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Abel gance, éclairages sur son Napoléon

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ABEL GANCE, ECLAIRAGES SUR SON “NAPOLEON”

EXTRAITS DE LA REVUE “1895” N°31

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RÉFÉRENCES DES ARTICLES

Jean-Jacques Meusy : La Polyvision, espoir oublié d’un cinéma nouveau “1895” N°31 (2000), mis en ligne le 06 mars 2006

Rachid Ianguirov : Autour de Napoléon, l’emprunt russe

Traduit du russe par Antoine CattinChristian-Marc “1895” N°31 (2000), mis en ligne le 28 novembre 2007

Kevin Brownlow : La troisième restauration de Napoléon

“1895” N°31 (2000), mis en ligne le 06 mars 2006

Bernard Bastide : Bibliographie “1895” N°31 (2000), mis en ligne le 06 mars 2006

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Jean-Jacques Meusy

La Polyvision, espoir oublié d’un cinéma nouveau L’idée du triple écran ou « Polyvision », tel que les

spectateurs de 1927 ont pu le découvrir dans Napoléon, émanait d’un réalisateur qui se déclarait poète, Abel Gance, et nullement d’un technicien ou d’un ingénieur1. Le cas est inhabituel : Henri Chrétien, père de l’Hypergonar (CinémaScope), était un astronome doublé d’un inventeur ; Mike Todd, qui a donné son nom au Todd-AO, était un producteur ; Fred Waller, créateur du Cinérama était un spécialiste des effets spéciaux, etc.

La Polyvision n’a pas non plus résulté de préoccupations économiques, comme ce fut le cas des procédés américains de projections panoramiques sur grand écran qui ont fait une brève apparition en 1929-1930 pour combattre la baisse de fréquentation cinématographique. Les majors leur avaient alors préféré le « sonore », mais elles en exhumèrent l’idée dans les années cinquante, lorsqu’une nouvelle crise apparut aux États-Unis, causée cette fois par le développement de la télévision.

Au contraire, ce sont uniquement des considérations d’ordre artistique qui ont incité le réalisateur de la Roue à faire éclater l’écran traditionnel en trois images distinctes qui se raccordent en un vaste panorama lorsque culmine le souffle épique de l’œuvre, telles des rivières unissant leur impétuosité pour former un large fleuve dont les eaux assagies et puissantes se dirigent vers l’immensité de la mer.

                                                                                                               1   Abel Gance a employé le nom de Polyvision après la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, il désignait son invention (ou plutôt son résultat) par le terme de « triptyques », les « triptyques-panoramas » désignant spécifiquement ceux dont les trois images se raccordaient pour n’en former plus qu’une seule. Bien qu’écrit souvent sans majuscule, le nom « Polyvision » avait été déposé le 10 octobre 1956 comme nom de marque par la collaboratrice d’alors d’Abel Gance, Nelly Kaplan, sous le n° 79.788. Le même jour, celle-ci avait aussi déposé le nom de « Magirama » sous le n° 79.789.  

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Un nouveau concept de représentation de l’espace-temps Dès lors que le cinéma narratif a abandonné le plan

unique de ses débuts – relation en durée réelle d’une action généralement unique se déroulant en un lieu unique – dès lors qu’il a voulu raconter des histoires complexes, il s’est trouvé confronté au problème du mode de représentation d’actions multiples se déroulant en des lieux et des temps eux-mêmes multiples. La trame spatio-temporelle du récit, composée de fils savamment entremêlés, ne semblait pouvoir être restituée au cinéma que séquentiellement, compte tenu du déroulement linéaire du matériau filmique et de l’unicité spatiale de sa représentation, limitée à un seul écran rectangulaire. Montage alterné ou parallèle, flash-back sont des procédés directement hérités du livre qui a en commun avec le film le déroulement linéaire, unidirectionnel, de sa lecture. Ces procédés, quoique purement conventionnels, ont été assez vite assimilés par les spectateurs puisqu’ils reproduisaient, en les aménageant plus ou moins, les procédés de la littérature narrative.

Il y eut, certes, quelques petites entorses à ces modes dominants d’écriture filmique qui constituèrent les prémices de la Polyvision. Ainsi chercha-t-on à représenter plusieurs images dans l’espace de l’écran, soit en fractionnant celui-ci, soit au moyen de surimpressions.

La surimpression a été utilisée très tôt, mais pas toujours pour faire éclater les conventions de représentation de l’espace-temps. Souvent elle a servi à montrer l’invisible, par exemple les pensées intimes des individus ou leurs rêves. Ainsi dans Histoire d’un crime (Ferdinand Zecca, 1901), le condamné à mort, endormi dans sa cellule, revoit en rêve les jours heureux de son enfance auxquels le spectateur est convié grâce à une surimpression (ce qui est aussi, au second degré, une incursion dans un autre espace-temps permis par le rêve et secondairement par sa représentation à l’écran, la surimpression).

Le fractionnement de l’écran (split screen) a été et est encore parfois utilisé pour montrer simultanément

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des scènes généralement corrélées mais se déroulant en des lieux distants. Ainsi, sous une forme élémentaire, deux personnes qui sont en conversation téléphonique peuvent apparaître sur deux parties de l’écran et le spectateur voit ainsi les expressions de la personne qui parle en même temps que les réactions de son interlocuteur. L’écran divisé sert aussi à montrer des scènes appartenant à un autre couple « espace-temps ». Dans la première version de J’accuse (1919), Abel Gance montre sur la partie supérieure de l’écran les soldats harassés avançant en désordre, tandis qu’on voit dans la partie inférieure le déroulement impeccablement orchestré des fêtes de la Victoire sur les Champs-Élysées.

Bien qu’Abel Gance ait très largement utilisé les surimpressions, comme beaucoup de cinéastes de l’époque du muet, il a voulu pour son Napoléon dépasser les limites de cet embryon de montage simultané, horizontal, en créant deux écrans latéraux. Dès lors, le montage acquérait de plein droit une double dimension et devenait, pour employer le terme de Gance, une véritable « orchestration » d’images animées, chaque écran jouant le rôle d’un instrument, selon une métaphore qu’il se plaisait à employer. Les relations des images entre elles ne s’établissaient plus seulement séquentiellement, dans leur continuité temporelle, mais aussi dans la simultanéité, selon une continuité spatiale. Ce qui faisait dire à Gance qu’avec la Polyvision le cinéma entrait dans la quatrième dimension, faisant l’impasse de la troisième dimension qu’il jugeait peu intéressante sur le plan artistique2.

La Polyvision est donc à la fois la confrontation simultanée des images entre elles et leur union pour former un immense panorama comme le fera plus tard le Cinérama en utilisant d’ailleurs les mêmes principes techniques. Mais le Cinérama, en refusant l’écran variable, restera un outil bien peu souple, certes idéal pour les effets spectaculaires mais fort mal adapté à la représentation d’espaces limités, de scènes intérieures. Malgré de rares tentatives pour lui faire « raconter des                                                                                                                2  Voir Le Cardinet Gazette, bulletin des spectateurs du Cardinet, n°2, été 1954. .Rétrospective Gance (BnF, Arts du spectacle, ASP, 4° COL-36/833).  

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histoires » (en particulier, en 1962, la Conquête de l’Ouest, western de plus de 2 h 1/2 formé de plusieurs épisodes que réalisèrent H. Hathaway, G. Marshall et J. Ford), le Cinérama se consacrera essentiellement à la production de pseudo-documentaires dont les gigantesques cartes postales animées étaient surtout conçues pour susciter chez le spectateur des sensations physiologiques fortes. Ainsi le Cinérama restera plus proche parent des attractions foraines que du cinéma proprement dit.

Aux sources de la Polyvision Comme je l’ai déjà dit, Abel Gance évoquait

toujours la polyphonie pour faire comprendre ce qu’est la Polyvision. Par exemple, dans ce texte daté du 26 novembre 1957 et intitulé « Le Spoutnik du Cinéma : la Polyvision3 » :

Je ne saurais trop répéter que la POLYVISION

correspond à ce que fut la POLYPHONIE. Au XIVe siècle, celle-ci transforme l’art musical – qui pendant des siècles était resté pétrifié dans l’immobilisme du plain-chant et de la mélodie solitaire. Certes les oreilles jusqu’au moyen âge s’accommodaient encore du seul récit chanté – mais, peu à peu, un appétit auriculaire vint aux auditeurs. Et avec circonspection des tentatives audacieuses permirent d’imbriquer un son à un autre son, puis deux, puis trois, puis vint l’organum à 4 notes, le contrepoint était né et avec lui l’orchestration qui ouvrait dès lors à la musique des portes triomphales. Par le jeu des associations simultanées la Polyvision agira de même – car le cinéma actuel retarde de plusieurs années sur les appétits visuels qui se sont développés d’une façon si grave que les salles peu à peu se vident. […]

Cette métaphore possède une incontestable valeur

pédagogique, mais elle n’implique pas une filiation musicale directe de la Polyvision. Abel Gance laissait plutôt entendre que les « triptyques-panoramas », puis les triptyques à images inversées (comme vues dans un

                                                                                                               3   BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/836, boîte 172. Le Spoutnik était d’actualité car il avait été lancé trois semaines plus tôt par l’Union soviétique à la grande surprise du monde entier.  

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miroir) étaient nés d’une réflexion purement cinémato- graphique :

Quand j’ai fait Napoléon, je me sentais comme

quelqu’un dont on a lié les bras et qui voudrait sortir ses bras des liens qui l’entourent. Et je me disais : mais comment pourrais-je présenter ces scènes, que les gens soient assez pris, qu’ils soient assez nombreux, que j’aie un champ immense, parce que plus j’aurai un champ immense, plus les gens devront être loin, et finalement je perdrai par l’éloignement ce que je gagnerai par le nombre, et je n’aurai pas du tout la sensation que je cherche.

Et brusquement l’idée m’est venue : mais si j’avais un écran à droite et un écran à gauche, agrandissant mon champ visuel, c’est-à-dire me donnant trois fois la grandeur de l’image, alors je pourrais avoir un écran panoramique de mes soldats, quand j’ai besoin de soldats, qui aurait infiniment plus de puissance que ce que je pourrais avoir en une seule image en les éloignant… Et l’idée m’est venue primitivement de l’écran panoramique qui était en somme le grand écran de Napoléon. Ensuite, au montage, je me suis aperçu que si je montais l’image centrale, où Napoléon réfléchissait à la façon dont il allait diriger sa campagne, et que si je voyais en même temps à gauche ses armées descendant d’une colline par exemple, et que si j’inversais l’image de gauche par rapport à celle de droite, la même image d’armée descendant de cette colline, j’avais comme une architecture mouvante merveilleuse, tandis que lui, au centre, continuait ses rêves de construction de l’Europe d’alors…4

Les héritages culturels ne sont pas toujours

conscients chez les créateurs et, dans le cas présent, ce qui m’a frappé est le parallélisme de la démarche de Gance et de celle des peintres de retables du XVe siècle (principalement) auxquels on doit tant de diptyques, triptyques et polyptyques. Ces dispositifs jouent en effet sur l’espace-temps mais ils ne sont pas les seuls dans ce cas : les tangkas tibétains, par exemple, présentent généralement des sagas religieuses éclatées en de multiples représentations miniaturisées

                                                                                                               4  Le Bureau des Rêves perdus d’Abel Gance, 20 décembre 1956, émission radiophonique de Louis Mollion réalisée par Albert Riera (Texte publié dans l’Écran n° 3, avril-mai 1958 et cité par Roger Icart dans Abel Gance, Lausanne, l’Âge d’Homme, 1983, p. 185).  

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d’événements distants par les époques et les lieux supposés de leur déroulement. Si Gance se référait toujours à la polyphonie dans ses textes, le mot de « triptyque », qu’il avait d’abord choisi, était une allusion très claire à la peinture. À ma connaissance, il ne développa cette filiation dans aucun des nombreux articles et interviews qu’il consacra à ses triptyques et à la Polyvision5.

L’origine grecque du mot « triptyque » implique un pliage en trois, effectivement réalisé dans les triptyques picturaux. Le repliement des volets latéraux sur le panneau central implique que ceux-ci aient une largeur moitié moindre. Cette contrainte renforce la suprématie que la représentation centrale possède déjà par sa position même, face à l’observateur. Malgré la largeur identique des écrans de la Polyvision, Gance n’a pas remis en cause cette hiérarchie, installant ainsi son invention révolutionnaire dans une continuité culturelle. Il est à noter que l’équilibre généré par la suprématie de la peinture centrale dans les triptyques est fort difficile (sinon impossible ?) à atteindre dans les diptyques, du moins si l’artiste opte pour la dualité de leurs représentations. C’est probablement la raison pour laquelle les diptyques sont beaucoup moins nombreux que les triptyques (ou les polyptyques). De la Sainte Trinité au drapeau tricolore (adopté par un grand nombre de pays), la symbolique ternaire a d’ailleurs fait fortune.

Considérons le triptyque « Scènes de la Passion » qui est l’œuvre d’un peintre connu sous le nom du Maître de Delft et date des toutes premières années du XVIe siècle. Trois scènes distinctes y figurent. Le panneau central représente la scène classique de la Crucifixion. Le panneau de gauche relate un événement antérieur à la Crucifixion et situé en un autre lieu : il s’agit de la Présentation au peuple du

                                                                                                               5   Il existe toutefois dans le fonds Abel Gance (BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/836, boîte 172) un document intitulé « Importantes notes pour article de fond : Polyvision (1955) » qui recèle une liste de peintres et d’œuvres (fresques, triptyques, polyptyques) avec souvent la mention « Polyvision » accolée. Gance a donc songé tardivement à rapprocher son invention de certaines formes anciennes de la peinture mais il ne semble pas que cet article ait été écrit et publié.  

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Christ (portant une couronne d’épines) par Ponce-Pilate (Ecce Homo ou « Voici l’Homme »). Le panneau de droite est la Descente de la croix, événement bien évidemment postérieur à la Crucifixion mais situé dans le même lieu, la colline du Golgotha. Le triptyque concerne donc trois moments successifs de la vie du Christ et deux lieux distincts, articulés autour de la scène centrale de la Crucifixion.

En réalité, si nous observons avec davantage d’attention ces trois panneaux, nous nous apercevons que le jeu des temps et des espaces est beaucoup plus complexe. Ceux-ci correspondent non seulement au sujet principal (comme nous venons de le voir) mais aussi à des événements qui lui sont complètement anachroniques. Ainsi, le donateur (c’est-à-dire le commanditaire de l’œuvre) est figuré sur le panneau central sans être, bien évidemment, contemporain du Christ. D’une façon analogue, la tour à l’arrière plan gauche du panneau central appartient à la Nouvelle Église de Delft, terminée en 1496, à la fois anachronique et fort éloignée géographiquement de la colline du Golgotha. Ces chimères spatio-temporelles n’étaient pas rares dans la peinture religieuse où le donateur était souvent représenté ainsi que certains éléments qui lui étaient contemporains. On peut trouver des correspondances chez Gance lorsque celui-ci, dans les triptyques finaux, procède à des surimpressions qui mêlent des éléments hétérogènes par le lieu et/ou l’époque (souvenirs de Brienne, de Joséphine, carte d’Italie évoquant la prochaine campagne, tandis que des colonnes de l’armée avancent dans l’enthousiasme, etc.).

Considérons un autre exemple de triptyque : la Vierge et l’enfant avec les Saints et le Donateur, de Hans Memling (probablement 1 470). Ici nous avons un lieu unique (l’espace des trois panneaux est en effet en continuité) et, semble-t-il, un seul temps. Le panneau central est centré sur l’enfant Jésus vers lequel convergent tous les visages. Au premier plan, à gauche, est représenté agenouillé Sir John Donne de Kidwelly qui reçoit la bénédiction de l’enfant Jésus (le triptyque était une commande de Sir John Donne d’où la désignation de « Triptyque de Donne » également

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employée). En face de lui, Lady Donne. Les deux panneaux latéraux représentent des espaces en continuité avec l’espace central. Toutefois la nécessité matérielle d’un encadrement de bois portant les charnières crée une certaine rupture visuelle (à la différence, bien sûr, des « triptyques-panoramas » du Napoléon qui ne subissent pas cette contrainte)6. Cette rupture partielle est mise à profit par le peintre dans sa composition : Saint Jean (John)-Baptiste avec l’agneau de Dieu, sur le panneau de gauche, et Saint Jean (John)-l’Évangéliste, sur celui de droite (les saints patrons de Sir John Donne), sont dans des situations quelque peu distanciées par rapport à la scène centrale. Leur visage n’est pas dirigé vers l’enfant Jésus, contrairement à celui de tous les personnages représentés sur le panneau médian. Ils assistent à la scène mais n’y participent pas. Ajoutons, mais cela sort de la confrontation avec la Polyvision gancienne, que les faces extérieures des deux panneaux centraux sont décorés de peintures en trompe-l’œil de statues de deux saints, Christophe et Anthony Abbot. Cette décoration extérieure atteste que le triptyque n’était ouvert que les jours de fête.

Comme dans le premier triptyque, une analyse plus approfondie révèle une très grande complexité du traitement de l’espace-temps. L’unité spatio-temporelle du triptyque est en fait une pure construction idéologique du peintre répondant à une intention religieuse. Outre que le donateur n’est pas contemporain de l’enfance du Christ, ses deux saints protecteurs ne pouvaient être, selon la tradition, plus âgés que le fils de Dieu !7 Ajoutons que le paysage à l’arrière plan est celui familier au donateur, non celui de la Galilée qui vit naître le Christ.

Les exemples fourmillent dans l’histoire de la peinture occidentale qui expriment des relations spatio-temporelles très variées à la fois entre les trois                                                                                                                6  Le cadre a été réalisé par l’atelier de la National Gallery de Londres (à laquelle appartiennent les deux triptyques évoqués ici), sur le modèle de celui d’un autre triptyque de Memling. Il succède probablement à un ancien encadrement disparu.  7  Saint Jean-Baptiste aurait eu exactement le même âge que le Christ et Saint Jean-l’Évangéliste serait né une dizaine d’années plus tard.  

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panneaux des triptyques et à l’intérieur même d’un panneau, entre ses divers éléments. Remarquons que Gance, s’il a souvent mêlé au sein d’un (ou de plusieurs) écran de Napoléon des lieux et des époques différents au moyen de surimpressions, a toujours évité ces procédés dans ses triptyques-panoramas. Sans doute a-t-il voulu que ceux-ci produisent surtout une impression d’immensité et de puissance qu’une sophistication d’écriture, entraînant une lecture moins immédiate, aurait probablement compromise.

Il est un autre aspect, moins secondaire qu’il n’y paraît d’abord, qui rapprochent aussi les triptyques de Napoléon des triptyques picturaux aussi bien que des tangkas : les uns et les autres ne sont offerts à la vue qu’en certaines circonstances. On sait que les tangkas sont équipés d’un petit rideau jaune qui en cache les fines représentations et que les volets latéraux des triptyques se replient sur le panneau central pour mettre à l’abri leurs précieuses peintures. Le rideau de scène de la Polyvision dévoilant l’écran médian puis, au moment voulu, les volets latéraux, joue le même rôle, renforçant l’effet de surprise. Le rideau de cinéma, comme celui du théâtre, est, en effet, la fenêtre qu’on ouvre et qu’on ferme sur la vie : il délimite le temps et le champ de la diégèse. Gance y attachait beaucoup d’importance pour la présentation des triptyques de Napoléon :

Il faut, à cet instant de l’Armée d’Italie, que deux

rideaux s’ouvrent brusquement à droite et à gauche de l’écran, en démasquant deux autres écrans sans solution de continuité. Comme si les trois vannes d’une écluse étaient simultanément ouvertes, va s’engouffrer alors dans le public, le torrent le plus véhément et le plus riche de puissance humaine que l’histoire ait vu se déchaîner.8

Durant l’hiver 1956-1957, lorsque Abel Gance et

Nelly Kaplan présentèrent au Studio 28 un spectacle de Polyvision intitulé Magirama dont je parlerai plus loin et qui reprenait notamment les triptyques de Napoléon, Philippe Soupault avait, lui aussi, été frappé par la

                                                                                                               8  La Technique Cinématographique, suppl. au n° 141, mars 1954.  

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parenté de la Polyvision avec les triptyques picturaux. Dans un article intitulé « Des primitifs italiens au cinéma de l’avenir », on pouvait lire :

En sortant de ce petit cinéma qui fut jadis glorieux

puisque ses anciens directeurs eurent l’audace de présenter, les premiers, des films dont l’importance pour l’histoire du cinéma est aujourd’hui manifeste, je ne pouvais m’empêcher de faire un rapprochement entre les techniques de deux grands artistes dont j’admire profondément et depuis longtemps le génie, l’audace et le courage intellectuel : Paolo UCCELLO et Abel GANCE.

Les découvertes de Paolo UCCELLO, son désir éperdu

de faire sortir l’art pictural des ornières, son œuvre la plus importante et la plus significative (les trois panneaux de la Bataille de San-Romano), je les comparais aux découvertes d’Abel GANCE, à son désir persévérant de délivrer le cinéma de ses routines et à son œuvre déjà célèbre qu’il a nommée Polyvision.9

Ces quelques remarques n’épuisent pas les

rapprochements que l’on peut faire avec la peinture. Celle-ci a recherché par des voies diverses les moyens de montrer un sujet sous plusieurs aspects, sous plusieurs angles, à plusieurs époques et dans ses rapports avec d’autres éléments. Outre les triptyques et polyptyques, on pourrait aussi évoquer les collages et le cubisme (dans sa définition originelle) comme tentatives picturales témoignant de préoccupations analogues.

Si Gance n’a guère évoqué la peinture dans ses textes, c’est peut-être parce qu’elle ne peut fixer qu’un seul instant (éventuellement plusieurs) et n’a pas, comme le cinéma, la possibilité d’accéder de plein droit à un développement temporel. Elle reste inapte à                                                                                                                9   Cet article, retranscrit à la machine à écrire, figure dans le fonds Abel Gance (BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/836, boîte 172). Paolo di Dono, dit Uccello, né et mort à Florence (1397-1475), basa sa conception personnelle de la perspective sur la science de son époque et particulièrement sur l’optique. Son triptyque la Bataille de San-Romano (1456-1460) est une évocation quelque peu onirique de trois épisodes du combat. Le destin absurde de l’œuvre voulut que les trois panneaux fussent dispersés : ils sont actuellement conservés au Louvre, à la National Gallery et aux Offices ! Uccello fut salué avec enthousiasme par les surréalistes français pour sa volonté de rompre avec les traditions picturales. Philippe Soupault lui consacra un livre (Paolo Uccello, Paris, Éditions Rieder, 1929).  

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« fonctionner » dans la durée, dans la continuité. La musique, au contraire, fait entendre les sons à la fois dans leur succession (temps) et dans leur simultanéité (espace) comme le fait la Polyvision avec son montage horizontal et vertical.

Une production hors du commun : Napoléon Ce fut Napoléon qui révéla ce nouveau mode

d’écriture filmique proposé par Abel Gance, bien que le film ne l’employa que pour certaines séquences seulement. La réalisation de Napoléon fut une épopée de quatre années semée d’embûches qui se poursuivirent au cours de son exploitation. Bien qu’elles aient déjà été relatées, il est utile de les rappeler ici10.

Lorsqu’en 1923 Abel Gance, âgé de 33 ans, commençait à écrire le scénario de Napoléon, il était déjà un réalisateur très en vue, considéré comme un des représentants les plus doués de la nouvelle vague du cinéma français. Mater Dolorosa (1917), la Dixième Symphonie (1918), J’accuse (1918) et la Roue (1923) avaient assis sa réputation. Homme du xixe siècle par son romantisme hugolien, il était aussi un avant-gardiste par ses recherches sur l’écriture cinématographique. La Roue, qui lui avait demandé trois années de travail, annonçait par son montage les travaux des cinéastes soviétiques. Par la représentation humanisée et sublimée d’un des principaux héros du film, la locomotive Pacific Compound, resplendissante de ses bielles et de ses pistons, il annonçait les recherches plastiques de la fin de la période du muet.

Par le sens de l’épopée allant jusqu’à la démesure, la Roue menait logiquement son auteur sur la voie de procédés inédits d’écriture à la mesure de son nouveau projet, Napoléon. Cette œuvre devait initialement comporter six films distincts, de 1 500 à 2 000 mètres, couvrant toute l’épopée napoléonienne depuis                                                                                                                10  Pour plus de détails on se référera notamment aux ouvrages classiques de Kevin Brownlow, le restaurateur du film (Napoleon : Abel Gance’s classic film, London, Jonathan Cape, 1983 et The parade’s gone by, Berkeley – Los Angeles, University of California Press, 1968) et de Roger Icart (Abel Gance ou le Prométhée foudroyé, Lausanne, l’Âge d’Homme, 1983).  

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l’enfance à Brienne jusqu’à Sainte-Hélène. Il ne s’agissait pas d’un serial mais d’un ensemble de films indépendants dont « l’action centrée et indépendante tant du précédent que du suivant assure la possibilité d’exploitation la meilleure puisqu’il ne sera aucunement nécessaire pour être intéressé de voir tous les films du sujet11 ». Gance envisagea même un moment de porter à huit le nombre de films et leur longueur à 2 400 mètres12. Ainsi Napoléon, avec une longueur totale de 9 000 à 19 200 mètres, selon les hypothèses, une figuration considérable, des lieux de tournage nombreux et éloignés, était le projet le plus colossal du cinéma français.

Une Association en participation devait fournir les sept millions de francs estimés alors nécessaires à la réalisation. Le consortium allemand Stinnes (sidérurgie et industries électriques) s’engageait à en fournir la plus grosse partie, 4,7 millions de francs, par l’intermédiaire des sociétés Westi et Wengeroff Film13. Dans le contrat originel, Gance avait accepté de réaliser le premier film pour le 31 décembre 1924, mais à cette date seuls des tests avaient été réalisés et le tournage ne débuta réellement qu’en janvier 1925 au                                                                                                                11  Notes manuscrites s.d. du fonds Abel Gance, BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63. Les titres de ces six épisodes étaient : Arcole ; 18 Brumaire ; Austerlitz ; Campagne de Russie ; Waterloo ; Sainte-Hélène.  12  Document daté du 4 septembre 1924, BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/554, boîte 63. Les titres des huit épisodes étaient : la Jeunesse de Bonaparte ; Bonaparte et la Terreur ; Arcole ; les Pyramides ; Austerlitz ; La Bérésina ; Waterloo ; Ste-Hélène.  13  WESTI = WEngeroff STInnes. Après Westi et Wengeroff Film, on trouve Pathé Cinéma (1,5 MF), suivi de plusieurs autres participants : Vilaseca et Ledesma d’Espagne, 0,5 MF ; Svensk Filmindustri de Stockholm, 0,5 MF ; Kanturek de Prague, 0,350 MF ; Wilton de Voorburg des Pays-Bas, 0,3 MF ; restaient 0,350 MF « à souscrire par un tiers ou par la Gérance ». Moins de six ans après la signature de l’armistice de 1918, cette participation allemande majoritaire à un film concernant un « héros national » provoqua une vive réaction nationaliste d’une partie de la presse (l’Écho de Paris, 23 mai 1924 ; Hebdo-Film, n° 431, 31 mai 1924 ; Tout-Paris-Ciné, 6 avril et 7 juin 1924 ; la Rampe, 22 juin 1924, etc.). Par exemple, André de Reusse écrivait dans Hebdo-Film : « Je continue, mon cher Gance, à penser, dire et soutenir, que vous jouez une partie dangereuse et que ça risque de vous coûter cher ». Charles Le Fraper et Gaston Thierry le menaçaient des foudres de la censure dans Tout-Paris-Ciné : « Que l’on n’imagine pas au moins que nous souhaitons voir, de façon si imperceptible que ce soit, limiter les prérogatives du metteur en scène ou entraver ses initiatives, mais tout le monde sait qu’il existe une censure – nous n’en sommes pas plus fiers pour ça ! – et il n’est pas douteux qu’elle aura conscience de sa responsabilité lorsque le film sur Napoléon lui sera soumis ».  

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studio de Billancourt. Gance avait affiché sur les murs du studio une proclamation destinée à galvaniser ses troupes – pardon, ses collaborateurs :

Il faut, entendez bien le sens profond que je mets dans

ces mots, il faut que ce film nous permette d’entrer définitivement dans le Temple des Arts par la gigantesque porte de l’Histoire. Une angoisse indicible m’étreint à la pensée que ma volonté et le don de ma vie même ne sont rien si vous ne m’apportez pas tous un dévouement de toutes les secondes.

Nous allons, grâce à vous, revivre la Révolution et l’Empire. La tâche est inouïe.

Il faut retrouver en vous la flamme, la folie, la puissance, la maîtrise et l’abnégation des soldats de l’An II. L’initiative personnelle va compter : je veux sentir en vous contemplant une houle qui puisse emporter toutes les digues du sens critique, de façon que je ne distingue plus, de loin, entre vos cœurs et vos bonnets rouges…14

Quelques mois plus tard, le 25 juin 1925, les

difficultés du consortium Stinnes, faisant suite au décès d’Hugo Stinnes en avril 1924, amenèrent Westi et Wengeroff Film à renoncer à leur participation ! Par une lettre en date du 29 août 1925, la gérance du film, assumée par la Société des Films Abel Gance, adressait une lettre de congédiement à 33 collaborateurs. La Société des Films Abel Gance subissait elle aussi les contrecoups de cette déconfiture, puisque sur un capital de 200 000 F, 72 000 F avaient été souscrits par Westi-Wengeroff Films15. Selon Abel Gance, un tiers du film seulement était réalisé (en particulier les scènes de l’enfance de Bonaparte à Brienne, tournées aux studios de Billancourt et à Briançon pour les extérieurs, les scènes de Corse et du départ de Bonaparte pour le continent sur une chaloupe en pleine tempête, la scène de la Marseillaise au Club des Cordeliers). L’avenir de Napoléon devenait incertain. Charles Pathé continuait à                                                                                                                14   Texte reproduit notamment dans le programme des représentations à l’Opéra.  15  Au 15 août 1925, les actions de 500 F de la Société des Films Abel Gance étaient répartis entre : M. Bloch (200), M. de Bersaucourt (95), M. Abel Gance (95) et M. Charles Pathé (10). Sur les 200 actions de M. Bloch, 180 appartenaient à la Westi et furent rachetées par M. Bloch au moment de la liquidation de cette société (BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63).  

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soutenir le film sans toutefois lui apporter un financement déterminant : dans une lettre à Abel Gance datée du 29 septembre 1925, il l’autorisait à user de son nom auprès des financiers sollicités. Il ajoutait : « Je ne doute pas un seul instant de votre réussite, pour laquelle je vous apporterai mon concours le plus complet dans la mesure où la chose m’est permise »16.

Abel Gance reprit son bâton de pèlerin, en quête d’un partenaire pour remplacer les sociétés du groupe Stinnes. Dans un « rapport financier confidentiel » on lit :

Le total du prix de revient du premier film s’élève dès

lors à 9 000 000 F. Cinq millions de francs sont déjà dépensés. Les dépenses restant à courir s’élèvent donc à 4 000 000 F. Il reste donc au futur participant qui entrerait dans le groupe, à verser 4 000 000 F. Sur les cinq millions déjà dépensés, le groupe Stinnes a versé 3 700 000 F ; ainsi qu’on le verra dans les conditions de liquidation ci-incluses, le groupe Stinnes perd deux millions sur ces 3 700 000 F. Le reste, soit 1 700 000 F, est payable au prorata après exploitation du premier film.17

Ce « futur participant », Gance le trouva après

quelques mois de recherche : il s’agissait de la Société Générale de Films qui s’engageait à fournir 8 millions18. Le contrat entrait en vigueur le 1er novembre 1925 pour se terminer le 15 octobre 1926, date ultime de remise de la copie de montage19. Le délai ne sera pas tenu, pas plus que la longueur de ce premier épisode commençant avec la jeunesse de Napoléon pour s’achever au départ de la campagne d’Italie. Abel Gance s’engageait en effet à ce que son métrage ne dépasse pas 3 000 mètres ou, à défaut, acceptait que la SGF pratique les coupures nécessaires.

                                                                                                               16  Ibid.  17  Ibid.  18  Le Conseil d’administration de la Société Générale de Films était composé de Henri de Cazotte, président, le Duc d’Ayen, Charles Pathé, le Comte H. de Béarn, le Comte J. de Breteuil, E. Karmann et C. Lemoine. J. Grinieff était directeur général et de la Rozière, secrétaire général. La SGF produira en 1928 la Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer qui avait assisté comme journaliste au tournage de Napoléon.  19  Fonds Abel Gance, BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63.  

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Il fera quelque 12 000 mètres dans la version longue (12 800 selon Kevin Brownlow), réduite à plus de 5 000 mètres dans la version présentée à l’Opéra (environ 3 h 1/4) ! Quant au coût de ce premier film, il était passé de 7 à 9 millions, puis à 13 pour finalement atteindre environ 18 millions, si l’on en croit les articles de presse parus lors de sa sortie20. Le contrat ne concernait pas la suite des épisodes de Napoléon, pour lesquels la SGF devait faire connaître à Abel Gance ses intentions dans un délai d’un mois après la sortie du premier film.

Comme Abel Gance l’écrivait le 4 novembre 1925 « le navire repart avec une hélice neuve ». À Billancourt, on termina la scène de la tempête sur mer, puis on tourna des plans de la bataille de Toulon, dans la boue des tranchées (le reste de la bataille devant être tourné plus tard sur place).

Ce n’est qu’au début de l’année 1926 qu’Abel Gance fit appel à André Debrie pour lui fabriquer un dispositif à trois caméras Parvo synchronisées, permettant d’embrasser ensemble un large panorama. Le 3 février 1926, la maison Debrie lui adresse un devis qu’elle accompagne de sérieuses réserves techniques :

[...] Cependant, nous nous faisons un devoir de vous

indiquer, dès maintenant, la difficulté que présentera une telle projection au point de vue réalisation, car la juxtaposition des 3 images ne pourra pas être absolument invisible, ou tout au moins, nous ne pouvons pas la garantir.

Ainsi, malgré que nous prenons comme projecteurs des appareils Pathé, il est compréhensible que le manque de fixité de chaque appareil, qui est invisible pour une seule projection, sera doublé par le fait d’avoir deux images qui peuvent varier séparément l’une à côté de l’autre.

