984001448 langues.pdf

download 984001448 langues.pdf

of 47

Transcript of 984001448 langues.pdf

  • LANGUES ET CULTURESREGIONALES

    Rapport de Monsieur Bernard PoignantMaire de Quimper

    A

    Monsieur Lionel JospinPremier Ministre

    Le 1er juillet 1998SOMMAIRE

    IntroductionI - inventaire des langues rgionales

    II - La France, le franais, les franais, leurs langues et cultures rgionalesA) LEtat-NationB) LEtat-Nation et sa diversit linguistique et culturelleC) Les volutions lgislatives et rglementaires

    III - LA SITUATION ACTUELLE DANS LENSEIGNEMENTA) Rappel des textesB) Les rsultats de cette politique

    IV - Culture et medias : constats

    V - Les principes qui guident les propositions

    VI - Les propositions en application des principesA) Le cadre institutionnelB) Enseignement publicC) Enseignement associatifD) Culture et mdiasE ) La Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires

    1 - Les objectifs et les principes de la Charte

  • 22 - La Charte et la Constitution franaise3 - Propositions pour la Charte

    Conclusion

    Annexe : extrait de la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires

    Introduction

    Vous mavez demand de poursuivre le travail que vous aviez confi MadameNicole Pry aujourdhui secrtaire dEtat la formation professionnelle.

    Sa mission a t prcise dans une lettre que vous lui avez adresse le 29 octobre1997 dans les termes suivants :

    Les langues rgionales sont une richesse de notre patrimoine culturel. Jaitenu affirmer cette conviction rcemment devant lAssemble parlementaire duConseil de lEurope. Le temps est, en effet, rvolu o lEtat pouvaitconsidrer que lenseignement de ces langues tait de nature menacerlunit nationale.

    Si, comme le prescrit aujourdhui notre Constitution, la langue de laRpublique est le franais , il reste encore donner lenseignement deslangues rgionales toute la place qui doit tre la sienne. Aussi ai-je dcid devous confier, en vertu de larticle L.O. 144 du Code lectoral, une missiontemporaire auprs de moi-mme. Cette mission aura pour objet de faire un bilanexhaustif et objectif de lenseignement de ces langues et de faire toutespropositions sur lvolution du dispositif.

    La situation de lenseignement de ces langues est sans doute mal connue,contraste suivant les rgions et insuffisamment mise en valeur en dpit de lapolitique volontariste mene au cours de ces dernires annes.

    La multiplicit des intervenants dans ce domaine (enseignement public,enseignement priv associatif, enseignement priv confessionnel) soulve desdifficults quant la lisibilit des dispositifs denseignement et lutilisation desmoyens financiers qui sont consacrs ceux-ci.

    Je souhaite en consquence que vous dressiez un tat des lieux avec sespoints forts et ses points faibles. A partir de ce bilan, il vous appartiendra deformuler toute proposition permettant dassurer le dveloppementharmonieux et concert de lenseignement de ces langues, tout en tenantcompte des impratifs budgtaires.

    Par ailleurs, votre rflexion ne devra ngliger ni les aspects institutionnels, ni lesaspects culturels de la question. A cet gard, il me parat souhaitable dexaminerde quelle manire les missions assignes au Conseil national des langues etcultures rgionales, qui ne sest pas runi depuis longtemps, pourraient treraffirmes voire renforces. Un rapprochement avec le Conseil suprieur de lalangue franaise pourrait aussi tre envisag. De mme, cette rflexion doit

  • 3prendre en compte la dimension culturelle de ces langues afin de mieuxassurer leur diffusion hors du domaine de lenseignement.

    Pour votre mission, vous pourrez compter sur le concours des services duministre de lEducation Nationale, de la recherche et de la technologie et duministre de la culture et de la communication. Jattacherai du prix ce que cerapport puisse tre dpos la fin du mois davril 1998 et je souhaite disposerdun rapport dtape pour dcembre 1997 portant sur les seuls aspectsinstitutionnels voqus ci-dessus.

    Madame Nicole Pry vous a remis ce rapport dtape en fvrier 1997. Il rassembletoute la documentation et les informations ncessaires. Il dresse ltat des lieuxcomme vous lavez demand, en quatre chapitres :

    - La situation des langues et cultures rgionales,- Les aspects institutionnels les concernant,- Lenseignement et la formation,- La culture, les mdias, la cration, la diffusion.

    Il rsume toutes les rencontres quelle a organises pour couter les acteursconcerns, notamment dans le secteur associatif. Il formule des analyses et lespremires propositions. Son travail a t considrable. Elle a effectu de nombreuxdplacements dans les Rgions. Je la remercie vivement pour avoir largementexplor lobjectif de la mission. Son travail me permet de prsenter les conclusionsdu rapport.

    Je remercie galement monsieur Jean Geoffroy, Inspecteur gnral deladministration de lEducation Nationale qui ma assist pour tout ce travail.

    Beaucoup dassociations et de personnalits ont souhait me rencontrer. Toutes ontpu le faire. Je les remercie aussi de leurs contributions et des changes mensensemble.

    Jai enfin reu de nombreux courriers de collectivits territoriales, de syndicats,dassociations ou de particuliers. Tous ont fait lobjet dune lecture attentive.

    I - INVENTAIRE DES LANGUES REGIONALES

    Il est dabord ncessaire de prciser lobjet de ltude pour lever toute ambigut etbien situer les enjeux.

    Dune manire gnrale, on entend par langues rgionales selon lappellationretenue par la loi Deixonne de 1951, les langues de culture de la Rpublique autresque le franais. Le qualificatif rgionales les diffrencie des langues vivantestrangres1.

    1 Bulletin officiel de lEducation Nationale - 27 fvrier 1997

  • 4Sur le territoire de la mtropole et outre-mer, il est ainsi possible de rpertorier :

    Lalsacien-mosellan. Cette formulation, qui prsente lintrt de situer laire dediffusion de la langue en question, ne rend pas compte cependant de larpartition territoriale des varits linguistiques en usage dans les acadmies deStrasbourg et de Nancy-Metz : lalmanique et le francique. En fait, la forme criteretenue pour lenseignement de la langue est ici lallemand. Il est noter quelalsacien, en tant que dialecte germanique spcifique cette fois, fait lobjet dunemention au CAPES dallemand.

    Le basque. La zone bascophone correspond au tiers sud-ouest du dpartementdes Pyrnes-Atlantiques, dans lacadmie de Bordeaux. Elle prolonge lairedextension du basque en Espagne o cette langue bnficie dun statutdofficialit. Lenseignement du basque se dveloppe galement dans leprimtre urbain de Bayonne, en plus des sites des trois provinces basques(Labourd, Soule, Basse Navarre).

    Le breton. Il est parl et enseign dans la partie occidentale de la Bretagne. Lebreton fait galement lobjet dun enseignement dans plusieurs villes de la partienon bretonnante de lacadmie de Rennes, dans le dpartement de la LoireAtlantique et Paris.

    Le catalan. Il occupe la quasi-totalit du dpartement des Pyrnes-Orientales,dans lacadmie de Montpellier. En France, son usage tire profit du dynamismelinguistique de cette langue dans la pninsule ibrique o ses intrts sontprotgs par la Constitution espagnole et laction du gouvernement catalan.

    Le corse. Longtemps considr comme une forme dialectale de lItalien, le corseest la seule des langues en mtropole bnficier dun statut particulier, lui-mme troitement li au statut administratif de lle. Cela explique quil napparatpas sous la rubrique Langues Rgionales dans les textes qui rgissent lesconcours de recrutement, mais en tant que langue corse . En dehors de laCorse, des enseignements sont assurs dans les acadmies dAix-Marseille, deNice et de Paris.

    Les croles. Ils sont parls dans les dpartements dOutre-Mer. Ils sont la languematernelle la plus rpandue sur le territoire de la Rpublique. Guyane,Guadeloupe, Martinique, Runion, ces quatre dpartements rassemblent un trsgrand nombre de locuteurs crolophones.

    Loccitan. Cette appellation a t retenue dans la nomenclature tablie par la loiDeixonne. Les acadmies concernes par lenseignement de loccitan sont lessuivantes : Nice, Grenoble, Aix-Marseille, Clermont Ferrand, Montpellier,Toulouse, Limoges, Bordeaux et, pour une faible partie, Poitiers. Cette langue estgalement parle et enseigne en Espagne (au Val dAran o elle bnficie dunstatut officiel) et dans un certain nombre de valles italiennes des Alpes. Parmiles langues rgionales, loccitan se caractrise par son extension gographique,de loin la plus importante ramene au territoire franais, et par une production

  • 5culturelle -en particulier littraire- au prestige certain, la fois trs ancienne etvivace.

    Le nerlandais, implant sur la frange flamande du dpartement du Nord, nefigure pas aujourdhui sous ltiquette langue rgionale ; il fait toutefois lobjetdune preuve spcifique dans le cadre du CAPES danglais.

    Les langues vernaculaires des territoires franais du Pacifique : les languespolynsiennes (le tahitien) et mlansiennes (les langues kanak) bnficient desituations particulires lies aux diffrents statuts des territoires.

    Les langues dol, langues utilises au moyen-ge par les seigneurs de cesrgions, taient aussi langues de large communication sociale en milieu rural.Ces langues proprement dites ont disparu et les parlers actuels ont t largementinfluencs par le franais. Leurs locuteurs sont aujourdhui peu nombreux, maisun rveil culturel sorganise autour de luniversit. Les parlers dol tels que lepicard (au nord), le gallo ( louest), le poitevin, le saintongeais, le normand,le morvandiau, le champenois, dautres encore constituent autant de formesrgionales du franais. Dans certains tablissements, ils bnficient dun horairespcifique sous la rubrique langues rgionales . Cette appellation rend comptealors des modalits administratives de leur enseignement tandis que leur tudesarticule videmment sur celle du franais, langue de rfrence et decommunication dans toutes ces configurations.

    Le cas du franco-provenal, parfois appel savoyard, varit charnire entre lefranais et loccitan, qui concerne les acadmies de Lyon et de Grenoble, estcomparable celui des parlers dol.

    La force de chacune de ces langues rgionales appeles aussi langues historiquesde la France, leur prennit dpendent la fois de leur distance linguistique parrapport au franais, dune rsistance historique et de leur implantationgographique.

    Certaines, comme le basque ou flamand-nrlandais, le catalan, lalsacien et saforme crite lallemand sont des langues transfrontalires . Elles sont largementsoutenues par les rgions et pays voisins o le nombre de locuteurs est trsimportant. Rgionales en France, elles permettent des habitants de pays diffrentsde se comprendre. Dans ce cas, il est aujourdhui vident que lunion europennealimente la volont de perptuer la connaissance de la langue si elle favorisechanges et relations en de et au-del de la frontire.

    Dautres, comme le corse, les croles, les langues polynsiennes et mlansiennessont des langues insulaires . Leur insularit les a maintenues comme langues decommunication dans la vie prive et sociale.

