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BATAILLES Dirigé par Isabelle Davion et Béatrice Heuser Une histoire des grands mythes nationaux

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BATAILLESDirigé par

Isabelle Davion et Béatrice Heuser

Une histoire des grands mythes nationaux

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BATAILLES

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Dirigé par Isabelle Davion et Béatrice Heuser

Vincent ArbarétierJochen BöhlerJean-Louis BrunauxPierre CosmeAlan ForrestWitold GriotJirí HnilicaCatherine HorelYann Le BohecAthéna LéoussiChristoph MauntelCédric MichonFrançois-Xavier NérardKlaus OschemaClaire SandersonÉric SangarKsenia SmolovicPhilippe Vial

BATAILLESUne histoire des grands mythes nationaux

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Publié avec l’aide du LabEx EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l’Europe) : http://labex-ehne.fr/

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© Éditions Belin/Humensis, 2020170 bis, boulevard du Montparnasse, 75680 Paris cedex 14

ISBN 978-2-410-01696-3

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Nos plus vifs remerciements au LabEx EHNE (Écrire une histoire nouvelle de l’Europe)

qui a soutenu cet ouvrage.

Isabelle Davion et Béatrice Heuser

À Dominique D., pour toutes les batailles qu’il aide à gagner.

Isabelle Davion

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sommaire 9

SOMMAIRE

INTRODUCTION ................................................................................................................... 11

Une histoire culturelle de l'Europe écrite par le glaive Isabelle Davion

MARATHON • 490 av. J.-C. .................................................................................................. 19

La formation d'une identité européenne Athéna Léoussi

CANNES • 216 av. J.-C. ............................................................................................................ 33Un mythe trompeur pour les militaires d'hier et d'aujourd'hui Vincent Arbarétier

ALÉSIA • 52 av. J.-C. .................................................................................................................. 49

Douteuse victoire de César Jean-Louis Brunaux

ACTIUM • 31 av. J.-C. ............................................................................................................... 65

L'avenir de Rome est sur l'eau Pierre Cosme

TEUTOBOURG • 9 apr. J.-C. ............................................................................................... 81

La vengeance des Germains Béatrice Heuser et Yann Le Bohec

POITIERS • 732/733 ................................................................................................................... 97

Simple raid ou tournant de l'Histoire ? Christoph Mauntel

BOUVINES • 1214 ....................................................................................................................109De la construction d'un mythe national à l'événement européen et populaire Klaus Oschema

COURTRAI • 1302.....................................................................................................................125La bataille des éperons d’or : une histoire de mythes en compétition Éric Sangar

KOSOVO POLJE • 1389 ........................................................................................................139Récits serbes et français : du mythe aux enjeux politiques européens Ksenia Smolovic

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10 BATAILLES

MARIGNAN • 1515 ..................................................................................................................153Un modèle de préparation, de gestion de l'imprévu et de communication Cédric Michon

MOHÁCS • 1526 ...................................................................................................................... 169

Mort de la nation hongroise et introspection victimaire Catherine Horel

LA MONTAGNE-BLANCHE • 1620 .......................................................................... 185

« Nos défaites célèbres » Jirí Hnilica

CULLODEN • 1746 ................................................................................................................ 199

La dernière bataille écossaise Béatrice Heuser

RACŁAWICE • 1794 ............................................................................................................. 217

L’acte fondateur de la nation polonaise moderne Witold Griot

TRAFALGAR • 1805 ............................................................................................................... 233

Au cœur de l’identité britannique Claire Sanderson et Philippe Vial

WATERLOO • 1815 .............................................................................................................. 249

Qui a gagné la bataille pour la mémoire ? Alan Forrest

VERDUN • 1916 ...................................................................................................................... 265

Du mythe précoce au mythe mondialisé Isabelle Davion

VARSOVIE • 1920 ................................................................................................................... 283

Le « miracle de la Vistule » ? Jochen Böhler

STALINGRAD • 1942-1943 .............................................................................................. 297

Ceux de la Volga François-Xavier Nérard

Les auteur.e.s ................................................................................................................................ 315

Crédits et sources ....................................................................................................................... 319

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INTRODUCTION

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12 BATAILLES

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introduction 13

U N E H I S T O I R E C U L T U R E L L E D E L ’ E U R O P E É C R I T E P A R L E G L A I V E

Isabelle Davion

« Waterloo, morne plaine », « Marignan 1515 », « Alésia ? Connais pas Alésia ! » : de Victor Hugo au duo Goscinny-Uderzo, les