De plus, comme il faut prévoir le retrait de la pellicule qui est une matière élastique, chaque image doit être à la prise de vues, photographiée de telle façon qu’elle

                                                                                                               20  Le fonds Abel Gance conservé à la bibliothèque des Arts du Spectacle ne permet pas de vérifier la véracité de cette information. En fait, les indications fournies par la presse varient quelque peu. Si la plupart des publications retiennent le chiffre de 18 millions, certaines indiquent 17 ou 19 millions, exceptionnellement 15 (l’Humanité du 23 avril 1927, sous la plume de Léon Moussinac).  

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recouvre légèrement sa voisine ; des écrans dégradateurs, placés sur les projecteurs, seront réglés pour fondre les deux images l’une sur l’autre de la façon la plus parfaite possible. […]21

Le dispositif de prise de vues comprenait trois

caméras métalliques Parvo K montées selon un axe vertical sur trois plateaux superposés. Un moteur électrique commandait « les trois appareils ensemble ou séparément, par l’intermédiaire d’un arbre avec embrayages qui engrainera à volonté avec chaque appareil, par l’intermédiaire de pignons fixés à l’arrière de ceux-ci ». La caméra fournissant l’image du milieu était orientable de 10 degrés de chaque côté, tandis que les deux caméras fournissant les images latérales pouvaient pivoter de 10 degrés vers le centre et de 90 degrés vers l’extérieur. Le prix du dispositif était de 35 000F sans les trois caméras qui étaient tarifées 15 000F l’unité. Pour la projection, la maison Debrie proposait de monter sur une table métallique trois projecteurs Pathé complets, commandés par un moteur électrique unique, pour la somme de 35 000F. Le délai de fabrication des dispositifs de prise de vues et de projection était de l’ordre de deux mois et demi à trois mois.

Le 15 mai, la SGF faisait savoir à la maison Debrie qu’elle souhaitait faire les premiers essais de prises de vues triples le 25 ou le 26 mai et lui demandait de lui fournir un opérateur pour ces premières séances. La lettre ajoutait :

Je compte que Monsieur Maurice voudra bien, comme

il nous l’a proposé, s’occuper des brevets à prendre pour les trois écrans au nom de Monsieur Gance, car il est indispensable d’être protégé et surtout de ne pas risquer d’être devancé dans cette innovation.22

Le brevet fut déposé au nom d’Abel Gance le 20

août 1926 sous le n° 633.415 (« Procédé d’obtention d’effets artistiques dans les projections

                                                                                                               21  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63.  22  Ibid.  

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cinématographiques »)23. En fait ce brevet ne concernait que l’idée de ce qu’Abel Gance appellera plus tard la Polyvision, à l’exclusion de tout dispositif technique précis destiné à la mettre en œuvre. Les deux aspects fondamentaux de la Polyvision y étaient mentionnés :

… les images pourront se raccorder exactement, ou

bien encore elles pourront être séparées, si l’on veut montrer simultanément plusieurs scènes différentes prises à des instants différents.

Les moyens pour parvenir à ce résultat étaient

indiqués de la façon la plus vague :

À la prise de vues on se servira de plusieurs objectifs ou d’un objectif multiple combiné placés judicieusement dans un ou plusieurs appareils spéciaux ou normaux. Ces objectifs pourront correspondre chacun à une bande de pellicule lesquelles seraient ensuite synchronisées à la projection. Ces objectifs pourront aussi produire simultanément leurs images sur une seule pellicule ayant des dimensions différentes des dimensions standard.

Quelques mois plus tard, le 16 octobre 1926, André

Debrie déposait un brevet couvrant le dispositif que la maison avait fabriqué pour Abel Gance, sous le n° 636.620 (« Debrie, André Léon Victor Clément – Procédé permettant de prendre simultanément au moyen de plusieurs objectifs une vue cinématographique présentant une certaine étendue »).

La réalisation et le dépôt de brevet du triple écran datent donc de 1926, alors qu’Abel Gance avait commencé à préparer le scénario de Napoléon depuis trois ans environ. La fabrication du dispositif et les essais durent être exécutées dans une certaine précipitation. Les prises de vues panoramiques ne furent réalisées qu’à la fin du tournage, dans la scène du départ pour la campagne d’Italie (les autres triptyques ne comportaient pas de panoramas et ne nécessitaient donc pas l’emploi du dispositif à trois caméras couplées). On peut se poser la question de                                                                                                                23  Abel Gance déposait des brevets similaires en Allemagne et aux États-Unis le 23 octobre 1926, ainsi qu’en Angleterre.  

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l’époque à laquelle Abel Gance eut véritablement l’idée du triple écran. On serait immédiatement tenté de répondre en 1926 si un texte traduit en anglais et daté du 28 décembre 1926 indiquait une date bien antérieure. On lit dans ce document intitulé « Rapport sur les origines du brevet secret 11.035 déposé en France, Allemagne, Angleterre et Amérique le 20 août 1926 » :

En septembre 1922, à propos d’une série de scènes

importantes de son film NAPOLÉON, M. Abel Gance écrivait dans son scénario, et sur feuillets séparés pour que cette remarque ne tombe pas sous des yeux intéressés, ce qui suit :

Remarque confidentielle – Il y aura deux rideaux cachant deux écrans sur les côtés, et au signal de Bonaparte les 2 rideaux s’ouvriront sur un écran rouge à droite, sur une écran bleu à gauche, pour ensuite, comme si les troupes françaises étaient une immense fresque, voir se dérouler les 3 actions qui n’en formeront plus qu’une sur les 3 écrans confondus en un seul, l’écran blanc conservant le centre de l’action.

L’idée principe du double, triple ou quadruple écran était trouvée ; à savoir, l’élargissement du cadre, en permettant à l’œil de voir infiniment plus de choses que sur un écran ordinaire ou la vision de ces mêmes choses à une échelle infiniment plus grande.

M. Abel Gance rencontra de vifs obstacles pour la réalisation matérielle de son idée, et des remises successives le renvoyèrent de 1922 à 1925, époque à laquelle il put enfin faire admettre à la Société Générale de Films, où il continuait Napoléon, l’importance et l’envergure de sa conception.

Après maints échecs de pourparlers, il décida cette Société à examiner à fond sa proposition, et celle-ci fit construire pour M. Gance 3 appareils synchrones de prise de vue, avec des angles calculés, ce qui lui permet de réaliser enfin son projet. […].24

Sous réserve de recherches ultérieures, notamment

dans les archives conservées à la BiFi et actuellement inaccessibles, cette thèse paraît bien peu vraisemblable, bien qu’elle ait été reprise beaucoup plus tard par I. Landau dans un article de la Technique

                                                                                                               24  Ibid.  

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Cinématographique25. En admettant que la SGF (et précédemment l’association dominée par la Westi ?) ait reculé devant un procédé audacieux, on ne voit guère pourquoi Abel Gance aurait attendu quatre ans pour en déposer le brevet, au risque de se voir doubler. D’ailleurs il ne semble pas avoir confirmé ailleurs cette indication de 1922, laissant le plus souvent planer un certain flou sur l’époque à laquelle l’idée des triptyques lui était venue. Quant à sa collaboratrice Nelly Kaplan, elle n’hésitera pas à affirmer que Gance n’a conçu les moyens techniques de faire « exploser » l’écran unique qu’en 192626.

Au mois d’août 1926, la troupe avait émigré à La Garde (Toulon). Dans le cadre d’une campagne médiatique parfaitement orchestrée par la SGF, les journalistes étaient invités une nouvelle fois à assister au tournage. Ils publièrent nombre de reportages traduisant leur émerveillement devant l’ampleur des moyens mis en œuvre et tinrent ainsi le public en haleine. Le 11 août étaient tournés les premiers triptyques-panoramas du départ pour la campagne d’Italie. Gance, à l’affût des derniers progrès de la technique, réalisait des plans en couleurs par le procédé Keller-Dorian (une bobine, semble-t-il) ainsi qu’en stéréoscopie27. Il renonça toutefois à poursuivre ces expériences qui étaient trop tardives et qui risquaient, pensa-t-il, de flatter l’œil plus que l’esprit et de nuire au rythme du film.

De retour à Paris, commença le laborieux montage de quelque 400 000 mètres de rushes ! Puis le 9 octobre 1926 fut signé entre la Société Générale de

                                                                                                               25  La Technique Cinématographique, suppl. au n° 141, mars 1954. Landau précise même que c’est le 7 juillet 1922 que l’idée de la Polyvision serait venue à Gance.  26  Nelly Kaplan, Napoléon, adapted and compiled from French originals by Bernard McGuirk, London, British Film Institut, 1994.  27   Le Cinéopse du 1er septembre 1926 rapportait : « À Toulon, selon le procédé Keller-Dorian, […] on a pris en couleurs naturelles les tableaux pour ajouter encore à l’inédit et à l’intérêt ». Lorsqu’en 1928 Abel Gance devint conseiller artistique du nouveau cinéma ouvert par Jean-Placide Mauclaire sur la butte Montmartre, le Studio 28, il envisagea de présenter ces essais en couleurs et en 3D, preuve qu’ils ont effectivement été réalisés. Dans une note manuscrite à usage personnel, Abel Gance écrivait en effet : « Pour prochains spectacles Mauclaire : Scènes en couleurs Napoléon. Scènes en relief. Danses. Galops » (BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/801).  

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Films et la Gaumont-Metro-Goldwyn un accord de distribution. La Lœw-Metro-Goldwyn (à laquelle était liée depuis peu la Gaumont) n’accepta de se charger de la distribution aux États-Unis que si on lui accordait aussi la distribution en France, colonies, protectorats, Suisse et Belgique28. Le marché fut conclu pour une somme de près de 9 millions de francs. Le 16 octobre un banquet était organisé à l’hôtel Ritz par la SGF en l’honneur d’Arthur Lœw, fils du puissant Marcus Lœw et directeur général des départements étrangers de la MGM. Celui-ci déclarait dans son allocution : « On a dit que l’Amérique boycottait les films européens : c’est une erreur. […] Un film, de quelque provenance qu’il soit, sera toujours bien accueilli en Amérique dès lors qu’il apportera de fructueuses recettes aux exhibitors29 ». Propos que l’avenir allait cruellement démentir.

Des accords de distribution avaient été conclus précédemment avec l’UFA pour l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Pologne, la Finlande et, en outre, pour le Danemark, la Suède, la Norvège. Au total les contrats de vente se montaient à un minimum garanti de près de13 millions de francs30.

À partir du 1er avril 1927, le prologue du film (la

                                                                                                               28  L’Entracte (Perpignan) de novembre 1926 écrivait : « M. Abel Gance, écrit le Cri de Paris [24 octobre 1926], désirait que son film Napoléon fut exploité en France par une société française. Mais les Américains ne l’ont pas entendu ainsi. Ils déclarèrent que si une firme américaine n’exploitait pas, même en France, ce film, il serait boycotté aux États-Unis. C’est pourquoi la Metro-Goldwyn-Gaumont a acquis pour 9 millions de francs les droits d’exploitation pour l’Amérique, l’Angleterre, la France, la Belgique, l’Égypte, de ce film. »  29  Le Courrier cinématographique, 23 octobre 1926.  30   Le tableau des contrats de vente ci-dessous figure dans le fonds Abel Gance (BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 64) :

Territoires concédés Minimum garanti France – Colonies françaises – Protectorat du Maroc – Belgique, Suisse,

Espagne, Hollande : 3 080 000,00 ; Amérique du Sud et Amérique latine : 508 207,45 ; Italie – Tripolitaine et Colonies – Roumanie – Égypte – Syrie – Palestine – Turquie – Grèce – Bulgarie : 662 123,87 ; Tchécoslovaquie – Yougoslavie : 199 242,60 ; Allemagne (Sarre, Memel, Dantzig compris) – Autriche – Hongrie – Pologne – Finlande – Danemark – Pays Baltes – Suède – Norvège : 1 695 750,00 ; Angleterre et colonies : 2 136 082,00 ; Contrat d’exploitation 50 % aux États-Unis et Canada par la Metro-Goldwyn-Mayer (800 contrats conclus à ce jour) assuré pour un minimum : 5 080 000,00 ; Frais escompte des contrats et copies : 431 565,80 ENCAISSEMENT NET : 12 929 840,12  

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Jeunesse de Bonaparte à l’école de Brienne) fut présenté en complément de programme aux cinémas Madeleine et Gaumont Palace, exploités l’un et l’autre par la Gaumont-Metro-Goldwyn31. Il servit de publicité au film dont la première eut lieu à l’Opéra le jeudi 7 avril en soirée et fut suivie par neuf autres représentations. La version projetée, sous le titre de Napoléon vu par Abel Gance, avait été réduite à un peu plus de 3 h 1/4 (5 600 mètres) et amputée notamment du prologue.

Le montage « horizontal » et la Polyvision dans Napoléon Dans Napoléon vu par Abel Gance, le réalisateur a

mis en œuvre tous les procédés plus ou moins classiques pour représenter des événements extérieurs à l’action principale ou surgis de la mémoire. Je n’évoquerai pas les montages alternés, suffisamment familiers pour qu’on ne s’y attarde pas et qui, surtout, n’appartiennent pas à la logique du montage horizontal (ou simultané) comme les triptyques, les surimpressions et les écrans divisés. Gance a utilisé les surimpressions sur une large échelle et avec une grande maestria, y compris dans ses triptyques. Les séquences les plus importantes à cet égard sont celle de la « Double tempête » (à la fin de la version non polyvisée de la séquence, la guillotine apparaît en surimpression sur la Convention ; puis, sur fond de mer déchaînée et de Convention secouée elle-même comme la barque de Bonaparte, les visages en gros plans de Marat, Robespierre, Bonaparte se succèdent dans un ensemble qui devient rapidement inextricable) ; celle de la salle de la Convention déserte que visite Bonaparte avant son départ pour l’armée d’Italie (progressivement apparaissent les spectres des grands leaders de la Révolution qui vont s’adresser à lui) ; celle de la fin du film lorsque Bonaparte, entré en Italie, se trouve sur les hauteurs de Montezemolo (le visage de Joséphine, la silhouette de Bonaparte, la                                                                                                                31   Respectivement 14 boulevard de la Madeleine, (Paris 8e), 1-3 rue Caulaincourt et 114-116 boulevard de Clichy (Place Clichy, Paris 18e).  

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carte d’Italie, des souvenirs de Brienne, le globe terrestre, des troupes, des calculs sur un tableau noir, l’aigle emblématique, des cieux d’orage, des flammes, etc., se succèdent bientôt, sur un, deux ou trois écrans, en surimpressions alternées ou simultanées, à un rythme de plus en plus effréné). Abel Gance s’était vanté d’avoir superposé jusqu’à 16 images ! Il considérait que ces images multiples restaient présentes lors même qu’on ne parvenait plus à les distinguer et jouaient leur rôle, à la façon d’un instrument de l’orchestre que l’oreille ne perçoit pas individuellement mais qui participe au son d’ensemble. On est alors proche du concept d’images subliminales. En réalité, Gance s’est largement appuyé sur la mémoire du spectateur : les surimpressions étaient la répétition d’images déjà vues auparavant, donc plus faciles à identifier que des images nouvelles, et leurs apparitions à l’écran, en particulier à la fin du film, étaient d’autant plus brèves qu’elles avaient été souvent répétées.

Les écrans divisés ont été peu utilisés dans Napoléon vu par Abel Gance. On en trouve dans deux passages. Dans l’épisode de la bataille d’oreillers, au dortoir de l’école de Brienne, l’écran est divisé en quatre, puis en neuf images horizontales différentes. Le procédé suggère ici la confusion de cette bataille enfantine. Dans un autre épisode, lors de la bataille de Toulon, après la prise de la dernière redoute anglaise et la séquence des tambours, l’écran est divisé à plusieurs reprises en trois bandes verticales. Au milieu se trouve Bonaparte debout et sur les côtés des soldats qui s’affairent sous une pluie diluvienne. Dans ce dernier cas, l’effet est le même, mais avec beaucoup moins de puissance, que lorsque Bonaparte, sur l’écran central du triptyque, harangue ses soldats présents sur les écrans latéraux. La parenté des deux procédés est ici directe.

Les triptyques sont, de toute évidence, l’apport le plus significatif de Gance au cinéma et il est impensable d’évoquer Napoléon sans leur consacrer une large place. Malheureusement, une grande partie du public ne vit le film que dans une version pour écran unique, comme nous le préciserons plus loin. De

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plus, les triptyques n’interviennent dans l’œuvre que de façon assez limitée : pendant environ 1/7 du film (version de l’Opéra) selon Gance32. Sans doute la disponibilité tardive du système spécial de prise de vues y a-t-elle été pour quelque chose mais, de toute façon, Gance n’avait jamais considéré que les triptyques dussent constituer la totalité d’un film, que ce soit sous forme de trois images distinctes ou de trois images raccordées en une seule (« triptyques-panoramas »). L’écran unique traditionnel lui paraissait tout aussi nécessaire que l’écran multiple ou l’écran panoramique pour satisfaire les besoins du scénario. Dans la version précitée, les triptyques intervenaient deux fois. La première dans la séquence de la « Double tempête », offrant en simultanéité les désordres de la Convention et la lutte acharnée de Bonaparte contre la Méditerranée déchaînée33. La seconde fois dans la séquence finale du départ pour la Campagne d’Italie qui seule comportait des triptyques-panoramas, en particulier la vision somptueuse du camp d’Albenga reconstitué dans les carrières de La Garde, près de Toulon.

Gance avait effectué un montage sur trois écrans de la scène du « Bal des victimes ». Le résultat l’avait pleinement satisfait sur le plan artistique mais, craignant qu’il diminue l’impact des triptyques finaux, il y renonça peu de temps avant la présentation à l’Opéra34. La mise au point du montage se déroula d’ailleurs dans la fièvre et l’accompagnement musical en souffrit beaucoup. Honegger, en particulier, n’eut le temps de composer qu’une partie de la partition prévue

                                                                                                               32   Ibid. Nous n’avons pas le moyen de juger de l’exactitude de cette estimation, car les diverses versions muettes de Napoléon ne sont pas parvenues jusqu’à nous sous leur forme originelle. C’est en tout cas un ordre de grandeur tout à fait vraisemblable.  33  Jean Tedesco décrivait ainsi les triptyques de la « Double tempête » : « … nous vîmes sur l’écran central apparaître une mer déchaînée et l’embarcation du futur maître de l’Europe, cette image symbolique encadrée par les vues orageuses de la Convention en désordre, attendant son destin ». (Cinéa-Ciné pour tous, 15 avril 1927, cité par Georges Sadoul dans Histoire générale du cinéma, tome 6, L’Art muet, Paris, Denoël, 1919-1929).  34  Seuls les triptyques finaux ont survécu, Abel Gance ayant, selon ses dires, détruit en 1940 les triptyques de la « Double tempête » dans un accès de « neurasthénie » (les Lettres françaises, n° 914, 12 au 18 février 1962, entretien avec Georges Sadoul).  

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(les thèmes de Napoléon et de Violine ainsi que l’orchestration du Chant du départ).

Techniquement, les trois projecteurs synchronisés étaient installés à l’Opéra sur un même plan horizontal (à la différence des caméras qui avaient été disposées selon un axe vertical) et étaient très proches les uns des autres. Les axes optiques de ces trois appareils ne se croisaient pas. De ce fait, il était difficile de projeter sur un écran fortement concave comme ceux utilisés plus tard par le Cinérama et le Kinopanorama où le projecteur de gauche projetait à droite et celui de droite à gauche. Au demeurant, Gance ne semble d’ailleurs pas avoir envisagé d’envelopper ses spectateurs avec un tel écran et celui de l’Opéra était complètement plat.

L’accueil réservé par la critique à Napoléon vu par Abel Gance Abel Gance comptait envoûter littéralement son

public, comme Napoléon le fit à l’égard de ses soldats, et balayer ainsi toutes les critiques qu’on aurait pu porter à son œuvre. Il avait écrit en effet :

Pour la première fois au cinéma le public ne devra pas

être spectateur comme il l’a été jusqu’à présent, ce qui lui laissait la faculté de résistance et de critique. Il devra être acteur comme il l’est dans la vie, et au même titre que les acteurs du drame. Le propre de ma technique devra opérer cette transformation psychologique et le public devra se battre avec les soldats, souffrir avec les blessés, commander avec les chefs, fuir avec les vaincus, haïr, aimer. Il devra s’incorporer au drame visuel comme les Athéniens aux tragédies d’Eschyle – et si complètement que la suggestion étant collective – il ne formera plus qu’une seule âme, qu’un seul cœur, qu’un seul esprit.35

Une telle disposition d’esprit, quoique s’appliquant

seulement à un film, n’est pas sans susciter des craintes : comment ne pas songer à tous les dictateurs de l’Histoire qui voulaient eux aussi que leur peuple ne forme « qu’une seule âme, qu’un seul cœur, qu’un seul

                                                                                                               35   Texte manuscrit, BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63. Ce texte a été souvent reproduit et cité.  

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esprit » ! Dans le même texte on peut lire aussi :

La critique peut élever ses plus hautes barrières, les chevaux de l’enthousiasme collectif sauront les renverser sans efforts si j’amène tous mes publics à jouer littéralement dans mes drames.

La magie gancienne parvint-elle à emporter

l’adhésion du public et des critiques ? La première à l’Opéra, le jeudi 7 avril en soirée, sur un écran géant de 15,3 m de large sur 3,85 m de hauteur, fut effectivement un immense succès, le public, debout, acclamant Abel Gance qui dut venir saluer36. Les représentations suivantes (il y en eut dix en tout, durant les mois d’avril et de mai) confirmèrent cet accueil et Napoléon vu par Abel Gance écrasa par ses recettes les deux films précédemment présentés en ce lieu prestigieux : le Miracle des loups, de Raymond Bernard (1924) et Salammbô de Pierre Marodon (1926). La plupart des journalistes qui avaient écrit leur compte rendu dans le feu de l’enthousiasme formulaient peu de réserves. Mais ceux qui s’étaient donné le temps de la réflexion furent plus critiques. Comme l’écrivait Jean Prévost dans les Nouvelles littéraires, « le spectateur, même celui qui a été transporté d’admiration, lorsqu’il a rassemblé ses souvenirs, ne peut pas accepter l’incohérence, les puérilités, les aberrations du scénario »37. Il y eut alors des couacs dans le concert de louanges. On critiqua notamment le manque de fluidité du récit, l’accompagnement musical qualifié parfois de « cacophonie », les libertés prises avec l’Histoire, la vision négative de la Révolution française, la célébration débridée du mythe du chef38.

Si l’unanimité de la critique ne se fit pas sur le fond, en revanche le triple écran rallia la presque totalité des suffrages. J.-L. Croze laissait éclater son enthousiasme dans Comœdia du 9 avril :

                                                                                                               36  La soirée avait été donnée au bénéfice des mutilés de guerre.  37  Les Nouvelles littéraires, des arts, des sciences, et de la société, 21 mai 1927.  38  Cf. Roger Icart, op. cit.  

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Pour la première fois, nous avons vu le triple écran qui était attendu avec curiosité. Le souffle, l’ampleur épique de cette invention technique n’avaient jamais été atteints. Toutes les scènes ayant trait à la bataille de Toulon, à la Révolution, à l’ouverture de la campagne d’Italie ont pu, grâce à ce procédé, atteindre l’impression désirable qu’on n’aurait pas supporté d’être médiocre. Quel effet ! Quelle portée !

Même enthousiasme chez Jean Moncla, dans la

Volonté du même jour :

Les trois écrans déployés sur quoi s’inscrivent en une fresque inoubliable le choc des batailles et la rumeur des camps, où se confondent en un même tourbillon la houle méditerranéenne et la tempête des fureurs politiques, et la vue des Cordeliers dont les voûtes retentissent des rugissements du lion populaire enivré par le chant révolutionnaire, transporteront le spectateur le plus blasé hors de lui-même en dépit de certaines redites.

Appréciation identique dans le premier numéro de la

revue Cinéma du 25 avril :

Nous donnerions tous les films du monde pour deux choses d’ailleurs multiples : la réalisation en triptyque et les incomparables tableaux de nature qui parent la première partie de Napoléon. On a tout dit sur la technicité du triple écran synchronisant avec une rigueur mathématique trois prises de vues juxtaposées. L’effet, dans le cadre immense de l’Opéra, fut formidable. Nous avons vu, grâce à une combinaison très ingénieuse de vues séparées et de surimpressions, la Convention ballottée par les flots orageux des passions révolutionnaires cependant que Bonaparte, seul sur sa barque symbolique et fuyant son ingrate patrie, venait se mettre au service de la France.

Jean Tedesco fut également convaincu par les

triptyques, en particulier ceux de la « Double Tempête », aujourd’hui disparus :

Ce morceau gigantesque qui termine la première partie

de Napoléon [avant l’entracte, lors des représentations à l’Opéra], nous offre déjà un grand nombre de combinaisons nouvelles appliquées à l’écran multiple, nous entraîne véritablement bien au-dessus des problèmes

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actuels du cinéma ; il en jaillit une forme saisissante du symbolisme direct, pour ainsi dire réaliste.39

Même enthousiasme sans partage chez Antoine :

L’événement de la semaine, et il est considérable, c’est Napoléon, qui a triomphé lors de sa présentation à l’Opéra. C’est que cette œuvre nous apporte, à mon sens, beaucoup plus que des beautés déjà vues en d’autres grands films ; l’expérience triomphale de ce triple écran élargit magnifiquement les possibilités du cinéma. La vaste scène de l’Opéra nous est subitement apparue peuplée d’une foule grouillante, de milliers d’hommes manœuvrant et combattant dans le grandiose paysage d’un champ de bataille, prodigieux spectacle, annonçant, je le crois, la fin de la mise en scène théâtrale. À moins que, grâce à d’autres trouvailles, que l’on peut espérer après celles-ci, le théâtre et le cinéma n’arrivent quelque jour à collaborer étroitement.40

André Lang, dans un article déjà cité, voyait dans le

triple écran un acquis historique du cinéma :

L’idée des trois écrans et le parti qu’il a tiré de cette trouvaille, sans avoir pu l’expérimenter auparavant, est une de ces idées-forces auxquelles le progrès cinématographique devra son ascension tranquille.41

Émile Vuillermoz soulignait « comme une grande

victoire de l’écriture cinégraphique son invention du triple écran. » dans Cinémagazine du 25 novembre 1927. Il ajoutait à cet égard :

Ce qu’il en a tiré dans Napoléon n’est encore qu’une

indication de précurseur. Les appareils ont été mis au point trop tard pour lui permettre d’utiliser ce procédé aussi librement qu’il l’aurait souhaité. Mais nous en voyons assez dans ce film pour comprendre que la preuve est faite. Il y a là un élément de polyphonie et de polyrythmie extrêmement précieux qui peut modifier de fond en comble notre conception traditionnelle de

                                                                                                               39  Cinéa-Ciné pour tous, n° 83, 15 avril 1927.  40  Le Fascinateur, 1er juin 1927.  41  Jugement similaire chez René Jeanne pour qui les triptyques étaient « peut-être la trouvaille la plus importante dont l’art cinématographique ait jusqu’à présent été gratifié » (Revue hebdomadaire, 18 juin 1927).  

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l’harmonie visuelle. […] La triple répétition du même motif à l’unisson n’en est pas la plus heureuse [utilisation].

Le New York Herald du 11 avril était également très

élogieux tout en émettant aussi quelques réserves sur la répétition d’images identiques, inversée ou non :

L’utilisation du triple écran offre des possibilités

infinies au cinéma. M. Abel Gance l’utilise pour montrer tour à tour Napoléon dans un secteur de l’image, tandis que dans un autre apparaît le visage de Joséphine en surimpression, et que, sur un troisième, nous voyons l’armée marchant vers la victoire. Vers la fin du film, pendant la campagne d’Italie, une vue de l’armée en marche apparaît sur l’écran central, pendant que les écrans latéraux montrent la même image inversée. Ce procédé, qui donne une forte impression, semble toutefois devoir être évité dans certains cas, comme lorsqu’il nous montre en même temps deux Napoléon et deux soleils…

Gance tenait beaucoup à l’effet de symétrie des

images projetées sur les écrans latéraux puisqu’il réutilisa le même procédé en 1956 dans son spectacle Magirama. Il ne s’en expliqua jamais très clairement, ressentant sans doute intuitivement plutôt qu’intellectuellement l’intérêt du procédé :

Les possibilités de la polyvision sont innombrables,

parmi celles-ci les inversions d’images répondent à ce que la rime est dans la poésie. La structure architecturale des inversions correspond également à l’ordonnancement des colonnes dans un temple grec. L’esprit qui souffle où il veut aime s’abriter dans une construction visuelle équilibrée qui jette un pont entre la réalité du dehors et l’abstraction du dedans. Les inversions d’images ont ce magique pouvoir de ramener à une arithmétique transcendantale les vagues de poésie qui baignent nécessairement toute œuvre d’art.42

Plus tard il dira :

L’image de droite était inversée par rapport à l’image

                                                                                                               42  Texte d’après-guerre intitulé « le Spoutnik du Cinéma : la Polyvision » et se trouvant dans les archives d’Abel Gance (BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/836, boîte 172).  

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de gauche. Vous avez une absorption par l’image centrale de quantités de forces humaines qui donnent à l’image centrale un essor incroyable.43

Ces images inversées enchâssent en effet l’image

centrale dans une composition symétrique, par principe rigoureusement « équilibrée ». Elles ramènent infailliblement le regard du spectateur vers cette image centrale dont la puissance suggestive se trouve ainsi portée à son paroxysme. C’est une construction graphique, aux intentions esthétiques et poétiques, que n’auraient sans doute pas reniée les partisans de « l’image pure » mais qui pouvait rebuter certains critiques, habitués aux représentations visuellement réalistes du cinéma. Je me souviens moi-même, encore adolescent, de ma perplexité en sortant du Studio 28, durant l’hiver 1956-1957, après avoir vu ces étranges triptyques aux images inversées dans le spectacle intitulé Magirama (voir ci-après). Il est vrai que j’étais encore sous le choc tout récent et quasi physiologique du premier spectacle du Cinérama, Place au Cinérama, qui m’avait mal préparé à des mets plus raffinés. Pourtant le redoublement de l’image de Bonaparte, critiqué par le journaliste du New York Herald, n’exprimait-il pas l’omniprésence du futur empereur et n’était-il pas fort éloigné d’un jeu visuel gratuit ?

Gance, et là est le malentendu, se refusait au naturalisme, au vérisme. Comme le soulignait le critique du Petit Parisien, Bonaparte, fuyant la Corse et se jetant dans une barque, n’eut pas été très loin en déployant en guise de voile le drapeau tricolore qu’il avait caché sous son habit, d’autant que la mer était bientôt démontée44. Qu’importe ! Cette scène, mêlée aux images de la tempête humaine déferlant sur la Convention, possédait une considérable force symbolique. Et ce critique de souligner avec pertinence : « Parfois, ce sont des idées de poète, et chicane-t-on un poète sur la vraisemblance de ses suggestions ? » De même les images latérales inversées, bafouant tout réalisme élémentaire, eussent                                                                                                                43  Compte rendu de la réunion de la Commission de recherches historiques de la Cinémathèque française, réunion du 5 avril 1952 (BiFi, CRH070).  44  Le Petit Parisien, 15 avril 1927.  

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été un simple « procédé » si Gance ne les avait mises au service de son propos. Elles étaient si bien intégrées au film qu’elles ne firent qu’exceptionnellement l’objet de critiques. Lorsqu’il s’agissait de foules denses ou d’éléments plus ou moins répétitifs couvrant les trois écrans, les spectateurs croyaient généralement voir une image unique là où il y avait en fait trois images identiques, avec inversion de l’image centrale45.

Les triptyques, sous leurs diverses formes, reçurent donc un accueil presque unanimement enthousiaste. On trouve tout de même un détracteur convaincu en la personne du journaliste Jean Prévost (les Nouvelles littéraires, 21 mai 1927) :

Je ne sais trop si cette innovation, qui surprend par

l’ampleur de ses effets matériels, pourra devenir pratique, être adoptée partout. Mais il faut distinguer entre les deux emplois qu’en fait Gance. Le triptyque, chacun des trois écrans montrant un objet différent, fatigue non les yeux, mais l’esprit. Je vois bien que Gance a voulu adapter un effet de la peinture. Mais devant trois tableaux formant triptyque, nous regardons d’abord chacun de près, séparément, puis nous reculons pour saisir l’effet d’ensemble. Le cinéma qui ne nous laisse pas de loisir pour revenir sur les images, n’admet pas bien cet effet : les surimpressions, dont M. Gance use merveilleusement, tendent mieux au même but, et sont plus faciles à combiner avec l’action principale. Quant à la fresque qui fait collaborer les 3 écrans à une même action, l’effet en est puissant, mais il vaudrait mieux garder un écran unique en agrandissant l’image de façon à lui faire prendre tout le rideau. En effet, l’écran, pour ne pas déformer les objets, ne doit pas être plat comme un rideau, mais adopter une courbure adaptée à celle des lentilles du projecteur, ce qui empêche ainsi des images juxtaposées.46

                                                                                                               45  Cette disposition des images triplées avec inversion de l’image centrale fut jugée par Gance suffisamment importante pour qu’il lui consacre une addition à son brevet de 1927 (1re addition n° 35034, 15 mars 1928, au brevet d’invention n° 633415).  46  Il est intéressant de noter que Jean Prévost avait entrevu l’intérêt de l’écran concave (celui de l’Opéra, rappelons-le, était plat), mais se trompait en estimant qu’il était incompatible avec des images juxtaposées : le Cinérama et le Kinopanorama en ont apporté la preuve après la guerre mais, il est vrai, en croisant les axes optiques des trois appareils. Quant à la proposition d’agrandir l’image « de façon à lui faire prendre tout le rideau », il faut noter qu’elle a été réalisée grâce à un additif optique placé devant l’objectif du projecteur pour diminuer sa longueur focale (Magnascope, Ampliviseur). Un tel dispositif présentait l’inconvénient d’agrandir l’image dans ses deux

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Les réserves d’ordre technique sur le triple écran

furent encore plus exceptionnelles. La réalisation technique des « panoramas » était pourtant loin d’être satisfaisante. L’éclairement des trois écrans n’était pas toujours homogène, soit à cause de différences de densité dues au tirage des copies, soit du fait du réglage toujours délicat des arcs électriques dans les trois lanternes. Plus graves étaient les imperfections dans les raccords entre les trois images. On se souvient que la maison Debrie avait prévu « que le manque de fixité de chaque appareil, qui est invisible pour une seule projection, sera doublé par le fait d’avoir deux images qui peuvent varier séparément l’une à côté de l’autre. » Mais une autre cause que n’avait pas évoquée la maison Debrie découlait de la disposition même des trois caméras disposées verticalement et insuffisamment proches les unes des autres. La parallaxe verticale, négligeable sur des vues lointaines, devenait extrêmement gênante lorsque, par exemple, des soldats ou des cavaliers passaient au premier plan d’un écran à l’autre : ils paraissaient alors sauter deux marches ! De même lorsque l’aigle en gros plan déployait ses ailes sur l’ensemble des trois écrans, celles-ci ne se raccordaient pas. Gance s’en était aperçu et avait demandé, lors de l’exploitation du film au Marivaux, que l’on procède à un rattrapage manuel lors de la projection en modifiant à ce moment-là le cadrage :

Les triptyques ne sont pas assez surveillés. Les titres

sur les trois écrans ne sont pas rattrapés à temps ; notamment en ce qui concerne l’aigle il est très facile d’élever un tout petit peu le cadre à droite et à gauche lorsque la scène arrive, ce qui éviterait ce décalage de l’image. […] Je pense qu’il faudrait une personne exprès, comme à l’Opéra, qui ne ferait que surveiller le triptyque…

                                                                                                               

dimensions et de nuire à la fois à sa finesse et à sa luminosité. L’emploi de l’Ampliviseur avait débuté au Gaumont Palace le 11 novembre 1927 (une semaine avant la sortie de Napoléon vu par Abel Gance au Marivaux) avec le film la Forêt en flammes.  