  • 6Dautres ont des traits gographiques diffrents : le breton est parl dans la moitioccidentale de la Bretagne et est spar des autres langues celtiques de lensembleeuropen par les mers.

    Les langues dOl sont devenues des franais rgionaux et loccitan reste unelangue parle par de nombreux habitants du pays sur une aire gographiquetendue.

    Sont exclues du champ de ce rapport les langues non territorialises et parlespar des populations trangres ou franaises dorigine trangre de la premire oude la deuxime gnration. Ces langues relvent du statut actuel des languestrangres.

    II - LA FRANCE, LE FRANAIS,LES FRANAIS, LEURS LANGUES ET CULTURES REGIONALES

    A ) LEtat-Nation

    Cest une histoire sensible, charge de passions, de tensions et mme de violences.La France est un Etat-Nation dont la naissance puise ses racines dans lamonarchie, lempire avant que ne sinstalle la Rpublique une et indivisible.

    Son territoire mtropolitain est fait de conqutes, dannexions, de guerres, dervolutions, de territoires perdus et reconquis, de mariages monarchiques, etc.

    Il se prolonge outre-mer par les territoires issus de la priode coloniale et demeursdans la Rpublique.

    Dans chaque rgion concerne, il subsiste des blessures, mme si trs rares sontles Franais qui remettent en cause le principe de lunit nationale. Cest notreralit, notre pass. Il ne servirait rien de chercher faire de la France une copiede lAllemagne, de lItalie, de lEspagne ou du Royaume Uni. Ce dernier pays ouvreen ce moment de nouvelles pistes avec ses rformes institutionnelles en Ecosse etau Pays de Galles sans oublier laccord irlandais qui prvoit un chapitre sur lalangue. Evidemment, lextension et lobligation de la langue franaise ont t aucoeur de la construction de notre pays. Le Franais a t souvent la langue ducombat rpublicain, de la devise nationale comme celle de la promotion sociale etde lgalit des chances. Il a t la langue de la libert.

    Il est vrai que ce dveloppement du franais sest fait au dtriment dautres langues.Il est vrai que lEtat a appliqu des mthodes qui ont t lencontre des ralitslinguistiques des populations, de leurs traditions et de leurs cultures aussi.

  • 7Encore faut-il regarder sans anachronisme cette priode de naissance de lcolerpublicaine. Le livre de Jean-Franois Chanet Lcole rpublicaine et lespetites patries 2, prfac par Mona Ozouf, dmontre que le premier objectifntait pas de faire disparatre les langues rgionales. Il tait de faire apprendrela langue franaise tous. Il tait de faire de chaque franais un rpublicain, unenfant de 1789. Des forces se sont opposes cet objectif, notamment danslglise. La langue parle par le peuple sest trouve au centre de ce combat. Priseen otage, victime de cette bataille essentielle, elle en a fait les frais dans certainesrgions. Mais on ne trouve aucune trace de volont danantir les languesrgionales dans les discours de Jules Ferry la Chambre des Dputs. De lamme faon, le dictionnaire de lenseignement primaire de Ferdinand Buisson neprne pas une telle disparition. Ecrivant cela, il ne sagit pas de passer sous silenceles mthodes dinterdit brutal de pratique de la langue rgionale ou certainesdclarations ministrielles de lpoque faites lemporte-pice. Il reste une mmoirede cette priode et de ces pratiques dans le conscient ou linconscient collectif despopulations. Etre puni pour parler sa langue ne peut pas tre soutenu.

    Mais je suggre de revenir cet esprit initial et de relire les termes de la circulairede Jules Ferry du 23 septembre 1880 :

    Pour que lcole se fasse aimer et apprcier de tous, il faut quellesapproprie aux convenances locales, quelle se plie aux circonstances etaux traditions, quelle joigne la fixit quelle doit garder dans ses caractresessentiels comme institution nationale la souplesse et la varit dans les formessecondaires, sans lesquelles elle cesserait dtre une institution vraimentcommunale. Aussi convient-il que chaque conseil dpartemental reste matredadopter pour son ressort, sous rserve de la sanction du conseil suprieur,toutes les mesures qui, sans tre contraires aux rgles communes, luiparatront rpondre des besoins particuliers.

    Trente ans plus tard, en octobre 1911, un autre homme politique, Jean Jaurs,restait fidle cet esprit :

    Il ny a pas de meilleur exercice pour lesprit que les comparaisons (entre lalangue occitane et la langue franaise) ; cette recherche des analogies et desdiffrences en une matire que lon connat bien est une des meilleuresprparations lintelligence .

    Cette histoire sest accompagne de la mise en place dun Etat centralis au pointquaujourdhui, il y a encore une confusion importante dans les mots. Quand on dit rpublicain certains entendent jacobin , quand on dit Etat , certainsentendent Paris . Il arrive que la langue franaise soit associe cette confusion.Faut-il renier toute cette histoire ? Faut-il sexcuser de son rsultat ? Evidemment, aposteriori, il est ais de dire que dautres mthodes taient possibles. Ces mthodesont t prnes par des matres qui les appliquaient aux dbuts de lcole publiqueobligatoire. Ils en ont vite t dissuads par linterdiction rglementaire et lesrappels lordre permanents des Inspecteurs dacadmie. Mais il nexiste pas demachine remonter le temps, ni dappareil pour refaire lhistoire !

    2 Aubier, 1996

  • 8Lhistorien Maurice Agulhon a tudi lvolution de la conscience nationale et de laconscience rgionale aux XIXme et XXme sicles. Il a analys la responsabilitde lEtat, de la Rpublique et de son cole dans le dclin ou la disparition deslangues rgionales. Il lui prfre la responsabilit de la mtamorphose conomiquercente par laquelle les anciens genres de vie disparaissent et avec eux les faits culturelsdont ils taient le support . Et il ajoute : Le discours du rgionalisme nationalitairerpartit mal ses coups entre les cibles possibles : trop de coups contre la Rpublique, pasassez contre le capital 3.

    Les valeurs et les ralisations de la Rpublique Franaise sont une fiert pour noustous. Elles donnent la France son originalit sur la scne internationale. Elles sontregardes par les pays qui sveillent la dmocratie. Cest un idal auquel lescitoyens se rfrent et saccrochent ds lors quils constatent des carts par rapportaux principes qui le sous-tendent. Au dbut dun tel rapport, il est primordialdaffirmer que la Rpublique est notre bien commun et que la langue franaise estnotre langue commune.

    B ) LEtat-Nation et sa diversit linguistique et culturelle

    Nos langues et cultures rgionales sont aussi notre patrimoine commun, unepartie du patrimoine de lhumanit. Aujourdhui, la Rpublique ne respecterait passes propres principes si elle ntait pas attentive aux demandes, aux attentes, lavie de ces langues et cultures qui existent sur son territoire, en mtropole commeoutre-mer. Notre pays aime protger ses monuments et ses oeuvres artistiques. Il amis en place des structures administratives, form et recrut des fonctionnaires pourcela. Il doit porter la mme attention son patrimoine linguistique et sa diversitculturelle. Cela relve de son devoir. Il est comptable de la vie de ces langues surson territoire. Pourtant, la France a pris beaucoup de retard. Il a la responsabilit deles sauvegarder, de les transmettre, de les dvelopper. Ne rien faire serait choisirleur disparition, au moins leur effacement. Cette disposition serait contraire denombreux textes internationaux.

    Notre pays sest engag dans un double mouvement qui secoue lEtat-nation lui-mme : la construction de lunion europenne depuis la seconde guerre mondiale, ladcentralisation depuis 1982. Ce choix, mri, dlibr, confirm par le peuple en1992 pour lEurope, adopt par le Parlement en 1982 pour la dcentralisation,implique des consquences dans le domaine qui nous concerne.

    Un Conseil Gnral qui cesse dtre dirig par le Prfet, un Conseil Rgional lu ausuffrage universel aujourdhui dans le cadre dpartemental, demain dans le cadrergional, peuvent vouloir le respect dabord, le dveloppement ensuite, dune langueparle par la population, par des lecteurs, sur son territoire. Il ne faut pas stonnerde cette monte de la demande linguistique et culturelle. Beaucoup de collectivits

    3 Maurice Agulhon : Histoire vagabonde, tome II : idologies et politique dans la France du XIXme sicle.

    Gallimard, 1988, p.172-173.

  • 9territoriales ont dj engag des politiques en ce sens. Cela nempche pas dereconnatre quil faut disposer dune grande langue internationale. Cest la languefranaise qui, pour nous, remplit cette fonction. Il ny a aucune contradiction entreles deux.

    Devenant de plus en plus europen, comment stonner quun franais, vivant prsdune frontire, ne soit pas encourag parler sa langue rgionale si elle lui permetde trouver un travail dans le pays voisin, dy nouer ou renouer des amitis, de sypromener ou dy acheter ? Lexemple de lEspagne est frappant pour cela : personnene sy rfrait tant que la dictature franquiste touffait les liberts. Ds que ladmocratie sest installe, ds quelle a rejoint lUnion Europenne en 1985,lorganisation administrative et territoriale en provinces autonomes du pays sest vuecompare avec celle de notre France centralise : Basques et Catalans ne sy sontpas tromps.

    Jajoute un dernier trait qui touche la vie politique, conomique et sociale depuis 25ans, depuis le dbut de la crise : lEtat lui-mme a souvent affirm quune desrponses est trouver dans le dveloppement local, dans la dmocratie deproximit. Un slogan a longtemps connu le succs : Vivre, dcider, travailler aupays . De la mme faon, le thme de lenvironnement ne se comprend quauregard de cet ancrage local. Cette valorisation du local et de la proximitrveillait forcment et encourageait la revendication rgionale.

    Le moment est donc venu de btir une politique cohrente et suivie en matirede langues et cultures rgionales. Les militants, les acteurs, les passionns decette cause lattendent.

    La langue franaise nen souffrira pas et ne doit pas en souffrir.

    La promotion dune langue rgionale ne peut pas signifier la rgression de la langueparle par tous. Le franais est bien install, bien ancr sur le territoire de laRpublique. Il nest pas menac. Son problme est sa place dans le monde, dansles instances internationales et mme europennes, dans les rencontres deschercheurs, les changes intellectuels et artistiques, les relations industrielles,commerciales et financires. Une politique hardie pour les langues et culturesrgionales mrite dtre accompagne par un grand projet pour lafrancophonie. Dans le grand concert de la mondialisation de lconomie, de lacirculation des hommes, des biens et de largent, de la progression vertigineuse dessites internet, mfions-nous que notre langue franaise ne devienne une langue rgionale lchelle plantaire. Langue franaise et langues rgionales sontdes langues amies lintrieur et allies lextrieur pour le rayonnement de laFrance. La culture franaise nest pas que la culture de langue franaise. Le cheval dorgueil de Pierre-Jaks Hlias4 a t traduit dans de nombreuseslangues dans le monde entier. Le prix Nobel de Frdric Mistral en 1904 a rejailli surle pays tout entier. En cette anne 1998, la journe de la culture franaise lexposition universelle de Lisbonne a fait une large place aux spectacles en langues

    4 Collection Terres Humaines, Plon, 1975.

  • 10

    rgionales. Tout cela, cest la France dans ce quelle a dnergie cratrice et derayonnement universel.