expressions françaises s’ornent de batailles proverbiales. Or c’est dans toute l’Europe que le passé militaire offre des lieux de mémoire. Mais si Trafalgar Square est une adresse réputée de Londres, on ignore généralement en dehors des Balkans que la bataille du Kosovo, qui s’est déroulée en 1389, donne encore lieu à des échanges extrêmement animés… L’Europe se donne comme un continent guerrier et la conflictualité traverse son histoire. Ainsi, depuis le milieu du xviiie siècle – la guerre de succession d’Autriche – ce sont environ 160 guerres et 600 grandes batailles qui s’y sont déroulées sur trois principaux théâtres d’opérations : l’axe Varsovie-Moscou tout d’abord, l’espace situé entre la Seine et le Rhin ensuite, la région entre la Thrace et le port de Salonique enfin. Les études sur la guerre ont pourtant été vouées aux gémonies par le renouvellement historiographique du début du xxe siècle. Parmi celles-ci, l’« histoire-bataille » – terme forgé au siècle précédent, déjà péjoratif – est alors accusée de se réduire au récit de l’événement stricto sensu, voire à une plate succession de chiffres : nombre de baïonnettes, défilement de dates, empi-lement de morts… Pourtant, tout engagement militaire, si gigantesque fût-il, finit par remettre le facteur humain au cœur du processus, car ce sont bien les combattants qui font la guerre. Par ailleurs, l’événement s’inscrit bien souvent non plus seulement dans un rapport de forces tactique, mais aussi dans un temps long qui vient révéler le destin d’un peuple ou les transformations d’un continent : événement-carrefour, il éclaire les évolutions qui l’ont rendu possible ; interprété ensuite, il cristallise des forces profondes. C’est particulièrement le cas des batailles livrées dans les pages qui suivent. Érigée en mythe, une victoire même modeste peut devenir celle de toute une civilisation.

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Les batailles mythiques sont celles qui restent perçues comme un moment déci-sif, où se joue l’avenir de la guerre en cours, voire de la nation. Le déroulement des combats devient alors emblématique de ce destin et les vertus nationales y sont fixées pour les générations suivantes – martyre, bravoure, loyauté, soif de liberté… –, tandis que les récits, colportés, forment un imaginaire commun créateur d’unité. Certaines sont même devenues des monuments d’histoire européenne à l’image de Marathon (490 av. J.-C.), de Stalingrad (1942-1943) et surtout de Waterloo (1815), méta-bataille aux confins des mémoires anglaise, française, allemande et néerlandaise. Cependant, seul un petit nombre d’affrontements ont acquis une dimension véritablement mythique.

Dès lors, des questions surgissent : comment une bataille devient-elle une légende ? Pourquoi cette bataille plutôt qu’une autre ? Et pour quelles raisons une bataille, surtout si elle est une défaite, génère-t-elle des mythes nationaux répercutés par des monuments, des poèmes, des manuels scolaires, bien plus que ne l’occasionnent des traités de paix ou des mariages dynastiques ? Certains épisodes s’imposent de manière objective, dans la chronologie historique, comme des tournants essentiels : c’est le cas de Water-loo, qui porte le coup d’arrêt définitif aux expéditions napoléoniennes. Mais d’autres engagements s’avèrent de faible conséquence stratégique, comme l’« escarmouche » de Racławice (1794) devenue l’acte de baptême de la nation polonaise. Faut-il rappeler par ailleurs que si Hannibal gagne à Cannes en 216 av. J.-C., il perdra finalement la seconde guerre punique ? Dans ce cas, le statut symbolique est le fruit d’un imaginaire collectif imposé parfois par les combattants eux-mêmes, plus souvent par l’État ou les chroniqueurs des années plus tard. Mais quel que soit le contexte de départ, l’événe-ment se trouve interprété, parfois instrumentalisé, tandis que la culture populaire finit par se l’approprier.

Au-delà de sa portée militaire, l’événement peut être distingué s’il rencontre les grands thèmes judéo-chrétiens ou issus des Lumières, de victoire du bien sur le mal, de défense contre les barbares, de sacrifice des humbles, de la raison contre l’obs-curantisme… Dans tous les cas, ces batailles font l’objet d’un usage politique qui impose une mémoire nationale tenant lieu d’histoire. L’on est prié de se rappeler, et de commémorer, tel déroulé des événements avec tels héros et telle signification, le tout empreint d’émotion puisqu’il s’agit d’activer une mémoire. L’exploitation politique d’une bataille sert généralement un objectif de consolidation du régime : au gré des époques, la victoire démontre au choix la faveur divine accordée, la légitimité de la dynastie régnante, l’adhésion du pays au pouvoir en place ou la bonne gouvernance de celui-ci. Par la suite, ces mythes sont filtrés par l’histoire et sont amenés à évoluer. Les usages politiques ultérieurs visent alors, en revisitant l’événement, à activer des méca-nismes de références collectives. C’est particulièrement le cas en Europe centre-orientale où ces jalons mémoriels instaurent une continuité de destin alors que les États subissent

