée à ce dernier exploitant par des liens qu’on pourrait qualifi er de « liens du sang » : succes-seur universel à l’issu d’un apport d’actif, d’une scission ou d’une absorption de société. L’important est d’éviter qu’un propriétaire ou détenteur du site, potentiellement mal informé des pollutions du sol, se voit imposer des frais importants de dépollution du terrain après le départ de l’ex-

ploitant. Cette préoccupation a conduit le gouvernement à proposer, dans le projet de loi portant engagement national pour l’environnement, dit « Grenelle II » la possibilité pour les sociétés-mères de s’engager à prendre en charge les obli-gations de leurs fi liales défaillantes. Le même article 84 du projet de loi, adopté en première lecture par le Sénat et en cours d’étude par l’Assemblée nationale, prévoit de rétablir un article L. 512-17 (9) qui imposerait, en cas de liquidation judiciaire d’une société exploitante, la prise en charge de ses créances environnementales par sa société-mère au sens de l’article L. 233-1 du Code de commerce, et même par sa société « grand-mère », afi n d’éviter la multiplication des sociétés-écrans visant à diluer les responsabilités. Si cette disposition est effectivement adoptée avec la loi Grenelle II dans les prochains mois, elle sera applicable aux socié-tés-mères établies dans l’Union européenne, vis-à-vis de leurs fi liales exploitant des installations classées en France, comme prévu par l’article 7 du Règlement du Parlement Européen et du Conseil CE n°  864/2007 du 11 juillet 2007 sur  la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit « Rome II »).◆

(9) L’article L. 512-17 est actuellement absent du Code de l’environnement, qui passe directement du L. 512-1- au L. 512-18.

INSTALLATIONS CLASSÉES Par Delphine Déprez Secrétaire général de la rédaction Lamy environnement – Installations classées

CADRE ADMINISTRATIF

BDEI 983

Inspection des installations classées : bilan 2009 et priorités pour 2010La secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno dresse un bilan « globalement bon » des actions menées par l’inspection en 2009 et fi xe par circulaire la traditionnelle feuille de route pour 2010.Circ. min. Ecol., 13 janv. 2010

Bilan 2009Plus de 25 000 visites de terrain ont été menées au sein des 500 000 installations classées dont 1 300 dans les sites les plus risqués dits « Seveso seuil haut «. Ces contrôles se sont traduits par l’établissement de 1 350 procès-verbaux dont plus de 700 pour cause de délits, le tout avec 1 439 agents pour 1 171 équivalents temps plein contre 1 471 en 2008 (l’équivalent de 1 182 temps pleins).Au-delà de ces quelques chiffres, les services de l’inspection ont poursuivi la révision des autorisations des installations concernées par la directive relative à la prévention et à la réduction intégrée de la pollution, directive dite « IPPC » (Dir. n° 2008/1, 15 janv. 2008, initialement, Dir. n° 96/61, 24 sept. 1996). Fin 2009, plus de 780 sites devaient encore être analysés alors que l’échéance était au 30 octobre 2007 et que la France a été mise en demeure de se mettre en conformité par la Commission.La France doit également rattraper son retard dans l’éla-boration des plans de prévention des risques industriels et technologiques, PPRT, pour les sites les plus dangereux. Ce dispositif concerne 622 établissements et 900 communes et devait aboutir à la réalisation de 421 plans avant juillet 2008. Sur ces 421 PPRT prévus, 30 ont été approuvés et 273 ont été avancés via la réalisation et la validation des études de danger.

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