    La Rpublique non plus nest pas menace. Si elle lest, il faut alors regarder versdes mouvements politiques plutt que vers les mouvements linguistiques. Nelaissons pas aux premiers, ds lors quils sont extrmistes, la possibilit depromouvoir une identit rgionale qui serait ethnique, replie et ferme aux autres,selon le mme schma prn pour lidentit nationale. Ne vivons pas la prsencedune langue rgionale comme une atteinte la souverainet : un moment ola France accepte dabandonner sa monnaie, elle peut accepter le breton ou lecatalan... sans craindre de perdre son unit linguistique.

    Les dclarations ne manquent dailleurs pas depuis quelques dizaines dannes.Elles ont montr dimportantes volutions dans les esprits et conduit des dcisionset des mesures qui ont dj chang les choses.

    Franois Mitterrand, le 14 mars 1981 Lorient, annonait son choix :

    Le temps est venu dun statut des langues et cultures de France qui leurreconnaisse une existence relle. Le temps est venu de leur ouvrir grandes lesportes de lcole, de la radio et de la tlvision permettant leur diffusion, de leuraccorder toute la place quelles mritent dans la vie publique .

    A cette dclaration, il ajoutait son souhait que la France cesse dtre le dernier pays dEurope refuser ses composantes les droits culturelslmentaires, reconnus dans les conventions internationales quelle a elle-mme signes .

    Deux mois plus tard, il devenait Prsident de la Rpublique.

    Jacques Chirac, le 29 mai 1996 Quimper, lors de son premier voyage officiel enBretagne comme Prsident de la Rpublique, se dclare ouvert la signature par laFrance de la Charte europenne des langues rgionales ou minoritaires adoptepar le Conseil de lEurope Strasbourg le 24 juin 1992 et ouverte la signature le 5novembre 1992.

    Cette dclaration a t faite au dner officiel qui rassemblait autour du Prsident les12 parlementaires du dpartement, le prfet du Finistre, le secrtaire gnraladjoint de lElyse et le maire de Quimper. La presse sest largement fait lcho decette dclaration.

  • 11

    Lionel Jospin, Premier Ministre, dans son discours au sommet du Conseil delEurope en octobre 1997 a voqu

    la 3me dimension laquelle aucun Europen ne saurait rester insensible : ladimension linguistique et culturelle. A cet gard, une longue tradition existe :celle qui a vu le Conseil de lEurope dvelopper une politique de lducation etde la culture, crer des structures cet effet, lancer des campagnes deprservation et de mise en valeur du patrimoine europen.

    Plus que jamais, en cette fin du XXme sicle qui voit se dvelopper lamondialisation des changes et la globalisation de lconomie, lEurope a besoindaffirmer son identit qui est faite de la diversit de son patrimoine linguistiqueet culturel. A cet gard, les langues et cultures rgionales mritent, de notrepart, une attention particulire : nous devons les prserver et les faire vivre.Cette prise de conscience va de pair, laube du troisime millnaire, avec lamatrise des nouvelles technologies de linformation qui doivent respecter ladiversit de nos langues et de nos cultures mais aussi contribuer lapropagation de nos valeurs communes : ducation, dmocratie, progrssocial .

    Inaugurant Nouma, le 4 mai 1998, le centre culturel Tjibaou, les premiers mots dudiscours du Premier Ministre ont t les suivants :

    Toute culture porte en elle une part de singularit et une part duniversel. Sestraditions, ses rfrences, ses pratiques sont singulires. Elle tmoigne dupeuple qui la porte et de son histoire. La connaissance profonde dune culturepermet de saisir la dimension duniversalit qui sattache elle.

    Jean-Marie Tjibaou nous transmet une double leon. Il nous enseigne que toutcombat politique a une dimension culturelle. Cest le sentiment de la ngation delidentit culturelle Kanak qui est lorigine de sa rvolte .

    Claude Allgre, Ministre de lEducation Nationale, de la Recherche et de laTechnologie, a publi dans le numro 4 du bulletin mensuel dinformation delInstitut Occitan5 un article o il dveloppe sa pense :

    Donner toute leur place aux langues rgionales... cela signifie donner auxenfants et aux jeunes qui le souhaitent la possibilit de garder un contact vivantavec une langue et sa culture... il faut aller de lavant et ouvrir lcole ladiversit des rgions et des cultures... Il faut que lcole de la Rpubliqueaccepte la diversit et donne aux enfants la fiert et la connaissance delOccitanie .

    Enfin, parmi les projets de loi en prparation par le Gouvernement, celui surlamnagement du territoire prvoit que seront labors des schmas de servicescollectifs. Lun dentre eux sera consacr la culture. Larticle qui linstitue comportelalina suivant : le schma de services collectifs culturels assure la promotion des

    5 fvrier 1998

  • 12

    cultures et des langues rgionales . On peut penser que le Parlement accepteraitcette rdaction si elle lui est soumise en ces termes.

    C ) Les volutions lgislatives et rglementaires

    Depuis la seconde guerre mondiale quelques textes ont dj montr la voie.

    Une loi linitiative du dput du Tarn, Joseph Deixonne, a t vote et promulguele 11 janvier 1951. Cest le seul texte dont le Parlement ait eu dbattre. La loiHaby de 1976 a largi ses possibilits sans en modifier la structure.

    La loi Jospin du 10 juillet 1989 comporte larticle suivant : la formation donne parlEducation Nationale peut comprendre un enseignement des langues et culturesrgionales .

    Beaucoup de circulaires ont t publies. Trois ont marqu par leur importance etleur ampleur :

    celles dAlain Savary du 21 juin 1982, intitule lenseignement descultures et langues rgionales dans le service public de lEducationNationale , et du 30 dcembre 1983, intitule texte dorientation surlenseignement des cultures et langues rgionales .

    celle de Franois Bayrou du 7 avril 1995, intitule enseignement deslangues et cultures rgionales .

    Joseph Deixonne, Ren Haby, Alain Savary, Lionel Jospin, Franois Bayrou : il y aune gographie des textes ministriels. Sur ces cinq ministres, quatre sont des lusdu Sud-Ouest, de loccitanie : Tarn, Haute Garonne, Pyrnes Atlantiques. RenHaby, quant lui, au moment de sa loi, ntait pas encore un lu du suffrageuniversel.

    Il faut ajouter cela limpressionnante srie de propositions de loi dposes sur lebureau des Assembles depuis la dernire guerre : on les compte par dizaines.Aucune nest venue en discussion.

    Ce grand nombre de propositions inabouties, cette absence de discussionparlementaire entranent un sentiment de dsintrt, voire dabandon de la part desresponsables politiques. Il peut pousser des radicalisations, donner le sentimentque lEtat cherche biaiser ou gagner du temps. Je crois quil est temps desortir de lhypocrisie et de ce petit jeu du chat et de la souris.

    Au passage, jai recens neuf membres du gouvernement actuel signataires de cespropositions. Ces neuf membres appartiennent aujourdhui trois formationspolitiques diffrentes.

  • 13

    Ce rapport que vous avez demand, Nicole Pry puis moi-mme, est le premiervoulu par un Premier Ministre. Il nest pas sr quil satisfasse tous les dfenseursdes langues et cultures rgionales dans leur diversit ni les rticents ou lesopposants cette cause. Ceux qui craignent pour la langue franaise et lunitnationale mritent aussi dtre entendus et couts. Mais chacun peut faire un pasvers lautre. Personne na craindre lautre, dans ses intentions ou dans sesconvictions. Tous attendent une clarification indispensable.

    Il est possible aujourdhui de faire le choix du rgionalisme rpublicain plutt quede voir renatre ou se dvelopper des nationalismes rgionaux.

    Erik Orsenna, de lAcadmie franaise, devant les lves dun lyce Quimper a eucette belle phrase : la diversit est un cadeau du monde 6. Anne-MarieThiesse, chercheur au CNRS, a donn le titre suivant au chapitre premier de sonlivre intitul Ils apprenaient la France, lexaltation des rgions dans le discourspatriotique 7: La France est varit dans lunit . Cest dans cet esprit quil fautaborder cette question. Le XXIme sicle aura grer la revendicationidentitaire. Les rpublicains doivent le faire. Sinon dautres sen chargeront.

    Les conditions sont runies pour que le Gouvernement sengage dans cette voie.

    La Rpublique franaise a eu raison de faonner une conscience nationale. Pourcela elle a rsist au clricalisme ; elle sest oppose au sparatisme ; elle a faitreculer le nationalisme ; elle a survcu aux agressions extrieures ; elle est revenueavec la Rsistance et la victoire de 1945.

    Aujourdhui, elle est l, bien installe mme si elle exige une permanente ducationauprs des nouvelles gnrations, solide mme si le retour arrogant de forceshostiles cherche latteindre, laffaiblir et la remettre en cause.

    Aucune langue, aucune culture rgionale nest en mesure ni ne veut lui porterprjudice ou renoncer ses principes. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale,plusieurs aspects et conflits de notre histoire trouvent une issue ou une solution.Comme si la France tournait des pages de son livre dhistoire.

    La question coloniale est rgle. Elle se rappelle encore nous travers lesaccords de Nouma de 1998 aprs les accords Matignon de 1988. Les Franaisapplaudissent.

    La question scolaire a trouv son apaisement aprs deux convulsions dans les deuxcamps : 1984 Versailles pour lenseignement priv catholique ; 1994 Paris pourlenseignement public lac. Les Franais approuvent cet quilibre obtenu.

    6 Le Tlgramme, 16 mai 1998.

    7 Edition de la Maison des Sciences de lHomme, 1997.

  • 14

    La question allemande ou franco-allemande est rgle. Depuis le premieraffrontement entre Charles Quint et Franois 1er et jusqu 1945, il y a eu 23 conflitsguerriers franco-allemands. Le trait de lElyse de 1963 entre nos deux pays,lUnion europenne ont mis un terme cette longue srie. Les Franais approuventcette paix assure.

    La question clricale ne se pose pas. La socit, lEtat sont lacs mme sil faut tretoujours vigilant pour quils le restent et sopposer tous les intgrismes. Dans notrepays, la menace nest pas apparente ou imminente. Les Franais sont attachs cetesprit de tolrance.

    La question de lEtat trouve un nouvel quilibre. Il est moins propritaire de moyensde production et dchange. Il sest engag dans la double voie de ladcentralisation et de la dconcentration. Les Girondins et les Jacobins se disputentmoins quils ne se compltent. Les Franais apprcient cette volution.