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… écrivait-il dans une note du 24 novembre 192747. En réalité, les trois images ayant été prises avec une perspective légèrement différente, leur raccordement parfait était impossible pour des plans rapprochés. Heureusement, l’effet produit par les triptyques-panoramas était tellement saisissant que les spectateurs ne remarquaient généralement pas ces défauts ou les oubliaient. Ce problème de parallaxe verticale justifia de la part d’André Debrie une addition qu’il déposa en 1928 à son brevet de 192648. Tout en maintenant les trois caméras superposées, Debrie avait conçu un dispositif comprenant notamment deux miroirs qui, placés au niveau de l’objectif de la caméra médiane, renvoyaient les parties droite et gauche du champ sur les deux autres caméras.

Quelques critiques déclarèrent que Gance n’avait rien inventé avec sa triple projection puisque Raoul Grimoin-Sanson avait, disaient-ils, projeté des images animées sur un écran circulaire dès 1900, lors de l’Exposition universelle49. Certes R.G.-S. avait fait breveter un dispositif constitué par dix appareils de prise de vues et de projection montés en étoile et avait fait construire un pavillon dans l’Exposition pour présenter au public les films qu’il avait réalisés. Mais, contrairement à ce que son inventeur avait affirmé dans ses mémoires50, il n’y eut aucune représentation publique car la technique de l’époque ne permettait pas, semble-t-il, une synchronisation convenable des dix projecteurs51. Au demeurant, même si R. G.-S. avait réussi à faire fonctionner son Cinéorama, ce type de dispositif relevait davantage de l’attraction foraine

                                                                                                               47  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 65.  48  Addition n° 35 247 du 27 mars 1928 au brevet n° 636620 du 16 octobre 1926.  49  Par exemple Marcel Defosse dans Cinéa Ciné pour Tous, 16 mai 1927.  50  Grimoin-Sanson, le Film de ma vie, Paris, les Éditions Henry Parville, 1926.  51   Il est symptomatique que, malgré les travaux que j’ai publiés et dont les résultats n’ont pas été contestés à ce jour (Jean-Jacques Meusy, « L’énigme du Cinéorama », Archives, n° 37, janvier 1991, p. 1-16 et Paris-Palaces ou le temps des cinémas 1894-1918, Paris, CNRS Éditions, 1995, p. 80-87), des « historiens » continuent à accréditer sans aucune preuve la légende forgée par Raoul Grimoin-Sanson d’un Cinéorama fonctionnant parfaitement, dont les séances avaient été interrompues par les services de police pour raison de sécurité.  

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que de l’art cinématographique (le Circarama de Walt Disney, présenté par Walt Disney à l’Exposition Universelle de Bruxelles en 1958, basé sur un principe de base analogue au Cinéorama, est venu le confirmer). Ces « attractions » sont à mille lieux des possibilités sophistiquées et variées d’écriture cinématographique permises par l’invention d’Abel Gance.

L’exploitation chaotique de Napoléon vu par Abel Gance Les 9 et 10 mai 1927, une version « intégrale »,

malheureusement sans les triptyques, fut présentée aux exploitants et aux critiques en deux demi-journées au cinéma Apollo52. Malgré l’absence du triple écran, la critique quasi unanime jugea cette version longue beaucoup plus homogène, beaucoup plus fluide que la version abrégée de l’Opéra dont les différentes parties paraissaient peu liées entre elles. Les rôles secondaires étaient aussi plus fouillés, moins simplistes. On lit, par exemple, dans Cinémagazine du 20 mai 1927 :

Ainsi, plus complet, plus dense, plus architecturé, le

film de Gance offre non seulement plus d’intérêt à la curiosité historique du spectateur, mais croît aussi en puissance émotive. Il y a plus de cohésion entre les parties, les passages de paroxysmes sont mieux amenés par des crescendos dramatiques logiquement progressifs, l’ensemble s’harmonise et se construit pour constituer, sinon le chef-d’œuvre – peut-on déjà parler de chef-d’œuvre ? – du moins l’œuvre la plus puissante et la plus foncièrement novatrice que le cinéma nous ait jamais donnée.53

Le critique du Soir (21 mai 1927) fait exception qui

écrit, après s’être rendu à l’Apollo : « Quand cet animateur cinégraphique de grand talent cessera d’être un poète trop bavard – il le fut déjà dans la Roue –, nous aurons en lui le premier metteur en scène français de l’écran ».                                                                                                                52  Apollo, 20, rue de Clichy, Paris (9e).  53  Même appréciation dans la Cinématographie française, 21 mai 1927, dans l’Information du 23 mai 1927, dans Cinéma du 25 mai 1927, dans Cinéma-Spectacles, Marseille, 30 mai 1927, le Cinéopse, n° 94, 1er juin 1927, etc.  

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Sans doute eut-il été logique que Napoléon vu par Abel Gance sortit en exclusivité au cinéma Madeleine, fleuron des cinémas d’exclusivité Gaumont-Metro-Goldwyn à Paris, peu de temps après les séances prestigieuses de l’Opéra afin de bénéficier de leur impact médiatique. Compte tenu de la proximité de l’été, période peu favorable au cinéma, sa programmation au Madeleine avait été annoncée pour septembre54. Il n’en fut rien. « Que devient Napoléon ? » demandait Antoine dans le Journal du 8 septembre. La MGM exploitait alors une superproduction au budget faramineux, Ben-Hur de Fred Niblo, avec Ramon Navarro, qui occupait l’écran du Madeleine depuis le 29 avril 1927 et ne le quitta que le 18 septembre 1928 (16 mois et demi d’exclusivité !). Il n’y avait donc pas de place pour Napoléon et celui-ci dut attendre l’hospitalité d’une autre salle. Les aimables paroles de d’Arthur Lœw, lors de la signature du contrat de distribution, étaient déjà bien loin. Le film sortit finalement en première exclusivité le 18 novembre 1927 à la salle Marivaux où il resta deux mois55. Peut-être la présence dans les salles d’exclusivité parisiennes de trois autres films colossaux lui porta-t-elle préjudice (Metropolis à l’Impérial, le Roi des Rois au Théâtre des Champs-Élysées, Ben-Hur au cinéma Madeleine). La version projetée était celle de l’Opéra quelque peu modifiée par Gance lui-même (le prologue de l’enfance à Brienne avait notamment été remis en place) et exploitée en deux parties, avec les triptyques56.

Abel Gance ne restait pas inactif. Il avait pris contact avec Jean-Placide Mauclaire qui préparait l’ouverture                                                                                                                54  Cinéma, 25 mai 1927. « Napoléon vu par Abel Gance », par Jean Arroy (note).  55   Salle Marivaux, 15 boulevard des Italiens, Paris (2e). La capacité de la salle Marivaux était à cette époque de 1 200 places. Le 20 janvier 1928, Napoléon laissait la place au Gaucho, avec Douglas Fairbanks.  56   « Ceux qui l’ont vu à l’Opéra et qui le reverront le trouveront singulièrement modifié. Certaines de ces modifications ont été opérées par l’auteur lui-même, désireux de porter son œuvre à un point plus proche de la perfection, quelques autres ont été exigées par les services commerciaux de la maison d’édition chargée de la diffusion du film, d’autres enfin ont été imposées par la censure. Ces dernières ont trait aux événements de la période révolutionnaire et portent même sur des textes. » (René Jeanne, la Rumeur, 18 novembre 1927).  

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d’un cinéma « d’avant-garde » sur la butte Montmartre dont l’enseigne allait porter le millésime de sa création : le Studio 2857. Le 6 décembre 1927, il avait signé avec lui un contrat qui stipulait que « M. Mauclaire est disposé à équiper la salle pour la projection sur trois écrans, selon l’invention de M. Abel Gance ici dénommée “triptyques” » et à programmer les triptyques que Gance lui proposerait, les frais de tirage des copies étant à la charge du Studio 2858. Mauclaire passait aussi un accord de coopération amicale avec le Vieux Colombier, dirigé par Jean Tedesco. Après plusieurs reports, la salle était enfin inaugurée le 10 février 1928. Le programme comportait Autour de Napoléon, un documentaire de 1 605 mètres réalisé par Abel Gance sur le tournage de son film59, Marine, Danse, Galop, essais « tripartites » par Abel Gance qui n’étaient autres que trois montages en triptyques d’éléments de Napoléon, des projections de lanterne magique « avec bonimenteur » et, comme long métrage, l’excellent Lit et sofa, plus communément connu sous le nom de Trois dans un sous-sol, du soviétique Abram Room. L’accompagnement musical était assuré par un Pleyela électrique et une table de deux phonographes. Dans une lettre à Abel Gance, son ami Élie Faure lui écrivait :

Votre grande marine sur trois écrans est étonnante. Les

trois photos identiques, dont l’une est inversée, produisent l’effet le plus grandiose. Je ne crois pas qu’on ait trouvé, dans l’ordre rythmique, quelque chose de plus fort. Pour les foules et la mer – et vous êtes le poète des foules et des mers – on pourra tirer de votre invention un parti extraordinaire, je dis « invention », je devrais dire découverte. Car plus je vois, plus je crois que l’homme n’invente rien.60

À la mi-avril, le second programme du Studio 28

                                                                                                               57   Studio 28, 10, rue Tholozé, Paris (18e). La salle, qui a vu se dérouler nombre d’événements cinématographiques, fonctionne toujours.  58  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/801.  59  Nelly Kaplan a utilisé des éléments de Autour de Napoléon pour réaliser en 1984 son documentaire Abel Gance et son Napoléon.  60  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/801.  

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comprenait, outre un film suédois, Kate, et le premier film chinois projeté en France, la Rose de Pu Chui, un court métrage hollandais (Au Royaume des cristaux) remonté en triptyques par Abel Gance sous le nom de Cristallisation.

Il fallut attendre deux mois après le passage à la salle Marivaux, pour voir réapparaître Napoléon vu par Abel Gance sur un écran parisien, celui du Gaumont Palace. Le film était présenté en deux parties : « De Brienne à Toulon » (23 mars au 6 avril 1928) et « Vers la gloire » (6 au 20 avril). La direction de l’établissement avait indiqué sur ses programmes : « Albert Dieudonné […] paraîtra personnellement à chaque représentation ». Le film possédait bien ses triptyques, mais la rédaction des intertitres et le montage avaient été modifiés par la GMG à l’insu d’Abel Gance. C’est ainsi que, selon René Jeanne, on y voyait un Bonaparte en uniforme de général avant le siège de Toulon (alors qu’il n’était encore que lieutenant) et que des personnages inconnus apparaissaient brutalement dont le spectateur aurait dû faire la connaissance auparavant si certaines scènes n’avaient été supprimées61. L’Union des Artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques déclarait le 7 avril que « ces changements divers sont de nature à porter un préjudice aux artistes intéressés dans ce film, présenté d’une façon normale sous la garantie de l’auteur62 ». Antoine écrivait :

En dépit de toutes les précautions prises dans son

contrat par Abel Gance, la bande a été invraisemblablement mutilée jusqu’à devenir, selon l’expression même du jeune maître « une véritable parodie de son œuvre ». On connaît déjà l’importance et la gravité de cette question par les nombreuses protestations des metteurs en scène français et M. Abel Gance annonce l’intention de demander à Qui de Droit de la régler définitivement.63

Une ordonnance de référé rendue le 3 juillet faisait

                                                                                                               61  La Rumeur, 25 mars 1928.  62  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/554.  63  L’Information, 26 mars 1928.  

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état d’un engagement formel du distributeur de rétablir intégralement la version longue de Napoléon et confirmait qu’» aucune interprétation du contrat ne donne droit à la Metro Goldwyn de faire des coupures ou des mutilations susceptibles de dénaturer l’œuvre et la pensée de l’auteur »64. Mais ce ne fut qu’une victoire à la Pyrrhus : les déboires de Napoléon ne faisaient que commencer et le film devait connaître encore de nombreuses versions qui allaient le dénaturer de plus en plus.

Après une nouvelle et longue absence (5 mois), Napoléon revenait le 28 septembre 1928 sur les écrans parisiens, cette fois en exploitation générale. Le film avait été découpé en trois « époques ». Première époque : l’École de Brienne, le Club des Cordeliers, le Retour en Corse, la Convention. Deuxième époque : le Siège de Toulon, l’Assassinat de Marat, Thermidor, le Général en chef. Troisième époque : le Bal des Victimes, le Temple de l’Idole, Sur la route d’Italie, l’Armée en guenilles, les Mendiants de la gloire. Quatre vagues principales de salles se sont succédé pour passer successivement, semaine après semaine, ces trois périodes65. L’essentiel de l’exploitation s’était étendu ainsi jusqu’au 2 novembre. Après le 7 décembre, Napoléon avait complètement disparu des écrans parisiens (néanmoins quelques rares salles allaient le reprendre occasionnellement au début de l’année suivante).

En province, hormis dans quelques rares grandes villes, Napoléon fut exploité sans les triptyques.

À l’étranger les résultats furent fort inégaux. Le film fut présenté avec succès le 11 octobre 1927 à l’UFA                                                                                                                64  L’Information, 16 juillet 1928.  65  La première vague de salles comprenait le Gaumont-Théâtre 2e, Palais des Fêtes 3e, Palais de la Mutualité 3e, Cluny 5e [60, rue des Écoles], Monge 5e, Danton 6e, Crystal 10e, Cigale 18e, Idéal 18e, Cocorico 20e. La seconde vague était moins nombreuse : Pépinière 8e, Alexandra 16e, Family 20e, Luna, 20e, auxquels étaient venus s’ajouter la semaine suivante le Majestic 3e, Raspail 6e, Montcalm 18e, Cyrano Roquette 11e et le Splendide Gaumont 15e (2 périodes pour ce dernier). À la troisième vague appartenaient le Rambouillet 12e, Éden des Gobelins 13e, Royal Cinéma 13e, Cambronne 15e, Maillot 17e, Vincennes Palace à Vincennes, Splendide Gaumont 15e (2 époques pour ce dernier). La quatrième vague n’était constituée que du Palladium 16e, Améric 19e et Flandre 19e. Enfin deux retardataires fermaient le cortège : le Daumesnil 12e et le Nouveau Cinéma 18e.  

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Palast am Zoo de Berlin, avec les triptyques, et fit une assez belle carrière en Allemagne et dans les « empires centraux ». Sur la lancée, Gance proposa à l’UFA d’ouvrir un cinéma sur les Champs-Élysées et de créer un organisme de défense du cinéma occidental contre la cinématographie américaine qui serait basé à Genève et aurait le soutien de la Société des Nations66. Le projet n’eut pas de suite.

En Angleterre, Napoléon fut présenté au cinéma Tivoli de Londres le 28 juin 1928 par la société Jury-Metro-Goldwin. Selon Émile Vuillermoz, « les coupures, les modifications, les interpolations et les interversions auxquelles s’est livrée la société d’exploitation sont, affirme Abel Gance, plus inadmissibles encore qu’en France »67. Les triptyques n’ont pas été supprimés mais projetés sur une surface réduite :

Au moment où l’on va projeter les scènes triptyques, un

rideau vert est abaissé à environ 7 ou 8 mètres en avant de l’écran ordinaire. Sur ce rideau vert est placé un écran blanc, de hauteur environ moitié moindre que l’écran ordinaire et de largeur à peu près triple.68

Pour le changement d’écran, la projection devait être

interrompue quelques instants, ce qui rompait le rythme du film, et l’effet d’élargissement que les triptyques auraient dû produire était considérablement affaibli, sinon supprimé. L’exploitation en Angleterre fut très limitée. La société distributrice en était-elle le principal responsable ou le public anglais jugeait-il que le film faisait la part trop belle au grand ennemi d’antan ?

Aux États-Unis où le Chanteur de jazz produit par la Warner Bros remportait un gros succès, la MGM n’avait aucunement l’intention de déployer de gros efforts pour assurer le succès de Napoléon. Il était hors de question que les salles, qui s’équipaient alors pour le Vitaphone, transforment leur cabine pour projeter un                                                                                                                66   Lettre du 2 novembre 1927 à M. Meydam de l’UFA. (BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/554, boîte 63).  67  Le Temps, 14 juillet 1928.  68  L’Information, 16 juillet 1928.  

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film utilisant un procédé dont l’avenir était des plus incertains. La MGM remonta et mutila Napoléon afin qu’il puisse être projeté en une seule séance et les triptyques furent réduits optiquement pour tenir dans la largeur d’un film 35 mm ! L’accueil de la critique fut très défavorable et les recettes des plus médiocres69.

Espoirs déçus et nouvelles tribulations de Napoléon

La méfiance de l’esprit est telle que les prophètes ne sont pas écoutés. Il faut que les canons et les mitrailleuses tirent [sur] les hommes pour qu’ils croient à la poudre. N’aurai-je pas même destinée ? Je ne le pense car je trouverai les fissures pour entrer chez les thermites [sic] mes frères, et j’allumerai à l’intérieur un incendie dont ils parleront longtemps.

… avait écrit Abel Gance dans ses carnets, en mars

192870. Ferme espoir qui allait s’effriter au cours de plusieurs décennies de combat acharné pendant lesquelles il dût pratiquer sans cesse cette maxime de Guillaume d’Orange qu’il se plaisait à citer : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer71 ».

À la fin du mois d’août 1927, Gance était parti dans le Var pour préparer le scénario de De Waterloo à Saint-Hélène. Les vicissitudes de l’exploitation de Napoléon lui enlevèrent bientôt tout espoir de réaliser l’ensemble des films initialement prévus et il vendit son scénario Saint-Hélène à Lupu Pick (en janvier 1930 le Napoléon à Sainte-Hélène du réalisateur allemand, avec Werner Krauss dans le rôle-titre, paraissait sur l’écran du Gaumont Palace).

Abel Gance avait envisagé en 1927 de fonder avec la Société Debrie une société anonyme pour l’exploitation de leurs brevets respectifs concernant la triple projection sous le nom de « Le Triptyque » mais il ne semble pas que le projet ait eu une suite72. Au courant des dernières techniques de reproduction du                                                                                                                69  Voir à ce sujet Kevin Brownlow, 1983, op. cit.  70  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-49.  71  Notamment BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/46, janvier 1924.  72  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/554, boîte 63. Le projet est daté du 28 mai 1927. Le capital envisagé était de « 50 000 ou 100 000F ».  

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son au cinéma, il entrevit immédiatement ce que pourrait apporter à sa technique de triple écran la spatialisation du son qu’il nommera plus tard « perspective sonore » et qui, développée par d’autres, deviendra la « stéréophonie ». En août 1929, à l’aube du cinéma sonore, il écrivait prophétiquement dans une demande de brevet :

[…] Conformément à la présente invention, au lieu

d’un seul enregistrement sonore, on en utilise plusieurs pour la représentation. Ces divers enregistrements sonores permettent de réaliser toutes sortes de combinaisons. Ils peuvent être identiques les uns aux autres et se dérouler simultanément ce qui renforcera simplement, d’une manière temporaire, les sons produits. Ils peuvent être identiques et décalés les uns par rapport aux autres, de sorte que le spectateur pourra à la fois entendre des bruits, des musiques, des voix venues de différents points de l’espace, ou même de lieux extrêmement éloignés, tels qu’en réalité il ne pourrait les percevoir ensemble, ce qui lui procurera une sensation extraordinaire d’ubiquité et d’élargissement de la perception. Bien entendu un ou plusieurs de ces enregistrements sonores pourront être discontinus de sorte qu’ils interviennent à certains moments, ce qui ajoute encore à la représentation une nouvelle cause de variété.

[…] La multiplicité des enregistrements sonores peut évidemment être employée en combinaison avec la représentation visuelle d’un film unique. Cependant, le maximum d’effet sera obtenu en le combinant à la multiplicité des projections visuelles, telle que l’inventeur, par exemple, l’a pratiquée en faisant accompagner l’image centrale, produite par un film visuel normal, d’images d’encadrement prolongeant temporairement l’image centrale ou l’accompagnant selon les exigences du scénario. Chacune des séries d’images pourra être accompagnée des bruits qui lui sont propres, sans que cependant cela soit indispensable, le procédé conforme à la présente invention présentant une souplesse pour ainsi dire infinie. […].73

                                                                                                               73  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/822. Demande de brevet n° 280.255, datée du 13 août 1929, lequel brevet ne sera jamais délivré ni publié (« Procédé pour améliorer et renforcer l’effet des représentations du cinématographe parlant. » M. Gance, Abel, Alexandre, Eugène). Le texte est un exposé des buts mais ne précise pas les moyens techniques à mettre en œuvre pour les atteindre.  

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Avec l’aide d’André Debrie, il concrétisa ces idées nouvelles et il déposa un brevet avec lui le 10 mai 193274. Cette invention lui permit d’entreprendre en 1934 une version sonorisée de Napoléon.

À défaut de pouvoir tourner l’ensemble des épisodes initialement prévus de Napoléon, Abel Gance conservait l’espoir d’en réaliser certains et de relancer ainsi son invention des triptyques. En juin 1931, il rencontrait l’ambassadeur de l’URSS à Paris pour tourner dans ce pays 1812 ou la Campagne de Russie. Il se rendit le mois suivant à Berlin pour y rencontrer le responsable de la Cinématographie soviétique. Rien ne se fit. Il envisagea ensuite les Cent Jours (la Chute de l’Aigle) sans plus de suite. Après la guerre, il continua inlassablement ses tentatives. En 1947, il fut question de tourner la Campagne d’Égypte dans ce pays avec Jean-Louis Barrault en Napoléon. Puis des tractations eurent lieu pour D’Austerlitz à Sainte-Hélène en 1958. Nouveaux échecs. Le seul autre film de l’épopée napoléonienne que Gance put réaliser fut Austerlitz (1960), tourné en Yougoslavie. Cette coproduction franco-italo-yougoslave fut réalisée en couleurs, mais seulement en Scope classique (Dialyscope). Elle avait comme atout commercial une multitude de stars, mais valait surtout par sa belle reconstitution de la bataille d’Austerlitz.

L’histoire du Napoléon de 1927 était pourtant loin d’être terminée. Avec l’accord et l’appui financier du Comte de Béarn, qui avait investi de grosses sommes dans le film, Gance entreprit de sonoriser son Napoléon. Prémonition ou intention réaliste, il avait fait prononcer à ses acteurs les véritables paroles inscrites au scénario, ce qui lui permit d’effectuer une post-synchronisation dans d’assez bonnes conditions. Des scènes sonores avaient été également tournées. Le 10 mai 1935, Napoléon Bonaparte, vu et entendu par Abel Gance – son nouveau titre – sortit avec succès au Paramount. Le critique de Comœdia écrivait :                                                                                                                74  Brevet n° 750.681, du 10 mai 1932 (délivré le 29 mai 1933). Gance (A.-A.-E.) et Debrie (A.-L.-V.-C.) – « Projection sonore à haut-parleurs multiples. ». Une bande perforée, se déroulant en relation avec le film, commande un commutateur-distributeur qui dirige le son sur un ou plusieurs des haut-parleurs de la salle.  

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La fresque d’Abel Gance remporte devant la foule les

mêmes applaudissements que devant la presse. Critiques et public sont d’accord et le Cinéma bien servi.

[…] L’important était de voir comment Abel Gance utiliserait ses anciennes images, mêlées à de nouvelles ; et ici il est étonnant de constater la probité de l’artiste et l’habileté du technicien. Un peu plus de mesure, et ce serait parfait. Mais Abel Gance serait-il Abel Gance avec un peu plus de mesure ? Le plus sage n’est-il pas de se laisser aller et de suivre ?

Il ne s’agit plus, cette fois, de l’épopée napoléonienne, mais du récit qu’en fait Stendhal à un imprimeur ou de témoignages. C’est long mais il fallait « la distance ». Abel Gance n’avait pas le choix, il a bien fait de ne pas tenter un montage.75

Malheureusement, si Gance avait réussi à mettre en

pratique sa « perspective sonore » (il l’utilisera également en 1936 pour Un grand amour de Beethoven), il avait renoncé dans cette nouvelle version aux triptyques, peut-être pour ne pas ajouter à la complexité déjà grande de la projection76. Napoléon resta quatre semaines à l’affiche du Paramount (l’établissement ne faisait pas de très longues exclusivités) et fut repris en seconde exclusivité au Gaumont Palace le 21 juin.

Le 23 février 1955, alors que le Cinérama n’avait pas encore débuté à l’Empire77, Napoléon réapparaissait sur l’écran du Studio 28 qui était alors exploité par la famille Roulleau. La version projetée était celle de 1935 à laquelle avaient été ajoutés les triptyques de la fin. Le fils cadet, Georges Roulleau, qui assurait alors la projection, m’a raconté plus tard comment Albert Dieudonné tenait à revivre son rôle, 29 ans après le tournage, devant les spectateurs de cette petite salle historique à plus d’un titre :

Albert arrive, Albert Dieudonné, habillé en Napoléon,

il monte à la cabine et il dit : « Jojo, tu éteins le son.

                                                                                                               75  Jean-Pierre Liausu dans Comœdia du 17 mai 1935.  76  Cf. R. Alla, « la “belle-époque” du cinéma parlant », Bulletin de l’AFITEC, 1960, n° 20.  77  Place au Cinérama allait être présenté à la presse trois mois plus tard, le 16 mai 1955 à l’Empire (41, avenue de Wagram, Paris 17e).  

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Aussitôt que le truc va commencer en triptyque, c’est moi qui déclame ! » Et il se mettait devant l’écran : « Soldats, je suis content de vous !… » Les gens étaient complètement stupéfaits. Il y avait des applaudissements ! Il l’a fait, je vous jure, au moins 400 fois le père Albert ! Il venait exprès pour faire sa déclaration ! C’était Napoléon, Albert. Gance l’avait… Vous savez, je suis allé avec mon frangin dans sa petite maison à Tours, son petit château qu’il avait à Tours : c’était pas possible, il y avait Napoléon dans tous les coins ! Il se croyait Napoléon ! Il avait tous les livres… Vous savez comment était Gance, c’était un meneur d’hommes. Gance l’avait installé dans ce rôle et c’était fini, il était devenu Napoléon.78

François Truffaut fut enthousiasmé :

Il est bon d’aller revoir le Napoléon d’Abel Gance là-haut au Studio 28. Chaque plan est un éclair et fait irradier tout autour de soi. Les scènes parlantes sont prodigieuses et non pas, comme on l’écrit aujourd’hui encore en 1955, indignes des muettes. « Sir Abel Gance », comme dit Becker ! Ce n’est pas de sitôt que l’on retrouvera dans le cinéma mondial, un homme de cette envergure, prêt à bousculer le monde, en user comme de la glaise, prendre à témoin le ciel, la mer, les nuages, la terre, tout cela dans le creux de la main. Pour laisser travailler Abel Gance, cherche commanditaire genre Louis XIV. Écrire : Cahiers du Cinéma qui transmettront. Urgent.79

Napoléon resta jusqu’au 4 octobre 1955 à l’affiche

du Studio 28 (soit 6 mois, fermeture estivale déduite). En 1968, le ministre de la Culture André Malraux

demanda à Abel Gance une nouvelle version de Napoléon pour le bi-centenaire de Bonaparte. Claude Lelouch accepta d’en être le producteur et acheta les droits de toutes les versions précédentes. Abel Gance se remit à l’ouvrage et une seconde version sonorisée fut programmée au Kinopanorama du 8 septembre au 21 décembre 1971 sous le titre Bonaparte et la                                                                                                                78  Entretien avec l’auteur, enregistré le 28 avril 1988. Je ne suis pas tout à fait certain qu’Albert Dieudonné soit réellement venu 400 fois rééditer cette surprenante scène car les facultés d’exagération de Georges Roulleau étaient grandes, mais il est tout à fait vraisemblable que l’acteur ne ménagea pas sa peine. Déjà en 1928, lors des représentations au Gaumont Palace, il parut à chaque représentation, pendant les quinze jours où le film fut à l’affiche, ce qui correspond à 60 séances !  79  Les films de ma vie, Paris, Flammarion, 1975, p. 52.  

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Révolution. Des scènes avaient disparu, d’autres avaient été ajoutées, des plans avaient été tournés au banc-titre et un texte en voix-off était lu par Jean Topart. Abel Gance aurait voulu que les triptyques fussent projetés, mais cela n’était pas possible avec le système soviétique « Kinopanorama » qui était installé dans l’établissement et la direction se refusait à financer des transformations80. Cette version, que l’on appela à tort « version Lelouch » (car celui-ci n’en fut que le producteur), s’éloignait encore un peu plus de la version d’origine et fut décriée par les cinéphiles. Malgré tout, une partie de la critique lui fut favorable. Ainsi Jean-Louis Bory écrivait dans le Nouvel Observateur du 27 septembre :

Les images de 1926, celles de 1936 [sic], on les

retrouve ici. Mais remodelées, en quelque sorte, repensées par Gance à la lumière des récents événements, en particulier de mai 1968. Par la totale reprise du montage ; par l’insertion de séquences récentes habilement complétées de gravures et chargées d’assurer la continuité entre les parties en évitant tout disparate ; en développant la « perspective sonore » de 1936 grâce au commentaire d’un narrateur en voix off, grâce aux dialogues mis dans la bouche des personnages dont on entend enfin les paroles qu’on ne pouvait que lire sur leurs lèvres, grâce à la musique et à un bruitage « poétique » (la foule assistant comme public aux séances de la Convention a des feulements de tigre qui se calme ou s’irrite). Gance a procédé à plus d’une modernisation hardie de son œuvre : à une re-création. Ce n’est pas un film ressuscité, c’est un nouveau film. Un film de 1971…

                                                                                                               80   Jean-Charles Edeline, président de l’UGC, écrivait le 10 décembre

1971 à Abel Gance : « Cher Monsieur, J’ai pris connaissance de votre honorée du 26 novembre avec beaucoup

d’attention. Je ne vois malheureusement pas, et à mon grand regret, la possibilité de vous donner satisfaction. En effet, le Kinopanorama est une salle qui ne nous appartient pas, elle nous est simplement confiée en gérance et le propriétaire n’a pas l’intention d’investir une somme quelconque pour transformer ses installations de projection. Monsieur Lelouch et nous-mêmes espérions un succès plus important et c’est la raison pour laquelle nous n’avions prévu aucun film pour enchaîner à la suite de Bonaparte. Les résultats, malgré l’effort publicitaire de Monsieur Lelouch, se sont avérés décevants et, de ce fait, nous allons être amenés à stopper très prochainement son exploitation au Kinopanorama. Je souhaite vivement que Monsieur Lelouch puisse trouver une suite qui vous donnera satisfaction.

Je vous prie de croire… » (BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/554, boîte 65).  

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Un chercheur anglais passionné par le film, Kevin

Brownlow, se donna pour mission de restaurer la version originale muette avec le soutien du British Film Institute. Abel Gance, à qui l’accord avec Claude Lelouch (les Films 13) laissait la disponibilité des éléments de Napoléon qui avaient été déposés à la Cinémathèque française, les mit à sa disposition81. S’appuyant sur le découpage publié par Gance lui-même en 192782, Kevin Brownlow présenta en 1979 une première restauration au festival de Telluride (Colorado) en plein air, en présence d’Abel Gance. Après quelques améliorations, cette version d’environ 5 heures, comprenant les triptyques finaux, fut projetée en 1980 à l’Empire Theatre de Londres avec une musique composée et arrangée par Carl Davis. Henri Ford Coppola l’acheta, y pratiqua quelques coupes, la dota d’une musique due à son père, Carmine Coppola, et la présenta en grande pompe au Radio City Hall de New York, (6000 places, janvier 1981) et au Colisée de Rome (septembre 1981)83. C’est aussi en cette année 1981 que Gance disparut.

La version Brownlow de 1980 fut encore allongée de 23 minutes, grâce à des éléments retrouvés par le BFI, et présentée au Palais des Congrès, à Paris, les 22, 23 et 24 juillet 1983 (après une première au Havre huit mois plus tôt). Organisées par la Cinémathèque française, ces représentations de gala connurent le

                                                                                                               81  Au début de l’année 1982, Claude Lelouch faisait don de ses droits pour la France de Napoléon au ministère de la Culture (lettre à Viot, directeur général du CNC, du 27 janvier 1982 et à Jack Lang du 25 février 1982).  82  Abel Gance, Napoléon vu par Abel Gance. Épopée cinégraphique en cinq époques. Première époque : Bonaparte, Paris, Librairie Plon, 1927. Malheureusement, les triptyques n’y figurent pas et une note en fin de volume précise : « la grande innovation d’Abel Gance, les triptyques, appliquée à la “Tempête” et à “l’Entrée en Italie”, fera l’objet d’une publication spéciale. » Ce n’est qu’en avril-mai 1958, à l’occasion d’un numéro spécial de l’Écran sur Gance, que le découpage des seuls triptyques de « l’Entrée en Italie » furent publiés. Il a été ajouté à la réédition de l’ouvrage de Gance : Abel Gance, Napoléon. Épopée cinégraphique, Paris, Jacques Bertoin, 1991.  83  Cette version, éditée aux États-Unis avec les séquences teintées, est à ma connaissance la seule disponible actuellement en cassette vidéo (2 cassettes VHS-NTSC, Zoetrope Studios, MCA Home Video, 80 086). Malheureusement, elle est cadencée à 24 i/s (3 h 55) et les triptyques, réduits à la largeur de l’écran des téléviseurs, font un bien piètre effet.  