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une discontinuité d’existence. Face aux éclipses imposées par l’histoire – appétits des empires voisins, occupations militaires, satellisation – les batailles fixent des événements qui font date et attestent d’une historicité de la nation. Par ailleurs, sous les régimes communistes, ces batailles mythiques n’ont droit de cité dans les démocraties populaires que sur deux modes : la victoire du peuple, ou sa défaite parce qu’il a été trahi par les classes bourgeoises. Mais plus généralement, et cela s’observe bien dans l’Europe post-guerre froide, chaque époque est susceptible de s’emparer de la légende à l’aune des enjeux qui la préoccupent. Une bataille peut alors incarner des luttes politiques partisanes comme les grandes interrogations du temps présent. C’est ainsi que Samuel Huntington a abusivement fait du siège de Vienne (1683) l’un des « chocs de civilisa-tions » chers à son analyse, ici entre un bloc occidental et un bloc musulman. Et ce siège est à présent bien installé comme mythe de l’extrême droite européenne, celle-là même qui fait également de Charles Martel le pourfendeur de la religion musulmane. Or, jusqu’au xvie siècle, la bataille de Poitiers (732) n’endosse pas d’identité religieuse : elle n’est que l’un des nombreux heurts entre Francs et Arabes, aux complexes enjeux politiques et militaires. À l’inverse, certaines batailles sont « dépassionnées » grâce à une réinterprétation du mythe à la lumière des valeurs contemporaines. C’est le cas par exemple à Verdun, devenu haut-lieu du pacifisme et d’une construction européenne basée sur la réconciliation franco-allemande, après avoir été consacré en France symbole de victoire dès 1916.

En effet, un certain nombre de ces batailles sont érigées en mythe sur-le-champ (au sens propre), voire déjà distinguée à la veille du combat, trait caractéristique de l’époque contemporaine et de ses médias de masse. C’est le cas à Verdun, donc, mais aussi à Varsovie en 1920 et à Stalingrad en 1942 où est décrété que s’engage une bataille décisive pour l’histoire de l’humanité. Les moyens de communication modernes permettent ainsi une mobilisation précoce des esprits par l’émission de prophéties auto-réalisatrices. Pour les époques antérieures, la construction de la légende demande plus de temps et de volontarisme. François Ier, qui regrette de ne pas briller comme un grand roi de guerre, travaille lui-même au mythe de Marignan (1515) ; avec succès puisque cette victoire au départ peu retentissante finit par orner son tombeau, où est sculptée dans un style qui se veut réaliste pour l’époque une « puissante armée » en marche. Trois cents ans plus tard, Ernest Lavisse, dont le manuel d’histoire est l’évangile de la IIIe République, choisit, lui, de mettre en avant Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Mais qu’importe l’éclipse du souverain, 1515 permet alors à la France mutilée à Sedan en 1870 de se refaire une identité victorieuse.

Fait notable, une partie importante de ces batailles sont, sur le terrain militaire, des défaites pour la nation qui s’en empare. Aux yeux du vaincu, cette humiliation apparaît comme le prix à payer pour se reconstruire. Ce discours de la défaite nécessaire rend

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audible le salutaire appel au sursaut, que celui-ci passe par l’action politique ou le travail organique de développement économique : la nation vaincue doit être régénérée en prévision de sa résurrection. En 1389, la bataille de Kosovo Polje est ainsi entrée dans le récit national serbe comme l’illustration de la décadence – due au manque de cohésion nationale – de la Serbie médiévale, avec une évidente dimension sacrificielle : il fallait mourir pour sauver les Serbes, d’où l’opprobre jeté sur les survivants. Par la suite, jusqu’à Miloševic, la bataille ne cesse d’être rejouée : dans la France romantique où la bataille de Kosovo diffuse l’image du viril cavalier serbe luttant contre le « joug ottoman », dans les guerres balkaniques censées « venger » les Serbes… et à Sarajevo où la visite de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie le 28 juin 1914, jour-anniversaire de la bataille, est vécue comme une provocation par les nationalistes serbes qui le font assez nettement savoir. Autre exemple, la bataille de la Montagne-Blanche devient un mythe fondateur de la nation tchèque, dont elle est pourtant le tombeau en 1620. Mais si cette défaite plonge les Tchèques dans l’« âge des ténèbres », elle constitue une expérience commune de disparition qui forge le creuset de l’identité nationale, fût-ce sur le mode de la culpabi-lité ou de la honte. Enfin, beaucoup de références que nous associons aujourd’hui avec l’Écosse, en particulier dans la musique folklorique et la littérature populaire, renvoient à la défaite de Culloden (1746) qui marqua son point d’étiage.