    La question de notre diversit linguistique est inscrire dans cette srie. Elle a faitcouler moins de sang et mis moins de manifestants dans la rue. Elle est un reliquatde notre longue marche vers lunit nationale et linstallation de la Rpublique.

    A la fin du XXme sicle, elle attend une reconnaissance au plus haut niveau. Lemoment est venu de le faire.

  • 15

    III - LA SITUATION ACTUELLE DANS L ENSEIGNEMENTA ) Rappel des textes

    Un examen des textes en vigueur permet de mesurer le chemin parcouru etdapprcier ce qui existe dj, ce quil est possible de faire, ce quil est utile depoursuivre.

    Cest donc aprs la deuxime guerre mondiale que la situation de lenseignementdes langues rgionales ou de leur utilisation dans lenseignement parat mriter untraitement spcifique puisque pour la premire fois, une loi dorigine parlementairenonce quelques principes fondateurs.

    La loi du 11 janvier 1951 (Loi Deixonne), prolonge par diffrents textesrglementaires fait passer lenseignement des langues rgionales de la tolrance une premire forme de reconnaissance.

    Limportance smantique des titres donns ces textes mrite dtre releve : la loidu 11 janvier 1951 a pour objet lenseignement des langues et dialectes locaux dailleurs limits quatre zones dinfluence : breton, basque, catalan et langueoccitane. Il nest question ni de culture ni de patrimoine. Elle autorise les instituteurs recourir aux parlers locaux chaque fois quils pourront en tirer profit pour leurenseignement.

    Un dcret du 16 janvier 1974 tend au corse les dispositions de la loi et un autre du12 mai 1981, inclut le tahitien. Un dernier du 20 octobre 1992 ltend aux languesmlansiennes, pour ce qui concerne laji, le drehu, le nengone, le paic.

    Un dcret du 16 janvier 1974 modifie celui de 1962 relatif au baccalaurat dusecond degr en introduisant une preuve facultative de langues rgionales. Cemme texte dispose toutefois quil sagit des langues et dialectes locaux prvusantrieurement.

    Rien alors nest rellement prvu pour former les matres qui utilisent les languesrgionales pour leur enseignement ou qui lenseignent aux lves des lycesdsireux de passer lpreuve facultative.

    La loi Deixonne a dclar facultatif lenseignement et engage crer des cours etstages facultatifs pour les lves des coles normales dinstituteurs. Mais pour lesenseignants du second degr rien nest prvu hormis leur propre volont de seformer ces langues loccasion des tudes universitaires. Dans lenseignementsuprieur la possibilit douverture dinstituts dtudes rgionales est prvue, commeest prvue la possibilit douverture dune preuve facultative au baccalaurat.

    Dj est reconnue la diversit de dveloppement des langues puisque lesuniversits concernes nont pas toutes reu la mme mission.

    Quand Alain Savary arrive la tte du ministre de lEducation Nationale lesconstats sont aiss faire :

  • 16

    Ladministration centrale, ne connat presque rien de lenseignement des languesrgionales. Elle ny porte pas un vritable intrt.

    Dans les acadmies, les situations sont diffrentes de lune lautre et parfoisdun dpartement lautre. On sait par exemple que dans lacadmie deStrasbourg, les influences dun inspecteur gnral de linstruction publique et desrecteurs successifs ont permis que se dveloppe un enseignement du dialectealsacien alors mme que les langues dorigine germanique parles dans lest dela France navaient pas t inscrites dans la loi Deixonne et les textesdapplication.

    Le mouvement sest prcipit avec la circulaire 82-261 du 21 juin 1982 aprsconsultation par le ministre de lEducation Nationale de tous les partenaires qui ontdsir participer la rflexion.

    Ce texte a jet les bases de laction pdagogique dans les diffrents cycles deformation, mais il a surtout numr les trois principes qui fondent laction de lEtatdans lenseignement des langues rgionales.

    1. LEtat sengage dans lorganisation des enseignements de langueset cultures rgionales (cest la premire fois que lexpression estutilise dans un texte officiel).

    2. Lenseignement des langues et cultures rgionales bnfice dunstatut dans lEducation Nationale.

    3. Lenseignement est bas sur le volontariat des lves et desenseignants, dans le respect de la cohrence du service public.

    Au plan pdagogique, la circulaire dAlain Savary dfinit, cycle aprs cycle, lesmodalits denseignement des langues et cultures rgionales et les formations quiseront assures aux enseignants des coles, des collges et lyces.

    Par ailleurs, des moyens pdagogiques spcifiques sont envisags pour doter lesenseignants de matriels propices lexercice de leurs fonctions. A cet gard, onpeut noter que cette circulaire appelle clairement la collaboration entre lescollectivits locales et les organismes ayant en charge la documentationpdagogique.

    Ces dispositions ont trouv, avec quelques difficults il est vrai, leur applicationdans plusieurs rgions.

    Avec la circulaire n 83-547 du 30 dcembre 1983 les finalits de lenseignementdes langues rgionales sont dveloppes dans un cadre trs large englobant toutesles disciplines de lcole et prenant en compte la dimension culturelle et affective dellve.

    Ce texte pose le principe de lenseignement bilingue (franais - langue rgionale) etautorise des exprimentations qui seront mises profit pour dvelopper denouvelles modalits dapprentissage des langues.

  • 17

    Cette circulaire intervient aprs la promulgation de la loi de dcentralisation du22 juillet 1983 qui confre aux collectivits locales de nouvelles comptences etnotamment celles dorganiser des activits culturelles complmentaires des activitsscolaires.

    Un dispositif est engag et se dveloppe avec le souci de mettre en place lesconditions dun enseignement amlior. La loi du 10 juillet 1989 dispose que laformation assure dans les coles, collges, lyces et les tablissementsdenseignement suprieur, peut comprendre un enseignement, tous lesniveaux de langues et cultures rgionales . Dans cet esprit, le concours duCAPES est progressivement ouvert dans les diverses langues concernespermettant que se cre un potentiel denseignants permanents des collges et deslyces.

    Le dernier texte en date, la circulaire n 95-086 du 7 avril 1995 sur lenseignementdes langues et cultures rgionales, est fond sur les mmes principes : raffirmerlengagement de lEtat en faveur de cet enseignement , le volontariat desfamilles et des lves, le partenariat avec les collectivits locales et la mise en placede rseaux acadmiques.

    En quinze ans, le paysage de la formation en cultures et langues rgionales sestorganis avec la mise en place de dispositions pdagogiques, le recrutement depersonnels, lorganisation de documentations pdagogiques appropries, la crationde liens entre les collectivits territoriales et lEtat pour favoriser cet enseignement.

    B ) Les rsultats de cette politique

    Lenseignement des langues (ou dans ces langues) et cultures rgionales est diffusdans trois rseaux scolaires :

    le rseau public (coles, collges, lyces et universits) le rseau des tablissements denseignement priv sous contrat

    dassociation le rseau des coles, collges et lyces privs organiss sous forme

    dassociations culturelles.

    Les deux premiers rseaux (public et priv sous contrat) organisent lenseignementselon des modalits pratiquement identiques. Le rseau des coles associatives amis au point des modalits particulires denseignement.

    Lenseignement dans le rseau public ou dans le rseau des tablissementssous contrat.

    Chaque niveau denseignement est concern :

  • 18

    Lcole primaire regroupe les coles maternelles et lmentaires. Dans lacontinuit des textes prcdents, la circulaire de 1995 rappelle que peuvent tremises en oeuvre deux formes denseignement : une initiation aux langues etcultures rgionales et un apprentissage fond sur le bilinguisme. Linspecteurdacadmie doit sassurer de la cohrence entre programmes nationaux etprogrammes en langues rgionales. Le bilinguisme commence ds le cycle I et sepoursuit lcole lmentaire (autre cohrence assurer). La langue rgionale yest la langue enseigne et la langue denseignement dans plusieurs domaines. Entoute hypothse, ce systme fonctionne selon une parit horaire et une rpartitionquilibre dans la journe et dans la semaine.

    A lcole maternelle : linitiation a lieu raison de 1 3 heure(s) par semaine aucours dactivits dapprentissage de la vie sociale, dveil artistique, dducationphysique. Ce sont en priorit des matres de lcole publique qui doiventintervenir, mais deux conditions : ils doivent tre volontaires et forms cetenseignement. Lenseignement bilingue peut tre organis lorsque la demandedes parents aura t reconnue et quand existent des matres volontaires etforms pour lassurer.

    A lcole lmentaire, lhoraire de franais est intgralement maintenu et lalangue rgionale est la langue denseignement dans tout ou partie des autresdisciplines. Pour parvenir la cration de divisions deffectifs suffisants, onregroupe pour lenseignement les enfants dun mme niveau voire ceux dunemme cole. Un inspecteur de lEducation Nationale coordonnateur doit tredsign auprs de chaque inspecteur dacadmie dun dpartement o figurelenseignement de la langue rgionale.

    Au collge, plusieurs possibilits dapprentissage sont ouvertes aux lvesvolontaires :

    une sensibilisation dune heure hebdomadaire (facultative) de la 6me la3me,

    une option langue et culture rgionale (obligatoire ou facultative) de 3heures hebdomadaires,

    lenseignement bi-langues (plutt que bilingue), avec pour les lves deces sections, la possibilit de composer en langue rgionale auxpreuves dhistoire gographie du brevet.

    Au lyce : les langues rgionales peuvent tre choisies en option (facultative ouobligatoire) ; les lves de 1res et terminales gnrales peuvent choisir la languergionale ou langue vivante 2 ou 3, ceux des sections technologiques peuvent lachoisir en LV2, et enfin, ceux des baccalaurats professionnels ou de certainsCAP ou BEP peuvent choisir de passer des preuves facultatives de languergionale.

  • 19

    Les textes existants ne sont cependant pas appliqus comme il le faudrait : les plansprvus par la circulaire de 1995 nont pas partout t prpars ; dans les rgionsconcernes de nombreux tablissements ne proposent aucune formedenseignement en langue rgionale. Lobjectif de prservation dun lmentessentiel du patrimoine national et de transmission des langues et culturesrgionales est donc loin dtre assur.

    En 1996-1997, prs de 100 000 lves ont suivi un enseignement de languergionale lcole, toutes formes confondues, dans les tablissements publics etprivs sous contrat. En outre, 80 000 lves apprennent lallemand comme languergionale dans les dpartements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle. Sur letotal dlves apprenant une langue rgionale, 5,3 % le font dans une classebilingue.

    Pour la mme anne scolaire, prs de 155 000 lves ont suivi un enseignement delangue rgionale au collge et au lyce. 75 % de cet effectif concerne les deuxdpartements de lAlsace et la Moselle.

    Tous niveaux denseignement runis, le total des lves concerns pour lanne 1996-1997 slve 335 000. Le total des lves scolariss cette anne-l tait de 12millions.