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succès, malgré le prix élevé des places (100 à 150 F de 1983)84. La partition musicale était celle de Carl Davis qui dirigeait les Concerts Colonne. Deux ans plus tard, les 20, 21 et 22 septembre 1985, trois nouvelles représentations furent données sous l’égide du ministère de la Culture au Zénith (Parc de la Villette, Paris 19e) avec la partition composée par Carmine Coppola qui dirigeait l’orchestre de la Garde républicaine. Ainsi Napoléon paraissait dès lors condamné à aller de gala en gala et à se faire applaudir par un public « bon chic bon genre ».

On crut en avoir terminé avec les restaurations, mais Kevin Brownlow continua à chercher obstinément de nouveaux éléments. Le 3 juin 2000 vient d’avoir lieu la projection de la dernière restauration au Royal Festival Hall de Londres. Le film atteint maintenant 7 495 m et sa durée de projection est portée à 5 h 31 à la vitesse de 20 images/seconde, sauf pour la bobine sur Brienne, projetée à 18 images/seconde. Plus que d’un allongement important, cette dernière version a bénéficié surtout d’une notable amélioration de la qualité des images grâce au remplacement de certaines parties déficientes par des éléments de meilleure qualité récemment découverts. Quand le public français y aura-t-il droit ?

Un combat don quichottesque pour la Polyvision Abel Gance a cherché à promouvoir la Polyvision au

moyen d’autres réalisations cinématographiques que son Napoléon. Il considérait que les films en Polyvision devaient être réalisés en deux versions : l’une pour le passage dans quelques établissements privilégiés où pourrait être installés la triple projection et le vaste écran allongé, l’autre en version pour écran normal, à destination de la grande exploitation. À la prise de vue, seuls les triptyques-panoramas, dont les trois images se raccordaient, nécessitaient un tournage spécial. Les autres triptyques étaient obtenus par un

                                                                                                               84   Le Figaro du 25 juillet 1983 indique que « quelque 12 000 happy few auront donc assisté à la grandiose projection-concert du Napoléon d’Abel Gance ces trois derniers soirs. »  

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montage adéquat des plans communs aux deux versions. Gance voyait dans cette possibilité d’effectuer assez facilement deux versions un avantage notable sur le Cinérama dont les films étaient condamnés à ne passer que dans des salles spécialement équipées.

Les projets les plus ambitieux de Gance étaient inséparables de la Polyvision mais il n’en put réaliser aucun ! Il y eut Christophe Colomb qu’il chercha vainement à faire produire dans l’Espagne de Franco, au Brésil, en Angleterre, aux États-Unis et en France par l’ORTF, entre 1939 et 1973 environ85. Après la guerre et jusqu’au début des années cinquante il s’employa à défendre la cause de la Divine Tragédie, fit un voyage au Caire, en vue du tournage en Égypte, et eût une audience privée avec le Pape pour lui présenter le sujet du film et les diverses personnifications du Christ. En 1952, il écrivit le scénario du Crépuscule des Fées. Puis, en collaboration avec Nelly Kaplan, il essaya au milieu des années cinquante d’intéresser des producteurs à une grande fresque de l’âge atomique, le Royaume de la Terre, « basée sur l’utilisation du côté bénéfique de la désintégration nucléaire, qui est sans doute la façon inattendue d’apporter aux hommes le Paradis terrestre, et nous aurons rendu au Cinéma d’une part, et à une opinion terrifiée par les perspectives de la bombe d’autre part, des services inappréciables. » Le projet prit pour lui une importance capitale : « Le film le Royaume est la tâche la plus importante que jamais le cinéma ait eu à remplir. C’est une mission, un sacerdoce. Il faudrait 350 millions. France seule ? ou France US, ou France US et URSS ? Quel conseil ? […] », écrivait-il dans ses notes86. Il travailla avec un architecte, Jacques Bosson, sur un projet de cinéma démontable de 2 500 places, destiné à l’exploitation itinérante des films en Polyvision, baptisé

                                                                                                               85  Bambi Ballard s’est efforcé de retrouver les éléments épars du scénario que Gance avait traîné de producteur en producteur et modifié au fil des années (Abel Gance, Christophe Colomb, Paris, J. Bertoin, 1991).  86  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/836, boîte 173.  

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« Chapiteaurama »87. Après que le Cinérama itinérant gonflable se fut effondré, le 17 octobre 1961 à Lunéville (il avait été inauguré le 4 septembre précédent !), il proposa sans succès le projet de Bosson à « Cinérama-Europe »88.

Il crut un moment que le nouvel homme fort de Cinérama, le financier Nicolas Reisini, lui était favorable. Celui-ci souhaitait orienter la société vers la production de films de fiction et, lors d’un voyage à Paris, il confia à Gance qu’il avait assisté en 1927 à la présentation de son Napoléon à l’Opéra. Il évoqua les injustices commises par ses compatriotes à son égard (Gance et Debrie n’avaient même pas été invités à l’inauguration du Cinérama, le 16 mai 1955) et, tandis que l’Empire-Cinérama était en plein travaux de modernisation, il proposa que la nouvelle salle porte le nom d’« Empire Cinérama, Théâtre Abel Gance ». Celle-ci allait effectivement être inaugurée sous cette enseigne le 5 février 1962 et Reisini allait prononcer à cette occasion un joli discours en forme d’hommage (Gance eut même droit à une médaille !). Plein d’espoir, Gance publiait dans la Technique cinématographique un article étonnamment bienveillant intitulé « Le Cinérama vu par Abel Gance »89. Le 28 décembre 1961, il écrivait à Nicolas Reisini pour lui recommander l’étude de salle itinérante faite par Bosson et l’entretenir de son projet de film Cyrano de Bergerac et d’Artagnan pour lequel il ne parvenait pas à trouver les 600 millions nécessaires (« C’est un SOS que je vous adresse à ce sujet », écrivait-il)90. Un film de Gance allait-il bientôt paraître sur l’immense écran du Cinérama ? Nouveau déboire : sa collaboratrice Nelly Kaplan recevait d’un certain Max E. Youngstein, de la société Cinérama, une lettre à peine courtoise, datée du 8 janvier 1962 :

I read the synopsis of the script of 185 pages by Abel Gance,

                                                                                                               87   Les plans détaillés, dressés par Jacques Bosson, figurent dans le fonds Abel Gance (BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/832). La date qui figure est le 20 février 1962, surchargée « 1964 ».  88  Ibid.  89  La Technique cinématographique, février 1962.  90  BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/832.  

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which I am returning to you herewith. I am extremely sorry but I don’t like this material at all for

Cinerama. I don’t think it would be of international interest. In addition, as I mentioned to you when the material was handed over to me, Cyrano has been done as a picture recently and The Three Muskateers has been done several times as a movie within recent years. There is nothing new in this outside of the mistaken identity bedroom situation and I don’t see that as being material for a large screen process such as Cinerama.

It is hard to come to a final decision on the 25 pages synopsis, but it is the only material that was left with me and based on that I would have to vote a firm no. […]91

On se tromperait lourdement si l’on pensait que

l’activité de Gance se résumait à cela. Il faudrait un livre entier pour évoquer tous les projets qu’il avait échafaudés, les innombrables démarches qu’il avait entreprises, notamment pour commercialiser son Pictographe, pour préparer seul ou en collaboration divers brevets, pour fonder diverses sociétés, pour entrer en contact avec les personnages qui pouvaient l’aider, fussent-ils le chef de l’« État français », le Caudillo, de Gaulle ou Mao Tsé-toung, enfin pour réaliser les quelques rares films plus ou moins alimentaires que des producteurs voulaient encore bien lui confier. Cet homme qui subissait échec après échec, se relevait chaque fois et se remettait au travail, profondément pénétré qu’il était de la fameuse maxime de Guillaume d’Orange. Après la guerre surtout, Gance figurait en effet en bonne place sur la liste noire des producteurs. Pour eux, il incarnait le risque et ils n’ont jamais aimé le risque, surtout lorsque de gros budgets sont en jeu.

Pourtant Gance n’était pas l’homme du tout ou rien. Pour ce qui concerne la Polyvision, il ne se contenta pas de projets ambitieux (ou « mégalomanes » si l’on veut être péjoratif). Il se livra aussi à un travail en profondeur, réalisant de petits films avec des bouts de ficelles, travaillant toujours d’arrache-pied. Car ce cinéaste-poète était aussi un gros travailleur.

Après la Libération, il reprit avec André Debrie les                                                                                                                91   BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/836, boîte 172. Gance parviendra néanmoins à réaliser Cyrano et d’Artagnan, mais largement revu à la baisse et sans grand écran ni Polyvision. Cela allait être son dernier film.  

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travaux d’avant-guerre afin d’améliorer le système de prise de vue des triptyques. Le 24 octobre 1949, il commandait à la maison Debrie un dispositif comprenant trois caméras Parvo « L » montées sur une plate-forme unique et, sur le dessus, une Super Parvo. Chaque caméra étaient alimentée par un moteur synchrone 220 V. André Debrie s’engageait à lui confier cet équipement pour effectuer des essais préliminaires et à ne lui débiter que lorsqu’il serait utilisé pour la réalisation de son prochain film92. Quelques jours plus tard, il insistait auprès d’André Debrie pour passer rapidement un nouveau brevet :

… J’attire votre attention sur l’importance qu’il y a à

prendre le plus vite possible, à nos deux noms respectifs, les nouveaux brevets triptyques en France et en Amérique, de façon que la Société que nous comptons fonder à New York, dans les prochaines semaines, puisse se baser tout au moins sur ces demandes…93

En réalité, ce n’est que quatre ans plus tard

qu’André Debrie passa un brevet à son seul nom :

10 juin 1953, n° 1.078.237. Debrie (A.-V.-L.-C.). – Dispositif pour la prise de vues ou la projection de trois images aisément raccordables.94

Techniquement, Debrie reprenait le principe de

suppression de parallaxe grâce au système de miroirs qui avait fait l’objet de l’addition n° 35.247 du 27 mars 1928 à son brevet n° 636.620 du 16 octobre 1926, mais cette fois-ci les caméras étaient disposées côte à côte sur une plate-forme unique, les axes optiques n’étant toujours pas croisés. La caméra centrale pouvait se déplacer selon son axe optique en fonction de la distance de prise de vue, afin que le chemin optique                                                                                                                92  Bon de commande n° 17310 du 24 octobre 1949 et lettre de Ch. Gregy, chef du service Studio-Laboratoire, du 26 octobre 1949 (BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/829).  93  Lettre d’Abel Gance à André Debrie, 27 octobre 1949 (Ibid).  94  Le brevet suivant déposé en 1950 par Abel Gance et son addition de 1952 ne concernaient pas la Polyvision, mais le Pictographe (25 octobre 1950, n° 1.026.515. Gance (A.). – Perfectionnement aux installations de prises de vues cinématographiques. 9 février 1952. 1re addition n° 62.463 au brevet n° 1.026.515).  

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des trois caméras soit toujours de longueur identique. L’ensemble des miroirs était fixé sur un socle amovible qui permettait leur remplacement par d’autres miroirs calculés et réglés pour l’emploi d’objectifs de focale différente.

J’évoquerai plus loin un quatrième brevet, passé en 1954 aux noms de Gance et Debrie, qui concernait un système destiné à produire le même résultat que la triple projection de la Polyvision, mais avec un seul appareil (il ne sera jamais mis en pratique).

En mars 1954, Gance publiait dans la Technique cinéma - tographique, dirigée par son ami Landau, un manifeste de la Polyvision qu’il débaptisa alors au profit de « Protérama » (du nom du nouveau dispositif auquel je viens de faire allusion et qui, dans son esprit, devait remplacer celui de la Polyvision)95.

Sans attendre le tournage d’un hypothétique long métrage en Polyvision, Gance voulut tourner un court métrage en Eastmancolor à l’occasion des fêtes du 14 juillet 1953 (défilé sur les Champs-Élysées et bals populaires). Les Films d’Ariel (Georges Rosetti) en étaient le producteur et Gaumont assurait le (maigre) financement. Mais le matériel, qui correspondait au brevet Debrie de 1953 cité plus haut, n’avait pas été suffisamment essayé au préalable. Les problèmes s’accumulèrent. Le 24 juillet, après la vision des rushes, Gance prenait sa plume et envoyait une lettre pleine d’amertume à André Debrie96 :

Le malheur s’est donc produit. Il n’y a rien d’utilisable.

Les glaces, trop petites pour le 32 mm, ont laissé réimpressionner sur les côtés quelques dixièmes de millimètres d’images invisibles à l’œil sur les viseurs clair et évidemment invisibles sur la pellicule qui n’est pas transparente…

Il se plaignait aussi de la très mauvaise définition

des objectifs de 32 mm, de l’absence d’un viseur d’ensemble, du manque de protection des miroirs

                                                                                                               95  « Abel Gance. Le Protérama », la Technique Cinématographique, suppl. au n° 141, mars 1954.  96   BnF, Arts du spectacle, 4°COL-36/829. Cette lettre n’a été toutefois conservée que sous forme de brouillon. A-t-elle été réellement envoyée ?  

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contre la pluie et le soleil.

En résumé, pellicule gâchée. Très mauvaise impression pour tous ceux qui s’attendaient à voir au moins l’équivalent de ce que j’avais fait en 1927 et cascade de répercussions de tous ordres risquant d’annihiler mon effort à son début.

Il ajoutait qu’il persistait « à penser qu’il n’y a rien à

faire de grand en France » et qu’il lui fallait lutter « dans ces conditions contre « Cinérama » qui réunit de jour et de nuit autour de ses appareillages les plus hautes compétences techniques des USA sous la conduite de J.B. Mayer. »

L’amertume des premiers moments apaisée, il parvint tout de même à réunir suffisamment de plans de qualité acceptable pour faire un petit montage qu’il présenta en compagnie d’André Debrie, le 19 août suivant, au Gaumont Palace. Rien de comparable avec la présentation du CinémaScope au Tout Paris du cinéma et de la presse que la 20th Century Fox avait organisée le 18 juin au Rex. Il n’y avait dans l’immense salle du Gaumont Palace qu’à peine plus d’une dizaine d’invités, avec parmi eux, Jacques Flaud, directeur du CNC. Jacques Doniol-Valcroze rapportait dans l’Observateur du 27 août à quel point cet essai restait expérimental et souffrait de la pauvreté des moyens mis en œuvre :

Les conditions techniques très médiocres de

l’expérience (écran de fortune en plusieurs panneaux de luminosité inégale, montage trop rapide de la bande présentée, 14 Juillet, tournée par A. Gance à la sauvette lors de la dernière fête nationale, non étalonnage de la couleur des trois pellicules projetées) ne permettent pas de se faire une opinion définitive. […]

E.-M. Arlaud, dans Combat du 20 août, précisait que

« l’écran large, prolongé avec des toiles accrochées, atteignait 23 mètres et [que] la projection le dépassait largement de part et d’autre. » Le film 14 Juillet, montage achevé, fut présenté en complément de programme du film Orage au Gaumont Palace du 16 au 27 juillet 1954. Quelques journalistes en ont fait état, ainsi celui de France-Observateur du 22 juillet

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1954 :

Il s’agit du défilé militaire du 14 juillet 1953 et des bals populaires dans la rue, filmés le même jour. Cette bande est projetée sur un écran sensiblement identique au format adopté par le cinémascope (2,55 x 1). L’image centrale étant le motif de tapisserie, celles de droite et de gauche orchestrent ce motif et le développent : c’est quelque chose comme l’avènement d’un cinéma symphonique. L’ensemble est parfois extraordinairement saisissant et saisissant aussi la confrontation des trois images ; par exemple, lorsqu’au centre de l’écran, on nous montre des soldats défilant tandis que les volets de côtés suivent en panoramiquant les avions qui survolent l’Arc de Triomphe ; les étonnantes possibilités d’un cinéma érotique nous sont de la même façon révélées lorsque des couples valsent au centre de l’écran et qu’à droite et à gauche nous sont montrées, en plans rapprochés, les jambes des danseuses. Il arrive que les trois écrans soient pleins d’une même image, le procédé cumulant ainsi les avantages du Cinémascope à ceux du Cinérama. […]

Dans une lettre à Abel Gance, datée du 15 septembre

1954, Roger Sallard, alors directeur général de la Société nouvelle des établissements Gaumont (SNEG), reconnaissait que la présentation de 14 Juillet au Gaumont Palace n’avait pas été satisfaisante :

Nous avons commis une erreur en faisant cet essai dans

notre Grande Salle où notre écran, malgré ses énormes dimensions, n’est vu que sous un angle assez modéré… L’effet recherché n’est pas obtenu, et c’est dans une salle plus petite qu’il faudrait opérer. La difficulté est alors de loger le nombre de projecteurs nécessaires (au moins quatre, si l’on veut pouvoir enchaîner 14 Juillet avec un programme ordinaire). C’est cette difficulté qui nous arrête.[...]97

De toute façon, ce court métrage ne pouvait pas

rivaliser avec les réalisations spectaculaires et largement médiatisées de la 20th Century Fox dont le premier film en CinémaScope, La Tunique, avait commencé sa carrière au Rex et au Normandie le 4 décembre 1953, ni avec This is Cinerama dont les échos du lancement au Broadway Theatre de New                                                                                                                97  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/833.  

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York, le 30 septembre 1952, était parvenus jusqu’au vieux continent (Place au Cinérama allait être présenté à l’Empire, avenue Wagram, le 16 mai 1955). Gance, que Jacques Flaud avait assuré de son soutien, faisait état de son impatience dans une lettre qu’il lui adressait le 21 août 1954 :

[…] Je pense une fois de plus que les commentaires

sont inutiles mais il me faut constater que c’est en Avril 1953 que j’ai attiré votre attention sur l’urgence de l’utilisation de mes procédés en France pour contrebalancer les travaux américains dans le même domaine et qu’en fin Août 1954 non seulement je n’ai pas encore reçu le plus petit octroi de subvention qui aurait pu nous être utile, mais qu’une sorte de paralysie règne en maîtresse dans la profession lorsqu’il s’agit de faire le moindre pas en avant. […]98

Le CNC finit par consentir une avance de 11

millions pour la production d’un programme baptisé initialement Polyvision, réalisé par Abel Gance et Nelly Kaplan. Ce programme de 1 heure 55, auquel étaient associés les Films d’Ariel, l’UGC et la Régie Renault, était composé de plusieurs films qu’on pourrait qualifier de « démonstration ». Il sortit le 19 décembre 1956 au Studio 28 sous le nom de Magirama et comprenait :

-Auprès de ma blonde (279 m x 3), financé par Renault, était une « histoire funambulesque d’un client inexpérimenté [Michel Bouquet] qui vient d’acheter une 4 H.P. […] » Grâce au Pictographe, « on verra ainsi la voiture dans les mains de ce conducteur inexpérimenté monter et descendre le long de la Tour Eiffel, tourner sur le dôme du Sacré-Cœur [dans un autre texte, la 4 CV monte les marches du Sacré-Cœur], courir sur les façades de Notre-Dame, traverser la Seine, traverser des immeubles sans les briser, franchir des précipices, grimper des parois de montagnes à pic. Dans son chemin, la 4 HP. rencontrera les différents modèles pour montrer la diversité de ceux-ci. […]99 »

                                                                                                               98  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/836, boîte 172.  99  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/836, boîte 173.  

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���-Fête foraine en Eastmancolor (273 m x 3) « synthèse surréaliste où les mouvements contrariés et le sentiment d’ubiquité offrent quelques exemples saisissants des possibilités multiples données par la Polyvision dans la symétrie et l’asymétrie ». ���

-Des extraits de Begone Dull Care de Mac Laren, polyvisés par Abel Gance (94 m x 3). ���

-Châteaux de nuages, sur une musique de Debussy (131 m x 3). ���-Les triptyques du départ de la Campagne d’Italie

extraits de Napoléon (207 m x 3) ���-J’accuse, version polyvisée et condensée du

J’accuse de 1938 (1799 m x 3). Dans un commentaire enregistré, Abel Gance, d’une

voix prophétique, expliquait les possibilités de la Polyvision et sa foi dans l’avenir de son invention. Une piste sonore optique sur chaque bande assurait une reproduction stéréophonique.

Jean Mitry devait participer à ce programme et avait tourné pour la Polyvision un court métrage intitulé Symphonie mécanique, accompagné d’une partition de Pierre Boulez. Un différend avec Abel Gance intervint, selon Mitry, pour des raisons de « préséance » et la version Polyvisée de ce film ne fut jamais projetée en public100.

Je me souviens de la salle presque vide, de ma perplexité devant ces jeux d’images symétriques – je l’ai dit plus haut – et aussi de la pauvreté de ce programme hétéroclite comparé au luxueux spectacle forain, ruisselant de dollars, qu’était Place au Cinérama. Pourtant j’eus le sentiment confus que l’intelligence soufflait dans ces modestes pellicules que, peut-être, plus d’argent aurait permis de rendre véritablement convaincantes. J’accuse, que je ne connaissais pas dans sa version pour écran unique, me laissa une forte impression et à lui seul ce film me paraissait proche d’atteindre son but… je veux dire                                                                                                                100  Voir à ce sujet : « Jean Mitry, Abel Gance et moi », par Roger Icart et « Filmographie de Jean Mitry » par Claude Beylie, ces deux articles dans 1895, numéro hors série « Jean Mitry », septembre 1988 ; Cinéma 57, n° 16, mars 1957 ; Jean Mitry, le Cinéma expérimental, Paris, Seghers, 1974, p. 218 (par ailleurs l’auteur évoque la Polyvision p. 132) ; Jean Mitry, À propos du Magirama, Cinéma 57, n°15, février 1957.  

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d’apporter la preuve que la Polyvision était un pas en avant irréversible du cinéma. Je partageais en définitive l’opinion de Martine Monod101 :

La polyvision a, en elle, toutes les possibilités de

révolution dont parle prophétiquement Abel Gance. Telle qu’elle est, ce n’est pas encore le cas. Souhaitons-lui d’être moins formelle et plus intérieure, de jouer moins sur l’image pure et davantage sur le sens de l’image ; souhaitons-lui d’obéir davantage à l’exigence profonde de la vision qu’à l’esthétisme… Alors, nous ne la saluerons plus seulement avec sympathie, mais avec admiration.

Magirama eut aussi quelques admirateurs célèbres,

mais leur voix n’atteint pas le grand public. Ainsi André Breton102 :

Sera-t-il dit qu’il pouvait être encore, lors du passage

de 1956 à 1957, une salle de spectacle d’où l’on serait appelé à sortir autre qu’on y était entré ? Eût-on précisé que la mise au point d’une nouvelle technique cinématographique y serait pour quelque chose, je crois que les moins désabusés, les plus innocents auraient souri…

[...] J’accuse, que ma chance est peut-être de n’avoir pas connu dans sa version initiale à la date fatidique de 1939, est, sous son nouvel aspect, une œuvre qui suffirait à consacrer pour le plus GRAND celui qui l’a conçue et réalisée. Je ne sais ce que j’honore le plus, des qualités de cœur qui y président ou du véhicule prodigieux qu’elles empruntent. De celui-ci – dont le brevet inaliénable lui revient en commune part avec Nelly Kaplan – je sais qu’il nous fait faire le pas décisif vers cette nouvelle structure du temps que Paul Valéry, dans ses « Méthodes » de 1896, Marcel Duchamp de 1912 à 1921 appelaient avec plus ou moins de scepticisme ou d’ironie, que John Dunne, en 1927, a réussi à appréhender théoriquement dans son ouvrage trop connu : le Temps et le rêve. Cette Nouvelle structure, que savants et philosophes s’ingénient à découvrir et, en effet, faute de quoi ils continueront à s’embourber toujours davantage, j’ai toujours pensé qu’elle ne saurait se révéler qu’à la faveur de nouveaux états affectifs. Ils sont bien plus qu’en germe dans « MAGIRAMA ».

Gloire à la Polyvision d’Abel Gance et Nelly

                                                                                                               101  Les Lettres françaises, 20 décembre 1956.  102  Cahiers du Cinéma, mars 1957.  

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Kaplan.103 Philippe Soupault, compta également parmi les

admirateurs, qui conclut ainsi le texte cité au début de cet article :

Il me paraît prodigieux qu’après une seule expérience

que ces promoteurs considérèrent comme une première tentative, on puisse être persuadé que le cinéma a franchi une si gigantesque étape. Car il est bien évident que la Polyvision n’est pas comme le film parlant ou comme le cinéma en relief seulement une amélioration technique. C’est en quelque sorte une prophétie.���Nous savons en effet désormais ce que sera le cinéma de demain. Et nous avons hâte que cet avenir nous soit donné.

En revanche, Jean-Luc Godard fut assez critique104 :

Châteaux de nuages et Auprès de ma blonde sont indignes du parrainage du plus grand cinéaste français de l’époque muette.

[...] En fait, la polyvision ne diffère du cinéma normal que par cette particularité de pouvoir montrer à la fois ce que le cinéma normal montre l’un après l’autre. Souvenons-nous dans Napoléon du départ de l’armée d’Italie pour les plaines du Pô. Sur l’écran du centre : un bataillon en marche ; sur les écrans latéraux : Bonaparte galopant le long d’un chemin creux. L’effet était saisissant. Après quelques minutes nous avions la sensation d’avoir couvert les milliers de kilomètres de cette prodigieuse campagne d’Italie.

Le triple écran, associé ou non avec l’écran variable, peut donc provoquer dans certaines scènes des effets supplémentaires dans le domaine de la sensation pure, mais pas davantage, et j’admire précisément Renoir, Welles ou Rossellini d’être parvenus par une voie plus logique à un résultat égal sinon supérieur, brisant le cadre sans pour cela le détruire.

[...] En définitive, le don d’ubiquité est probablement le pire cadeau que l’on puisse faire à un cinéaste. Si l’on veut raconter une histoire, un conte, une aventure, force sera, la plupart du temps de considérer le triple écran comme un écran unique, autrement dit comme un écran de

                                                                                                               103  Dans la copie tapée à la machine de ce texte qui se trouve dans le fonds Abel Gance, le nom de Nelly Kaplan dans la phrase finale a été rayé au feutre rouge.  104  Cahiers du Cinéma, n° 67, janvier 1957.  

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cinémascope, car, jusqu’à preuve du contraire, le cinéma restera euclidien. Au Royaume de la terre, prochaine production polyvisée d’Abel Gance (et Nelly Kaplan) fera-t-elle preuve du contraire ? Il est permis de l’espérer.

En tout cas, Magirama fut un fiasco commercial

d’autant plus dur à supporter pour le Studio 28 que le contrat signé avec la société Magirama, constituée par Gance au mois d’octobre105, prévoyait que les frais de copie seraient à sa charge (1 034 661 F) et qu’il lui verserait 50 % des recettes brutes (défalcation faites des taxes d’exploitation et droits d’auteur) pendant une période d’exploitation minimum de 12 semaines106. Au terme de la huitième semaine, Edgar Roulleau décida de retirer Magirama de l’affiche. Le nombre d’entrées hebdomadaires, au cours des 4 premières semaines, était compris entre 300 et 400 et bien qu’il s’élevât notablement à partir de la cinquième semaine (entre 450 et 800), le nombre total de spectateurs dépassa à peine 4 000. Malgré un prix élevé des places (400F sauf en matinées de semaine, 300F), les recettes brutes (sans aucune déduction) n’atteignirent pas 1 700 000F. On conçoit que les rapports entre Gance et Edgar Rouleau devinrent vite des plus mauvais…

Cet échec ne marqua pas la fin des efforts de Gance pour promouvoir la Polyvision, mais il ne put réaliser aucun autre film avec son procédé. Magirama n’eut guère de chance par la suite. Le spectacle fut présenté à l’Exposition internationale de Bruxelles, en 1958, dans le cadre de la Compétition international du Film expérimental, où sa projection fut massacrée par des incidents techniques ; il n’y reçut aucune distinction. La Cinémathèque française, compte tenu des difficultés de projection, ne le projeta que très rarement107.

                                                                                                               105  Les statuts de la SARL Magirama, au capital de 1 million de francs ont été déposés sous seing privé le 24 octobre 1956. Son siège social était au 171-173 de la rue Saint-Martin. L’enregistrement au Tribunal de Commerce de la Seine a été fait le 26 octobre 1956 sous le n° 2 781 (Journal spécial des Sociétés françaises par actions. Le Quotidien juridique, n° 98, 27 octobre 1956).  106  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/833.  107   Par exemple le jeudi 29 novembre 1973 au Carré Thorigny (8, rue Thorigny, Paris 3e) où la Cinémathèque fit pendant quelque temps une partie de ses projections.  

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Curiosité historique ou invention d’avenir ? Je pense qu’il faut distinguer très nettement les buts

que Gance cherchait à atteindre avec la Polyvision des moyens techniques qu’il mit en œuvre à cette fin. Nul doute que les projections nécessitant un dispositif triple de projection appartiennent au passé. Le Cinérama lui-même, malgré les énormes capitaux dont disposait la société qui l’exploitait, ne parvint pas à s’imposer. D’ailleurs Gance avait parfaitement conscience que la Polyvision ne pourrait gagner la partie que lorsqu’elle ne nécessiterait plus d’installation spéciale. C’est pourquoi il déposa en 1954, avec André Debrie, le brevet d’un dispositif permettant d’utiliser des matériels standards aussi bien pour filmer en Polyvision (triptyques-panoramas) que pour projeter les films adoptant ce procédé108. Le principe consistait à enregistrer séquentiellement sur un film standard les trois images – gauche, centre, droite – d’un même panorama grâce à un système de miroirs tournants couplés à l’obturateur et placés devant l’objectif. Le champ, découpé en trois parties, formait ainsi sur le film un triplet. À la projection, un dispositif analogue à celui de prise de vues, placé devant l’objectif du projecteur, restituait sur l’écran l’ensemble du panorama filmé (ou bien trois images différentes). Gance et Debrie pensaient obtenir un résultat suffisant en adoptant une cadence de 48 images/seconde, ce qui correspondait à 16 images/seconde pour chaque élément du triplet. Malheureusement, les essais révélèrent un scintillement inacceptable. Jean Vivié travailla sur le problème, remarqua que le scintillement disparaissait par l’emploi d’une lumière ultraviolette et envisagea l’emploi d’un écran phosphorescent109. Il n’y eut pas de suite. Parallèlement à ces recherches, Gance et Jean Debrix explorèrent d’autres voies, en particulier l’inscription des triptyques sur un film à déroulement                                                                                                                108  Brevet n° 1.096.994, du 17 février 1954 (délivré le 9 février 1955). Gance (A. A. E.) et Debrie (A. L. V. C.) – « Perfectionnement aux projections cinématographiques d’images élargies ». Gance appela souvent ce procédé le Proterama, bien qu’il désignât parfois aussi la Polyvision classique par cette nouvelle dénomination.  109  BnF, Arts du spectacle, 4° COL-36/836, boîte 173.  

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horizontal (à la façon de la Vistavision). Rien n’aboutit.

Si l’histoire du cinéma (celle qui est déjà écrite ou celle qui reste à écrire) ne peut que constater l’échec de la Polyvision d’Abel Gance, elle fait aussi état de recherches et de réalisations qui témoignent de l’intérêt soulevé par les triptyques et, plus généralement par les images multiples. Il faut rappeler d’abord, car cela est très peu connu, qu’Abel Gance et Nelly Kaplan ne furent pas les seuls à utiliser la Polyvision. Philippe Arthuys, cinéaste qui mériterait mieux que l’oubli, réalisa selon ce procédé un long métrage, Des Christs par milliers, ainsi que deux autres films montés en Polyvision (Et courir de plaisir, Paris sur scène). Il rencontra, on s’en doute, les mêmes difficultés que Gance pour l’exploitation de ses films. Des Christs par milliers, réflexion généreuse sur le monde où l’on affame, charge, matraque et tue, fut projeté en 1971 aux Halles de Paris, avant leur démolition110, puis, de décembre 1973 à février 1974, au Carré Thorigny en alternance avec Et courir de plaisir, Paris sur scène et les projections de la Cinémathèque française, enfin à certaines séances de l’Eldorado, en décembre 1978 et janvier 1979111.

Le dialogue des images fut tenté ici et là par beaucoup de réalisateurs, avec divers moyens dont souvent le « split screen ». Déjà à la fin de la période du muet, Henri Chomette y avait eu recous dans le Chauffeur de Mademoiselle (1927) et son frère René Clair dans les Deux Timides (1929). Citons, après la guerre, Inauguration of the Pleasure Dome (Kenneth Anger, 38 min, 1954) qui reçut une récompense à l’Exposition Universelle de Bruxelles de 1958, The Thomas Crown Affair (Norman Jewison, 102 min, 1968) qui faisait un très large usage du « split screen », The Boston Strangler (Richard Fleischer, 116 min, 1968), The Pillow Book (Peter Greenaway, 120 min, 1996), etc.

Les spectacles de la Laterna magica de Prague,

                                                                                                               110  Cinéma 2000, pavillon 8 des Halles de Paris, entrée rue Baltard, du 14 mai au 24 juin 1971.  111  4, boulevard de Strasbourg, Paris 10e.  

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remarquable fusion d’un jeu scénique très élaboré et de multiples images animées, se rattachent, d’une certaine manière, à ces préoccupations.

A-t-on remarqué, plus banalement, que la télévision utilise un écran divisé dans ses journaux quotidiens, lorsque le journaliste de service passe l’antenne à un confrère envoyé sur le terrain ? Au cours des émissions-plateau, l’écran divisé permet aussi d’éviter le recours à des plans trop larges, peu signifiants, ou à un montage systématique de type « balle de ping-pong ». Ces procédés élémentaires et plus ou moins heureux dénotent l’insuffisance de l’écriture filmique dominante pour la représentation de l’espace-temps.

L’écran large est sans nul doute un acquis irréversible du cinéma mais, lancé par les Américains après la guerre, il a laissé en arrière une partie des avantages que présentaient les inventions françaises du triple écran et de l’Hypergonar, datant l’une et l’autre de la fin des années vingt. Aussi bien Abel Gance que les quelques réalisateurs qui ont utilisé l’Hypergonar avant qu’il ne devienne CinémaScope, n’ont jamais voulu faire de l’écran large un format unique tout au long de leur film. Utilisant, selon les besoins du scénario, tantôt l’image traditionnelle, tantôt l’image multiple, tantôt l’image panorama (parfois même en hauteur au moyen de l’anamorphose verticale), ils ont réalisé concrètement l’écran variable. C’est le cas de Claude Autant-Lara (Construire un feu, 1928-1930), d’André Hugon (la Femme et le rossignol dans sa version anamorphosée jamais exploitée, 1931), de Jean Tedesco (Panorama au fil de l’eau, réalisé pour l’Exposition internationale de 1937). On pourrait aussi citer le court métrage produit par Pathé-Natan en 1931 et intitulé l’Exposition coloniale.