Une bataille mythique peut s’incarner dans la personne d’un chef militaire, dont les qualités symbolisent le génie national, même si la construction d’un héros passe aussi par la disqualification de son ennemi : Lavisse, encore lui, n’écrit-il pas, dans son Histoire de France du cours élémentaire, que Vercingétorix, affamé dans la ville d’Alésia (52 av. J.-C.) par les fourbes Romains, doit se rendre pour que ses Gaulois ne meurent pas de faim ? À Mohács (1526), le roi Lajos II Jagellon de Hongrie n’est-il pas mort en défendant la chrétienté contre les infidèles ? Mais au-delà du chef, pour que la bataille passe au rang de mythe, la nation dans sa globalité doit en devenir la figure héroïque. Cette évolution intervient au plus tard au xviiie siècle avec l’irruption des masses démographiques : là où ne se distinguait jusqu’ici que Philippe-Auguste dans le récit canonique de Bouvines (1214), on commence à apercevoir le peuple portant le souverain vers la victoire. Cet héroïsme collectif nécessite d’homogénéiser les forces en présence afin que la nation s’y retrouve, quitte à effacer du tableau de précieux alliés. C’est ainsi que les combattants béotiens disparaissent de la mémoire de Marathon, qui devient l’illustration limpide de l’« âge d’or » athénien ; de même l’engagement, dans la forêt de Teutobourg en 9 av. J.-C., entre trois légions romaines et des guerriers chérusques, devient, après « deutschification » de ces derniers, un moment fondateur de la nation allemande. Le camp ennemi lui aussi peut connaître une simplification pour revêtir l’uniforme de l’opposant du moment. À partir de 1830, la bataille de Courtrai (1302) vient nourrir le mouvement identitaire flamand, qui « nationalise » le

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récit devenu celui d’un combat gagné contre le camp français, et bientôt, pour les plus extrémistes, francophones.

D’autres mythes sont avant tout nourris par des enjeux militaires. À commencer par Cannes, légendaire bataille « parfaite » qui réussit à anéantir une armée ennemie plus nombreuse en l’attirant sur un terrain qui lui est défavorable, et que tous les états-majors contemporains – de Schlieffen à Tsahal en passant par l’Armée rouge – ont cherché à reproduire. Mais c’est aussi le cas de Trafalgar (1805), à la différence que cette bataille a débordé les cercles militaires pour constituer un élément proéminent de la mythologie britannique. Or l’édification durable de l’amiral Nelson en héros national ne tient pas tant à sa mort au combat qu’au fait qu’il mène à sa dernière grande victoire une Royal Navy dont la suprématie dans la défense du royaume sera remise en cause durant les guerres mondiales. Sans surprise, cette bataille se rejoue depuis 2016 : côté français, qui fait du Brexit un « coup de Trafalgar » ; côté anglais anti-Brexit, qui souligne que cette prétendue « victoire » a en fait débouché sur un siècle d’isolement britannique ; côté pro-Brexit, qui manifeste, selon la tradition, sur Trafalgar Square.

Enfin, nombre de ces affrontements font intervenir des forces divines : à Actium (31 av. J.-C.), dont le récit virgilien fait intervenir une véritable cosmogonie, Auguste et Agrippa entraînant dans leur sillage non seulement les dieux, mais aussi les vents, les Cyclades et les montagnes ; ou encore en Pologne où la Vierge aide à vaincre l’An-téchrist bolchevique sur les bords de la Vistule un 15 août 1920.

Qui sont les passeurs de mythes ? La geste de la bataille peut être diffusée par les peintres, les historiens, les journalistes, les écrivains, les compositeurs ou encore les hommes politiques. À chaque époque, les mythes générés par ces batailles sont déclinés dans la culture populaire, chansons et surtout iconographie. Au xixe siècle, la peinture de genre vient en fixer les « vignettes », à l’image du panorama de la bataille de Racławice peint en 1894, ou encore, dans un autre style, de la maquette de Waterloo financée par le parlement de Westminster. Côté français, la galerie des Batailles du château de Versailles, inaugurée par Louis-Philippe, comporte trente-trois représentations de combats français depuis Clovis jusqu’à Napoléon : « Quinze siècles de succès militaires français », annonce-t-on encore fièrement sur le site du château. Cet équivalent – en plus luxueux – d’un album Panini campe l’histoire nationale comme une chronique des victoires des dynasties successives depuis les Mérovingiens jusqu’à l’Empire, l’his-toire d’une France « qui s’est faite dans des combats ». De nos jours, nombreuses sont ces batailles mythiques à être reprises par la culture de masse, au cinéma – les grands épisodes guerriers sont cinégéniques – mais surtout dans les jeux vidéo, où l’univers militaire est omniprésent.