    A luniversit, les trois cycles de lenseignement suprieur sont concerns. Desformations allant du 1er au 3me cycle sont ouvertes dans les tablissements oucertains dentre eux installs dans les acadmies o sont parles des languesrgionales. Dans la liste des diplmes dlivrs en 1995 par les universits enFrance mtropolitaine, on relve dans les seuls intituls comportant le nomdune langue rgionale 78 DEUG, 78 licences et 17 matrises. A cela, il fautajouter les diplmes pour les langues mlansiennes et polynsiennes (4 et 5licences en 1995).

    Les Instituts Universitaires de Formation des Matres ont ouvert aux tudiants lapossibilit de se former lenseignement des langues rgionales : Rennespour le Breton, Corte pour le Corse, Montpellier et Toulouse pour loccitan-langue doc, Bordeaux pour le basque. Les langues rgionales ont le statut delangue vivante dans les preuves du concours de professeur des coles.

    Enfin, les centres rgionaux et dpartementaux de documentation pdagogiquesattachent la cration doutils pdagogiques ajusts aux niveaux delenseignement. A titre dexemple, pour la Bretagne, le contrat de plan Etat-rgion a permis la cration dune maison ddition (TES) dont lobjectif estdlaborer et de diffuser des documents en langue bretonne avec diffrentssupports (manuels scolaires, cassettes, CD Rom). Toujours dans cette rgion,cest le CDDP du Finistre qui a dit un document intitul Pour un patrimoine

  • 20

    culturel commun consacr lhistoire de la Bretagne et destin aux matres ducycle 3 de lcole primaire.

    Lenseignement dans les coles associatives

    Lenseignement assur par les coles associatives est original car fond sur desmthodes dites dimmersion totale dans la langue rgionale : les lves, ds lesclasses maternelles, pratiquent uniquement la langue rgionale, puisprogressivement utilisent le franais comme langue denseignement ct de celle-ci et, dans certaines coles (Diwan, Calandretas) donnent une formation en anglais.Les lves sont donc non seulement bilingues mais parfois trilingues lissue deleurs tudes lmentaires.

    La formation des matres des coles associatives est assure par un centre deformation pdagogique priv financ notamment par une subvention forfaitaireassure par le ministre de lEducation Nationale, de la Recherche et de laTechnologie en application dune convention du 28 juillet 1997. Ce centre deformation pdagogique dnomm Institut suprieur des langues de la RpubliqueFranaise dont le sige social est Montpellier avait t prvu par un arrt du 21septembre 1992 modifi.

    Linstitut a pour mission de prparer au concours de professeurs des coles lesmatres des coles associatives ayant conclu avec lEtat des contrats relevant de laloi du 31 dcembre 1959 modifie (loi Debr). Des centres de formationpdagogique existent dans chaque rgion et prparent les futurs matres lafonction denseignant.

    Ces associations ont des points communs : leur statut, leur pdagogie delimmersion, leurs rapports avec lEtat consigns dans des protocoles, leur formationdes matres. Elles scolarisent aujourdhui 5 000 lves.

    Il est remarquable de constater que les productions pdagogiques labores auniveau des dpartements ou des rgions ont souvent t le fait dassociationsdenseignants des diffrents rseaux dsireux de mettre la disposition des lveset de leurs collgues des documents attrayants, actualiss et trs ouverts sur la viergionale (histoire, culture, conomie, vie associative etc..).

  • 21

    IV - CULTURE ET MEDIAS : CONSTATS

    Le principe cest la libert, de cration, dexpression, de diffusion. Dans le respectde la loi qui condamne racisme, xnophobie, antismitisme.

    La rfrence, cest la Dclaration des droits de lHomme et du citoyen du 26 aot1789, dans son article XI :

    La libre communication des penses et des opinions est un des droitsles plus prcieux de lhomme ; tout citoyen peut donc parler, crire,imprimer librement ; sauf rpondre de labus de cette libert dans lescas dtermins par la loi .

    Ce principe se traduit par une application simple : aucune censure pralable,aucune sanction a posteriori sauf les cas prvus par la loi. A plus forte raison, lemode dexpression est libre, et notamment lusage de la langue. Parce que cetteexpression sexerce librement, elle ne peut subir ni entraves, ni contraintes.

    Dans les rgions de France, crivains, musiciens, artistes, chercheurs,... onttoujours produit des oeuvres et rayonn pour certains dans tout le pays et au-del.

    Beaucoup de remarques mont t faites sur le manque de moyens accords par lespouvoirs publics pour faire vivre cette libert. Pourtant depuis le dbut des annes80, le Ministre de la Culture a insuffl de considrables encouragements toute ladiversit culturelle du pays.

    Aujourdhui, il y a un vritable regain de succs populaire pour toutes lesexpressions culturelles. Cest vrai en Alsace pour les spectacles vivants, en Corsepour le chant polyphonique, en Pays Basque pour les muxikos , dansescollectives sur les places publiques. Cest vrai du thtre de langue occitane ou dela musique, de la danse, de ldition en Bretagne. Des milliers de jeunes seretrouvent autour dexpressions musicales qui ont su gnrer des formes culturellesplus contemporaines, inspires notamment du rock. Partout des livres pour enfantssont dits des fins pdagogiques et ludiques.

    Des structures existent qui rassemblent, encouragent, valorisent ces expressionsculturelles. Elles ne sont pas identiques dune rgion lautre :

    La Corse a un statut particulier.

    Pour le Pays Basque ont t mis en place lInstitut culturel basque etlAcadmie de langue basque, seul exemple en France.

    - LInstitut culturel basque est un organisme cr par le ministre de laculture et co-financ par lEtat. Il rassemble des associations et les 145communes du Pays Basque regroupes au sein dun syndicatintercommunal de soutien la culture basque.

  • 22

    - LAcadmie de la langue basque est reconnue en Espagne par undcret royal du 26.02.76 et dans la Communaut Autonome Basquepar le statut dautonomie du 18.12.78. En France, cest untablissement reconnu dutilit publique par le dcret du 20.02.95.Les travaux de lAcadmie ont trait la lexicographie, la grammaire, la dialectologie, la littrature. Les deux grands projets en coursconcernent dune part llaboration dun dictionnaire gnral basque etdautre part un atlas linguistique.

    Il existe un Institut dtudes occitanes, association nationale dclaredutilit publique.

    En Bretagne ont t institus un Conseil culturel et un Institut culturel.

    - Le Conseil culturel de Bretagne a t cr en 1978 par la charteculturelle de Bretagne octroye en 1977. Son prambule se voulait un acte de reconnaissance de la personnalit culturelle de laBretagne et prenait lengagement den garantir le librepanouissement . Compos de reprsentants des collectivitslocales, le conseil est vraiment lorgane du mouvement culturel breton.

    - LInstitut culturel de Bretagne a t cr en 1981 par le ConseilRgional, avec la participation du Conseil Gnral de Loire Atlantique.Il a pour objet de soutenir le dveloppement et la diffusion de la culturebretonne. Il est compos de 16 sections recouvrant les diffrentsdomaines, des sports et jeux lanthropologie mdicale en passant parla littrature crite et la religion. Il dispose dun service de la languebretonne utilis comme service daide aux collectivits locales.

    En Alsace, il existe une Agence culturelle dAlsace.

    Ces exemples ne sont pas un recensement exhaustif de tout ce qui existe. Ilsmontrent la vitalit de ce qui se fait.

    Radios et tlvision de service public ont dj leur place dans la diffusion desdiverses expressions culturelles.

    Dans son cahier des charges, son article 6, Radio-France doit veiller lacontribution des langues et cultures rgionales . Ses radios localesdcentralises ont vocation sancrer sur leurs territoires daudience, jouer la carte de la proximit et faire de la vie culturelle un atout majeur deleur rayonnement.

    Elles le font selon diffrentes mthodes : soit en mlangeant en permanenceles deux langues comme en Corse ; soit en alternant les deux langues, lesmissions en langue rgionale tant arrtes des heures rgulires,comme en Bretagne ou au Pays Basque ; soit en juxtaposant les radios,

  • 23

    lune tant rserve une langue, donc une frquence comme en Alsace(en accord avec Radio Bleue).

    De son ct, France 3, dans son cahier des charges, par son article 16, avocation faire vivre les langues et cultures rgionales. Elle a apport dessolutions diffrentes selon les rgions, selon le niveau de pratique de lalangue et des traditions culturelles.

    Des difficults autres que budgtaires peuvent apparatre. Cest le cas pourles rgions et dpartements concerns par loccitan. Le territoire est trsvaste ; les populations concernes par la langue sont diversement rpartieset concentres.

    Cette situation ne facilite pas la rponse la demande. Et dans tous les cas,il faut des journalistes et des animateurs bilingues bien forms pour prpareret mener des missions.

    Enfin, plusieurs sites Internet ont t ouverts ces dernires annes pour le breton,le basque, loccitan,...

    La Rpublique, la Nation, ne peuvent que senrichir de cette diversit culturelle.Anne-Marie Thiesse laffirme en introduction son livre Ils apprenaient la France fruit de ses travaux de recherche sur la IIIme Rpublique :

    Contrairement une opinion fort rpandue sur cette priode, laclbration de lidentit franaise ne sest pas effectue par unedngation des identits locales, tout au contraire... Lcole primairerpublicaine, qui a parfois t dpeinte comme le thtre dun combatsans merci men par des jacobins acharns contre les culturesrgionales, a tout au contraire cultiv le sentiment dappartenance localecomme propdeutique indispensable au sentiment dappartenancenationale .

    Sans multiplier les exemples, mais pour illustrer cette thse et dcrisper cettetension ou incomprhension franco-franaise, voici un extrait de la circulaireadresse en 1911 par le Ministre de linstruction publique, Maurice Faure, auxRecteurs dAcadmie pour les inciter faire enseigner lhistoire et la gographie :

    Cest un fait malheureusement trop certain que la plupart des lves etun trop grand nombre de Franais ignorent presque entirement tout cequi a trait la gographie et lhistoire de la commune, du dpartemento ils sont ns et de lancienne province dont ce dpartement faisait partieavant la Rvolution. Il y aurait cependant le plus srieux avantage ceque tous connussent bien la physionomie particulire de la terre natale,ses ressources, les coutumes et les moeurs de ses habitants, leurs

  • 24

    traditions, contes, proverbes, lgendes, le rle quelle a jou dans lepass, les citoyens minents quelle a enfants. (...)On est dautant plus attach son pays quon a de plus nombreusesraisons de laimer, de sy sentir en quelque sorte solidaire des gnrationsdisparues, et lamour du sol natal, comme je le disais la Chambre desDputs, est le plus solide fondement de lamour de la patrie .

    A lpoque, on parle de la petite patrie, sorte de premier amour avant celui de lagrande patrie. Lune nest pas ladversaire de lautre.