Bientôt la diffusion des films en salles se fera essentiellement par projection d’images numériques, d’abord emmagasinées sur disques durs (ou sur tout autre support) dans la cabine de projection112, puis, dans quelques d’années, envoyées par satellite ou par

                                                                                                               112  Je ne me livre nullement à un exercice de science-fiction. Un film a déjà été exploité à Paris de cette façon : Toy Story n° 2 au Gaumont Aquaboulevard, à Paris 15e, à partir du 2 février 2000.  

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câble dans de nombreux cinémas répartis dans tout l’hexagone. Ainsi les grosses sociétés de production et de distribution feront-elles l’économie du tirage de très nombreuses copies argentiques. Les technologies numériques rendront très faciles la fabrication et l’exploitation d’images multiples ou de format variable. Peut-être redécouvrira-t-on à cette faveur la richesse d’écriture que permettait la Polyvision d’Abel Gance.

L’auteur remercie pour leur aide particulièrement Yasmine Attab, Stephen Bottomore, Georges Loisel, Laurent Mannoni, Nicole Meusy-Dessolle, la Bibliothèque nationale de France, la Cinémathèque française, la National Gallery de Londres.

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Rachid Ianguirov Traduit du russe par Antoine Cattin

Autour de Napoléon : l’emprunt russe

La participation d’immigrants russes à la réalisation

du Napoléon d’Abel Gance est à la fois connue et méconnue. Elle demeure en tout cas peu étudiée. Si les témoignages et mémoires du réalisateur et de participants au tournage évoquent bien cette « empreinte russe », ce n’est que de manière superficielle et les historiens n’ont guère été cherché plus loin, notamment en raison de la sous-évaluation des sources russes. Cet « emprunt russe »-là, dont la France, cette fois, est débitrice, n’a, en quelque sorte jamais été « remboursé ».

La presse et les archives de l’émigration russe contiennent pourtant beaucoup d’informations aussi bien générales que de détails sur le sujet, élargissant le cercle des gens qui ont participé au film et jetant ainsi un éclairage nouveau sur les péripéties de sa réalisation.

Dans cet article, nous ne chercherons qu’à esquisser et documenter la présence de quelques protagonistes russes, liés d’une manière ou d’une autre à l’histoire du film d’Abel Gance113.

La presse russe La majorité des publications russes à Paris –

Poslednyje novosti (Les dernières nouvelles), Dni (le Temps), Kinotvortchestvo (la Création cinémato-graphique), Illustrirovannaja Rossija (la Russie illustrée) – n’éclairent que de manière parcimonieuse les événements qui entourent la réalisation de Napoléon114, mais, pour une certaine période, c’est le

                                                                                                               113   L’orthographe des noms russes se conformera ici aux transcriptions usuelles en français contemporain mais respectera la transcription adoptée par les intéressés dans les années vingt, telle qu’elle apparaît dans la presse et les génériques de l’époque (ex. : Volkoff, Wengeroff, Ermolieff).  114  Voir l’annonce de la création de Ciné-France-Film dans Illustrirovannaja Rossija (la Russie illustrée), 1924, n° 2 (mai), p. 16.  

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Russkaja gazeta v Paris (le Journal russe de Paris, 1923-1925) qui se montra le plus informé d’entre elles. Au début de 1924, son rédacteur et éditeur, Alexandre Filippov, qui avait ses entrées à Ciné-France-Film115, écrivit un scénario de fiction, le Prince charmant, réalisé cette même année par un nouveau collaborateur de la compagnie, Viatcheslav Tourjansky116. Certains épisodes furent d’ailleurs tournés dans les décors du film d’Abel Gance117. Il n’est pas étonnant que le compte rendu le plus laudatif et le plus développé sur cette mise en scène soit paru dans les colonnes du journal de Filippov et que son auteur en soit le collaborateur principal, Alexandre Kouprine118…

Le succès personnel rencontré par Filippov n’affaiblit pas son intérêt pour le projet cinémato-graphique le plus intriguant de l’année, celui d’Abel Gance, auquel le Journal russe fait allusion dès la mi-mai. La nouvelle est assortie de détails, comme la proposition faite à Mosjoukine par le réalisateur d’incarner le personnage de Napoléon, et le fait que plus de la moitié de l’équipe de tournage serait

                                                                                                               115   Alexandre Filippov (1887-1942, pseudonyme « l’Observateur »), journaliste, littérateur, éditeur, par la suite rédacteur au journal Russkoje vremja (le Temps russe) (1925-1928) et à la revue Teatr i Jizn (Théâtre et vie) (1928-1933). C’est le journaliste Stéphane Losan qui a donné au Journal russe et à ses collaborateurs (au nombre desquels Kouprine) sa caractéristique marquée, publiant un essai dans Le Matin en janvier 1925. La traduction russe de son article a alors été reproduite dans le journal de Filippov (le Journal russe, 18 janvier 1925, p. 3-4).  116  V. Tourjansky venait de quitter Albatros, dont il était un des piliers avec Volkoff et Mosjoukine, pour Ciné-France-Film où les moyens techniques et matériels lui paraissaient supérieurs. Le Prince charmant inaugurait une « série Kovanko-Films » du nom de l’épouse de Tourjansky, Nathalie Kovanko, l’une des vedettes « orientales » du moment. Il sera également réalisateur sur Napoléon (NdE).  117  La mise en scène du film le Prince charmant a été commencée en juin. Ibid., 22 juin 1924, p. 3. Voir également le reportage : « Tournage du Prince charmant » (l’Observateur [A. Filippov]), ibid., 25 juillet 1924, p. 3.  118  « Le thème de la pièce ne reflète pas de nouveauté marquante (d’ailleurs, essayez de nos jours d’inventer un thème tout nouveau !). Pourtant, A. I. Filippov a réalisé un scénario habile, intelligent, subtil et très intéressant. On voit qu’il a travaillé avec amour et soin. Un tel scénario ferait même honneur à un artisan expérimenté. Tout était bien : les décorations des palais, la mer, la foule, les courtisans, les eunuques, les scènes de groupes, la course sur la corde à une hauteur effroyable, le couronnement, etc. Et V. K. Tourjansky intarissable dans le brillant et le goût de la mise en scène ».A. Kouprine, « Le Prince charmant », ibid., 22 février 1925, p. 3. À la première du film, qui eut lieu le 31 janvier 1925 au Gaumont-Palace à Paris, se trouvait parmi les hôtes d’honneur l’ancien Président Raymond Poincaré. Ibid., 3 février 1925, p. 3.  

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composée de Russes119. Bientôt le Journal russe fait part du passage d’Alexandre Volkoff et du décorateur Alexandre Lochakoff120 d’Albatros à Ciné-France-Film et de l’engagement de Volkoff dans l’équipe de tournage de Napoléon121.

Après le début du tournage aux studios de Billancourt, le journal informe ses lecteurs du fait que « le célèbre film Napoléon d’Abel Gance prend véritablement forme » et résume le contenu de la huitième époque cinématographique parmi les séries prévues. En outre, on annonce que « notre chanteur populaire G. Koubitzky jouera le rôle de Danton ». Plus tard on apprend que l’assistant du réalisateur « G. C. Geftman122 invite au studio 49, Quai du Point du Jour, de 2 à 4 [heures de l’après-midi], des jeunes filles de 15 à 23 ans pour des petits rôles dans Napoléon », en leur demandant de se munir d’une petite photo123. Toutefois, avant la recherche de figurants, Filippov apprenait qu’Abel Gance recherchait « un petit Napoléon » : « yeux bleus, petite taille ; il doit être mince, sûr de lui, avec énormément d’amour-propre et d’un caractère ombrageux »124. Contre toute attente, le « type » est trouvé très rapidement : après une semaine,

                                                                                                               119   Ibid., 16 mai 1924, p. 3. À ce sujet, voir également Kinotvortchestvo i teatr, 1924, n° 3, p. 24. En juin, le refus de Mosjoukine de prendre part au tournage de Napoléon est annoncé, ibid., 1924, n° 5, p. 28. On peut découvrir quelques circonstances de cette collaboration manquée dans une lettre d’Abel Gance à l’acteur (conservée dans le fond Mosjoukine, RGALI, Moscou, reproduite dans Iskusstvo kino, 1987, n° 1, p. 135-136).  120  Le Journal russe, 24 juillet 1924, p. 3. Au sujet du passage de Volkoff et Lochakoff d’Albatros à Ciné-France-Film, voir également Kinotvortchestvo, 1924, n° 6-7, p. 33. Alexandre Lochakoff ou Ivan Lochavoff (les deux écritures coexistent à l’époque dans la presse comme dans les génériques), qui avait travaillé sur le Père Serge en Russie, fut le plus fameux décorateur « orientaliste » des années vingt auprès de qui Bilinsky et Meerson – qui prirent une autre orientation – furent formés à Albatros (voir François Albera, Albatros, des Russes à Paris 1919-1929, Cinémathèque française-Mazzotta, Milan-Paris, 1995, p. 19-52 notamment). Notons qu’à ses côtés on peut remarquer la présence d’autres décorateurs russes sur Napoléon : le fameux Alexandre Benois, fondateur du « Monde de l’Art » et collaborateur de Diaghilev, Pierre Schild[knecht], Eugène Lourié (NdE).  121  A. Volkoff dans « Abel Gance Film », Le Journal russe, 13 août 1924, p. 3.  122   Autre transfuge d’Albatros – que les génériques de Napoléon ne mentionnent pas (NdE).  123  Ibid., 25 février 1925, p. 2.  124   (Anonyme [A. Filippov]) « Cherche petit Napoléon », ibid., 11 février 1925, p. 3.  

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on annonce qu’un adolescent russe, Kolia Roudenko, a été choisi comme « petit Napoléon » : « Kolia Roudenko ne sera certainement pas Napoléon. Mais devant lui s’offre un autre destin : la perspective d’être le héros d’un film »125.

L’échec de la réalisation du deuxième scénario de Filippov126, conduisant vraisemblablement à sa brouille avec la direction de Ciné-France-Film, puis l’interruption du tournage de Napoléon en novembre 1925, dissipèrent tout l’intérêt de cet observateur pour le cinéma, interrompant de ce fait l’information sur le travail d’Abel Gance dans la presse parisienne.

Vladimir Wengeroff L’œuvre et la vie de Vladimir Wengeroff (1891-

1946) ne sont guère connues des historiens du cinéma, pourtant elles n’ont pas moins de valeur pour le destin de l’émigration russe et de la cinématographie européenne des années vingt que celles de Josef Ermolieff, Alexandre Kamenka ou Noé Bloch.

Sa première grande réussite fut un placement réussi en Bourse, mais à l’été 1915, à l’étonnement de tous, il se prit de passion pour le cinéma en ouvrant, avec le réalisateur Vladimir Gardine, son propre studio de production. D’après les mémoires de Gardine, son associé se distinguait des autres producteurs par l’ambition véritablement hollywoodienne de ses projets (recrutement pour les tournages d’une troupe du Théâtre d’Art, construction de sa propre fabrique de production de pellicule, etc.)127. Pourtant, cette                                                                                                                125   Ibid., 17 février 1925, p. 3. Georges Sadoul, Raymond Chirat, Kevin Brownlow et d’autres donnent par erreur au jeune acteur le prénom de Vladimir.  126   Le scénariste avait décidé d’affermir son succès par une nouvelle réalisation : « A. I Filippov, auteur du film le Prince charmant, qui a fait grand bruit à Paris par son succès éclatant, à l’affiche il y a peu. Les critiques d’une même voix ont relevé la vivacité du récit, l’élégance de sa construction et la riche fantaisie de sa conception. Dans un avenir proche, un nouveau film sera réalisé, Dans les neiges, également dû à la plume talentueuse de A. I. Filippov. Ce qui nous procure particulièrement de joie, c’est que ce succès rare revient à la cause russe ». (sig. E. Efimovsky [A. I. Filippov], Rodina [Patrie], Paris, 8 mars 1925, p. 4. Ce scénario ne fut pas réalisé).  127  « Wells, ce n’est pas de la science-fiction, c’est de la prose, un prosaïsme comparable aux plans de Wengeroff », V. Gardine, Mémoires, t.1, 1912-1924, Moscou, 1949, p. 91-93.  

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entreprise ne vécut guère : à l’automne 1918, elle est liquidée. Néanmoins son directeur, qui avait alors quitté la Russie, ne perd nullement son intérêt pour le cinéma dans l’émigration.

À l’automne 1921, Wengeroff est à Berlin : avec l’emphase qui le caractérise, il annonce la création d’une compagnie regroupant des industriels du cinéma russes, allemands et français. Cette entreprise ne verra pourtant pas le jour128. Au début de l’année suivante, il devient l’un des fondateurs de l’Union des artisans du cinéma russe en Allemagne, créée pour la « défense de la dignité et des intérêts de l’art russe dans le domaine du théâtre et du cinématographe »129 qui réunit pratiquement tous les travailleurs du cinéma émigrés du pays130.

À cette époque, Wengeroff déploie une activité considérable : il participe, de manière directe ou indirecte, aux affaires de toute une série d’entreprises de cinéma russe à Berlin (Atlantic-film, Viking-film, etc.), et, au printemps 1923, il entre à la direction de Caesar-film, avec des priorités affichées :

L’idée de mettre en scène des films russes, dans leur

sujet comme dans leur esprit, interprétés par des acteurs russes, possède en sa personne un partisan énergique, et son esprit d’initiative sera sans aucun doute en mesure de favoriser la future mise en pratique de cette idée.

Ainsi les écranisations de la littérature russe

classique sont déclarées productions prioritaires de la compagnie : Eaux printanières d’après Ivan Tourguéniev et le Démon d’après Léon Tolstoï – qui ne furent d’ailleurs jamais réalisés131. D’après ses

                                                                                                               128  Rul’[Le gouvernail], Berlin, 4 novembre 1921, p. 5.  129   Satzung des Zentralverbandes der russischen professionellen Buhnmenkunstler in Deutschland, Berlin 1922.  130  Golos Rossii (la Voix de la Russie), Berlin, 6 mai 1922, p. 5 ; ibid., 17 mai 1922, p. 5.  131  Kino-Ekho. Kinematograf dlja Rossii (le Ciné-Echo, le Cinéma pour la Russie), Berlin, 1923, n°1, p. 56. C’est Iosif Sojfer qui était indiqué comme réalisateur du deuxième film, et l’écrivain Sergueï Gornyj (Mark-Alexandre Otsoup) comme scénariste. Dni (le Temps), Berlin, 5 juin 1923, p. 5. Au début de l’année suivante, l’associé de Wengeroff, Charitonoff, quitte la société, ce qui conduit visiblement à la fermeture de l’entreprise, Kinotvortchestvo i teatr, 1924, n° 2, p. 10.  

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contemporains, Wengeroff se distinguait par une « rare capacité à soutenir et redonner de l’assurance à quiconque s’adressait à lui ». Son amitié et ses talents de communicateur, alliés à une énergie bouillonnante, une poigne dans les affaires et un don de persuasion attiraient les gens, qui voyaient en lui un leader et un organisateur hors du commun132. C’est visiblement grâce à ses qualités qu’à la fin de cette même année Wengeroff réussit à intéresser le magnat de l’industrie Hugo Stinnes à ses plans et à organiser avec son aide financière le consortium de cinéma WESTI. Au groupe se joignirent des industriels allemands, italiens, français, polonais, autrichiens, roumains, balkaniques, baltes et même chinois et japonais. Le slogan choisi comme devise de la nouvelle entreprise était : « Nous construisons une organisation mondiale ». Il convient cependant de noter que de nombreux participants-clefs de cette entreprise, formellement internationale, venaient du cinéma russe émigré à l’Ouest (Dimitri Charitonoff, Noé Bloch, Grigori Rabinovitch, Andréï Kerre, Zakh, Zagrodski et autres)133.

L’objectif principal de Wengeroff était la création du Syndicat Européen du Film, alternative continentale de production capable de résister à la domination du marché européen d’après-guerre par l’Amérique. L’un de ses objectifs visait à incorporer au projet des organismes cinématographiques soviétiques, pour la distribution des films européens en URSS et pour des co-productions où l’on tournerait sur place des films destinés au marché occidental. À la fin de 1923, des négociations tout à fait sérieuses furent menées à ce sujet entre le Goskino et Stinnes. Dans la foulée, fut                                                                                                                132  Ibid. Comparer également avec les souvenirs attribués à Wengeroff par le célèbre photographe français de cinéma et du business, Evguéni Reïs : Rejs E. Kojevnikov, Kto Vy ? (Qui êtes-vous ?), Moscou 2000, p. 11-12. NB : les rapports Kamenka-Wengeroff en revanche – en dépit de leur association en 1929 sur le Cagliostro de R. Oswald –, sont marqués par la méfiance. Voir un extrait de leur correspondance dans François Albera, Albatros, des Russes à Paris 1919-1929, op. cit., p. 159 (NdE).  133   « Une grande quantité de Russes – car, comme l’on sait, une écrasante majorité de travailleurs dans ce domaine, en commençant par les acteurs, les décorateurs, les réalisateurs, en terminant par les comptables ou tout genre d’ouvriers, étaient russes – aurait une bonne paye régulière. Et cela aussi avait une signification de grande importance. » (Anonyme [A. Morskoï ?]), « Cinématographie stinnesienne », Kinotvortchestvo, Paris 1925, n° 13, p. 20.  

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élaboré le projet germano-soviétique de « Société de cinéma de l’Est », qui aurait dû posséder, pour l’Europe, les droits exclusifs de tournage sur territoire russe.

Il ne fait pas de doute qu’en présence de telles possibilités d’organisation et de financement, l’œuvre de Wengeroff se serait réalisée, si la mort subite de Stinnes n’avait brusquement mis fin à l’entreprise en plein essor. Toutefois, la propagande imprimée du projet, déployée par son initiateur en parallèle avec ses efforts de mise en place, fit beaucoup de bruit dans la presse européenne et dans les cercles cinématographiques134. L’argumentation de Wengeroff était la suivante :

Je m’adresse en premier lieu aux directeurs et je leur

dis : concluez entre vous des alliances franco-anglaises, franco-italiennes, anglo-françaises, anglo-italiennes, franco-suédoises, anglo-suédoises autant que vous voudrez, mais unissez-vous ! […] Chaque film doit être fait de manière à convenir au monde entier, c’est-à-dire à pouvoir atteindre aussi l’Amérique. Les sommes qui doivent être dépensées pour un film sont telles, qu’un seul pays n’est pas en mesure de les assumer. […] Je m’adresse à la presse, aux écrivains, aux acteurs et aux réalisateurs et je leur dis : soutenez-nous dans notre entreprise européenne, faute de quoi la riche littérature européenne et ses trésors artistiques seront à peine utilisés ou à ce point accommodés au goût américain qu’ils deviendront méconnaissables. […] Enfin, je m’adresse à chacun en particulier et sans me mêler des questions politiques je leur dis : la guerre est finie, désormais il nous est indispensable de créer une union européenne sur le plan du travail, dans le domaine de l’art et du commerce…135

À la lumière de tels propos, ce qu’a raconté Abel

Gance à Kevin Brownlow sur sa rencontre quasi fortuite avec Wengeroff, sur l’intérêt tout aussi inopiné de Stinnes pour son projet cinématographique, se réduit au mieux à une anecdote, au pire à une rouerie

                                                                                                               134   Voir Kinotvortchestvo, 1924, n° 3, p. 69 (Anonyme [A. Morskoï ?]) Syndicat européen. Ibid., 1924, n° 6-7, p. 30-31.  135   V. Wengeroff, « Syndicat européen du film », Russkoje Ekho [l’Écho russe], Berlin, 1924, n°42, 12 octobre, p. 14 ; « Il ne faut pas tarder ! », Ekran, Berlin, 1924, n°1, p. 14.  

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délibérée du cinéaste136. En réalité, il était inévitable que les deux hommes se rencontrent et toute une série de motivations propres à chacun formaient la base de leur future collaboration. Pour Wengeroff, collaborer avec Gance signifiait avant tout la réalisation de sa thèse sur le regroupement du cinéma européen. D’autre part cette union revêtait également pour lui une signification commémorative particulière au cinéma russe : en 1924, en effet, dix ans s’étaient écoulés depuis la triple écranisation du roman de Tolstoï, Guerre et paix, réalisée en Russie à la fois – et concurremment – par Alexandre Taldykine, Alexandre Khanjonkov et Paul Thiemann. C’est pourquoi Wengeroff ne pouvait pas ne pas s’intéresser au projet de Gance, proche de cette œuvre littéraire par son sujet et qui, de surcroît, offrait à ses compatriotes l’occasion de participer largement à sa création. On peut penser que le consentement de Stinnes à financer cette production cinématographique coûteuse avait avant tout une signification politique : il s’agissait d’en faire un geste symbolique de réconciliation entre l’Allemagne et la France.

On peut supposer que le réalisateur prit en compte les motivations intimes de ses partenaires et que cela facilita une prise de décision « non-patriotique » sur le soutien financier allemand d’une telle production.

Après la faillite de WESTI, Wengeroff poursuivit ses activités de producteur, constituant, à Berlin, la compagnie Wengeroff-Film et travaillant en parallèle à Paris par l’intermédiaire de ses associés Charitonoff et Simon Schiffrin137. Après l’arrivée au pouvoir des nazis, il gagna définitivement Paris, où il vécut de nombreuses années à l’Hôtel Claridge, survivant à l’Occupation allemande. Dans les dernières années de sa vie, il était connu de ses compatriotes comme un mécène généreux et un bienfaiteur138, mais c’est là le sujet d’une autre recherche.

                                                                                                               136  K. Brownlow, The Parade’s gone By…, Berkeley-Los Angeles 1969, p. 547-548.  137  Autre transfuge d’Albatros (NdE).  138  Sovietskij patriot (le Patriote soviétique), Paris, 27 juin 1947, p. 2.  

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Nikolas Koline Chacun sait que Nikolas Koline (1888-1973) joue

dans Napoléon le rôle de Tristan Fleury, mais il y a une préhistoire à sa participation au film.

Il semble que son principal complice et intermédiaire dans les négociations avec le réalisateur fut Alexandre Kouprine dont il a déjà été question. Comme Koline rencontrait de sérieuses difficultés avec la langue française, d’après le témoignage de la fille de l’écrivain, « ils sont allés ensemble trouver Abel Gance pour les négociations »139. Cette visite eut lieu à l’automne 1923, au moment du tournage du Kean d’Alexandre Volkoff où Koline jouait le rôle important du partenaire de Mosjoukine. L’acteur mentionne cette visite à Kouprine dans la lettre non datée (sûrement début janvier 1924) ci-dessous :

Alexandre Ivanovitch, Une fois j’ai été un impertinent sans borne, quand je

vous ai entraîné chez A. Gance en qualité de traducteur. Par votre bonté sans limite, vous avez accédé à ma demande de manière brillante. Hélas, je suis à nouveau impertinent, et toujours pour la même raison. Nous sommes à la Riviera et nous ne savons quels ont été les pourparlers de Gance avec Albatros et de manière générale, quelle sera ma destinée.

Peut-être la direction a-t-elle refusé catégorique-ment ? Peut-être Gance m’a-t-il écrit, et sa lettre m’attend-elle à mon appartement parisien ? Peut-être faut-il prendre une décision depuis longtemps et de son côté, ne recevant aucun signe de ma part, il peut se ficher de moi.

Je vous supplie de lui écrire un petit mot en français, qu’à ce qu’il dit, Nikolas Fiodorovitch Koline, qui se repose à M[onte] Carlo […] après le [tournage du] film, s’intéresse beaucoup aux résultats de vos négociations avec Albatros et demande de vous rappeler que le dernier mot sera le mien et non celui de la direction, après mon arrivée à Paris entre le 10 et 15 janvier. Je lui aurais écrit moi-même, d’autant plus que son domestique est russe, mais j’ai oublié son adresse. Vous ne vous en rappelez pas ? Avenue Kleber, 16 ? 52 ? 27 ? Vous la trouverez dans le bottin de téléphone.

Pour moi, cette question est désormais de grande

                                                                                                               139  K. Kouprine, Kouprine – mon père, Moscou, 1979, p. 136.  

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importance, car à la fabrique140, Bloch est à couteaux tirés avec Kamenka141 et l’affaire risque de partir en poussière. Vu komprene ?142 Faites donc s’il vous plaît cela pour moi, Al[exandre] Iv[anovitch] et excusez-moi, fils de chienne que je suis.

Koline […]143 Visiblement, la médiation de Kouprine se montra

efficace, et bientôt Koline fut invité à rejoindre l’équipe de tournage de Napoléon, ce dont l’écrivain rendit compte avec satisfaction dans le même Journal russe :

Ce n’est désormais plus un secret : N. F. Koline, notre

acteur préféré, remarquable, a signé un contrat avec Abel Gance. Pour deux ans. Il s’agit d’une gigantesque pièce cinématographique (6 épisodes), embrassant toute la vie de Napoléon, des bancs d’école à l’Ile de [Sainte] Hélène. Ici, il s’agira plutôt pour Koline d’un second rôle, un rôle accompagnateur. Mais à l’intérieur de celui-ci, le talentueux acteur a réussi à placer la juste admiration pour la personne du petit caporal et la juste simplicité de relations qu’on ne peut qu’imaginer, avec l’Empereur, génial par le caprice du hasard.

Ce qui est également remarquable, c’est que ce n’est pas Koline qui a cherché Abel Gance, mais le contraire, ce qui fait grand honneur au goût et à l’intuition du magicien moderne de la « création cinématographique ». Abel Gance a poussé sa gentillesse amicale et affectueuse jusqu’à laisser à Koline quelques mois pour les tournages dans la firme précédente. […] déjà avant Abel Gance, Koline était devenu le favori du public ouvrier ordinaire, sans prétention mais bourru : « Attention ! C’est Koline ! Bravo Koline ! » Suivaient pleurs et applaudissements.

Deux qualités se côtoient chez Koline : un grand jeu (je dirais sublime) présenté avec une inhabituelle simplicité. Il est à la portée de tous. Toutefois, ces deux qualités de Koline ne sont pas exhaustives : il a tout une réserve de moyens et il ne cesse d’apprendre.

En effet. Le chemin s’est désormais largement ouvert

                                                                                                               140  Terme russe pour « studio » (NdT)  141  N. Bloch, M. Hache et A. Kamenka avaient racheté ensemble les parts d’Ermolieff au studio de Montreuil au départ de ce dernier pour fonder Albatros en août 1922, mais la place prise par la famille Kamenka parmi les actionnaires était prédominante. (Voir Fr. Albera, op. cit. [NdE]).  142  En français (sic) dans le texte (NdT).  143   RGALI, 240/2/32/1 (Rossijskij Gosudarstvennyj arxiv literatury i iskusstva) [Archives d’État russe pour la littérature et l’art].  

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devant Koline. Il ne fait pas de doute qu’il le traversera dignement et avec succès. Mais quel dommage que le cinéma actuel, peu perfectionné, puisse nous ravir – et pour toujours – un remarquable acteur. […] Mais il n’y a pas ici de place pour la jalousie. Grâce à une conquête culturelle russe de plus…144

Marc Aldanoff Au nombre des participants « perdus » dans la mise

en scène de Napoléon, il convient de nommer l’auteur de romans historiques, le dramaturge et publiciste Marc Aldanoff (1885-1957), dont l’œuvre a joui d’une grande popularité, non seulement parmi les Russes de l’étranger mais aussi du lecteur occidental. L’activité cinématographique de cet auteur est restée pratiquement inconnue à l’exception d’un document. Le 21 juin 1924, Aldanoff écrivait à l’homme de lettres Victor Iretsky, qui vivait à Berlin :

Cher Victor Iakovlevitch, la société de cinéma Ciné-France (Bloch, Lunz,

Charitonoff) m’a invité comme « consultant littéraire ». Cela signifie que je dois :���1) leur indiquer les nouveaux et anciens romans dont ils pourraient tirer un scénario.���2) leur donner mon point de vue sur des scénarios originaux.���Ne voulez-vous pas proposer quelque chose à la Société ? […] Vous êtes l’un des rares écrivains russes à avoir de la fantaisie et des sujets et qui pourriez écrire un scénario très intéressant. L’inconvénient consiste dans le fait qu’en cas de refus (et le refus, malheureusement, dépend seulement de la direction de la Société et non du consultant), l’auteur en est pour sa peine. Dans le cas contraire, ils paient bien.���Pourquoi ne m’enverriez-vous pas sur 4-5 pages le résumé de votre scénario ou au moins de votre sujet ? Je serais très content de le présenter à la Société. […] Dans l’attente de votre prompte réponse je vous envoie mes salutations cordiales.

Votre dévoué

                                                                                                               144  Ali-Khan [A. Kouprine], Pamjatnaja Knijka/Russkaja gazeta, 3 juin 1924, p. 3. Ce n’est qu’à la fin de l’année qu’une autre publication russe – Illustrirovannaja Rossija – annonça la participation de Koline à l’équipe de tournage d’Abel Gance (1924, n°9, p. 20). NB : Koline, formé au Théâtre d’Art de Stanislavsky, était venu en France avec la troupe de la « Chauve souris » de Nikita Ballieff ; ses succès au cinéma « l’arrachèrent » de la sorte au théâtre… (NdE).  

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M. Landau-Aldanoff145 Dans les cercles littéraires et artistiques français et

des émigrés russes, l’écrivain possédait une réputation méritée de grand connaisseur de la Révolution française et, à en juger par quelques renseignements indirects, il semble avoir été le principal consultant historique des réalisateurs au moment de la préparation du scénario de Napoléon. La collaboration entre Aldanoff et Volkoff eut une suite dans le Casanova146 et l’écrivain écrivit le scénario d’un Alexandre Ier, d’après Guerre et paix, que Volkoff s’apprêtait à réaliser pour les studios UFA à Berlin147.

Alexandre Volkoff L’acteur et réalisateur Alexandre Alexandrovitch

Volkov (1881-1942) passe à juste titre pour l’une des figures de proue de l’histoire de la cinématographie russe en exil. Descendant lointain du célèbre auteur de tragédies Fiodor Volkov, il étudie la peinture et la musique et fait ses premiers essais de baryton et d’acteur dramatique quand éclate la guerre russo-japonaise à laquelle il prend part. En 1906, il lie sa vie au cinéma, d’abord comme collaborateur technique au sein de la succursale Pathé à Moscou148. Ayant acquis une maîtrise professionnelle élargie, Volkov est engagé par Paul Thiemann pour diriger ses studios à Tiflis. Il est scénariste et acteur, et double en particulier le populaire acteur danois Voldemar Psilander (dans la distribution russe : Garrison) dans les finals tragiques de ses films, adaptés spécialement pour la distribution en Russie. Il supervise en outre plusieurs metteurs en scène149. Il passe lui-même à la réalisation en 1911 avec le Prisonnier du Caucase et devient dès lors un                                                                                                                145   RGALI, 2 227/1/156/6. Voir R. Ianguirov, « Le cinéma historique de Mark Aldanov », Iskusstvo kino, 2000, n° 4.  146  Vozrojdenie (Renaissance), Paris, 5 juin 1926, p. 4 ; Novoje russkoje slovo (la Parole russe nouvelle), New York, 17 août 1926, p. 3.  147  Rul’, 8 octobre 1927, p. 4.  148  Dont le représentant français est Maurice Hache qui participera après la Révolution à Ermolieff-Cinéma et Albatros (NdE).  149  C’est lui qui aurait confié à Meyerhold le tournage du Portrait de Dorian Gray (NdE).  

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maître de l’écran réputé. Grièvement blessé lors de la Première Guerre mondiale, il est réformé et, à son retour, est engagé par la Société de Iosif Ermoliev150. Après la victoire des bolcheviques, il gagne la Crimée avec l’ensemble de la troupe Ermoliev qui émigre à Constantinople en février 1920, puis se rend à Marseille et Paris-Montreuil. Volkoff se hisse alors rapidement au rang des réalisateurs populaires du cinéma français151.

Bien que le fait ne soit pas apprécié à sa juste valeur par les historiens, il importe de reconnaître le rôle qu’il a joué dans la réalisation de Napoléon, en particulier lors de la première étape de sa production152. Volkoff, qui avait quitté Albatros pour venir auprès d’Abel Gance, comptait jouer un rôle de premier plan dans cette nouvelle réalisation cinématographique153. Mais, comme on va le voir, ses espoirs furent déçus.

En décembre 1926, le réalisateur se tourne vers l’avocat Manouil Margouliès (1868-1935), célèbre et influent juriste, personnalité publique du Paris russe, afin de régulariser ses relations financières avec la direction de Ciné-France-Film, laissées en suspens après son départ de l’équipe de tournage d’Abel Gance. Au nombre des documents transmis par le réalisateur à Margouliès figurait un descriptif détaillé de son travail

                                                                                                               150  Il réalise plusieurs comédies et drames et collabore au scénario de Satan triomphant de Protazanov (NdE). Dans le Journal russe, Volkoff publie une lettre précisant sa participation au tournage du Père Serge : « J’ai effectivement dirigé quelques scènes de ce film, mais l’essentiel du travail de mise en scène a été le fait de Protazanov, à qui revient l’honneur de la création de ce remarquable film » (27 juillet 1924, p. 3).  151   Sur la place d’A. Volkoff dans le cinéma français pendant sa période Ermolieff-Albatros, le départ de N. Bloch d’Albatros, etc., voir Fr. Albera, op. cit. Il existe une biographie « autorisée » de Volkoff parue dans Cinémagazine n°30, 29 juillet 1927, p. 201-204, signée Jack Conrad [Jean Arroy] dont Volkoff conservait plusieurs exemplaires dactylographiés dans ses archives (fonds Volkoff, Cinémathèque française-BiFi) (NdE).  152  K. Brownlow, qui a reconstitué en détail l’histoire de la création du film, se borne à en faire l’assistant du réalisateur (Abel Gance’s Classic Film, New York 1983, p. 256). NB : Lenny Borger et Catherine Morel avaient mieux apprécié son apport et celui des Russes en général dans leur étude « L’angoissante aventure. L’apport russe de l’entre-deux guerres », Positif n° 323, janvier 1988 (NdE).  153  Interview avec A. Volkoff, voir Kinotvortchestvo, 1924, n° 6-7, p. 21 et p. 30.  