La sélection des épisodes présentés dans cet ouvrage ne saurait correspondre au panthéon de chacun. Elle n’est cependant pas subjective et correspond à des choix

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raisonnés. Il s’est tout d’abord agi de représenter la plus grande partie possible du continent européen. Un inventaire a été nécessaire, il a mené à des sacrifices, que l’on jugera raisonnables ou impardonnables. Mais c’est bien une histoire du continent euro-péen qui se dessine ici, soulignant que le fait guerrier y est la chose la mieux partagée : partout en Europe, la nation se forge au glaive. Par ailleurs, cet inventaire rend compte de deux mille ans d’histoire jusqu’à la fin des guerres totales, car au-delà, sur le conti-nent européen, l’âge nucléaire débouche sur un autre mode de conflictualité. Enfin, c’est moins la bataille elle-même, bien sûr exposée, que les mythes qu’elle a engendrés qui occupent les pages de cet ouvrage. Or les événements ne sont jamais univoques et chacun des spécialistes a eu à cœur d’en restituer toute la complexité. Si bien que certes, à l’image de l’insaisissable Troie, certains aspects de ces batailles continuent à nous échapper : Poitiers a sans doute eu lieu près de Tours, et on ne sait toujours pas où c’est, Alésia. Mais là où le mythe impose une lecture unidimensionnelle pour rassembler son auditoire, les auteurs ont ici cherché à distinguer les nuances afin de révéler toute la richesse d’une vingtaine de batailles qui ont fait l’Europe.

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MARATHON 490 av. J.-C.

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L A F O R M A T I O N D ’ U N E I D E N T I T É E U R O P É E N N E

Par Athéna Léoussi

À Paul Léoussis

Aujourd’hui, lorsqu’on entend le mot « marathon », on pense d’abord à la course à pied. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Durant l’été 490

av. J.-C., à Athènes, Marathon est un appel aux armes : les Athéniens revêtent leur lourde armure d’hoplite et marchent vers cette plaine du nord de l’Attique pour repousser l’in-vasion perse. Ils sont victorieux, les Perses rebroussent chemin.

Marathon acquiert immédiatement une grande importance dans le monde grec. Et, lorsque le monde moderne s’approprie la culture grecque antique et en vient à s’y identifier, Marathon devient une bataille de l’histoire européenne, voire de l’Occident. En 2010, des chercheurs d’Europe et d’Amérique ont célébré les deux mille cinq cents ans de la bataille en organisant des conférences, colloques et ateliers. Leur but était de « célébrer ce qui est, de toute évidence, un moment clé non seulement dans l’histoire grecque mais aussi européenne ».

L A B A T A I L L E D E M A R A T H O N D ’ A P R È S H É R O D O T E

L’Enquête d’Hérodote est notre source principale sur la bataille de Marathon. Celui qu’on appelle le « père de l’histoire » la rédige en 445 av. J.-C., soit près de cinquante ans après les événements. Il y relate avant tout une histoire militaire et Marathon devient ainsi la première bataille entièrement documentée.

En 490 av. J.-C., les Perses lancent une campagne contre Athènes venue en aide, aux côtés des Érétriens, aux cités grecques d’Ionie – région située dans la partie occidentale du puissant Empire perse, dans la Turquie actuelle. La révolte ionienne a été un échec,

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mais elle doit être punie. Au cours de l’été, Darius, roi de Perse, ordonne à un corps expéditionnaire de traverser la mer Égée pour se venger : la flotte perse met Érétrie à sac avant de se diriger vers la plaine de Marathon.

Le choix de ce lieu est stratégique : plaine du nord de l’Attique, Marathon est facilement accessible par la mer depuis Érétrie. En outre, les Perses sont conduits par Hippias, tyran d’Athènes exilé et réfugié à la cour de Darius, lequel a conservé des contacts et de la famille dans la région.

Lorsqu’ils apprennent la destruction d’Érétrie et le débarquement des Perses à Mara-thon, les Athéniens ont plusieurs options. La première consisterait à collaborer avec les Perses – que les Grecs continuent d’appeler « Mèdes » –, c’est-à-dire à « médiser », et ainsi sauver leurs vies et leur cité. En effet, les Mèdes sont culturellement très proches des Perses qu’ils avaient soumis, avant d’être à leur tour vaincus par le roi Cyrus le Grand qui unit les deux peuples et fonde le premier Empire perse en 539 av. J.-C., à la suite de la conquête de Babylone.

Athènes ne serait pas la première cité-État à se soumettre à la domination perse : Thèbes et Paros l’ont fait avant elle. En effet, non seulement les Grecs sont fréquem-ment divisés, mais ils viennent aussi plus souvent en aide aux Perses qu’ils ne leur résistent. Ils pourraient sinon se battre. Ici encore, deux options s’offrent à eux : se préparer à un siège d’Athènes ou se rendre à Marathon pour y affronter les Perses et défendre les étroits passages qui permettent de rejoindre leur cité.

Miltiade le Jeune, l’un des dix généraux de l’armée athénienne, persuade l’assem-blée de lancer une offensive à Marathon. Une fois sur place, et après cinq jours sans progression, les généraux indécis et divisés procèdent à un vote : cinq d’entre eux se prononcent en faveur d’une retraite, nous dit Hérodote, « parce qu’ils [sont] en trop petit nombre » en comparaison des Perses. Miltiade, soutenu par les quatre autres généraux, souhaite engager le combat et cherche alors à convaincre Callimaque le Polémarque (le « chef des armées »), dont le vote est devenu crucial :

Callimaque, lui dit-il, le sort d’Athènes est actuellement entre vos mains ; il dépend de vous de la mettre dans les fers, ou d’assurer sa liberté en acquérant une gloire immortelle, et telle que n’en a jamais approché celle d’Harmodius et d’Aristogiton. Les Athéniens n’ont jamais couru un si grand danger depuis la fondation de leur cité. S’ils succombent sous la puissance des Mèdes, livrés à Hippias, leur supplice est résolu ; s’ils sont victorieux, cette cité pourra devenir la première de la Grèce.