    L encore, il faut revenir aux sources de la tradition rpublicaine avec ce doubleenseignement :

    Toute culture est ouverte. La limiter ceux qui matrisent sa languedexpression serait en rduire la porte. Cest bien de connatre la langue.Cest utile si on veut entrer plus intimement dans la connaissance dune rgion.La connaissance des noms de lieux et de personnes est dj une premireapproche. Ce nest cependant pas une condition pour approcher les expressionsculturelles. La littrature bretonne, comme la littrature russe ou anglaise, peuttre connue grce de bons traducteurs en langue franaise. Cest vrai aussipour la culture franaise. Elle sapproche dans les autres langues. Quand un filmou un livre en langue franaise est doubl ou traduit dans une autre langue, cesttoute notre culture qui rayonne. Toute autre approche exclurait, rejetterait ceuxqui, venant dailleurs, choisissent de vivre dans telle rgion. Il ny a pas plus debretons, de catalans, de corses de souche . Le droit du sang ne doit pasplus exister dans nos rgions que dans la Nation. Ou alors, la culture devientethnique. Une culture rgionale se construit aussi par apport des autres, parbrassage, par mlange. Au XXIme sicle se posera toujours la question doje viens ? , mais aussi celle qui laccompagne : O je veux tre ? . De larencontre entre lorigine et la volont, le hasard et le choix, doivent natre desoeuvres fcondes appeles luniversalit. En mme temps, nous ne pouvonspas nous contenter dun universalisme abstrait. Les groupes humains sontvivants, installs quelque part, parlant une ou plusieurs langues, ayant unehistoire et des repres pour vivre ensemble. Oublier cela, cest amputer chacundentre nous.

    Toute culture est vivante. Elle ne peut rester fige sur telle ou telle priode delhistoire. Elle doit faire connatre le pass, elle ne peut pas rester fixe sur lui. Lepatrimoine, les traditions populaires, le travail musographique sont des pansessentiels de lexpression culturelle. Mais une part importante doit tre rserve la cration contemporaine, par les hommes et les femmes daujourdhui, quilssexpriment en langue franaise, en leur langue rgionale ou dans les deux.

  • 25

    V - LES PRINCIPES QUI GUIDENT LES PROPOSITIONS

    Il ny a pas de propositions qui ne sappuient sur des principes, des valeurs, desconvictions. Les choses sont simples ds lors que celles-ci sont fermes et assures.Elles doivent aussi tre dites clairement pour lever toute ambigut sur lobjectifpoursuivi et viter toute dception future. Il ne faut pas laisser esprer ce quil estdifficile datteindre. Finalement il sagit dappliquer ce sujet la maxime dugouvernement :

    Dire ce que lon fait, faire ce que lon dit .

    Principe n1 : Les droits de lenfant et de llve sont la priorit.

    Lducation est bien sr de la responsabilit des parents. Lavenir etlintrt des jeunes doivent rester au centre des dcisions. LEtat et lasocit doivent penser en priorit leurs besoins, leur panouissementfutur, leur formation professionnelle, pour eux qui auront 20 ans en2020. Dans le futur Code de lEducation, le livre premier sur les principesgnraux prcise : Le service public de lducation est conu etorganis en fonction des lves et des tudiants. Il contribue lgalitdes chances.

    Principe n2 : La langue franaise est la langue officielle.

    Notre histoire a conduit le franais devenir notre langue officielle. Cestaujourdhui un fait acquis. Il ne peut tre demand lEtat daujourdhui deconstruire une politique pour les langues et cultures rgionales base surla notion de rparation historique, mme si une nouvelle orientation de sapolitique est ncessaire.

    Principe n3 : La Rpublique franaise reconnat les langues et cultures

    rgionales sur son territoire.

    La Rpublique franaise doit reconnatre quil existe sur son territoire deslangues et cultures rgionales auxquelles elle confre des droits par la loiou le rglement. Celles-ci ne portent pas atteinte lidentit nationale.Elles lenrichissent ds lors quelles sont elles-mmes culturesdouverture et non de repli, daccueil et non dexclusion.

    Principe n 4 : La politique en matire de langues et cultures rgionales doit

    sinscrire davantage dans le cadre de la dcentralisation.

    Le cadre gnral est fix par lEtat, notamment en matire de carte et deprogrammes scolaires. Mais les initiatives prises actuellement par lesdiverses collectivits territoriales dans ce domaine mriteraient dtresitues dans une perspective dextension de leurs comptences.

  • 26

    Principe n5 : Lcole rpublicaine est une cole dintgration.

    Lcole doit garder son rle dintgration de tous les enfants vivant sur leterritoire de la Rpublique. Cest pour cela quelle est publique, gratuite etlaque, mme si des coles prives, sous contrat, confessionnelles ouassociatives, peuvent concourir sa mission. Le rapport explicatif de lacharte europenne des langues rgionales ou minoritaires prcise lui-mme pour larticle 8 de la partie III : Crer des ghettos linguistiquesirait lencontre des principes de linterculturel et du plurilinguismesouligns au prambule et nuirait aux intrts des populationsconcernes . Les langues rgionales sont aussi considrer comme desfacteurs dintgration.

    Principe n6 : Apprendre une langue rgionale est un acte volontaire. Cettefacult doit tre ouverte tous.

    Elle relve de la libert de choix des parents ou des lves ds que ceux-ci sont en ge de dcider eux-mmes. Lobligation doit tre exclue destextes lgislatifs ou rglementaires. Linformation doit tre faite auprsdes lves et de leurs parents dans chaque tablissement.

    Principe n 7 : Apprendre plusieurs langues est une richesse.

    Au XXIme sicle, chaque personne devra si possible connatre plusieurslangues : pour nous le franais dabord, une langue trangre et passeulement langlais, une langue rgionale facultative. Le bilinguisme estune richesse. Il faut dj parler de plurilinguisme ds lors quune languergionale vient sajouter. Et cette dernire, comme les autres, contribueau dveloppement de lintelligence des personnes. Larticle L 121-2 dufutur Code de lEducation dit ceci : La matrise de la langue franaise etla connaissance de deux autres langues font partie des objectifsfondamentaux de lenseignement .

    Principe n8 : Le mme niveau de langue franaise doit tre atteint par tous leslves.

    Tout lve doit avoir la mme connaissance et le mme niveau de languefranaise la fin de sa scolarit obligatoire. Aucun enseignement de touteautre langue, quelle que soit la mthode pdagogique retenue, ne peutporter atteinte cet objectif.

  • 27

    Principe n9 : LEtat sengage assurer la continuit dapprentissage dunelangue rgionale.

    Tout apprentissage commenc dune langue rgionale doit pouvoir trepoursuivi quel que soit le moment o il est entrepris. Il ne peut y avoir niimpasse pdagogique ni impasse linguistique. Ce principe de continuitrejoint le principe de responsabilit de la puissance publique. Il peutsappliquer par lenseignement par correspondance.

    Principe n10 : LEtat reconnat le pluralisme des mthodes pdagogiques.

    LEtat doit accepter le pluralisme des mthodes pdagogiques en matirede langues rgionales : le bilinguisme et limmersion. Chaque mthodesaccompagne de lvaluation ncessaire par lEducation Nationale.

  • 28

    VI - LES PROPOSITIONS EN APPLICATION DES PRINCIPES

    A ) Le cadre institutionnel

    Il est ncessaire de mettre en place auprs de lEtat et dans les rgions lesstructures de consultation et de propositions. Leurs membres seront la foisconseillers et interlocuteurs.

    Le Conseil national des langues et cultures rgionales de France est reconnucomme linstance consultative place auprs du Premier Ministre pour lui formuleravis et propositions et dresser les bilans. Celui-ci existe depuis le dcret du 23septembre 1985, est prsid par le Premier Ministre mais ne sest runi que troisfois depuis cette date. Sa composition doit reflter lventail des langues etcultures rgionales de toute la France. Lobligation quil se runisse deux fois paran et de remettre un rapport annuel au Premier Ministre doit tre institue. Sesmembres seraient dsigns pour moiti par le gouvernement qui nomme leprsident ; lautre moiti par les conseils rgionaux concerns. Le Conseil seraitrenouvel tous les quatre ans. Il serait dot dun secrtariat gnral qui lui soitpropre. Il pourrait se doter dobservatoires avec le concours duniversitaires et dechercheurs.

    Larticle 2 du dcret instituant ce Conseil en avait prcis les missions :

    Etudier dans le cadre des grandes orientations dfinies par lePrsident de la Rpublique et le Gouvernement, les questions relativesau soutien et la promotion des langues et cultures rgionales dont il at saisi par le Premier Ministre. Il est consult sur la dfinition de lapolitique mene par les diffrents dpartements ministriels dans ledomaine des langues et cultures rgionales .

    Faire fonctionner un tel Conseil est une question de volont et de moyens.

    Faire vivre sans change les diffrents conseils en matire linguistique estaujourdhui insatisfaisant. Il existe en effet, le Conseil suprieur de la languefranaise. Son prsident ou vice-prsident pourrait tre membre de droit duConseil national des langues et cultures rgionales de France etinversement.

    Un meilleur dialogue, une meilleure comprhension, un meilleursoutien rciproque sinstaureraient lavantage de tous.

    La Rgion serait la collectivit reconnue comptente en matire de langueset cultures.

    - Dans lhypothse dune tape nouvelle vers la dcentralisation, ce projet deloi inscrirait cette comptence. Il ninterdirait pas lintervention des autresniveaux de collectivits territoriales.

  • 29

    - LEtat inscrira lobjectif langues et cultures rgionales dans le prochaincontrat de plan avec les Rgions.

    - Chaque rgion concerne disposera auprs delle dune instance consultativeet de propositions pour tout ce qui touche aux langues et cultures rgionales.Le Recteur dAcadmie et le Directeur Rgional des Affaires Culturelles yseront reprsents.

    - Ds lors quune langue recoupe plusieurs collectivits rgionales, uneconfrence inter-rgionale est institue.

    - Une autre hypothse consisterait crer une section Langues et culturesrgionales au sein de chaque conseil conomique et social.

    B ) Enseignement Public

    Le rle de lEducation Nationale dans lenseignement bilingue doit tre affirm.Il revient au Ministre de lEducation Nationale de lorganiser en application aumoins des textes dj existants et de lui donner les moyens budgtaires, humains etmatriels pour fonctionner. Programmes et diplmes restent fixs par lEtat.Quelques questions-clefs attendent une rponse.

    Comment mesurer et satisfaire la demande des familles ?

    Dores et dj, il est possible de sinspirer du volet politique linguistique de laconvention de dveloppement du Pays Basque8. Il dit ceci :

    La politique propose par lEtat vise rpondre la demandedenseignement du basque et en basque. Cette demande doit cependantobir des critres admis par tous : engagement crit des parents,engagement des municipalits pour les locaux, engagement du conseildes matres et du conseil dcole. Linspection acadmique recevra lesmoyens dapporter une rponse systmatique et volontaire de lEtat lademande sociale effectivement constate.