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sur Napoléon154 :

À partir du mois de mai 1920 et jusqu’à juin 1924 j’ai travaillé à la maison de production de cinéma Société Ermolieff-Cinéma, réorganisée par la suite en S[ocié]té Albatros.���

Pendant cette période, j’ai joué dans le 12e film à épisodes la Pocharde et mis en scène les films suivants : la Maison du mystère en 6 épisodes, Kean et les Ombres qui passent.155���

Tous ces films connurent un grand succès artistique.��� Dans les premiers jours d’avril 1924, M. Bloch, ancien

directeur de la Société Albatros qui était passé un mois auparavant aux sociétés nouvellement créées Films Abel Gance et Ciné-France-Film, est entré, comme administrateur de la Société Abel Gance, en pourparlers avec moi au sujet de mon passage à la société susmentionnée en qualité, d’une part, de « metteur en scène adjoint »156 dans la réalisation d’Abel Gance du film Napoléon, et de l’autre en tant que metteur en scène157 pour la réalisation parallèle au Napoléon de films totalement indépendants pour cette même société. J’ai accepté la proposition aux conditions suivantes : je recevrai 6 000 F de rétribution par mois et en plus de cela 20 000 F par année garantis pour les films auxquels je prendrai part à la réalisation. Le contrat aurait dû être signé pour deux ans.���

Je sais que toute l’administration a été mise au courant de mes conditions et, me semble-t-il, que M. Bloch a même écrit à Berlin à ce sujet, car je me souviens qu’il m’avait montré une lettre de Berlin où on lui confirmait le consentement aux conditions mentionnées.���

Sans attendre l’élaboration et la signature du contrat, j’ai commencé le travail. Après quelque temps, le secrétaire de la Société, M. Lunz, m’a présenté un projet de contrat, que je lui ai rendu après vérification,

                                                                                                               154  Tous les documents cités ci-dessous proviennent des Archives d’État de la Fédération de Russie (Gosudarstvennyj arkhiv Rossiskoj Federatsii), GARF, 6 270/1/154. NB : Dans la lettre ci-dessous, les mots soulignés par Volkoff apparaîtront en italiques (NdE).  155   La Pocharde, film d’aventures en séries, réal. : Henri Etievant, prod. : Ermorlieff-Cinéma, sortie juin 1922 ; La Maison du mystère : film d’aventure en séries, réal. : A. Volkoff, scén. : A. Volkoff et Ivan Mosjoukine d’après le roman de Jules Mary. Prod. Ermolieff-Cinéma-Albatros, sortie mars 1923 ; Kean, drame, réal. : A. Volkoff, prod. : Albatros, sortie février 1924 ; les Ombres qui passent, film d’aventures en série, réal. : A. Volkoff, prod. : Albatros, sortie août 1924. Sur tous ces films (génériques, documentation, commentaires), voir Fr. Albera, op. cit. (NdE).  156  En français dans le texte (NdT).  157  En français dans le texte (NdT).  

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demandant de faire les corrections et ajouts nécessaires et de remettre ensuite le contrat à l’administration et à moi-même afin d’être signé. Ce n’est pas ma signature qui importait dans ces contrats mais celles des deux administrateurs de la Société, M. Bloch et M. de Bersancourt, puisque le contrat était important pour moi avant tout. En changeant d’entreprise, je voulais m’assurer et me protéger de tout désagrément éventuel. Jusqu’à maintenant, je n’ai toujours pas vu ce contrat, on ne m’a pas demandé de le signer. Je l’ai rappelé quelques fois aussi bien à M. Bloch qu’à M. Lunz, qui m’ont tous deux fait des promesses qui n’ont pas été au-delà.���

Ayant toujours fait confiance aux gens sur parole et ayant travaillé toute ma vie sans contrat, je n’avais pas de raison de douter de l’honnêteté des gens, c’est pourquoi je n’ai pas jugé bon d’insister ni d’exiger ce contrat. Je me souviens parfaitement de la fois où M. Ermolieff, apprenant que mon contrat n’avait pas été signé, le reprocha à M. Bloch, lui rappelant qu’on ne savait pas ce qui pouvait lui arriver, ni qui alors répondrait de moi. M. Bloch déclara alors à M. Ermolieff que ce n’était pas à lui de se soucier de cela, que M. Volkoff savait à qui il avait affaire et que c’est pourquoi il n’avait pas à craindre que ses droits ne soient pas respectés, même si le contrat n’était pas signé. Lorsque qu’advint la faillite de Stinnes, je me suis rappelé mon contrat non signé et m’en suis inquiété. Mais en voyant combien la direction devait faire face à des problèmes généraux, j’ai décidé de ne pas la déranger en un tel moment avec mon affaire personnelle. J’étais convaincu que cette administration était fiable et qu’au moment de présenter les comptes à la commission de liquidation, on ne laisserait pas passer une telle négligence, celle d’un contrat non signé.���

Il ne se passa que peu de temps avant que les nuées du tourbillon destructif ne se condensent encore plus et menacent l’affaire, et je décidai de faire part de mes désagréments à M. Abel Gance.���

Ce dernier s’empressa de me rassurer, me tranquillisant que je ne devais pas me faire du mauvais sang, puisqu’il répondrait de l’exécution de mon contrat, bien qu’il ne fût pas régularisé. Faisant une confiance totale à la parole d’Abel Gance, je n’ai jamais jusqu’ici soulevé cette question. ���Quelle ne fut pas ma surprise dès lors quand je reçus

une lettre officielle datée du 29 août de cette année signée de MM. Abel Gance et de Bersancourt, m’avertissant de l’échéance de mon engagement par la société pour le 30 septembre. Mon embarras et mon trouble le plus complet furent tout à fait naturels. J’ai compris que ni les représentants de l’administration, ni M. Bersancourt, ni M.

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Gance ne prenaient en considération mes conditions. Ressentir cela et en prendre conscience fut trop pénible pour moi. Je ne pouvais nullement me résigner à cette injustice et c’est pourquoi j’ai décidé de répondre à ces gens en leur écrivant mes conditions. Il en a résulté une correspondance sans résultat avec M. Gance. On peut l’examiner, elle n’est pas dénuée d’intérêt. Je n’ai pas non plus compris le comportement de MM. Bloch et Lunz, qui ne firent que hausser les épaules à mes questions sur ce qui se passait, souriant mystérieusement sans rien pouvoir me dire d’essentiel. M. Bloch m’a tranquillisé, prétendant que tout cela n’avait pas d’importance, qu’au pire des cas il serait prêt à témoigner avec Lunz de l’existence de mes conditions, qu’il serait même prêt à présenter le contrat, qui alors était encore signé sur papier timbré, que je n’avais pas à m’inquiéter, etc. Ainsi, rempli d’espoir sur la réalisation légale et équitable de mes conditions, j’ai continué à vivre jusqu’à ces tous derniers jours. ���En ce qui concerne mon compte : du 15 juillet 1924 au

16 juillet 1925, j’ai touché tout ce qu’on me devait. Pour le 31 juillet de cette année, je n’ai reçu que 1 500F, c’est-à-dire la moitié de la somme afférente. ���Jusqu’au 15 juillet 1925, on doit encore me verser

environ 6 300F (je ne me souviens plus exactement), rétribution pour les films de la première année (c’est-à-dire sur la somme de 20 000F). Cela s’est passé de la manière suivante. J’ai reçu la première moitié de cette somme, c’est-à-dire 10 000F déjà fin juillet 1924. Je voulais recevoir les 10 000F restants avant mon départ pour la Corse, au début du mois d’avril, car je devais payer mes impôts. M. Bloch, qui ne disposait pas alors d’une telle somme, me proposa de lui laisser ma déclaration de redevances, me promettant de les payer avant mon départ et pour le reste de la somme (6 300 sur les 10 000F), de le déposer sur mon compte en banque. J’ai accepté et suis parti tranquille en Corse.���

Quel ne fut pas mon étonnement quand à mon retour de Corse au début du mois de juin, j’ai appris que ma redevance de 3 700 avait été payée par M. Bloch, mais qu’il avait oublié de verser les 6 300F sur mon compte.���

Avant que je ne parvienne à recevoir cette somme, la commission de liquidation des affaires de Stinnes se présenta de Berlin et toute possibilité pour moi de recevoir cet argent disparut. Ainsi, le sort de cette somme reste toujours en suspend et non par ma faute il me semble ! Pourquoi dois-je donc en souffrir les conséquences ?[…]���

En ce qui concerne mon rapport au film Napoléon, je dois dire la chose suivante :���

Bien que d’après les conditions je m’étais imaginées, étant entièrement mis au courant de la réalisation du film

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Napoléon, que je pourrais en même temps me consacrer à des mises en scène indépendantes, il m’est apparu, confronté à la réalité, qu’il était absolument impossible de mener de front ces deux activités, c’est-à-dire concrètement de réaliser ce que j’avais prévu. Ainsi, cherchant à satisfaire aussi bien l’administration qu’Abel Gance lui-même, j’ai décidé de me retirer de mes propres réalisations en sacrifiant de fait mes propres intérêts artistiques et de me consacrer entièrement au travail sur le film Napoléon.���

Cette réalisation avait beaucoup d’ennemis, aussi bien intérieurs qu’extérieurs, et je dois dire que j’ai dépensé beaucoup de force et d’énergie, de sang et mes nerfs à la défense de ce grandiose projet artistique. Je croyais profondément à son importante signification artistique. Plus d’une fois, l’administration perdit sa bonne humeur, perdit patience, courage ; suivirent les doutes, les incertitudes, les hésitations. Plus d’une fois, l’existence même du film fut menacée, et chaque fois je me suis empressé d’apporter réconfort à l’humeur vacillante du conseil d’administration, je me suis dépêché de venir à la rescousse du film et M. Bloch, M. Abel Gance et, je pense, même M. de Bersancourt ne refuseront pas de le confirmer.���

Comme exemple concret le prouvant, je peux citer l’exposé que j’ai rédigé à la demande de M. Becker pour défendre la réalisation de Napoléon devant la direction berlinoise [WESTI] au moment où il était le plus menacé. J’inclus ci-joint une copie de l’exposé susnommé, car j’estime qu’il caractérise remarquablement bien mon attitude à l’égard du film en général et envers M. Abel Gance, son créateur, en particulier.���

Est-il possible qu’après tout cela on puisse accepter les conditions qui m’ont été présentées au moment de la liquidation comme équitables !

Alexandre Volkoff

Outre les descriptions de ses griefs envers la

compagnie, le réalisateur transmet au juriste ses échanges épistolaires avec la direction de la Société des Films Abel Gance, où fut décidé son licenciement inattendu de l’équipe de tournage.

La première de ces lettres, datée du 29 août 1925, est une circulaire officielle (en français) notifiant la décision de mettre fin à l’engagement du réalisateur :

Vous saviez déjà que la défaillance de la Société

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WESTI (Consortium Stinnes) a compromis injustement la continuation de nos travaux.

Nous sommes donc dans l’obligation actuelle, malgré le ferme espoir que nous avons d’une reprise d’activité, de nous priver de vos services, sauf à vous rappeler le plus tôt possible dans la mesure où les circonstances le permettront.

Veuillez donc bien considérer la présente lettre comme un congé sur préavis à la date du 30 septembre prochain.

Pour le réglement des sommes qui pourraient vous rester dues ou des appointements encore à courir, la Gérance, croyez-le, adoptera les conditions les plus libérales dans les difficultés qu’elle traverse, et elle est persuadée que dans l’esprit de collaboration qui vous unissait à elle vous ne verrez aucun inconvénient à les accepter.

Veuillez agréer, Monsieur, nos sincères salutations. La Gérance du Film Napoléon de Bersaucourt, Abel

Gance. Le 4 septembre, Volkoff répond – en français – à

son ancien employeur :

Monsieur Abel Gance��� 8, Rue de Richelieu��� PARIS Monsieur,��� Je viens de recevoir une lettre datée du 29 août signée

par vous comme un des gérants de la Gérance du Film Napoléon, me donnant congé. N’ayant jamais eu à faire avec la gérance susnommée, dont l’existence m’a été pour la première fois révélée par la lettre du 29 août, n’ayant donc à recevoir d’elle aucune signification ni de congé ni de quoi que ce soit en géneral, je considère cette lettre comme resultat d’un malentendu aussi malveillant qu’injustifié. Je suis au service de la Société des Films Abel Gance avec laquelle j’ai passé, comme vous le savez fort bien, un contrat en la personne de M. Bloch – un de ses directeurs : le contrat qui a été observé pendant un an par la société et dont l’écheance n’aura lieu que dans un an.

Je considère donc la lettre de la Gérance du Film Napoléon comme ne me concernant pas.

Veuillez agréer mes salutations distinguées. Alexandre Volkoff

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Le 7 septembre, le réalisateur reçoit une lettre plus catégorique de la direction de production :

à Monsieur A. Volkoff ���Hôtel Raguenaud��� 6, Rue des Petits Champs ��� PARIS Mon Cher Ami,���Je ne comprends pas du tout votre

réponse. Je vous avais prévenu de cette sorte de circulaire et vous n’auriez pas dû vous en formaliser car elle n’est que le résultat automatique d’une situation difficile.���Je pars à Venise ce soir et vous verrai à mon retour. J’espère réussir.

Croyez, mon Cher ami, à mes sentiments les plus cordiaux.

Abel Gance

Mais cette lettre ne convainquit pas Volkoff du fait

qu’on n’avait plus besoin de ses services. Le 10 septembre, il s’adresse à nouveau (en français) à Gance avec émotion :

Monsieur Abel Gance��� 27, Avenue Kleber��� PARIS Cher Monsieur Gance,��� Je ne peux pas vous cacher que la réception de la lettre

circulaire du 29 août signée par vous m’avait bien et sensiblement frappé.���Je n’étais point étonné d’y trouver la signature de M. de Bersaucourt, mais j’étais infiniment étonné, je le répète d’y trouver votre signature – la signature d’Abel Gance.

Abel Gance que je connais pour un homme d’une haute et fine culture, un artiste extraordinaire dont le nom est connu dans tout l’univers.

Abel Gance qui savait très bien que je suis engagé pour deux ans et que dû à la négligence de l’administration on ne m’avait pas encore donné à signer mon contrat et moi, je ne disais rien, ne voulant pas être indélicat.

Abel Gance qui après la faillite du consortium Stinnes m’avait rassuré au sujet de mon contrat qui restait toujours non signé et me confirmait qu’il répond de l’exécution de toutes mes conditions.

Abel Gance qui devrait mieux que tous les autres connaître mon dévouement sincère au film Napoléon. C’est donc à sa demande, en vue de la collaboration étroite avec vous, en vue des intérêts communs que j’avais cédé à

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mes propres intérêts artistiques, avais renoncé à mes mises en scène personnelles, m’ayant donné complètement au Napoléon.

Abel Gance, enfin, qui me connaît comme un metteur en scène avec un certain nom qui avait une bonne situation dans la Société Albatros et qui ne l’aurait jamais quittée pour rien sans contrat.

On ne peut donc pas me classer au même rang avec Mrs Komerovsky et M. René en me prévenant d’un mois d’avance de mon congé !

C’est à cause de tout cela que j’étais bien sensiblement et douloureusement frappé ayant aperçu votre signature sur cette lettre du 29 août, qui est vraiment indigne.

[…] Vous avez tort, cher monsieur Gance, de m’en vouloir pour ma réponse en disant que je m’en formalise. – À votre lettre circulaire j’étais obligé de vous adresser une réponse officielle.

Vous voyez bien que je ne cherche pas à formaliser nos relations et la meilleure des preuves – c’est le cas avec mon contrat.

Ayant pleine confiance en vos efforts, j’attendrai avec impatience votre retour triomphal et dans cette attente

Agréez, cher Monsieur Gance, l’assurance de mes plus cordiaux sentiments.

Alexandre Volkoff

C’est le directeur administratif de la compagnie,

Émile Karmann, qui poursuit ensuite la correspondance, le 5 novembre, dans les termes les plus durs :

Monsieur, ��� D’après les renseignements que j’ai pu recueillir, le

scénario Charlotte Corday par Lenôtre, qui fait partie de l’actif de la Société FILMS ABEL GANCE, vous aurait été remis pour examen et n’aurait pas été retourné à la Société.

D’autre part, il vous a été remis un exemplaire de chacun des deux premiers découpages du film Napoléon.

Je vous serais, en conséquence, obligé de bien vouloir me faire parvenir de toute urgence ces différents scénarios.

Avec mes remerciements, veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Émile Karmann, ��� Administrateur de Sociétés.

La dernière lettre de cette correspondance, est datée

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du 10 novembre :

Monsieur,��� En réponse à votre lettre du 8 novembre 1925, je vous

prie de bien vouloir passer jeudi matin de 9 h 1/2 à 11h, 6 Rue de Richelieu au siège de la liquidation.

Vous voudrez bien vous munir de toutes vos pièces afin de m’expliquer votre affaire dont je ne suis pas au courant.

[…] Je vous rappelle, puisque vous paraissez l’ignorer, que la Société des Films Abel Gance est en liquidation et que cette liquidation a été publiée conformément à la loi. Ci-joint le journal d’annonces légales158.

Recevez, Monsieur, mes sincères salutations. Émile Karmann ���Administrateur de Sociétés.

Cependant il convient de distinguer cette

controverse entre employé et employeur de l’appréciation artistique qu’a donnée Volkoff du travail d’Abel Gance sur Napoléon. C’est peut-être l’un des documents le plus important de ce fonds d’archives. Il a été écrit – en français – expressément pour la direction berlinoise de WESTI en 1925, au moment où des doutes surgissent quant à la capacité du réalisateur de mener à bien la réalisation du film alors en cours.

En voici l’intégralité :

AVIS de Monsieur Volkoff sur le film Napoléon. Avant d’émettre mon opinion sur le travail de Monsieur

Gance pour le film Napoléon, je voudrais rappeler ce qui précédait ce film. ���

Il faut dire exactement que depuis la Roue, on n’avait pas cessé de raconter sur Gance des histoires tout à fait invraisemblables qui devaient discréditer sa faculté de travail et sa valeur commerciale. Oubliant tout ce que Gance avait fait dans ce film, tant au point de vue de la réalisation qu’au point de vue technique, tous ses ennemis et même ses amis criaient qu’il est inadmissible de travailler pendant une si longue période pour un film, qu’il est inadmissible de dépenser tant d’argent, que c’est un

                                                                                                               158  Voir l’annonce du directeur administratif de la Compagnie Pierre-Victor-Émile Karmann du 30 octobre 1925 sur la liquidation de la Société des Films Abel Gance, Société Anonyme au capital de 200 000F : les Annonces parisiennes. Journal Officiel d’Annonces Judiciaires et Légales, lundi, 2 novembre 1925, n° 133, p. 5022.  

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crime, qu’on ne doit pas laisser Monsieur Gance s’occuper d’un film, que c’est un bluffeur etc, etc. Malheureusement toutes ces médisances devaient produire leur effet et avaient des conséquences funestes pour Gance. On ne croyait plus en lui comme en un travailleur sérieux ; je dois avouer que moi aussi je manquais de confiance.���

Survint un miracle ! On trouve des capitalistes qui ont donné les fonds nécessaires et qui ont confié le film Napoléon à Abel Gance ; je jubilais, d’une part, et d’autre, je dois avouer que je n’avais pas la foi nécessaire en Gance. Je ne croyais pas que ce travail grandiose serait accompli. Mais un beau jour j’ai dû m’associer à ce travail et c’est avec une grande appréhension que je l’ai commencé. J’ai été envahi par les mêmes sentiments de peur et de scepticisme. ���

Peu de temps après, en m’associant pleinement au travail j’ai compris que toutes nos craintes, toute notre appréhension à ce sujet, en ce qui concerne Gance, n’étaient pas fondées. Apres avoir travaillé étroitement, 5 mois, avec Gance je peux affirmer ce qui suit :���

Gance possède une puissance de travail énorme ; il est tellement exigeant pour lui que ses collaborateurs sont, à son contact, entraînés dans une besogne souvent au-dessus des forces normales. Il a continuellement le désir de faire mieux et plus, il cherche toujours une nouveauté cinémographique, il combine toujours de nouvelles méthodes techniques. Il s’efforce toujours d’aller plus loin et, ayant une connaissance parfaite de la technique, il ne perd pas son temps pour appliquer des principes déjà éprouvés. Il ne s’obstine pas dans les répétitions avec ses artistes, il n’y perd pas son temps. Mais on a un peu raison quand on l’accuse de travailler lentement. ���

En préparant le scénario de Napoléon et en collationnant la correspondance de Gance je fus étonné par le nombre important de questions techniques qui l’intéressait, par le nombre colossal de demandes de matériel technique pour l’éclairage, objectifs, appareils, caches, etc.

Tout ce qui apparaît à Gance comme une nouvelle possibilité technique est transmis immédiatement par lui au laboratoire. Ses forces créatrices recherchant constamment une méthode technique et c’est pour cette raison qu’il lui faut beaucoup de temps, mais c’est là qu’est le progrès dont dépend l’avenir de la cinématographie. ���

Le travail déjà fait par Gance pour la première partie de Napoléon peut servir comme exemple ; on n’a fait jusqu’à présent que la moitié du film – le prologue et les extérieurs des scènes de Corse et l’on voit déjà que Gance a trouvé la solution d’un nombre de questions techniques

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extrêmement difficiles. Je citerai comme exemple la persécution de Bonaparte par les gendarmes ; il a fait là un tableau extrêmement dramatique. L’appareil, dans cette scène ne restait pas sur place comme on le faisait jusqu’à présent ; l’appareil parfois fixé sur la selle d’un cheval suivait le rythme de la chasse du cavalier, parfois il était en mains d’un opérateur à cheval parmi d’autres cavaliers, qui prenait les meilleurs moments de la chevauchée. Souvent l’appareil était fixé sur une auto qui filait vite, étant poursuivie par les cavaliers ; mais il arrivait aussi que l’appareil se balançait sur un fil placé au-dessus des cavaliers et fixait leur attitude d’en-haut.���

Dans les scènes de Brienne (le combat de boules de neige) l’appareil jouait souvent le rôle d’un ennemi de Napoléon. Il était fixé sur la poitrine de l’opérateur ou était posé sur un petit traîneau et attaquait les ennemis en recevant à la figure (c’est-à-dire dans l’objectif) des boules de neige ou il reculait devant des ennemis. Un autre exemple : la bataille des écoliers dans le dortoir de l’école de Brienne ou certaines scènes ont été prises avec 6 surimpressions ; on avait pris sur la même pellicule 6 différents moments de la bataille. ���

De cette manière on détruit la rampe qui est entre les spectateurs et la scène ; le spectateur participe à l’action.���

D’après ces exemples, on peut voir combien sont difficiles et compliquées ces nouvelles méthodes et combien de temps il faut pour les appliquer. C’est à ce travail qu’il faut attribuer la lenteur que l’on reproche à Gance. ���Il est évident que seul un connaisseur de la

cinématographie peut apprécier ces procédés ; ceux qui ne savent que peu de choses de l’art cinématographique, ceux qui ne comprennent pas ce que c’est que le montage, ne peuvent pas juger d’une façon adéquate le matériel accumulé.���

Il est naturel qu’une scène de la cavalcade ou de la bataille des écoliers prise par 5 ou 6 appareils serait fastidieuse pour celui qui serait obligé de la visionner ; cette scène ne donnerait pas le résultat attendu.���

À cette occasion, je dois me rappeler la façon dont, en son temps, la direction de l’Albatros envisageait mes multiples prises de vues de jambes dansantes et des accessoires de la scène de danse de Kean dans la taverne. J’ai très bien senti le sentiment de suspicion et même d’inimitié dont j’étais entouré à ce moment et ce n’est qu’après avoir vu ces séquences, montées complètement, qu’on a compris que c’était une des meilleures scènes de

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Kean.159��� Je répète que ce n’est qu’un connaisseur qui peut se

rendre compte du travail qu’accomplit Gance. Il est à ajouter que le scénario n’est pas une loi pour lui qu’il estime nécessaire d’exécuter littéralement, ce n’est qu’un schéma, qu’un croquis et c’est pour cette raison qu’on ne peut pas mesurer son travail comme on le fait avec les autres metteurs en scène, par le nombre de scènes prises, par le nombre de mètres de négatif, par l’exactitude du service.���

Gance peut avoir à tout instant une nouvelle idée créatrice et il essaie de la réaliser immédiatement dans son travail et son œuvre devient en conséquence plus fraîche et plus nouvelle.���

C’est un « Grand talent » mais ce ce n’est pas un sorcier et si on l’occupe dans une production moyenne, il ne pourra pas montrer ce qu’il est capable de faire. Si on limite son travail, les frais énormes ne seront pas justifiés ; on ne doit pas oublier malheureusement qu’en ce qui concerne le côté pratique Gance n’a qu’une réputation bien triste, mais ne c’est pas juste. On cite toujours la malheureuse mise en scène de la Roue en oubliant complètement les autres films de Gance qui sont d’une aussi grande valeur artistique comme Mater Dolorosa, la Dixième Symphonie, J’accuse ; ces films peuvent être pris comme exemples de réalisation et sont en même temps d’une grande valeur commerciale. Ils sont encore programmés et donnent toujours des bénéfices. Je dois ajouter que ceci n’est pas l’avis d’un nouveau venu, mais une appréciation réfléchie et sérieuse d’un spécialiste de 15 ans d’expérience. ���Il ne faut pas oublier que Gance a devant lui une tâche

grandiose de ressusciter l’épopée de Napoléon ; il est naturel que cette tâche a pour conséquence un afflux des forces créatrices chez lui. Il n’est pas difficile de prévoir le « sort » de Napoléon si on laisse Gance exécuter ce qu’il veut et doit faire. Le film sera le plus grand événement de la cinématographie ; le succès financier ne sera qu’une conséquence naturelle mais il ne faut pas oublier le proverbe arabe qui dit : « Il est idiot de laisser un cheval arabe dans l’étable des vaches et de lui faire porter de l’eau ».���

Il faut avoir confiance en Gance, il faut avoir foi en son travail et vaincra celui qui a des nerfs plus solides.

Alexandre Volkoff

                                                                                                               159  La séquence de la gigue dans Kean était un morceau d’anthologie pour son montage et son rythme, on avait même coutume de la détacher du film (voir les écrits de F. Léger et Germaine Dulac) (NdE).  

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Comme on peut le voir, ce document ne se borne pas

à décrire les innovations techniques et artistiques introduites par Gance dans sa réalisation, il détermine également les priorités d’auteur de Volkoff lui-même qui a dirigé des épisodes importants du film. Pour autant que l’on puisse en juger, l’article de Volkoff, publié dans la revue Photo-Ciné en avril 1928160, reprenait son évaluation de 1925 et ainsi, on peut dire avec certitude que l’auteur s’est servi du vieux texte « de service » pour la propagande écrite sur les mérites artistiques du film Napoléon.

Les documents que le juriste reçut de Volkoff l’aidèrent à régler à l’amiable l’affaire qui lui avait été confiée et il n’eut pas à la conduire jusqu’au tribunal. Toutefois, le réalisateur ne parvint toujours pas à conclure tout à fait ses affaires avec Noé Bloch. Une lettre à Margouliès datée du 20 décembre en témoigne, dressant le bilan du travail avec l’équipe de tournage de Napoléon :

Je dois admettre n’avoir finalement pas pu régler tout à

fait mes comptes avec la S[ociét]té Films Abel Gance. J’ai reçu à l’époque un paiement de dix mille francs comptant et le scénario d’un historien français M. Lenôtre, Charlotte Corday, pour lequel Bloch devait me donner dix mille francs. Bloch a longuement traîné avec le paiement, et finalement il m’a proposé de me verser déjà 4 000 francs ; pour le reste, il le verserait soit quand il mettrait en scène ce scénario (!!) soit lorsqu’il aurait l’occasion de le vendre à quelqu’un (!!!).

Puisqu’à cette époque il menait déjà les pourparlers pour la réalisation du film Casanova, j’ai dû, pour ne pas ternir les relations, serrer les dents et accepter sa proposition. C’est de cette manière peu glorieuse que prit fin cette longue épopée de mes affaires difficiles avec la S[ocié]té Films Abel Gance. Malgré tout cela, je vous suis sincèrement reconnaissant, Manouil Sergueïevitch, pour vos conseils bienveillants et pour votre participation active à cette affaire.

Société Générale de Films

                                                                                                               160  K. Brownlow le reproduit avec une référence au livre de G. M. Coissac. les Coulisses du cinéma pittoresque, Paris, 1929, p. 113-114 (Abel Gance’s Classic Film, op. cit., p. 54-57).  

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Dans les archives de Margouliès sont également

conservés quelques documents en rapport aux activités de la Société Générale de Films, dont il devint le conseiller légal dans la dernière étape de son existence. Comme l’on sait, cette compagnie poursuivit le financement de la réalisation de Napoléon après la faillite de WESTI. Pourtant, les dossiers de la société ne contiennent presque aucun document en rapport avec l’histoire de la réalisation du film. Toutefois, ils permettent de reconstituer « l’empreinte russe » dans cette entreprise. D’après K. Brownlow, Grineff a organisé expressément la compagnie pour financer Napoléon161, or ce témoignage n’est pas confirmé par les documents. La Société Générale de Films a été créée en 1926 comme entreprise de grande échelle, polyvalente dans le domaine de la production et la distribution de ses propres films mais également de ceux d’autres maisons de production ; elle s’est également spécialisée dans la production d’équipements photographique et cinématographique ainsi que de pellicule162. Dans la liste des actionnaires de la société apparaissent les compagnies Gaumont-Metro Goldwyn de Paris, Metro Goldwyn de New York, Metro Goldwyn de Londres, Société Anonyme Alliance Cinématographique Européenne, le fils de l’industriel Schneider-Le Creusot, le comte Hector de Béarn, Serge Sandberg, François Mijos, Alfred Lignac, le collaborateur de Gance Émile Karmann et d’autres. Parmi eux, il y avait également des Russes d’origine, parmi lesquels le plus important actionnaire, connu à Paris comme le « roi de la perle », Leonard Rosenthal163 et son fondé de pouvoir Mara Iakoubovitch, qui apportait 550 000F au capital de base. Le président du conseil d’administration de la                                                                                                                161  K. Brownlow, The Parade’s Gone By…, op. cit., p. 553.  162   Société Générale de Films. Société Anonyme au capital de 1 025 000 francs. Siège social : 36, Avenue Hoche, Paris. Statuts, [Paris] 1926, p. 3 (article 2).  163  Lequel produira le film Romance sentimentale réalisé en 1929 par Grigori Alexandrov (avec la caution d’Eisenstein) pendant le séjour des trois Soviétiques à Paris, film parodiant jusqu’à l’obscénité à la fois les recherches avant-gardistes du type Kirsanoff et la mythologie russe alors en vogue (NdE).  

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Société était également d’origine russe, Gourliand, et Jakob Grineff en était le directeur-administrateur164.

Comme en témoignent les documents, c’est justement à travers la Société Générale de Films que fut réalisé le transfert des droits d’Abel Gance à Lupu Pick pour la réalisation du film Napoléon à Sainte-Hélène165. De plus, on retrouve également parmi la documentation une correspondance concernant l’invitation d’Alexandre Granovsky à travailler pour la société166.

Cependant, un des documents est directement lié au sort de la distribution du film de Gance. Il s’agit du « Tableau des contrats de vente du film Napoléon vu par Abel Gance », dans lequel est dressé le bilan de distribution pour la première année. D’après ces données, le film a rapporté, en France, Belgique, Suisse, Hollande et dans les colonies françaises 3 080 000F ; en Amérique du Sud, 508 207F ; en Italie et dans ses colonies, en Égypte, en Syrie, dans d’autres pays du Moyen-Orient, en Turquie, Grèce, Bulgarie et Roumanie, 662 123F ; en Tchécoslovaquie et Yougoslavie, 1 999 243F ; en Allemagne, Autriche, Hongrie, Pologne, Finlande, Danemark, Suède, Norvège et dans les pays baltes, 1 695 750F ; aux USA et Canada, 6 080 000F (ici les bénéfices ont été partagés de moitié avec la société MGM) ; en Angleterre et dans ses colonies, 2 136 000F. La somme totale des bénéfices de tous les contrats se montait à 13 361 405F, et après déduction des frais de copies et d’autres frais logistiques, à 12 552 256 F167. D’après ses fameux coûts de production, le film était déficitaire. Toutefois, il vaut la peine de comparer les montants de Napoléon avec ceux de la Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer, également financé par la Société Générale de Films : il a rapporté 9 214 985F168 et, manifestement, cela n’a pas permis de ramener aux investisseurs les dividendes attendues, ce qui a vraisemblablement conduit la société à sa perte au                                                                                                                164  GARF, 6 270/1/45/19-38.  165  Ibid., 6 270/1/45/40.  166  Ibid., 6 270/1/45/47-60.  167  Ibid., 6 270/1/45/42.  168  Ibid., 6 270/1/45/41.  

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printemps 1929. Comme on le voit, les sources de l’émigration russe,

liées à la réalisation du film le plus connu d’Abel Gance, en complètent le tableau de manière essentielle. Cela dit, l’histoire de l’emprunt russe est loin d’être « remboursée » avec ce qui vient d’être dit. Il est probable qu’une étude plus approfondie des documents de WESTI et des entreprises cinématographiques de Vladimir Wengeroff ajoutera de nouveaux détails et circonstances, mais il s’agit là d’une autre recherche.

L’auteur exprime sa reconnaissance à Tatiana Osokina (Moscou), qui s’est chargée de la partie française de cette étude.

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Kevin Brownlow

La troisième restauration de Napoléon J’allais encore à l’école quand eut lieu ma première

rencontre avec le Napoléon d’Abel Gance. Sur mon projecteur 9,5 mm, j’ai visionné le film en deux bobines qui m’ont littéralement stupéfait. Je n’avais jamais rien vu de tel et j’ai immédiatement entrepris toute sorte de recherches sur ce film visant notamment à le compléter. J’étais aussi dérouté par l’aversion qu’il soulevait parmi les critiques et les historiens qui se souvenaient de la version originale. À chaque nouvelle séquence retrouvée je m’attendais à ce qu’ils aient finalement raison, et à ce que le film perde tout crédit à mes yeux. Or c’était le contraire qui se produisait : il s’améliorait au fur et à mesure que je l’étoffais. J’ai alors compris que la plupart de ces auteurs n’avaient vu que des versions incomplètes.