Quoique les forces athéniennes soient bien plus limitées et les troupes bien moins nombreuses que celles des Perses, Callimaque prend le parti de Miltiade. Hérodote estime l’armée perse à 300 000 hommes contre 9 000 dans les rangs athéniens, renforcés par 1 000 hoplites envoyés par la cité de Platées (les estimations actuelles tendent vers 10 000 hoplites athéniens et 1 000 Platéens face à 20 000 Perses). Prétextant qu’une loi

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religieuse leur interdit toute opération militaire avant la pleine lune, laquelle intervenant six jours plus tard, aucun Spartiate ne rejoint le rang des Athéniens.

Résolu à ne pas attendre l’aide de Sparte, Miltiade met au point la tactique qui mènera les Athéniens à la victoire. Il dispose ses hoplites en phalanges : des formations serrées de fantassins lourdement armés d’un casque de bronze, d’une armure, d’une cuirasse, de jambières, d’un grand bouclier rond, d’une épée et d’une lance d’environ deux mètres, qui avancent à pied. Aucun lanceur de pierres, aucun cavalier, aucun archer, aucune sorte de soldats d’infanterie légère n’est employé. Ayant dans le passé combattu les Perses, Miltiade sait qu’il est courant pour eux, comme le notent les historiens du fait militaire, de placer le commandant avec ses troupes d’élite au milieu de la ligne de bataille. Sa tactique consiste donc à renforcer les ailes de sa propre ligne et à en alléger le centre afin d’attaquer et de fragiliser les deux flancs perses. Le général espère ainsi affaiblir le centre et éviter l’attaque frontale.

Marathon

Plaine de Marathon

Flotteperse

Arméeperse

Arméegrecque

Baie deMarathon

Baie deMarathon

Golfe Saronique

Marathon

Athènes

Grèce

2,5 km

N

La bataille de Marathon, 490 av. J.–C.

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Les troupes perses sont quant à elles principalement composées d’archers à l’ar-mure légère, connus pour leur redoutable précision de tir. Hérodote nous informe en outre que, ce jour-là, l’armée perse est « khoris hippeis » : dépourvue de cavalerie, l’ayant probablement laissée avec ses bateaux, sans qu’on puisse le confirmer.

Difficile de savoir qui attaque en premier. Mais quand les Athéniens et les Platéens arrivent à portée de tir des archers perses, ils se mettent à courir au cri de « Eleleu ! Eleleu ! » :

Les Perses, les voyant accourir, se disposèrent à les recevoir ; mais remarquant que, malgré leur petit nombre et le défaut de cavalerie et de gens de trait, ils se pressaient dans leur marche, ils les prirent pour des insensés qui couraient à une mort certaine.

Les ailes renforcées de l’armée grecque brisent les flancs de l’armée perse et la repoussent jusqu’aux « bords de la mer ». D’après Hérodote toujours, « il périt à la journée de Marathon environ 6 400 hommes du côté des barbares, et 192 de celui des Athéniens ».

Ainsi, après avoir subi de lourdes pertes, les Perses rembarquent sur leurs navires, contournent le cap Sounion et se dirigent vers le port de Phalère, sur la côte sud de l’Attique, pour attaquer Athènes, où seuls restent les femmes, les enfants et les vieillards. Cependant, au même moment, toute l’armée grecque parcourt les quarante-deux kilo-mètres qui séparent Marathon d’Athènes ; quand les Perses les voient prêts à défendre la cité, la surprise aurait été si grande que, d’après Hérodote, « ils repr[ennent] la route d’Asie ».

L A S I G N I F I C A T I O N D E L A B A T A I L L E

Dans la version perse de l’événement, Marathon n’est qu’« une escarmouche insi-gnifiante sur une plage ». En 1982, l’historien iranien Abdollah Razi affirme à son tour que l’importance de Marathon a été exagérée par les Grecs, ce que soutient également Abdul Hossein Zarinkoub, un autre historien iranien moderne, selon lequel les Perses n’ont pas été vaincus à Marathon, mais ont simplement été forcés de se retirer. Ajoutant que si nombre d’entre eux sont morts, aucun ne fut fait prisonnier.