    La traduction concrte peut senvisager de la faon suivante :

    - Une cellule de coordination sera instaure au Ministre de lEducationNationale entre les deux directions de ladministration centrale gestionnairesde moyens. Elle serait un observatoire de lenseignement des languesrgionales et assurerait un rle de propositions pour leur dveloppementcoordonn et harmonieux. Aujourdhui, il nexiste pas de vision densemble etladministration ragit plus au gr des circonstances et des pressions.

    - Les postes seront identifis. Ce quil faut viter, cest le sentiment que lespostes de classe bilingue se crent au dtriment des autres. Un contingentspcifique peut donc tre cr mme sil a vocation sintgrer

    8 HKEJG Pu FW %+#&6 FW FEGODTG

  • 30

    progressivement dans le contingent normal. Il est en effet trs mal accept quelouverture dune classe bilingue provoque la fermeture dune autre classe dansla mme commune.

    - Les postes seront attribus soit par ladministration centrale soit par lesautorits acadmiques. Chaque formule a ses avantages et sesinconvnients. Il appartiendra au Ministre de lEducation Nationale de faire lechoix le plus pertinent.

    - Un seuil douverture de classe bilingue sera fix pour chaquedpartement. Cette ncessit dun seuil douverture concerne les trois secteursdenseignement : public, confessionnel sous contrat, associatif sous contrat.

    Comment assurer la continuit de la filire ?

    Dans les acadmies concernes, chaque recteur recevrait une lettre demission pour viter que cette continuit soit mise en cause par le mouvementdes cadres du ministre. Ces acadmies laboreraient une carte prvoyant lacontinuit de lenseignement bilingue. Une rglementation nationale en fixerait lecadre.

    Chaque dpartement proposerait au recteur une liste de collges o sepoursuivrait lenseignement bilingue. Dans tous les cas, cet enseignement nesaurait limiter lapprentissage dune langue vivante trangre. La filire bilinguedevient alors une filire trilingue.

    Chaque rectorat ferait la mme dmarche pour les lyces et prvoirait une cartedes options.

    Cette continuit serait organise de faon concerte avec les trois niveaux decollectivits territoriales selon le niveau de comptence de chacune.

    Lenseignement par correspondance et le tl-enseignement peuvent aussicontribuer assurer cette continuit.

    Comment disposer de matres bien forms ?

    Il est essentiel de mettre en place une gestion prvisionnelle des emplois ce niveau. Toute grande entreprise, toute collectivit territoriale dimportanceutilise cette mthode. LEtat doit faire la mme chose.

    Pour le premier degr, il est important daugmenter la part et la place des langueset cultures rgionales pour le recrutement des matres.

    Pour le second degr, il existe dj des CAPES ; dautres peuvent tre crs etpourquoi pas envisager des agrgations ?

  • 31

    LEtat doit faire les efforts ncessaires pour disposer de matres qualifis ennombre suffisant. Sinon il ne pourra pas faire face la demande ; il serasouponn dorganiser cette carence ; pour se laver de ce soupon, il recruteraquelques matres auxiliaires. Tant qu faire les choses, autant les faire bien !

    Comment aider cet enseignement ?

    Beaucoup de choses se font dj. Les outils existent et il est possible desappuyer sur eux : CRDP et CDDP pour la documentation ; INRP pour larecherche ; corps dinspection et conseillers pdagogiques pour le contrle etlvaluation. Dans chaque acadmie un Inspecteur pdagogique rgional ouun Inspecteur de lEducation Nationale prendrait en charge ce secteur ensadaptant aux modalits spcifiques que requirent ces langues.

    Il ny aura pas de filire bilingue solide si le ministre ne dispose pas dunpersonnel dencadrement qualifi.

    Enfin, les cooprations avec les collectivits territoriales et notamment largion seront contractualises et des objectifs clairement dfinis pour cette aide lenseignement : production, dition de documents crits et audiovisuels,raccordements aux rseaux.

    Il est urgent de sortir dune politique en dents de scie. A titre dexemple, lacirculaire ministrielle sur lenseignement des langues vivantes dans le premierdegr manant de la Direction de lenseignement scolaire pour la prochainerentre se tait sur les langues rgionales. Pourtant, ce niveau, la plus largeexprience bilingue se fait avec la langue rgionale. Rgularit, continuit sonttrs attendues.

    Enfin, comme la loi le prvoit, lenseignement priv sous contrat verrait sonassociation la mission de service public inspire de lesprit et de la lettre delenseignement public bilingue.

    C ) Enseignement associatif

    Les coles de cet enseignement sont issues du mouvement associatif et des parentsdlves ; elles proposent un enseignement entirement en langue rgionale enmaternelle, au dpart de la scolarit primaire (immersion totale) et introduisentprogressivement le franais. Le bilinguisme doit tre acquis la fin du primaire.Cette pdagogie se poursuit dans des collges et lyces.

    Elles sappellent Diwan en breton, Ikastola en basque, Calandreta en occitan,Bressola en catalan, ABCM Zweisprchigkeit en alsacien.

    Leur statut priv a t dfini par le ministre de lEducation Nationale, en 1994. Ilcorrespond au contrat dassociation, comme pour les coles confessionnelles.

  • 32

    Ces coles sont nes de la carence de lenseignement public qui na pas su ouvoulu prendre en compte la demande de familles souhaitant que leurs enfantsapprennent leur langue maternelle ou celle de leurs grands-parents. A travers cettedemande, elles exprimaient lespoir que ne disparaisse pas une langue laquelleelles tenaient.

    Aujourdhui, on constate que les locuteurs qui ont reu leur langue rgionale defaon maternelle diminuent9. En mme temps, celles et ceux qui dcidentdapprendre telle ou telle langue sont de plus en plus nombreux. Mme sil ne sagitpas des mmes nombres, les deux courbes se croisent et il y aurait grand tort sous-estimer cette volution.

    Ces coles associatives connaissent souvent de lourdes difficults, notammentfinancires, en matire dinvestissement et de fonctionnement. Elles sont prives parleur statut, associes lEtat par leur contrat, laques par leur caractre, spcifiquespar la mthode pdagogique employe, militantes dans le sens o parents etenseignants sengagent beaucoup dans toute la vie de lcole.

    Elles rclament un statut particulier qui garantirait les principes pdagogiquesdimmersion et assurerait la prennit des tablissements.

    Plus gnralement, elles ont besoin de stabilit et de scurit pour le travail scolairecomme pour les personnels.

    A juste titre, elles font remarquer que la loi Debr de 1959 se situe dans lhistoiredes rapports entre lEglise et lEtat, lcole catholique et le ministre de lEducationNationale. Ces coles prives catholiques disposaient alors de leurs locaux, leurimplantation tait dans certaines rgions importante et ancienne. Les colesassociatives ont commenc dans les annes 70 partir dune nouvelle demande defamilles. Elles font remarquer que, pour elles, attendre 5 ans avant de passer uncontrat devient un rel problme et que financer les investissements par les usagersest impossible ou rencontre vite des limites.

    Cependant, modifier la loi Falloux (1850) pour lenseignement du second degr et laloi Goblet (1886) pour lenseignement du premier degr ne parait pas le cheminappropri. Un tel choix serait un prcdent qui pourrait rveiller des querellesscolaires dont le pays doit se dispenser. Le remde serait pire que le mal. Dercents souvenirs incitent la prudence.

    Il reste trois hypothses :

    - Le contrat dassociation : cest la poursuite de lactuelle formule avec lesdifficults formules plus haut.

    9 Le recensement de la population prvu en 1999 pourrait utilement introduire une dimension linguistique dans

    son enqute.

  • 33

    - LEtablissement dIntrt Public, en reprenant lide propose par AlainSavary en 1982. Fond par convention, il serait gr de faon tripartite parlEtat, une collectivit locale et une association. Il respecte bien entendu lesprincipes du service public denseignement. Lcole perdrait son statut priv ;elle garderait son caractre lac. Le financement des investissementsdeviendrait possible.

    - Lintgration dans le secteur public. Un groupe dtude pourrait treconstitu pour examiner cette hypothse.

    Quelle que soit la solution retenue, une condition est ncessaire pour que ledialogue et la confiance soient assurs : la reconnaissance par lEtat, ct delinitiation la langue et du bilinguisme organis, de la mthode pdagogiquede limmersion. Il doit la considrer comme un enrichissement pdagogique. Detoute faon si le jeu ntait pas jou loyalement, dautres coles associativesrenatraient.

    A lui alors dassurer le contrle et lvaluation et de veiller au respect desprogrammes.

    Quel que soit le statut des coles et les mthodes pdagogiques utilises,lenseignement doit accueillir et utiliser les richesses rgionales : ducationartistique, ducation physique, histoire, gographie, littrature, conomie... Lveilaux cultures rgionales est positif pour les lves. A titre dexemple, pour lapremire fois en 1998, huit lycens ont pass loption lutte bretonne dans lecadre des preuves facultatives du baccalaurat. Il ny aurait aucun inconvnient tendre une telle pratique.

    D ) Cultures et mdias

    Les difficults sont moindres dans ce domaine. Il ny a pas les contraintes etobligations normales que se donne le Ministre de lEducation Nationale pour mettreen place la scolarit obligatoire, lapprentissage des langages fondamentaux, laformation professionnelle...

    Le Ministre de la Culture dispose dune dlgation gnrale la langue franaise.Elle pourrait tre transforme en dlgation gnrale la langue franaise et auxlangues de France. Cela marquerait la prise en compte nationale de toutes leslangues parles en France, en dpassant mme le cadre rgional de leurimplantation et en montrant quelles sont une richesse objective pour tous lescitoyens et pour la nation.

    Propositions pour les oeuvres crites et la diffusion

    - Soutien par les Directions Rgionales dAction Culturelle et autres relais ouservices du Ministre de la Culture, la production et la diffusion

  • 34

    doeuvres crites en langue rgionale parce que le public est plus restreint.La dconcentration de leurs crdits facilitera le partenariat dans ce domaine.

    - Soutien ldition sous la forme dachat douvrages pour dotation auxbibliothques publiques et scolaires.

    - Soutien par le Ministre de lEducation Nationale la production et ladiffusion des livres pdagogiques scolaires, en partenariat avec lescollectivits territoriales.

    - Aides identiques la presse en langue rgionale comme la presse enlangue franaise.

    - Engagement des rgions concernes pour ces aides, seules ou enaccompagnement de lEtat.

    Proposition pour la place des langues et cultures rgionales dans lesmdias

    - Introduction de quotas dmissions en langue rgionale dans les cahiersdes charges des organismes publics de radios et tlvisions locales (RadioFrance et France 3).

    - Encouragement la politique transfrontalire par la signature daccords decoopration de radio et de tlvision pour les rgions concernes.