Quand je suis devenu réalisateur, j’ai commencé à gagner assez d’argent pour entreprendre une restauration correcte du film. La National Film Archive m’a fourni des moyens, avant de finalement reprendre le projet à son compte. Chaque projection des travaux en cours au National Film Theatre attirait beaucoup de monde et provoquait des réactions toujours très fortes. Au Telluride Film Festival, dans le Colorado, en 1979, des gens ont passé toute la nuit à regarder le film, bien que la projection avait lieu dehors dans un froid glacial. Abel Gance lui-même, alors dans sa quatre-vingt-dixième année, assistait au spectacle de la fenêtre de son hôtel.

L’apogée était atteinte en 1980, quand David Gill et moi-même organisions la première représentation accompagnée en direct par un orchestre pour Thames Television et le British Film Institute à l’Empire Theatre (Leicester, Londres). En trois mois, Carl Davis avait composé l’impressionnante partition pour le Wren Orchestra. Nous étions tous extrêmement nerveux avant le spectacle : en effet, pouvions-nous attendre du public contemporain qu’il reste tranquillement assis à regarder un vieux film muet de

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cinq heures ? Bien sûr personne n’est resté assis ; tout le monde s’est levé pour applaudir. C’était le moment le plus émouvant auquel j’aie jamais assisté au cinéma.

En 1981, Bambi Ballard, une jeune femme qui avait été profondément impressionnée par le film, vint en France pour rencontrer Abel Gance ; ce qu’elle fit, juste avant qu’il meure. Michelle Aubert lui permit d’accéder aux différents négatifs existant dans les laboratoires français, afin de l’aider à constituer une version plus complète. Bambi Ballard a ainsi retrouvé des éléments d’une qualité exceptionnelle, en partie jusqu’alors inconnus. Elle se rendit ensuite en Corse où elle lança un appel à la radio, demandant si quelqu’un avait une copie du film dans son grenier. Chose étonnante, elle découvrit ainsi une version qui s’avéra presque correspondre à celle projetée lors de la première représentation à l’Opéra, où seul l’épisode de l’école d’officiers de Brienne manquait. Une bonne partie de cette copie correspondait manifestement à la version définitive, en particulier le passage de la Marseillaise. De plus, la copie était teintée et étalonnée. Comme de mon côté j’avais commencé un inventaire des teintes trouvées, ceci m’a permis de l’enrichir.

Nous voulions tirer profit de ce que Bambi Ballard avait découvert il y a déjà quatre ou cinq ans, mais il nous manquait l’argent nécessaire, jusqu’à ce qu’une fondation danoise, l’Eric Anker-Peterson Charity, ne subventionne notre entreprise. Les matériaux supplémentaires ont alors été apportés au National Film and Television Archive, et copiés par Joao Oliveira. Le résultat de son travail de copie surpassait à ce point la vieille version que j’avais l’impression de refaire le film (hélas, une grande partie de la restauration d’origine avait été accomplie à partir d’une copie détruite lors d’un incendie dans les années soixante-dix). Joao a également conçu et fabriqué l’équipement pour teinter le film, de même il a su reproduire la formule exacte que Pathé avait mis au point dans les années vingt. Mais il s’est vite rendu compte que les actuelles lampes au xénon effaçaient une bonne partie de la couleur ; il a donc dû en augmenter l’intensité. Au final, un peu plus de la

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moitié du film est teintée. Les titres de l’ancienne restauration avaient été

réalisés à bas prix et n’avaient rien à voir avec les caractères gras type XVIIIe siècle utilisés dans l’original. Nous avons donc retiré – et retraduit – tous les titres en utilisant les caractères d’origine, romains pour les descriptions et italiques pour les dialogues, ce qui a donné au film un aspect bien plus satisfaisant.

Lors de ma première restauration, j’étais heureux à chaque découverte supplémentaire. Durant ce dernier travail, j’ai eu jusqu’à trois versions de la même scène, avec de légères différences de jeu ou de mise en scène. Bien sûr j’ai toujours choisi de monter les meilleures images. Il m’est arrivé aussi de trouver des plans d’une excellente qualité photographique, mais où l’interprétation des acteurs était médiocre. Par exemple, dans le passage se déroulant à Toulon, où l’on voit Napoléon descendre de cheval à deux reprises : cette erreur de montage est vraisemblablement due à un malencontreux assemblement de deux négatifs. J’ai évidemment conservé la meilleure scène, où il ne met pied à terre qu’une seule fois, très professionnellement (bien qu’on puisse regretter la présence d’une bande son effacée : une grande partie du métrage muet a été réimprimée pour la version sonorisée de 1935).

Dans la scène du mariage, les nouveaux matériaux étaient de bien meilleure qualité, et je les ai utilisés pour la première moitié du film. En revanche l’interprétation de Dieudonné n’était pas aussi bonne dans la seconde moitié de la séquence, je me suis donc à nouveau tourné vers l’original, malgré certains signes de décomposition de la pellicule.

Parfois, la décision était évidente. Par exemple, quand Mme Tallien arrive au Bal des Victimes, elle se tient simplement là, debout, élégante. Dans une autre version (probablement retirée), Mme Tallien reçoit à son arrivée une pluie de pétales de roses. Dans certains cas l’interprétation est meilleure, mais l’angle de la caméra est légèrement moins bon, ou vice-versa. Il était alors difficile de choisir la bonne séquence. C’est pour une toute nouvelle Mort de Marat, deux fois plus longue que celle déjà utilisée, que la décision a sans

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doute été la plus délicate à prendre. Je m’étais d’abord décidé à monter ce nouvel élément, mais quand nous l’avons projeté, nous avons remarqué des défauts dans le maquillage de Marat, ce qui avait manifestement incité Gance à la supprimer. Il fallait aussi quelquefois ajouter une scène sans intérêt particulier afin d’expliquer la scène excellente qui suivait : par exemple le passage où Joséphine joue du piano, qui est suivi d’une superbe scène où sa fille parle à son perroquet de sa mère et de Napoléon.

Cette nouvelle restauration de Napoléon a été projetée à Waterloo au Royal Festival Hall le 3 juin 2000 ; ce fut un événement spectaculaire. Les trois projecteurs étaient enfermés dans une énorme boîte. L’écran, large de plus de vingt mètres, était équipé d’un système de dissimulation amovible, du coup l’apparition du triptyque final fut une véritable surprise. Plusieurs spectateurs ont affirmé en avoir eu « le souffle coupé ». Carl Davis a dirigé l’interprétation de son magnifique accompagnement musical, comprenant des œuvres de compositeurs contemporains de Napoléon, la plus longue pièce jamais composée pour un film. Le public, fortement impressionné, s’est levé pour applaudir, et beaucoup ont déclaré avoir vécu le plus grand événement cinématographique de leur vie.

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Bernard Bastide

Bibliographie La présente bibliographie reprend et complète celles

précédemment établies par Roger Icart, René Jeanne et Charles Ford, Steven Philip Kramer et James Michael Welsh, Norman King, Emmanuelle Sruh.

I-Écrits d’Abel Gance

1.Livres

– Prisme, Paris, Gallimard/Éditions de la NRF,

1930. – Prisme : carnets d’un cinéaste, préface d’Élie

Faure, Paris, Samuel Tastet éditeur, 1986.

2.Textes divers (articles, conférences) – « Qu’est-ce que le cinématographe ? Un sixième

art ! », Ciné-journal, 5e année, n° 185, 9 mars 1912, p. 10. Repris in Marcel L’Herbier, Intelligence du cinématographe, Paris, Corréa, 1946 (Les Grandes Professions françaises), p. 91-92. Repris in Pierre Lherminier, l’Art du cinéma, Seghers, 1960, p. 413 (extraits).

– « Inauguration du buste de Séverin Mars : discours de M. Abel Gance », Comœdia, 16e année, n° 3 595, 19 octobre 1922.

– « Le Cinématographe c’est la musique de la lumière », Comœdia, 16 mars 1923. Repris in Cinéa-Ciné pour tous, nouvelle série, n° 3, 15 décembre 1923, p. 11.

– « À la mémoire de mon ami Delluc par Abel Gance », Aux Écoutes, s. d. (ca mars 1924).

– « La Porte entr’ouverte », Paris-Soir, 3e année, n° 529, 17 mars 1925, p. 1.

– « La Beauté à travers le cinéma : conférence », Bulletin de l’Institut Général Psychologique, 26e année, n° 1-3, 1926, p. 5-16. Repris in Cinémagazine, 6e année, n° 10, 5 mars 1926, p. 485-486 ; n° 11, 12

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mars 1926, p. 524-526 ; n° 12, 19 mars 1926, p. 588-590.

– « Une lettre », l’Éveil de la Corse, 20 mai 1925. Repris in François Albera, Albatros : des Russes à Paris 1919-1929, Éditions Mazzotta/Cinémathèque française, 1995, p. 77.

– « Le Temps de l’image est venu ! », in l’Art cinématographique II, Paris, Librairie Félix Alcan, 1927, p. 83-104. Repris in Pierre Lherminier, l’Art du cinéma, Seghers, 1960, p. 60-62 (extraits).

– « Comme j’ai vu Napoléon », Programme du Théâtre National de l’Opéra, 7 avril 1927. Repris in Photo-ciné, n° 6, juin-juillet 1927, p. 98. Repris in Cahiers Élie Faure, n° 1, 1981, p. 94-96.

– « Abel Gance parle… : conférence prononcée à l’Université des Annales le 14 mai 1928 et reproduite avec l’aimable autorisation de Mme Brisson », Cinéa-Ciné pour tous, n° 112, 1er juillet 1928, p. 11-14 ; n° 113, 15 juillet 1928, p. 8-10.

– « Le sens moderne – Comment on fait un film : conférence de M. Abel Gance accompagnée de projections cinématographiques […] », Conférencia, 22e année, n° 16, 5 août 1928, p. 197-209. Repris in Pierre Lherminier, l’Art du cinéma, Seghers, 1960, p. 414-415 (extraits).

– « Autour de moi et du monde – Le Cinéma de demain », Conférencia, 23e année, n° 18, 5 septembre 1929, p. 277-291.

– « Maladie et guérison du cinéma », Pour Vous, n° 89, 31 juillet 1930, p. 3.

– « Ce que je pense de Lucrèce Borgia », Cinémonde, n° 367, 31 octobre 1935, p. 810.

– « Où je voyais une église, on fait un bazar », l’Intransigeant, 57e année, 19 avril 1936, p. 9 (sur Louis Lumière).

– « J’accuse ! », Cinémonde, 11e année, n° 476, 1er décembre 1937, p. 1068.

– « Je tournerai Christophe Colomb parce que le cinéma est une machine à ressusciter les héros », Cinémonde, 12e année, n° 546, 5 avril 1939, p. 5.

– « Le Cinéma au paradis », l’Alerte : l’hebdomadaire de la rénovation française, n° 5, 22 octobre 1940.

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– « À propos de Vénus aveugle : lettre », Cinéma-Spectacle, n° 1044, 6 décembre 1941.

– « Progrès techniques du cinéma », La Technique cinématographique, n° 33, 12 décembre 1946, p. 695.

– « Un Grand Projet : la Divine Tragédie », Revue internationale du cinéma, 1re année, n° 2, 1949, p. 33-34.

– « Pourquoi je veux tourner la Divine Tragédie », Ecclesia : lectures chrétiennes, n° 10, janvier 1950, p. 62-64.

– « Jean Epstein, cinéaste-philosophe », La Technique cinématographique, n° 132, mai 1953, p. 149-150.

– « Les Nouveaux Chapitres de notre syntaxe », Cahiers du cinéma, n° 27, octobre 1953, p. 25-33.

– « Le Protérama », La Technique cinématographique, n° 136, octobre 1953, p. 231-233.

– « L’Orchestration des images », La Technique cinématographique, n° 139, janvier 1954, p. 33 (sur le Protérama).

– « Un mort parle à un vivant », Combat, 13 janvier 1954 (sur Louis Lumière).

– « Entre le cinéma d’hier et celui de demain », Le Cardinet-Gazette : bulletin des spectateurs du Cardinet, n° 2, juin-septembre 1954, p. 2. Repris in la Technique cinématographique, n° 145, juillet 1954, p. 180.

– Préface, in Lachambre, R. V. Corbeilles d’automne : contes et poèmes. Alençon : Imprimerie alençonnaise, 1954.

– « Départ vers la polyvision », Cahiers du cinéma, n° 41, décembre 1954, p. 4-9. Repris in Pierre Lherminier, l’Art du cinéma, Paris, Seghers, 1960, p. 165-167 (extraits).

– « Le Spectacle, clef du rêve », Bien-être, 2e année, n° 15, décembre 1954, p. 34.

– « Les Brumes de l’amour », Cahiers du cinéma, n° 42, décembre 1954, p. 52.

– « Éviter le naufrage du cinéma », Les Lettres françaises, n° 559, 10-17 mars 1955, p. 1.

– « Mon ami Epstein », Cahiers du cinéma, n° 50, août-septembre 1955, p. 57-58.

– « Le Temps de l’image éclatée », Demain, n° 22,

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10 mai 1956. Repris in Sophie Daria, Abel Gance, hier et demain, Genève – Paris, La Palatine, 1959.

– « Un nouveau départ : Le Magirama », Le Technicien du film, n° 21, 15 octobre 1956, p. 8-9.

– Préface, in Michel Humbert, les Mains vides, Paris, s. n., 1962.

– « Ce sera l’Illiade avec Mao Tsé-Toung », le Nouvel Observateur, nouvelle série, n° 1, 19 novembre 1964, p. 36 (sur la Longue Marche et les Soldats de l’An II).

– « Un cœur qui s’appelle Langlois », Le Monde, 21 février 1968.

– « Cyrano et d’Artagnan » : préface aux lecteurs, Cahiers du cinéma, n° 200-201, avril-mai 1968, p. 10-11.

– « Quand Gance écrivait à Élie Faure », Cahiers Élie Faure, n° 1, décembre 1981, p. 72-86.

– « Plus les poètes ont menti, plus ils sont grands… », Ciné-file, n° 2, juillet 1983, p. 39-40.

3.Scénarios, découpages, films racontés

La Digue (1911) – Scénario dramatique, l’Écran, n° 3, avril-mai

1958, p. 33-34. Le Masque d’horreur (1912) – Fac-similé du manuscrit, Revue internationale

d’histoire du cinéma, n° 2, 1975 (microfiche). Mater Dolorosa (1917) – Paul Lores, Mater Dolorosa, le Film complet du

dimanche, 5e année, n° 274, 5 septembre 1926. – Le Film Triomphe présente Mater Dolorosa,

comédie dramatique d’Abel Gance, Paris, Imprimerie Gauthier-Villars, 1927.

J’accuse (1917-1919) – La Cinématographie française, n° 17, avril 1919,

p. 37-52 (extraits). – Filma, n° 67, 15-31 mai 1920, p. 9-16 (extraits). – Edmond Gojon, J’accuse, tragédie des temps

modernes de Abel Gance. Alger, supplément de l’Afrique du Nord illustrée, 1er juin 1919.

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– Léon Moussinac, J’accuse, d’après le film d’Abel Gance, Paris, Éditions La Lampe merveilleuse, 1922.

La Roue (1920-1922) – La Cinématographie Française n° 215, 16

décembre 1922, p. 15 (Prologue ; première partie) ; n° 216, 23 décembre 1922, p. 8 (troisième époque ; quatrième époque) ; n° 217, 30 décembre 1922, p. 11-12 (les dernières époques).

– Ricciotto Canudo, la Roue : roman d’après le film d’Abel Gance, Paris, J. Ferenczi & Fils, 1923 (Les grands romans cinéma), 3 vol.

– La Roue, scénario original arrangé par Jean Arroy, Paris, Éditions Jules Tallandier, 1930 (Cinéma-Bibliothèque ; HS 91).

– Extraits du scénario in Charles Ford, On tourne lundi, Paris, Vigneau, 1947 ; in René Jeanne, Charles Ford, Abel Gance, Seghers, 1963 (Cinéma d’aujourd’hui ; 14).

Napoléon (1925-1927) – Napoléon vu par Abel Gance, Épopée

cinégraphique en cinq époques. Première époque : Bonaparte, Paris, Librairie Plon, 1927.

– Napoléon vu par Abel Gance. I. Bonaparte, adapté par J.-K. Raymond Millet. Illustré d’après le film d’Abel Gance, Paris, Librairie Plon, 1928.

– « Le Premier Napoléon », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 5-7.

– Abel Gance, Jean Tulard, préf. Napoléon : épopée cinégraphique en cinq époques, Paris, Éditions Jacques Bertoin, 1991.

Extraits du scénario original in Photo-ciné, n° 4, avril 1927, p. 58-61 (les Cordeliers) ; Photo-ciné, n° 5, mai 1927, p. 85-86 (la bataille de boules de neige) ; Cinéa-ciné pour tous, 15 août 1927, p. 13-16 (l’enrôlement de 1792) ; la Revue française, 17 avril 1927 (le siège de Toulon) ; le Rouge et le Noir, juillet 1928, p. 7-17 (le 10 août 1792) ; l’Écran, n° 3, avril-mai 1958, p. 50-63 (les triptyques).

Sainte-Hélène (1928) – Extrait du scénario original in Revue

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internationale d’histoire du cinéma, n° 2, 1975 (microfiche).

La Fin du Monde (1930) – Joaquim Renez, la Fin du Monde, roman inspiré

du scénario d’Abel Gance, Paris, Éditions Jules Tallandier, 1931 (Cinéma-Bibliothèque ; 432).

– Extraits du scénario original in Charles Ford, On tourne lundi, Paris, Vigneau, 1947, p. 160-167 ; l’Écran, n° 3, avril-mai 1958, p. 41-47.

Mater Dolorosa (1932) – Joaquim Renez, Mater Dolorosa, roman illustré de

nombreuses photographies du film, Paris, Éditions Jules Tallandier, 1933 (Cinéma-Bibliothèque ; 580).

Lucrèce Borgia (1935) – Renée Leyral, « Lucrèce Borgia, film raconté », le

Film complet du mardi, 15e année, n° 1800, 26 mai 1936.

– René Lorris, Lucrèce Borgia, roman illustré de nombreuses photographies du film de Abel Gance, Paris, Jules Tallandier, 1936 (Cinéma-Bibliothèque ; 706).

Un grand amour de Beethoven (1936) – Jacques Fillier, « Un grand amour de Beethoven »,

le Film complet du jeudi, 16e année, n° 1941, 22 avril 1937.

– Extraits in Charles Ford, On tourne lundi, Paris, Vigneau, 1947, p. 101-106.

– Abel Gance, « Un Grand Amour de Beethoven : découpage et texte des dialogues in extenso », l’Avant-scène cinéma, n° 213, 1er octobre 1978.

Le Royaume de la terre (projet inabouti) – The Kingdom of the Earth in le Surréalisme même,

n° 2, 1957, p. 115-142 ; Film Culture, 3, n° 5, issue 15, décembre 1957, p. 10-13 ; 4, n° 1, issue 16, janvier 1958, p. 14-16 ; l’Écran, n° 3, avril-mai 1958, p. 69-75.

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Le Vampire de Dusseldorf (projet inabouti) – Abel Gance, Nelly Kaplan, « le Vampire de

Dusseldorf : extraits du découpage », l’Écran, n° 1, 1958, p. 24-26.

Christophe Colomb (projet inabouti) – Abel Gance, Christophe Colomb, Paris, Éditions

Jacques Bertoin, 1991.

II-Entretiens avec Abel Gance – Roger Lion, « Un grand artiste français : Abel

Gance », Filma, n° 67, 15-31 mai 1920, p. 5-15. – « Abel Gance aux États-Unis », Scénario, n° 20-

23, juin-juillet 1921, p. 822-823. – « La Question du scénario : l’opinion de M. Abel

Gance », La Cinématographie française, 5e année, n° 200, 2 septembre 1922, p. 4.

– V. Remay, « Abel Gance nous parle de la Roue et de ses projets », Mon Ciné, 12 avril 1923.

– André Lang, « La Confession d’Abel Gance », La Revue hebdomadaire, 23 juin 1923. Repris in

– André Lang, Déplacements et villégiatures littéraires, (suivi de) Promenade au royaume des images ou entretiens cinématographiques. Paris : La Renaissance du livre, 1924, p. 139-144.

– Jean Mitry, « Abel Gance nous parle du cinéma », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 3, 15 décembre 1923, p. 8.

– Jean Mitry, « Abel Gance nous parle de la Roue », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 3, 15 décembre 1923, p. 8.

– Dany, « Comment M. Gance voit Napoléon », Comœdia, 17e année, n° 4021, 21 décembre 1923, p. 4.

– Jean Mitry, « Le Présent et l’avenir du film : Rêves et Réalités : Abel Gance », Le Théâtre & Comœdia illustré, 27e année, nlle série, n° 33, 1er mai 1924, non paginé.

– Jean Arroy, « Quelques minutes avec Abel Gance », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 43, 15 août 1925, p. 7-8.

– Raymond-Millet. « Cinémas : Abel Gance », Comœdia, 19e année, n° 4648, 12 septembre 1925, p.

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3. – Victor Meric, « Une journée chez Gance », Paris-

Soir, 28 juin 1926. – Pierre Lagarde, « Le “Cinéma pur” et M. Abel

Gance », Comœdia, 20e année, n° 5107, 24 décembre 1926, p. 3.

– Maurice-J. Champel, « Abel Gance projette… », Pour vous, n° 2, 29 novembre 1928, p. 14.

– Jean Arroy, « Avec Abel Gance, face à l’océan », Cinémagazine, 9e année, n° 6, 8 février 1929, p. 239-242.

– Jean Vidal, « Quand le réalisateur de Napoléon tournait un film en huit jours », Pour Vous, n° 12, 7 février 1929, p. 9.

– Nino Frank, « Deux metteurs en scène… Abel Gance et F. W. Murnau », Pour Vous, n° 16, 7 mars 1929, p. 8-9.

– Claude Doré, « Abel Gance choisit ses interprètes », Ciné-Miroir, 8e année, n° 208, 29 mars 1929, p. 3.

– M. H. « Ce qu’ils pensent du film parlant », Ciné-Miroir, 31 mai 1929.

– Pierre Heuzé, « Abel Gance nous dit sa foi dans le film parlant », Cinémonde, n° 39, 18 juillet 1929, p. 667.

– Réponse à l’enquête « Le Film sonore – Qu’en pensent nos réalisateurs ? », Cinéa-Ciné pour tous, n° 138, 1er-15 août 1929, p. 9-10.

– Pierre Leprohon, « À Versailles, Abel Gance nous parle de la Fin du Monde », Pour Vous, n° 43, 12 septembre 1929, p. 14.

– Nino Frank, « Avec Abel Gance, à l’ombre de la Tour Eiffel », Pour Vous, n° 115, 29 janvier 1931, p. 11.

– Jean Beaux, « Entretien avec Abel Gance qui se rend à Moscou pour y tourner La Campagne de Russie, suite de Napoléon », Pour Vous, n° 141, 30 juillet 1931, p. 3.

– Yvonne Droux, « Abel Gance va tourner en Russie la suite de Napoléon », Pour Vous, n° 144, 20 août 1931.

– Jean Vidal, « Les Projets et les conceptions de M. Abel Gance », Pour Vous, n° 195, 11 août 1932, p. 6 et

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p. 14. – Lucie Derain, « Abel Gance nous parle de Mater

Dolorosa, du Vaisseau fantôme et de l’avenir du cinéma européen », Cinémonde, n° 211, 3 novembre 1932, p. 885.

– J. K. Raymond-Millet, « Abel Gance 1933 », le Courrier cinématographique, 22 avril 1933, p. VIII.

– Claude Vermorel, « Je perds confiance en moi quand je vois un mauvais film émouvoir, nous dit Abel Gance », Pour Vous, n° 232, 27 avril 1933, p. 3.

– Claude Vermorel, « Une heure avec Abel Gance “bâtisseur de cathédrales en bobines de film” », Marseille Matin, 5 juillet 1933.

– « Abel Gance annonce que la Perspective Sonore va révolutionner le film parlant », Cinémonde, n° 279, 22 février 1934, p. 143.

Roger Régent, « Napoléon d’Abel Gance ressuscité, enrichi de la Perspective Sonore », Pour Vous, n° 337, 2 mai 1935, p. 7.

– Serge Berline, « Le Roman cinématographique d’un jeune homme pauvre », Cinémonde, n° 383, 20 février 1936, p. 124-125.

– Serge Berline, « Interview express… », Cinémonde, n° 384, 27 février 1936, p.146.

– Nino Frank, « Pourquoi j’ai fait mes derniers films : le cas Abel Gance », Pour Vous, n° 386, 9 avril 1936, p. 2.

– Maurice Romain, « La Littérature au cinéma. Il faudrait au cinéma son langage à lui, nous dit M. Abel Gance », Les Nouvelles littéraires, n° 704, 11 avril 1936, p. 8.

– Pierre-J. Laspeyres, « Napoléon et Beethoven ne sont pour Abel Gance que les premiers tours de roue vers la synthèse qu’il rêve des grands initiés », Comœdia, 27 décembre 1936.

– L. R. Dauven, « Vingt ans après, Abel Gance tourne J’accuse », Cinémonde, n° 452, 17 juin 1937, p. 550.

– A.-G. Appel, « Leurs projets. Trois films d’Abel Gance », Le Jour, 1er février 1938.

– Doringe. « Abel Gance nous dit comment il a adapté à l’écran le roman musical de Gustave Charpentier », Pour Vous, n° 531, 18 janvier 1939, p.

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8-9 (sur Louise). – Doringe. « Abel Gance, qui vient de tourner

Louise (…)», l’Intransigeant, 20 janvier 1939. – Aimée Barancy, « Comment Abel Gance va

ressusciter Christophe Colomb », Pour Vous, n° 540, 22 mars 1939, p. 11.

– Yvonne Moustiers, « Abel Gance veut énergiquement servir la France avec cette arme puissante : le cinéma », Cinémonde, n° 576, 15 novembre 1939, p. 4.

– Claude Vermorel, « Le Cinéma demande un chef, dit Abel Gance qui va réaliser Bleu, Blanc, Rouge », Pour Vous, n° 576, 29 novembre 1939, p. 7.

– G. V., « Abel Gance rentre d’Espagne où il a perdu… Christophe Colomb », Cinémonde, n° 599, 24 avril 1940, p. 2.

– M. R. « Vers la suppression du décor ? Le “Pictographe” d’Abel Gance », Panorama, 27 mai 1943.

– « 20 minutes avec Abel Gance, le père du Pictographe », Voilà, 27 août 1943.

– Hervé Le Boterf, « Sans Abel Gance, il n’y aurait pas eu Citizen Kane », Cinémonde, 28 janvier 1947.

– Roger Cantagrel, « Comment Abel Gance traduira en images la Divine Tragédie », Le Figaro, 16 janvier 1948.

– Fernand Millaud, « Il faut spiritualiser le cinéma, nous dit Abel Gance qui va tourner en trois versions la Divine Tragédie », Votre cinéma, 6 juillet 1948.

– Une interview d’Abel Gance sur le cinéma en relief, Nice-Matin, 22 avril 1953.

– François de Montferrand (pseud. de François Truffaut), « Abel Gance : mes tiroirs sont pleins de films impossibles à tourner », Radio-Cinéma-Télévision, n° 242, 5 septembre 1954, p. 4-5.

– Jacques Rivette, François Truffaut, « Entretiens avec Abel Gance », Cahiers du cinéma, n° 43, janvier 1955, p. 6-17.

– Dominique Arban, « Abel Gance s’explique sur la polyvision », Le Figaro littéraire, 30 avril 1955.

– Nelly Kaplan, « La Polyvision : Ceci tuera cela, nous dit Abel Gance », Le Technicien du film, n° 15, 15 mars 1956, p. 4-5.

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– Simone Dubreuilh, « Si j’étais le Saint-Just du cinéma… », Les Lettres françaises, n° 718, 17-23 avril 1958, p. 1 et p. 6.

– Albert Riera, « Le Bureau des rêves perdus : émission radiophonique de Louis Mollion », L’Écran, n° 3, avril-mai 1958, p. 16-26.

– Anne Philipe, « Le cinéma est-il un vandale ? » Les Lettres françaises, n° 752, 18-24 décembre 1958, p. 7.

– Bernard Lesquilbet, « Abel Gance : La télévision manque de flamme et de sincérité », Télé 59, 18 janvier 1959.

– Nelly Kaplan, « Le même ? Non ! Un autre Abel Gance ! », Les Lettres françaises, 29 décembre 1960-4 janvier 1961.

– Georges Sadoul, « Le cinéma de l’an 2000 », Les Lettres françaises, n° 914, 12-19 février 1962, p. 1 et p. 7.

– Marcel Martin, « Réunis par Abel Gance, Cyrano et d’Artagnan “héros d’une épopée amoureuse” », Les Lettres françaises, n° 1027, 30 avril-6 mai 1964, p. 12.

– Michel Guibert, « Abel Gance parle du cinéma d’aujourd’hui, de la Longue Marche et des Soldats de l’An II, de la Chine et de De Gaulle », Notre République, 5 février 1965.

– Judith Weiner, « À 80 ans, le cinéma c’est une course contre la montre », France-Soir, 27 septembre 1969.

– Jacques Deslandes, « Gance avant Napoléon », Cinéma 71, n° 152, janvier 1971, p. 57-63.

– Dominique Jamet, « Abel Gance (82 ans) entre son passé et ses projets », Le Figaro littéraire, 10 septembre 1971.

– Jacques Parrot, « À 84 ans Abel Gance pense à dix films », Télé 7 jours, n° 704, 20 octobre 1973, p. 88-89.

– Jacques Parrot, « À la télévision, j’ai droit aux hommages… aux commandes, jamais », Télé 7 jours, 24 novembre 1973.

– Stephen Philip Kramer, James Michael Welsh, « Film As Incantation : An Interview with Abel Gance », Film Comment, 10, n° 2, march-april 1974, p. 19-22.

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– Hélène Vuischard, « Abel Gance prépare un monumental Christophe Colomb», Nice-Matin, 18 avril 1979.

III-Écrits sur Abel Gance

1. Livres et numéros spéciaux de revues sur Abel Gance

– « Numéro spécial Abel Gance : son œuvre, ses

projets », Filma, 12e année, n° 67, 15-31 mai 1920. – Evy Friedrich, préface d’André Robert,

Remarques sur Abel Gance, Le Film Luxembourgeois, 1931.

– Nelly Kaplan, Manifeste d’un art nouveau, la polyvision, Paris, Caractères, 1955.

– « Abel Gance », L’Écran, n° 3, avril-mai 1958. – Sophie Daria, Abel Gance : hier et demain,

Genève-Paris, La Palatine, 1959. – Roger Icart, Abel Gance, Institut Pédagogique

National, 1960. – René Jeanne, Charles Ford, Abel Gance, Seghers,

1963 (Cinéma d’aujourd’hui ; 14). – Stephen Philip Kramer, James Michael Welsh,

Abel Gance, Boston, Twayne Publishers, 1978. – Roger Icart, Abel Gance ou le Prométhée

foudroyé, L’Âge d’Homme, 1983 (Histoire et théorie du cinéma).

– « Dossier Abel Gance », Cinéfile, n° 2, juillet 1983, p. 21-44.

– Norman King, Abel Gance : a politics of spectacle, London, BFI Publishing, 1984.

– Abel Gance : archives d’un visionnaire, collection Nelly Kaplan, Catalogue de vente publique, Drouot Richelieu, 3 mars 1993.

2. Livres mentionnant Abel Gance

– Ricciotto Canudo, l’Usine aux images, Genève,

Office Central d’édition / Paris, Éditions Étienne Chiron, 1927.

– Fernand Rivers, Cinquante ans chez les fous, Paris, Girard, 1945.

– Marcel Lapierre, les Cent visages du cinéma,

Page 111: Abel gance, eÌclairages sur son NapoleÌon.pdf

Paris, Grasset, 1948, p.150-152 – Pierre Leprohon, Présences contemporaines :

cinéma, Paris Debresse, 1957, p. 9-27. – Henri Fescourt, la Foi et les Montagnes, ou le

septième art au passé, Paris, Paul Montel, 1959. Rééd. Plan-de-la-Tour : Éditions d’aujourd’hui.

– Jean Mitry, Histoire du cinéma muet (1895-1930), Paris, Éditions du Cerf, 1961.

– Jean Mitry, Histoire du cinéma : art et industrie (1895-1914), Tome 1, Paris, Éditions universitaires, 1967.

– Arthur Lenning, The French Film : Abel Gance, in The Silent Voice : A Text, Troy, New York, Walter Snyder Printer Inc., 1969.

– Jean Epstein, Écrits sur le cinéma : 1921-1947, Paris, Seghers, 1974 (Cinéma club).

– Léonce-Henry Burel, « Souvenirs », Revue internationale d’histoire du cinéma, n° 3, 1975.

– Georges Sadoul, Histoire générale du cinéma, Tome 3 : 1909-1920, Paris, Denoël, 1975.

– Pierre Leprohon, Histoire du cinéma muet : vie et mort du cinématographe, 1895-1938, Plan-de-la-Tour, Éditions d’aujourd’hui, 1982.

– Louis Delluc, Écrits cinématographiques, Paris, Cinémathèque française, 1985.

3. Articles généraux sur Abel Gance

– Lucien Doublon, « les As du cinéma : Abel Gance,

metteur en scène », La Liberté, 14 février 1920. – Jean Morizot, « Marchands d’enluminures : Abel

Gance », Bonsoir, 24 juillet 1920. – René Jeanne, « Abel Gance est revenu

d’Amérique », Cinémagazine, 1e année, n° 40, 21 octobre 1921, p. 11-13.

– Paul de la Borie, « M.M. Gance et Nalpas reviennent d’Amérique », La Cinématographie française, 4e année, n° 155, 22 octobre 1921, p. 1-3.

– Jean Epstein, « Abel », La Revue Mondiale, 1er février 1923, p. 341-344.

– René Jeanne, « Les metteurs en scène français : Abel Gance », Ciné-Miroir, 2e année, n° 22, 15 mars 1923, p. 86.

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– Louis Delluc, « Abel Gance », Le Crapouillot, 16 mars 1923.

– André Tinchant, « Un grand réalisateur : Abel Gance », Cinémagazine, 3e année, n° 37, 14 septembre 1923, p. 363-367.

– Gaston Phélip, « Les idées et les projets d’Abel Gance », La Cinématographie française, 5e année, n° 260, 27 octobre 1923, p. 14.

– Juan Arroy, « Abel Gance, sa vie, son œuvre », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 3, 15 décembre 1923, p. 5-7.