À l’inverse, Marathon a une grande importance dans l’histoire athénienne. Miltiade l’avait prédit, cette bataille devait être le socle de la liberté et de la gloire d’Athènes qui deviendrait « la première [cité] de la Grèce ». Pour les Athéniens, leur victoire écrasante à Marathon n’est qu’un début : les Perses reviennent dix ans plus tard, menés par Xerxès, pour se venger (événement rapporté dans Les Perses d’Eschyle). Marathon est donc la première d’une série de batailles engagées par des cités-États libres menées par Athènes et Sparte contre les Perses, connue sous le nom de « guerres médiques », et qui s’achève par la victoire des Grecs à Platées, en 479 av. J.-C.

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En outre, à Marathon, les Athéniens ne vainquent pas seulement les Perses, mais aussi la peur grecque de l’Empire perse, et prouvent que les forces perses ne sont pas invincibles.

Marathon est également présentée comme une victoire tactique. À l’initiative de Miltiade, cette bataille est la première pour laquelle une armée grecque ne mobilise que des hoplites disposés de manière à charger l’armée adverse. Le rôle crucial que joue Miltiade à Mara-thon est reconnu par les Athéniens en paroles et en actes. Il est honoré par de magnifiques œuvres d’art exposées au public : à Delphes et à Athènes, des statues et des peintures relatant sa victoire deviennent des lieux de mémoire à sa gloire et à celle de sa cité.

Enfin, la célèbre charge face aux Perses représente un exploit surhumain et particuliè-rement courageux – puisque, faut-il de nouveau souligner, elle est faite en courant – au

D’après des historiens iraniens modernes, la victoire grecque est une exagération, sinon un mythe grec, illustré par exemple dans ce relief romain du iie siècle av. J.-C. représentant la phase finale de la bataille.

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regard de la disproportion de taille et de puissance des deux armées (même si, comme nous l’avons remarqué plus tôt, les historiens modernes se montrent plutôt sceptiques sur ces chiffres). Le statut spécial accordé à cette victoire est par ailleurs confirmé dans le fait que, contrairement à leur habitude, les Athéniens enterrent leurs morts sur le site de la bataille plutôt qu’au cimetière public. Le site lui-même occupe ainsi une place unique dans la conscience collective.

L’influence de la bataille de Marathon sur la politique athénienne est évidente, notamment dans la construction du mythe. Athènes prétend que Marathon est une victoire exclusivement athénienne, ignorant les renforts (certes peu nombreux) de Platées. Selon Hérodote, les Athéniens affirment avoir vaincu, « à eux seuls », « quarante-six nations » à Marathon – celles qui formaient l’armée perse. Aussi les Athéniens revendiquent-ils non seulement le titre de sauveurs de leur propre cité, mais aussi de la Grèce tout entière.

Les Athéniens en viennent ainsi à se percevoir comme une grande force militaire, capable de diriger la Grèce et légitimée à le faire. Confortée par la victoire de Salamine en 480 av. J.-C., Marathon justifie leurs prétentions à l’hégémonie sur les autres cités-États grecques. En 478 av. J.-C., cette position dominante est pour un temps établie par la formation de la ligue de Délos, une confédération de cités-États dirigée par Athènes.

D’après Platon, dans son dialogue socratique le Ménexène, les Athéniens deviennent par la suite les didaskaloi (professeurs) du reste de la Grèce. Marathon est à l’origine de leur patriotisme, lequel est érigé en vertu athénienne : combattre pour la liberté de son pays au lieu de « médiser » devient un exemple à suivre pour les générations suivantes, à Athènes comme dans le reste de la Grèce. Mieux encore, note Hérodote, Marathon prouve la supériorité des Grecs sur les barbares.

De manière tout aussi importante, la bataille est un triomphe d’hoplites au sens politique du terme : l’armée des Athéniens est une armée d’hommes libres, de citoyens (tout citoyen étant soldat). Elle sera considérée comme une armée très différente de celle des Perses, dont les soldats sont des sujets, forcés de se battre pour leur despote.

Marathon entre dans la mémoire collective grecque par l’écrit, mais aussi par de grandes œuvres d’art édifiées sur le domaine public. Celles-ci transforment la cité et le champ de bataille en des lieux de mémoire de la gloire athénienne. Dans les années suivantes, on crée des monuments commémorant Marathon à Athènes et dans les lieux panhelléniques de Grèce, tels Delphes et Olympie. Probablement dans les années 460 et 450, la cité d’Athènes commande un monument pour Marathon à Delphes, aujourd’hui perdu. Un édifice luxueux en bronze, composé d’une base gravée portant à l’origine treize statues dont celles d’Athéna, d’Apollon et de Miltiade, est semble-t-il réalisé par le sculpteur athénien Phidias. Sur le site de la bataille, parmi les monuments que les Athéniens érigent, on trouve un trophée de marbre blanc et

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le tumulus faisant office de sépulture pour leurs victimes. Cependant, le monument le plus grandiose dédié à la bataille se trouve sur l’acropole d’Athènes. Le Parthénon, édifice consacré à Athéna Parthénos, et les autres bâtiments qui composent le sanc-tuaire, la basse cité et la campagne qui l’entoure, sont construits par Périclès à la suite des guerres médiques, dans les années 440 et 430 av. J.-C. Le programme architectural de Périclès, qui apporte un renouveau des arts et affirme la puissance, la gloire et la prospérité d’Athènes, remonte à Marathon. Il inclut par exemple un monument à la mémoire de Callimaque le Polémarque, tombé lors de la bataille. Ces œuvres de commémoration, et bien d’autres encore, ne sont pas seulement des manifestations de pratiques religieuses grecques (des offrandes venant d’individus ou de cités, aux dieux qui les ont aidés au combat), mais participent à la création et à la propagation de récits ou de mythes de puissance et d’exploits personnels et civiques – ceux de Miltiade et d’Athènes.