    - Elaboration dune politique en faveur de tlvisions locales

    E) La charte Europenne des langues rgionales ou minoritaires

    Faut-il signer ? Si la France signe, peut-elle ratifier ?A quelles conditions ? La charte est-elle compatible avec la Constitution ?

    La rponse que le Gouvernement donnera ces questions est attendue. Tous mesinterlocuteurs lont voque avec plus ou moins dinsistance, certains lui accordantleur unique attention, dautres considrant quelle ntait pas un pralable, quelques-uns peu enthousiastes lide de la signer, encore moins de la ratifier.

    Dans lensemble, elle a une force fdrative trs grande pour tous lesmouvements qui militent en faveur des langues et cultures rgionales. Tous ytrouvent leur place ou leur part.

    Elle bnficie du label europen que lui donne le Conseil de lEurope. Dansces annes dacclration de la construction europenne, limmobilisme risquerait

  • 35

    de montrer une France en arrire de la main. Dautant que cest une matiresymbolique qui touche la vie et lhistoire des peuples.

    1999 ne peut pas tre quune anne de monnaie unique mme si cette dcision estpositive et fondamentale. Largent et les changes financiers sont choses utiles. Laculture, la langue sont choses essentielles car elles concernent les changes entreles hommes et les peuples.

    Linaction en ce domaine mettra la France en difficult voire en porte--faux. Il vautmieux tre dans le mouvement, beaucoup de pays sengageant dans la signature ousy prparant.

    Agir renforcerait aussi le prestige de la France ltranger et son influence.Cela permettrait de renforcer notre engagement pour la langue franaise lextrieur. Nous aimons dfendre le multilinguisme partout dans le monde, pour quelanglo-amricain ne soit pas le matre linguistique de la plante. Notre crdit seraitplus fort si nous nous engagions dans une relle reconnaissance de notrediversit culturelle et linguistique. Les conomistes ont lhabitude de dire quunpays nexporte bien ses produits que sil les utilise et peut les montrer chez lui. Cequi est vrai pour le commerce extrieur lest aussi pour le domaine linguistique etculturel.

    Les deux politiques, en faveur des langues rgionales et pour la francophoniedoivent aller de pair.

    Agir permettrait de ne plus lire dans la presse franaise la dernire phrase de JordiPujol, prsident de la gnralit de Catalogne, en rponse une question10 :

    Il faut trouver un quilibre entre la dfense de notre identit et notreouverture vers lextrieur. Nous avons dabord besoin de protger notreculture. Idalement, nos enfants devraient savoir parler le catalan,lespagnol, langlais et le franais. Il ne sagit donc pas dune attitudedisolement et mes nombreux voyages ltranger le prouvent. Mais nousne voudrons jamais, jamais, que notre culture et notre langue catalaneconnaissent le mme sort quen France

    Au 25 juin 1998, la situation au regard de la Charte est la suivante : le Conseil delEurope compte 40 pays. 18 ont sign la Charte, dont lAllemagne et lEspagneds le 5 novembre 1992. Ces deux pays ne lont pas encore ratifie. 7 ont ratifi laCharte : la Croatie, la Finlande, la Hongrie, le Liechtenstein, les Pays-Bas, laNorvge, la Suisse. Parmi les 15 pays de lUnion europenne, 6 ont sign (Autriche,Danemark, Allemagne, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne) ; un seul a ratifi, lesPays-Bas.

    10 Journal le Monde, mercredi 13 mai 1998

  • 36

    1 - Les objectifs et les principes de la charte

    Elle a t adopte par le Conseil de lEurope le 5 novembre 1992. La France sestabstenue lors du vote.

    Larticle 7 pose les objectifs et principes en matire de langue rgionale dans lestermes suivants :

    En matire de langues rgionales ou minoritaires, dans les territoiresdans lesquels ces langues sont pratiques et selon la situation de chaquelangue, les Parties fondent leur politique, leur lgislation et leur pratiquesur les objectifs et principes suivants :

    a) la reconnaissance des langues rgionales ou minoritaires en tantquexpression de la richesse culturelle ;

    b) le respect de laire gographique de chaque langue rgionale ouminoritaire, en faisant en sorte que les divisions administrativesexistant dj ou nouvelles ne constituent pas un obstacle lapromotion de cette langue rgionale ou minoritaire ;

    c) la ncessit dune action rsolue de promotion des languesrgionales ou minoritaires, afin de les sauvegarder ;

    d) la facilitation et/ou lencouragement de lusage oral et crit deslangues rgionales ou minoritaires dans la vie publique et dansla vie prive ;

    e) le maintien et le dveloppement de relations, dans les domainescouverts par la prsente Charte, entre les groupes pratiquant unelangue rgionale ou minoritaire et dautres groupes du mme Etatparlant une langue pratique sous une forme identique ou proche,ainsi que ltablissement de relations culturelles avec dautresgroupes de lEtat pratiquant des langues diffrentes ;

    f) la mise disposition de formes et de moyens adquatsdenseignement et dtude des langues rgionales ouminoritaires tous les stades appropris ;

    g) la mise disposition de moyens permettant aux non-locuteursdune langue rgionale ou minoritaire habitant laire o cettelangue est pratique de lapprendre sils le souhaitent ;

    h) la promotion des tudes et de la recherche sur les languesrgionales ou minoritaires dans les universits ou lestablissements quivalents ;

    i) la promotion des formes appropries dchanges transnationaux,dans les domaines couverts par la prsente Charte, pour leslangues rgionales ou minoritaires pratiques sous une formeidentique ou proche dans deux ou plusieurs Etats .

    La partie III de la charte comporte 7 articles eux-mmes diviss en paragraphes etalinas, relatifs aux engagements que prend lEtat signataire en faveur des languesrgionales dans les domaines de lenseignement (art.8), de la justice (art.9), deladministration et des services publics (art. 10), des mdias (art. 11), des activits et

  • 37

    quipements culturels (art.12), de la vie conomique et sociale (art. 13) et deschanges transfrontaliers (art. 14).

    Un pays peut signer la charte sil sengage appliquer 35 des 94 paragraphes oualinas des articles 8 14, raison dau moins 3 pour les articles 8 & 12 et daumoins 1 pour les articles 9,10,11 et 13.

    2 - La charte et la Constitution franaise

    Larticle 2 de notre Constitution dit : La langue de la Rpublique est le Franais .Cette phrase, vote par le Parlement en Congrs, a t introduite par unamendement parlementaire lors du dbat sur la loi de rvision constitutionnellepralable la ratification par rfrendum du trait dunion europenne. Il a tintroduit dans larticle constitutionnel qui traite de la souverainet , entre leprincipe dgalit devant la loi et la description de lemblme national.

    Pour savoir si la France pouvait signer puis ratifier la charte europenne, le Premierministre, M. Alain Jupp, a sollicit lavis du conseil dEtat.

    Celui-ci la rendu dans sa sance du 24 septembre 1996. Il conclut limpossibilitactuelle de ratifier avec lanalyse suivante :

    III - Il ressort de lanalyse de larticle 8 de la Charte, relatif lducationque lEtat signataire dispose de larges possibilits doption, permettantlinsertion dans le temps scolaire de lenseignement des langues encause. Cet enseignement nest pas contraire au principe dgalit, dslors quil ne revt pas un caractre obligatoire et quil ne soustrait pas lesusagers du service lensemble des droits et obligations concernant lesautres citoyens ; par suite les dispositions de cet article 8 ne sauraienttre regardes comme portant atteinte aucun principe de natureconstitutionnelle. A condition que le soutien lexpression dans ceslangues dans les mdias et sur le plan de laction culturelle soit dvolugalement toutes les langues, au sens de la Charte, se trouvant dansles mmes conditions, la plupart des dispositions des articles 11 sur lesmdias et 12 sur la vie culturelle pourraient tre mises en vigueur enFrance sans se heurter une objection dordre constitutionnel.

    IV - En revanche, les obligations prvues aux articles 9 & 10 prvoient unvritable droit lutilisation de langues rgionales ou minoritaires dans lesrapports avec la justice et les autorits administratives. Or, lesprescriptions de larticle 9 rendant possible lusage dune langue autreque le franais devant les tribunaux pnaux, civils et administratifs nepourraient tre appliques sans que soient mconnues les obligationsrsultant de larticle 2 de la Constitution. Dautre part, lEtat ne sauraitraisonnablement esquiver la difficult cre par les prescriptions delarticle 10 relatif lusage des langues rgionales ou minoritaires par lesautorits administratives et les services publics, en retenant dans cet

  • 38

    article quelques mesures marginales, apparemment compatibles aveclobligation dutiliser le franais condition que ce ne soit pas titreexclusif. Cette option ne permettrait pas de donner consistance lapolitique quil se serait engag mettre en oeuvre la partie II, et quiconsiste bien promouvoir lusage de ces langues dans la vie publiqueau mme titre que dans la vie prive.

    Malgr la compatibilit avec la Constitution des dispositions qui, surle plan de lenseignement, de la culture et des mdias, reconnaissentaux langues rgionales et minoritaires un statut dj largement assur parle droit interne, lobligation de retenir un nombre minimum dobligationsdans les articles 9 & 10 soppose la ratification.

    Le Conseil Constitutionnel dans sa dcision du 9 avril 1996 a interprt larticle 2 dela Constitution. Saisi pour la loi organique portant statut dautonomie de la Polynsiefranaise il a considr que cet article 2 impose lusage du franais aux personnesmorales de droit public et aux personnes de droit priv dans lexercice dune missionde service public, ainsi quaux usagers dans leurs relations avec les administrationset les services publics. .

    Cette dcision sapplique larticle 115 de la loi en question qui prvoyait : lefranais tant la langue officielle de la Rpublique, la langue tahitienne et les autreslangues polynsiennes peuvent tre utilises . Le Conseil a donc jug cette phrasenon conforme.

    Parfois est invoque lordonnance de Villers-Cotterets de 1539 qui impose lusagede la langue franaise. Pour beaucoup cette invocation antrieure 1789 et auxnouvelles bases de la lgitimit et de la souverainet populaire est abusive. Encorefaut-il se rappeler que cette ordonnance visait remplacer le latin par le franais etne concernait pas les autres langues.

    Ces avis et dcisions du Conseil dEtat et du Conseil Constitutionnel se rapportentaux dbats parlementaires qui ont accompagn la rvision constitutionnelle de 1992.

    Dans la 1re sance du 12 mai 1992 plusieurs dputs se sont inquits du sens delamendement sur la Rpublique et la langue franaise. Ils ont souhait vrifierauprs du Garde des Sceaux quil ne nuirait pas aux langues rgionales. Celui-ci arpondu de la faon suivante :

    Il est clair quen matire de libert... ce qui vaut pour lEurope vautgalement pour la nation. Les langues rgionales sont naturellement unerichesse de notre patri