– Jean Eyre, « Nos metteurs en scène : Abel Gance », Mon Ciné, 3e année, n° 104, 14 février 1924, p. 8-10.

– Pierre Bonardi, « Abel Gance », Paris-Soir, 3e année, n° 549, 17 mars 1925, p. 1.

– Géo London, « M. Abel Gance et huit de ses collaborateurs sont blessés par une explosion de magnésium », Le Journal, 12 mars 1926.

– Émile Vuillermoz, « Une innovation saisissante », L’Impartial français, 4 janvier 1927.

– Jean Arroy, « L’Homme Bell-Howell », Photo-Ciné, n° 5, mai 1927, p. 70-73.

– Jean Epstein, « Les cinéastes – Abel Gance », Photo-Ciné, n° 8, septembre-octobre 1927, p. 152-154. Repris in les Cahiers du cinéma, n° 50, août-septembre 1955, p. 59-61. Repris in Jean Epstein, Écrits sur le cinéma : 1921-1953, Paris, Seghers, 1974 (Cinéma Club), p. 173-177.

– Alexandre Volkoff, « Abel Gance vu par Alexandre Volkoff », Photo-Ciné, 2e année, n° 12, avril 1928, non paginé.

– Pierre Leprohon, « Portraits et silhouettes : Abel Gance », Mon Film, 5e année, n° 97, 21 septembre 1928, p. 11.

– Alexandre Arnoux, « Avec Abel Gance avant la Fin du monde », Pour Vous, n° 27, 23 mai 1929, p. 11.

– R. Valançay, « Dans la lumière d’Abel Gance », Demain : cahiers trimestriels de littérature et d’art, 2e année, n° 4, hiver-mars 1931, p. 11-13 (sur « Prisme »).

– « Le roman d’Abel Gance », Mon Film, 9e année, n° 228, 15 avril 1932.

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– François Vinneuil, « Grandeur et décadence d’un romantique », Cinémonde, n° 434, 11 février 1937, p. 121.

– Pierre Leprohon, « Abel Gance, Désordre et Génie », Ciné-France, 26 février 1937.

– Marcel Lapierre, « Abel Gance », Messidor, 24 juin 1938.

– Roger Régent, « Abel Gance veut créer en Amérique du Sud un bloc « européen » du cinéma », Comœdia, 27 septembre 1941.

– Guy Haumet, « Un grand bâtisseur : Abel Gance », Filmagazine, 1er octobre 1941.

– Max Piquebe, « Avec les grands metteurs en scène : Abel Gance », Cinéma Spectacle, 31 octobre 1942.

– « Abel Gance se bat depuis cinq mois avec Fernand Gravey pour tourner le Capitaine Fracasse », 7 jours, n° 107, 13 décembre 1942, p. 9.

– Pierre Rambaud, « La Rentrée d’Abel Gance », in « Petite histoire du Film européen », Cinéma Spectacle, 27 mars 1943.

– « Le “pictographe”, d’Abel Gance, doit économiser la moitié des décors des films », Le Film, n° 66, 5 juin 1943, p. 7.

– Gabriel Moulan, « Sur une découverte », Cinéma Spectacle, 2 juillet 1943.

« Le Pïctographe d’Abel Gance », Le Film, n° 71, 21 août 1943, p. 11.

– René Jeanne, « Une invention intéressante : le Pictographe », Agence d’information cinégraphique de la presse française et étrangère, 4 septembre 1943.

– « Pictographe contre Simplifilm : Abel Gance et Henri Mahé se disputent en justice l’invention qui ruinerait les décorateurs de cinéma », 7 jours, n° 140, 3 octobre 1943, p. 4.

– Jean Epstein, « Deux grands maîtres à filmer », Technique cinématographique, n° 38, 20 février 1947, p. 839-840 (sur Abel Gance et Marcel L’Herbier).

– Hervé Le Boterf, « Abel Gance, prophète et chef d’orchestre », Cinémonde, 16e année, n° 749, 13 décembre 1948, p. 17.

– Hervé Le Boterf, « Abel Gance, le précurseur », Cinémonde, 16e année, n° 750, 20 décembre 1948, p.

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17. – Alexandre Astruc, « Abel Gance n’ira pas en

enfer », Opéra, 8e année, n° 299, 4 avril 1951, p. 9. – A. de. Saint-Vincent-Brassac, « Philosophe avant

d’être cinéaste, Abel Gance prédisait au début du siècle l’avènement de la guerre atomique pour le meilleur et pour le pire », La Dépêche du Midi, 30 octobre 1951.

– I. Landau, « Un homme d’hier, l’homme de demain : Abel Gance », La Technique cinématographique, n° 132, mai 1953, p. 150-152.

– Rodolphe-Maurice Arlaud, « Abel Gance présente l’écran à dimension variable », Combat, 20 août 1953.

– Charles Le Frapper, « Quelle est l’entreprise française qui prendra l’initiative de réaliser le Protérama d’Abel Gance ? », La Technique cinématographique, n° 139, janvier 1954, p. 19.

– Philippe Esnault, « Visages de Gance, polypier d’images, polyvision », Le Cardinet-Gazette : bulletin des spectateurs du Cardinet, n° 2, juin-septembre 1954, p. 1.

– Claude Mauriac, « Hommage à Gance », Le Figaro littéraire, 17 juillet 1954.

– Robert Lachenay (pseud. de François Truffaut), « Abel Gance et la polyvision », France Observateur, n° 219, 22 juillet 1954, p. 26.

– Jacques Chastel, « Perspectives de la polyvision », Combat, 24 juillet 1954.

– Jean Pelleautier, « Abel Gance voudrait réaliser son automne », Combat, 17 août 1954.

– « Connaissez-vous le pictographe ? », Arts, n° 479, 1-7 septembre 1954, p. 3.

– François Truffaut, « Sir Abel Gance », Arts, n° 479, 1-7 septembre 1954, p. 3.

– François Brigneau, « Abel Gance, raté génial, a inventé le cinéma moderne », Semaine du Monde, 24 septembre 1954.

– Philippe Esnault, « Avec la polyvision, Abel Gance entr’ouvre la porte magique du cinéma de l’avenir… », Cinéma 55, n° 4, février-mars 1955, p. 45-51.

– Robert Lachenay (pseud. de François Truffaut), « Abel Gance, désordre et génie », Cahiers du cinéma, n° 47, mai 1955, p. 44-46.

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– Jean Epstein, « Mon ami Gance », Cahiers du cinéma, n° 50, août-septembre 1955, p. 59-61.

– Albert Plécy, « Abel Gance prépare l’Âge nouveau du cinéma », Point de vue, 11 février 1956.

– Jacques Chastel, « Vers la revanche d’Abel Gance », Combat, 10 août 1956.

– Martine Monod, « Au-delà du Cinémascope, Abel Gance crée le “Magirama” », Les Lettres françaises, n° 650, 20-26 décembre 1956, p. 6.

– Éric Rohmer, « Magirama cinéma de l’avenir », Arts, n° 600, 2-8 janvier 1957, p. 3.

– Georges Reyer, « Une fée de 20 ans lance “Magirama” », Paris Match, 19 janvier 1957.

– Michel Delahaye, « Avec la Polyvision Abel Gance dote le cinéma de nouvelles possibilités d’expression », Regards, février 1957.

– Nelly Kaplan, « L’Aventure de la Polyvision », L’Écran, n° 1, janvier 1958, p. 21-23.

– Maurice Baptissard, « Abel Gance ou l’inventeur de la “Polyvision” sur le petit écran », Télé-Radio 58, n° 691, 19-25 janvier 1958, p. 4.

– Jacques Chastel, « Le Cas Abel Gance », Combat, 27 janvier 1958.

– Jean-Claude Carrière, « Abel Gance : l’homme le plus pillé du cinéma mondial », Carrefour, 7 février 1958.

– Jacqueline Tuillier, « La Cathédrale de Cendres au Théâtre d’Aujourd’hui », Libération, 27 octobre 1958.

– Georges Sadoul, « Avec Abel Gance, j’ai vu à Moscou un cinéma “total” : le Kinopanorama », Les Lettres françaises, n° 787, 27 août-3 septembre 1959, p. 1 et 7.

– Jacques-Louis, « Abel Gance l’abandonné revient enfin », Paris-Jour, 2 janvier 1960.

– Jean Deroman, « Grâce à une femme, Abel Gance, le Napoléon du cinéma, a gagné la bataille d’Austerlitz », Détective, 1er juillet 1960.

– « Abel Gance inaugure une salle qui porte son nom », Paris-Jour, 6 février 1962.

– Jean-Charles Varennes, « L’Enfance commentryenne d’Abel Gance », Centre-Matin, 8 février 1962.

– Jean-Charles Varennes, « Madame Vangeon nous

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parle d’Abel Gance », Centre-Matin, 23 février 1962. – « Le Napoléon du cinéma sauvé par le Napoléon

du rock », Telstar, 28 décembre 1963. – Jean Montfort, « À 75 ans, Abel Gance débute à la

télévision », Paris-Jour, 13 mai 1965. – Jean Nohain, « Le Grand Film de la vie d’Abel

Gance », Notre Temps, janvier 1971. – Jean Delannoy, « Abel Gance ou le Cinéma »,

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– Stuart Byron, « Abel Gance : Cinéma’s Last Romantic », The Real Paper, August 14, 1974, p. 26-27.

– James M. Welsh et Steven Philip Kramer, « Abel Gance’s Accusation Against War », Cinema Journal, n° 14, Spring 1975, p. 55-67.

– Jean-Luc Douin, « Abel Gance – C’est un Hugo de la pellicule qu’on a assassiné », Télérama, 14 février 1976.

– Penelope Gilliatt, « The Current Cinema : Work of a Master », New Yorker, Septembre 6, 1976, p. 71-75.

– Roger Icart, « Abel Gance ou le Défi épique », Lumière du cinéma, n° 5, juin 1977, p. 48-55.

– Éric de Goutel, « Abel Gance : déjà célèbre au début du siècle », Télé 7 jours, n° 966, 2 décembre 1978, p. 44-45.

– Élisabeth Fechner, « L’Amérique découvre Abel Gance (92 ans) », VSD, 22 janvier 1981.

– Chantal de Tourtier-Bonazzi, « Archives privées et cinéma : l’exemple d’Abel Gance », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1981, tome XXVIII, p. 358-365.

– Philippe Labro, Nelly Kaplan, « Abel Gance le géant oublié », Paris Match, 27 novembre 1981.

– Louis Skorecki, « Abel Gance », Cahiers du cinéma, n° 330, décembre 1981, p. III.

– Jean-Pierre Jeancolas, « Abel Gance entre Napoléon et Philippe Pétain », Positif, n° 256, juin 1982, p. 17-21.

– Roger Icart, « Le Sort de l’albatros », La Revue du cinéma, n° 383, mai 1983, p. 51-57.

– Claude Lafaye, « Avant tout, un homme », La Revue du cinéma, n° 383, mai 1983, p. 44-45.

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– Marcel Martin, « Identification d’un cinéaste », La Revue du cinéma, n° 383, mai 1983, p. 46-50.

– Antoinette Weber-Caflisch, « Claudel, Gance, Valéry : 1919-1929 », Bulletin de la Société Paul Claudel, n° 92, 1983, p. 24-32.

– Jean-Pierre Jeancolas, « Gance au Havre : pour prendre date… », Positif, n° 263, janvier 1983, p. 64-66.

– Roger Icart, « Jean Mitry, Abel Gance et moi », 1895, n° hors série Jean Mitry, septembre 1988, p. 13.

– Danièle Heymann, Emmanuel de Roux, « le Centenaire d’Abel Gance à la Cinémathèque : portrait d’un visionnaire sans influence ; entretien avec Nelly Kaplan », Le Monde, 28 décembre 1989, p. 22-23.

– Denis Rolland, « Abel Gance en Amérique Latine, 1942 : autour d’une mission avortée », Cahiers des Amériques Latines, 1990, n° 9, p. 139-158.

– Emmanuel de Roux, « les archives d’un visionnaire : les manuscrits d’Abel Gance dispersés à Drouot », Le Monde, 5 mars 1993, p. 13.

– Vincent Noce, « OPA de l’État sur les archives d’Abel Gance », Libération, 5 mars 1993.

4. Livres et revues sur les films

– Ricciotto Canudo, « La Roue » d’Abel Gance.

Éditions Ferenczi, 1923. – Jean Arroy, En tournant Napoléon avec Abel

Gance. Souvenirs et impressions d’un sans-culotte, Paris, Plon/La Renaissance du Livre, 1927.

– « Napoléon : analyse, critique, documents », Photo-ciné, n° 4, avril 1927.

– René Jeanne, « Napoléon » vu par Abel Gance, Éditions Jacques Tallandier, 1927.

– Pierre Scize, La seconde jeunesse de Bonaparte, Arthème Fayard, 1927 (Œuvres libres ; 73).

– O. P. Gilbert, La Rou,. Librairie Plon, 1956. – Nelly Kaplan, préf. d’Abel Gance, Le Sunlight

d’Austerlitz, Plon, 1960 (journal de tournage). – « Abel Gance et Napoléon », Cinématographe, n°

83, novembre 1982. – Kevin Brownlow, Napoleon, Abel Gance’s Classic

Film, London, Jonathan Cape, 1983.

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– Kevin Brownlow, Napoleon, Abel Gance’s Classic Film, New York, Alfred A. Knopf, 1983.

– Nelly Kaplan, Bernard Mc Guirk, Napoléon, British Film Institute, 1994 (BFI Film Classics).

– Roger Icart, « Le tournage épique de la Roue », Archives, n° 63, juin 1995.

5. Articles sur les films

– Colette, « Mater Dolorosa », Le Film, 4 juin 1917.

Repris in Colette, Au cinéma, Textes réunis et présentés par Alain et Odette Virmaux, Flammarion, 1975, p. 45-47.

– « Les interprètes de la Rose du rail », Filma, n° 67, 15-31 mai 1920, p. 8-9 (sur la Roue).

– « Screen – People and Plays : A French Film », New York Times, May 23, 1920, Sec. VI, p. 2 (sur J’accuse).

– « The Screen », New York Times, October 10, 1921, p. 16 (sur J’accuse).

– Robert de Beauplan, « Un effort de régénération du cinéma français : la Roue », L’Illustration, 17 décembre 1921, p. 598-600.

– Léon Moussinac, « Après J’accuse et avant la Roue », Mercure de France, 1er mai 1922, p. 785-787.

– Jean Epstein, « la Roue », Comœdia, 16e année, n° 3648, 12 décembre 1922, p. 3.

– Fernand Léger, « La Roue », Comœdia, 16e année, n° 3652, 16 décembre 1922, p. 4.

– Paul de la Borie, « Une grande première : la Roue d’Abel Gance », La Cinématographie française, 5e année, n° 215, 16 décembre 1922, p. 13-15.

– Émile Vuillermoz, « La Roue », Comœdia, 16e année, n° 3657, 21 décembre 1922, p. 3.

– Paul de la Borie, « Les grandes journées du cinéma : la Roue d’Abel Gance », La Cinématographie française, n° 216, 23 décembre 1922, p. 7-8.

– Jacques Thévenet, « À propos de la Roue d’Abel Gance, » Comœdia, n° 3661, 25 décembre 1922, p. 4.

– Ricciotto Canudo, « Pourquoi j’écris le roman de la Roue », Comœdia, 16e année, n° 3665, 29 décembre 1922, p. 5. Repris in Ricciotto Canudo, l’Usine aux images. Paris : Séguier/Arte, 1995, p. 171-172.

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– Jean-Louis Croze, « La Roue a tourné en triomphe », Comœdia, 16e année, n° 3665, 29 décembre 1922, p. 5.

– Paul de la Borie, « les grandes journées du cinéma : la Roue d’Abel Gance », La Cinématographie française, n° 217, 30 décembre 1922, p. 11.

– Émile Vuillermoz, « La Roue », Comœdia, 16e année, n° 3667, 31 décembre 1922, p. 4.

– Edmond Epardaud, « Les Présentations de la semaine : la Roue », Cinéa, 3e année, n° 83, 12 janvier 1923, p. 6-7.

– Pierre Desclaux, « La Roue », Mon Ciné, 2e année, n° 48, 18 janvier 1923, p. 8-10.

– Léon Moussinac, « La Roue », Comœdia, 17e année, n° 3686, 19 janvier 1923, p. 5.

– Ricciotto Canudo, « La Roue », Paris-Midi, 23 février 1923, p. 1-2. Repris in Le Siècle, 24 février 1923, p. 1-2. Repris in Ricciotto Canudo, L’Usine aux images, Paris, Séguier/Arte, 1995, p. 197-199.

– Marianne Alby, « Abel Gance tourne », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 3, 15 décembre 1923, p. 9-10 (sur le tournage d’« Au secours ! »).

– Gaston Phélip, « Autour du Napoléon de Gance : comment ce grand film sera réalisé », La Cinématographie française, 6e année, n° 288, 10 mai 1924, p. 10.

– E. S. de Bersaucourt, « Lettre ouverte au sujet de la production Napoléon », La Cinématographie française, n° 291, 31 mai 1924, p. 10.

– Robert Trévise, « Abel Gance va commencer Napoléon », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 28, 1er janvier 1925, p. 27-28.

– Juan Arroy, « Quelques minutes avec Napoléon Bonaparte », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 34, 1er avril 1925, p. 19 (entretien avec Albert Dieudonné).

– « L’Interviewer. En Corse avec Bonaparte et Abel Gance », Cinéa-Ciné pour tous, nlle série, n° 41, 15 juillet 1925, p. 6-8.

– Pierre Scize, « On “tourne” au pays de Napoléon », Lectures pour tous, août 1925, p. 1459-1468.

– Gaston Phélip, « Autour du film Napoléon », La

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Cinématographie française, 7e année, n° 358, 12 septembre 1925, p. 12.

– Gaston Phélip, « C’est bien M. Abel Gance qui fera Napoléon pour le compte de la Société Générale de Films », La Cinématographie française, 7e année, n° 366, 7 novembre 1925, p. 9 et p. 11.

– « Mater Dolorosa », Mon Film, 3e année, n° 35, 26 février 1926, p. 6.

– Au studio de Billancourt : Napoléon, Cinémagazine, 6e année, n° 12, 19 mars 1926, p. 590.

– Jean de Mirbel, « On tourne… Napoléon », Cinémagazine, 6e année, n° 13, 26 mars 1926, p. 639.

– Georges d’Esparbès, « Le Napoléon de Gance », Comœdia, 20e année, n° 4861, 16 avril 1926, p. 3.

– Yves Dartois, « En causant avec Napoléon », Comœdia, 20e année, n° 4875, 30 avril 1926, p. 3 (entretien avec Albert Dieudonné).

– Victor Méric, « Une journée chez Gance », Paris-Soir, 29 juin 1926 (sur le tournage de Napoléon).

– Jean-Louis Croze, « Nos grands films : le sort de Napoléon », Comœdia, 20e année, n° 5038, 15 octobre 1926, p. 1.

– Élie Faure, « Napoléon », Programme du Théâtre National de l’Opéra, 7 avril 1927. Repris in Cahiers Élie Faure, n° 1, 1981, p. 96-98.

– « Napoléon […] », Photo-Ciné, n° 4, mai 1927, p. 83-84.

– Lucie Derain, « Napoléon vu par Abel Gance », La Cinématographie française, 9e année, n° 446, 21 mai 1927.

– James Graham, « Shadow Version of Napoleon’s Life », New York Times, June 5, 1927, section VII, p. 5.

– « Napoléon à l’Opéra : les résultats de l’exploitation », La Cinématographie française, 9e année, n° 449, 11 juin 1927.

– Jean Arroy, « Le Triptyque d’Abel Gance », Photo-ciné, n° 6, juin-juillet 1927, p. 98-101.

– Jean Arroy, « Napoléon-Paroxysme », Photo-ciné, n° 7, août 1927, p. 123-126.

– Marcel Colin, « Napoléon d’Abel Gance vu par Berlin », La Cinématographie française, n° 468, 19 octobre 1927.

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– Gérard de Wybo, « Réalisé en 1917, vu en 1928 : J’accuse !, tragédie des temps modernes d’Abel Gance », Photo-Ciné, 2e année, n° 12, avril 1928, non paginé.

– « Napoléon à Bruxelles », Cinémagazine, 9e année, n° 4, 25 janvier 1929, p. 164.

– Pierre Leprohon, « Une nouvelle production d’Abel Gance : la Fin du monde », Cinémonde, n° 39, 18 juillet 1929, p. 667.

– Rémy Garrigues, « Abel Gance, amateur des foules », Ciné-Miroir, 10 janvier 1931.

– « Mater Dolorosa », Ciné-Miroir, 11e année, n° 386, 26 août 1932, p. 556.

– « On a présenté… », Pour Vous, n° 205, 20 octobre 1932, p. 8. (sur Mater Dolorosa).

– Lucien Walh, « Les Films nouveaux », Pour Vous, n° 217, 12 janvier 1933, p. 6 (sur Mater Dolorosa).

– « Mater Dolorosa », Cinémonde, 6e année, n° 221, 12 janvier 1933, p. 7.

– Mordaunt Hall, « Le Serment, a Gallic Domestic Tangle », New York Times, March 14, 1934, p. 23 (sur Mater Dolorosa).

– Serge Berline, « Au studio : Abel Gance réalise Poliche », Ciné-Miroir, 13e année, n° 471, 13 avril 1934, p. 238.

– « Les Films nouveaux : Poliche », Pour Vous, n° 287, 17 mai 1934, p. 7.

– René Lehmann, « Les Films de la semaine : Poliche », Pour Vous, n° 297, 26 juillet 1934, p. 6.

– Jean Méry, « la Triste Histoire d’un pauvre homme ou Comment Abel Gance a revu Henry Bataille », Cinémonde, 7e année, n° 301, 26 juillet 1934, p. 606 (sur Poliche).

– Roger Régent, « À Joinville, Abel Gance sonorise Napoléon », Pour Vous, n° 300, 16 août 1934, p. 14.

– A. P. Barancy, « Quand Abel Gance ressuscite Napoléon », Pour Vous, n° 318, 20 décembre 1934, p. 14.

– Roger Régent, « Napoléon d’Abel Gance ressuscite enrichi par la perspective sonore », Pour Vous, n° 337, 2 mai 1935, p. 7.

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– « Sur les écrans de Paris », Cinémonde, n° 342, 9 mai 1935, p. 411 (sur Napoléon).

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– Jean Vignaud, « Notre opinion : Casse-cou ! », Ciné-Miroir, 16e année, n° 638, 25 juin 1937, p. 410.

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– Jany Casanova, « Pour la première fois, “les Gueules cassées” conduites par le colonel Picot participent à la réalisation d’un film (…) », Paris-Soir, 2 août 1937 (sur « J’accuse », 1937).

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– Lucien Wahl, « Les films nouveaux : J’accuse », Pour Vous, n° 480, 26 janvier 1938, p. 6.

– Jean Rollot, « “Dégoûter les hommes de la guerre, c’est le but le plus noble”, déclare le colonel Picot au lendemain de la première de J’accuse », Pour Vous, n° 480, 26 janvier 1938, p. 2.

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– Veber, Serge. « Notre scénario romancé », Pour Vous, n° 486, 9 mars 1938, p. 14.

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– Maurice Bessy, « Au cinéma tous les deux… le Voleur de femmes », Cinémonde, 11e année, n° 495, 14 avril 1938, p. 340.

– « Georges Thill et Grace Moore vont se retrouver à Paris pour y tourner Louise », Cinémonde, 11e année, n° 518, 22 septembre 1938, p. 818-819.

– René Manevy, « Grace Moore incarne Louise

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[…] », Ciné-Miroir, n° 705, 7 octobre 1938, p. 638. – René Manevy, « La réalisation de Louise : cinq

cousettes parisiennes ont été élues pour tourner auprès de Grace Moore », Ciné-Miroir, n° 709, 4 novembre 1938, p. 702.

– Odile Combier, « Au studio : À Saint-Maurice, Louise coud une robe de mariée bleue… », Cinémonde, 11e année, n° 527, 24 novembre 1938, p. 108-109.

– « Configuration bénéfique sur la constellation de la lyre », Cinémonde, 11e année, n° 529, 7 décembre 1938 (sur Louise).

– « D’un mercredi l’autre : Conduit par Abel Gance, Victor France va découvrir l’Amérique », Pour Vous, n° 538, 8 mars 1939, p. 6 (sur Christophe Colomb).

– A. Barancy, « Louise au studio […] », Pour Vous, n° 538, 8 mars 1939, p. 7.

– Rémy Garrigues, « Louise », Ciné-Miroir, 18e année, n° 731, 7 avril 1939, p. 3.

– Jean Vignaud, « Notre opinion : un conquérant », Ciné-Miroir, 21 avril 1939 (sur Christophe Colomb).

– Odile Cambier, « Quoi de neuf ? », Cinémonde, 12e année, n° 549, 26 avril 1939, p. 8-9 (sur Paradis perdu).

– Georges Fronval, « Paradis perdu a retrouvé l’Éden sur la Côte d’Azur… », Cinémonde, 12e année, n° 558, 28 juin 1939, p. 11.

– Doringe, « Une œuvre d’un nouveau genre : Louise », Pour Vous, n° 560, 9 août 1939, p. 5.

– Henry Malherbe, « Louise à l’écran », Pour Vous, n° 563, 30 août 1939, p. 8-9.

– Odile Cambier, « La Foire aux films : Louise », Cinémonde, 12e année, n° 567, 30 août 1939, p. 25.

– Marguerite Bussot, « Notre scénario romancé : Louise, film d’Abel Gance », Pour Vous, n° 564, 6 septembre 1939, p. 11.

– « Louise », Ciné-Miroir, 18e année, n° 753, 8 septembre 1939, p. 584-585 (film raconté).

– Frank S. Nugent, « That They May Live, a Bitter Tragedy of the War », New York Times, November 7, 1939, p. 31 (sur J’accuse, 1937).

– Doringe, « Le Paradis Perdu d’Abel Gance », Pour Vous, n° 576, 29 novembre 1939, p. 7.

– Theodore Strauss, « Four Flights to Love », New

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Gance va tourner […] », L’Intransigeant, 30 novembre 1947.

– Roger Cantagrel, « Abel Gance doit renoncer à tourner en Égypte sa Divine tragédie », Le Figaro, 8 octobre 1948.

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– Norman King, « Poètes de l’action : les Napoléon d’Élie Faure et d’Abel Gance », Cahiers Élie Faure, n° 1, 1981, p. 52-71.

– Roger Icart, « À la découverte de la Roue », Les Cahiers de la Cinémathèque, n° 33-34, automne 1981, p. 185-192.

– Jean-Loup Rivière, « Napoléon au Colisée », Cahiers du cinéma, n° 329, novembre 1981, p. IV.

– Olivier Assayas, « Mensonges et vérités : Napoléon d’Abel Gance », Cahiers du cinéma, décembre 1981, n° 330, p. XI.

– Jean-Philippe Domecq, « Napoléon vu par Abel Gance : une épopée ? », Positif, n° 256, juin 1982, p. 2-8.

– Yann Tobin, « Sur Napoléon d’Abel Gance », Positif, n° 256, juin 1982, p. 9-13.

– Roger Icart, « La représentation de Napoléon Bonaparte dans l’œuvre d’Abel Gance », Les Cahiers de la cinémathèque, n° 35-36, automne 1982, p. 121-132.

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– Jean-Claude Bonnet, « Table ronde sur Napoléon », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 16-20.

– Lenny Borger, « Vingt images/seconde », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 2-3.

– Kevin Brownlow, « Corse, île enchantée », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 11-15.

– Bernard Eisenschitz, « La musique du silence », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 25-28.

– Norman King, « Une épopée populiste », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 8-10.

– Jérôme Tonnerre, « Entretien avec Claude Lafaye », Cinématographe, n° 83, novembre 1982, p. 22-24.

– Alain Bergala, « Le Havre acclame Napoléon », Cahiers du cinéma, n° 342, décembre 1982, p. I-III.

– Yann Lardeau, « Napoléon fait étape à Paris : Napoléon d’Abel Gance », Cahiers du cinéma, n° 350, août 1983, p. IV.

– Yann Lardeau, « L’Empereur contre-attaque : Napoléon d’Abel Gance », Cahiers du cinéma, n° 351, septembre 1983, p. 28-29.

– Hervé Le Roux, « Abel Gance et son Napoléon de Nelly Kaplan », Cahiers du cinéma, n° 360-361, été 1984, p. 64-66.

– Christian-Marc Bosseno, « Abel Gance : Napoléon ou la double nécessité », Vertigo, n° 4, 1989, p. 99-100.

– Jacques Gerstenkorn, « “Paille au nez” monte en bateau », Vertigo, n° 4, 1989, p. 101-102.

– Marcel Oms, « Sur le Capitaine Fracasse », Les Cahiers de la cinémathèque, n° 51-52, mars 1989, p. 121-132.

– Claude Lafaye, « Gance et son Napoléon », Les Cahiers de la cinémathèque, n° 53, décembre 1989, p. 79-83.

– Jacques Gerstenkorn, « L’Empire de l’analogie : Napoléon d’Abel Gance », Vertigo, n° 6/7, 1991, p. 91-101.

– Laurent Véray, « J’accuse : un film conforme à la volonté de Charles Pathé et à l’air du temps ? », 1895, n° 21, décembre 1996, p. 93-124.

– Roger Icart, « Les Divers Visages du Napoléon

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d’Abel Gance », in Jean-Pierre Mattei (dir.), Napoléon et le cinéma : un siècle d’images, Éditions Alain-Piazzola/Cinémathèque de Corse, 1998, p. 83-103.

– Jean-Michel Brèque, « Le Film d’Abel Gance : mélodramatique et charmeur », in Louise de Gustave Charpentier, L’Avant-scène Opéra, n° 197, juillet-août 2000, p. 80-83 (sur Louise).

6. Travaux universitaires

– De l’écrivain au cinéaste, une transition rendue

publique : transcription et présentation des carnets manuscrits d’Abel Gance (1914/1920), mémoire de maîtrise soutenu par Emmanuelle Sruh. Université de la Sorbonne Nouvelle Paris 3, Études cinématographiques et audiovisuelles, octobre 1995.

IV-Documents sonores et audiovisuels

1. Émissions radiophoniques

– Sur l’évolution du cinéma, 28 février 1953. – Hommage à Jean Epstein, 25 avril 1953. – Le Relief n’est pas l’art ; ce qui compte, c’est la

photographie, 7 décembre 1953. – Discours au congrès de Filmologie sur la

Polyvision, 22 février 1955. – Henri Spade et Robert Chazal, la Joie de vivre

d’Abel Gance, RTF, Chaîne parisienne, 20 mars 1955. – Le Crépuscule des fées : scénario d’Abel Gance,

adaptation radio Albert Riéra, France III, 18 mai 1955. – René Jeanne et Charles Ford, Entretiens avec Abel

Gance, RTF, Chaîne parisienne, 7, 14, 21, 28 juillet-4, 11, 18, 25 août 1955.

– Hommage à Arthur Honegger, RTF, Chaîne nationale, 11 décembre 1955.

– L’évolution du cinéma : entretien avec Georges Franju, 19 mars 1958.

– Cinéma par les ondes, RTF, Paris Inter, 8 juin 1958.

– Louis Mollion, Le Bureau des rêves perdus, réal. Albert Riera. RTF, Chaîne parisienne, 20 décembre 1958.

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– Causerie à l’Exposition de Bruxelles, 24 janvier 1959.

– Napoléon à Austerlitz, 2 décembre 1959. – Cinéma par les ondes, RTF, Paris Inter, 11

novembre 1960. – René Jeanne et Charles Ford, Napoléon à la scène

et à l’écran, 7, 14, 21, 28 août, 4 septembre 1961, RTF, Chaîne nationale.

– Hier 20 ans, Europe n° 1, 17 février 1962. – Sur Cyrano et d’Artagnan et ses projets, 19 avril

1964. – Jacques Chancel, Radioscopie Abel Gance, France

Inter, février 1971. – Philippe Esnault, La Musique de la lumière :

portrait d’Abel Gance, France Culture, 20 mars 1982.

2. Disques – Abel Gance parle : entretien d’Abel Gance avec

Hugues Desalle, Paris, réalisation sonore Hugues Desalle, 1 disque 33 T. (coll. Français de notre temps hommes d’aujourd’hui ; 43).

3. Émissions télévisées

– La Cinémathèque imaginaire de Marcel

L’Herbier, 10 mars 1952. – Stellio Lorenzi, Abel Gance, l’homme et l’œuvre,

RTF, 25 janvier 1958. – Hubert Knapp, Abel Gance portrait brisé

(Cinéastes de notre temps), 2e chaîne, 19 novembre 1964.

– Armand Panigel, Hommage à Abel Gance : un soleil dans chaque image, 1ère chaîne, 25 octobre 1973.

– Michel Lancelot et Pierre Laforêt, Message pour l’an 2000, A2, 17 mai 1975.

– Jean-Pierre Chartier, les Grandes Heures d’Abel Gance, 15, 22 et 29 février, 7 mars 1976. Contient : Avoir 20 ans en 1908 ; Autour de la Roue ; Une œuvre hantée par Napoléon ; Et le cinéma devint parlant.

– Claude-Jean Philippe, Le Cinéma en son temps : les années trente ou le Paradis perdu (L’Encyclopédie

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du cinéma ; 17), FR3, 4 février 1978. – Claude-Jean Philippe, Les années vingt : Abel

Gance l’inspiré (L’Encyclopédie du cinéma ; 9), FR3, 19 novembre 1978.

– Armand Panigel, Portrait d’Abel Gance, TF1, 3 décembre 1978.

– Claude-Jean Philippe, Abel Gance ou le Romantisme des années trente (L’Encyclopédie du cinéma ; 19), FR3, 11 mars 1979.

– Guy Olivier, Hommage à Abel Gance, FR3, 16 janvier 1982 (d’après les Grandes Heures d’Abel Gance).

4. Films documentaires

– Autour de la Roue, réalisation Blaise Cendrars

(1923). – Autour de la Fin du monde, réalisation Eugène

Deslaw (1931). – Abel Gance, hier et demain, scénario et réalisation

Nelly Kaplan, commentaire écrit par Abel Gance, production Office de documentation par le film, 1963.

– Abel Gance et son Napoléon, réalisation Nelly Kaplan (1984).

– The Charm of Dynamite, réalisation Kevin Brownlow.

Remerciements à Frédéric Binet, William Galindo, Laurent Véray.

© AFRHC

FIN

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