La légende de Marathon n’est pas limitée à la culture grecque ni ne disparaît avec le monde antique. Dans l’Occident moderne, Marathon acquiert en effet une impor-tance cruciale, en particulier à partir du xviiie siècle. La bataille prend des proportions inédites quand les intellectuels occidentaux modernes la repensent comme un des mythes fondateurs de l’Europe.

Hérodote discernait déjà un lien direct entre l’Europe et la Grèce : « En effet, les Perses considèrent que l’Asie et tous les peuples barbares qui l’habitent leur appar-tiennent, tandis que l’Europe et les peuples grecs sont pour eux un monde distinct. » L’opinion européenne n’a que peu changé à ce sujet : Marathon aurait contribué à préserver les divisions culturelles entre l’Europe et l’Asie. Dans la pensée occidentale moderne, Marathon devient ainsi le point de départ d’un récit dont l’apogée est l’« âge d’or » de Périclès, Phidias, Platon, Aristote et des grands dramaturges. Les penseurs occi-dentaux croient reconnaître dans cette ère de créativité politique, artistique, littéraire et philosophique, les racines de leur propre civilisation européenne. Eduard Meyer, illustre historien allemand de l’Antiquité et auteur d’une monumentale Histoire de l’Antiquité publiée en 1884, souligne par exemple l’importance historique des guerres médiques pour le monde occidental, lesquelles, si elles ne sont pas la cause, seraient tout du moins une « pré-condition » au développement de la culture occidentale. Ce qui revient à dire que si l’issue de la bataille de Marathon avait été autre, un développement culturel différent aurait eu lieu : pour Meyer, une victoire des Perses aurait mené au développement d’une culture religieuse et théocratique employée autant que possible

Pages suivantes.Cette illustration de Richard Hook popularise en 2002 la victoire des Athéniens et Platéens contre l’armée perse de Darius Ier. Pour les nations modernes européennes, Marathon a servi de modèle de résistance de la démocratie face à la tyrannie, ou d’opposition Occident-Orient

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BATAILLESUne histoire des grands mythes nationaux

« Waterloo, morne plaine », « Marignan 1515 », « Alésia ? Connais pas Alésia ! »… Au Panthéon des batailles, certaines sont devenues de véritables lieux de la mémoire européenne, soulignant que le fait guerrier est la chose la mieux partagée de notre continent. Cependant, seuls quelques affrontements ont acquis une dimension véritablement mythique. Dès lors, du champ de bataille encore fumant, puis des arts et jusqu’aux manuels scolaires, jaillissent emblèmes et légendes. Ces interprétations de l’événement historique viennent nourrir un récit national et un imaginaire.

À travers un choix de batailles – « incontournables » ou moins connues du public français mais fondamentales pour les nations concernées –, deux mille ans d’histoire du continent européen se révèlent. Après le récit des combats, les auteurs, spécialistes internationalement reconnus, identifient les enjeux – reli-gieux, culturels, politiques ou encore stratégiques – de batailles qui sont restées jusqu’à nos jours des monuments de l’histoire européenne.

Isabelle DavIon est maîtresse de conférences à Sorbonne Université, et inter-vient également à Saint-Cyr-Coëtquidan et à l’École de guerre. Ses recherches portent sur l’histoire militaire, stratégique et diplomatique du xixe au xxie siècle. Elle a publié récemment, avec le dessinateur Gaétan Nocq, un roman graphique : Le Rapport W. Infiltré à Auschwitz.

béatrIce Heuser est professeure à l’université de Glasgow. Ses travaux s’ins-crivent dans le champ des strategic studies et interrogent l’évolution de la guerre. Elle est l’auteure, entre autres, de Penser la stratégie de l’Antiquité à nos jours et de Brexit in History.

les auteurs : Vincent  Arbarétier, Jochen  Böhler, Jean-Louis  Brunaux, Pierre Cosme, Alan Forrest, Witold Griot, Jirí Hnilica, Catherine Horel, Yann Le Bohec, Athéna Léoussi, Christoph Mauntel, Cédric Michon, François-Xavier Nérard, Klaus Oschema, Claire Sanderson, Éric Sangar, Ksenia Smolovic, Philippe Vial.

ISBN 978-2-410-01696-3

33 € ttc france

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